Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa, M. Daniel Gremillet.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
défense de la souveraineté européenne
M. Olivier Cigolotti ; M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; M. Olivier Cigolotti.
propos du ministre de l’intérieur sur la ligue des droits de l’homme
Mme Éliane Assassi ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
plan de lutte contre la fraude
M. Didier Rambaud ; M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Yan Chantrel ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. Yan Chantrel.
contamination de l’eau potable par le chlorothalonil
Mme Véronique Guillotin ; Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Véronique Guillotin.
M. Joël Labbé ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Joël Labbé.
préservation des patrimoines historiques communaux
Mme Vanina Paoli-Gagin ; Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture ; Mme Vanina Paoli-Gagin.
reprise de l’entreprise segault
Mme Sophie Primas ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; Mme Sophie Primas.
déplacement du président de la république en chine
M. Pascal Allizard ; M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; M. Pascal Allizard.
rémunération des remplaçants HOSPITALiers
M. Jean-Claude Tissot ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention.
exportation des céréales françaises
Mme Chantal Deseyne ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Chantal Deseyne.
fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et dotations aux collectivités
M. Jean-Marie Mizzon ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Marie Mizzon.
subventions de la ligue des droits de l’homme
M. François Bonhomme ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. François Bonhomme.
Mme Annie Le Houerou ; M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
quatrième année DE SPÉCIALITÉ de médecine générale
Mme Annie Delmont-Koropoulis ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Annie Delmont-Koropoulis.
contamination de l’eau potable
Mme Catherine Procaccia ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Catherine Procaccia.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
3. Mises au point au sujet de votes
4. Impacts économique, social et politique de l’intelligence artificielle générative. – Débat d’actualité
M. André Gattolin ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications
Suspension et reprise de la séance
5. Mise au point au sujet de votes
7. Gratitude et reconnaissance du Sénat aux membres des forces de l’ordre. – Adoption d’une proposition de résolution
Discussion générale :
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution
Adoption, par scrutin public n° 272, de la proposition de résolution.
Suspension et reprise de la séance
8. Communication d’avis sur des projets de nomination
9. Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive, par scrutin public n° 273, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
10. Mise au point au sujet d’un vote
11. Pollution lumineuse. – Débat organisé à la demande de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
Mme Annick Billon ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie ; Mme Annick Billon.
Mme Guylène Pantel ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
M. Jean-Claude Anglars ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
M. Franck Menonville ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
M. Jacques Fernique ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
Mme Nadège Havet ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
M. Joël Bigot ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
M. Jean-François Longeot ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
M. Guillaume Chevrollier ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
Mme Martine Filleul ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
Mme Marie-Pierre Richer ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie ; Mme Marie-Pierre Richer.
M. Jean-Pierre Sueur ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
Mme Else Joseph ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
M. Marc Laménie ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie ; M. Marc Laménie.
Mme Laurence Muller-Bronn ; Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie ; Mme Laurence Muller-Bronn.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa,
M. Daniel Gremillet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’invite chacun à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
défense de la souveraineté européenne
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, « La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur [le] sujet [de Taïwan] et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise ». Ces propos du Président de la République, à la suite de sa visite d’État en Chine, ont suscité un tollé international à la veille de manœuvres chinoises sans précédent.
Alors que les tensions sont maximales en ce qui concerne l’autonomie de l’île à l’égard de la Chine, nous regrettons ces propos maladroits, voire tout à fait dommageables, du chef de l’État.
En affirmant que l’Europe doit incarner une troisième voie entre les États-Unis et la Chine, il a rendu notre positionnement diplomatique plus flou que jamais et illustré un « en même temps » qui, à l’évidence, n’est pas partagé par l’ensemble des pays européens, certains d’entre eux ayant fait le choix d’un partenariat américain en matière de protection ou de dissuasion.
On peut s’interroger sur l’opportunité d’une telle déclaration à l’heure du conflit en Ukraine. En effet, nombreux sont les pays qui comptent sur la collaboration renforcée entre Bruxelles et Washington pour faire cesser cette guerre. Cette polyphonie ne peut que nous affaiblir !
Madame la Première ministre, ma question est donc double : la France va-t-elle lever toute ambiguïté sur sa position concernant Taïwan ? Et comment l’exécutif entend-il concrètement faire avancer l’idée d’autonomie européenne sans remettre en cause notre partenariat privilégié avec notre allié américain ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDSE et SER. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Olivier Cigolotti, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme Catherine Colonna, qui se trouve aux côtés du Président de la République, en visite d’État aux Pays-Bas.
La position de la France concernant la situation en Asie est constante.
L’Union européenne doit défendre ses propres intérêts. C’est légitime, et il ne viendrait à personne l’idée de le contester. Le Président de la République l’a toujours dit : nous ne sommes pas à équidistance de Washington et de Pékin, nous partageons des valeurs. La relation avec Pékin s’inscrit dans un cadre européen très clair depuis 2019 : partenariat, concurrence économique et rivalité systémique. Nous voulons éviter une logique de confrontation bloc contre bloc.
En ce qui concerne Taïwan, nous sommes opposés à toute modification unilatérale du statu quo, a fortiori par la force. C’est une position claire et constante de la France.
Dans le cadre de notre politique d’« une seule Chine », nous avons d’importantes coopérations avec Taïwan dans de nombreux domaines, et nous nous y tenons.
Face aux défis qui se posent dans cette région, les Européens doivent aussi défendre leurs intérêts économiques de manière indépendante. Ils l’ont fait en développant des instruments de défense commerciale, précisément sur l’initiative de la France. C’est aussi le sens du de-risking, qui vise à diversifier nos sources d’approvisionnement.
Au cours de son déplacement, le Président de la République a dit très clairement les choses au président Xi Jinping sur tous les sujets, dans le cadre d’un dialogue exigeant et franc, assez éloigné des polémiques.
M. Michel Savin. Eh bien, c’était laborieux !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour la réplique.
M. Olivier Cigolotti. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces éléments. Toutefois, de l’Ukraine à Taïwan, nos alliés ne peuvent que s’interroger sur la stratégie internationale de la France.
J’entends que le Président de la République veuille faire de la souveraineté européenne une priorité. Erreur d’analyse ou faute tactique, peut-être… Ses propos à son retour de Chine restent, pour autant, un magnifique cadeau diplomatique offert au président Xi Jinping. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDSE, SER et CRCE.)
propos du ministre de l’intérieur sur la ligue des droits de l’homme
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre. Elle sera particulièrement solennelle. Elle concerne la République, la défense des libertés et des droits.
