Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Monsieur Kanner, vous avez abordé la problématique de la mixité sociale sous l’angle de la géographie urbaine.
Dans le nord de la France, c’est sans doute comme dans l’Oise : la mixité sociale n’existe malheureusement quasiment plus, et ce n’est pas du fait de l’école publique.
Que font les parents lorsqu’ils ne se sentent pas satisfaits ? Ils retirent leurs enfants de l’école publique et les inscrivent à l’école privée. Face à cela, l’école publique est impuissante.
L’expérimentation que propose Max Brisson n’aura peut-être pas les effets escomptés,…
M. Julien Bargeton. Voilà !
M. Olivier Paccaud. … mais comment le savoir sans l’avoir tentée ?
M. Patrick Kanner. C’est le pari de Pascal…
M. Olivier Paccaud. Tout ce que l’on sait, c’est qu’aujourd’hui, il n’y a plus de mixité sociale dans nos territoires. Vous le vivez dans le Nord comme je le vis à Beauvais ou à Compiègne. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Céline Brulin. Le constat a été dressé à de nombreuses reprises, et il me semble que nous sommes tous d’accord sur ce point : on demande beaucoup à l’école. On lui demande même énormément. Mais – je le souligne à mon tour – les inégalités sont d’abord le produit de la société.
Ce que nous souhaitons tous, du moins je l’espère, c’est que l’école, avec l’appui de la Nation tout entière, tente de résorber ces inégalités.
M. Paccaud vient d’insister sur la ségrégation, sur les disparités sociales – chacun décrit la situation avec ses mots – très profondes que connaît notre pays. Comment peut-on demander à l’école seule de résoudre tous ces problèmes ?
Qui plus est, ce n’est pas à l’éducation nationale que cet article assigne une telle mission, mais aux agents de la première ligne, à ceux qui sont dans les établissements scolaires. Vous les chargez d’accomplir ce qu’une succession de ministres de l’éducation nationale et de la ville, ce que des gouvernements entiers, ce qu’une Nation dans son ensemble ne sont pas parvenus à faire !
Monsieur Brisson, c’est ainsi que vous comptez revaloriser le métier d’enseignant ? Vous pensez vraiment soutenir cette profession en la rendant responsable de tout cela, alors que les enseignants sont en première ligne, au front, alors qu’il y a tant de choses à changer dans le pays ?
Avec une telle expérimentation, vous risquez d’aggraver encore la crise de recrutement des enseignants. Or, ce dont ils ont besoin, c’est du soutien de la Nation entière, dans toutes les politiques publiques que l’on peut mener.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 269 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 219 |
Contre | 121 |
Le Sénat a adopté.
Après l’article 1er
Mme le président. L’amendement n° 29, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Magner, Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La cinquième phrase de l’article L. 411-1 du code de l’éducation est supprimée.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à supprimer une phrase sujette à interprétation, selon laquelle le directeur d’école dispose d’une autorité fonctionnelle dans le cadre des missions qui lui sont confiées.
La notion d’autorité fonctionnelle du directeur d’école a été introduite par la loi du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d’école. Elle est floue et dangereuse.
Ce dispositif, auquel les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’étaient déjà opposés à l’époque, ne précise pas sur qui s’exerce cette autorité fonctionnelle : enseignants, personnels ou communauté éducative.
Il nous semble dangereux que le directeur exerce une quelconque autorité sur les enseignants, qui sont ses pairs, puisqu’il est issu du même corps qu’eux.
Les termes d’autorité fonctionnelle mériteraient d’être véritablement définis. Que recouvrent-ils ? Quant aux missions confiées au directeur d’école, s’agit-il de celles que lui attribue par délégation de compétence l’inspecteur d’académie, mentionné au précédent article du code de l’éducation ? S’agit-il des missions confiées par la loi ?
Pour l’ensemble de ces raisons, cette phrase nous semble source de malentendus et de contentieux. Le postulat sur lequel elle repose ne correspond pas à notre vision des fonctions de directeur d’école. Elle est tellement vague que le décret d’application de la loi de 2021 n’est toujours pas paru : ce texte est actuellement soumis à concertation et, a priori, ne reprend nulle part les termes d’autorité fonctionnelle.
Nous demandons la suppression de cette disposition récente, qui ne sert à rien sauf à créer des malentendus et des contentieux.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Ma chère collègue, alors qu’avec ce texte, nous allons traiter de l’autorité hiérarchique du directeur d’école, vous voulez supprimer son autorité fonctionnelle.
