M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, auteur de la question n° 293, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Serge Mérillou. Monsieur le ministre, Noël approche et, cette année, le foie gras du Périgord – et de bien d’autres régions – se fera malheureusement rare sur les tables. Symbole de l’excellence de notre gastronomie, la filière gras nage en plein cauchemar.
Le 6 décembre, trois nouveaux foyers d’influenza aviaire ont été détectés en Dordogne. Quelque 600 éleveurs du Périgord sont menacés, et avec eux toute une économie basée sur la vente directe ou l’agrotourisme. L’activité des acteurs de la filière périgourdine a été réduite de 60 % du fait de la grippe aviaire, alors que la crise sanitaire avait déjà entraîné une mise à l’arrêt de la production.
Plans de mise à l’abri, de claustration et d’abattage des bêtes… Ces moyens de lutte contre la propagation de l’épidémie sont efficaces, mais ne doivent pas constituer la panacée. Il nous faut un vaccin, et vite !
Face aux pertes colossales engendrées par cette épidémie, nous devons impérativement soutenir la filière. Les éleveurs sont pris à la gorge. Certains n’ont pas encore reçu le solde des abattages d’avril et sont de nouveau contraints de réduire leur nombre d’animaux…
Il y a véritablement urgence. Pourtant, les aides et subventions de l’État ne sont pas à la hauteur. Dépenses de mise aux normes, achat de nouveaux animaux, frais énergétiques en hausse : la filière est plus que jamais fragilisée.
Nous devons aller plus loin dans l’accompagnement des acteurs et dans la prise en charge totale des pertes, et ce dans des délais raisonnables.
Monsieur le ministre, le 7 décembre, vous disiez ici même qu’une partie de la filière aurait disparu sans les aides accordées l’année dernière. Personne ne le conteste. Toutefois, la situation a encore empiré et rien ne présage une embellie. Envisagez-vous de renforcer les aides accordées à la filière ? Avez-vous des précisions à apporter aux éleveurs concernant le vaccin ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Mérillou, merci de votre question, qui nous permet à nouveau de parler de cette filière durement touchée depuis des années et en particulier en 2022, avec des perspectives pour 2023 qui n’engagent pas à l’optimisme.
Tout d’abord, nous avons été obligés de renforcer les mesures de protection, en passant le niveau de risque à élevé sur tout le territoire national, bien que la zone du Sud-Ouest, et plus largement du Grand Ouest, soit particulièrement concernée, afin de pouvoir répondre aux demandes.
Ensuite, nous avons mobilisé des moyens financiers. Vous estimez, monsieur le sénateur, qu’ils ne sont pas à la hauteur… Il me semble qu’un montant de 1,1 milliard d’euros, sur un chiffre d’affaires de presque 7 milliards d’euros, représente tout de même des moyens importants.
Néanmoins, vous avez raison, les éleveurs sont confrontés à un problème de trésorerie, certains d’entre eux étant victimes pour la deuxième fois d’un épisode de grippe aviaire. J’ai donc décidé du versement d’une seconde avance à partir de la mi-janvier 2023, pour les éleveurs qui auront déposé un dossier de demande d’indemnisation avant la fin de l’année.
Nous ferons en sorte d’accélérer le processus pour permettre aux éleveurs de faire face, grâce aux dispositifs qui sont à l’œuvre, aux problèmes de trésorerie, ceux-ci constituant, me semble-t-il, la plus grande urgence.
Ensuite, à une échelle plus globale, nous devons travailler à dédensifier les élevages, comme cela a été fait, dans une partie de la région Sud-Ouest, au travers du plan Adour-Garonne, afin d’être plus résilients face aux épisodes de grippe aviaire. Je salue les travaux qui sont réalisés en ce sens avec la filière dans ce territoire ; ils ont vocation à être élargis au-delà de cette région une fois que nous aurons identifié les mesures à prendre.
Par ailleurs, la vaccination constitue évidemment un élément de réponse. Comme vous le savez, nous avons obtenu, sur ce sujet, de pouvoir mener une expérimentation dans cinq pays d’Europe, dont la France, où elle concerne particulièrement les palmipèdes.
