M. le président. Laissez parler la présidente !
Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE. Monsieur le président, le Gouvernement avait déjà eu recours à l’article 47-1 de la Constitution pour l’examen de cette réforme des retraites ; ce soir, c’est au tour de la commission des affaires sociales de prendre la décision de rejeter tous les sous-amendements que nous avions déposés, après les avoir examinés à une vitesse que je qualifierai d’« éclair», sans tenir compte des arguments que nous avons développés tout à l’heure, à savoir que ces sous-amendements ont le même objet que des amendements qui avaient été jugés recevables par la commission en leur temps.
Tout cela signifie simplement que le Sénat ne veut pas débattre de l’article 7,…
M. Olivier Paccaud. Pas à trois heures du matin !
Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE. … bien qu’il soit le cœur du texte : la question du report de l’âge légal de départ à la retraite préoccupe plusieurs millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens, comme on a pu le constater dans la rue, aujourd’hui et les jours précédents, et comme on le verra encore samedi prochain.
Vous refusez le débat démocratique, et je crois sincèrement, monsieur le président – vous me connaissez, si je le dis, c’est que je le pense vraiment –, qu’un tel refus n’honore pas notre institution, le Sénat.
Excusez-moi de le dire aussi crûment : nous refusons de participer à cette pantomime et quittons l’hémicycle ce soir. Nous reviendrons demain ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Ce sera fini !
Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE. Dont acte ! Vous déciderez entre vous, avec le Gouvernement !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Les absents ont toujours tort !
Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE. Vous resterez dans l’entre-soi ! (Mme Éliane Assassi quitte l’hémicycle.)
M. le président. La parole est à M. le président Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner, président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Monsieur le président, messieurs les ministres, vous sentez certainement que nous sommes dans une colère froide.
Je regrette ce qui nous arrive collectivement, mes chers collègues. La droite sénatoriale a mis en marche une machine infernale, y compris en termes d’image – j’insiste sur ce point –, qu’elle n’est plus capable d’enrayer.
Techniquement, comme l’a déjà dit Éliane Assassi, nos sous-amendements n’ont pas pu être examinés : c’est impossible ! Et, pourtant, ils ont été déclarés irrecevables.
Peut-être ne vous attendiez-vous pas à ce que nous ayons une riposte à opposer à la demande de priorité de la commission sur l’amendement défendu par M. le rapporteur.
Nous avons parfaitement le droit de nous exprimer, de défendre nos idées, même si, manifestement, mes chers collègues, vous, vous ne le voulez pas.
De nombreuses imperfections ont émaillé nos discussions ce soir. Vous vous êtes livrés à une forme de bricolage, si je puis dire, dans la gestion de ce débat.
Je le regrette, monsieur le président, même si vous n’y êtes sûrement pour rien. Mais le constat est là, et les membres de mon groupe ont décidé de s’associer à la démarche de notre collègue du groupe communiste.
Nous vous laissons seuls : vous voterez peut-être l’article 7 cette nuit. Nous en rendrons compte devant les Français qui ont défilé aujourd’hui.
Mes chers collègues, je vais quitter cet hémicycle. Nous vous laissons entre vous.
M. le président. La parole est à M. le président Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Tout d’abord, puisque je vois que cela en fait rire certains, qui parlent même de cinéma, je tiens à dire que le moment est grave et que l’atmosphère est lourde.
Franchement, l’image – je veux le dire à mon tour – que vous donnez n’est pas bonne.
M. Daniel Laurent. À cause de vous !
M. Guillaume Gontard, président du groupe GEST. Nous avons longuement débattu ces trois derniers jours. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Guillaume Gontard, président du groupe GEST. Nous en étions arrivés à l’article 7 : il n’y avait aucune raison d’interrompre le débat et de passer en force, comme vous l’avez fait.
Ce soir, vous avez entravé notre droit d’amendement, notre travail de parlementaire : il était matériellement impossible d’examiner tous nos sous-amendements dans ce délai.
Je vous le dis, mes chers collègues, je suis peiné que les choses se passent ainsi ici, au Sénat. Il me semble que l’on avait jusqu’ici donné une bonne image de l’institution. Ce soir, nous donnons, ou plutôt vous donnez une image désastreuse de la Haute Assemblée.
M. Daniel Laurent. C’est la meilleure !
M. Guillaume Gontard, président du groupe GEST. Mon groupe, comme les groupes communiste et socialiste, a décidé de quitter l’hémicycle, mais je peux vous dire que les sénatrices et les sénateurs de nos trois groupes ne le font pas de gaîté de cœur.
Je vous le dis franchement : on avait mieux à faire ce soir, on avait mieux à faire toute cette semaine. Nous voulions discuter d’un texte d’importance, un texte qui est attendu, notamment par tous ces Français qui ont défilé en nombre aujourd’hui, que cela vous plaise ou non. Il était essentiel que vous laissiez place au débat.
Nous le regrettons, mais nous quittons cet hémicycle. Vous ferez ce que vous voudrez cette nuit ; de notre côté, nous reviendrons demain, et j’espère que nous le ferons dans des conditions un peu plus sereines, qui nous permettront de débattre et de travailler correctement. (M. Guillaume Gontard quitte l’hémicycle.)
