M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, même s’il faudra peut-être en revoir la rédaction lors de l’examen à l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire.
En effet, vous ne définissez pas ce que seraient les conflits d’intérêts. (M. Jérôme Durain s’étonne.) L’amendement les évoque, mais sans les définir précisément.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il s’agit de conflits d’intérêts…
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous voterons cet amendement.
Je remercie M. le ministre d’avoir en quelques interventions conforté notre point de vue. L’article 7 n’est qu’un cavalier législatif destiné à faire en sorte que nos entreprises reprennent des parts de marché aux entreprises chinoises dans le domaine de la sécurité globale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Dossus, pour la clarté de nos débats, je rappelle qu’il ne peut pas y avoir de cavalier législatif s’agissant du texte initial du Gouvernement. Je le dis pour le Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Requier, Roux et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Corbisez, Guiol et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 22, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, après avis des assemblées délibérantes des collectivités sur le territoire desquelles se déroule la manifestation
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement de ma collègue Maryse Carrère vise à prévoir que la décision du préfet d’autoriser l’utilisation de traitements algorithmiques en matière de vidéosurveillance est prise après avis des assemblées délibérantes locales.
Il s’agit, nous semble-t-il, d’une mesure de bon sens, afin que nos territoires puissent être informés des décisions prises les concernant. Le mécanisme de l’expérimentation est particulièrement intrusif et comporte des risques en matière de protection des données et des droits fondamentaux.
Aussi, il ne paraît pas inapproprié d’associer les collectivités au processus décisionnel. En outre, si l’utilisation du dispositif a vocation à rester assez exceptionnelle, l’ajout de ce simple avis dans la procédure ne devrait pas être insurmontable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le Sénat est très attaché au fait que les collectivités territoriales soient associées aux décisions les concernant et à l’existence d’un dialogue, à nos yeux nécessaire, entre l’État et les collectivités. On l’a vu précédemment concernant l’organisation des manifestations.
Néanmoins, nous pensons qu’en matière de sécurité, en l’occurrence de vidéoprotection intelligente, le dispositif proposé alourdirait inutilement la procédure. En outre, il rendrait difficiles ses déclinaisons opérationnelles dans les territoires.
Enfin, les assemblées délibérantes des collectivités territoriales ne sont pas compétentes en matière de sécurité. Il s’agit d’une compétence du maire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. En complément des excellents arguments de Mme la rapporteure, j’ajoute que des groupements comme la RATP ou la SNCF ne font pas partie des assemblées délibérantes. Cet amendement ne peut donc pas être accepté. Avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Compléter cet alinéa par les mots :
dans les limites mentionnées au I du présent article
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Il nous paraît utile de rappeler que l’arrêté préfectoral autorisant l’emploi du traitement algorithmique à l’occasion d’une manifestation donnée devra en préciser le périmètre tel qu’il est strictement défini au I de l’article 7, à savoir le lieu accueillant la manifestation et ses abords, ainsi que les véhicules et emprises de transport public et les voies les desservant.
Cet amendement vise à assurer la loyauté des traitements algorithmiques dans un objectif de transparence à l’égard du public, ce qui est une condition indispensable pour permettre le déploiement de caméras augmentées dans un climat de confiance à l’égard des autorités publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La précision que cet amendement vise à apporter est utile. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 62, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Supprimer les mots :
ou, lorsque cette information entre en contradiction avec les finalités poursuivies, les motifs pour lesquels le responsable du traitement en est dispensé
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Il est précisé à l’alinéa 28 de l’article 7 que, dans certains cas, le public pourrait ne pas être informé de l’usage de caméras dites augmentées. Qu’est-ce qui pourrait légitimer une telle exception, monsieur le ministre ? Qu’est-ce qui justifierait que les citoyens ne puissent pas avoir accès à des informations relatives à leurs droits et à leurs libertés ?
