M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour la réplique.
M. Gilbert Favreau. Monsieur le ministre, je prends bonne note de vos explications, mais je crois que nous sommes dans une ère nouvelle, qui a commencé par la reculade de l’État à Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Eh oui !
M. Gilbert Favreau. Cette reculade a sapé l’autorité de l’État et ne cesse d’inspirer les casseurs d’extrême gauche, qui saisissent maintenant toutes les occasions pour tenter d’instaurer un État de non-droit dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
impact sur les petits hôpitaux de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Monsieur le ministre, samedi dernier, plus de quatre-vingts maires et de nombreux habitants manifestaient devant le pôle de santé du Villeneuvois contre le risque de fermeture de la maternité.
En effet, dans le Lot-et-Garonne comme dans de nombreux autres départements ruraux, d’outre-mer ou de Corse, l’entrée en application de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, le 3 avril prochain, aura pour effet de bord inéluctable la réduction, voire la fermeture, de services d’urgences et de maternités dans les petits hôpitaux.
Comme vous le savez, le maintien de ces services publics essentiels constitue un enjeu vital pour la santé et pour les territoires concernés.
Les femmes enceintes sont souvent contraintes de parcourir de longues distances pour accéder à l’hôpital le plus proche. Ne pas avoir la certitude de pouvoir accoucher à proximité de son domicile est extrêmement anxiogène.
Nous sommes en droit d’attendre de votre part une réponse qui dépasse les logiques comptables à l’origine de la dégradation des services.
Je partage l’objectif fondamental de plafonner la rémunération de l’intérim médical, qui s’apparente, dans certains cas, à un chantage exercé sur le service public de la santé, au mépris des principes humanistes de la médecine. En revanche, l’application de cette loi peut avoir des effets catastrophiques sur nos petits hôpitaux.
Monsieur le ministre, pensez-vous que les habitants des zones rurales soient des citoyens de seconde zone ? Quel signal comptez-vous leur adresser dans les prochains jours ?
Quelles mesures urgentes envisagez-vous d’adopter, afin de préserver en priorité nos maternités rurales et nos services hospitaliers ? Avez-vous l’intention d’abaisser en zone rurale le seuil des 1 000 naissances par an, afin d’y maintenir nos maternités ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDSE, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Moga, il n’y a bien entendu pas de citoyens de seconde zone. (M. Bruno Sido manifeste son scepticisme.) Mon travail, sous l’autorité de la Première ministre, est de rétablir l’accès à la santé équitable pour tous, sur l’ensemble de nos territoires.
Vous évoquez deux problèmes. Le premier concerne l’intérim médical, mais nous parlons bien ici des dérives de ce dernier, et non du dispositif lui-même, qui est une pratique normale, qui fonctionne et qui permet de maintenir les petites structures.
Ces dérives de l’intérim médical signeront à court terme, soyez-en certain, la mort de notre service public hospitalier. Quel médecin acceptera encore de travailler pour 4 000 euros par mois lorsqu’un intérimaire travaillant 24 heures percevra la même somme ?
Nous devons donc agir sur deux tableaux : lutter contre les dérives et préserver cette colonne vertébrale de notre système public hospitalier que sont les médecins hospitaliers.
Tout d’abord, il faut limiter le recours à l’intérim, vous l’avez souligné. Ensuite, il faut favoriser l’exercice des médecins hospitaliers en prolongeant les mesures de cet été, lesquelles permettent d’augmenter la rémunération pour les gardes de nuit et le week-end, et de reconnaître la pénibilité.
Il convient également de développer la prime de solidarité territoriale, qui permet à un médecin hospitalier d’aller aider dans un autre hôpital. Elle devient très intéressante financièrement.
Enfin, nous avons relevé le plafond de l’intérim. Il avait été défini en 2016. Avec les évolutions intervenues depuis lors, il est maintenant fixé à 1 390 euros bruts pour 24 heures.
