Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Avec cet article 7, nous sommes au cœur du réacteur, ou du cheval de Troie.
L’expérimentation de la vidéoprotection augmentée soulève d’innombrables questions : juridiques, sur le respect des libertés et des droits fondamentaux des personnes ; technologiques et industrielles, sur la souveraineté réelle dans la phase de développement des traitements et sur les assurances pour en limiter les biais ; sociétales et politiques, sur la société vers laquelle nous tendons dès lors que l’anonymat public est levé et que la surveillance est globalisée.
Avons-nous collectivement conscience des implications d’un tel renversement ? Y souscrivons-nous ? Quelles garanties établissons-nous pour nous prémunir d’éventuelles fuites en avant ? Si l’argument utilitariste peut apparaître fondé au regard des menaces sécuritaires, il ne répond nullement à ces questions, qui concernent pourtant notre cadre commun d’existence.
Si une telle solution technologique, qui complète un arsenal sécuritaire déjà fourni, limite le risque, elle ne l’efface pas. En d’autres termes, jusqu’où sommes prêts à rogner sur notre liberté pour préserver au maximum notre sécurité ?
L’article 7 témoigne de cette recherche d’un équilibre particulièrement délicat à trouver. À cet égard, je salue le travail de la commission des lois pour mieux encadrer le dispositif, comme le recommandait la Cnil.
Toutefois, certains points mériteraient d’être éclaircis et pourront, je l’espère, faire l’objet d’améliorations.
D’abord, si la durée de l’expérimentation répond à la multiplication des risques sécuritaires pendant les jeux Olympiques et Paralympiques, pourquoi avoir choisi de la prolonger jusqu’au 30 juin 2025, soit un an après la fin de l’événement ?
Ensuite, l’évaluation de l’expérimentation, compte tenu de son importance dans la perspective d’une éventuelle généralisation, doit présenter toutes les garanties d’indépendance qu’il est légitime d’attendre.
Enfin, les conséquences financières sur les collectivités territoriales et les organisateurs des manifestations sont, à ce jour, inconnues, l’étude d’impact étant muette sur le sujet.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Sylvie Robert. J’aimerais savoir pourquoi le Gouvernement a élargi le périmètre de l’expérimentation aux manifestations culturelles et récréatives alors que le texte concernait initialement uniquement les jeux Olympiques et Paralympiques. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Quelles sont ses motivations ?
Mme Catherine Deroche. Il y a un temps de parole imparti !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, sur l’article.
M. Philippe Tabarot. J’ai souhaité prendre la parole sur l’article 7 pour vous faire part de ma déception.
Nous examinons les articles du chapitre III, relatif aux dispositions visant à « mieux garantir la sécurité ». Or, apparemment, nous ne pouvons parler que de vidéoprotection et de traitement d’algorithmes… L’ensemble de nos amendements visant à renforcer la sécurité dans les transports ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. En d’autres termes, oui au renforcement de la sécurité, mais pas dans les transports !
Je ne peux pas m’en satisfaire. Entre 2021 et 2022, les vols et violences dans les transports en commun ont augmenté. Et je n’évoque même pas le fiasco du Stade de France.
Nous devons muscler le continuum de sécurité pour enrayer les incivilités, la violence et l’insécurité qui règnent dans nos transports. C’était là tout le sens de nos amendements.
Car on ne donne pas suffisamment de moyens aux acteurs de la sécurité dans les transports. Lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, le ministre de l’intérieur s’était engagé à renforcer le continuum de sécurité. La lecture restreinte du projet de loi montre que nous en sommes encore loin.
J’espère que les prochains textes, notamment d’initiative parlementaire, permettront que la peur change enfin de camp ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 47 est présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 63 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 47.
M. Pierre Ouzoulias. Soyons clairs : du point de vue du droit, l’article 7 instaure un dispositif dérogatoire au règlement général sur la protection des données (RGPD), alors que la France était jusqu’à présent en pointe en la matière en Europe. Là, nous reculons, en particulier au regard des principes posés à l’article 23 du RGPD.
La Cnil, qui a réalisé un travail très important sur les caméras augmentées et les vidéos augmentées, a rendu son avis le 19 juillet 2022. Pour elle, compte tenu du RGPD et de plusieurs dispositions de défense des libertés individuelles en France, ces vidéos ne pourraient être autorisées qu’à la condition d’« intégrer des mesures permettant la suppression quasi immédiate des images sources ou la production d’informations anonymes ».
