M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je vais vous conter une histoire en plusieurs actes, avec plusieurs protagonistes et de multiples rebondissements. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Acte I : M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, déclare que 40 000 futurs retraités bénéficieront chaque année du minimum de 1 200 euros prévu par cet article.
Acte II : Jérôme Guedj, socialiste, en tant que coprésident de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, se rend à la direction de la sécurité sociale, l’une des administrations ministérielles chargées de préparer le texte, afin d’obtenir des éclaircissements.
Acte III : il lui est répondu que les services de l’État ne sont pas à l’origine de l’estimation de 40 000 futurs bénéficiaires des 1 200 euros. Je les comprends : ils ont quand même une expertise à faire respecter et ne savent pas eux-mêmes d’où sort ce chiffre… Ainsi, aucune étude ou donnée chiffrée ne prouve que 40 000 individus recevront 1 200 euros grâce à la réforme !
Acte IV : en fin de compte, seulement 10 000 à 20 000 nouveaux retraités atteindraient les 1 200 euros de pension et 250 000 parmi les retraités actuels, soit 1,5 % d’entre eux.
Enfin, acte V : selon la fourchette d’estimation retenue, basse ou haute, ce serait respectivement 10 % ou 20 % des retraités qui seraient concernés par une revalorisation allant de 0 – je dis bien zéro – à 100 euros par mois.
Cela n’est guère étonnant, car très peu de salariés font une carrière complète à temps plein au Smic. Le groupe d’experts sur le Smic indique que seulement 6 % des salariés touchant 1,1 fois le Smic font une carrière complète.
C’est donc l’histoire, monsieur le ministre, d’une imposture et d’un mensonge ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, votre communication autour de la réforme des retraites a été catastrophique. C’est à se demander s’il était vraiment utile de missionner un cabinet de conseil pour nous sortir un tel texte !
Les 1 200 euros pour tous, c’est ce que vous promettiez avant qu’un travail d’enquête ne soit effectué à ce sujet, d’où tous les cafouillages que ma collègue Raymonde Poncet Monge vient de lister.
Vous n’êtes pas sans savoir que l’inflation fait rage. Certes, vous semblez la sous-estimer ou éviter de la prendre en considération, mais elle est là, et la majorité des Français la subissent douloureusement au quotidien.
Élisabeth Borne déclarait que les retraités avaient droit à une retraite digne, en se félicitant de la revalorisation de la pension de retraite à 85 % du Smic, soit 1 100 euros net. Savez-vous à quoi cela correspond ? Prenons un exemple : 600 euros de loyer, 130 euros d’essence, 70 euros de facture d’électricité, 200 euros de courses, 100 euros de frais annexes.
La France compte plus de 1 million de personnes de plus de 65 ans vivant sous le seuil de pauvreté. Faudra-t-il travailler toute sa vie pour que, une fois arrivé à l’âge de 64 ans, un autre combat commence, celui de la survie ? De fait, il est impossible de vivre avec une telle pension. Faites les comptes vous-même : seriez-vous capable de vivre ainsi ?
En affaiblissant encore plus le parlementarisme avec les outils antidémocratiques que vous employez pour bâillonner l’opposition, vous continuez à aiguiser la colère du peuple, qui, selon un récent sondage, est à 82 % contre la politique du Gouvernement.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Esther Benbassa. La droite sénatoriale est juste votre complice ! (Applaudissements sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, sur l’article.
M. Alain Duffourg. L’article 10 est effectivement censé instaurer une pension minimum de 1 200 euros.
Aujourd’hui, les retraités les plus modestes pourraient s’en satisfaire. J’ai été amené à discuter avec les organisations agricoles – la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), les Jeunes agriculteurs, mais aussi le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), ou la Confédération paysanne –, qui ont estimé, dans le cadre de diverses assemblées générales, que cette mesure allait dans le bon sens.
Le 28 janvier dernier, Mme Schiappa indiquait que cette mesure de 1 200 euros constituait un minimum, un seuil. Le 6 février, le ministre Bruno Le Maire affirmait également que les 1 200 euros étaient nécessaires.