Certes, les décrets d’application ne sont pas encore publiés. Mais, tout à l’heure, M. le ministre nous a rassurés en nous rappelant ses rencontres du 29 mars dernier avec les syndicats.
Nous avons bien compris, avec la loi Rilhac, pourquoi le directeur d’école doit être en mesure de résoudre les problèmes administratifs. En outre – je le répète –, nous allons assortir cette autorité fonctionnelle d’une autorité hiérarchique dans les écoles comptant un grand nombre de classes.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. La notion d’autorité fonctionnelle du directeur d’école a été largement débattue au Parlement au mois de décembre 2021. Au terme de ces discussions, le législateur a trouvé un point d’équilibre : il s’agit de conférer au directeur des compétences permettant de conforter sa place au sein de l’école comme primus inter pares, parmi les différents personnels qui y exercent.
Les décrets d’application de la loi du 21 décembre 2021 vont être publiés prochainement, comme je l’ai indiqué. Ces textes, qui reprennent bien la notion d’autorité fonctionnelle, vont clarifier les compétences des directeurs.
Si la publication de ces décrets a été retardée, c’est parce qu’ils doivent s’articuler avec les nouvelles missions qui seront proposées aux professeurs des écoles dès la rentrée prochaine.
Le Gouvernement confirme donc les objectifs fixés par la loi du 21 décembre 2021, qui conforte la place et les missions des directeurs d’école, et s’attache à concrétiser au mieux les avancées qu’elle contient.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je saisis l’occasion de me réconcilier avec M. Bargeton, qui, sur ce point au moins, ne pourra qu’approuver le présent texte !
Nous reviendrons tout à l’heure sur les notions d’autorité fonctionnelle et d’autorité hiérarchique. Nous pourrions passer la nuit à débattre de ces termes, tant leur exégèse est complexe, et nous aurons peut-être quelques difficultés à établir clairement la différence entre ces deux formes d’autorité. Sans doute nos collègues siégeant à la gauche de l’hémicycle iront-ils en ce sens.
Monsieur le ministre, il me semble bien important de rappeler que le directeur, primus inter pares, joue un rôle d’animateur pour construire le projet pédagogique de l’école. Mais il doit aussi assumer des responsabilités de plus en plus nombreuses, en particulier en matière de sécurité.
Voilà pourquoi le directeur doit disposer de l’autorité fonctionnelle. Il en a besoin pour dire, par exemple, que les portes de l’école doivent être fermées à dix-huit heures et que cette décision ne se discute pas, car c’est une mesure de sécurité.
Cette autorité, fonctionnelle ou hiérarchique, est aujourd’hui exercée par un inspecteur de l’éducation nationale (IEN), qui, en zone rurale, est souvent à vingt-cinq, trente, voire quarante kilomètres de l’établissement et qui gère une vingtaine ou une trentaine d’écoles.
Comme la loi Rilhac, l’article dont nous débattrons tout à l’heure est gage de proximité. D’ailleurs, le maire, les autres élus locaux et les parents pensent d’ores et déjà que le directeur de l’école dispose de l’autorité fonctionnelle, voire de l’autorité hiérarchique.
Mme le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Nous avions travaillé sur la loi Rilhac. Les décrets ont mis un peu de temps à sortir, mais le ministre vient de nous rassurer. Dont acte. Il est normal qu’il y ait eu des concertations. Nous pouvons peut-être attendre de voir comment la loi Rilhac va s’appliquer avant d’opter pour l’autorité hiérarchique.
L’exemple que vous prenez sur la sécurité montre bien qu’il y a une différence entre autorité fonctionnelle et autorité hiérarchique. Nous avons avancé ensemble sur l’autorité fonctionnelle. Prenons-en acte et voyons comment elle s’applique. L’autorité fonctionnelle avait d’ailleurs été demandée par des associations de directeurs d’école que nous avions rencontrées. Ce n’est pas le cas de l’autorité hiérarchique. Pourquoi remettre de la tension en introduisant l’autorité hiérarchique, alors même que l’autorité fonctionnelle était souhaitée par les représentants des directeurs d’école ? Nous avons avancé avec l’autorité fonctionnelle. Maintenant qu’elle s’applique, ce n’est pas le moment de rouvrir le débat sur l’autorité hiérarchique, dont vous avez montré qu’elle était très différente.
