M. David Assouline. Bâillonnés !
M. Bruno Retailleau. … non, pas bâillonnés, pour respecter notre part de l’engagement. Ensuite, vous n’avez tenu aucun des vôtres !
M. Fabien Gay. Quels engagements ?
M. Bruno Retailleau. Très vite, nous nous sommes aperçus que vous vouliez nous empêcher de débattre du fond et de voter le projet de loi.
M. Martin Lévrier. Oui, et c’est lamentable !
M. Bruno Retailleau. Faire de l’obstruction, c’est déposer 449 demandes de rapports, c’est multiplier les amendements identiques, c’est entasser des sous-amendements ridicules et dont les dispositions n’apportent rien, c’est faire des rappels au règlement qui n’en sont pas !
M. Fabien Gay. Le droit d’amendement est dans la Constitution !
M. Bruno Retailleau. Or l’obstruction, c’est la négation du rôle du Parlement ! Vous transformez le Sénat en un groupe de parole. Le Parlement ne vaut qu’avec ses débats, bien sûr, mais pour éclairer le vote. C’est notre métier, c’est notre devoir, c’est l’engagement que nous avons pris devant les Français, mes chers collègues !
M. Pascal Savoldelli. Parlementaire, ce n’est pas un métier, c’est une activité…
M. Bruno Retailleau. Dans une enceinte parlementaire, on ne peut pas supporter qu’une minorité prenne en otage une majorité,… (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Céline Brulin. C’est vous qui faites une prise d’otage !
M. Bruno Retailleau. … pour la seule raison qu’elle ne veut pas être perdante. Nous voulons voter ! (Marques d’impatience sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE, où l’on signifie que le temps de parole de l’orateur est épuisé.)
Enfin, je vous rappelle que, au Sénat, la gauche a utilisé neuf fois le vote bloqué et que, à l’Assemblée nationale, elle y a même eu recours pour faire adopter la loi Touraine ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – Tumulte sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je souhaite répondre à Ronan Dantec, pour sa référence au titre « Bal tragique à Colombey ».
Pour ma part, je pense aux familles des 146 jeunes qui sont décédés dans ce dancing de l’Isère. Et si cela vous fait rire, sachez que ce n’est pas notre cas ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. N’importe quoi !
M. Pascal Savoldelli. Je pensais que vous preniez la parole pour évoquer la vie démocratique de la commission…
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour un rappel au règlement. (Marques d’intérêt sur de nombreuses travées.)
M. Claude Malhuret. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 42, alinéa 9, de notre règlement.
M. Fabien Gay. Vous, on ne vous a pas beaucoup vu en séance !
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas vrai, monsieur Gay !
M. Claude Malhuret. Oh là là ! La gauche morale est furieuse, la gauche morale est en colère ! (Sourires sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains. – Vives exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Vous savez, mes chers collègues, la gauche morale, celle qui dit : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » !
M. Pascal Savoldelli. Mais oui…
M. Claude Malhuret. Celle qui nous dit, M. le ministre le rappelait, qu’elle est scandalisée que l’on utilise le 44.3, alors qu’elle l’a allègrement employé lors du vote de la loi Touraine !
M. Pascal Savoldelli. Et qui a dégainé l’article 38 ?
M. Claude Malhuret. Celle qui nous dit qu’il est très démocratique de déposer cinquante amendements de suppression sur chaque article et de faire vingt explications de vote pour chacun d’eux, mais qu’il n’est pas démocratique de mettre en œuvre une procédure destinée à couper court à ce qui n’est même plus une obstruction, mais qui est une tentative de destruction de la procédure parlementaire.
Mme Émilienne Poumirol. C’est un rappel au règlement ?
M. Claude Malhuret. Nous avions un point d’accord au début de l’examen de cette loi : ne pas donner le lamentable spectacle de l’Assemblée nationale !
M. Serge Mérillou. Sur quel article du règlement vous fondez-vous ?
M. Claude Malhuret. Eh bien, c’est terminé depuis longtemps ! (Tumulte sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Plusieurs sénateurs des groupes SER et CRCE. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Claude Malhuret. Il y avait à l’Assemblée nationale une ZAD, une « zone à délirer » des mélenchonistes, qui n’ont toujours pas compris que l’Assemblée nationale n’est pas une AG de l’Unef ! (Le tumulte s’intensifie au point de couvrir la voix de l’orateur.)