Néanmoins, aujourd’hui, la réalité est tout autre. En effet, après cette réforme, 4,2 à 4,3 millions de retraités seront en dessous de ce seuil, alors qu’ils sont 5 millions aujourd’hui. Les déclarations effectuées par les ministres depuis le 1er janvier dernier ne correspondent donc pas à la réalité. Il y aura seulement une augmentation de 33 euros par mois en moyenne. Pour atteindre les 1 200 euros, il faut toucher aujourd’hui 1 100 euros – un quart des retraités seront en deçà de ce montant.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, si cette réforme ne peut aboutir, si les retraités ne peuvent percevoir au minimum 1 200 euros, il y aura des contestations et des revendications syndicales. Les paysans se révolteront. Nous nous associerons à cette demande ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, vous affirmez que cet article traduit l’engagement présidentiel de procéder à une revalorisation significative de la pension minimale afin que les salariés ayant une carrière complète bénéficient d’une pension de 1 200 euros brut, soit 85 % du Smic.
Avec vos collègues du Gouvernement, vous êtes allés jusqu’à prétendre que tous les futurs retraités bénéficieraient de cette avancée historique.
Selon les propos tenus par Mme Borne le 10 janvier, aucun retraité ayant cotisé toute sa vie ne touchera moins de 1 200 euros par mois, soit 100 euros par mois de plus qu’aujourd’hui. Mme Borne part du principe de la carrière complète.
M. Véran lui emboîte le pas, évoquant une prévision minimale de 1 200 euros, oubliant la condition de la carrière complète.
M. Le Maire persiste dans ce dévoiement en février dernier.
La suite, on la connaît : votre entêtement à ne pas reconnaître le peu de portée de la mesure proposée, jusqu’à ce que vous soyez obligé d’avouer, par courrier à M. Guedj, que seules 10 000 à 20 000 personnes seront concernées par cette mesure.
Cette tentative de dissimulation a été vaine et la manipulation est vite apparue pour ce qu’elle est.
Dans votre fameuse interview donnée au Parisien, celle où vous avez qualifié votre projet de « réforme de gauche », trois jours avant de féliciter la droite sénatoriale pour le vote de l’article 7, vous persistiez sur vos chiffres, qui ne sont pas exacts.
Monsieur le ministre, vous devez à la représentation nationale de lui remettre les documents précis sur le chiffrage.
Dans cette réforme, vous le savez, il y aura majoritairement des perdants et des perdantes, puisque toutes et tous vont devoir, en réalité, travailler deux ans de plus sans voir leur pension majorée.
Quant aux 1 200 euros minimums, c’est une chimère !
Cette réforme va à l’encontre du principe de solidarité, sur lequel se fondent notre sécurité sociale et notre système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, lorsque vous avez présenté ce projet de loi, vous aviez deux grandes annonces : les retraites des femmes et les petites retraites, ce qui va d’ailleurs souvent ensemble. Permettez-moi de vous dire que, sur les deux sujets, vous avez tout faux !
Vous aviez annoncé que, pour une carrière complète, tous les salariés payés au Smic percevraient une retraite de 1 200 euros. Mes collègues viennent de démontrer avec précision que toutes vos histoires – les 20 000 ou 40 000 bénéficiaires de la mesure – étaient fausses.
Que dire des propos de M. Véran, qui affirmait que 2 millions de retraités verraient leur pension augmenter avant de prétendre que, si les grévistes étaient très nombreux, la fin du monde s’abattrait sur le pays ?
Monsieur le ministre, j’ai une seule question à vous poser : est-ce du cynisme ou de l’inconscience ?
Il y a des arguments pour l’inconscience : promettre à des gens qui vivent avec 1 100 euros ou moins par mois qu’ils toucheront 1 200 euros, avant qu’ils ne comprennent finalement, au bout de quelques jours, que cela ne sera jamais le cas, c’est certainement de l’inconscience, parce qu’ils se révolteront à un moment ! Et s’ils ne se révoltent pas dans la rue, ils se révolteront d’une autre façon !