M. le président. Monsieur le président Kanner, puisque vous êtes le seul président de groupe s’étant exprimé à ne pas avoir encore quitté l’hémicycle, je vous invite à écouter la réponse de Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président Kanner, vous nous faites le reproche de ne pas avoir eu le temps matériel d’étudier vos sous-amendements.
Pour être tout à fait exacte, je précise que l’adoption de l’amendement de la commission rendrait sans objet 600 amendements tendant à prévoir des dérogations par métier, ainsi que 500 amendements visant à supprimer des alinéas – ce qui a son importance, car l’article 7 comporte 180 alinéas, autant que dans le reste des articles de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale réunis.
Or tous vos sous-amendements copiaient simplement les amendements que vous aviez déposés initialement, les mêmes que nous avions déjà examinés en amont de l’examen du texte en séance et sur lesquels la commission avait déjà émis un avis défavorable.
Il n’était donc pas bien compliqué pour la commission de les analyser. À quelques exceptions près, je le répète, ce sont les mêmes ! Ne nous dites pas que nous n’avions pas le temps de les examiner ! (M. Patrick Kanner proteste.)
Nous n’allions pas passer la nuit à réexaminer des amendements que nous avions déjà traités ! Mon explication me semble assez claire.
La commission vise deux objectifs : contribuer à la clarté des débats et les recentrer sur les enjeux du texte. Vous savez très bien – ne jouez pas les vierges effarouchées ! –qu’en déposant plus d’un millier d’amendements à l’article 7 et en multipliant ce type d’artifice vous ne clarifiez pas le débat.
Outre l’amendement de la commission, il reste plus d’une centaine d’amendements sur l’article 7, amendements dont l’examen nous permettra de débattre du fond de cet article ; nous aurons ce débat demain.
M. le président. Monsieur le président Kanner, je profite de ce que vous soyez encore parmi nous pour vous demander si vous entendez maintenir votre demande de scrutin public sur l’amendement n° 4762 rectifié de la commission.
M. Patrick Kanner, président du groupe SER. Je vous laisse en juger !
M. le président. Elle est donc maintenue.
Il reste soixante-quinze amendements à examiner à l’article 7. Vous avez dit vouloir un débat de fond, monsieur le président Kanner ; la commission souhaite la même chose : nous vous donnons donc rendez-vous demain pour débattre du fond de ce texte, cette réponse du Sénat me semblant refléter la traditionnelle sagesse de notre institution. (M. Patrick Kanner quitte l’hémicycle.)
Ce soir, c’était un amendement « éclair » et des sous-amendements « éclair », si je puis dire, mais je souhaite que le débat ait lieu demain : ne caricaturons pas l’attitude de notre assemblée ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Mon propos s’adresse à la fois à vous, mes chers collègues, et au Conseil constitutionnel, même si je suis sûr que ce dernier sait déjà tout ce que je vais dire.
Des amendements peuvent tout à fait être jugés recevables lorsqu’ils portent sur un article d’un projet ou d’une proposition de loi, parce que – cela relève, heureusement, de la liberté de tout parlementaire – l’on a parfaitement le droit de critiquer, de contredire ou de modifier un article.
En revanche, un sous-amendement n’est recevable que s’il va dans le sens de l’amendement qu’il vise. Sinon, il entre en contradiction avec ledit amendement, auquel cas il est irrecevable.
Autant les amendements de nos collègues de gauche sont recevables, parce qu’ils ont trait à l’article 7, autant leurs sous-amendements sont irrecevables s’ils contredisent le sens de l’amendement de la commission tendant à réécrire ledit article. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)
M. le président. Merci pour cet effort de pédagogie, mon cher collègue, d’autant qu’il intervient juste avant que nous passions au vote.
Article 7 (suite)
M. le président. Nous reprenons le cours normal de la discussion.
Monsieur le ministre, quel est désormais l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 4762 rectifié ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Avis favorable, monsieur le président.
Pour aller jusqu’au bout des choses, je précise, à l’attention notamment de M. Mohamed Soilihi, que nous souhaitons qu’il soit bien précisé que les dispositions applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon devront être votées dans les mêmes termes pour le Département de Mayotte dans la suite de l’examen de ce texte, mais évidemment au travers de références légistiques différentes.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’amendement tendant à réécrire l’article 7 tend à supprimer les dispositions applicables à Mayotte. Or il s’agit de mesures spécifiques.
Je suis favorable à l’adoption de cet article, mais, pour aller dans le sens des propos de M. le ministre, il faudra veiller à rétablir et à ajuster ces dispositions dans le cadre de la navette. Il faut en effet savoir que l’ensemble des parlementaires de l’île, députés comme sénateurs, sont parvenus à un accord global à ce sujet.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4762 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 203 :
Nombre de votants | 253 |
Nombre de suffrages exprimés | 246 |
Pour l’adoption | 225 |
Contre | 21 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’ensemble des amendements à l’article 7 n’ont plus d’objet, à l’exception de soixante-quinze d’entre eux qui seront examinés demain, puisque, je le répète, la commission a souhaité qu’un débat de fond ait lieu.
La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 8 mars 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 368, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 8 mars 2023, à trois heures vingt-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER