M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur, votre question porte sur les effets de la hausse des prix de l’énergie sur les stations de ski.

Vous le savez, le Gouvernement a mis en place, assez tôt, plusieurs dispositifs d’aides et nous continuerons de les déployer. Les sénateurs et les députés élus de la montagne ont d’ailleurs eu des échanges avec Bruno Le Maire et moi-même.

Les régies sont pleinement intégrées dans ce dispositif : il est bien prévu – cela va mieux, en le répétant – que les régies qui ont une taille équivalente à celle d’une PME au sens européen, c’est-à-dire jusqu’à 250 salariés, sont couvertes par l’amortisseur électricité soit parce qu’elles ont une personnalité morale, soit parce qu’elles sont rattachées à une collectivité territoriale elle-même bénéficiaire du dispositif.

Il ne vous a pas échappé, monsieur le sénateur, que j’ai l’honneur d’être à la fois en charge des PME et du tourisme. Je suis proche des élus de la montagne et des acteurs économiques de ce secteur – je me suis rendue récemment au salon de la montagne.

Je veille avec beaucoup d’attention à ce que l’ensemble des régies soient accompagnées et, je vous le dis comme je l’ai dit à l’ensemble des élus de la montagne, si vous avez des exemples spécifiques de régie qui n’entreraient pas dans la grille que je viens d’évoquer, n’hésitez pas à me saisir. Au moment où je vous parle, je n’ai pas eu de remontée (Sourires.) particulière concernant ce sujet, même s’il n’est pas exclu que cela puisse arriver demain.

Pour conclure, malgré le tableau un peu noir que vous avez dressé, monsieur le sénateur, je tiens quand même à dire qu’il ne faudrait pas oublier les fantastiques résultats du secteur de la montagne. Les chiffres sont sortis hier : 42 % de nos compatriotes ont l’intention d’aller au ski au cours de l’hiver 2023 ; en janvier 2023, le taux d’occupation est en hausse de 17 % par rapport à janvier 2022 ; pour février, le taux de réservation est en hausse de quasiment 12 % par rapport à la même période il y a un an. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les perspectives sont belles, le Gouvernement répond présent et, pour ma part, je reste à votre disposition si vous souhaitez évoquer des sujets spécifiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 8 mars, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires européennes a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

5

Candidatures à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d’influence.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

Conséquences de l’inflation sur le pouvoir d’achat des français

Débat d’actualité

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat d’actualité dont le thème, sur la proposition du président du Sénat après concertation avec les groupes, est le suivant : « Les conséquences de l’inflation sur le pouvoir d’achat des Français. »

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.

Madame la ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis janvier 2021, les Français font face à une hausse des prix généralisée et inédite depuis quarante ans.

Elle est principalement due aux restrictions d’activités de la période covid et à de fortes dépendances en matières premières et produits manufacturés en provenance de pays étrangers. En vérité, la guerre en Ukraine n’a fait que renforcer un phénomène d’inflation déjà bien installé.

Les Français ont désormais une certitude : l’affaiblissement de l’État stratège et souverain voulu par votre gouvernement nous conduit à l’appauvrissement actuel.

Selon l’Insee, l’inflation accélère à 6,2 % en février sur les douze derniers mois, avec +14,5 % dans l’alimentation et +14 % pour l’énergie. De plus en plus de stations-service affichent le prix des carburants, quel qu’il soit, à plus de 2 euros le litre.

Aujourd’hui, un kilo de pommes noisettes surgelées coûte 2,19 euros ; en février 2022, il coûtait 1,05 euro, soit une augmentation de 108 %. Le prix de la crème fraîche fouettée a augmenté de 40 % en rayon. En février 2022, 210 grammes d’emmental râpé coûtaient 1,65 euro, on atteint 2,19 euros aujourd’hui, soit une hausse de 33 %.

Le chariot de courses des classes populaires est de plus en plus réduit. La demande aux Restos du cœur a augmenté de 12 % cette année. Les banques alimentaires révèlent aider 2,4 millions de personnes, soit trois fois plus qu’en 2011.

