M. Daniel Chasseing, rapporteur. Elle n’en a d’ailleurs pas l’ambition. Toutefois, je demeure convaincu, à la fois en tant que rapporteur et en tant que médecin exerçant en zone sous-dense, que la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux peut apporter une réponse locale intéressante pour accompagner ponctuellement les médecins dans leur installation.
Facultatif, temporaire et neutre pour les finances des collectivités, le dispositif est sans risque et ne fait pas de perdants. Par conséquent, j’espère que ce texte rassemblera une majorité au sein de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement se réjouit de l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi portée par M. Dany Wattebled, avec le soutien de son groupe Les Indépendants – République et Territoires, dont je salue l’initiative.
Elle rejoint pleinement la philosophie du Gouvernement, qui consiste à reconnaître le rôle majeur et décisif des territoires pour faire émerger des solutions issues d’initiatives locales avec l’ensemble des acteurs concernés.
Car l’enjeu majeur, pour les professionnels de santé, dans le contexte démographique tendu que nous connaissons, est bien de mobiliser tous les leviers existants pour trouver du temps médical et augmenter l’attractivité de tous les territoires.
Le Gouvernement est pleinement engagé en faveur de l’accès aux soins, fondant son approche sur la territorialisation afin de construire partout, avec l’ensemble des acteurs, les solutions les plus adaptées aux contextes locaux. Nous sommes tous convaincus que la réponse ne peut pas être unique et identique sur l’ensemble du territoire.
Tout d’abord, en matière de formation, la quatrième année de médecine générale permettra aux internes et aux externes de réaliser des stages en ambulatoire et de découvrir la pratique en libéral. Nous comptons ainsi donner envie à nos étudiants de s’installer et exercer en ville.
Ensuite, pour créer le choc d’attractivité dont nous avons besoin, nous agissons en faveur de l’exercice coordonné, en poursuivant le déploiement des maisons et centres de santé pluriprofessionnels et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
J’ai d’ailleurs lancé ce mois-ci un grand tour de France des CPTS pour identifier ce qui fonctionne et ce qui fonctionne un peu moins bien dans les structures déjà existantes et dans celles qui se créent. Notre volonté est de proposer des leviers d’amélioration pour permettre d’ici à la fin de 2023 un maillage du territoire couvrant l’ensemble de la population.
Nous souhaitons également accélérer le déploiement des assistants médicaux pour atteindre le chiffre de 10 000 en 2025. Pour cela, nous aurons besoin des élus et des collectivités territoriales.
En effet, les cabinets médicaux ne sont souvent pas adaptés pour accueillir ce nouveau métier, dont l’objectif est de libérer du temps soignant. Il nous faut donc anticiper ces questions dès le montage de projets des nouveaux cabinets, mais aussi apporter des solutions concrètes d’adaptation des locaux existants.
Nous travaillons d’ores et déjà avec l’ensemble des parties prenantes – élus locaux, professionnels de santé – au cabinet médical de demain. Il s’agit de l’un des volets du pacte territorial en santé avec les élus qu’a annoncé le Président de la République, qui se déclinera dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) en santé durant les mois à venir.
Par ailleurs, nous devons répondre au défi de la simplification et de la suppression des tâches administratives, qui empoisonnent la vie de nos médecins. La feuille de route de mon ministère, au côté de François Braun, est de tout faire pour simplifier la vie des médecins.
Le 8 février dernier, nous avons présenté quinze mesures pour réduire le temps administratif des médecins, afin de redonner du temps médical aux médecins et d’améliorer durablement leurs conditions d’exercice.
À titre d’exemple, les certificats médicaux doivent devenir l’exception. Nous savons que les médecins y passent en moyenne entre une heure trente et deux heures par semaine ; supprimer la délivrance de certificats médicaux non nécessaires, c’est autant de temps retrouvé au service des patients.
Il était urgent de clarifier les règles pour les domaines concernés que sont les crèches, les écoles ou les fédérations sportives. Ce sera bientôt chose faite, avec des campagnes d’informations régulières pour mieux informer patients et institutions sur le caractère non nécessaire de certains certificats.