Or ce que vous nous proposez dans ce texte se limite à l’information du public. Vous ne permettez en aucun cas aux personnes qui seraient filmées de disposer d’un droit de recours ou d’opposition. Or, pour la Cnil, c’était un objectif essentiel, qu’elle souhaitait même voir garanti par une loi spécifique.
Chers collègues, ayez bien conscience que vous êtes en train de détricoter tout doucement le RGPD, quand il aurait fallu adopter une loi pour définir les droits des personnes.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 63.
M. Thomas Dossus. Comme je l’ai déjà longuement évoqué en défendant ma motion tendant à opposer la question préalable, nous sommes face à un cavalier législatif, voire à un cheval de Troie, visant à nous faire passer un cap dans la société de surveillance globale.
Les jeux Olympiques et Paralympiques ne sont ici qu’un prétexte pour jouer aux apprentis sorciers avec ces algorithmes de surveillance. Nous savons à quel point le marché est énorme. En l’occurrence, il s’agit plus d’une aubaine pour les industriels du secteur que d’une véritable attention portée à l’ordre public.
Si c’était l’ordre public qui nous intéressait, nous n’expérimenterions pas des technologies qui ne sont absolument pas matures.
Mme la ministre des sports nous a affirmé que l’objectif était d’éviter un « nouveau Séoul », en référence au drame ayant fait plus de 150 morts dans un mouvement de foule le soir d’Halloween, au mois d’octobre 2022. Mais sachez, chers collègues, que la Corée du Sud expérimente les caméras augmentées depuis 2020. Or cela n’a pas empêché ce drame absolu, qui devait donc bien avoir d’autres causes.
Nous nous exposons par ailleurs à un risque opérationnel : si le système noie les forces de l’ordre sous une multiplication de faux positifs de notifications d’aide à la décision, cela met en danger le bon déroulement de l’événement.
Or nous profitons de cette manifestation exceptionnelle pour franchir un cap, par une loi d’exception visant à pérenniser des dispositions portant un coup de canif supplémentaire dans nos libertés publiques. Du reste, cela n’a rien d’inhabituel : à Rio en 2016 comme à Tokyo en 2020, les gouvernements concernés ont profité de l’organisation des JO pour faire passer des lois d’exception et mener des opérations sécuritaires violentes.
La Cnil et le Conseil d’État estiment que le déploiement dans l’espace public des dispositifs prévus par l’article 7 présente incontestablement des risques pour les droits et libertés fondamentaux des personnes. La Cnil juge en outre nécessaire de nous prémunir de tout phénomène d’accoutumance et de banalisation de ces technologies de plus en plus intrusives.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer l’article 7.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. À nos yeux, l’article 7, en introduisant la vidéoprotection intelligente ou les caméras augmentées, met en place une innovation majeure. Cela aidera fortement les forces de l’ordre dans leur prise de décision pour sécuriser les grandes manifestations sportives, culturelles et récréatives, a fortiori dans la perspective des jeux Olympiques.
Nous voyons bien l’utilité d’une telle expérimentation, dont les JO seront un accélérateur, eu égard à la fois au risque terroriste, encore extrêmement fort dans notre pays, et à l’ampleur de cet événement exceptionnel ; je pense en particulier à la cérémonie d’ouverture.
Le dispositif a été encadré par de nombreuses garanties instaurées lors de la réécriture consécutive à la parution des avis du Conseil d’État et de la Cnil.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission des lois a souhaité renforcer encore ces garanties par un contrôle plein et entier de la Cnil, notamment lors de la création des algorithmes dans les fameux « bacs à sable », afin d’éviter les biais que vous évoquez.
Le contrôle humain doit rester permanent pour nous assurer que ces algorithmes pourront détecter et signaler les événements prédéterminés et aideront nos forces de l’ordre à être plus efficaces et plus opérationnelles lors de l’organisation de grandes manifestations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Le dispositif prévu est effectivement novateur. C’est la raison pour laquelle il est engagé de manière expérimentale. L’objectif est de donner au Gouvernement les moyens d’éviter certains incidents.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué ce qui s’est passé à Séoul lors d’Halloween. Nous ne disposons pas d’éléments démontrant qu’un tel dispositif expérimental ait été mis en œuvre dans le cadre de l’événement. Par ailleurs, l’histoire récente comporte d’autres exemples de mouvements de foules n’ayant pas pu être détectés, comme à Turin en 2017 ou à La Mecque en 2015, où plus de 700 personnes sont décédées.