M. Pascal Savoldelli. Il s’écoute parler !
M. Claude Malhuret. Eh bien, il y a au Sénat depuis une semaine une autre ZAD : une « zone d’amendements débridés » des trois partis de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), qui vise exactement le même but, à savoir organiser l’impuissance du Parlement en l’empêchant d’exercer son rôle essentiel, le vote de la loi.
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Madame la présidente, ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme la présidente. Silence ! C’est moi qui préside !
M. Claude Malhuret. Nous allons pourtant faire en sorte que le Sénat fasse le travail pour lequel nous ont élus les Français : nous donner les moyens de voter cette loi. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. À la demande de MM. Patrick Kanner et Guillaume Gontard, la séance est suspendue pour quelques minutes.
M. Roger Karoutchi. Mais une suspension pour quoi faire ? C’est n’importe quoi !
M. Pascal Savoldelli. Gardez votre calme, monsieur Karoutchi !
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à douze heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Pour quoi faire ?
M. Martin Lévrier. Il y en a déjà eu un !
M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, gardons notre sang-froid, cela va bien se passer !
Conformément à l’article 29, alinéa 2, de notre règlement, et au nom de mes collègues présidents de groupe Éliane Assassi et Guillaume Gontard, je demande solennellement une réunion de la conférence des présidents.
Nous demandons l’inscription à l’ordre du jour de cette réunion le point suivant : « Conséquences de la mise en œuvre de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution sur le bon déroulement de nos débats ».
Mme la présidente. Je transmets votre souhait au président du Sénat, en attendant que vous formalisiez votre demande par écrit.
M. David Assouline. Le règlement ne prévoit pas que la demande se fasse par écrit !
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour un rappel au règlement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le rappel au règlement est un droit ! (Sur quel article ? sur les travées du groupe Les Républicains.) Le mien se fonde sur l’article 44 bis de notre règlement.
Depuis mardi dernier, vous en rêviez. Votre rêve devient aujourd’hui réalité.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Alors que vous avez fait preuve d’un mutisme scandaleux, vous êtes complices du Gouvernement !
Vous mettez encore une fois genou à terre, mesdames, messieurs de la droite sénatoriale, en acceptant la mise en œuvre au Sénat de l’article 44.3 de la Constitution, qui s’apparente à celle de l’article 49.3 à l’Assemblée nationale ! Vous bafouez la démocratie. La situation de ce matin est inédite au Sénat. C’est du jamais-vu !
Nous avons assisté ces derniers jours à un simulacre de démocratie. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) À diverses reprises, nous vous avons demandé une réunion de la commission des affaires sociales, afin que celle-ci examine nos sous-amendements. Vous n’avez jamais – jamais ! – répondu à cette demande.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Si !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Toutefois, vous pouvez compter sur nous pour défendre un à un nos amendements, parce qu’ils visent la vie des gens, des ouvriers et des salariés qui travaillent dans des conditions difficiles,…
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … la vie de celles et de ceux que vous avez décidé, Gouvernement et majorité sénatoriale, de faire travailler jusqu’à 64 ans. (Tumulte sur les travées du groupe Les Républicains.)
La majorité n’est pas ici, elle est dans la rue ! Aujourd’hui, 80 % des gens sont en colère…
M. Roger Karoutchi. Prenez des sanctions, madame la présidente !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … contre votre réforme. Ils vous la feront payer ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. M. le président du Sénat me fait dire que la conférence des présidents se réunira à quatorze heures. En attendant, je vous propose de poursuivre l’examen des amendements.
M. David Assouline. Je demande la parole, madame la présidente, pour un rappel au règlement ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Oh non ! Ce n’est pas possible…
M. David Assouline. Le rappel au règlement est un droit !
Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Assouline, mais je fais appel à votre sagesse, afin que nous puissions reprendre l’examen des amendements. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Je vous remercie de votre sagesse, madame la présidente.
Ce matin… (Sur quel article ? sur les travées du groupe Les Républicains.) Chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis du règlement.