En ce qui concerne les petites maternités, vous évoquez, via la référence aux 1 000 naissances, le rapport du professeur Yves Ville, réalisé à la demande de l’Académie de médecine. C’est un rapport réalisé par des scientifiques, qui n’engage en aucun cas, bien entendu, le Gouvernement ni mon ministère.
Je vous rejoins dans la volonté de maintenir ces unités de proximité, mais nous devons réussir à combiner sécurité, qualité et proximité. C’est ce à quoi je m’emploie, soyez-en assuré. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE.)
mobilisation sociale sur les retraites
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Martine Filleul et Victoire Jasmin applaudissent également.)
M. Fabien Gay. Madame la Première ministre, depuis une semaine, le débat public se centre sur les violences dans les manifestations contre la réforme des retraites. Celles-ci doivent être condamnées sans ambiguïté (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Bascher applaudit.), mais elles ne peuvent détourner l’attention des vraies questions.
La vraie question, c’est qu’après trois mois de mobilisation, une majorité de Français refuse toujours de travailler deux ans de plus pour satisfaire les marchés financiers.
La vraie question, c’est qu’après votre passage en force au Parlement, en détournant des moyens constitutionnels, votre légitimité démocratique est considérablement affaiblie.
La vraie question, c’est la répression syndicale et les réquisitions, la répression du mouvement social avec des nasses, pourtant interdites, des arrestations arbitraires, des armes offensives, qui blessent et qui doivent être proscrites, et la violence policière, révélée par des enregistrements parus dans la presse, des brigades de répression des actions violentes motorisées (Brav-M), qui doivent être dissoutes.
La vraie question, c’est que vous avez perdu toute autorité politique, que vous êtes seuls et que vous ne renouerez pas avec le pays en restant confinés.
La vraie question, c’est qu’hier vous railliez une foule, mais que c’est en fait un peuple qui se tient devant vous, droit, digne, fier, calme, et qui, avec le mouvement social uni et rassemblé, veut être respecté et entendu.
M. Marc-Philippe Daubresse. La foule est en bas, le peuple est en haut !
M. Fabien Gay. Madame la Première ministre, en politique, il faut avoir des convictions et les affirmer, parfois contre vents et marées. Mais lorsque vous piétinez la démocratie sociale, lorsque vous humiliez le Parlement, lorsque vous risquez des drames par le choix de l’autoritarisme, c’est le signe qu’il ne faut pas s’entêter.
L’audace, en politique, c’est parfois de reconnaître que l’on a eu tort et renoncer. Notre pays a besoin de sortir de la crise sociale, politique et démocratique dans laquelle vous l’avez plongé. C’est le seul apaisement possible, et il doit venir de vous.
Nous vous proposons deux issues politiques : le retrait de la réforme ou le référendum d’initiative partagé (RIP). Madame la Première ministre, allez-vous enfin écouter et respecter la majorité du peuple français ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur Gay, vous interrogez Mme la Première ministre et le Gouvernement sur la mise en œuvre, que vous contestez, de la réforme des retraites.
Je voudrais tout d’abord revenir – ce sont des arguments que j’ai déjà partagés avec vous – sur le fait que ce projet de loi est avant tout la concrétisation d’un engagement pris par le Président de la République et par les candidats de la majorité présidentielle aux élections législatives.
Nous avons conduit avec la Première ministre quatre mois de concertation. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) À l’issue de ces travaux, le texte a été considérablement enrichi sur les questions de la prévention de l’usure professionnelle, des carrières longues ou des minima de pension. (Mêmes mouvements.)
Nous avons aussi mis à profit le débat parlementaire. Nous avons eu 175 heures de discussions, soit plus que l’addition des temps consacrés aux deux réformes des retraites précédentes. Ces 175 heures ont permis, là aussi, d’enrichir considérablement le texte. (MM. Pierre Laurent et Fabien Gay protestent.)
Monsieur le sénateur, vous dites deux choses dans votre question.