Le dispositif ne comporte pas d’outils incluant des données personnelles, comme la reconnaissance faciale. Le Gouvernement s’est d’ailleurs appuyé pour la rédaction de l’article sur le rapport d’information déposé le 10 mai 2022 par les sénateurs Daubresse, de Belenet et Durain, qui distinguait quatre catégories dans le traitement algorithmique.
Il n’est pas question pour le Gouvernement de s’engager sur la quatrième catégorie, souvent citée en exemple : la reconnaissance faciale. Nous souhaitons simplement nous donner les moyens de détecter, le cas échéant, un mouvement de foule, un colis abandonné ou des armes longues, afin d’assurer la sécurité pendant les grands événements.
La durée de l’expérimentation interroge plusieurs d’entre vous. Pour évaluer le dispositif, le Gouvernement a besoin de le tester sur un nombre suffisant de grands événements. L’idée est donc de nous donner suffisamment de temps pour mener à bien l’évaluation.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Notre groupe votera contre les deux amendements de suppression.
Nous ne sommes pas des fanatiques des nouvelles technologies en matière de surveillance. À cet égard, je me réjouis que la reconnaissance faciale n’ait pas été proposée dans l’hémicycle, car ce texte n’est pas le bon véhicule législatif pour développer la biométrie.
Avec la vidéosurveillance augmentée, intelligente, algorithmique – chacun l’appellera comme il le souhaite –, nous passons effectivement un cap en développant dans notre pays de nouvelles technologies en vue d’un événement exceptionnel. Pour notre part, nous avons fait le choix d’accompagner le mouvement en déposant de très nombreux amendements.
Si le premier travail d’encadrement qui a été produit par la rapporteure Agnès Canayer est déjà très sécurisant et solide, nos amendements visent à le renforcer encore sur plusieurs points : la durée de l’expérimentation ; la qualité de l’information du public ; la déclaration d’intérêt des prestataires extérieurs qui pourraient être appelés à développer ces systèmes ; le périmètre dans lequel ces systèmes pourraient être déployés ; l’effacement des données non pertinentes qui auraient été collectées pour ces systèmes ; l’indépendance des experts, dont nous souhaitons qu’ils remettent un rapport au Parlement.
Ainsi, nous préférons accompagner le développement de la vidéosurveillance augmentée dans de bonnes conditions, avec un bon niveau d’encadrement et dans un périmètre limité, afin d’obtenir de la puissance publique la garantie qu’elle prendra toutes ses responsabilités dans cette expérimentation, faute de quoi nous risquons de voir arriver d’autres technologies à bas bruit, de manière rampante, hors de tout contrôle législatif.
C’est le pari que nous faisons. Le sort qui sera réservé à nos amendements déterminera notre vote sur l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. D’aucuns parlent d’innovations technologiques. Moi, je vois surtout des innovations juridiques qui contribuent à affaiblir l’État de droit ! Cela concerne en premier lieu au droit d’opposition, qui est fondamental. La Cnil vous a alertés sur le sujet dans son analyse, mais le texte n’apporte rien en la matière, si ce n’est une information donnée au public. Le droit d’opposition est absent.
Or cette notion est fondamentale dans la gestion des données numériques. Pour le dire de manière un peu provocatrice, la surveillance à la chinoise, ce n’est vraiment pas notre tasse de thé ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Lorsqu’on met le doigt dans cet engrenage, on ne sait pas où cela prendra fin. Si l’État de droit et la défense des libertés individuelles deviennent demain un obstacle à l’organisation des grands événements sportifs, seules les dictatures pourront les organiser ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Nous l’avons récemment vu avec la Coupe du monde de football, mais d’autres exemples suivront. Bientôt, les grandes fédérations organiseront leurs événements dans des pays beaucoup moins regardants sur l’État de droit, car, chez nous, il y aura une opposition massive à des mesures en contradiction totale avec certains de nos grands principes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. Depuis quelques minutes, je suis dubitative.
Les épreuves de surf des jeux Olympiques se tiendront à Tahiti, dans une petite commune située à environ deux heures trente en voiture de Papeete. Concrètement, comment comptez-vous faire appliquer de tels dispositifs de sécurité, même à titre expérimental, sous mes cocotiers ? (Rires.)
Vous pouvez rire, mais, alors que nous étions enthousiastes et que nous nous préparions à accueillir à bras ouverts les épreuves de surf sur notre territoire, avec ce que j’entends depuis quelques minutes, je commence à avoir un peu peur.