Nous obtiendrons des réponses d’ici à la fin du mois de décembre ou au début du mois de janvier quant à la faisabilité de la vaccination. Ainsi, dès le début de l’année prochaine, je mettrai en place un plan définissant les moyens de déploiement de cette vaccination, afin de donner aux éleveurs des perspectives.
Il faudra également travailler sur les questions d’export, car nous devons nous mettre d’accord avec des pays tiers pour continuer à exporter malgré la vaccination – c’est ce à quoi je me suis employé pas plus tard qu’hier avec la Commission européenne.
augmentation alarmante du coût de l’électricité pour les agriculteurs
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 261, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Martine Filleul. Monsieur le ministre, j’ai été interpellée par les agriculteurs de la commune de Wambaix, dans le département du Nord, qui m’ont exposé la situation alarmante qu’ils connaissent en raison de la hausse des coûts de l’énergie.
En effet, les plants de pommes de terre doivent être conservés dans des bâtiments frigorifiques à une température de 2 degrés, pendant plus de sept mois, avant d’être expédiés aux agriculteurs chargés de les planter.
L’électricité est donc un facteur de production crucial pour la filière. Les contrats arrivent à leur terme et le prix du kilowattheure sera revu fortement à la hausse.
La consommation de ces agriculteurs ne leur permet pas de bénéficier du bouclier tarifaire. Malgré des travaux d’isolation, les factures pourraient atteindre jusqu’à 500 % d’augmentation par rapport à 2021 – j’insiste, 500 % d’augmentation !
L’incapacité des agriculteurs à réfrigérer les plants entraînerait une chute de la production de pommes de terre. Or celle-ci est déjà réduite en raison de la crise du covid, de la multiplication des pucerons et des sécheresses de l’été 2022.
On le sait, le Nord est le premier producteur de ce produit populaire. Il en nourrit d’ailleurs des millions de Français, dont c’est l’aliment préféré. Dans ce seul département, des centaines d’agriculteurs pourraient voir leur production compromise.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour venir en aide à ces producteurs de pommes de terre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Filleul, je vous remercie de votre question. Vous avez raison, votre région est importante, la production de semences de pommes de terre se situant en amont dans la chaîne de production agricole. Les dérèglements climatiques et la question énergétique ont des effets importants sur la filière.
Qu’avons-nous fait jusqu’à présent ?
Tout d’abord, nous avons essayé d’atténuer la hausse des prix de l’énergie, car c’est là le problème principal. Les producteurs de plants de pommes de terre et d’endives – les producteurs d’endives rencontrent des difficultés du même ordre – bénéficient de l’allégement à son minimum légal européen de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) qui leur permet d’accéder à un tarif plus bas que celui du marché général.
Ensuite, le plan de résilience a permis d’abonder dès cette année l’enveloppe des prises en charge des cotisations sociales à hauteur d’environ 60 millions d’euros supplémentaires pour les exploitations confrontées à des hausses de charges significatives.
Par ailleurs, nous travaillons encore actuellement sur des dispositifs complémentaires – Bruno Le Maire et Roland Lescure les ont évoqués – et bien ciblés sur des filières très spécifiques, dont vous avez décrit la saisonnalité des appels d’énergie. Il s’agit de leur permettre de passer ce cap énergétique. Nous réfléchissons à la fois à des mécanismes d’aide et à de nouveaux soutiens de trésorerie, soit des prêts, soit des prêts garantis par l’État (PGE) dans le cadre du PGE Résilience.
Il s’agit là de mesures d’urgence, comme celles que j’ai évoquées précédemment pour la filière du foie gras.
Enfin, comme vous le savez, j’ai lancé un plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes. La filière de la pomme de terre est une filière d’excellence en France. Il faut travailler à améliorer la résilience de ces filières à la fois face aux questions énergétiques – je pense à la décarbonation d’un certain nombre d’entre elles – et au dérèglement climatique, dont on a pu mesurer les effets cette année. Les sécheresses à répétition, en particulier, ont eu de lourds effets sur la production, et pas seulement sur la production de semences.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Monsieur le ministre, vous avez pris un certain nombre de mesures. Vous en annoncez de nouvelles : je m’en réjouis mais il faut les mettre en œuvre le plus rapidement possible, car les agriculteurs ont réellement besoin de votre aide. Notre souveraineté alimentaire est en jeu.
nouveau dispositif des mesures agroenvironnementales et climatiques dans le marais poitevin
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 262, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le ministre, ma question porte sur les futures mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), en cours de finalisation et qui préoccupent les élus deux-sévriens ainsi que les acteurs du Marais poitevin.