Le ministre de l’intérieur, M. Darmanin, a menacé de manière à peine voilée la Ligue des droits de l’homme (LDH) de sanctions financières. Il a déclaré, pour être précis : « Je ne connais pas la subvention donnée par l’État, mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions menées. »
Madame la Première ministre, les choses sont claires, votre ministre de l’intérieur envisageait sans sourciller de remettre en cause les subventions à la LDH, car cette dernière avait exercé un rôle d’observateur et de vérification du respect des libertés et des droits à Sainte-Soline ou sur d’autres théâtres d’affrontements ou de tensions. (Mme la Première ministre fait un signe de dénégation.)
Ces menaces sont d’une gravité insupportable. Pouvez-vous accepter qu’un ministre de la République envisage de porter atteinte à une association qui est l’honneur de cette dernière ?
La Ligue des droits de l’homme – vous le savez, mais je le rappelle – a été créée pour défendre un innocent victime de l’antisémitisme et de la raison d’État, le capitaine Dreyfus. Elle a étendu d’emblée son action à la défense de tout citoyen victime d’une injustice ou d’une atteinte à ses droits. Dès le début du XXe siècle, seule, elle porta la justice sociale et le droit des travailleurs.
Madame la Première ministre, ne l’oublions pas : à la Libération, un tiers des membres du comité central de la LDH avaient disparu, assassinés, morts en déportation ou fusillés. Victor Basch, son président, fut assassiné en 1944 avec son épouse Ilona par la milice et les nazis.
Tout au long du XXe siècle et jusqu’à nos jours, cette grande association exerça avec vigilance et humanisme le contrôle des excès des pouvoirs publics. Sans elle et d’autres vigies, l’autoritarisme nous guette. Il peut prendre le dessus.
Avec les mille personnalités qui ont déjà signé une tribune publiée ce jour dans L’Humanité, je le dis dignement, mais fermement : « Ne touchez pas à la Ligue des droits de l’homme ! »
Je vous demande, madame la Première ministre, d’affirmer, sans ambiguïté, qu’aucune menace ne pèse sur elle. Je vous demande d’affirmer devant le Sénat que vous désavouez les propos de votre ministre de l’intérieur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente Éliane Assassi, depuis plusieurs semaines, certains, à l’Assemblée nationale, au Sénat ou dans des interviews, dénoncent ce qu’ils appellent « une dérive autoritaire ». C’est une accusation tout aussi grave que mensongère.
Notre État de droit et notre République reposent sur des libertés fondamentales.
Ces libertés, nous les défendons et nous les défendrons. Les associations de défense des libertés publiques et des droits de l’homme mènent également ce combat, et je crois que personne ici ne peut contester sérieusement qu’elles ont, dans notre pays, la capacité de prendre position et de s’exprimer librement, pleinement et sans restriction. C’est indispensable, et nous veillerons à ce que cela demeure.
Comme d’autres acteurs associatifs, la Ligue des droits de l’homme joue son rôle en observant, en critiquant et en exigeant des réponses des acteurs publics. Lorsque l’État est mis en cause, nous écoutons et nous le prenons en compte. Je souhaite, comme tous les membres du Gouvernement, que les associations de soutien aux droits de l’homme poursuivent leur action de vigie, d’ailleurs largement financée par l’État et les collectivités.
Il n’est donc pas question de baisser par principe la subvention de telle ou telle association. Mais dialoguer avec ces structures sur leurs actions est aussi une responsabilité, dès lors qu’il s’agit de financement public.
Madame la présidente Assassi, pour en revenir à la Ligue des droits de l’homme, je connais l’histoire de cette grande association.
Pendant longtemps, l’histoire de l’émancipation républicaine et celle de la LDH se sont mêlées. L’universalisme était un terreau commun. Il y a toujours eu des débats exigeants, des confrontations parfois. Sans remonter à l’affaire Dreyfus, je pense à l’engagement de Madeleine Rebérioux ou de Me Henri Leclerc. (M. Éliane Assassi approuve.)
Je crois que, au fond, c’est essentiellement à cette histoire collective que les signataires de l’appel au soutien de la LDH figurant à la une de L’Humanité ce matin disent leur attachement.
J’ai beaucoup de respect pour ce que la LDH a incarné, mais je ne comprends plus certaines de ses prises de position.
M. Marc-Philippe Daubresse. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette incompréhension n’est pas nouvelle. Elle s’est fait jour dans les ambiguïtés de cette association face à l’islamisme radical et elle s’est confortée depuis quelques mois. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je rappelle que cette association a attaqué un arrêté interdisant le transport d’armes par destination à Sainte-Soline.
Cette incompréhension est partagée par de nombreux acteurs associatifs et, dans une lettre adressée hier au président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a dénoncé les dérives et la défaillance de la Ligue des droits de l’homme.
Madame la présidente Assassi, la liberté d’expression et la liberté de manifester pacifiquement sont fondamentales en démocratie.
Avec le Gouvernement, avec la grande majorité d’entre vous sur ces travées, je veux rendre hommage aux policiers et aux gendarmes, qui connaissent leur devoir d’exemplarité et assurent l’ordre républicain dans notre pays. Plus de 1 800 ont été blessés depuis le début du mois de janvier.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. Thomas Dossus. Et combien de manifestants ont été blessés ?
Mme Éliane Assassi. Répondez à ma question !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ce n’est pas en excusant des violences qu’on le défend. Au contraire, il doit pouvoir s’exercer dans la sécurité. Aussi, nous continuerons à agir pour protéger ce droit, les manifestants et les Français ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – Murmures sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
Qu’elles soient fiscales, sociales ou douanières, les fraudes sont une réalité persistante en France. Élément déterminant de notre contrat social, la lutte contre la fraude est un sujet préoccupant, un exemple de cause commune qui doit faire concorde.
Dans un contexte où la maîtrise de nos finances publiques s’impose plus que jamais face aux crises que nous traversons, notre pays doit continuer de lutter contre toutes les fraudes.
Depuis la loi du 28 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, la France a considérablement progressé en la matière, comme en témoignent les résultats records obtenus en 2021 : près de 11 milliards d’euros ont été recouvrés par le contrôle fiscal. Pensons également à l’amende, elle aussi record, de plus de 1 milliard d’euros, amende payée il y a un an par McDonald’s !
L’année 2022 est également une année significative. Les montants mis en recouvrement après contrôle fiscal ont atteint le niveau inédit de 14,6 milliards d’euros au total.
Concernant la fraude au recouvrement social, le réseau des Urssaf a plus que doublé le montant des redressements réalisés depuis dix ans, lequel est passé de 320 millions d’euros en 2013 à 788 millions d’euros en 2022.
Quant aux résultats de la douane, ils sont de nouveau historiques pour plusieurs segments de la fraude, comme les contrefaçons ou les trafics de tabacs. Ils devraient être accompagnés, je l’espère, d’un renforcement de nos outils dans la lutte contre la fraude douanière grâce au projet de loi à venir. En la matière, en effet, des progrès peuvent indéniablement être réalisés.