Mais c’est peut-être aussi du cynisme. Ce projet de loi, il fallait absolument le vendre, n’est-ce pas ? Les Français n’allaient pas tarder à se rendre compte que la réforme était particulièrement injuste, alors il fallait l’enrober… Pour ce faire, on s’est servi d’alibis : les femmes – alibi parfait, comme d’habitude – et les gens les plus modestes de ce pays, à qui l’on a fait croire à des chimères.
Monsieur le ministre, je vous pose la question : cynisme ou inconscience ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Cet article me donne l’occasion de revenir une nouvelle fois sur ces chiffres.
Quel est l’engagement du Président de la République ? Garantir à un assuré qui a réalisé une carrière complète – soit 42 années aujourd’hui et 43 demain – intégralement au Smic une pension minimum équivalant à 85 % du Smic. C’est un engagement qui avait été pris par la Nation au sein de la réforme des retraites de 2003. Mais, pour que cet engagement soit mis en œuvre, il fallait en prévoir le mécanisme, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent, et il fallait prévoir une indexation, ce qui n’a pas été fait non plus. C’est donc cet objectif qu’a fixé le Président de la République.
Comment comptons-nous procéder ?
Pour les retraités actuels, nous proposons d’augmenter le minimum contributif majoré, auquel sont éligibles les retraités actuels ayant cotisé au moins 120 trimestres, c’est-à-dire 30 ans. Cette augmentation sera proratisée en fonction de la réalité de leur carrière ; elle pourra atteindre jusqu’à 100 euros pour une carrière complète.
Sur les 17 millions de retraités actuels, 5,2 millions ont une retraite inférieure à 1 000 euros. Parmi ceux-ci, la plupart sont des hommes et des femmes qui ont une carrière très incomplète, marquée par la précarité et des carrières hachées. D’autres, en très grand nombre aussi – c’est vrai de beaucoup de femmes –, ont une carrière complète, mais réalisée à temps partiel, avec des salaires de 650, 700, 750 euros. Je pense notamment à un certain nombre de métiers de services, pour lesquels les temps partiels sont systématiques.
La revalorisation que nous proposons permettra d’augmenter, en septembre 2023, si le texte est voté, la pension de 1,8 million de retraités. Cette revalorisation bénéficiera donc à un peu plus de 10 % des retraités actuels.
Pour la moitié d’entre eux, soit 900 000 personnes, cette revalorisation sera comprise entre 70 et 100 euros. On peut me taxer de tous les maux – cynisme, méchanceté délibérée… (Exclamations sur des travées des groupes SER et GEST.) –, mais considérer qu’une augmentation de 70 à 100 euros n’est rien pour des personnes qui ont une retraite de 600 ou même de 900 euros montre une forme de déconnexion ! (Protestations sur des travées des groupes SER et GEST.)
Je n’ai jamais dit que les gens concernés seraient riches après cette augmentation. Ce que je dis, c’est que cette revalorisation est substantielle !
J’en viens aux nouveaux retraités, qui sont 800 000 chaque année : avec cette réforme, grâce à ce minimum de pension, 200 000 d’entre eux auront une pension plus importante que si la réforme n’était pas votée.
Pour eux, nous procédons légèrement différemment. Grâce à une augmentation de 25 euros du minimum contributif de base et de 75 euros du minimum contributif majoré, 200 000 retraités – sur 800 000 – bénéficieront, grâce à la réforme, d’une revalorisation de leur pension qui variera de 25 à 100 euros par mois.
Pour préciser les chiffres, nous avons effectivement 40 000 retraités qui passeront le cap des 1 200 euros. Certains vont le passer tout de suite, par le seul effet de la réforme, et d’autres par l’effet cumulé de la réforme et de l’indexation des pensions.
Quand on regarde les générations qui viennent, notamment la génération née en 1972, ce sont 40 000 personnes qui passeront le cap des 85 % du Smic par le seul effet de la réforme.
Par ailleurs, 40 000 nouveaux retraités par an auront aussi une revalorisation de 100 euros, mais ce ne sont pas forcément les mêmes. Certains, dont la pension est proche des 1 200 euros, bénéficieront d’une revalorisation intermédiaire. D’autres, qui partent de très loin, auront une revalorisation de 100 euros, sans forcément passer le cap des 1 200 euros. C’est encore un sujet d’une grande complexité.
Mme Monique Lubin. Ce n’est pas ce que vous aviez annoncé !
M. Olivier Dussopt, ministre. Ce que je maintiens, c’est que 1,8 million de retraités actuels vont connaître une revalorisation de leur pension, dont la moitié entre 70 et 100 euros par mois. Un retraité sur quatre aura, chaque année, une pension meilleure grâce à la réforme.
Pour donner une idée du coût que représente, pour les finances publiques, cette augmentation de pouvoir d’achat pour les retraités, notre système de retraite consacrera, en 2030, 1,7 milliard d’euros de plus aux petites pensions grâce à cette réforme.
Si ce n’est pas une augmentation de pouvoir d’achat, il faut me dire ce que c’est ! Peu de gouvernements ont injecté dans le système de retraite 1,7 milliard d’euros supplémentaires pour les petites pensions.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour un rappel au règlement.
M. Thomas Dossus. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, ainsi que sur l’article 42 de notre règlement. Ces deux articles entrent ce soir en collision. Je trouve utile, à la reprise de la séance, d’éclairer le public qui nous regarde sur ce qu’il se passe depuis ce matin.
Le Gouvernement et le ministre nous donnent leur avis sur nos amendements. Nous aimerions leur répondre, mais nous ne pouvons le faire. Depuis hier, nous ne pouvons pas débattre sereinement des articles du projet de loi ni des amendements qui visent à en atténuer la brutalité.
La gauche et les écologistes ont des choses à dire sur ces articles, mais nous avons été privés de notre droit de réponse en vertu de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.
Le volume des amendements à examiner n’avait pourtant rien d’insurmontable pour notre assemblée, mais nous avons bien vu que, après les mobilisations massives, la fébrilité vous a gagnés et vous a fait paniquer.
Nous savons évidemment pourquoi : c’est parce que le débat parlementaire a permis, notamment à l’Assemblée nationale, malgré le contexte dans lequel il s’est déroulé, de mettre en lumière la supercherie et les enfumages du ministre et de sa réforme !
M. Thomas Dossus. Oui, monsieur le ministre, c’est bien le débat et la possibilité de répondre à vos interventions qui permettent de mettre en lumière ces supercheries ! Sur la question des 1 200 euros, il aurait été particulièrement utile de pouvoir débattre.
En raison des articles que j’ai cités au début de mon intervention, les droits d’expression et de débat des sénateurs ont été contraints, concassés, écrasés. (Marques d’ironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Le ministre n’ayant aucun intérêt à ce qu’on démonte ses mensonges, il a contraint le débat en se réfugiant derrière la Constitution. Ainsi, nous ne pouvons plus lui répondre. Nous continuerons malgré tout de présenter nos amendements, sans pouvoir ensuite les défendre.
Le débat s’arrête ici au Sénat, il continuera demain dans la rue – nous y serons !
Article 10 (suite)
M. le président. L’amendement n° 3677, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je commencerai par une citation : « Conformément à l’engagement présidentiel, le Gouvernement souhaite procéder à une revalorisation significative de la pension minimale afin que les salariés ayant effectué une carrière complètement cotisée sur la base d’un Smic… » Bref, vous connaissez la promesse !
Tel était l’objectif affiché par le Gouvernement. À mille lieues de cette promesse, cet article ne garantit en rien une retraite minimale de 1 200 euros par mois.