Le Marais poitevin, zone humide de 110 000 hectares, est aménagé sur la totalité de sa surface et l’agriculture y occupe une place prépondérante. Les prairies naturelles humides constituent le principal habitat naturel à préserver.
Depuis plus de vingt ans, l’État, les collectivités territoriales, les gestionnaires et les chambres d’agriculture mettent en œuvre une stratégie de reconquête du Marais, l’objectif étant en particulier de préserver les prairies naturelles et de regagner des surfaces.
C’est pourquoi, en complément des moyens mobilisés par le parc naturel régional du Marais poitevin, les mesures agroenvironnementales jouent un rôle central dans la panoplie des outils qui permettent d’atteindre cet objectif.
À compter de 2023, ce dispositif doit faire l’objet d’une révision, qui nourrit l’inquiétude de l’ensemble des acteurs du Marais poitevin, et en premier lieu des agriculteurs.
Recentrés sur la zone humide du Marais, des éleveurs, notamment deux-sévriens, n’auront plus accès aux mesures agroenvironnementales. De plus, la réforme entraînera des lourdeurs administratives en raison de la mise en place de l’obligation de réaliser un diagnostic d’exploitation et d’élaborer un plan de gestion pour chaque parcelle engagée. L’exploitant agricole aura également l’obligation de suivre une formation dans les deux premières années de son contrat et d’enregistrer ses pratiques au fil de l’année.
Les budgets annoncés devraient être inférieurs à ceux qui ont été jusqu’à présent distribués dans le cadre du précédent dispositif. Compte tenu de la réduction des enveloppes, un plafonnement à 15 000 euros sera instauré en Nouvelle-Aquitaine et les plafonnements dans les Pays de la Loire seront probablement revus.
Les diminutions des montants perçus par les éleveurs auront des impacts sur la situation financière des exploitations, sur l’accélération de la diminution du nombre d’éleveurs et sur la gestion des prairies.
Concrètement, les montants des indemnités par hectare vont être revus à la baisse.
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les mesures que vous entendez prendre afin de préserver cette zone humide ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Le catalogue national des Maec annexé au plan stratégique national (PSN) a été élaboré dans le cadre d’une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes.
Afin d’accompagner les agriculteurs selon leur niveau de performance environnementale initial, ce catalogue comprend plusieurs niveaux de mesures, adaptées à la diversité des contextes économiques, environnementaux et agronomiques des territoires – vous avez décrit les spécificités du vôtre, monsieur le sénateur.
Chaque cahier des charges du catalogue est assorti d’un montant unitaire national, qui permet de compenser les surcoûts et le manque à gagner résultant de la mise en œuvre des obligations prévues – c’est d’ailleurs le principe qui sous-tend ces mesures depuis très longtemps.
Ces montants ont fait l’objet d’une vérification par un organisme extérieur à l’administration, conformément à la réglementation européenne en vigueur.
En particulier, concernant la nouvelle Maec relative au maintien en eau des zones basses de prairies dans les marais, les calculs des surcoûts et du manque à gagner ont abouti à un montant de 216 euros par hectare et par an.
La différence de rémunération entre les mesures similaires dont pouvaient bénéficier jusqu’à présent les éleveurs du Marais poitevin et la nouvelle mesure du PSN provient d’une révision des modalités de calcul, qui prennent en compte les enjeux environnementaux, et seulement eux.
Les surcoûts liés aux pratiques de fertilisation ne sont effectivement plus rémunérés. Néanmoins, avec cette nouvelle méthode de calcul, toutes les surfaces de l’exploitation peuvent faire l’objet d’un engagement dans le cadre des mesures prévues, y compris les surfaces en bandes tampons le long des cours d’eau pour lesquelles il existe une interdiction de fertilisation du fait de la conditionnalité. La baisse du montant unitaire pourra donc être compensée par une augmentation des surfaces engagées des exploitations.
