M. le président. L’amendement n° 3529, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’utilisation du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle mentionné au I de l’article 9.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le nouveau fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, ou Fipu, vient s’ajouter à d’autres fonds de prévention sans qu’une évaluation de l’utilisation de ces fonds ait réellement été effectuée.
Les actions de prévention des risques professionnels souffrent d’une méconnaissance de la part de nombreux employeurs. Il en résulte, dans certains cas, une défaillance dans l’organisation générale de la prévention, parfois jugée optionnelle par des employeurs, et l’absence de mesures particulières adaptées aux situations vécues par les salariés.
Le rapport de la Cour des comptes sur les politiques publiques de prévention en santé en travail dans les entreprises met en lumière les défauts de l’action publique dans la prévention des risques professionnels et appelle à en améliorer l’efficacité.
Par le présent amendement, nous demandons un rapport qui permette d’évaluer l’efficacité de ce nouveau fonds pour la réduction des risques professionnels liés à la pénibilité au travail. Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement ce rapport dans un délai de trois ans à compter de la promulgation du présent texte.
M. le président. Le sous-amendement n° 5721, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 3529
Alinéa 3
Le mot « trois »
Est remplacé par le mot : « deux »
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Nous partageons la volonté de nos collègues écologistes de demander un rapport sur l’utilisation du Fipu. C’est un sujet très important, si bien que nous demandons d’anticiper la remise de ce rapport, qui devrait être rendu dans un délai de deux ans après la promulgation de ce texte.
Tel est l’objet de ce sous-amendement, mais je veux profiter de l’occasion qui m’est donnée pour regretter la manière dont les choses se passent ici – je ne me suis pas encore exprimée sur ce sujet.
Je condamne la décision prise par le Gouvernement ce matin d’activer l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, c’est-à-dire le vote bloqué, un véritable 49.3 sénatorial ! Vous avez ainsi décidé de limiter le débat, de l’empêcher.
Après l’activation par la majorité sénatoriale des alinéas 10 et 16 de l’article 42 de notre règlement, voilà qui montre que le Gouvernement et la majorité sénatoriale sont alliés pour rendre impossible ce débat. Vous allez même jusqu’à retirer certains de vos amendements, monsieur le rapporteur, pour nous empêcher de présenter nos sous-amendements. Qu’est-ce donc, si ce n’est faire obstacle au débat !
Depuis le début de l’après-midi, nous présentons nos amendements et nos sous-amendements, mais nous n’avons aucune possibilité de réagir aux avis de la commission et du Gouvernement et de compléter nos arguments.
C’est un nouveau déni de démocratie, une négation du rôle du Parlement !
M. le président. Le sous-amendement n° 5722, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 3529
Alinéa 3
Le mot « trois »
Est remplacé par le mot : « 18 mois »
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Le rapport proposé par nos collègues sur l’utilisation du Fipu est essentiel.
Les fonds de prévention existants ont manqué d’une évaluation dans le temps et, surtout, des ajustements qui auraient été nécessaires pour donner une réelle impulsion à des actions de prévention encore trop inefficaces, voire inadaptées aux situations des salariés concernés.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité a déjà été modifié et transformé en compte professionnel de prévention.
Mais le rapport de la Cour des comptes de décembre 2022 est un nouveau constat d’échec. La Cour dresse un bilan sévère du C2P, qu’elle juge « sans ambition et non contrôlé ». Elle souligne en particulier une faible appropriation du dispositif par les employeurs concernés et regrette la disparition, en 2017, de tout mécanisme d’incitation financière à la prévention.
La prévention de l’usure professionnelle reste encore bien trop peu développée. Pourtant, les salariés que leur domaine d’activité a exposés à des fonctions pénibles, qu’elles soient ou non reconnues en tant que telles au titre de la pénibilité, peuvent se trouver progressivement incités à cesser leur activité professionnelle ou à se reconvertir, au sein de l’entreprise ou en dehors, sans que leur situation relève nécessairement de l’inaptitude au sens médical, ou de la maladie professionnelle.
La réalité des efforts consentis pour répondre aux enjeux de l’usure professionnelle, de la pénibilité et de la sinistralité parmi les salariés n’est toujours pas à la hauteur des enjeux. Il convient de mieux veiller à l’adéquation des mesures mises en place au regard des actions réellement engagées et des priorités affichées.
Il faut donc s’assurer rapidement que la mise en œuvre de ce nouveau fonds s’accompagne effectivement d’une prise de conscience au sein des entreprises pour engager une réelle politique de prévention.
Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose que le rapport demandé par nos collègues soit publié dans des délais plus courts.
M. le président. Le sous-amendement n° 5723, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 3529
Alinéa 3
Le mot « trois »
Est remplacé par le mot : « un »
La parole est à M. Sebastien Pla.
M. Sebastien Pla. Les fonds de prévention existants ont manqué d’une évaluation dans le temps et, surtout, des ajustements qui auraient été nécessaires pour donner une réelle impulsion à des actions de prévention encore trop inefficaces, voire inadaptées aux situations des salariés concernés.
Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2022 dresse, de ce point de vue, un constat d’échec. Il faut donc s’assurer rapidement de la mise en œuvre du nouveau fonds et de la réelle prise de conscience, au sein des entreprises, de la nécessité d’engager une réelle politique de prévention.
Aussi, le groupe socialiste propose que le rapport demandé par nos collègues soit publié dans des délais beaucoup plus courts.
Au-delà de l’objet de cet amendement, j’ai un drôle de sentiment. Depuis le début de l’après-midi, nous défendons des propositions qui ne sont pas soumises au vote – cela ne sert donc à rien !
Pourtant, l’examen de l’article 9 aurait pu permettre d’évoquer finement, dans le menu, les vrais problèmes rencontrés par les travailleuses et les travailleurs et de proposer des solutions.
Apporter des solutions aux problèmes des citoyens, c’est ce que je pensais pouvoir faire en entrant dans cette belle institution. Je suis donc particulièrement déçu par le spectacle auquel j’assiste depuis ce matin : le musellement des parlementaires. C’est la règle, je m’y plie, mais je suis profondément déçu.
J’ai été élu sénateur en 2020 et je constate depuis lors que le pays que j’aime tant ressemble de plus en plus à une monarchie présidentielle. Pendant deux ans, nous avons été dirigés par un conseil de défense. Depuis l’année dernière, il n’y a pas de majorité ; c’est du 49.3 en permanence pour faire passer les projets de loi de finances. Aujourd’hui, j’apprends qu’il existe un 44.3 pour museler la parole du Sénat !
Cette attitude prouve vraiment que le Président de la République a bien un problème avec la représentation nationale. Faites attention, mes amis, tout cela est très dangereux pour la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Il reviendra au Parlement de suivre de très près ce que devient ce fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle. L’examen, chaque année, du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous en donnera l’occasion.
Un rapport, qu’il soit remis dans trois ans, deux ans, dix-huit mois ou en an, ne me semble pas nécessaire. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Dans la liste des amendements auxquels j’ai indiqué ce matin que le Gouvernement était favorable, il n’y avait aucune demande de rapport.
C’est la position habituelle du Gouvernement sur ce type de demande, car nous considérons que les missions d’information, les commissions d’enquête et, de manière générale, les prérogatives du Parlement en matière de contrôle sont plus adéquates.
J’ajoute, comme me le souffle Mme la présidente de la commission des affaires sociales, que, quelles que soient les époques, la réalisation de ces rapports n’est pas toujours au niveau attendu…
M. Daniel Breuiller. Vous préférez les rapports des cabinets de conseil !
M. Olivier Dussopt, ministre. Voilà ce qui explique l’avis systématiquement défavorable du Gouvernement sur les demandes de rapport.
M. le président. Le vote est réservé.
L’amendement n° 4635, présenté par M. Labbé, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dossus et Fernique, Mme de Marco et MM. Parigi, Salmon et Dantec, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement faisant le bilan de l’application de l’article 9 de la présente loi. Ce rapport analyse la pertinence, le coût et la faisabilité de l’élargissement aux salariés exposés à l’ensemble les facteurs de risques professionnels du bénéfice des actions de prévention de la pénibilité financées par le fonds d’investissement de prévention de la pénibilité créé par ce même article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Nous considérons que le Gouvernement ne prend pas en compte la pénibilité dans ce projet de loi. Cet amendement s’inscrit dans ce contexte.
Mais je voudrais dire que je reçois depuis ce matin de très nombreux messages qui me disent que les gens ne comprennent rien à ce qui se passe au Sénat ! Ils voient que nous présentons des propositions, en particulier sur la pénibilité, avec des argumentaires structurés, que cela les intéresse, mais qu’on ne passe jamais au vote… Ils ne comprennent pas !