Après plusieurs rebondissements, entre des annonces floues et erronées de ministres – notamment celui du travail –, le travail d’enquête du député socialiste Jérôme Guedj et la lettre rectificative de M. Dussopt, les chiffrages annoncés se révèlent loin, très loin de la portée réelle que pourrait avoir l’article.
En effet, seuls 10 000 à 20 000 nouveaux retraités sur 800 000 par génération atteindraient les 1 200 euros bruts de pension et pas plus de 250 000 parmi les retraités actuels, soit 1,5 % d’entre eux. Selon la fourchette d’estimation, basse ou haute, 10 % à 20 % des retraités seraient concernés par une revalorisation de 0 à 100 euros par mois. Enfin, 4,75 millions de retraités resteraient sous le seuil de 1 200 euros, parmi lesquels une majorité de femmes.
En raison du caractère mensonger de cet article et de l’imposture qu’il représente, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires appelle à l’instauration d’un véritable minimum contributif à hauteur de 100 % du Smic à taux plein. C’est pourquoi nous défendons cet amendement visant à supprimer l’article 10 du projet de loi.
J’ai oublié de préciser que, pour bénéficier d’une retraite au niveau du Smic, il fallait avoir travaillé à temps plein – ce n’est jamais dit. À taux plein et à temps plein, ce n’est pas la même chose !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Il s’agit d’une demande de suppression de l’article 10. Or il serait tout de même dommage de priver ces retraités d’une pension minimale.
Je rappelle que cet article augmente de manière significative les minima de pension, en particulier pour celles et ceux qui bénéficieront, à l’issue d’une carrière complète et d’un nombre suffisant de trimestres cotisés, ou réputés cotisés, d’une pension à taux plein au niveau du Smic, soit 1 200 euros. D’autres profiteront du dispositif du minimum contributif majoré.
Des mesures particulières ont été prises pour les retraites agricoles, qui seront revalorisées en fonction non plus de l’inflation, comme c’était le cas classiquement, mais de l’évolution du Smic.
À cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir repris notre amendement visant à indexer la revalorisation de ces pensions minimales sur l’évolution du Smic. Vous nous donnerez votre point de vue sur la question.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.
Je précise, à la demande de M. le rapporteur, que nous avons effectivement retenu un amendement visant à indexer les prestations minimales de retraite pour le monde agricole sur le Smic.
M. le président. Le vote est réservé.
L’amendement n° 2566 rectifié, présenté par M. Lurel et Mmes Conconne, Le Houerou et Jasmin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le 3° du II est complété par les mots : « et à ceux résidant dans les territoires régis par les articles 73 et 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie ».
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement tend à préciser que l’avis annuel rendu par le comité de suivi des retraites (CSR) sur l’évolution du pouvoir d’achat des retraités analyse spécifiquement la situation dans les outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. J’estime qu’il s’agit d’un des angles morts du projet de loi. On n’a pas suffisamment tenu compte des réalités de ces territoires.
J’entends la nécessité d’appliquer le même texte partout, et je me réjouis de constater que les mesures dont nous avions bénéficié outre-mer sur le seuil de récupération seront bientôt généralisées à toute la Nation.
Toutefois, la vie est beaucoup plus chère dans les outre-mer et les salaires, notamment dans la fonction publique, y ont été pendant très longtemps inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans l’Hexagone. Lorsqu’on met tous ces éléments dans le numérateur pour calculer le salaire annuel moyen, qu’il soit établi sur les six derniers mois ou sur les vingt-cinq dernières années, on obtient des salaires inférieurs à la moyenne nationale.
Par ailleurs, il faut 120 trimestres cotisés pour obtenir le minimum contributif. Or la moyenne n’atteint pas 110 trimestres dans l’ensemble des territoires d’outre-mer, et même péniblement 100 par endroits.