Nous agissons également pour déployer des outils numériques mieux adaptés au quotidien des professionnels de santé, en particulier les médecins libéraux.
La proposition de loi que nous examinons tend à un plus grand partage des leviers mis à la disposition des acteurs, y compris les collectivités territoriales, pour faciliter la vie des médecins et encourager ainsi leur installation dans les territoires.
Elle va dans le sens d’un enrichissement de la boîte à outils que nous souhaitons mettre à la disposition des acteurs locaux et dont pourraient s’emparer certains maires pour agir concrètement sur l’accès aux soins.
De plus, elle s’ajoute aux mesures votées en LFSS pour 2023 en faveur de l’installation des médecins. Je pense notamment au guichet unique départemental et à la simplification des aides à l’installation. L’objectif est bien d’offrir plus de lisibilité et de souplesse pour une efficacité renforcée.
Dans le cadre du CNR en santé, qui se poursuivra dans les prochains mois, la mise en œuvre de ce guichet unique départemental trouvera toute sa place. Ce sera d’ailleurs l’un des volets de la deuxième phase du CNR en santé que nous lancerons d’ici à la fin du mois et qui a vocation à rassembler de façon régulière tous les acteurs, territoire par territoire, pour partager les besoins en matière de santé et construire des solutions adaptées aux réalités du terrain, en utilisant l’ensemble des outils que nous mettons à disposition.
Le dispositif de cette proposition de loi se fonde sur cette même volonté, celle de simplifier la vie des médecins en facilitant les conditions de leur installation dans les déserts médicaux en offrant la possibilité aux collectivités territoriales de mettre à leur disposition un agent administratif, pour une durée limitée.
Pour être pleinement efficace, un médecin doit être accompagné d’un secrétariat médical ou d’un assistant médical. Cette aide est souvent demandée par les médecins en lieu et place d’une aide financière, mais le droit actuel ne permet pas de la leur accorder.
En commission des affaires sociales, vous avez souhaité en préciser le champ, en soulignant le rôle d’amorçage de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux, d’où sa limitation dans le temps. Vous avez également souhaité conditionner le dispositif à la participation du bénéficiaire à la mission de service public de permanence des soins ambulatoires.
M. Daniel Chasseing, rapporteur. Tout à fait !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à ces ajouts et vous proposera, par souci d’équité, un amendement visant à permettre aux fonctionnaires des trois versants de la fonction publique d’intégrer le dispositif. Sans rien enlever au fond de la proposition de loi, dont nous partageons la philosophie, cela nous paraît de nature à en favoriser l’opérationnalité.
Tout faire, c’est déployer les outils nécessaires. Ce texte, vous en conviendrez, monsieur le rapporteur, a une portée limitée (M. le rapporteur acquiesce.), mais il est bienvenu, en cela qu’il participe de notre volonté commune de déployer tous les moyens pour répondre aux besoins en santé de nos concitoyens.
Je rappelle que le dispositif ne retire rien à personne. Il est facultatif, limité dans le temps et les frais y afférents sont seulement avancés. Il y a deux jours, alors que nous débattions au sein de cet hémicycle, tous les orateurs ont appelé à ce que les collectivités territoriales puissent s’investir pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. Vous avez l’occasion de le leur permettre.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la sixième fois en quelques mois que nous débattons de la question de l’accès aux soins. Cela démontre l’urgence de la situation et le manque de réponses à la hauteur de la part du Gouvernement.
Le constat est connu et s’aggrave un peu plus chaque année, pour atteindre un seuil critique dans certains territoires. Rappelons quelques chiffres : quelque huit millions de Français vivent dans un désert médical, six millions d’entre eux n’ont pas de médecin traitant, tandis que 60 % des habitants de territoires ruraux connaissent des difficultés d’accès à un médecin généraliste.
Depuis les années 2000, de nombreuses politiques d’incitation à l’installation des médecins dans les zones sous-denses ont été mises en œuvre : financement d’assistants médicaux, contrats d’engagement de service public (CESP) passés avec des étudiants, maisons de santé ou encore passage du numerus clausus à un numerus apertus, qui va toutefois mettre plusieurs années à produire des effets.