J’aimerais d’ailleurs que l’on remette le compteur du temps de parole à zéro, puisque je viens de perdre vingt secondes. (Marques d’exaspération sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce matin, donc, les bruits qui couraient et dont la presse se faisait l’écho se sont confirmés : vous écourtez les débats encore plus que ce qui était prévu, alors que le Gouvernement avait déjà décidé de nous contraindre à achever l’examen du texte dimanche soir. Il semblerait que certains veuillent partir en week-end et avoir leur samedi et leur dimanche ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour notre part, nous jugeons que l’affaire est grave.
Pouvez-vous citer à quelles occasions ces articles de la Constitution ou du règlement ont déjà été utilisés ?
En vérité, nous avons rarement discuté d’un projet de loi rejeté, selon toutes les enquêtes d’opinion effectuées tous les trois jours depuis deux mois, par deux tiers des Français ! (Mêmes mouvements.)
Nos débats n’ont jamais été écourtés de cette manière, alors que 3,5 millions de nos concitoyens manifestent et répètent qu’ils ne veulent pas de cette réforme.
M. Emmanuel Capus. Quel rapport avec le règlement ?
M. David Assouline. Le minimum aurait été, alors que nous discutions de l’article 7, qui est la disposition phare du texte, ou encore des carrières longues, de ne pas faire tomber des centaines de nos amendements.
Nous avons riposté à vos coups de force avec les procédures à la disposition des groupes minoritaires dans un Parlement. Nous ne posons pas le genou à terre, évidemment ! (Si ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. David Assouline. Vous qualifiez notre attitude d’obstruction, mais vous avez oublié que les sénateurs de gauche sont des combattants ! (Protestations et marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains, où l’on signifie à l’orateur que son temps de parole est écoulé.)
Nous combattons cette réforme et nous ne nous laisserons pas museler ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, puisque manifestement vous ne souhaitez pas que nous reprenions l’examen des amendements, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents s’est réunie pour étudier les conditions dans lesquelles nous allons examiner la suite du projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2023, après l’engagement de la procédure de vote unique par le Gouvernement, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.
Il a été rappelé que les auteurs de tous les amendements conservent la possibilité de les présenter.
Par ailleurs, les prises de parole sur article sont possibles dans les conditions déterminées par la conférence des présidents lors de sa réunion du mercredi 8 mars dernier. Il a également été indiqué aux présidents de groupe les motifs pour lesquels les sous-amendements transmis depuis l’annonce de l’application de l’article 44, alinéa 3, par le Gouvernement ne sont pas recevables. De même, les deux motions de renvoi en commission qui subsistaient sont désormais sans objet.
La conférence a également souligné que les rappels au règlement, qui sont à l’appréciation du président de séance, ne doivent pas constituer un détournement de procédure.
Enfin, la conférence a réaffirmé que le vivre ensemble sénatorial n’autorise pas les interpellations, lesquelles sont, je le rappelle, interdites par l’article 36 de notre règlement. Je souligne également qu’il est interdit de nous filmer les uns les autres à notre insu.
Je compte sur vous pour assurer jusqu’à la fin de nos débats, dans le respect des convictions de chacun, la sérénité de nos travaux, qui doit être la marque de notre assemblée.
Article 9 (suite)
M. le président. Nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 9.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3308, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3, première phrase, 53, 58 et 60
Remplacer les mots :
l’usure professionnelle
par les mots :
la pénibilité au travail
II. – Alinéa 61
Remplacer les mots :
d’usure professionnelle
par les mots :
de pénibilité au travail
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à rétablir la notion de pénibilité dans la loi en général et dans les codes de la sécurité sociale et du travail en particulier.
L’ordonnance n° 2017-1389 du 23 septembre 2017 a supprimé le terme « pénibilité » du code du travail, auquel il a substitué les termes « facteurs de risques professionnels ».
Dans la continuité des réserves émises par les organisations patronales, qui ont votre écoute, sur l’association entre travail et pénibilité, Emmanuel Macron, lors d’une concertation citoyenne sur son précédent projet de réforme du système de retraites, avait déclaré : « Je n’adore pas le mot pénibilité, car cela donne le sentiment que le travail serait pénible ».
