Mme la présidente. En application de l’article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 9, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur les articles 9 à 20 et sur l’ensemble du texte, en ne retenant, à partir de maintenant, que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement, sans remettre en cause les amendements précédemment adoptés, y compris ceux qui ont été adoptés sur cet article 9.
Les amendements restant en discussion retenus par le Gouvernement viennent d’être cités par M. le ministre. Ils sont réputés faire l’objet d’un avis favorable du Gouvernement. Mes chers collègues, leur liste va vous être distribuée.
Acte est donné de cette demande.
Monsieur le ministre, nous avons bien entendu vos propos. Il s’agit, par le recours à cette procédure, d’assurer la clarté et la sincérité de nos débats et de mettre un terme à l’obstruction. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que, dans le cadre de la procédure de vote unique, les auteurs des amendements conservent leur droit de présentation.
En conséquence, chaque amendement pourra être soutenu pendant deux minutes, et la commission et le Gouvernement donneront leur avis. Il n’y aura, en revanche, plus d’explication de vote individuelle sur chacun des amendements et des articles. (Mêmes mouvements.)
De même, les prises de parole sur article sont possibles dans les conditions fixées par la décision de la conférence des présidents qui est réunie le 8 mars dernier, c’est-à-dire à raison de deux minutes pour un orateur par groupe.
À l’issue de la présentation des amendements, nous passerons aux explications de vote et au vote unique sur les amendements retenus et sur l’ensemble du texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis de celui-ci.
La messe est dite, mes chers collègues ! (Exclamations.)
M. Roger Karoutchi. La faute à qui ?
M. Patrick Kanner. Je veux indiquer que nous ne sommes pas étonnés. D’ailleurs, dans le rappel au règlement que j’ai fait tout à l’heure, j’ai demandé à M. le ministre quand il allait déclencher l’article 44.3. C’est désormais chose faite !
Je vous rappelle que, si nous en arrivons là, c’est parce que vous avez recouru à divers articles du règlement du Sénat, que le Gouvernement a utilisé l’article 47-1 de la Constitution en amont et que vous avez employé la tactique de l’amendement prioritaire rectificatif afin de faire tomber nombre d’amendements de l’opposition.
M. Olivier Paccaud. Vous l’avez bien cherché !
M. Patrick Kanner. Nous prenons acte, monsieur le ministre, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, que vous avez décidé, avant la grande journée de mobilisation du 11 mars (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), de montrer au pays vos réelles intentions, que je qualifierai, ne le prenez pas mal, de réactionnaires.
M. Olivier Paccaud. Pour mettre fin à l’obstruction !
M. Patrick Kanner. En effet, il s’agit bien d’une réforme réactionnaire et de régression sociale.
Il nous restait 1 000 amendements à examiner. Pour ce faire, nous disposions encore de trente heures de débats. Nous aurions pu, tranquillement, montrer aux Français notre volonté de débattre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous resterons en séance pour examiner ceux de nos amendements que vous aurez tolérés, monsieur le ministre. Toutefois, afin de mesurer les conséquences d’une telle décision et de faire le point sur la situation, je sollicite, madame la présidente, une suspension de séance bien légitime. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. Nous entendrons tout d’abord les autres rappels au règlement.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.
M. Guillaume Gontard. Quel aveu de faiblesse ! (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.) Ce n’est pas la première fois que j’emploie cette expression ces derniers jours, mais il s’agit vraiment là d’un terrible aveu de faiblesse.
Votre majorité se fissure. Ce texte n’a pas été voté à l’Assemblée nationale,…
M. Michel Dagbert. La faute à qui ?
M. Guillaume Gontard. … et on a vu les conditions dans lesquelles s’est déroulé le débat.
Les syndicats sont unis et demandent solennellement à être reçus par le Président de la République, qui refuse toujours de leur ouvrir sa porte.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Guillaume Gontard. L’ensemble de la population est dans la rue, et attend une réponse.