Bien que ces mesures soient utiles, elles restent clairement insuffisantes. En effet, les écarts entre les territoires les mieux et les moins bien dotés se creusent.
Si les dispositifs de soutien financier aux étudiants, en contrepartie d’engagements de service, permettent d’accroître l’offre à court terme, les résultats à plus long terme sont beaucoup moins probants. Les incitations financières ne suffisent pas à attirer et à retenir les médecins dans les zones sous-denses, et les effets de ces mesures sont assez faibles au regard de leur coût.
Les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 n’offrent pas non plus de réponse satisfaisante. Une quatrième année d’études est certes créée pour les médecins généralistes, mais cette mesure demeure très floue.
Aussi, il nous paraît évident que le dispositif de cette proposition de loi ne répond pas au problème.
Cet article unique prévoit d’ajouter les cabinets médicaux et les maisons de santé à la liste des entités pouvant bénéficier de la mise à disposition d’un agent public, dans le cas où la collectivité se trouve dans une zone sous-dense. L’objectif affiché est d’alléger les contraintes financières et administratives pesant sur l’installation des médecins dans ces territoires.
Nous nous opposons clairement à cette proposition qui flèche des moyens publics vers des cabinets libéraux.
MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Dany Wattebled. Dommage !
Mme Monique de Marco. Les fonctionnaires territoriaux n’ont pas à être mis au service des médecins, ou, tout du moins, cela ne peut pas être une priorité.
Par ailleurs, ce dispositif paraît peu opérationnel : la mise à disposition se fonderait certes sur le volontariat, mais une contrainte supplémentaire pèserait sur les petites communes, qui ne peuvent se passer ni d’un de leurs agents ni de l’arrivée d’un médecin.
L’examen du texte en commission a également mis au jour plusieurs écueils. Par exemple, il nous semble un peu risqué, dans les faits, de confier une telle mission à un agent municipal non soumis au secret médical et dont ce n’est pas le métier.
Pour faire face à l’urgence, des mesures de planification de l’offre et de régulation réelle de l’installation paraissent plus efficientes, comme l’a fait valoir le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires à plusieurs reprises, notamment à l’occasion de l’examen du dernier PLFSS.
Les mesures qui nous semblent prioritaires sont les suivantes : la prise en compte par les facultés de médecine du nombre de candidats originaires de zones sous-denses en premier cycle dans l’élaboration de leur capacité d’accueil ; la prise en charge des frais de transport pour lever les difficultés d’accès aux soins ; l’accès effectif aux urgences et à la maternité en moins de trente minutes.
Ces mesures doivent s’inscrire dans des réformes structurelles, qui engagent le long terme. Il nous faut véritablement rééquilibrer notre démographie médicale et mettre fin à cette iniquité territoriale qui ne cesse de croître.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « la France est un désert médical. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 87 % du territoire français est un désert médical. Paris comme la Nièvre sont des déserts médicaux ».
Tels étaient vos mots, madame la ministre, à l’occasion du 104e congrès de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) en novembre dernier.
Notre pays connaît, en effet, de grandes difficultés en matière de démographie médicale. Toutefois, ce n’est pas une fatalité. Cette question mérite un plan Marshall pour apporter à tous nos concitoyens une offre de soins correspondant à leurs besoins.
Nous n’en pouvons plus de voir l’offre de soins se dégrader pour s’adapter aux moyens disponibles, alors qu’aucune perspective d’amélioration ne se profile.
Le constat étant connu, je n’y reviendrai que brièvement. La France a perdu plus de 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021, alors que la population s’est accrue de 2,5 millions d’habitants sur la même période. La situation est alarmante : 11 % des Français, soit six millions de personnes, n’ont pas de médecin traitant. Plus de huit millions de Français, faute d’un praticien proche de chez eux, ne peuvent consulter plus de deux fois par an.
Par ailleurs, l’augmentation de la demande de soins liée au vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques et le non-remplacement d’un grand nombre de médecins généralistes partant à la retraite aggravent ce phénomène.