Je veux donc ici leur répondre de manière groupée – cela m’évitera d’avoir à envoyer des centaines de messages identiques ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.) – que le déclenchement par le Gouvernement de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution avec l’assentiment de la majorité sénatoriale a pour conséquence que nous pouvons présenter nos amendements, mais que personne ne peut y réagir, pas même nos collègues de droite que cela aurait pu intéresser. Personne ne peut s’exprimer, hormis pour la présentation d’un amendement !
Mme Sophie Primas. C’est vous qui l’avez voulu !
M. Guy Benarroche. Dans ces conditions, je veux remercier nos collègues de droite d’être restés ! Cela doit être particulièrement désagréable de ne pouvoir ni participer aux débats ni voter… D’autant plus que je suis sûr que nous pourrions être d’accord sur certains points !
Vous pouvez aussi nous remercier de continuer à présenter nos arguments avec opiniâtreté alors même que nous savons maintenant que le Gouvernement n’en tiendra absolument aucun compte.
Naturellement, tout cela est aussi un peu à cause de vous, puisque vous le tolérez ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Guy Benarroche. La pénibilité n’est absolument pas prise en compte dans ce projet de loi et nous aurions souhaité pouvoir faire en sorte qu’elle le soit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Le vote est réservé.
L’amendement n° 3237 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un tableau spécial énumère les pathologies psychiques relevant de l’épuisement professionnel et les conditions dans lesquelles elles sont présumées avoir une origine professionnelle lorsque les victimes ont été exposées d’une façon habituelle à des facteurs limitativement énumérés par ce tableau. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les risques psychosociaux sont croissants ; on qualifie les plus intenses d’« épuisement professionnel ». On devrait en parler davantage, parce que, depuis 2016, leur prévalence a quasiment doublé : ils concernent dorénavant plus de 20 % des travailleurs contre 11 % en 2016, dépassant les troubles musculo-squelettiques qui, à 16 % de prévalence, sont désormais la deuxième maladie professionnelle.
En France, selon les chiffres d’une enquête menée par OpinionWay en 2021, 2,5 millions de salariés seraient touchés par un syndrome d’épuisement professionnel – je préfère ce terme à celui de « burn-out »… – et deux salariés sur dix seraient en arrêt maladie pour des raisons psychologiques ayant trait à la fatigue professionnelle.
Ces chiffres en constante augmentation sont corrélés avec le déploiement de plus en plus intense des nouvelles pratiques de management dans les entreprises, qui usent et abusent de l’engagement psychique et physique de leurs salariés.
La perte de solidarité entre les salariés liée à la fragilisation des collectifs de travail et à l’augmentation de la charge de travail mine la santé mentale de nombreux travailleurs sous le coup d’injonctions paradoxales.
D’après l’étude Sumer de la Dares, l’exigence au travail et ses effets psychologiques en matière de stress et d’anxiété sont en forte augmentation. Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, le coût du stress au travail est évalué à 3 milliards d’euros pour la France ; ces 3 milliards, nous n’en parlons pas assez !
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous demandons que cela cesse et qu’on inclue l’épuisement professionnel dans le tableau qui énumère les risques psychiques au travail.
M. le président. Je suis saisi de huit sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 5703 est présenté par M. Kerrouche.
Le sous-amendement n° 5706 est présenté par M. Éblé.
Le sous-amendement n° 5707 est présenté par Mme Lubin.
Le sous-amendement n° 5711 est présenté par M. Assouline.
Le sous-amendement n° 5715 est présenté par Mme Van Heghe.
Le sous-amendement n° 5718 est présenté par M. Durain.
Le sous-amendement n° 5710 est présenté par M. Féraud.
Le sous-amendement n° 5714 est présenté par M. Cardon.
Ces sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 3237 rectifié
Alinéa 4
Après les mots :
« épuisement professionnel »
Ajouter les mots :
« ou du stress chronique au travail »
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter le sous-amendement n° 5703.
M. Éric Kerrouche. Avec ce sous-amendement, nous venons en renfort de l’amendement déposé par nos collègues écologistes.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Quel renfort !
M. Éric Kerrouche. Je veux d’abord dire que la plus grande et la plus forte des pénibilités, c’est le recul de 62 à 64 ans de l’âge de départ à la retraite que la majorité sénatoriale a voté.
Nous proposons de compléter l’amendement par une référence au stress chronique au travail, mais l’ensemble de la litanie…
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ah ! C’est donc bien une litanie…
M. Éric Kerrouche. … des sous-amendements que nous avons portés cet après-midi prouve simplement une chose : ce texte est loin d’être complet sur la pénibilité et il aurait fallu le compléter.