M. Roger Karoutchi. Vous l’avez déjà dit !
M. Guillaume Gontard. Or vous voulez passer en force ! Quelle image donnez-vous ? Vous aliénez brutalement le Parlement, c’est tout simplement honteux !
M. Fabien Gay. C’est un putsch !
M. Guillaume Gontard. Victor Hugo avait nommé son chien Sénat. Aujourd’hui, le Sénat est devenu le toutou du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Kerrouche. Pas le Sénat, la majorité sénatoriale !
M. Guillaume Gontard. Vous avez raison cher collègue, la majorité sénatoriale. (M. Roger Karoutchi manifeste son agacement.) Monsieur Karoutchi, je sais que cela vous ennuie, mais je continuerai !
M. Roger Karoutchi. Cela m’ennuie, car cela abaisse le Parlement ! J’ai toujours défendu le Parlement. Pas vous !
M. Guillaume Gontard. Je demande moi aussi une suspension de séance (Mme Françoise Gatel proteste.), et d’une durée suffisante, car vous vous êtes accordé une longue suspension pour réécrire votre texte avec le Gouvernement. Nous devons pouvoir nous réunir pour réagir à cette aliénation du Parlement. Nous ne pouvons pas l’accepter.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ni nous l’obstruction !
M. Guillaume Gontard. Pour notre part, nous ne serons pas les toutous du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Laurent. Nous y sommes… Voilà donc le coup de force que vous prépariez depuis mardi dernier avec le Gouvernement, en recourant à toutes les procédures imaginables pour mettre fin au débat.
Comme l’a indiqué à plusieurs reprises la présidente de notre groupe Éliane Assassi, il s’agit d’un terrible aveu de faiblesse. Vous qui êtes ultra-majoritaires au Sénat, vous êtes incapables de faire voter ce texte dans des conditions normales d’examen. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
En effet, vous avez décidé, depuis le premier jour, non seulement de faire voter les 64 ans, mais de le faire en acceptant les conditions imposées par le Gouvernement, qui a recouru à l’article 47-1 de la Constitution.
En jouant le jeu du Gouvernement, vous vous êtes mis dans une situation qui abaisse le Sénat.
Mme Chantal Deseyne. C’est vous qui abaissez le Sénat !
M. Pierre Laurent. Vous vous êtes condamnés au silence pendant les premiers jours de débat pour jouer ce jeu. Puis, depuis mardi, voyant l’ampleur que prenait le mouvement populaire, vous avez organisé l’obstruction (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), pour justifier le coup de force du Gouvernement.
Vous allez donc décider de tout en commission mixte paritaire mercredi prochain, alors que l’Assemblée nationale n’aura pas voté le texte et qu’il aura été adopté ici à la faveur de ce qu’il convient bien d’appeler un 49.3 sénatorial, car voilà ce qu’est en réalité le vote bloqué.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Vincent Capo-Canellas. Mais vous ne voulez pas que le Sénat vote !
M. Pierre Laurent. Chers collègues de droite, ne cautionnez pas cela, car vous le paierez très cher. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)
M. Olivier Henno. Arrêtez vos menaces !
M. Roger Karoutchi. Les menaces sont inadmissibles dans cet hémicycle ! Sortez !
M. Pierre Laurent. Le pays vous regarde. La seule issue, pour le Gouvernement, c’est le retrait du texte ! (Tumulte.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Cohen. Comme vient de le dire mon collègue Pierre Laurent, le 44.3, c’est le 49.3 du Sénat. Franchement, la chambre haute ne sort pas grandie de cette nouvelle procédure ! Le parlementarisme est piétiné par le Gouvernement, avec l’assentiment de la majorité de droite, républicains et centristes confondus. C’est triste pour la démocratie, pour le peuple et pour tous ceux qui nous regardent !