Dans la sixième puissance économique du monde qu’est la France, des millions de personnes ne mangent plus à leur faim, ne se chauffent plus, ne se soignent plus.

C’est le grand effondrement des classes populaires, qu’une fiscalité toujours très importante accompagne d’un affaissement de la classe moyenne française. La fiscalité est un véritable sujet pour le pouvoir d’achat des Français, quand on sait que 60 % du prix de l’essence est constitué de taxes qui alimentent les caisses percées de l’État.

L’urgence est de nous remettre à produire en France pour permettre la création d’emplois et donc de salaires. Nous avons besoin d’une fiscalité saine pour in fine retrouver la croissance.

Même après avoir éteint la lumière de leur domicile, baissé, voire coupé le chauffage, sacrifié le renouvellement de leur garde-robe et une partie du contenu de leur réfrigérateur, les ménages, les retraités, les étudiants ne voient toujours pas le bout du tunnel inflationniste.

Vos annonces et prévisions se sont toutes révélées fausses. Le ministre de l’économie avait promis l’effondrement à venir de l’économie russe à la suite des sanctions du printemps 2022. Résultat : en 2023, le FMI (Fonds monétaire international) révèle la très bonne santé économique de la Russie pendant que la nôtre prend l’eau de toutes parts.

M. Véran, véritable boussole qui indique le sud, annonçait au mois d’août dernier que nous avions atteint le pic de l’inflation, alors que les prix n’ont cessé d’augmenter depuis.

Madame la ministre, qu’attendez-vous donc pour sortir du marché européen de l’électricité et de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique), renucléariser, relocaliser, baisser la fiscalité et les cotisations patronales sur les salaires ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (M. Jean-Yves Roux applaudit.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à entendre les préoccupations de nos concitoyens dans les territoires ou celles des professionnels présents en ce moment au salon de l’agriculture, ce débat sur les conséquences de l’inflation est peut-être encore plus d’actualité que celui des retraites.

Le retour d’une forte hausse des prix pour la consommation courante – produits alimentaires et d’entretien, matériaux divers d’équipement et de construction, etc. – comme pour l’énergie est un tournant majeur de l’après-covid.

Si le choc de la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie ont eu un effet indéniable sur les prix de l’énergie, la remontée des prix avait en réalité commencé dès 2021 dans la foulée des premiers déconfinements.

Elle s’explique en particulier par l’augmentation du coût des matières premières et des transports, notamment du fret maritime. Avec des marchandises en grande partie importées, souvent de pays hors d’Europe, nous commençons peut-être à payer la facture de la désindustrialisation et de la perte de souveraineté économique.

Le débat sur le niveau réel de l’inflation n’est pas nouveau. On observe souvent un décalage entre l’indice synthétique des prix à la consommation tel qu’il est mesuré par l’Insee et l’inflation observée ou ressentie par le consommateur, qui dépend de son niveau de revenu, de son lieu de résidence, de ses préférences et de ses contraintes personnelles.

Par ailleurs, l’indice des prix à la consommation ne donne pas une mesure complète du coût de la vie. D’autres données pèsent lourdement sur le budget des ménages, comme le prix des logements que les statisticiens intègrent dans un indice pondéré des loyers. De façon générale, les prix des actifs, mobiliers ou immobiliers, ont beaucoup augmenté ces dernières années. L’injection massive de liquidités par les banques centrales dans l’économie a entraîné une forte inflation des valeurs mobilières sur longue période, mais elle n’avait pas eu d’impact sur les prix à la consommation.

Le taux d’inflation courante était, quant à lui, resté faible, voire nul, pendant des décennies. À peine atteignait-il l’objectif de 2 % fixé par la Banque centrale européenne. L’inflation est longtemps restée soit un souvenir remontant aux années 1970-1980, soit le fait de pays en développement comme la Turquie, l’Iran, le Venezuela ou l’Argentine. Aujourd’hui, elle touche de nouveau l’ensemble des pays développés, à l’exception, peut-être, de quelques pays comme le Japon.

Les conséquences de cette inflation sont à la fois massives et inégales : une baisse du pouvoir d’achat des ménages et une érosion de l’épargne, dont les effets dépendent beaucoup de la part de chaque poste de dépenses dans le budget individuel.