Premièrement, vous condamnez les violences commises en marge des manifestations. C’est une manière, je crois, de partager l’hommage régulièrement rendu par le Gouvernement, singulièrement par le ministre de l’intérieur, à l’action des forces de police pour protéger les cortèges et garantir le maintien de l’ordre.
M. Jérôme Durain. Et la question ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Deuxièmement, vous proposez deux issues : le référendum ou le retrait du texte.
Permettez-nous d’en emprunter une troisième : celle de la reprise du dialogue social. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
C’est la raison pour laquelle la Première ministre a proposé de recevoir l’intersyndicale dès le début de la semaine prochaine, pour travailler sur les sujets d’usure professionnelle, de déroulement de carrière et de bien-être au travail. (Mêmes mouvements.)
C’est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, nous souhaitons que l’ensemble des initiatives prises par les partenaires sociaux – je pense notamment à l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur – puissent faire l’objet d’une concertation et d’un travail commun, afin d’être transposées dans la loi.
Notre objectif est le dialogue, toujours le dialogue. Nos portes sont toujours ouvertes pour avancer ! (Applaudissements sur les travées du RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
orpaillage en guyane
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le ministre de l’intérieur, samedi dernier, la Guyane s’est réveillée sous le choc : Arnaud Blanc, maréchal des logis-chef de l’antenne locale du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), a été tué lors d’une opération de lutte contre l’orpaillage illégal. Nos pensées vont à sa famille et à ses proches, ainsi qu’à ses frères d’armes.
Ce drame intervient quelques jours après que des hommes armés de kalachnikovs ont braqué un autre site d’orpaillage et pris en otage le personnel, ainsi qu’un pilote d’hélicoptère.
Ces incidents sont les conséquences d’une forte augmentation de l’orpaillage illégal, mais aussi de la présence de factions en provenance du Brésil.
Nous ne sommes pas au bout de nos peines. En effet, depuis son investiture, le président Lula a déclaré la guerre à l’orpaillage clandestin au Brésil. Ainsi, près de 20 000 garimpeiros ont été chassés de la réserve Yanomani.
On estime à 5 000 le nombre d’orpailleurs illégaux qui pourraient ainsi rejoindre la Guyane et porter à 11 000 le contingent de chercheurs d’or illégaux sur notre territoire.
Pour ne rien arranger, sur les marchés internationaux, le cours de l’or ne cesse de s’envoler ces dernières semaines, rendant les sous-sols de la Guyane plus attrayants que jamais. Vous connaissez, monsieur le ministre, les enjeux environnementaux et sécuritaires auxquels est confrontée la Guyane.
En 2017, le Président de la République lui-même avait conditionné nos aides et nos relations diplomatiques avec le Brésil et le Surinam à une coopération policière et judiciaire contre l’orpaillage illégal. Six ans plus tard, et malgré les opérations Harpie, l’orpaillage illégal demeure un fléau hors de contrôle.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître précisément les mesures que vous entendez prendre pour intensifier l’action de l’État en matière de lutte contre l’orpaillage illégal, préserver l’intégrité du territoire guyanais, protéger les populations guyanaises et préserver l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Guillaume Chevrollier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, j’ai comme vous, au nom de la Première ministre et du Gouvernement, une pensée pour la famille et pour le sacrifice du maréchal des logis-chef Arnaud Blanc, un militaire du GIGN tout à fait expérimenté. Il a sans doute été assassiné – l’enquête nous le dira – par les trafiquants que vous dénoncez.
Permettez-moi également d’avoir une pensée pour les sapeurs-pompiers de Paris, qui subissent au moment où je vous parle un accident extrêmement grave de la route en Guyane, avec plusieurs blessés dont le pronostic vital est engagé. Je sais que je parle au nom de la représentation nationale en leur rendant hommage en cet instant devant vous.
Madame la sénatrice, la lutte de la France contre l’orpaillage illégal est une lutte pour la souveraineté, contre les trafics en tout genre et contre l’insécurité qui touche nos compatriotes guyanais.
Vous l’avez souligné, ces bandes armées qui pillent le sol de la Guyane, qui polluent – la protection de l’environnement est également en jeu – et qui revendent le produit de leur trafic dans toutes les villes de Guyane, et pas simplement à Cayenne, sont à l’origine de l’augmentation des homicides et des tentatives d’homicide que votre collectivité connaît depuis trop longtemps.
Le Gouvernement a augmenté les moyens alloués à votre territoire : 250 policiers et gendarmes ont été envoyés en Guyane depuis six ans. L’opération civilomilitaire Harpie, imaginée en 2008, qui implique non seulement la gendarmerie nationale, mais également l’armée – je parle aussi au nom de Sébastien Lecornu –, a été renouvelée par le président Hollande, puis par le président Macron en 2018.
Nous réfléchissons, autour de la Première ministre, à un renforcement des moyens, notamment militaires, dans le cadre de la loi de programmation militaire qui vous sera bientôt présentée, afin de mieux prendre en compte le nouveau deal brésilien, de mieux protéger la plus grande frontière française avec un pays étranger, à savoir le Brésil, et évidemment de mieux protéger la forêt amazonienne face aux difficultés que nous connaissons.
Le sacrifice de ce militaire du GIGN ne sera pas vain. Comme tous ses camarades, il était un soldat de la protection de nos frontières et de nos compatriotes guyanais.
Pour les militaires du GIGN, il s’agit non pas seulement de défendre la forêt amazonienne, ce qui est déjà beaucoup, mais aussi de protéger les Guyanais des règlements de compte extrêmement nombreux qui ont lieu sur ce territoire depuis de trop nombreux mois. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
situation sociale en france
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, j’ai écouté attentivement les dernières déclarations qui pouvaient définir votre ligne politique depuis l’échec de la réforme des retraites, entériné par votre absence de majorité sur ce texte.
Je retiens le « ni dissolution, ni remaniement, ni référendum » du Président de la République, ainsi que votre proposition de dialoguer la semaine prochaine avec les syndicats, mais sur les seuls sujets sur lesquels vous êtes d’accord, selon les mots mêmes de votre ministre Franck Riester.
En vous mettant au service d’un Président de la République du « triple ni », pour ne pas dire du déni, vous êtes devenue la Première ministre de l’impasse.
Malgré toutes vos tentatives de diversion, malgré votre stratégie assumée du pourrissement, l’opposition à votre réforme des retraites n’a jamais été aussi massive parmi les Français.
Le mouvement social est le plus important depuis les années 1990. Les syndicats montrent depuis le début de cette mobilisation leur grande responsabilité. En les traitant comme vous le faites, madame la Première ministre, vous jouez avec notre pacte républicain.
Je ne veux pas que vous noyiez le poisson en assénant au Sénat vos habituels éléments de langage sur une réforme prétendument « indispensable » pour sauver notre système de retraite. Plus personne ne vous croit !
Vous évoquez l’actuel climat de violence inacceptable qui a émaillé certaines manifestations. Avec les syndicats, nous l’avons dénoncé, comme nous l’avons toujours fait. Nous aussi, mes chers collègues, nous soutenons l’ordre républicain et ceux qui le défendent, policiers et gendarmes ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Pour autant, nous avons le droit de nous interroger sur la doctrine du Gouvernement en matière de maintien de l’ordre.
Ce que je veux, madame la Première ministre, c’est que vous répondiez à la proposition de l’intersyndicale, que vous acceptiez la médiation, que vous suspendiez l’application de cette réforme injuste et inutile, enfin que vous preniez en compte la réalité.
Il n’est plus temps de jouer les matamores, comme le fait Emmanuel Macron. Il est temps de répondre avec sérieux aux demandes des syndicats. Je vous offre une tribune pour le faire. Saisissez-la ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. François Patriat. C’est très généreux ! (Sourires sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Patrick Kanner, comme chacun ici, qu’il se soit opposé à la réforme des retraites ou qu’il l’ait votée, je vais au contact des Français et j’entends leurs craintes, leurs espoirs et parfois leur colère.
Comme chacun ici, j’entends les revendications de celles et de ceux qui prennent part au mouvement social. Ce sont des revendications qui dépassent la réforme des retraites.
Comme chacun ici, je suis attentive aux témoignages des élus locaux, qui sont en première ligne face aux difficultés de nos concitoyens.
Comme chacun ici, je connais les attentes des Français pour leur pouvoir d’achat, leur santé et l’éducation de leurs enfants.
Monsieur Kanner, ma conviction aujourd’hui est qu’il ne faut pas chercher à renforcer les craintes ni à attiser les colères. (MM. Hussein Bourgi et Didier Marie, ainsi que Mme Cathy Apourceau-Poly, s’exclament.)
Aujourd’hui, il faut apaiser le pays, en rassemblant les bonnes volontés de tous ceux qui, au-delà des clivages, sont prêts à trouver des solutions.
Aujourd’hui, il ne faut pas renoncer à agir. Au contraire, il faut accélérer et apporter des réponses concrètes qui améliorent le quotidien des Françaises et des Français. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
C’est autour de ces deux axes que je souhaite bâtir dans les prochaines semaines un programme de gouvernement et un agenda législatif,…
M. Rachid Temal. Avec quelle majorité ?
M. Jean-Marc Todeschini. Avec Les Républicains ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … comme le Président de la République m’en a confié la tâche.
Depuis lundi dernier, j’ai donc entamé une série de consultations. J’ai vu hier le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale. Je poursuivrai avec les forces politiques,…
M. Rachid Temal. Avec les LR ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … les parlementaires, les élus locaux et les partenaires sociaux, que j’ai invités à une rencontre au début de la semaine prochaine.
Ma seule ambition, c’est de trouver des solutions pour les Français et de bâtir des majorités de projet pour les mettre en œuvre.
Toutes celles et tous ceux qui veulent agir pour nos concitoyens sont les bienvenus. C’est par la concertation, le dialogue et le compromis que nous répondrons aux inquiétudes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. « Programme de gouvernement », nous répondez-vous, madame la Première ministre. Mais cela fait soixante-dix mois que vous et vos amis êtes au pouvoir !
Vous n’avez plus de boussole et, surtout, je le pense très sincèrement, vous ne comprenez plus l’esprit des Français. C’est ce qui est terrible aujourd’hui pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. Bruno Sido s’exclame.)
santé mentale des jeunes
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la Première ministre, monsieur le ministre de la santé, mes chers collègues, notre jeunesse est en grande souffrance psychologique.
De plus en plus de jeunes connaissent un état dépressif, certains allant jusqu’à attenter à leurs jours. Nous les pleurons un à un. Pression sociale, pression des réseaux sociaux, harcèlement, écoanxiété, crise sanitaire : les causes de ce mal-être sont multiples, et ses conséquences terribles.
Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge vient de publier un rapport intitulé Quand les enfants vont mal : comment les aider ? dont les chiffres concernant la consommation médicamenteuse sont glaçants. Chez les 6-17 ans, un jeune sur deux consomme des psychotropes. En huit ans, cette consommation a explosé : +49 % d’antipsychotiques, +55 % d’hypnotiques et sédatifs, +63 % d’antidépresseurs.
Ce phénomène de surmédication concerne non pas des cas isolés, mais bien des dizaines de milliers d’enfants, et il place la France parmi les pays les plus prescripteurs. De plus, il s’agit de médicaments pour adultes, car aucune médication de ce type n’est autorisée sur le marché aujourd’hui pour nos enfants.
La France privilégie le traitement des symptômes, car elle est sous-dotée en capacités à agir sur les racines du mal. Là est le cœur du problème : la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine.
Nous comptons seulement 600 pédopsychiatres pour près de 10 millions d’enfants – la Cour des comptes préconise d’ailleurs de dresser l’état des lieux de cette spécialité –, et 800 médecins scolaires, soit un médecin pour 15 000 élèves.
Mes chers collègues, imaginez-vous le désespoir des parents qui se battent corps et âme pour permettre à leur enfant d’avoir une assistance psychologique quand on leur annonce que, pour obtenir une place dans un centre médico-pédagogique, il faut attendre deux ans… La France, elle aussi, attend depuis des années son plan psychiatrie financé.
Madame la Première ministre, monsieur le ministre de la santé, il est grand temps de mettre en place ce plan budgétaire et d’oser ériger la psychiatrie en grande cause nationale. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame Delattre, la santé mentale, particulièrement celle des jeunes, est une priorité pour ce gouvernement. Je partage cette compétence avec mes collègues Pap Ndiaye, Sarah El Haïry et Charlotte Caubel.
Nous n’ignorons rien des difficultés de la pédopsychiatrie, qui ne sont pas nouvelles. Vous avez rappelé les effectifs des pédopsychiatres, qui sont en nombre bien insuffisant. Cependant, vous le savez, il faut dix ans pour former un médecin. Nous n’allons donc pas régler le problème tout de suite.
Pour autant, nous agissons tout de même, en suivant la feuille de route qui a été mise en place en 2018 et renforcée en 2021 par les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Qu’est-ce qui a été fait ?
Tout d’abord, a été lancé le programme des 1 000 premiers jours, qui permet un accompagnement.
Ensuite, les maisons des adolescents ont été mises en œuvre. Il y en a maintenant une au minimum dans chaque département, et ces structures se déploient pour aller vers les jeunes dans les zones rurales les plus éloignées des grandes villes. C’est en particulier le cas à Poitiers, où un bus se déplace avec une équipe de la maison des adolescents.
Enfin, il y a le déploiement de MonParcoursPsy. On en dit bien des choses, mais avec plus de 300 000 consultations depuis sa création, dont 20 % pour de jeunes mineurs, c’est un véritable succès, sur lequel il faut que nous construisions l’avenir.
J’attends, dans les prochaines semaines, les conclusions des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, que j’ai lancées au moment de la crise de cet hiver. L’un des six chapitres de ce cycle de travail est entièrement consacré à la pédopsychiatrie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons très bientôt l’occasion d’échanger sur la feuille de route pour la pédopsychiatrie des prochaines années.
doctrine de maintien de l’ordre (I)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre de l’intérieur, le bilan de ce qui s’est passé samedi dernier à Sainte-Soline est lourd. Je le sais, j’y étais. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Et je l’assume ! (Exclamations indignées sur les mêmes travées.)
Deux manifestants sont dans le coma, entre la vie et la mort. Nous espérons qu’ils s’en sortiront sans séquelles graves. Il y a eu 47 blessés parmi les forces de l’ordre. Nous leur souhaitons évidemment un prompt rétablissement. On dénombre 200 blessés, dont certains ont été mutilés, parmi les manifestants. Nous leur souhaitons aussi un prompt rétablissement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Et les gendarmes ?
M. Thomas Dossus. Des violences inqualifiables se sont déchaînées, et nous les dénonçons toutes sans ambiguïté. Mais c’est votre bilan du week-end, monsieur le ministre. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jacques Grosperrin. C’est une honte !
M. Thomas Dossus. Vous avez décidé d’exposer 3 000 agents des forces de l’ordre à la violence dans un champ pour défendre, quoi qu’il en coûte, un trou vide.
Vous avez décidé d’interdire une manifestation totalement légitime, parce que vous êtes incapable de faire respecter la loi en matière de partage de l’eau. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Oui, de nombreuses bassines déclarées illégales sont toujours en construction, et vous êtes incapable d’assumer votre responsabilité. Oui, la bassine de Sainte-Soline met en danger la ressource en eau de tout le territoire. (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Depuis trois jours, vos mensonges ont éclaté au grand jour : des armes de guerre ont bien été employées samedi ; des brigades motorisées étaient bien équipées de LBD ; des secours ont été empêchés d’intervenir sur ordre de la gendarmerie… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)