En outre, l’absence de rémunération de l’interdiction de fertilisation permet d’ouvrir la mesure à tout le territoire, y compris en zone vulnérable. Ces différents éléments ont fait l’objet de discussions avec les différentes parties prenantes.
Il convient enfin de noter que le cumul entre la Maec relative au maintien en eau des zones basses de prairies dans les marais et la Maec relative à la protection des espèces a été rendu possible à l’échelle de l’exploitation, mais aussi de la parcelle, ce qui permettra d’assurer une rémunération complémentaire aux agriculteurs.
J’ai bien pris note de votre remarque sur les éventuelles lourdeurs administratives, monsieur le sénateur. Je suis prêt à travailler sur ce sujet avec vous dans le cadre du déploiement de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027.
Il n’est pas anormal, reconnaissons-le, que des éléments permettant d’attester que les mesures sur lesquelles l’agriculteur s’est engagé sont bien mises en œuvre, mais il faut veiller à alléger autant que possible les procédures administratives. On sait qu’il s’agit là d’un élément sensible pour les agriculteurs.
fiscalité applicable à l’intervention de tiers de confiance essentiels dans la mise en œuvre de l’accueil familial
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la question n° 285, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Catherine Deroche. Ma question porte sur la clarification du régime fiscal applicable à la solution adaptée et sécurisée de prise en charge des personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient âgées et/ou en situation de handicap, qu’est l’accueil familial.
Selon la doctrine fiscale, les personnes contraintes de recourir à l’accueil familial bénéficient du maintien d’avantages fiscaux auxquels elles auraient eu droit, le cas échéant, si elles étaient restées chez elles en ayant recours à une aide à domicile.
Dans cette dernière hypothèse, les bénéficiaires ont droit à de nombreuses aides financières et les frais résultant de l’intervention d’un service d’aide à domicile ouvrent droit à un crédit d’impôt. Or ni la loi ni la doctrine ne précisent explicitement si le recours, par un bénéficiaire, à un organisme tiers permettant la coordination et la mise en œuvre d’un séjour en accueil familial, aux côtés des conseils départementaux, ouvre droit lui aussi à un crédit d’impôt.
Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice, je vous remercie pour cette question qui attire l’attention sur le soutien apporté par l’État aux familles en cas de perte d’autonomie de leurs proches.
Vous sollicitez en particulier une clarification publique de l’éligibilité au crédit d’impôt « services à la personne » (Cisap) des dépenses liées à ce que l’on appelle l’accueil familial.
L’accueil familial permet à une personne âgée ou handicapée d’être accueillie au domicile d’une personne rémunérée pour cette prestation. La personne hébergée signe avec l’accueillant familial un contrat qui fixe les conditions matérielles, humaines et financières de l’accueil. Le coût de l’accueil comprend différentes charges supportées par l’accueillant, comme la préparation des repas ou le repassage, ainsi que la rémunération de ce dernier. Comme vous le soulignez, ces prestations entrent pleinement dans le champ du crédit d’impôt.
En effet, afin de ne pas désavantager les personnes contraintes de recourir à l’accueil familial, ces dernières bénéficient du maintien des avantages fiscaux auxquels elles auraient eu droit, le cas échéant, si elles étaient restées chez elles en ayant recours à une aide à domicile. Elles sont ainsi éligibles au Cisap.
Concrètement, lorsque la pièce d’habitation au sein de la famille d’accueil constitue la résidence principale ou secondaire du bénéficiaire du crédit d’impôt, la rémunération de l’accueillant ouvre droit au Cisap.
La question que vous posez renvoie à une situation particulière, qui est celle des dépenses de coordination et d’intermédiation. Les activités visées peuvent être assurées par des plateformes de services à la personne, les groupements d’employeurs exclusivement dédiés aux services à la personne ou les unions et fédérations d’associations.
