compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (texte de la commission n° 436, rapport n° 435).
La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie hier pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023 est parvenue à établir un texte commun.
Lors de ses travaux, René-Paul Savary et moi-même avons veillé à rester fidèles à l’esprit de la majorité sénatoriale. Cette réforme, qui, nous le savons, demandera des efforts aux Français, doit atteindre pleinement son but : ramener notre système de retraite à l’équilibre à l’horizon de 2030, afin de garantir sa soutenabilité financière au bénéfice des générations futures.
C’est en ayant cet objectif en tête que, tout en inscrivant ses marqueurs dans le texte, le Sénat a veillé, en première lecture, à rester dans une épure financière proche de l’équilibre.
Mes chers collègues, René-Paul Savary vous détaillera certains choix de la commission mixte paritaire, qui se traduiront par des coûts supplémentaires pour le système de retraite par rapport à la version du texte adoptée par le Sénat.
Néanmoins, j’espère que vous serez en mesure de nous confirmer, messieurs les ministres, que le texte issu de la commission mixte paritaire permettra le retour à l’équilibre des comptes en 2030, moyennant peut-être un nouvel ajustement des taux de cotisations patronales des branches vieillesse et accidents du travail et maladies professionnelles.
En tout état de cause, mes chers collègues, vous retrouverez dans le texte qui vous est présenté les principales mesures que nous avons examinées et adoptées tout au long de la semaine dernière et même, pour certaines, depuis plusieurs années dans le cadre de différents PLFSS.
Je pense naturellement au décalage progressif de l’âge d’ouverture des droits à la retraite de 62 ans à 64 ans, ainsi qu’à l’accélération de la réforme Touraine, sur lesquels repose l’équilibre financier de ce PLFRSS.
Je pense aussi à la mise en extinction des principaux régimes spéciaux et à la clause dite du grand-père, aux termes de laquelle les personnes embauchées à compter du 1er septembre 2023 dans les entreprises et institutions concernées seront affiliées au régime général pour le risque vieillesse.
Je pense également à l’abandon du projet de transfert aux Urssaf de l’activité de recouvrement de l’Agirc-Arrco et de la Caisse des dépôts et consignations, qui a été confirmé par la commission mixte paritaire.
Enfin, je vous précise que la commission mixte paritaire a confirmé l’introduction dans l’annexe A du principe de compensation intégrale par l’État, dès 2023, des surcoûts entraînés par la hausse des cotisations patronales de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour les employeurs publics concernés.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. En raison du maintien de ces nombreux marqueurs du Sénat et de l’adoption par la commission mixte paritaire des autres dispositions, que va à présent vous présenter René-Paul Savary, je vous appelle, mes chers collègues, à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP. – M. Didier Rambaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. René-Paul Savary, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Mes chers collègues, je vous présenterai très rapidement les conclusions de la réunion de la commission mixte paritaire. Celle-ci fut particulière : l’Assemblée nationale ayant été empêchée de débattre du texte et de le voter, il nous appartenait de permettre le débat au sein de cette commission, dont la réunion a duré neuf heures et a permis des avancées.
Le compromis qui a été trouvé prend en compte les exigences du Sénat, les mesures auxquelles nous étions particulièrement attachées ayant été retenues. Sur les mesures destinées aux mères de famille ou portant sur l’usure professionnelle, la patte du Sénat a été nette.
Je vous remercie, monsieur le ministre du travail, d’avoir permis que l’emploi des seniors demandeurs d’emploi de longue durée fasse l’objet d’un accord national interprofessionnel. Cette mesure est importante et nous permettra de favoriser l’emploi des seniors.
Il nous appartenait également de prendre en compte des avancées et des propositions de l’Assemblée nationale qui n’avaient pu être débattues jusqu’au bout, en particulier sur les carrières longues. Le projet de loi prévoit à cet égard une avancée significative ; je pense aux 43 annuités minimum pour les bornes d’âge. La durée de cotisation pourra ainsi être prise en compte pour certains.
Au terme de cette réunion, nous pouvons voter cette réforme sans états d’âme. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Mickaël Vallet. C’est l’expression qui convient, en effet !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Elle a été considérablement adoucie (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise.) par rapport à la version initiale qui nous avait été proposée par le Gouvernement.
Les mesures adoptées au Sénat, en particulier les dispositions sur l’usure professionnelle, auxquelles nous sommes attachées, ayant été conservées dans le texte final, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette réforme. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Buis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, un accord entre les deux assemblées a donc été trouvé, les deux chambres s’étant retrouvées sur l’essentiel.