Il y a quatre mois, monsieur le ministre, nous débattions dans cet hémicycle de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Depuis lors, un important travail de réflexion, associant les parlementaires de tous les groupes, a été engagé sur votre initiative, l’objectif étant d’aboutir à un plan d’action.
Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour continuer de renforcer notre lutte contre la fraude, sous toutes ses formes ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Didier Rambaud, je le dis solennellement devant vous, la lutte contre la fraude n’est pas qu’une question de deniers publics.
C’est aussi, et probablement avant tout, une question de confiance dans l’action publique, de confiance de nos concitoyens, de cette classe moyenne qui a parfois le sentiment de payer trop parce que certains choisissent de ne rien payer du tout.
La lutte contre la fraude est un enjeu autant de finances publiques que de cohésion nationale, et nous devons être implacables pour renforcer la confiance de nos concitoyens à l’égard de l’action publique. Pour leur redonner confiance, il nous faut mettre en avant les résultats importants, inédits, que nous avons obtenus.
Vous l’avez dit, la loi de 2018 a été une étape majeure. L’année dernière a été historique, inédite, en termes de droits mis en recouvrement, en matière de fraude fiscale comme de fraude sociale.
L’autre manière de redonner confiance, c’est de s’attaquer à toutes les fraudes. Je veux que l’on arrête de segmenter les fraudes.
M. Jérôme Bascher. Tout à fait !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dans certains cas, on a l’impression qu’il n’y aurait que de la fraude fiscale et, dans d’autres, uniquement de la fraude sociale.
Nous devons nous attaquer à toutes les fraudes, qu’elles soient fiscales, sociales ou douanières. Tel est l’objectif du groupe de travail que j’ai mis en place et qui réunit des représentants de la quasi-totalité des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises ces derniers mois. Nous avons beaucoup travaillé, et je présenterai dans les prochaines semaines un plan complet de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière.
Je précise que je me suis appuyé pour préparer ce plan sur de nombreux travaux sénatoriaux. Je pense à ceux de Nathalie Goulet, du président de la commission des finances Claude Raynal ou du rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson. Un rapport important a été remis ; j’annoncerai notamment un renforcement massif des moyens du Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), conformément à la proposition que vous aviez faite. Je pense, enfin, aux travaux du sénateur Éric Bocquet sur ce sujet.
Nous nous retrouverons dans les prochaines semaines pour faire preuve ensemble d’une plus grande fermeté et dégager des moyens plus importants pour lutter contre les fraudes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Pierre Louault et Alain Cazabonne applaudissent également.)
montée de l’extrême droite
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Madame la Première ministre, à Strasbourg, dans la nuit du 21 au 22 mars dernier, le planning familial du Bas-Rhin a subi l’attaque d’un groupe d’extrême droite antichoix, venu taguer ses locaux de messages contre le droit à l’avortement.
À Saint-Brévin-les-Pins, le 22 mars, le maire a été victime d’un incendie volontaire perpétré par l’extrême droite intégriste et identitaire, qui s’oppose à l’emménagement du centre d’accueil pour demandeurs d’asile dans sa ville.
À Bordeaux, le 23 mars, des identitaires, qui menacent de mort le maire depuis des mois, ont mis feu à la porte de sa mairie.
M. Stéphane Ravier. Ce n’est pas vrai !
M. Yan Chantrel. À Metz, le 5 avril, le chanteur Bilal Hassani a dû annuler un concert, après avoir reçu des menaces d’un collectif d’extrême droite catholique.
Des groupuscules identitaires, comme Les Remparts à Lyon ou L’Oriflamme à Rennes, multiplient les intimidations et les attaques xénophobes et homophobes.
M. Stéphane Ravier. Vous mentez !
M. Yan Chantrel. Partout, on s’inquiète d’une résurgence des violences d’extrême droite.
Le directeur général de la sécurité intérieure déclarait récemment que ces violences constituent la principale menace à laquelle nous sommes confrontés. Ainsi, sept des dix dernières tentatives d’attentats venaient de l’extrême droite.
Madame la Première ministre, le mandat que les Français vous ont donné au soir du second tour de l’élection présidentielle, c’était d’être un rempart contre l’extrême droite. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Contre tous les extrêmes !
M. Yan Chantrel. Quand allez-vous enfin prendre la mesure de votre échec et lutter de manière implacable contre la montée de l’extrême droite dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. On croit rêver !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Chantrel, je puis vous assurer de la pleine mobilisation du ministère de l’intérieur et des outre-mer, notamment de nos services de renseignement, pour anticiper et détecter la formation des groupuscules, qu’ils soient d’extrême droite ou d’extrême gauche, qui sont à l’origine de troubles à l’ordre public. Le ministère de l’intérieur fait preuve de la plus grande fermeté en la matière.
Je vous rappelle que nous avons dissous une association d’extrême droite, les Zouaves Paris, dont les membres agissaient de manière extrêmement violente en perpétrant un certain nombre de délits à caractère raciste, antisémite, homophobe, etc.
Je rappelle également que les sénateurs socialistes ont déposé un projet de résolution visant à traiter la question des violences d’extrême droite, dont nous aurons l’occasion de débattre.
Enfin, nous disposons, grâce à la loi d’août 2021 confortant le respect des principes de la République, de tous les outils pour lutter le plus efficacement possible contre tous ces séparatismes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.
M. Yan Chantrel. Madame la Première ministre, j’avais espéré que, sur un sujet aussi grave, sur lequel vous avez mandat des Français, vous répondriez vous-même à ma question.
Non seulement votre gouvernement n’est pas un rempart contre l’extrême droite,…
Mme Nadine Bellurot. Et l’extrême gauche ?
M. Yan Chantrel. … mais les provocations de votre ministre de l’intérieur, dignes d’un régime autoritaire, l’alimentent. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous banalisez dangereusement le mot « terrorisme », attaché à une mémoire si douloureuse dans notre pays, pour qualifier des adversaires politiques.
Vous menacez de priver de subvention une association comme la Ligue des droits de l’homme, garante du respect de nos libertés publiques. (Mme la Première ministre fait un signe de dénégation.)
Vous n’êtes pas le rempart contre l’extrême droite, vous êtes sa passerelle vers le pouvoir ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
contamination de l’eau potable par le chlorothalonil
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
Mme Véronique Guillotin. Chlorothalonil R471811 : la France a découvert ce nom la semaine dernière, après la publication d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Lors d’une étude de grande ampleur, l’Anses a trouvé 77 pesticides et résidus dans l’eau traitée. Parmi eux, le chlorothalonil a attiré l’attention des autorités, puisque ses métabolites ont été trouvés dans plus d’un prélèvement sur deux et ont même dépassé la limite de qualité – je précise bien : la limite de qualité – dans plus d’un prélèvement sur trois.