M. Gérard Longuet. Quelles larmes de crocodile !
Mme Laurence Cohen. Pourquoi faites-vous cela ? Parce que, depuis le début, vous avez souhaité tendre et dramatiser les débats,…
M. Roger Karoutchi. Et vous ?
Mme Laurence Cohen. … en refusant de parler du fond, c’est-à-dire des conséquences de votre projet sur la vie des gens. Voilà la réalité ! (M. Michel Dagbert et Mme Françoise Gatel protestent.)
Pourquoi une telle attitude des droites vis-à-vis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi. Et la gauche ?
Mme Laurence Cohen. Parce que le projet du Gouvernement est le frère jumeau du vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs de la droite !
Mme Sophie Primas. Mais oui !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Et alors ?
Mme Laurence Cohen. Cela fait quatre ans que René-Paul Savary propose le recul de l’âge de départ à la retraite.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Merci de le reconnaître !
Mme Laurence Cohen. Aussi, vous êtes soulagés de voir enfin cette réforme scélérate votée de cette manière, par des parlementaires qui acceptent que le parlementarisme soit piétiné. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Nous, nous faisons notre travail !
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas glorieux, c’est triste !
Les conséquences seront graves. Aujourd’hui, vous piétinez l’opposition, mais demain, que se passera-t-il ?
Cessez de dire, la main sur le cœur, que le Sénat est un modèle de respect ! Est-ce respectueux de bafouer et de bâillonner l’opposition de gauche ? Selon moi, c’est antidémocratique !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ce sont les défenseurs du parti unique qui disent cela !
Mme Laurence Cohen. De plus, la commission des affaires sociales a été piétinée : depuis le début de l’examen du texte, elle n’a jamais été réunie. Cela aussi, c’est très grave ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Vos propos sont honteux !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Pour que tout le monde à l’extérieur comprenne bien la conséquence de la décision prise par le Gouvernement, en accord avec la majorité sénatoriale, à partir de maintenant, nous n’allons débattre que des amendements retenus par le Gouvernement. Nous saurons dans quelques instants, lorsque nous aurons pu examiner la liste précise, combien d’amendements de l’opposition des groupes de gauche ont été retenus – je ne suis pas sûre qu’il y en ait beaucoup…
Par ailleurs, nous allons discuter les amendements qui conviennent au Gouvernement et à la majorité. Aussi, lorsque nous allons les examiner, il y aura un orateur pour – ce ne sera pas nous, puisqu’il ne s’agira pas de notre amendement –, la commission – ce ne sera pas nous, puisque nous ne sommes pas rapporteurs –, puis le Gouvernement.
Autrement dit, sur tous les amendements que vous avez retenus et qui n’émanent pas de l’opposition, nous ne pourrons pas nous exprimer.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Vous vous êtes déjà exprimés !
Mme Laurence Rossignol. Voilà la procédure que vous mettez en place. Aussi, vous ne pouvez pas dire qu’il ne s’agit pas d’une procédure bâillon ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est honteux !
Mme Laurence Rossignol. Vous avez décidé que la gauche devait se taire jusqu’à la fin de ce débat.
À propos de la fin du débat, nous devions siéger jusqu’à dimanche soir, mais vous avez retenu 70 amendements… Cela peut aller très vite ! Au reste, c’est visiblement votre intention.
Or nous ne sommes que vendredi midi. Deux journées et demie de débat étaient encore prévues. Vous qui voulez faire travailler les Français deux ans de plus, vous n’êtes pas capables de travailler trois jours de plus ! Ce n’est pas glorieux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est nul !
Mme la présidente. Madame Rossignol, je vous indique que tous les amendements déjà déposés seront présentés d’ici à la fin de la discussion, et pas seulement ceux qui ont été cités par M. le ministre. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Éric Kerrouche. Un seul orateur par groupe !
Mme la présidente. Les amendements mentionnés par M. le ministre ont reçu un avis favorable, mais l’ensemble des presque 1 000 amendements restants seront présentés.
La parole est à M. Olivier Henno, pour un rappel au règlement.