Si un tel dispositif se déployait aussi chez nous, il y aurait une petite révolution ; les citoyens nous demanderaient ce que nous avons encore voté au Parlement…
Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer un tel dispositif en Polynésie française, où se dérouleront les épreuves de surf ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE.)
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je remercie notre collègue polynésienne de son intervention, qui est très pertinente. Ce qui peut paraître flagrant dans son territoire est également vrai dans les autres.
Comme l’a très bien dit Sylvie Robert, c’est un véritable problème de vision de la société qui se pose. Là, c’est une vision sécuritaire, avec un contrôle par des intelligences artificielles. Big Brother is watching you !
Je comprends la position de Jérôme Durain, qui souhaite accompagner un mouvement expérimental. Mais pour aller où ? Nous ne sommes pas prêts à accompagner un mouvement vers un modèle de société qui ne convient ni à la Polynésie ni aux territoires métropolitains !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 63.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 28 |
Contre | 303 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 68, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
et jusqu’au 30 juin 2025
par les mots :
à compter du 1er juillet et jusqu’au 15 septembre 2024
II. – Alinéa 34, deuxième phrase
1° Remplacer le mot :
avant
par le mot :
après
2° Remplacer la date :
30 juin 2025
par la date :
15 septembre 2024
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. L’article 7 prévoit un traitement algorithmique des données de vidéosurveillance sur une durée limitée, ce qui pose un certain nombre de problèmes en termes de libertés publiques. Dans son avis du 8 décembre 2022, la Cnil estime que ces « outils d’analyse automatisée des images » peuvent « conduire à un traitement massif de données à caractère personnel ». Cela comporte un risque d’atteinte à la vie privée et aux droits fondamentaux.
Cette expérimentation, au-delà de son caractère scandaleux dès lors qu’elle touche à nos libertés publiques, doit, nous dit-on, avoir une durée limitée. Mais qu’en est-il réellement ? Loin d’être une mesure circonscrite aux seuls jeux Olympiques et Paralympiques – c’est ce dont nous sommes censés discuter aujourd’hui –, elle s’étend de la promulgation de la loi jusqu’à un an après la cérémonie de clôture des jeux.
Alors que les jeux durent deux mois, nous nous retrouvons avec une expérimentation qui dure deux ans : cherchez l’erreur ! Voilà qui est révélateur des véritables intentions du Gouvernement : une fuite en avant techno-sécuritaire ! On veut gaver nos algorithmes de données. L’utilisation de ces dispositifs dans le simple cadre des jeux Olympiques et Paralympiques est, en soi, problématique. De tels délais extensifs sont dangereux.
C’est pourquoi nous proposons de ramener l’expérimentation à un cadre temporel plus raisonnable, correspondant à l’intitulé du projet de loi, c’est-à-dire la durée des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 34, deuxième phrase
Remplacer la date :
30 juin 2025
par la date :
30 septembre 2024
II. – Alinéa 34, deuxième phrase
Remplacer le mot :
avant
par le mot :
après
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Comme l’ont expliqué Mme la secrétaire d’État et mon collègue Jérôme Durain, nous sommes dans le cadre d’une expérimentation. Or une expérimentation a nécessairement un début et une fin.
Soyons logiques. Le fait qu’elle doive débuter dès la promulgation de la loi nous permettra d’avoir suffisamment de recul d’ici à l’ouverture des jeux pour, le cas échéant, affiner et formuler des conseils aux fabricants d’algorithmes, comme l’a recommandé la présidente de la Cnil. Mais, et vous l’avez très bien dit, madame la secrétaire d’État, l’expérimentation doit servir à évaluer. Cela suppose donc qu’elle s’arrête à un moment donné. Et, pour nous, ce moment, c’est la fin des jeux Olympiques. Cela nous évitera d’être saisis d’un projet de loi avant de disposer des résultats de l’évaluation, comme plusieurs intervenants en ont émis la crainte. Évaluons d’abord, et nous déciderons d’éventuelles mesures à adopter ensuite.
Tel est l’esprit de cet amendement.
M. Jérôme Durain. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces deux amendements visent à réduire la durée de l’expérimentation relative à la vidéoprotection intelligente.
Le principe d’une expérimentation implique effectivement une limitation dans le temps, mais également une évaluation. Et cette évaluation doit pouvoir être réalisée dans les mêmes conditions que la mise en œuvre de l’expérimentation.