Au total, au moins un tiers de l’eau du robinet et certaines eaux en bouteille seraient non conformes à la réglementation. Et pour cause : les filières de traitement conventionnelles ne parviennent pas à se débarrasser de ce fongicide. Les technologies pour lutter contre ce métabolite sont à la fois coûteuses et énergivores.
Ce fongicide, longtemps utilisé dans de nombreuses cultures, est considéré comme un cancérogène probable depuis 2006. Il est interdit en Europe depuis 2019. Pourtant, alors que l’on sait que certains résidus de pesticides peuvent être présents dans l’environnement plusieurs années après leur interdiction, le chlorothalonil n’avait jamais été recherché dans notre eau potable.
Alors que l’on sait que la molécule provoque des tumeurs rénales chez les souris, les recherches sur la santé humaine demeurent lacunaires. Or celles-ci pourraient justement permettre de rassurer la population, voire, si c’est justifié, d’abaisser le niveau d’exigence sanitaire.
Sur un sujet aussi sensible que l’accès à l’eau potable, dans le contexte de tensions croissantes que nous connaissons sur le partage de la ressource, il nous faut des éléments de réponse précis et des solutions nationales à court et à long terme, sous peine d’aboutir à une fracture de confiance, mais aussi à une fracture territoriale, avec de petits réseaux en zone rurale qui peineraient à investir dans les technologies adaptées.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Surtout, quelles mesures sont envisagées pour évaluer les risques sanitaires et dépolluer nos réseaux d’eau ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Guillotin, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet hier à l’Assemblée nationale.
Je vous remercie de me donner l’occasion de le redire aujourd’hui devant le Sénat : l’eau est notre bien le plus précieux, et le Gouvernement met évidemment tout en œuvre pour en assurer et surveiller la qualité. Il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique. La surveillance de la qualité de l’eau est une préoccupation quotidienne.
C’est bien pour cette raison que, sous l’autorité du ministère de la santé et de la prévention, la direction générale de la santé missionne régulièrement les agences d’expertise françaises pour disposer de connaissances sanitaires sur les pesticides et leurs métabolites. Le but de ces campagnes exploratoires est de disposer des données les plus précises possible pour évaluer les risques sanitaires.
L’Anses, vous l’avez dit, a publié la semaine dernière les principaux résultats de la dernière campagne exploratoire 2020-2022, relative aux polluants émergeant dans l’eau potable. Ce rapport met en évidence une contamination des ressources en eau destinées à la consommation humaine en France métropolitaine par différents métabolites, dont le chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020.
À ce jour, la campagne exploratoire de l’Anses a mis en évidence des concentrations maximales de 2 microgrammes par litre, la valeur sanitaire transitoire permettant de prévenir d’un risque sanitaire est de 3 microgrammes par litre. Les échantillons prélevés ne présentent donc pas de risque sanitaire à ce stade.
Plusieurs responsables de la production et de la distribution d’eau ont déjà intégré le chlorothalonil et ses métabolites dans leurs plans de surveillance. Le programme de contrôle des agences régionales de santé va progressivement intégrer, à partir de 2023, le chlorothalonil et ses métabolites dans le contrôle sanitaire des eaux pour rendre des résultats fiables.
Ces éléments permettent de poursuivre le travail d’amélioration de la qualité des eaux, en particulier dans les zones de captage, et d’adapter et de différencier nos mesures en fonction des spécificités territoriales, comme l’a annoncé le Président de la République lors de la présentation du plan Eau le 30 mars dernier.
Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé. Il suit ce sujet essentiel avec une grande vigilance, car l’eau, c’est la vie, et l’eau de qualité, c’est la santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Il est important de différencier le seuil de qualité et le seuil sanitaire. En outre, comme vous l’avez dit, il semble nécessaire aujourd’hui d’investir dans la recherche en santé humaine, afin de rendre les plus précises possible les mesures de la qualité de l’eau, qui est indispensable.
pollutions de l’eau
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Joël Labbé. La semaine dernière, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a révélé qu’un tiers de notre eau potable n’était pas conforme à la réglementation.
Le pire selon nous, monsieur le ministre de l’agriculture, c’est que vous mettez en cause le travail scientifique de l’Anses en contestant ses décisions, notamment concernant le retrait du S-métolachlore. (M. le ministre de l’agriculture fait un signe de dénégation.) De ce fait, la crédibilité de votre politique en matière de pesticides et de qualité de l’eau s’effrite de jour en jour.
Que répondez-vous à la population inquiète de boire de l’eau du robinet ? Que répondez-vous aux collectivités qui s’interrogent sur les coûts de dépollution ? Que répondez-vous aux agriculteurs qui n’utilisent pas les pesticides et qui ne sont pas responsables de la pollution ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Labbé, je vous remercie de votre question, qui me permet d’apporter un certain nombre de précisions
Tout d’abord, à aucun moment, vous pouvez le vérifier dans tous les verbatims de mes propos – nous assistions hier ensemble à une réunion –, je n’ai remis en cause les analyses scientifiques, notamment celles de l’Anses. J’ai simplement posé la question – a-t-on encore le droit d’en poser dans ce pays ? –, alors que notre agriculture s’inscrit dans un cadre européen, de la synchronisation et de la chronologie de nos décisions.
Personne ne remet en cause l’étude de l’Anses sur le S-métolachlore, mais un travail est en cours sur ce sujet au niveau européen. Il y a donc, me semble-t-il, un risque de désynchronisation. Telle est la question que j’ai posée.
M. Thomas Dossus. Vous cherchez à gagner du temps !
M. Marc Fesneau, ministre. Ensuite, saluons le travail qui a été réalisé sur les molécules présentant le plus de risques, celles qui sont classées comme cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, les CMR1 : leur utilisation a été réduite de 96 % depuis 2016. C’est là un résultat tangible des différents plans que nous avons mis en œuvre, en particulier le plan Écophyto.
Par ailleurs, nous comptons aller plus loin, pour les raisons qui ont été évoquées à l’instant. Il est nécessaire de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Vous me trouverez toujours sur ce chemin. La différence entre vous et moi, c’est qu’il me semble que, pour progresser en ce sens, il faut agir en bon ordre et dans le cadre d’une planification.
L’interdiction, je l’ai déjà dit, ne produit pas la solution. Elle produit de la distorsion de concurrence à l’échelon européen. En effet, à l’extérieur de nos frontières européennes, dans le même espace de marché, des producteurs utilisent ces produits, qui sont autorisés chez eux. Nous devons donc travailler en Européens.
Mme Kristina Pluchet. Exactement !