Les inégalités territoriales d’accès aux soins ne cessent de se creuser : vivre dans une zone sous-dense multiplie par deux le taux de renonciation aux soins. Les pertes de chances pour certains d’entre nous sont une réalité inacceptable dans notre pays, où le système de santé se fonde sur la solidarité nationale.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), la propension à renoncer à des soins est multipliée par huit lorsque le fait de vivre dans un désert médical se couple à une pauvreté en conditions de vie.
S’ils s’étendent en priorité dans les territoires ruraux, les déserts médicaux existent aussi dans des territoires urbains tels que l’Île-de-France et plus encore dans nos départements et collectivités d’outre-mer.
Qu’elles soient liées à la fermeture des urgences ou à l’absence de praticien à proximité, les difficultés d’accès aux soins entraînent une dégradation de leur qualité susceptible de mettre en péril la santé et la vie de nos concitoyens.
Cette situation dramatique devient insupportable à vivre pour les patients et insoutenable pour les élus, qui se battent sans relâche pour trouver des solutions.
Des réponses concrètes et ambitieuses sont plus que jamais nécessaires pour préserver notre système de soins.
Pour ne pas laisser nos concitoyens dans la détresse, sans solution pour se soigner, et afin de leur garantir un égal accès à la santé, il appartient au législateur et au Gouvernement d’agir.
La proposition de loi de notre collègue Dany Wattebled, présentée au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, vise à améliorer la situation dégradée que nous connaissons dans nos communes. Elle a pour objet d’autoriser la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux auprès des cabinets médicaux ou des maisons de santé.
Ce texte s’inscrit dans une logique intéressante, puisqu’elle tend à libérer du temps médical et à faciliter l’intégration des nouveaux médecins sur un territoire.
La mise à disposition d’un fonctionnaire territorial permettrait de répondre à la préoccupation de médecins, qui seraient prêts à s’installer dans une zone sous-dense, mais qui s’inquiéteraient des contraintes financières et administratives à supporter.
Bien qu’il prévoie un dispositif facultatif, ouvert uniquement aux collectivités locales volontaires, ce texte suscite l’étonnement des associations d’élus, lesquelles ont émis des réserves.
Le caractère opérationnel du dispositif appelle en effet plusieurs réserves.
Comment s’articulera-t-il avec les dispositifs existants, notamment celui des secrétaires médicaux ou des assistants médicaux, dont l’assurance maladie facilite l’embauche grâce à une aide financière significative, à hauteur de 36 000 euros par an, sous réserve que le médecin traite un minimum de patients et exerce de manière coordonnée ?
Le texte ne prévoit aucun financement de l’État ou des agences régionales de santé. Le dispositif, dont le coût est à la charge des collectivités locales, a été très justement modifié par le rapporteur Daniel Chasseing, qui en prévoit le remboursement par le médecin lui-même. Cependant, cette mesure pose une difficulté au moment où les marges de manœuvre en matière de ressources humaines et financières des collectivités sont restreintes, et alors qu’elles sont elles-mêmes confrontées à des difficultés de recrutement.
Enfin, les personnels mis à disposition doivent pouvoir bénéficier d’une formation adaptée à la terminologie médicale et aux outils de gestion de l’assurance maladie, formation qui est sans lien direct avec celle des fonctionnaires territoriaux. Cette formation minimale, mais essentielle, ne vaudrait que pour quelques mois, compte tenu de la durée maximale du dispositif qui est limitée à trois mois, renouvelable dans la limite de deux fois.
Il nous semble plus adapté de prévoir, dès l’installation du médecin, un recrutement direct sous contrat de droit privé.
L’amendement du Gouvernement, qui ouvre le bénéfice du dispositif aux agents des trois fonctions publiques, dont ceux de la fonction publique hospitalière, pourrait améliorer ce point, mais, au vu de l’état actuel de l’hôpital public, le remède serait pire que le mal : l’hôpital souffre aujourd’hui d’une hémorragie, d’une fuite de ses agents qu’il convient plutôt de colmater !