Cet accord réaffirme sans ambiguïté l’attachement de la représentation nationale à notre système de retraite par répartition, hérité de l’après-guerre, et permet, enfin, de mettre aux voix un texte profondément enrichi, après plusieurs semaines de débats parlementaires.
Le texte qui est soumis au vote des deux assemblées conjugue le cœur de la réforme et des engagements du Président de la République avec les nombreuses améliorations portées par les parlementaires dans les deux chambres.
Les engagements pris au printemps dernier devant les Français sont tenus : il s’agit de progressivement travailler plus pour équilibrer notre système de retraite, de fermer les principaux régimes spéciaux dans le respect de la clause du grand-père et d’augmenter la retraite minimale pour une carrière complète.
Je pense aussi pouvoir dire que ce texte a été profondément enrichi jour après jour, au fil de nos discussions.
Ainsi, grâce à votre soutien, nous avons concrétisé des demandes formulées de longue date, par exemple pour les sapeurs-pompiers volontaires, les apprentis, les stagiaires, les étudiants, les sportifs ou encore les enseignants du primaire. Je suis certain que plusieurs de ces améliorations – ma liste n’est pas exhaustive – renforceront durablement la justice de notre système de retraite.
Il est difficile, quand on commente les conclusions d’une commission mixte paritaire, d’éviter l’effet d’inventaire, mais je suis convaincu que chaque avancée compte et mérite d’être reconnue en tant que telle.
Je pense à la création d’une surcote avant l’âge légal pour les mères ayant atteint la durée d’affiliation requise avant l’âge d’ouverture des droits, ainsi qu’à l’instauration d’un CDI senior, portée avec force et conviction par votre rapporteur René-Paul Savary, dans le respect de l’article L. 1 du code du travail, cher au président du Sénat.
Je pense également à la création d’une pension de réversion pour les orphelins, en particulier ceux qui sont en situation de handicap, sur l’initiative de Bruno Retailleau ; à la prise en compte des parents confrontés au deuil d’un enfant, sur l’initiative des groupes CRCE, RDPI et GEST ; à la perte de droits familiaux pour les parents violents, sur proposition d’Annick Billon.
Je pense enfin au renforcement des droits à la retraite des élus locaux, porté ici notamment par Mme la rapporteure pour avis Sylvie Vermeillet, ou à la revalorisation des pensions à Mayotte, sur l’initiative de Thani Mohamed Soilihi et d’Hervé Marseille.
Si je me livre à cet inventaire, c’est pour montrer que le texte a été enrichi et amélioré au fil des discussions. Je pense que, tel qu’il résulte de vos travaux, il reflète un équilibre politique.
Cet équilibre est également financier, car laisser filer les déficits serait injuste et irresponsable. Nous maintiendrons donc l’équilibre du système de retraite à l’horizon de 2030, tel qu’il était prévu dans le texte initial.
C’est la raison pour laquelle, dans un premier temps, le Gouvernement lève les gages restant à l’article 2 bis A et à l’article 8.
C’est surtout la raison pour laquelle nous prévoyons un transfert supplémentaire de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) pour assurer ce financement, tout en laissant cette dernière largement excédentaire. Mon collègue Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics, reviendra sur cette question.
Je ne nie évidemment pas les désaccords qui persistent, pas plus que je n’occulte l’expression de l’opposition à la réforme. Je suis sûr, à l’inverse, que personne ne contestera que le débat a eu lieu. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Le débat a eu lieu avec les partenaires sociaux, après quatre mois de concertation qui ont permis de concrétiser des avancées que personne n’aurait pu imaginer voilà seulement quelques mois. Je pense en particulier à l’emploi des seniors et à la prévention de la pénibilité. Alors que nous pensions les positions des uns et des autres irréconciliables sur ce sujet, nous avons su, je pense, les rapprocher. (M. Rémi Cardon s’exclame.)
Après 74 heures de discussion à l’Assemblée nationale et 102 heures au Sénat, on peut également dire que le débat a bien évidemment eu lieu au Parlement. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Certains diront que c’est trop peu, mais la réalité est que cette réforme a été davantage discutée dans les assemblées que les deux précédentes réformes des retraites cumulées !
D’autres diront qu’ils reviendront sur cette réforme lorsqu’ils arriveront un jour au pouvoir. Mais qu’avons-nous constaté depuis trente ans de réformes des retraites ? Jamais – j’y insiste – une alternance politique n’a remis en cause les efforts demandés dans les réformes précédentes.