Ensuite, nous ne sommes manifestement plus dans une enceinte parlementaire. Depuis ce matin, cet hémicycle s’est transformé en atelier de macramé ou en groupe de parole… (M. Alain Richard proteste.)
Je comprends tout à fait, d’ailleurs, l’ennui de nos collègues du groupe Les Républicains.
Mme Sophie Primas. Mais nous aimons vous écouter, monsieur Kerrouche, c’est un vrai bonheur !
M. Éric Kerrouche. Nous ne servons strictement à rien. Vous avez simplement créé un écran de fumée. J’espère que les Français se rendent compte qu’il n’est absolument pas possible de faire avancer ce débat.
M. René-Paul Savary, rapporteur. La faute à qui ?
Mme Véronique Del Fabro. Je ne vois pas le rapport avec le sous-amendement !
M. le président. Le sous-amendement n° 5706 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter le sous-amendement n° 5707.
Mme Monique Lubin. Ce sous-amendement est identique à celui qui vient d’être présenté ; je n’y insisterai donc pas.
Si nous avions pu mener un débat classique, nous aurions insisté sur le fait que reculer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, c’est ajouter des problèmes de santé pour un grand nombre des salariés de ce pays. Toutes les études le démontrent : pour nombre de salariés, cela posera un problème pour leur intégrité physique et leur santé.
Lorsque nous parlons de santé et de métiers difficiles, nous pensons toujours aux métiers manuels, mais ce ne sont pas les seuls à être concernés.
Nous savons aujourd’hui que le travail est organisé, dans un certain nombre d’entreprises, avec des exigences de rentabilité et de performance toujours plus importantes.
Les salariés ne travaillent pas forcément dans des postures physiques pénibles, mais ils peuvent avoir une telle charge mentale qu’au bout d’un moment ils finissent par craquer et par avoir de très nombreux soucis de santé, psychiques ou physiques.
Nous aurions pu parler de tout cela, si vous nous aviez autorisés à débattre. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie fait signe à la présidence avec insistance qu’elle demande à faire un rappel au règlement.)
M. le président. Mme de La Gontrie, vous aurez la parole après les avis de la commission et du Gouvernement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le règlement dit : « sur-le-champ » !
M. le président. Poursuivez, madame Lubin !
Mme Monique Lubin. Je suis certaine, mes chers collègues, que les choses auraient pu se passer différemment, sans que nous nous renvoyions la balle en permanence.
M. le président. Les sous-amendements nos 5711, 5715 et 5718 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter le sous-amendement n° 5710.
M. Rémi Féraud. Ce sous-amendement est identique aux précédents. Alors, me demanderez-vous, à quoi bon le présenter de nouveau, puisque de toute façon il n’y aura pas de débat et que les réponses de la commission et du Gouvernement seront certainement succinctes ?
Nous estimons important de redire dans cette enceinte combien les défauts de la réforme qui nous est présentée et dont le but est purement budgétaire sont immenses. Cette réforme repose sur du sable et sur de nombreux mensonges ; elle présente de graves angles morts, en particulier en matière de santé.
Oui, le recul de deux ans de l’âge légal de la retraite sans mesures réelles pour prendre en compte la pénibilité fera exploser le nombre de burn-out, de situations d’épuisement professionnel.
Si nous demandons un rapport sur cette question, c’est parce que nous pensons que c’est un enjeu essentiel qui n’est pas pris en compte par cette réforme – en fait, elle aggravera la situation.
Même si cet amendement et nos sous-amendements ne pourront pas être soumis au vote, nous espérons que cet enjeu sera à l’avenir pris en compte dans l’application de cette réforme, si jamais elle venait à être adoptée.
D’ici là, nous continuerons à nous battre, aux côtés du mouvement social, contre son adoption. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour présenter le sous-amendement n° 5714.
M. Rémi Cardon. Ce sous-amendement vise à ajouter une référence au stress chronique au travail.
Figurez-vous, monsieur le ministre, que le cabinet McKinsey n’est pas le seul à produire des rapports : il y en a aussi un du cabinet Empreinte humaine, publié le 9 mars 2023, selon lequel la santé mentale des salariés demeure très dégradée dans notre pays, puisque 44 % des Français sont exposés à la détresse psychologique. Les femmes, les jeunes, les managers sont particulièrement concernés.
L’enquête souligne également que sept salariés sur dix ont peur de ne pas pouvoir tenir après le recul de l’âge de départ à la retraite. Ils déclarent, dans la même proportion, que la perspective de travailler plus longtemps les angoisse.