Permettez-moi également de rappeler que les agents de la fonction publique territoriale sont soumis au devoir de réserve et à la discrétion d’usage, mais qu’ils ne sont pas assujettis au secret médical, contrairement aux assistants médicaux. Cela pose un vrai problème, susceptible de fragiliser la relation de confiance entre les patients et le personnel médical.
Par ailleurs, le caractère optionnel du dispositif risque d’accroître les inégalités territoriales et, ainsi, d’amplifier la concurrence entre collectivités, sans effet global sur l’attractivité médicale.
Lors de son examen en commission, le rapporteur a réécrit, à très juste titre, l’article unique de la proposition de loi.
Il a encadré la durée de recours au dispositif, en la limitant à une période maximale de trois mois, renouvelable deux fois. Les fonctionnaires territoriaux n’ont pas vocation à se substituer durablement au personnel des cabinets libéraux et des maisons de santé libérales.
Le rapporteur a également conditionné le dispositif à la participation des organismes à la mission de service public de permanence des soins ambulatoires, en cohérence avec le droit en vigueur en matière de mise à disposition.
Pour pallier tout risque de détournement, le dispositif a principalement pour but d’accompagner les médecins lors de leur arrivée sur un nouveau territoire.
Pour autant, nous estimons que d’autres mesures ont déjà été prises par les ARS en lien avec les collectivités, au travers notamment des contrats locaux de santé, des CPTS, ainsi que du soutien et de l’accompagnement accordés aux nouveaux médecins qui s’installent dans une commune – le guichet unique.
Une installation se prépare et doit s’inscrire dans un exercice coordonné, en lien avec les autres professionnels de santé. Les collectivités territoriales sont sollicitées au-delà de leurs compétences pour financer de tels dispositifs incitatifs.
Je rappelle que la santé est une compétence de l’État, à qui il appartient d’établir une offre de soins équilibrée sur l’ensemble du territoire.
L’origine du problème tient au manque de médecins et de professionnels de santé, qui ne résulte pas d’une crise des vocations, car nombreux sont les jeunes souhaitant s’impliquer dans ces métiers, mais de l’inadaptation des recrutements, de la formation et de la désorganisation actuelle de notre offre de soins.
La mise à disposition d’un fonctionnaire est une procédure administrative lourde, qui prend du temps, car elle doit faire l’objet d’une information préalable de l’assemblée délibérante et de l’accord préalable de l’intéressé. Ces démarches, étant donné les trois mois de mise à disposition, posent la question de l’efficacité relative du dispositif pour les communes qui seront concernées.
Pour lutter contre les déserts médicaux, surmonter la crise de l’hôpital, pallier le manque d’attractivité des métiers du soin et de la santé et répondre aux enjeux de santé de la population, il nous faut un grand projet de loi d’orientation et de programmation.
La mise en œuvre d’un plan Marshall pour un accès de tous et de toutes à la santé, partout sur le territoire national, qu’il soit rural, urbain ou ultramarin, devient urgente.
Si l’intention des auteurs de la proposition de loi est louable, le dispositif nous semble être une fausse bonne solution ! Nous partageons les réserves des associations d’élus, notamment celles de l’Association des maires ruraux de France et de l’Assemblée des départements de France.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens d’énoncer, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lutter contre la désertification médicale dans les collectivités territoriales est une urgence que personne ne peut contester.
Les chiffres en attestent : il n’est pas acceptable que 30 % de la population française vive dans un désert médical.
Les difficultés pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste en secteur 1 ne sont plus spécifiques aux territoires ruraux ; elles concernent désormais les territoires périurbains et urbains. Face à ces difficultés d’accès aux soins, la colère monte chez nos concitoyennes et nos concitoyens.
Cependant, je m’interroge sur cette nouvelle initiative parlementaire. Le Sénat a déjà discuté de six propositions de loi relatives à l’accès aux soins en moins de six mois !
Le présent texte est examiné en séance publique, alors même que votre groupe, messieurs Wattebled et Chasseing, et la majorité sénatoriale ont voté en faveur de l’ensemble des projets de loi de financement de la sécurité sociale, qui ont entériné la réduction des dépenses de santé.