Mme le président. L’amendement n° 71, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin, M. Bacchi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Les élèves, leurs parents ou leurs représentants légaux ne peuvent porter atteinte à cette liberté. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. La liberté pédagogique de l’enseignant est garantie par l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation, dont le deuxième alinéa est très surprenant : « Le conseil pédagogique […] ne peut porter atteinte à cette liberté. » Je doute pourtant que les atteintes à la liberté pédagogique des enseignants soient le fait du conseil pédagogique… Je vous propose donc de remplacer cet alinéa par le suivant : « Les élèves, leurs parents ou leurs représentants légaux ne peuvent porter atteinte à cette liberté. » Cela correspondrait un peu mieux à la réalité.
Dans ce canton de l’hémicycle, nous sommes extrêmement favorables à la liberté des enseignants. Au cours du précédent quinquennat, nous nous étions fortement insurgés contre l’avalanche de circulaires ministérielles qui avaient noyé les enseignants. Souvenez-vous : il y avait même une circulaire qui expliquait aux enseignants comment devait être tenu le crayon ! Chers collègues, je ne me souviens pas qu’à l’époque, vous ayez été de notre côté contre le ministre Blanquer, qui submergeait les enseignants de circulaires.
M. Max Brisson. Notre dernier débat avec lui montre le contraire !
M. Pierre Ouzoulias. Oui, mais seulement vers la fin… Au début, vous étiez très contents de la reprise en main du ministre Blanquer, et vous vous félicitiez de ses circulaires.
M. Max Brisson. C’est de la réinterprétation, de la réécriture !
M. Pierre Ouzoulias. Nous le réaffirmons : nous sommes pour une liberté pédagogique extrêmement large, y compris contre les ministres.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Monsieur Ouzoulias, n’agacez pas Max Brisson, car nous pourrions changer notre avis ! (Sourires.) Plus sérieusement, comme vous, nous sommes attachés à la liberté pédagogique. Beaucoup d’élèves et de parents d’élèves s’immiscent dans cette liberté pédagogique et remettent en question soit les contenus de l’enseignement soit les méthodes pédagogiques.
C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Monsieur Ouzoulias, par votre amendement, vous soulevez une question importante, celle de la protection des professeurs contre les remises en cause, qui ne sont évidemment pas tolérables, de leur enseignement et de leur liberté pédagogique.
Mais les textes sont assez précis. Le code de l’éducation prévoit que le lien entre les familles et le service public de l’éducation « implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire. »
De même, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dispose : « Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la fonction d’enseignant est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Cet arsenal juridique me semble suffisant pour protéger les professeurs de toute menace ou atteinte à leur intégrité pédagogique. Les dispositions relatives au conseil pédagogique sont justifiées, car celui-ci a pour objectif de favoriser la concertation entre les professeurs, concertation qui doit s’effectuer dans le respect de la liberté pédagogique. Il me semble donc que la rédaction actuelle se justifie pleinement. Voilà pourquoi, bien que partageant votre préoccupation sur le fond, je suis défavorable à votre amendement.
Mme le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote sur l’amendement n° 71.
M. Cédric Vial. M. Ouzoulias s’étonne de la phrase qui figure dans la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, dite loi Fillon. Celle-ci avait été ajoutée à la demande des syndicats enseignants – il y avait de la concertation, à l’époque –, qui craignaient que ce nouvel outil, le conseil pédagogique, ne remette en cause leur liberté pédagogique. Cela peut sembler surprenant aujourd’hui, car le conseil pédagogique ne le ferait en aucun cas, mais la mention avait été inscrite pour rassurer les enseignants, à la demande de leurs syndicats.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 2
Après l’article L. 411-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 411-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 411-1-1. – À partir d’un nombre de classes au sein d’une école défini par décret, le directeur de l’école dispose d’une autorité hiérarchique dans le cadre des missions qui lui sont confiées et participe, en lien avec l’inspecteur de l’éducation nationale, à l’évaluation des enseignants de son école. »
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. Nous avons déjà beaucoup débattu du métier de directeur d’école.
Monsieur le ministre, dans l’exposé des motifs de votre amendement de suppression de l’article 2, vous écrivez qu’un consensus aurait été trouvé. Cela a été vrai dans la navette pour aboutir à un accord sur la loi Rilhac, parce qu’il fallait bien avancer ! J’avais d’ailleurs le sentiment que l’administration de l’éducation nationale n’y était guère favorable. À preuve, le temps mis pour sortir les décrets : un an et trois mois, pour des choses aussi simples !
Mais, durant les débats, nous n’avons jamais caché que notre position était plutôt favorable à l’autorité hiérarchique et qu’il y avait un accord sur l’autorité fonctionnelle, pour en sortir. Nous sommes donc constants.
Seul M. Bargeton, dont je salue les qualités d’exégèse, est capable de nous expliquer véritablement les différences entre autorité hiérarchique et autorité fonctionnelle. Pour en avoir beaucoup débattu avec Sylvie Robert, elle et moi avons beaucoup de mal à trouver la différence (Mme Sylvie Robert s’esclaffe.).
Faisons plus simplement, parlons avec le vocabulaire de tout le monde et disons les choses telles qu’elles sont : l’autorité hiérarchique, tout le monde comprend, c’est simple ; l’autorité fonctionnelle nécessite toute l’exégèse de M. Bargeton !
On nous objecte souvent que les directeurs ne voudraient pas de l’autorité hiérarchique. Mais j’en connais qui en veulent. Et puis la représentation syndicale est globalement une représentation d’enseignants, puisque les directeurs n’ont pas de statut.
M. Julien Bargeton. Il y a une association !
M. Max Brisson. Il y a, certes, une association et quelques collectifs, mais le discours dominant n’y est à l’évidence pas favorable.
Je suis persuadé que de nombreux directeurs vont s’emparer de l’autorité fonctionnelle lorsque les décrets seront enfin parus et qu’ils s’empareraient aussi de l’autorité que je propose.
Mme le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, sur l’article.
Mme Sonia de La Provôté. L’autorité fonctionnelle est le fruit d’un très large consensus, à la suite de nombreuses concertations et auditions de syndicats, mais aussi de professionnels présents dans les écoles. Contrairement à Max Brisson, je connais de nombreux directeurs qui veulent de l’autorité fonctionnelle, mais pas de l’autorité hiérarchique.
Avoir une autorité reconnue par l’éducation nationale, c’était le consensus que nous avions trouvé avec l’autorité fonctionnelle, notamment vis-à-vis des collectivités territoriales. À cette époque, nous sortions de la covid-19 ; il y avait des protocoles : les directrices et directeurs d’école, véritables « couteaux suisses » de l’école de la République, avaient besoin d’avoir un rôle particulier et identifié. Tous nous ont dit qu’ils voulaient rester des pairs parmi leurs pairs, ne pas être des chefs qui « cheffent », mais qui accompagnent, structurent et répondent aux attentes, dans la collégialité, dans l’interaction et l’organisation de l’école, sans pour autant être les petits patrons des enseignants de leur équipe pédagogique. Je voterai donc contre cet article.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Oui, l’autorité fonctionnelle résulte d’un compromis – pas forcément d’un consensus – entre ceux qui, comme vous, voulaient une autorité hiérarchique et la masse des directeurs, qui n’en voulaient pas et n’en veulent toujours pas. Inutile de rappeler le cheminement quelque peu baroque de la proposition de loi Rilhac ; nous nous en souvenons tous assez précisément.
Max Brisson nous dit qu’il connaît des directeurs qui sont pour l’autorité hiérarchique. Mais, dans les enquêtes commandées par le ministère, les directeurs et leurs équipes disent massivement qu’ils n’en veulent pas. Si, aujourd’hui, pas plus qu’hier, ils ne veulent de cette autorité, qu’elle soit fonctionnelle ou hiérarchique, c’est qu’il y a eu l’expérience du covid-19. Plutôt que d’être pris en étau entre le ministère de l’éducation nationale et leurs propres collègues, ils ont été des pairs parmi leurs pairs, mettant en place les protocoles sanitaires du dimanche pour le lundi et faisant l’infaisable. Tous ont témoigné que leur positionnement particulier était plutôt un atout. Et l’on rencontre plus de directeurs disant avoir besoin d’un soutien de leur hiérarchie que de directeurs indiquant vouloir exercer un pouvoir hiérarchique.
Quant à l’argument consistant à demander qui va fermer l’école à dix-huit heures s’il n’y a pas d’autorité hiérarchique, j’en ai connu de meilleurs dans cet hémicycle…
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 28 est présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Magner, Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 52 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 84 rectifié est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l’amendement n° 28.