M. Olivier Henno. Nous nous attendions à ce que vous vous opposiez à ce texte tout au long de nos débats.
Nous n’avons donc pas été surpris de voir dans le dérouleur vos très nombreux amendements. Mais la question que nous nous posions était de savoir si vous souhaitiez, dans le temps qui nous était imparti – plus de cent vingt heures de débat –, que nous puissions nous exprimer et voter.
Plusieurs fois, Roger Karoutchi, avec calme et pondération, a appelé à ce que le débat avance, s’étonnant de ce qui semblait relever d’une forme d’obstruction. Au fond, toute la question est là. Vous avez bien sûr le droit de vous opposer à ce texte sur les retraites. Nous exprimons parfois nous-mêmes certaines réserves sur la forme, sur le calendrier ou sur le sens du travail… C’est le rôle du Parlement d’en débattre.
Toutefois, au-delà de cette réforme des retraites, la démocratie représentative exige du Parlement non seulement qu’il débatte, mais qu’il se prononce.
M. Roger Karoutchi. Qu’il décide !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Qu’il vote !
M. Olivier Henno. Voilà l’objet de notre clivage.
Nous ne sommes pas très heureux de devoir utiliser une telle procédure. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Aussi pourquoi le faisons-nous ?
Mme Laurence Cohen. Oui, pourquoi ?
M. Olivier Henno. Nous avons parlé de Jean-Luc Mélenchon, dont on se dit parfois qu’il rôde… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Vincent Éblé. C’est bien commode !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il n’est pas là !
M. Olivier Henno. Au moins, lui, il a l’obstruction glorieuse, contrairement à vous, qui avez l’obstruction honteuse ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Vous ne voulez pas vous exprimer : vous vous camouflez derrière des arguments de procédure ! Cette obstruction honteuse ne vous grandit pas. Pour notre part, nous souhaitons aller au bout de ce texte, pour le Sénat et pour la démocratie représentative ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Bernard Fialaire et Emmanuel Capus applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour un rappel au règlement.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce qui se joue avec ce recours à l’article 44.3 de la Constitution, c’est que le Gouvernement et la majorité sénatoriale deviennent illibéraux ! Vous devenez autoritaires. Pourquoi ? Tout simplement parce que vous êtes extrêmement minoritaires. (Rires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Vous êtes dix !
Mme Raymonde Poncet Monge. Lorsque l’on impose son point de vue tout en étant minoritaire, on devient illibéral.
Vous avez usé du triptyque bien connu : « Provocation, réaction, répression ». Vous nous avez constamment provoqués ! Ce matin, quel sens y avait-il à appeler l’amendement de la commission en priorité ? Aucun ! Vous vouliez nous pousser à formuler des rappels au règlement. Vous nous avez provoqués, nous avons réagi et, désormais, vous nous réprimez. Cette mécanique était bien connue en 1968.
Personnellement, je tiens à adresser un message au mouvement social, qui est majoritaire dans le pays. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Roger Karoutchi. C’est inadmissible ! Madame la présidente, intervenez ! Des sanctions doivent être prises !
Mme la présidente. Madame Poncet Monge, je ne peux accepter que vous teniez ces propos. Ce n’est pas un rappel au règlement.
La parole est à M. Jacques Fernique, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Fernique. Sur le fondement de l’alinéa 9 de l’article 42 de notre règlement, qui détermine la procédure lorsque le Gouvernement dégaine le 44.3, chacun doit prendre conscience que nous n’aurons plus qu’un seul vote sur l’ensemble du texte et des amendements dont on nous a donné une liste. Aussi, nous attendons de découvrir le menu de ce que nous aurons à avaler d’une traite.