Comme cela est confirmé dans la circulaire du 11 avril 2019 relative à la déclaration et à l’agrément des organismes de services à la personne, les dépenses engagées en vue de financer les activités qui concourent directement et exclusivement à coordonner et à délivrer des services à la personne et qui sont rendues à la résidence du contribuable peuvent ouvrir droit au crédit d’impôt.
Par conséquent, je vous confirme que cette règle vaut également en cas d’accueil familial.
Les dépenses engagées au titre du recours à un organisme tiers permettant la coordination et la mise en œuvre de la délivrance de services à la personne éligibles au crédit d’impôt, dans le cadre d’un séjour en accueil familial, ouvrent elles-mêmes droit au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, toutes autres conditions relatives au Cisap étant supposées être remplies.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Je vous remercie de cette clarification, monsieur le ministre.
Alors que l’on attend la loi Grand Âge et que l’on sait qu’il est nécessaire de proposer un large éventail de solutions d’accueil pour les personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap, l’accueil familial a toute sa place. Lors d’un récent débat sur la fin de vie, on a vu combien les accueillants de personnes âgées étaient importants.
conséquences de la dissolution de novarhéna
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 209, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Christian Klinger. Cette question, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, porte sur les conséquences de la dissolution de Novarhéna.
Novarhéna devait être un outil de « projet de territoire », lancé en grande pompe par le ministre de la transition écologique de l’époque et annoncé comme étant « la référence à l’échelle européenne en matière d’économie bas-carbone ». Était prévue la création d’un espace frontalier favorable aux entreprises françaises et allemandes, qui devait entraîner un volume d’affaires de 130 millions d’euros. Par ailleurs, une extension du port rhénan avait également été envisagée. Enfin, une nouvelle zone industrielle devait être créée.
Cette société devait donc être « la » locomotive de la reconversion du territoire de Fessenheim. Ce sera surtout un fiasco, qui aura coûté au passage un demi-million d’euros. Novarhéna devait permettre de remplacer les emplois détruits à la suite de la fermeture de Fessenheim. Nous ne connaîtrons malheureusement que des désillusions, car Novarhéna a été dissoute au mois d’octobre dernier.
Aujourd’hui, on sait que la fermeture de Fessenheim était une décision politique et idéologique, mais surtout une erreur alors que la centrale était sûre, rentable et qu’elle faisait vivre plus de 2 000 foyers.
Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique, avait annoncé que le Gouvernement « serait au rendez-vous au moment où l’arrêt de la centrale aura vraiment un impact ». Le rendez-vous est arrivé…
Monsieur le ministre, à quoi a servi ce demi-million d’euros ? Qu’envisagez-vous de faire pour recréer les 2 000 emplois perdus ? Quels projets sont envisagés pour ce territoire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Klinger, le fonctionnement de la centrale de Fessenheim a joué un rôle important pendant quarante ans dans l’économie et la vie du territoire.
L’annonce de la fermeture de la centrale a conduit à une remise en question profonde du modèle économique et social sur lequel le développement du territoire s’est appuyé ces dernières décennies. Le développement d’activités tournées vers l’industrie du futur, l’innovation, les énergies, la culture et l’agriculture constitue une réelle opportunité pour le Haut-Rhin.
Conformément à son ambition, l’État s’est engagé dans un projet de territoire pour accompagner la reconversion du territoire, améliorer sa desserte et en faire un modèle de transition et d’innovation. C’est dans ce cadre que la société d’économie mixte (SEM) Novarhéna a été créée en 2019, simultanément à la signature du projet de territoire.
Ce dernier a déjà donné lieu à de nombreuses concrétisations. Je pense à des projets photovoltaïques locaux et de méthanisation, à l’extension du port Colmar/Neuf-Brisach, dans lequel l’État est investisseur, ou au début du chantier d’aménagement de la zone d’activité de Novarhéna.
C’est précisément au regard de l’ambition que nous avons pour le territoire de Fessenheim que la décision de dissolution de la SEM a été prise, compte tenu de la faible surface auquel elle pouvait candidater. Cette décision ne remet nullement en cause le projet de territoire.