Inversement, l’inflation peut aussi réduire le coût des dettes : pensons aux années 1970 durant lesquelles l’inflation – une drogue douce, disait-on à l’époque – profitait aux emprunteurs et défavorisait les épargnants.

Dans tous les cas, elle modifie en profondeur les anticipations des agents économiques et rend les prévisions plus aléatoires. Le pire des scénarios serait la poursuite d’une forte inflation avec une croissance économique faible ou nulle : le retour de la stagflation.

Face à la complexité des calculs d’inflation et de pouvoir d’achat, des indices alternatifs, plus parlants, ont été élaborés : d’abord l’indice Big Mac aux États-Unis ; ensuite, un indice jambon-beurre, plus français… Un économiste allemand a, quant à lui, construit un indice de l’inflation perçue, qui intègre des paramètres plus individuels et subjectifs.

Dernièrement, l’agence Bloomberg a créé un indice coq au vin, qui intègre le prix des ingrédients nécessaires à la préparation de ce plat traditionnel. Sur un an, il aurait augmenté non pas de 6 % comme l’indice synthétique des prix, mais de près de 15 %.

Si les prix de l’ensemble des produits de consommation semblent maintenant se stabiliser, ceux des produits alimentaires ont fortement augmenté depuis l’été 2022. C’est dans ce contexte tendu que devaient aboutir au plus tard aujourd’hui les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs de produits de grande consommation, à propos desquelles le Sénat a adopté une importante proposition de loi il y a deux semaines.

Face à ce défi de l’inflation, le Gouvernement prévoit-il des mesures supplémentaires en faveur du pouvoir d’achat, en plus des nombreuses initiatives qu’il a déjà prises depuis un an et demi et qui connaissent des fortunes diverses, même si elles contribuent, plus qu’ailleurs, à atténuer les effets de l’inflation sur les ménages ?

Dans son panier anti-inflation, le Gouvernement envisage-t-il de mettre à contribution les entreprises, en particulier celles qui ont largement bénéficié d’aides publiques ces dernières années ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur, je vous rejoins largement sur le constat, en particulier sur la nécessaire distinction entre l’inflation macroéconomique mesurée par l’Insee et l’inflation ressentie. C’est cette dernière qui est la plus importante à suivre et qui doit être notre boussole.

L’inflation est réelle – elle s’élève à 6,2 % sur un an – et le Gouvernement ne le nie pas. La poussée inflationniste est particulièrement élevée sur les produits alimentaires : 14,5 % en février, après 13 % en janvier.

L’inflation demeure donc soutenue, mais l’Insee a également conclu que la croissance a été positive au quatrième trimestre de 2022. Ainsi, grâce aux mesures prises par le Gouvernement, le pouvoir d’achat de nos concitoyens ne s’est pas effondré au quatrième trimestre.

Cela s’explique notamment par le prolongement du mouvement de baisse des prélèvements obligatoires – suppression de la contribution à l’audiovisuel public et aboutissement du processus de suppression de la taxe d’habitation –, mais aussi par notre politique très volontariste en matière d’emploi.

Je veux aussi citer le versement particulièrement élevé, dixit l’Insee, de primes de partage de la valeur : plus de 1 milliard d’euros, pour aller vite, ont été ainsi versés à un million de salariés, soit une moyenne de 1 000 euros par salarié.

Finalement, malgré une inflation soutenue, le pouvoir d’achat s’est maintenu. Le Gouvernement a beaucoup fait pour cela et nous continuerons de faire en sorte que les efforts soient partagés – nous le savons, les Français en fournissent déjà beaucoup.

Je réponds donc à votre question, monsieur le sénateur : le Président de la République, la Première ministre, Bruno Le Maire et moi-même demandons aux distributeurs de contribuer à ces efforts, en limitant le plus possible l’inflation alimentaire par une action sur leurs propres marges plutôt que sur celles des producteurs. Vous le savez, les négociations se poursuivent à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary. (M. André Reichardt applaudit.)

M. Serge Babary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la guerre en Ukraine, depuis le 24 février 2022, et ses conséquences sur les prix des matières premières ont servi de catalyseur à de profonds bouleversements économiques.

Le premier d’entre eux est le retour de l’inflation qui avait pratiquement disparu depuis plus de vingt ans.

La crise de la covid-19, puis l’apparition de nombreux goulets d’étranglement au niveau des chaînes de production avaient déjà entamé les vertus d’un commerce mondial libéral, fonctionnant en grande partie sur la base d’une énergie à bas coût.

Même si certains économistes envisageaient une reprise modérée de l’inflation en 2022, le retour de cette dernière à des niveaux jamais vus depuis cinquante ans a surpris tous les spécialistes. En effet, l’affaiblissement croissant de la conjoncture mondiale, une mondialisation permettant de baisser les coûts de production, notamment en Asie, et l’abondance des matières premières énergétiques « bon marché » ont fixé durablement l’inflation sous la barre des 2 %.

La sortie de la crise sanitaire de 2020 a induit une demande soutenue de la part des ménages, désireux de pouvoir enfin consommer après des semaines de confinement. Les prix de nombreux produits ont ainsi augmenté face à une production insuffisante et désorganisée et à des difficultés de transport.

Mais c’est surtout la guerre en Europe de l’Est qui a perturbé l’acheminement de matières premières énergétiques, industrielles et alimentaires. En réponse aux sanctions occidentales, les Russes ont sensiblement réduit leurs exportations de gaz en direction des Européens, jusqu’à les arrêter.

Il en a résulté une forte hausse des cours du pétrole et, surtout, du gaz européen, qui a entraîné une flambée de l’inflation. Cette dernière a ainsi atteint plus de 10 % en zone euro, mettant sous pression le pouvoir d’achat des ménages, entraînant logiquement une baisse de la consommation. La guerre en Ukraine n’a pas provoqué l’inflation : elle l’a renforcée et accélérée.

Paradoxalement, l’inflation a dopé la croissance du chiffre d’affaires des principaux groupes français du CAC 40, qui affichent un résultat net cumulé de plus de 140 milliards d’euros. Ces résultats s’expliquent par des montées en gamme, des plans d’économies, mais aussi et surtout par le fait que la très grande majorité a pu répercuter dans ses prix la flambée des coûts.

Tel n’a pas été le cas, en revanche, des très nombreuses ETI et PME consommatrices d’énergie dans les domaines industriel, agricole et artisanal. Le cas bien concret des nombreuses fermetures de boulangeries en est le meilleur exemple.

Madame la ministre, pourquoi ne pas avoir supprimé le critère lié à la puissance installée permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité – les fameux 36 kilovoltampères ?

En début de semaine, les ministres européens de l’énergie se sont retrouvés à Stockholm. Où en est la réforme du marché européen de l’énergie qui avait été annoncée pour la fin de l’année 2022 ? A-t-on enfin obtenu le découplage du prix de l’électricité et du gaz ?

M. André Reichardt. Très bien !

M. Serge Babary. Combinée à l’augmentation du prix de l’énergie, l’inflation des prix des produits de grande consommation ampute significativement le pouvoir d’achat des Français. De 5 % à l’été dernier, l’inflation des prix à la consommation sur un an s’établit aujourd’hui à 6,2 %.

À cette crise du pouvoir d’achat s’ajoute une crise sociale, voire sociétale. Selon une étude publiée ce lundi, 2,4 millions de personnes bénéficiaient de l’aide alimentaire à la fin de l’année 2022, soit trois fois plus qu’il y a dix ans. En ce début d’année, plus d’un tiers des personnes accueillies sont de nouveaux bénéficiaires.

Dès juillet 2022, notre collègue présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, vous enjoignait de cesser cette « politique de chèques dispendieuse et éphémère », et d’engager « une politique ferme de revalorisation du travail, et notamment de défiscalisation et de socialisation des heures supplémentaires ».

L’exercice était, certes, difficile. Mais, faute d’anticipation et d’évaluation suffisante, la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, dite loi Pouvoir d’achat, n’a eu qu’un « effet pansement », moyennant un coût non négligeable pour nos finances publiques. Les prix des produits alimentaires ont bondi de 14,5 % sur un an ! La confiance des ménages est dégradée, avec un taux d’épargne qui s’établit à 16,6 % du revenu brut.

Selon France Stratégie, les conséquences de la crise varient selon le profil des ménages, les personnes âgées et éloignées des centres-villes étant particulièrement exposées.

Alors que les négociations commerciales entre les industriels et les enseignes de la grande distribution s’achèvent aujourd’hui, on nous annonce un « mars rouge ».

Hier, devant nos collègues députés, M. Bruno Le Maire a écarté cette idée et affirmé que des solutions applicables aux produits alimentaires étaient à l’étude. Plus encore, « des mesures efficaces et crédibles » devraient nous être présentées dans quelques jours…

Pourtant, la Fédération du commerce et de la distribution évoque une augmentation à venir de l’ordre de 10 %. Et, ce matin même, en plein salon de l’agriculture, la présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) accuse une partie des distributeurs de refuser de payer l’intégralité de la part des agriculteurs.

Les causes de la crise inflationniste, on l’a vu, sont multiples. Cette crise appelle une stratégie claire, des mesures ciblées, et des investissements longs. Madame la ministre, quel sera le plan du Gouvernement pour aider les Français à traverser cette nouvelle crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur Babary, je ne reviens pas sur les causes. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir rappelé que le retour de la demande post-covid a contribué à booster l’inflation, avant même la guerre en Ukraine.

D’abord, j’ai à cœur de vous répondre sur le bouclier tarifaire, notamment sur votre question précise relative aux 36 kilovoltampères. Vous évoquez, dans votre conclusion, la nécessité de cibler les aides. Je connais la sensibilité de la chambre haute à la dépense publique, et je partage entièrement cette préoccupation.

Ce choix aurait entraîné deux difficultés. Nous aurions été amenés à accompagner des entreprises qui n’auraient pas forcément eu besoin de ce bouclier. Cette prise en charge aurait entraîné des dépenses publiques massives – elles se comptent en milliards d’euros – et n’aurait pas été idoine.

Par ailleurs, je ne voudrais pas que l’on oublie – c’est important – qu’installer des compteurs ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n’est pas si facile sur le plan logistique pour les énergéticiens. Cela dit, je connais votre sérieux…

Nous avons choisi de cibler un amortisseur plus un guichet, assez facile à utiliser – impôts.gouv.fr, site sur lequel tout est disponible –, et, pour les TPE, un tarif à 280 euros le mégawattheure lissé sur l’année 2023.

Vous parlez de « pansement » en matière de soutien au pouvoir d’achat. Je veux tout de même insister sur la taille du pansement ! Le bouclier tarifaire, qui protège nos concitoyens de la hausse des prix de l’énergie, représente une dépense de 110 milliards d’euros pour l’État entre octobre 2021 et décembre 2023, soit un plan de relance de la consommation à lui tout seul ! Je ne voudrais pas non plus que l’on oublie le paquet pouvoir d’achat, avec la revalorisation des aides personnelles au logement (APL), des minima sociaux, la prime exceptionnelle de rentrée, l’adoption du chèque énergie exceptionnel, mais aussi, je l’ai dit, la prime de partage de la valeur. Je connais votre sensibilité à la situation des entreprises : 300 000 entrepreneurs de nos TPE ont versé plus de 1 milliard d’euros à 1 million de salariés pour les accompagner face à cette poussée inflationniste.

N’ayant pas assez de temps pour répondre aux autres questions, je le ferai par écrit.

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec les conséquences économiques de la pandémie, les sécheresses et le dérèglement climatique, 2021 réunissait bon nombre de conditions propices à une inflation record.

L’invasion de l’Ukraine par Poutine a encore aggravé cette situation. Les prix de l’énergie ont bondi. La crise alimentaire est devenue plus menaçante lorsque les Russes ont délibérément choisi de bloquer les exportations ukrainiennes de blé.