M. Marc Fesneau, ministre. De même, nous devons procéder à une planification. Sous l’autorité de la Première ministre, nous avons ainsi décidé d’interdire, filière par filière, molécule après molécule, le recours aux produits qui ne doivent plus être utilisés et d’étudier les solutions de remplacement potentielles. Il faut le faire dans cet ordre, afin que, à chaque interdiction, corresponde une solution.
Sinon, je vais vous dire ce qui va se passer, monsieur Labbé : nous n’aurons plus d’agriculture (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) et nous trouverons à l’intérieur de nos frontières des produits ayant été cultivés avec des substances dont nous ne voulons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, lorsqu’il y a urgence, on n’a plus le temps de prendre son temps !
Au lieu de rester sur la défensive, vous auriez pu nous parler de l’étude prospective de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), intitulée Vers une Europe sans pesticides en 2050. Cette étude montre que c’est possible,…
M. Joël Labbé. … à condition de définir des trajectoires pour y parvenir sans rupture. Selon les conclusions de cette étude, cette transition nécessite des politiques publiques cohérentes et articulées.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, mon mandat va très bientôt prendre fin. Je me suis donc penché sur mon passé de sénateur. Or la quasi-totalité des questions que j’ai posées au Gouvernement depuis 2011 a concerné la lutte contre les pesticides et leurs méfaits, ainsi que le soutien à l’agriculture biologique, qui n’a pas recours aux pesticides et préserve la biodiversité.
Aujourd’hui, quand on fait le bilan, très peu de choses ont avancé. Les pesticides sont toujours dans la place, sur le sol, dans l’eau et dans l’air. L’agriculture biologique reste un parent pauvre, et cela malgré la succession des ministres de l’agriculture.
Je me dis avec dépit que les ministres passent, mais que la biodiversité et la santé, hélas, trépassent ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – M. Julien Bargeton s’exclame.)
préservation des patrimoines historiques communaux
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.
Le patrimoine culturel immobilier, c’est surtout ce que nos ancêtres ont bâti au cours des siècles – les églises, notamment, qui maillent l’ensemble de notre territoire. Dans nos villes comme dans nos campagnes, ces édifices sont un trait saillant du visage de la France, et ils contribuent à sa tenue et à son rayonnement.
Nous avons le devoir de préserver ces richesses héritées, pour les transmettre aux générations futures, lesquelles, à leur tour, en seront responsables. Cette noble mission de conservateur et de passeur nous incombe aujourd’hui, madame la ministre, et nos communes sont en première ligne, puisqu’elles sont propriétaires d’une grande part des monuments et bâtiments historiques.
Face aux défis protéiformes de la préservation patrimoniale, dont l’ampleur ne cesse d’enfler, les communes peinent à conserver et à valoriser ces trésors. Elles rencontrent également des difficultés à les assurer, madame la ministre, car le secteur privé n’a pas développé les réponses idoines. Les élus locaux, notamment nos maires, se sentent démunis.
Il est urgent d’engager une vaste réflexion sur la préservation du patrimoine communal et la capacité de l’assurer.
Comment le Gouvernement appréhende-t-il la menace qui pèse sur le patrimoine, madame la ministre ? Comment compte-t-il accompagner les communes qui ne parviennent pas à trouver une solution ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Sébastien Meurant et Alain Duffourg applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la sénatrice Paoli-Gagin, j’adhère à chaque mot de votre constat, de même que je partage l’attachement de tous les Français à leur patrimoine, notamment dans les petites communes.
J’étais hier à Conty, dans la Somme. J’ai pu constater l’engagement de l’État et de l’ensemble des collectivités territoriales pour restaurer l’église du XVIe siècle dans cette commune de 1 800 habitants. Nous finançons à hauteur de 40 % ces travaux, dans le cadre du fonds incitatif patrimonial.
Ce nouveau dispositif, qui a été lancé en 2018 et dont j’ai augmenté le budget de 12 % en 2023, permet d’abonder les crédits de l’État quand les régions s’engagent. Depuis 2018, il a permis de financer près de 600 chantiers, dont 77 % sont menés dans des communes de moins de mille habitants. C’est une première réponse.
Nous avons accru ce budget, parce qu’il s’inscrit dans une ambition très forte pour les monuments historiques, avec des crédits globaux sans précédent, qui atteignent presque 470 millions d’euros en 2023, soit 7 % de plus que l’année dernière et, surtout, 40 % de plus que dans le dernier budget du quinquennat de François Hollande. Il s’agit donc d’un investissement massif en faveur des monuments historiques.
De fait, l’État a la responsabilité, depuis la loi de 2004, des monuments protégés comme monuments historiques, inscrits ou classés.
Vous soulevez au travers de votre question l’enjeu du patrimoine non protégé – en effet, pour le patrimoine protégé, nous sommes au rendez-vous, y compris dans les petites communes.
Deux leviers existent. Tout d’abord, il y a les fonds interministériels des préfectures, comme la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Dans la Somme, ils représentent quelque 4 millions d’euros pour une centaine d’églises. Ensuite, il y a le loto du patrimoine, que nous avons créé. La moitié des sites que ce dispositif permet de préserver sont non protégés.
Évidemment, il faut mener une réflexion, avec l’ensemble des partenaires, la Fondation du patrimoine et les collectivités territoriales, pour aller plus loin. Les enjeux sont immenses. Nous sommes à la tâche ! (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je vous remercie, madame la ministre.
On pourrait envisager un fonds d’aide accessible à toutes les communes qui ne sont pas en mesure d’assurer leur patrimoine immobilier. Il viendrait utilement compléter celui qui a été proposé récemment par M. Stéphane Bern et il permettrait de mobiliser concrètement l’État aux côtés des communes, en faveur de ce patrimoine qui ne relève pas de sa compétence.
Nous devons, ensemble, relever le défi de la préservation de ce patrimoine remarquable ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Sonia de La Provôté et Mme Laure Darcos applaudissent également.)
reprise de l’entreprise segault
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Après le rachat par l’américain Heico de l’entreprise Exxelia, fleuron français de l’électronique, c’est à présent la PME Segault qui menace de passer sous pavillon américain.
Pour ceux d’entre vous qui ne la connaissent pas, mes chers collègues, je rappelle que cette PME fabrique, entre autres, les pièces de robinetterie de haute technologie qui équipent nos centrales nucléaires et les chaufferies de nos sous-marins nucléaires, ou encore celles de notre porte-avions Charles-de-Gaulle – c’est pourquoi j’associe à ma question M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Indispensable au nucléaire civil comme militaire, Segault entre, à double titre, dans le champ des secteurs stratégiques visés par la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers.
Si nous ne pouvons pas envisager que cette entreprise passe sous contrôle américain, monsieur le ministre, c’est parce que le Patriot Act permet au Gouvernement américain de demander l’accès à tout type d’information détenue par une entreprise américaine, quelle que soit sa localisation dans le monde et sans aucune justification.