Il faut donc ajouter à ce texte un volet ultramarin. Je serais heureux que le ministre me réponde, puisqu’il a déclaré en substance, jeudi de la semaine dernière, que, comme nous partions déjà à la retraite à 65 ou 67 ans, cette réforme était sans conséquence pour nous ! Ce faisant, il cristallise la précarité et la pauvreté dans nos territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ma réponse portera non seulement sur cet amendement, mais aussi sur plusieurs autres qui vont suivre et qui tous concernent les travaux du comité de suivi des retraites et visent à prendre en compte certains dispositifs.
Je pense que le CSR et le COR n’ont pas attendu que nous prenions des dispositions d’ordre législatif en la matière. Ils remplissent des missions bien spécifiques et sont en mesure de réaliser des prévisions sur divers sujets.
Ils prennent notamment en compte les différences salariales entre hommes et femmes, mais également, monsieur Lurel, les différences qui existent entre différents territoires, y compris avec l’outre-mer.
Votre amendement est à mon sens satisfait. Le CSR et le COR sont déjà en mesure de produire une image de cette situation spécifique. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Le vote est réservé.
L’amendement n° 2154, présenté par M. Savary et Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer le mot :
Analysant
par le mot :
Examinant
2° Remplacer les mots :
à l’article L. 311-2
par les mots :
aux articles L. 311-2 et L. 631-1
3° Après le mot :
servir
insérer les mots :
par les régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires
4° Supprimer les mots :
, par les régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires,
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Le vote est réservé.
Je suis saisi de cinq amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 2229 est présenté par M. Lurel.
L’amendement n° 2564 rectifié quater est présenté par Mmes Dindar, Malet, Férat et Perrot, M. Hingray, Mmes Gacquerre, Ract-Madoux et Benbassa, MM. Laugier, Folliot, Gremillet et Moga, Mme Phinera-Horth et M. Menonville.
L’amendement n° 2578 rectifié est présenté par Mmes Jasmin et Lubin, M. Raynal, Mmes Le Houerou et Poumirol, M. Tissot, Mme Préville, M. Féraud, Mme Conway-Mouret et MM. Pla, Gillé, P. Joly, Cardon et Bourgi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Analysant la situation comparée des Français du territoire européen de la France et des Français des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, en tenant compte des différences de montants de pension, de la durée d’assurance respective, de l’impact des écarts de niveaux du salaire minimum de croissance et des années de cotisations des travailleurs indépendants en particulier les artisans et commerçants sur les écarts de pensions. » ;
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 2229.
M. Victorin Lurel. Je regrette le silence de M. le ministre, car je garde en mémoire sa réponse consistant à nous dire : « vous êtes déjà pauvres, restez-le », et à prétendre que cette loi ne portera pas conséquence dans les outre-mer. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Il est vrai que l’âge moyen de départ est de 64,7 ans et qu’un grand nombre de personnes attendent l’âge de 67 ans pour partir à la retraite, beaucoup d’autres vivant encore, à 70 ans, du RSA, car ils n’ont toujours pas liquidé leur retraite.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que le COR tient compte de ces éléments. Permettez-moi de vous dire que n’est ni juste ni vrai ! Les analyses du COR sont de nature macroéconomique et de portée globale ; il n’y a pas de focus sur les outre-mer.
Or nous savons que, alors que 20 % de retraités, dans l’Hexagone, prennent une retraite anticipée, ce chiffre n’est que de 1 % en Guadeloupe, de 1 % en Martinique et de 2 % à La Réunion. Les critères de pénibilité ne jouent pas. Le Smic et les allocations familiales ont longtemps différé entre la métropole et les outre-mer, et c’est toujours le cas de certains dispositifs sur le logement.
Des différences ont été institutionnalisées et on refuse d’en tenir compte. Pis encore, on nous oppose un silence qu’on pourrait juger quelque peu méprisant, à moins que l’on nous réponde qu’on fera faire un rapport, que le COR en tient déjà compte, ou qu’on prendra peut-être un décret…
Je m’étonne de cette absence de réponse et de cette attitude de mépris. On cristallise, on minéralise, si j’ose dire, les inégalités existantes, comme si elles n’existaient pas, ou comme s’il ne s’agissait pas de Français.