On peut donc s’interroger sur l’objectif réel que vous visez, d’autant que nous débattons de cette proposition de loi quelques mois avant le prochain renouvellement du Sénat.
Depuis 2017, vous n’avez pas contesté, mes chers collègues, l’insuffisance des moyens mis en œuvre par le Gouvernement et le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus, qui n’a augmenté que de deux cents médecins le nombre de praticiens formés chaque année.
Pourtant, on évalue le manque de médecins ou professionnels de santé à 20 % en médecine générale, à 14 % en odontologie, à 8 % en pharmacie et à 4 % en maïeutique.
Sur le fond, le texte vise à lutter contre les déserts médicaux en améliorant l’attractivité des territoires. Il prévoit la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux pour assurer le secrétariat des cabinets médicaux en zone sous-dense, bien que les médecins bénéficient déjà, à ce titre, d’aides financières pour recruter du personnel.
On nie ainsi la réalité du métier de secrétaire médical, dont le quotidien ne se limite pas à la prise de rendez-vous, à la tenue du standard téléphonique et à l’archivage des documents. Ce métier implique, outre sa dimension humaine essentielle, une maîtrise du vocabulaire et de la réglementation des soins et une bonne connaissance des patients. On ne peut donc pas envisager sérieusement que des fonctionnaires mis à disposition pendant seulement trois mois, ce que propose le rapporteur, puissent correctement l’exercer.
On nie également, comme l’ont souligné les associations d’élus lors des auditions, le manque dramatique de moyens des collectivités locales.
J’ajoute qu’un tel dispositif constitue une remise en cause du statut de fonctionnaire.
Dans leur exposé des motifs, les auteurs du texte envisagent de transformer les postiers en secrétaires médicaux et, au passage, de casser encore davantage le service public postal. On marche sur la tête !
En outre, nos collègues proposent une disposition discriminatoire, puisque seuls les maisons de santé et les cabinets libéraux pourraient bénéficier du dispositif de mise à disposition, ce qui exclurait de fait les centres de santé. Cette inégalité de traitement est incompréhensible.
Enfin, la commission des affaires sociales a apporté sa touche libérale à ce texte, en suggérant d’exonérer le personnel territorial de cotisations sociales, certainement pour affaiblir encore davantage la sécurité sociale…
À la lecture de votre amendement, madame la ministre, une question m’est venue à l’esprit : ne trouvez-vous pas que les hôpitaux souffrent déjà suffisamment d’une pénurie de soignants, pour envisager de les mettre à disposition des médecins libéraux ? (Mme la ministre déléguée fait une moue dubitative.) Vous pouvez soupirer, vous apportez de mauvaises solutions à de vrais problèmes !
En résumé, cette proposition de loi apporte, je viens de le dire, une réponse simpliste à un problème complexe. Elle créera plus de difficultés qu’elle ne permettra de trouver des solutions.
Nous assistons à une compétition entre territoires pour attirer des médecins, conséquence de l’impuissance organisée par les gouvernements successifs en matière de formation des professionnels de santé. Il s’agit également de la conséquence du refus de s’attaquer au totem de la liberté d’installation, qui s’applique au détriment de l’accès aux soins de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Pour les professionnels de santé, l’attractivité des territoires découlera moins de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux que de l’existence de services publics – école, transports, sécurité sociale – et de la proximité d’un hôpital public.
Malheureusement, les politiques de restriction budgétaire menées par les différents gouvernements ces vingt dernières années – dont le vôtre, madame la ministre – ont entraîné la fermeture des hôpitaux et des maternités de proximité, ainsi que la disparition des services publics.
Pour moi, comme pour l’ensemble des membres de mon groupe, la réponse politique passe nécessairement par l’augmentation des moyens des universités, qui permettra de former davantage de professionnels de santé, d’un côté et de l’autre, par le développement des centres de santé et le rétablissement de la permanence médicale la nuit et le week-end, la revalorisation des gardes et la réquisition des spécialistes, y compris ceux des établissements privés.
En conclusion, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront contre cette proposition de loi. (Mmes Monique de Marco et Annie Le Houerou applaudissent.)