Ainsi, dans le champ de compétences de Segault, des informations, même partielles, sur la conception de nos infrastructures nucléaires pourraient être transmises sans obstacle juridique. Il y a donc un double enjeu, de souveraineté industrielle et de souveraineté militaire.
Le Président de la République se gargarise aujourd’hui d’avoir gagné la bataille idéologique de l’autonomie stratégique. Chiche ! Il y a là un magnifique cas d’espèce.
Quels outils juridiques et quels moyens financiers allez-vous mobiliser pour que Segault revienne durablement dans le giron français ? Allez-vous activer, monsieur le ministre, le décret de 2014 relatif au contrôle des investissements étrangers ? Allez-vous chercher des acquéreurs nationaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et CRCE. – MM. Henri Cabanel et Rachid Temal applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame Sophie Primas, le robinetier français Segault est un fleuron de l’industrie nucléaire française, vous l’avez dit. Il intervient principalement dans la fabrication des sous-marins nucléaires, mais également dans celle des réacteurs nucléaires. C’est donc Roland Lescure qui aurait dû répondre à votre question. Je vous prie d’excuser son absence : il est retenu aux Pays-Bas, où il accompagne le Président de la République.
Segault est actuellement détenu par l’entreprise canadienne Velan. La famille Velan a communiqué récemment sur des discussions poussées qui sont en cours avec un autre grand robinetier américain, Flowserve. Un accord de rachat par cette société des activités de Velan, y compris Segault, pourrait être conclu d’ici à l’été.
Bien sûr, nous sommes particulièrement vigilants, parce que Segault est une entreprise stratégique et parce que les États-Unis, comme vous l’avez rappelé, disposent d’une réglementation particulièrement offensive, qui pourrait menacer la confidentialité et la souveraineté des informations relatives aux technologies développées par Segault.
Cette opération sera évidemment soumise à la procédure de contrôle des investissements étrangers. Le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, avec le concours du ministère des armées et du ministère de la transition énergétique, statuera sur les risques d’un tel rachat et sur les suites à donner. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.
Mme Sophie Primas. En 2015, le ministre de l’économie a commis l’erreur stratégique de céder Arabelle et ses turbines nucléaires à General Electric dans le cadre du rachat d’Alstom.
Monsieur le ministre, je vous engage à ne pas commettre deux fois la même erreur ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
déplacement du président de la république en chine
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 8 janvier 1964 – il y aura bientôt soixante ans – le général de Gaulle, en conseil des ministres, déclarait : « La Chine est là. Vivre comme si elle n’existait pas, c’est être aveugle ». Le 27 janvier suivant, la reconnaissance par la France de la République populaire de Chine était annoncée, dans un environnement international pas forcément plus conciliant que celui que nous connaissons aujourd’hui. Quelle vision !
Le Président de la République rentre de Chine. Nous approuvons ce voyage, qui nous confirme que, finalement, la Chine garde son cap, en fonction de ses seuls intérêts stratégiques.
Dès lors, monsieur le ministre, pourquoi cette déclaration à l’emporte-pièce sur Taïwan ? Entre Europe, Chine et États-Unis, quelle est la stratégie française ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Pascal Allizard, de nouveau, je vous prie d’excuser l’absence de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères Catherine Colonna, qui est en déplacement.
En matière diplomatique, j’ai tendance à me référer aux éléments mûrement réfléchis qui me sont fournis.
M. Jérôme Bascher. Pas comme le Président de la République !
M. Olivier Véran, ministre délégué. Je vais donc vous les communiquer.
Comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a effectué une visite d’État en Chine du 5 au 8 avril dernier. Il était accompagné par la présidente de la Commission européenne.
Cette visite avait plusieurs objectifs.
D’une part, il s’agissait de relancer la relation, en particulier dans le domaine des échanges humains. À ce titre, des accords ont été conclus dans le domaine du développement durable, de la coopération culturelle et de l’économie agroalimentaire et aéronautique.
M. Rachid Temal. Nous avons lu le journal !
M. Olivier Véran, ministre délégué. D’autre part, l’enjeu était d’avoir un dialogue franc sur l’Ukraine. Le Président de la République a fait valoir les positions européennes, a appelé la Chine à s’engager dans la recherche d’une solution et a alerté son homologue chinois sur les conséquences que tout soutien militaire à la Russie aurait sur la relation entre Union européenne et Chine.
Des points de convergence sont ainsi apparus : l’opposition à l’emploi de l’arme nucléaire, le respect du droit international humanitaire et la nécessité de trouver une issue au conflit sur la base du droit international.
M. Rachid Temal. Et Taïwan ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. Un autre enjeu de ce déplacement était de marquer notre unité européenne. La présence de la présidente de la Commission était un point essentiel pour le Président de la République, qui tenait à montrer que les Européens ont leurs propres intérêts et qu’ils les assument dans un dialogue exigeant avec Pékin.
M. Rachid Temal. Et Taïwan ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. Enfin, monsieur le sénateur, vous connaissez le souhait de la France de travailler à un agenda commun avec la Chine sur les enjeux globaux.
M. Rachid Temal. Et Taïwan ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. Le Président de la République a ainsi souligné la dynamique positive qui prévaut dans le domaine du climat et de la biodiversité. Il a invité la Chine au sommet de juin prochain sur le nouveau pacte financier, et on lui a indiqué qu’elle y serait représentée à haut niveau.
M. Rachid Temal. Et Taïwan ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. En ce qui concerne Taïwan, j’ai eu l’occasion de répondre à l’occasion d’une précédente question. J’ai donc souhaité éviter une redite, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Le rapprochement russo-chinois est un fait géopolitique sur lequel nous n’avons eu aucune prise, monsieur le ministre.
La France qui, je le crois, est fermement attachée au droit, à la liberté de navigation et à l’avenir de l’Indopacifique ne peut rester étrangère à la montée des tensions autour de Taïwan, où les incursions militaires chinoises sont de plus en plus fréquentes et structurées.
Sur les États-Unis, j’avais publié avec plusieurs de mes collègues du Sénat un rapport intitulé, pour illustrer notre relation, Amis, alliés, mais pas alignés. Malgré leurs inélégances australiennes, les Américains demeurent nos alliés ultimes. Dans les faits, nous ne sommes pas capables de soutenir un conflit de haute intensité, et nos partenaires de l’Union européenne le sont encore moins.
Une tentative d’action de vive force sur Taïwan par la Chine, comme celle qui a été perpétrée en Ukraine par la Russie, n’est plus à exclure. L’Armée populaire s’y prépare au quotidien. Nous devons donc rester extrêmement prudents dans toutes nos déclarations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER. – MM. Julien Bargeton, André Gattolin et Claude Malhuret applaudissent également.)
rémunération des remplaçants hospitaliers
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Jean-Claude Tissot. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé.