Où sont la clarté et la sincérité des débats lorsque seuls ceux qui sont pour s’expriment ? En effet, il faut également en prendre conscience, il n’y aura qu’un seul son de cloche, bien qu’il soit émis en trois temps, je le concède : celui des auteurs de l’amendement, qui sont, en principe, pour leur amendement…
M. Guillaume Chevrollier. Il faut l’espérer !
M. Jacques Fernique. … celui de la commission, qui est favorable à ces amendements, et celui du Gouvernement, dont j’ai l’impression qu’il sera également favorable…
M. Roger Karoutchi. Vous ne connaissez rien à la procédure du vote bloqué…
M. Jacques Fernique. Les autres devront se taire et écouter, rien de plus.
J’admets que le décorum du palais du Luxembourg – la salle des conférences, cet hémicycle… – a des airs de Second Empire, mais ce n’est pas une raison pour que notre assemblée bascule dans le bonapartisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Françoise Gatel. Ah !
Mme la présidente. Je répète, mes chers collègues, que tous les amendements qui ont été déposés seront examinés.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour un rappel au règlement.
M. Éric Bocquet. J’interviens en vertu de l’article 42, alinéa 9, de notre règlement.
Tout d’abord, je veux donner lecture de l’alinéa 3 de l’article 44 de la Constitution, sur lequel nous nous exprimons : « Si le Gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. »
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il n’y a plus au Sénat qu’un seul bloc libéral, en soutien de cette réforme libérale. Il y a un accord de fond, nous le savons et ce n’est pas une surprise. Toutefois, nous assistons maintenant à une forme de sabordage du Sénat.
M. Roger Karoutchi. C’est vous qui le sabordez !
M. Éric Bocquet. Le bicamérisme fondait notre République – j’emploie malheureusement l’imparfait –, dans laquelle le Sénat jouait son rôle. Mais aujourd’hui, où est la séparation des pouvoirs ? Ce qui se passe est gravissime : le ministre choisit les amendements qui lui conviennent…
Je le dis avec solennité : à la crise économique, qui sévit depuis longtemps dans ce pays, et à la crise sociale, qui est en cours, vous allez ajouter une crise politique majeure, dans un pays fracturé et en tension. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour un rappel au règlement.
M. Yan Chantrel. Madame la présidente, je fonderai mon rappel au règlement sur son article 44 bis.
Aujourd’hui, vous piétinez le Sénat, avec la complicité de la droite sénatoriale. Le Gouvernement est responsable de ce qui se passe depuis le début de la discussion du texte, car il a recouru à l’article 47-1 de la Constitution, qui limite les débats – cela n’a d’ailleurs pas permis à l’Assemblée nationale d’examiner le texte dans son ensemble. Ce faisant, il brutalise de nouveau le Parlement.
Votre pratique du pouvoir est brutale. Vous prouvez, au travers de tous les artifices que vous employez, l’essoufflement de la Ve République. Hasard du calendrier, sort aujourd’hui un livre intitulé Une République à bout de souffle, que je vous conseille de lire. (L’orateur brandit l’ouvrage en question.)
M. Yan Chantrel. Il montre à quel point notre Constitution accumule les contradictions et les archaïsmes et comment elle devient de plus en plus vulnérable aux tentations autoritaires. Selon son auteur, un nouveau partage des pouvoirs serait salvateur, pour une république enfin sociale et écologique.
Vous tentez d’imposer un coup de force aux Françaises et aux Français qui se battent contre cette réforme, car c’est eux que vous brutalisez au travers du Parlement !
Aussi, nous appelons chacun à se mobiliser, pour que nous soyons toujours plus nombreux à nous dresser face à cette volonté de nous brutaliser. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Serge Mérillou applaudit.) Nous serons samedi prochain avec eux dans la rue pour manifester,…
Mme la présidente. Vous sortez du cadre d’un rappel au règlement, cher collègue !
M. Yan Chantrel. … car c’est désormais le seul endroit où ils peuvent se faire entendre, puisque vous les privez de débat parlementaire. (Tumulte sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est un détournement de procédure ! J’appelle à des sanctions !
M. Fabien Gay. On a le droit de dire ce qu’on veut, monsieur Karoutchi !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour un rappel au règlement.