Nous craignions que la fin du « quoi qu’il en coûte » n’apporte son lot de faillites, et le retour de la guerre en Europe, dans des économies déjà très éprouvées par les confinements, ne présageait rien de bon.

Au cours de la difficile année 2022, les prix ont augmenté, en France, de 6,2 %. J’espère ne choquer personne en disant que ce n’est pas si mal. En effet, sur la même année, et à titre de comparaison, l’Argentine a battu son propre record, avec une inflation de 95 %. Plus proche de nous, le Royaume-Uni, avec son Global Britain, a enregistré une inflation de 11 %, devant celle des États-Unis, à 7 %. Au sein de l’Union européenne, l’inflation moyenne constatée sur 2022 a été de 10 %.

Avec une guerre à nos portes, avec la raréfaction de notre approvisionnement en gaz et l’envolée du prix des hydrocarbures, avec nombre de centrales nucléaires à l’arrêt, je crois pouvoir dire que nous ne nous en sommes pas trop mal tirés… Cela dit, quand on se compare, on se console, mais, quand on se regarde, on se désole. L’inflation frappe plus fortement les plus démunis de nos concitoyens. Ceux dont le pouvoir d’achat est fortement contraint par les dépenses obligatoires, les dépenses courantes, ceux-là sont en grande difficulté.

Les prix alimentaires ont bondi de 14,5 % : cela pèse très lourd dans le budget des ménages français.

C’est aussi le cas, comme chacun sait, des prix de l’électricité. Le prix du mégawattheure est ainsi passé de 220 euros en décembre 2021 à 700 euros au cours de l’année 2022. Il est heureusement redescendu depuis. Malgré le bouclier énergétique, la facture de nos concitoyens a néanmoins augmenté de près de 15 %.

Les prix des carburants ont également atteint des sommets, grevant l’activité de tous ceux qui travaillent, les artisans, les chauffeurs, les livreurs et, plus généralement, de tous les Français, particulièrement ceux qui vivent en milieu rural.

Face à ces augmentations, frappant plus violemment les plus vulnérables d’entre nous, la tentation est grande de recourir à l’argent public. Entre la crise de la covid-19 et les difficultés économiques que nous rencontrons actuellement, notre dette publique s’est elle aussi envolée. De 2 300 milliards d’euros en 2019, elle avoisine désormais 3 000 milliards d’euros. Avec la remontée des taux d’intérêt, cet état de fait est alarmant. Il est urgent de renverser la vapeur et de commencer à réduire notre dette publique.

Dans ce contexte, quelles solutions pour améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? J’en vois principalement deux.

La première – je l’affirme, au risque de choquer – est la sobriété. En 2022, année de grandes tensions énergétiques, la consommation électrique de notre pays a nettement baissé par rapport à 2021, grâce, notamment, aux efforts consentis par nos entreprises et nos concitoyens. À travers nos écogestes, nous avons même réussi à diminuer notre consommation par rapport à l’année 2020, marquée par les confinements – les gens étaient beaucoup restés chez eux.

Les prix délirants de l’énergie rendent bien plus rentables les travaux d’isolation et les énergies renouvelables. La sobriété présente, en outre, l’avantage de ne pas participer à la spirale inflationniste.

La seconde solution pour le pouvoir d’achat est le travail. Les aides gouvernementales sont toujours prélevées sur nos concitoyens, que ce soit par l’impôt ou par la dette. Nous ne devons jamais l’oublier.

À cet égard, nous saluons, madame la ministre, l’effort du Gouvernement, qui, depuis 2017, s’efforce de réduire le poids des contributions sur nos entreprises et nos concitoyens. Nous souhaitons qu’il poursuive cet effort, notamment s’agissant des impôts de production.

Il nous faut favoriser les investissements dans nos territoires, tant dans les infrastructures que dans l’appareil productif. Le dérèglement climatique nous exhortait depuis longtemps à changer nos modes de production. La crise que nous traversons peut être l’accélérateur de ce changement.

Les Chinois désignent par un même mot « crise » et « opportunité ». Il y a longtemps que les Français le savent : à défaut d’avoir du pétrole, nous nous devons d’avoir des idées – et des bonnes !