En effet, de nombreux autres projets sont à l’étude. Ils traduisent notre ambition constante pour l’avenir du territoire de Fessenheim, d’abord dans le domaine des transports. Je pense à la rénovation de la ligne de fret Colmar-Volgelsheim, au renforcement de la plateforme d’accélération vers l’industrie du futur du Centre technique des industries mécaniques (Cetim), à la ligne ferroviaire de voyageurs Colmar-Fribourg et à la reconstruction du dernier pont sur le Rhin, détruit lors de la Seconde Guerre mondiale. Cette ambition se traduit ensuite dans le secteur de l’énergie et de l’industrie, comme en témoigne le projet de technocentre porté par EDF.
Ce projet, conçu par EDF et Orano, permet, vous le savez, d’envisager le renforcement d’une économie circulaire au sein de la filière nucléaire. Il s’inscrit d’ailleurs bien dans la stratégie du Gouvernement en faveur de la filière nucléaire française, des moyens financiers importants ayant été engagés dans le cadre d’abord du plan de relance, puis du plan France 2030.
Innovation, reconversion : c’est notre défi collectif pour le territoire de Fessenheim, emblème des enjeux territoriaux de la transition écologique.
Je veux le dire ici : les perspectives économiques du territoire sont réelles et enthousiasmantes. Elles permettront au territoire de se diversifier tout en s’appuyant sur sa riche histoire dans le nucléaire. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier.
M. le président. Je vous rappelle que vous disposez de deux minutes pour répondre à la question, monsieur le ministre délégué.
La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Ce qui manque, ce sont des réalisations concrètes pour compenser les conséquences de l’arrêt de la centrale de Fessenheim, qui était le poumon économique du territoire.
Je rappelle que cette centrale permettait de produire 1 800 mégawatts d’énergie bas-carbone. Or nous importons actuellement 2 600 mégawatts de Grande-Bretagne, 2 200 d’Espagne et 5 800 d’Allemagne, fabriqués à partir de charbon et de gaz. Nous avons vraiment perdu au change !
J’ajoute enfin que la pollution atmosphérique a été multipliée par huit à la suite de la remise en service des centrales électriques au charbon.
utilisation abusive de la location-gérance et droits des salariés
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 275, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, ma question porte sur les effets possibles et redoutés du système de location-gérance mis en place par le groupe Carrefour et les risques que cette externalisation fait peser sur les salariés et sur leurs droits.
Dans le département des Côtes-d’Armor, Carrefour envisage de confier la gestion de son hypermarché de Langueux, près de Saint-Brieuc, à une entreprise tierce dans le cadre d’une location-gérance. Ce serait également le cas du site de Guingamp, le site de Paimpol étant déjà passé sous ce statut. À Trégueux, 230 salariés sont concernés et inquiets.
Les exemples se multiplient : en 2023, la direction de Carrefour prévoit de faire passer 41 magasins, dont 16 hypermarchés, en location-gérance.
La location-gérance permet au groupe Carrefour d’externaliser les salariés de ses magasins et donc de ne pas payer les salaires dans les mêmes conditions, tout en gardant la maîtrise sur l’enseigne, l’activité et les profits.
Il s’agit d’un système intéressant pour les dirigeants de Carrefour et ses actionnaires, mais beaucoup moins pour les salariés. Ces derniers ne pourront plus bénéficier des avantages sociaux de l’entreprise mère, ce qui entraînera leur précarisation, car ils ne seront plus protégés par la convention collective.
Alors que le groupe a présenté au mois de novembre son plan stratégique « Carrefour 2026 », qui doit notamment permettre de réaliser 4 milliards d’euros d’économies d’ici à quatre ans, Carrefour se veut rassurant en indiquant qu’aucune décision n’a encore été prise. Il rappelle que cette stratégie engagée depuis quelques années, qui consiste à passer en location-gérance des magasins déficitaires, permet d’éviter leur fermeture et donc des conséquences dommageables pour l’emploi.
De notre côté, nous sommes inquiets face au risque de casse sociale et de perte d’acquis sociaux pour ces salariés, et ce alors que la situation de Carrefour est positive, si l’on en juge par ses résultats et la rétribution des actionnaires.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il d’encadrer le système de location-gérance afin d’éviter que des entreprises comme Carrefour n’en abusent, au détriment des salariés et de leurs droits ?