M. Éric Kerrouche. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 46 bis, madame la présidente.
Monsieur Henno, puisque vous nous interpellez, je remarque que vous êtes obsédés par Jean-Luc Mélenchon… Vous faites une fixation. Il y a de très bonnes consultations psychologiques pour un tel cas. (Mmes Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly rient.) Pour ce qui nous concerne, nous sommes socialistes, écologistes et communistes.
Vous nous imposez un bel exercice de médiocrité parlementaire. En effet, vous mettez en avant l’ensemble des mesures ou des dispositions que nous aurions prises pour ne pas faire avancer le débat ou pour faire obstruction.
Mme Sophie Primas. Vous l’avez revendiquée !
M. Éric Kerrouche. Par ailleurs, je rappelle, notamment pour le Conseil constitutionnel, qu’il y a une collusion évidente entre la présidente de la commission des affaires sociales et sa présidente et le Gouvernement. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales proteste.)
Madame la présidente de la commission, en ne réunissant pas la commission, vous avez permis le déclenchement de l’article 44, alinéa 2 de la Constitution. C’est de la collusion !
De plus, vous avez recouru à de nombreux articles de notre règlement pour limiter les prises de parole : l’article 38 sur l’intervention unique, l’article 44.6 sur les priorités, l’article 46 bis, alinéa 2, sur les examens disjoints, l’article 46 bis alinéa 4… Dites-moi donc qui a vraiment fait de l’obstruction parlementaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Sophie Primas. Vous !
M. Éric Kerrouche. Ce débat nous aura tout de même permis de montrer, tout au long de la discussion, que cette réforme était mauvaise. Je profite d’ailleurs de cette intervention pour saluer Franck Riester, ici présent, qui, le premier, a remarqué que cette réforme se faisait au détriment des femmes. (M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement proteste.)
Je conclurai par une formule bien connue et qui se vérifie aujourd’hui : la roche Tarpéienne est proche du capital ! (Rires et exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. Jérôme Bascher. Très bon !
M. Éric Kerrouche. Pardon, du Capitole ! Je regardais M. Karoutchi, qui a fait dévier ma pensée…
M. Jérôme Bascher. Vous êtes obsédé par Karl Marx !
M. Éric Kerrouche. Plus sérieusement, le succès que vous pensez obtenir aujourd’hui est déjà la défaite de demain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour un rappel au règlement.
Mme Céline Brulin. Je crois que le Gouvernement a volontairement réduit le temps du débat, tout d’abord en soumettant l’examen de ce texte à l’article 47-1 de la Constitution, qui nous oblige à achever la discussion dimanche à minuit, puis en refusant de prolonger celle-ci au-delà de cette date, alors que cela demeure possible.
Il serait d’ailleurs peut-être encore temps de le faire, car il reste un nombre important d’amendements à examiner. Si vous vouliez vraiment montrer que vous êtes prêts à débattre, vous ouvririez la séance au-delà de dimanche prochain.
La majorité sénatoriale ne s’est pas grandie en prêtant le flanc à toutes ces manœuvres. Elle s’est même réduite à devenir la béquille du Gouvernement, en se prenant les pieds dans le tapis, puisque toutes les procédures déclenchées depuis plusieurs jours n’ont contribué qu’à une chose : retarder encore le débat. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Arrêtez, cela suffit !
Mme Sophie Primas. Le comique de répétition devient lassant !
Mme Céline Brulin. Vous activez ce vote bloqué, parce que, dans la majorité comme dans la majorité présidentielle, les fractures et les lézardes sont de plus en plus ouvertes. Quelque 55 de nos collègues de la droite et du centre ont refusé de voter l’article 7.
Mme Sophie Primas. C’est leur droit !
Mme Céline Brulin. Voilà ce qui vous pose problème.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ils font ce qu’ils veulent !
M. Xavier Iacovelli. Nous, nous ne sommes pas staliniens !
Mme Céline Brulin. C’est absolument leur droit, et nous les en félicitons.
En revanche, ce qui est irresponsable, compte tenu du contexte, c’est que, en activant ce petit frère du 49.3, vous allez redoubler la colère du pays.