M. Lucien Stanzione. Cet amendement tend à supprimer l’autorité hiérarchique du directeur d’école et la coévaluation par celui-ci des professeurs de son école.
Le directeur doit rester un pair au sein des pairs. La collégialité doit demeurer la règle. L’IEN doit rester l’autorité extérieure, neutre, qui procède à l’évaluation. Le dispositif déresponsabilise l’administration de l’éducation nationale.
Un récent questionnaire adressé aux directeurs par un syndicat d’enseignants a fait apparaître clairement que ceux-ci ne souffrent d’aucun problème de reconnaissance de leur autorité. L’objectif est donc éminemment politique : il s’agit sans doute d’évaluer ceux qui acceptent des missions supplémentaires.
Notre rapporteur a par ailleurs constaté les limites du dispositif en cas d’écoles à classe unique ou à deux classes et a fait adopter un amendement en commission visant à limiter le champ d’application de l’article aux écoles à partir d’un certain « nombre de classes », non précisé par le texte. Loin de clarifier le nouveau dispositif, une telle condition le complexifie : les personnels d’un même corps, celui des directeurs d’école, n’auront pas la même compétence selon le nombre de classes de leur école. Il ne s’agit pas de compétences anecdotiques ; il s’agit d’une autorité hiérarchique, donc d’un éventuel pouvoir disciplinaire et d’une compétence d’évaluation.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 2.
Mme le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 52.
M. Pap Ndiaye, ministre. L’autorité fonctionnelle des directeurs d’école, conférée par la loi du 21 décembre 2021, est un point d’équilibre satisfaisait et résout un certain nombre de difficultés.
Nous ne sommes pas favorables à l’autorité hiérarchique des directeurs d’école : l’autorité hiérarchique appartient aux inspecteurs de l’éducation nationale. Il n’y a aucun consensus sur le sujet. L’autorité hiérarchique créerait plus de difficultés qu’elle n’en résoudrait. En outre, les décrets de la loi du 21 décembre 2021, dont celui tendant à clarifier les missions des directeurs, vont bientôt paraître.
Au-delà de cette position de fond, la modification législative proposée interviendrait alors que le Gouvernement s’attache à concrétiser au mieux les avancées de la loi du 21 décembre 2021.
Mme le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 84 rectifié.
Mme Monique de Marco. Je demande également la suppression de l’article. L’autorité hiérarchique ne répond pas aux demandes de la profession ou, du moins, de la majorité des directeurs d’école, qui souhaitent rester des pairs parmi leurs pairs ; or on leur demanderait d’évaluer leurs collègues.
Ainsi que nous l’avons vu dans les consultations et les enquêtes du ministère de l’éducation nationale, les directeurs souhaitent unanimement des renforts humains, du temps de formation et une aide administrative pérenne.
L’autorité fonctionnelle est le point d’équilibre que nous avions trouvé. Attendons la publication du décret, son application, et nous ferons ensuite le bilan de l’interprétation qui en a été faite dans les établissements, car cela risque d’être compliqué à expliquer…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Chacun aura compris que vous voulez supprimer l’autorité hiérarchique. En commission, nous en avons limité la portée aux écoles les plus grandes. Le seuil qui avait été proposé, et qui nous semblait intéressant, était de neuf classes. Il serait ensuite fixé par décret.
Mettre un directeur hiérarchique dans les petites écoles – quand il y a deux, trois ou quatre classes – n’aurait pas de sens. C’est pourquoi il nous semble préférable d’appliquer la mesure à partir de neuf classes.
Je n’entends pas la même chose que vous. Dans les territoires, je rencontre des directeurs qui ont beaucoup de classes, de douze à quinze classes, soit près de 350 élèves, ce qui est comparable à un collège ou un petit lycée. Mais ceux que l’on entend, ce sont les professeurs des écoles qui ne veulent pas de cette autorité hiérarchique, alors que les directeurs qui ont plus de neuf classes la souhaitent véritablement.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
M. Philippe Tabarot. Très bien !
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28, 52 et 84 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article L. 111-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les personnes qui participent au service public de l’éducation sont également tenues de respecter ces valeurs. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 141-5-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La même interdiction s’applique aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l’enseignement dans ou en dehors des établissements, organisées par ces écoles et ces établissements publics locaux d’enseignement. »