Visiblement, nous ne sommes pas les seuls à trouver que les situations qui relèveraient de cette exception manquent de clarté. La Cnil elle-même s’interroge sur les hypothèses dans lesquelles une telle exclusion se révélerait nécessaire. Elle recommande d’ailleurs que les conditions justifiant cette exclusion soient particulièrement limitées. Or aucune précision sur le sujet ne figure dans le projet de loi.
La Cnil estime dans son rapport sur le projet de loi que l’information des personnes sur l’usage de caméras augmentées est un « élément essentiel pour assurer la loyauté des traitements dans un objectif de transparence à l’égard du public » et qu’elle est « indispensable pour permettre le déploiement des dispositifs […] dans un climat de confiance à l’égard des autorités publiques ».
Le groupe écologiste considère que l’information du public est une garantie essentielle en matière de protection des droits et des libertés des personnes, notamment du droit à la vie privée. Comment faire valoir ses droits d’opposition, d’accès, de rectification et d’effacement de ces données personnelles si l’on ne sait même pas que de telles données existent ?
Nous proposons donc la suppression de la dispense d’information du public de l’usage de caméras dites augmentées.
Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Compléter cet alinéa par les mots :
accompagnés d’un renvoi vers l’information générale organisée par le ministère de l’intérieur mentionnée au second alinéa du II bis du présent article
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Nous proposons de compléter le travail utile de la commission, qui a pris soin de garantir l’information du public sur l’emploi d’un traitement des données personnelles prévu à l’article 7, y compris lorsque les circonstances l’interdisent ou lorsque cette information entre en contradiction avec les objectifs du traitement.
Dans ces cas, la commission renvoie à une information générale organisée par le ministère de l’intérieur. Je fais ici référence au II bis nouveau inséré à l’article 7.
Pour que l’information pleine et entière du public soit effective, il convient également de prévoir que les motifs de dispense d’information du public doivent être accompagnés a minima de l’information générale du public sur l’emploi du traitement algorithmique dans la décision d’autorisation d’emploi prise par le préfet de département ou le préfet de police à Paris.
Une telle information nous semble essentielle, car elle conditionne, dans le cadre de l’application de ce traitement de données personnelles augmenté par l’intelligence artificielle, la possibilité d’invoquer, le cas échéant, le respect du droit des personnes sur le fondement du RGPD et de la directive Police-Justice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. À nos yeux, supprimer la possibilité d’exception au droit de l’information affaiblirait le dispositif et le rendrait beaucoup moins opérationnel. La commission des lois a déjà ajouté dans le texte une garantie sous la forme d’une information générale du public sur l’emploi des traitements algorithmiques organisée par le ministère de l’intérieur. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 62.
L’avis est en revanche favorable sur l’amendement n° 25 rectifié, qui tend à prévoir le renvoi vers l’information générale organisée par le ministère de l’intérieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable sur l’amendement n° 62 et avis réservé sur l’amendement n° 25 rectifié.
À mon sens, il y a une petite confusion sur les raisons pour lesquelles les citoyens sont informés, conformément à la volonté de la Cnil et du législateur, qu’ils sont vidéoprotégés ou vidéosurveillés, comme vous le souhaitez ; nous avons déjà eu un débat sur la terminologie lors de l’examen de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés.
Comme vous l’avez très bien dit, il s’agit de permettre au public d’être informé, de consulter ses données personnelles et, le cas échéant, de les faire effacer. Il ne s’agit pas – chacun le comprend – de lui permettre de refuser d’être filmé.
L’intelligence artificielle appliquée aux caméras de vidéoprotection et aux captations d’images vise à fournir des éléments supplémentaires de surveillance non pas des individus, mais des situations.
Que permettra très concrètement de faire cette caméra dotée d’une intelligence artificielle ? Elle permettra de repérer l’événement, la situation ou le comportement que nous souhaitons retrouver : un rassemblement intempestif, le casse d’un abribus, un sac posé au sol. Ce traitement ne visera pas à rechercher M. Dossus, M. Darmanin ou M. Durain. Il ne sera pas possible de retrouver les données personnelles propres à un citoyen individuellement, ce que permet la caméra classique de manière générale.
Si j’émets un avis réservé sur l’amendement de M. Durain – je ne le combats pas vraiment –, c’est parce qu’il ne mange pas de pain. Sans doute est-ce également pour cela que Mme la rapporteure a émis un avis favorable.
L’information générale est déjà donnée par le ministère de l’intérieur, par les communes ou par l’État pour la préfecture de police de Paris lorsqu’il s’agit de caméras déjà installées. L’installation de caméras, y compris mobiles, doit être signalée sur des panneaux d’information et dans le journal municipal. Il en va de même pour les aéronefs et les drones, conformément à la loi pour une sécurité globale.
L’intelligence artificielle n’ajoute rien : elle vise à retrouver des situations. Le cas aurait été différent si nous avions proposé la mise en œuvre de la reconnaissance faciale, qui concerne les personnes individuellement. Cela aurait alors sans doute eu du sens de discuter de l’information sur les données individuelles retrouvées par ce moyen nouveau, même à partir d’un moyen de captation ancien.
L’intelligence artificielle ne vise pas à accéder à de nouvelles données personnelles. Il s’agit de repérer des situations, comme chacun a sans doute pu le constater dans des documentaires, des reportages, des films ou lors des auditions au Sénat.
Imaginons ainsi que nous ayons à gérer une alerte à la bombe : il nous faut en pareil cas savoir si elle est sérieuse ou non, qui a déposé le sac et dans quelles conditions, s’il s’agit d’un oubli ou d’un abandon volontaire. De telles informations font gagner énormément de temps aux services de police. Les personnes autour ne seront pas concernées par les algorithmes et par ce que nous demandons au législateur d’inscrire dans le texte.
Je constate d’ailleurs que l’avis de la Cnil et celui du Conseil d’État sur un texte aussi complexe ne contiennent aucune réserve à cet égard. De surcroît, les points ayant fait débat lors de l’examen du projet de loi de programmation et d’orientation du ministère de l’intérieur sur les questions d’image ont tous été validés dans une excellente décision du Conseil constitutionnel, dont je me réjouis. Je profite de l’occasion pour saluer M. Loïc Hervé, rapporteur du texte, qui avait évoqué la question des données personnelles.
La Haute Assemblée devrait rejeter l’amendement de M. Dossus, qui repose sur une confusion. Celui de M. Durain est sans doute superfétatoire, mais j’émets un avis de « sagesse neutre ».
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous sommes en train de reculer sur un certain nombre de droits liés à nos données et à nos comportements.
Monsieur le ministre, vous indiquez que l’on va ajouter aux caméras déjà installées un dispositif permettant de faire la différence entre divers comportements, diverses situations.
Qu’est-ce qui nous fait basculer dans une société de surveillance ? Un individu – vous, moi, quelqu’un d’autre – va se trouver dans une situation sans savoir ce que la caméra contrôlera de son comportement.
Vous avez évoqué le dépôt d’un sac, et indiqué qu’il n’y aurait pas de collecte de données personnelles, mais que l’intelligence artificielle faciliterait l’identification de la personne ayant oublié ou déposé ce sac. Nous sommes donc déjà en train de reculer !
M. Claude Kern. Mais non !
M. Thomas Dossus. Bien sûr que si !
Quels comportements seront acceptables ou inacceptables ? Qui définira ces comportements ? On ne le sait pas ! Vous ne voulez pas rendre publics les algorithmes.
Nous sommes en train de reculer sur un certain nombre de droits et de libertés. On réduit nos possibilités, en tant qu’individus, de protester contre la collecte d’un certain nombre de données.
Monsieur le ministre, le 22 octobre dernier, lorsque vous nous avez présenté le dispositif de sécurité, vous étiez extrêmement rigoureux sur la question des droits et des libertés. Vous nous indiquiez alors que le ministère de l’intérieur n’aurait pas recours à des dispositifs n’ayant pas été légalisés, mais qu’un certain nombre de collectivités les utilisaient déjà ! Or vous ne nous avez pas répondu lorsque nous vous avons demandé lesquelles.
Que fait le ministère de l’intérieur pour lutter contre l’usage abusif de telles technologies ? Nous l’avons déjà vu, des marchés publics ont été passés pour des technologies qui ne sont pas encore légalisées.
J’aimerais avoir une réponse à mes questions, vous qui êtes si respectueux du droit !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Notre amendement, sur lequel Mme la rapporteure a émis un avis favorable, n’est pas anodin : il vise simplement à lier la décision à l’information. S’il était adopté, il permettrait d’accroître la transparence, la clarté. Il ne mange peut-être pas de pain, monsieur le ministre, mais il officialise l’information du public.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne veux pas laisser croire que le ministère de l’intérieur aurait connaissance de pratiques illégales et n’interviendrait pas. (M. Thomas Dossus s’exclame.)
Je suis, certes, respectueux de la loi, mais je le suis aussi de la Constitution, monsieur le sénateur. Et en tant que représentant des collectivités locales, vous devriez veiller de manière sourcilleuse au respect par le ministre de l’intérieur de l’article 72 de la Constitution. Ne vous en déplaise, la gestion de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, et donc des caméras de protection, relève des communes.
À cet égard, un certain nombre de municipalités écologistes seraient bien inspirées d’appliquer les règles de la République votées par le législateur,…
M. Guy Benarroche. Lesquelles ?
M. Gérald Darmanin, ministre. … mais c’est un autre débat ! Quelques collectivités locales revendiquent même le fait de ne pas appliquer ces règles.
M. Guy Benarroche. Lesquelles ?
M. Gérald Darmanin, ministre. On voit d’ailleurs que c’est dans ces communes que la délinquance est parfois la plus importante. Nous aurons l’occasion d’en reparler si vous le souhaitez.
M. Thomas Dossus. Bien sûr ! Avec plaisir !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il appartient au tiers de confiance évoqué par votre collègue communiste d’effectuer des contrôles. Je sais que la Cnil y est particulièrement attentive.
Le ministère de l’intérieur ne peut pas exercer une tutelle sur les collectivités. La tutelle n’existe plus depuis 1981. Il faut être respectueux de la Constitution et de l’héritage mitterrandien ! (M. Thomas Dossus s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je souhaite vous faire part d’un point de vue politique cher à notre groupe.
L’argument de notre collègue Dossus s’entend parfaitement. Nous comprenons les réserves du groupe GEST, qui ont d’ailleurs motivé le dépôt de sa motion tendant à opposer la question préalable.
Pour notre part, nous considérons qu’il existe un risque de développement rampant, à bas bruit, d’un certain nombre de technologies. Quand nous proposons de nous intéresser, en tant que législateurs, à ces sujets et de fixer un cadre, c’est non pas pour autoriser ces technologies, mais pour préciser, alors qu’elles s’invitent dans nos vies personnelles et collectives, les conditions dans lesquelles elles peuvent être utilisées.
Pour avoir travaillé avec Arnaud de Belenet et Marc-Philippe Daubresse sur la reconnaissance faciale, je vois bien qu’il existe une porosité des usages. Les citoyens, les consommateurs, autorisent à titre individuel des choses qu’ils refusent de permettre à l’État de faire. Il faut résoudre ces tensions.
Quand on propose de légiférer, de poser un cadre, de définir des lignes rouges, d’autoriser parfois des expérimentations – c’est, en l’espèce, la démarche que promeut notre groupe s’agissant de la vidéosurveillance intelligente –, ce n’est pas pour le plaisir de permettre tout et n’importe quoi. C’est au contraire pour que le cadre dans lequel ces technologies sont développées soit respectueux des libertés.