La semaine dernière, le conseil de surveillance du centre hospitalier du Forez a acté la fermeture des urgences de Feurs, dans la Loire.
Les urgences les plus proches sont désormais à Montbrison. Pour des milliers de personnes, c’est à plus de trente minutes de route. Or, comme vous le savez, de délai représente un seuil critique, au-delà duquel la perte de chance est réelle.
À l’inquiétude des patients s’ajoutent les alertes des professionnels du soin. Les pompiers volontaires nous disent ainsi que la longueur des trajets risque non seulement de rendre les employeurs réticents à laisser leurs salariés s’engager, mais aussi de dissuader les volontaires eux-mêmes.
Cette situation n’est pas isolée. Les risques de fermetures de services d’urgences ou de maternités se multiplient : à l’hôpital Sud-Gironde de Langon-La Réole, à l’hôpital de Carpentras, dans les centres hospitaliers de Guingamp et de Carhaix, à l’hôpital de Ruffec en Charente…
Dans tous ces hôpitaux, l’entrée en application de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, qui encadre la rémunération de l’intérim médical, a agi comme un détonateur.
Il est certes nécessaire de lutter contre le mercenariat de certains intérimaires, qui grève les budgets hospitaliers, nous l’avons déjà dit dans cet hémicycle. Mais, en ne ciblant que les établissements publics, et sans travail sur l’attractivité de l’hôpital, la mesure ne pouvait qu’entraîner des effets pervers. Nous en voyons aujourd’hui les conséquences. Qu’allez-vous faire pour y remédier, monsieur le ministre ?
Pour Feurs, une solution de substitution proposée par la cheffe des urgences, le docteur Massacrier, permettrait de maintenir une ligne de garde d’urgence jusqu’en juin prochain – solution que j’ai proposée à votre cabinet. Autoriserez-vous cette organisation, monsieur le ministre, afin de maintenir le service ouvert le temps de trouver d’autres solutions ?
Concernant les intérimaires, allez-vous rétablir l’équité de traitement entre établissements publics et privés ? Il est clair que le Ségur n’a pas suffi à redonner de l’attractivité aux carrières médicales hospitalières…
Monsieur le ministre, allez-vous enfin proposer une réforme d’ampleur pour revaloriser les salaires et améliorer les conditions de travail à l’hôpital ? Ou attendrez-vous qu’il y ait encore dix, cinquante ou cent fermetures, comme à Feurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Tissot, je vous remercie d’avoir rappelé le consensus que suscite la mise en application de la loi Rist, notamment de son article 33 sur le plafonnement de l’intérim médical. C’est bien sûr contre les dérives de ce dispositif que nous luttons, et aucunement contre son principe même.
Pourquoi lutter contre ces dérives de l’intérim ? Parce qu’elles menacent notre service public hospitalier en aspirant nos praticiens. Elles risquent, à très court terme, de détruire encore plus de services et encore plus d’établissements.
Cette lutte va de pair avec un travail, que je mène avec les représentants des médecins hospitaliers, sur l’amélioration des conditions de travail à l’hôpital. L’objectif est de faire revenir ceux qui sont partis et de maintenir ceux qui sont toujours en place.
Comme je m’y suis engagé, nous recherchons des solutions territoire par territoire, avec les professionnels de santé, les élus, les représentants des patients et les agences régionales de santé, pour que la continuité des soins soit assurée.
Je me réjouis que des propositions soient formulées pour le cas de Feurs, d’autant que cet établissement est en grande difficulté structurelle depuis plusieurs années, comme vous le savez, avec des fermetures itératives, le plus souvent liées aux dérives de l’intérim médical.
Je me réjouis qu’une solution ait été trouvée pour le site de Montbrison, qui est distant de 20 kilomètres et où les urgences vitales étaient déjà assurées depuis longtemps. S’agissant des autres urgences, nous cherchons une solution locale, plus pérenne.
Vous avez évoqué plusieurs autres établissements. Le service des urgences de Langon est effectivement en difficulté, et nous travaillons sur ce dossier. À Guingamp, le problème porte sur la maternité, mais il est structurel et date, là encore, malheureusement, de plusieurs années.
Nous surveillons au plus près l’ensemble de ces situations, pour adapter les dispositifs territoire par territoire. L’amélioration des conditions de travail à l’hôpital fera l’objet de propositions avant la fin du mois de juin prochain, lors de la remise du rapport que j’ai demandé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
exportation des céréales françaises
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, à partir du 25 avril, la France s’interdit d’exporter ses céréales en dehors de l’Union européenne. En cause, la phosphine, un insecticide considéré comme dangereux par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), mais pas par nos partenaires européens.
Cet insecticide, utilisé pour la fumigation des cales de bateaux céréaliers, est exigé par les importateurs de cargaisons de blé, notamment dans les pays extraeuropéens, en particulier pour nos marchés en Afrique du Nord et de l’Ouest.
Or l’Anses a décidé, de façon unilatérale, de ne plus permettre l’usage de la phosphine, qui reste pourtant homologuée, en contact direct avec les céréales.
Paradoxalement, les céréales importées en France continueront, elles, à être traitées à la phosphine. En effet, aucune réglementation européenne n’interdit l’utilisation de cet insecticide. C’est un non-sens total !
Comment l’Anses a-t-elle pu édicter une telle règle sans concertation ? A-t-on bien mesuré les conséquences de cette interdiction ? Cette sentence est également dramatique pour les pays du bassin méditerranéen qui dépendent de la France et dont la sécurité alimentaire est menacée par cette décision absurde.
Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais connaître les solutions que le Gouvernement peut proposer pour préserver nos exportations de céréales et empêcher les crises alimentaires dans les pays qui dépendent de nos exportations. Envisagez-vous de réautoriser l’usage de la phosphine malgré la décision de l’Anses ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. J’y ai déjà répondu hier à l’Assemblée nationale, mais ce n’est pas un reproche : vous me donnez l’occasion d’apporter des précisions supplémentaires.
La France fera en sorte de continuer à exporter ses céréales après le 25 avril 2023, car elle souhaite conserver sa capacité d’exportation.
Premièrement, c’est l’un des éléments de la puissance de notre pays que d’être capable de livrer des céréales à l’extérieur de nos frontières. Cela participe de notre politique étrangère.
Deuxièmement, il y va de la sécurité alimentaire mondiale, au moment où la guerre menée par M. Poutine en Ukraine a déstabilisé les marchés mondiaux, avec des fluctuations de prix et même des difficultés d’accès aux céréales. Nous devons avoir des marchés fluides, et tous les pays qui en ont besoin doivent avoir accès aux céréales.