Ce changement, monsieur le ministre, n’est pas neutre. Jean Jaurès disait : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. » C’est ce que vous faites : changer les mots, parce que vous ne pouvez changer les choses !
Quand on parle d’usure, on parle des corps qui s’usent au travail : on évoque une réalité individuelle constatée a posteriori, donc curative. Quand on parle de pénibilité, on parle des métiers. Ce sont eux qui sont pénibles, d’où une présomption d’usure et une notion préventive.
La discussion de cet amendement, je n’en doute pas, aurait pu nous permettre d’avoir un débat sincère et clair sur ces questions, mais le 49.3 sénatorial nous en empêche malheureusement !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2971 rectifié est présenté par M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Meunier, Rossignol et Blatrix Contat, MM. Bourgi et Durain, Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel et Leconte, Mme Monier, MM. Temal, Tissot, Lurel, Féraud et Marie, Mme de La Gontrie, MM. Raynal et Stanzione, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin, Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mme Van Heghe, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 3801 est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3, première phrase, et alinéas 53, 58 et 60
Remplacer les mots :
l’usure professionnelle
par les mots :
la pénibilité
II. – Alinéa 61
Remplacer les mots :
d’usure professionnelle
par les mots :
de la pénibilité
La parole est à M. Rémi Cardon, pour présenter l’amendement n° 2971 rectifié.
M. Rémi Cardon. Je présenterai cet amendement, même s’il n’y a plus vraiment de débat, pour information.
Cet amendement vise à réintroduire la notion de pénibilité au travail dans la loi. En 2017, le Gouvernement a supprimé par ordonnance quatre facteurs de pénibilité du dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) : la manutention manuelle de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l’exposition à des agents chimiques dangereux.
Même si la droite n’apprécie guère les rapports et les avis, je rappelle que la Cour des comptes, dans un rapport publié en décembre 2022 sur les politiques publiques de prévention en santé au travail dans les entreprises, a fait part de sa vive déception concernant ces mesures prises par ordonnances. Ce même rapport pointait l’écoute excessive du patronat, qui a conduit à une dégradation de la gestion de la pénibilité au travail, donc de la santé des travailleurs.
Monsieur le ministre, mettre en œuvre des politiques de santé au travail implique de nommer les choses. Oui, le travail peut être pénible ; il peut même altérer la santé des travailleurs. Il est donc urgent de réhabiliter la notion de pénibilité dans la loi.
Comme vous n’entendez malheureusement pas le faire, monsieur le ministre, puisque nous sommes contraints par le temps et que je sais que vous avez de l’humour et un goût prononcé pour les mots croisés, permettez-moi de vous faire parvenir une grille de mots croisés (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RPDI.), à des fins pédagogiques, pour vous occuper pendant les suspensions de séance. J’espère qu’elle vous fera réfléchir et vous conduira à réintroduire le mot « pénibilité » dans la loi.
Je vous livre la définition du premier mot de cette grille : « Critères supprimés en 2017 par Emmanuel Macron et qui ne sont pas repris dans votre projet de réforme impopulaire ». « Pénibilité », monsieur le ministre !
M. le président. Il faut conclure !
M. Rémi Cardon. Si certains collègues s’ennuient, je peux également leur faire parvenir cette grille.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 3801.
M. Gérard Lahellec. Par cet amendement, nous souhaitions remplacer toutes les occurrences du mot « usure » par le mot « pénibilité », qui nous paraît plus adéquat pour décrire les modalités de travail de certains métiers.
Je ne reviendrai pas sur l’étymologie du mot « travail », chacun sachant ici qu’il vient du latin tripalium. Je vous laisse le soin de vérifier plus amplement les racines et l’histoire de ce mot.
Le travail ne suscite pas spontanément la joie et l’allégresse, même lorsque le travail que nous faisons nous plaît.
Le mot « pénibilité » est plus fort que le terme « usure », car il concerne le physique et le mental. Il est donc bien plus adapté. Le travail ne peut être uniquement considéré comme une activité sacro-sainte. Il est primordial de soulever ses conséquences. Nous avons besoin de travailler, mais pas au prix de notre santé.
La pénibilité appelle une compensation, l’usure requiert un remplacement.