Il est donc important de poursuivre l’expérimentation, certes dans un délai raisonnable, mais au-delà de la durée des jeux Olympiques, afin que les algorithmes puissent continuer à s’entraîner et que nous puissions procéder à l’évaluation.
Par ailleurs, il convient que l’expérimentation dure au-delà de la période d’évaluation pour laisser au Parlement le temps de se prononcer sur l’opportunité de sa pérennisation. À défaut, elle tomberait de fait.
Nous proposons donc que l’expérimentation dure jusqu’au 30 juin 2025, avec remise d’un rapport six mois avant cette date. C’est un bon équilibre.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’attendais avec beaucoup d’intérêt l’explication du Gouvernement. Si vous vous fiez à l’avis de Mme la rapporteure, ce n’est plus la peine d’occuper le banc du Gouvernement. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Qui n’est pas d’accord, mes chers collègues ?
Plus sérieusement, la durée de cette prétendue expérimentation est un point essentiel. C’est ce que beaucoup qualifient de cheval de Troie. Sous prétexte d’expérimentation, vous mettez en place pendant deux ans un dispositif qui n’est pas nécessaire pendant une si longue période.
D’ailleurs, si vous souhaitez entraîner les algorithmes – j’ai compris que c’était l’expression consacrée –, vous aurez tout loisir de le faire cette année, puisque nous accueillons la Coupe du monde de rugby.
Je le précise, nous serons amenés à décider de notre vote sur l’article en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements sur le sujet, même si le travail extrêmement précis de Mme la rapporteure et de la commission a permis d’améliorer et de compléter le texte.
Madame la secrétaire d’État, je suis un esprit simple : encore une fois, je ne comprends pas par quel raisonnement on justifie de poursuivre pendant deux ans une expérimentation pour pouvoir l’évaluer. C’est sur la nécessité de cette prolongation un an après les JO que je souhaite entendre le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, ce que vous nous demandez de voter, c’est un cavalier législatif !
Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner un texte qui prévoit des mesures exceptionnelles pour le bon déroulement des jeux Olympiques. Prolonger l’expérimentation que vous nous proposez au-delà de cet événement relève bien du cavalier législatif, et le Conseil constitutionnel aura sans doute à se prononcer à cet égard.
Si vous souhaitez une loi qui permette, par des procédés algorithmiques, de développer des systèmes de protection et de sécurité, il suffit de déposer un texte spécifique, et nous en débattrons. Mais vous ne pouvez pas utiliser celui qui concerne les jeux Olympiques pour avancer toute votre machinerie sur la gestion algorithmique des populations.
Je vous le redis avec force et solennité, madame la secrétaire d’État : ce qu’il s’agit de défendre, c’est l’acceptabilité sociale des jeux Olympiques. Si nos concitoyens ont le sentiment que l’organisation d’un tel événement est matière à problèmes de circulation, de santé, de transports, de congés et de sécurité, ils refuseront systématiquement les jeux Olympiques, et Paris sera la dernière ville à les organiser. (M. Jean-Claude Requier s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Il nous faut faire preuve d’une grande vigilance s’agissant de cette expérimentation, que d’aucuns ont d’ailleurs qualifiée de changement de paradigme, peut-être même civilisationnel.
Je ne suis pas du tout convaincue par les propos de Mme la rapporteure, pour qui il faut prolonger l’expérimentation pour évaluer et faire s’entraîner les algorithmes.
Je lui pose donc cette question très simple : quelles sont, jusqu’en 2025, les manifestations qui nous permettront d’entraîner ces algorithmes ? La cohérence intellectuelle voudrait que nous fassions l’expérimentation, que nous l’arrêtions juste à la fin des jeux Olympiques, que nous l’évaluions ensuite et qu’en fonction de ce qui en sortira, nous revenions devant le Parlement pour décider de sa généralisation.
Il y a là quelque chose que je ne comprends pas.
Madame la présidente, lorsque je suis intervenue sur l’article 7, vous m’avez à juste titre interrompue, car j’avais dépassé le temps de parole qui m’était imparti. Mais je demandais à Mme la secrétaire d’État pourquoi cette expérimentation était étendue aux manifestations sportives, culturelles et récréatives. J’aimerais obtenir une réponse.
Le milieu culturel n’est pas du tout rassuré par les débats que nous avons eus sur le sujet ; j’ai reçu un certain nombre de messages en ce sens.
Madame la secrétaire d’État, il est important que vous nous apportiez des précisions et des explications.