Le 1er janvier 2022, le burn-out a été intégré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la nouvelle classification internationale des maladies comme un phénomène lié au travail – peut-être prendrez-vous davantage en considération l’OMS que le Conseil d’État ou la Cour des comptes…
La prévention de ce phénomène qui s’amplifie devient une nécessité. Le burn-out doit être mieux repéré, mieux pris en charge, de manière à mieux traiter les troubles identifiés et à agir sur le contexte socio-professionnel à l’origine de ce trouble. Cela passe par une véritable reconnaissance de celui-ci.
Ce sous-amendement vise donc à compléter l’amendement n° 3237 rectifié par une référence explicite au syndrome résultant d’un stress chronique au travail, à savoir le burn-out.
En tout cas, si l’on devait parler de votre activité légistique sur cette réforme, mesdames, messieurs les sénateurs républicains et centristes, membres d’une nouvelle union impopulaire et antisociale, je crois qu’on pourrait aisément utiliser l’expression de « train de sénateur »… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous avons examiné à l’instant l’article 9, dont l’objet est la pénibilité. Il est vrai qu’un certain nombre de personnes vivent, dans leur travail, des situations de pénibilité, ce qui peut avoir des conséquences sur l’espérance de vie ; ils méritent toute notre attention.
Il me semble que ce texte contient des éléments nouveaux en ce qui concerne la prise en compte de l’usure professionnelle. Il est notamment positif de travailler sur ce sujet de manière préventive plutôt qu’au titre de la réparation. Il est vrai aussi que tout cela est compliqué, notamment parce qu’il est difficile de classer les facteurs de risque.
Il faut donc mettre en place des dispositifs adaptés. C’est d’autant plus important que cela emporte des conséquences en termes de départs anticipés pour les carrières longues.
Mais cet amendement et ces sous-amendements sont d’une nature différente : ils visent à reconnaître les pathologies psychiques relevant de l’épuisement professionnel, c’est-à-dire le burn-out, au titre des maladies professionnelles. Cela n’a pas de rapport réel avec nos régimes de retraite.
Ce sujet mérite évidemment d’être traité, mais il relève d’un texte sur le droit du travail. Faut-il prendre en compte le burn-out comme une maladie professionnelle ? C’est une question particulièrement complexe, parce que souvent on ne peut pas dissocier la vie professionnelle de la vie personnelle, familiale.
En tout cas, cet amendement et ces sous-amendements ne relèvent pas du champ de ce texte sur les retraites. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Je partage l’idée que les risques psychosociaux doivent être pris en compte, mais nous avons une difficulté de méthode : quand on parle d’incapacité ou de réparation, il est difficile de quantifier les risques. Il s’agit bien sûr d’un débat politique, mais il est aussi scientifique.
En tout cas, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 36, 42 et 44 bis, ainsi que sur l’article 44 de la Constitution.
Tout d’abord, je me suis permis de rappeler que l’article 36 du règlement dispose que la parole est donnée « sur-le-champ » à un sénateur qui la demande pour un rappel au règlement. Évidemment, vous avez absolument tout pouvoir de ne pas la donner, mais je trouve regrettable de ne pas le faire.
Depuis quelques jours, le Sénat a décidé, parfois à la demande du Gouvernement, de mettre en œuvre des dispositions des articles 38 et 42 de notre règlement, puis l’article 44, alinéa 3, de la Constitution. Ce faisant, il a utilisé la mécanique du garrot : il resserre peu à peu la possibilité pour les parlementaires en général et l’opposition en particulier de s’exprimer.
De ce fait, il se passe quelque chose de curieux, qui a à voir avec la clarté et la sincérité du débat. C’est l’objet de mon rappel au règlement, monsieur le président.
Lorsqu’il a annoncé le recours au 44.3, à un moment sur lequel on peut d’ailleurs s’interroger, M. le ministre a listé les amendements qui seraient retenus in fine. Autrement dit, les échanges qui ont lieu désormais n’ont aucune incidence sur la suite des débats et sur le sort des divers amendements.
Pourtant, nous avons vu hier comment des amendements, même issus de l’opposition, en l’occurrence ceux de notre collègue Laurence Rossignol, ont pu donner lieu à un débat transpartisan et même être adoptés.
Je m’interroge : à quoi servent les réponses du rapporteur ? Au fond, il est, d’une certaine manière, ligoté par le fait qu’il ne peut pas donner d’avis favorable, quelle que soit la valeur des échanges que nous pouvons avoir.
Monsieur le président, nous allons souligner toujours plus fort le manque de sincérité et de clarté du débat, car, finalement, ces échanges n’ont rien produit.