Tel est l’esprit qui nous anime et le sens des amendements que nous avons déposés : faire en sorte que l’information soit claire, que les périmètres soient fixés, que les durées de conservation des données soient limitées, afin de pouvoir avancer ensemble de manière confiante vers l’usage de ces technologies.
Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les données d’apprentissage, de validation et de test qui ne sont pas pertinentes, adéquates et représentatives sont immédiatement détruites.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. De nombreuses données vont être collectées : certaines sont utiles, d’autres ne le sont pas.
Cet amendement vise à préciser que les données d’apprentissage, de validation et de test considérées comme non pertinentes, non adéquates et non représentatives doivent être immédiatement supprimées, sans attendre l’expiration du délai autorisé.
En commission, Mme la rapporteure nous a fait observer que notre demande était satisfaite. Mais il nous semble que cela n’apparaît pas clairement dans l’article 7 ; pour l’heure, le dispositif est encore au stade de l’expérimentation.
Alors qu’il s’apprête à adopter un dispositif inédit, sensible, porteur d’enjeux nouveaux pour les droits et les libertés, le Sénat doit veiller à ce que figurent dans la loi les principes essentiels qui conditionnent l’usage des caméras augmentées. C’est pour nous une condition essentielle. Elle doit, nous semble-t-il, être explicitement mentionnée.
La Cnil vient d’ailleurs de s’exprimer sur le sujet. Elle a rappelé que le principe de base de cette application est de conserver les données le moins longtemps possible. Si la Cnil doit veiller à ce que celles-ci soient supprimées, autant l’inscrire dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait. Dès lors que ces données ne devraient pas exister, il n’y a pas lieu d’ajouter une telle précision dans le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 34, après la quatrième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’évaluation associe également des experts indépendants.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Nous souhaitons lever une ambiguïté figurant dans le texte entre deux notions qui peuvent converger, mais qui ne se confondent pas : la pluridisciplinarité et l’indépendance.
C’est une bonne chose de prévoir l’association de plusieurs spécialistes pour procéder à l’évaluation de l’utilisation des caméras augmentées, chacun travaillant dans son champ d’application ou sa discipline selon la méthodologie qui lui est propre. Nous sommes tout à fait favorables à cette optimisation des approches pour tirer les meilleures conclusions de l’expérimentation.
Cependant, prévoir la meilleure communication possible entre les savoirs ne garantit pas l’indépendance du rapport final. C’est la raison pour laquelle, conformément à la recommandation de la Cnil, nous souhaitons préciser que l’évaluation de l’expérimentation est conduite en association avec des experts indépendants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’article prévoit déjà une évaluation pluridisciplinaire de l’expérimentation. L’évaluation permettra au législateur d’être éclairé et de savoir s’il faut ou non pérenniser le système de vidéoprotection. Nombre de garanties figuraient dans le texte initial, d’autres y ont été introduites par la commission des lois, afin que cette évaluation soit réalisée de la manière la plus indépendante possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote sur l’article.
M. Thomas Dossus. Nous considérons que nos libertés publiques ne doivent pas faire l’objet d’une expérimentation, fût-elle bornée dans le temps.
Selon nous, l’article 7 n’a rien à faire dans le projet de loi, n’en déplaise à M. le ministre. Nous pensons qu’il traduit un certain opportunisme sécuritaire destiné à masquer les défaillances auxquelles le ministre a fait face lors du fiasco du stade de France.
Aucune des garanties que nous avons proposées n’ayant été acceptée, nous nous opposerons à l’article 7, qui fait basculer dans un nouveau régime de surveillance.
M. Thomas Dossus. Nous voterons contre l’article !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 112 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 270 |
Pour l’adoption | 243 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté.
Après l’article 7