Au fond, nous avons suivi un seul fil rouge : celui du débat contradictoire et républicain.
L’opposition, moins ici qu’ailleurs peut-être, a choisi un autre fil rouge : celui de l’obstruction méthodique (M. Rémi Cardon proteste.), une obstruction qui sacrifie la mission même d’un parlementaire, qui abîme le débat chaque jour un peu plus, une obstruction, enfin, qui aura été assumée dans une confusion inouïe entre la légitimité du Parlement et l’expression de la rue. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
De manœuvres en blocages, d’attaques personnelles en comportements violents, nous avons assisté à une dérive, moins ici qu’ailleurs, certes,…
M. Éric Bocquet. Pas ici !
M. Guy Benarroche. Merci de vos encouragements !
M. Olivier Dussopt, ministre. Je veux le dire avec gravité devant vous : la République ne doit pas céder un pouce de terrain face à ces dérives. Nous les combattrons jour après jour, texte après texte.
Beaucoup parmi les opposants à cette réforme ont cité Victor Hugo, tout en foulant parfois au pied son sens aigu du républicanisme, lequel aurait fait honneur à nos débats. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Dire cela ici !
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement a donc surmonté cette obstruction, pour assurer la clarté et la sincérité de nos débats.
Ainsi, en application de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, les amendements ou sous-amendements n’ayant pas été examinés par la commission des affaires sociales n’ont pu être présentés.
Ensuite, en application de l’article 44, alinéa 3, de notre belle Constitution, le Gouvernement a demandé au Sénat de se prononcer par un vote unique sur l’ensemble du texte, après présentation par leurs auteurs de l’ensemble des amendements restant en discussion.
Certains ont voulu faire croire à une procédure inhabituelle, voire totalement inédite, mais répéter le même mensonge n’en fait pas une vérité.
Les choses sont simples : les gouvernements précédents ont eu recours lors des trois précédentes réformes des retraites au même vote unique pour surmonter l’obstruction.
Lors de la réforme dite Fillon, l’examen en première lecture au Sénat a fait l’objet d’un vote unique en juillet 2003. Lors de la réforme dite Woerth, le vote unique a été utilisé en première lecture au Sénat en octobre 2010 sur un quart des amendements. Lors de la réforme dite Touraine, enfin, un vote unique a été utilisé en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale en novembre 2013.
En outre, je ne mentionnerai pas les nombreux votes uniques qui ont eu lieu au Sénat, hors réforme des retraites, sur des projets de loi de finances, des projets de loi de finances rectificative, des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou encore des projets de loi ordinaires, comme la loi relative à la sécurisation de l’emploi en 2013.
Alors, oui, pour mettre fin à la négation du parlementarisme et garantir la clarté du débat, le Gouvernement a eu recours à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, et cela au neuvième jour de ralentissement, voire de blocage, des débats.
Avant que le texte ne soit mis aux voix dans sa totalité et, je l’espère, adopté par votre assemblée, avant que ne s’achève la navette parlementaire, je rappelle l’objectif fixé par le Président de la République, au cœur de ma feuille de route, à savoir le plein emploi.
Pour atteindre cet objectif, nous devons mobiliser tous les leviers à notre disposition. Nous l’avons fait il y a quelques mois avec l’assurance chômage, nous le faisons avec les retraites. Nous allons le faire, surtout, avec le projet de loi sur le travail et le plein emploi qui vous sera soumis dans quelques semaines.
Ce texte portera sur des sujets aussi cruciaux que la mise en place de France Travail, le compte épargne temps universel, le partage de la valeur, la suite des Assises du travail, en particulier pour les conditions de travail et de qualité de vie au travail, mais aussi sur de nombreux autres sujets. Il permettra d’aller vers le plein emploi et le bon emploi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre travail et vous dis à bientôt, je l’espère,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. À jamais !
M. Olivier Dussopt, ministre. … pour de nouveaux textes et pour de nouveaux débats. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. David Assouline. Au revoir !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, le vote qui va intervenir ce matin conditionne les quinze prochaines années de la vie de notre pays, le quotidien de nos concitoyens et l’avenir de toute une génération : celle qui travaille et qui souhaite conserver son mode de vie une fois arrivée à la retraite, au terme d’une vie de labeur.
Ce vote, c’est aussi tout ce qui fait notre pays : son modèle social, sa vie politique et parlementaire, la cohérence de ses valeurs politiques, défendues par les représentants du peuple, sa capacité à continuer à aller de l’avant, mais aussi le choix qu’il fait entre le travail et l’impôt.