M. le président. L’amendement n° 4692, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 60
Après le mot :
professionnelle
insérer les mots :
, y compris celle causée ou renforcée par les effets du changement climatique,
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement, dont ma collègue Mélanie Vogel est la première signataire, vise à spécifier que le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu) pourra financer les actions de sensibilisation et les mesures de prévention de l’usure professionnelle causée ou renforcée par les effets du changement climatique.
Les conséquences de celui-ci, déjà perceptibles sur le monde du travail, ne cesseront pas de s’aggraver. Alors que, le 1er janvier dernier, le Président de la République, Emmanuel Macron, se demandait qui aurait pu prévoir la crise climatique, nous devons prendre les devants et mettre en place des mesures de prévention permettant de lutter contre ces effets sur les travailleuses et les travailleurs.
Alors qu’un profond changement serait nécessaire pour adapter le monde du travail et mieux protéger les salariés, cet amendement vise ce que de tels effets soient pris en compte dans le cadre du Fipu.
Il s’agit de préciser, par souci de clarification, que les actions de sensibilisation et de prévention de l’usure professionnelle financées par ce fonds pourront aussi être utilisées pour conduire des actions de sensibilisation et de prévention sur les effets de l’usure professionnelle causés ou renforcés par ceux du changement climatique.
Cet amendement – nous l’avons compris, néanmoins je le précise – n’en est plus tout à fait un, puisqu’il ne pourra pas amender le projet de loi. En effet, en vertu de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 9, de notre règlement, il ne sera pas soumis à notre vote unique.
Par conséquent, je l’ai défendu en quelque sorte pour mémoire, afin de préserver – si cela était possible – un peu de clarté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Le vote est réservé.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 425, présenté par M. Benarroche, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
fixé chaque année par arrêté
par les mots :
déterminé chaque année par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et approuvé par arrêté
II. – Alinéa 10
Remplacer les mots
précisés par décret en Conseil d’État
par les mots :
déterminés par la commission mentionnée à l’article L. 221-5
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. La question de la santé au travail est majeure. Vous le savez, la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT-MP) est gouvernée paritairement. Le financement de la branche AT-MP de la sécurité sociale s’appuie uniquement sur la cotisation des employeurs, et ce depuis le compromis social, historique et fondateur, intervenu entre les partenaires sociaux et l’État.
Notre amendement vise à prévoir que les modalités de fonctionnement du fonds et les conditions dans lesquelles celui-ci finance les actions prévues soient déterminées par les partenaires sociaux siégeant à la CAT-MP.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles finançant le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle grâce à une partie de ses excédents, il appartient aux partenaires sociaux de déterminer les financements accordés en lien avec les politiques de prévention primaire de désinsertion professionnelle et de maintien en emploi.
L’amendement que nous avons déposé est fondé sur les travaux de la CFDT. Vous savez, ce syndicat si révolutionnaire, qui a soutenu le gouvernement de l’époque dans sa tentative de réforme des retraites en 2019…
Il est certain que la gouvernance paritaire et le respect d’un certain équilibre dans la prise de décision ne sont pas forcément dans l’ADN de ce gouvernement et de celui du Président de la République. Pourtant, cette parité est à la tête de la branche AT-MP, qui par ailleurs est excédentaire.
Les partenaires sociaux sont déjà, en lien avec la direction chargée des risques professionnels, garants de l’équilibre financier de la branche par les actions menées en matière de prévention et de réparation. Il est logique que ceux qui, jusqu’à présent, assurent l’équilibre financier de ces missions puissent prioritairement proposer le montant de la dotation.
Ce refus de permettre l’existence d’un continuum dans la vision et la gestion de ces questions répond sans doute à un souci de pragmatisme, toujours avancé par le Gouvernement.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2364 rectifié est présenté par M. Canévet, Mmes Morin-Desailly et Billon et MM. Duffourg, Delcros et Détraigne.
L’amendement n° 2638 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 3372 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
fixé chaque année par arrêté
par les mots :
déterminé chaque année par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et approuvé par arrêté
II. – Alinéa 10
Remplacer le mot :
précisés
par les mots :
déterminés par la commission mentionnée à l’article L. 221-5 et approuvés
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 2364 rectifié.