Ce vote ne vient pas seulement trancher un débat politique et médiatique de plusieurs mois. Il n’est pas simplement le point final d’une séquence difficile, qui, je suis parfaitement lucide, a angoissé et parfois divisé notre pays.
Ce vote, il est également et surtout la réponse à des questions aussi fondamentales que celles que je pose devant vous ce matin.
Voulons-nous, oui ou non, garantir à bientôt 20 millions de retraités qu’ils pourront compter sereinement sur une retraite financée et ainsi préserver leur mode de vie, qu’ils n’ont aucune envie de sacrifier ?
Pensons-nous que c’est le travail qui crée la prospérité d’une nation, ou bien que c’est l’impôt qui crée la richesse ?
Les valeurs et le projet pour lesquels les Français ont élu leurs représentants au Parlement doivent-ils être défendus par leurs parlementaires, au risque sinon d’une fissure encore plus profonde de la confiance entre le peuple et ses élus ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais m’appesantir sur les réponses que le Gouvernement souhaite apporter à ces questions.
M. Guy Benarroche. On les connaît, vos réponses !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pourrais vous redire que l’unique raison pour laquelle nous faisons cette réforme, c’est préserver le patrimoine de ceux qui n’ont que leur travail pour vivre et pouvoir leur dire, sereinement, les yeux dans les yeux : vos pensions ne baisseront pas, vos salaires ne diminueront pas,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ils n’augmenteront pas non plus !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … vos impôts n’augmenteront pas.
Je pourrais vous dire ensuite que la réponse du Gouvernement à la question de savoir s’il faut choisir entre le travail et plus d’impôt est claire : c’est le travail qui crée la richesse, pas les impôts supplémentaires ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. David Assouline. Vous instaurez un impôt sur la vie !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ce choix nous guide et nous oblige. Choisir le travail plutôt que l’impôt, c’est certes choisir l’effort, mais c’est surtout choisir la prospérité.
Je pourrais vous dire enfin que, oui, le respect des engagements pris devant les Français est au cœur du pacte entre le peuple et ses représentants. Mais ce n’est pas à vous, ce n’est pas au Sénat que j’ai besoin de le dire : vous avez toujours respecté vos engagements.
Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas le Gouvernement qui en décide, ce sont les représentants du peuple par leur vote. Votre vote, c’est la démocratie. Celle-ci est à la fois encadrée et garantie par notre Constitution, sans laquelle rien n’est légitime.
Notre Constitution est le cœur même du pacte entre les Français et leurs élus, ce pacte qui existe depuis que la France et les Français votent, ce pacte qui a permis des avancées majeures pour les Français, ce pacte qui a conforté à plusieurs reprises la démocratie lorsqu’elle vacillait et que ses institutions ne parvenaient plus à œuvrer pour le pays.
Voilà ce que je tenais à vous dire en préambule de mon intervention, comme marque de respect du Parlement et du Sénat.
Je le disais, mesdames, messieurs les sénateurs, ma conviction, c’est que c’est le travail qui crée la prospérité et que c’est donc par le travail que nous devons financer les évolutions de notre modèle social.
L’une des évolutions majeures auxquelles notre pays est soumis, c’est l’évolution de sa démographie. Les faits sont implacables : notre pays vieillit et comptera plus de retraités qu’il n’en a jamais comptés. Notre modèle social devra donc financer plus de retraites que jamais.
En 2030, nous aurons à payer chaque mois la pension de 20 millions de retraités, soit un quasi-doublement en une génération. Il y avait 12 millions de pensions de retraite à verser chaque mois au début des années 2000. Aucun pays ne pourrait tenir ce choc sans rien faire ! D’ailleurs, presque tous les pays autour de nous ont réformé ou réforment leur système de retraite.
Pour notre part, nous faisons le choix de réformer notre système par le travail. Oui, c’est un effort, mais, non, il ne sera pas porté par tous de la même manière, indifféremment.
Mme Michelle Meunier. Ça, c’est sûr !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ainsi, quatre Français sur dix partiront à la retraite bien avant l’âge légal, mais dix Français sur dix pourront continuer de bénéficier d’une retraite sans hausse d’impôt ni baisse de pension.
M. David Assouline. Quelle honte !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’autre choix qui a émergé au cours de plus de deux cents heures de débat à l’Assemblée nationale et au Sénat, c’est celui de l’impôt et des hausses de cotisations.
L’impôt toujours, l’impôt tout le temps, l’impôt pour tous : taxer, taxer, taxer, voilà l’autre projet ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’avez pas écouté notre projet !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ce projet-là, nous l’avons combattu, et je remercie la majorité sénatoriale d’avoir contribué à le repousser, non pas par idéologie, je le sais, mais par bon sens. (M. Thomas Dossus s’esclaffe.)
Qui seraient les premières victimes des hausses d’impôts ? Les Français qui travaillent dur, qui se lèvent le matin, qui font vivre leur famille et tourner le pays. (Protestions sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Taxer les plus riches ? Taxer les grands groupes ? Cela paraît toujours séduisant, mais l’impôt de trop commence par toucher ceux qui sont en haut et finit par frapper ceux qui sont en bas. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous plaisantez ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Voilà pourquoi, avec la majorité sénatoriale, nous avons repoussé avec détermination toute tentative d’instaurer de nouveaux impôts ou d’augmenter des cotisations.
Voilà pourquoi ce texte se fonde sur des valeurs communes : le travail comme condition de la prospérité et la retraite comme horizon bien mérité, après une vie de travail.
Voilà pourquoi, je le dis, le texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est aussi le vôtre.
Mme Laurence Cohen. Certainement pas !
Mme Céline Brulin. C’est le vôtre !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cette réforme des retraites est aussi celle du Sénat et des sénateurs. Je l’ai dit, il prend ses racines dans des valeurs communes : le travail, la préservation de notre modèle social et le refus de tout impôt supplémentaire.
Ce texte, c’est aussi le vôtre parce que vous l’avez voté et adopté en première lecture.
Ce texte, c’est aussi le vôtre, parce qu’il est le fruit d’un compromis politique construit patiemment au fil de son élaboration, de sa discussion et de son vote en commission, puis en séance publique et, enfin, en commission mixte paritaire hier.
Ces compromis permettent des avancées importantes, que les Français devront aussi à cette majorité sénatoriale.
Mme Laurence Cohen. Ils ne s’expriment pas majoritairement en faveur de cette réforme !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pense notamment, et je le souligne alors que je m’y étais opposé, monsieur le rapporteur, à l’expérimentation durant plusieurs années d’un CDI senior recentré sur les demandeurs d’emploi de longue durée. C’est, je le sais, une idée à laquelle les rapporteurs du texte au Sénat étaient particulièrement attachés, comme d’ailleurs la majorité sénatoriale. Ce contrat figure dans le texte que nous vous proposons de voter.
Je pense aussi au compromis trouvé sur le sujet des carrières longues et à la reprise du dispositif proposé par le groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale. Je précise toutefois que nous avons eu des discussions nourries pour affiner ce dispositif.
Enfin, je dirai un mot du dispositif de surcote pour les mères de famille, introduit par la commission des affaires sociales du Sénat et bien sûr intégré à l’accord trouvé hier.
Cet apport majeur du Sénat permettra aux femmes de bénéficier d’une revalorisation de leur pension pouvant atteindre 5 % au titre des trimestres liés à la naissance d’un enfant ou à leur éducation.
M. Loïc Hervé. C’est la moindre des choses !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Les derniers ajustements actés hier durant la réunion de la commission mixte paritaire doivent bien sûr faire l’objet d’une traduction financière.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement à l’article 6 visant à actualiser l’annexe A du texte, c’est-à-dire la trajectoire financière pluriannuelle des régimes de sécurité sociale.
En réponse à la question de Mme la rapporteure, j’indique que, oui, à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire et sous réserve d’un nouveau transfert de taux entre la branche AT-MP et la branche vieillesse, l’équilibre de notre système de retraite en 2030 est garanti par le travail du Parlement et par le compromis qui a été trouvé hier.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je tenais à vous dire, alors que vous vous apprêtez à voter une réforme importante pour l’avenir de notre pays et pour le mode de vie des Français, en particulier pour nos retraités.
Si je devais résumer ce moment en trois mots, je dirais que nous sommes à un rendez-vous important pour nos institutions, pour notre modèle social et pour notre prospérité.
Ce rendez-vous est important pour nos institutions, car elles garantissent à notre pays de continuer d’avancer. Nos institutions, c’est vous, c’est le Sénat, c’est le Parlement, tout le Parlement, rien que le Parlement. Nos institutions, c’est notre Constitution, toute notre Constitution, rien que notre Constitution.
Ce rendez-vous est important pour notre modèle social, car nous sommes les lointains héritiers, nous au Gouvernement, vous sur ces travées, des hommes et des femmes politiques qui ont eu le génie et la générosité de l’inventer. (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Vous devriez avoir honte !