Troisièmement, le droit européen permet, si une molécule est prohibée au niveau national, de déroger à cette interdiction dès lors que ce produit est encore autorisé à l’échelon européen, sous réserve que le pays importateur le demande.
Nous travaillons donc avec l’Anses, pour faire en sorte que nous puissions légalement continuer à exporter après le 25 avril.
La souveraineté alimentaire des pays tiers nous importe, en effet, d’autant que l’on voit bien combien l’arme alimentaire est utilisée par certains États, notamment la Russie. Nous n’emprunterons pas cette voie et, comme d’autres pays européens, comme les Allemands, les Bulgares ou les Roumains, nous allons nous mettre en situation de continuer à exporter des céréales.
Ce n’est pas seulement l’intérêt de la France. C’est celui de la sécurité alimentaire mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui lève quelques inquiétudes pour la filière, et de votre engagement à sortir de cette situation ubuesque.
Cependant, les acteurs du secteur ont besoin d’une assise juridique solide et pérenne. Nous souhaitons donc de votre part un engagement écrit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et dotations aux collectivités
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Mizzon. J’associe à ma question mon collègue Stéphane Demilly, sénateur de la Somme.
De nombreuses communes se trouvent confrontées à une situation bien compliquée du fait de l’automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
M. Loïc Hervé. Ah !
M. Jean-Marie Mizzon. Cette modification, présentée comme technique à l’origine, aboutit en effet à les priver de la récupération de la TVA sur des travaux lourds dits « d’agencement et d’aménagement de terrains », ce qui exclut nombre de chantiers, comme des terrains de football, des aires de jeu ou encore des pistes cyclables.
Surtout, cette réglementation comporte des éléments de complexité supplémentaires, avec, au sein d’un même projet, des dépenses qui restent éligibles et d’autres qui ne le sont plus, alors qu’un projet est un tout.
Aussi, ma première question est simple : envisagez-vous de revenir sur cette réglementation très mal vécue par les collectivités locales ou, à tout le moins, d’intégrer la part de TVA dans l’assiette subventionnable ?
Ma seconde question est plus simple encore et porte sur un sujet connexe : trouvez-vous normal que les communes apprennent seulement à la fin du mois de mars, voire au début du mois d’avril, le montant de dotation générale de fonctionnement (DGF) qui leur est alloué par l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Mizzon, vous avez raison, l’automatisation du FCTVA conduit à une redéfinition de l’assiette des dépenses ouvrant droit à compensation.
Dans la collecte des données comptables nécessaires au calcul automatique des attributions, certaines dépenses ont été exclues de l’assiette.
Parmi elles figurent des dépenses engagées par les collectivités, telles que celles que vous avez citées. D’autres dépenses qui n’étaient pas éligibles le sont désormais. C’est le cas, par exemple, des investissements réalisés par des collectivités pour des biens immobiliers qu’elles mettent à la disposition de tiers.
Toutefois, ces arbitrages ont été réalisés en leur temps en accord avec les associations d’élus locaux et le Comité des finances locales (CFL). (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Cela m’étonnerait fort !
M. Olivier Paccaud. C’est faux !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Si, mesdames, messieurs les sénateurs, le CFL a bien été associé. (Mêmes mouvements.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Mais non !
M. Loïc Hervé. On le saurait !
M. Jérôme Bascher. Associé, mais pas écouté !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les incidences financières de l’automatisation de la gestion du FCTVA doivent être considérées de manière globale. L’automatisation de la gestion du FCTVA constitue une mesure favorable aux collectivités, puisqu’elle permet la disparition du non-recours, qui concernait jusqu’à présent les plus petites d’entre elles.
Pour autant, une évaluation sera conduite à la mi-2023. (Ah ! sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. La question des dépenses d’aménagement de terrain sera examinée de très près, monsieur le sénateur, dans la suite des débats que nous avons menés sur le projet de loi de finances pour 2023.
Quant aux délais de mise en ligne des résultats de la répartition de la dotation globale de fonctionnement, ils sont très souvent respectés.
Cette année, la mise en ligne a été réalisée le 31 mars, ce qui a laissé quinze jours aux collectivités pour l’inscrire dans leur budget. Oui, c’est très court, mais, pour l’avoir vécue, je veux dire que cette mise en ligne au 31 mars a nécessité un travail très important des agents de la direction générale des collectivités locales (DGCL), que je tiens à remercier.
M. Marc-Philippe Daubresse. Je ne les remercie pas, moi…
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Ce délai permet de s’assurer de la fiabilité des calculs réalisés.
Mme Sophie Primas. C’est très compliqué !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Il s’agit en effet de répartir selon des règles, reposant sur un grand nombre de critères, près de 27 milliards d’euros.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je m’engage cependant à demander à la DGCL, pour l’année 2024, de raccourcir le délai de la répartition et de prévoir sa publication une semaine plus tôt, soit le 23 mars. Je vous en tiendrai informés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, votre réponse m’a fait penser à ce que disait André Maurois : « Le difficile, dans une discussion, ce n’est pas de défendre son opinion, c’est de la connaître ». (Sourires. – Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
C’est un peu le problème de ce gouvernement : on ne peut pas vouloir construire 5 000 équipements sportifs un jour et, le lendemain, sortir de la dépense éligible les dépenses qui les financent. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
On ne peut pas avoir des mots très forts pour défendre les vertus de la simplification et ériger des barrières supplémentaires en obligeant les porteurs de projets à décortiquer ceux-ci pour récupérer un peu de TVA.
D’où tenez-vous, madame la ministre, que les réalités doivent se plier aux règles administratives et comptables ?
M. Jean-Marie Mizzon. Mettez les choses dans l’ordre et, vous verrez, tout ira mieux ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
subventions de la ligue des droits de l’homme
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Monsieur le ministre, à la suite des violences qui se sont produites à Sainte-Soline, vous avez déclaré la semaine dernière, devant la commission des lois du Sénat, être prêt à examiner la subvention annuelle versée par l’État à la Ligue des droits de l’homme.
Aussitôt, nous avons assisté à une véritable levée de boucliers. Au nom d’un passé glorieux, cette association bénéficie de toutes les largesses de l’État, quoi qu’elle fasse, et s’exonère de toute explication sur la façon dont elle utilise ces moyens.
Il est étonnant que cette association sollicite de l’argent public et prospère sur cette base tout en s’opposant systématiquement à l’État et en le combattant, particulièrement dans sa difficile mission de maintien de l’ordre public, qui répond à un droit fondamental s’il en est.
Il y a, dans cette instrumentalisation systématique du droit, une dérive qui interroge.
Comment l’État peut-il soutenir et subventionner des associations faisant profession de jeter l’opprobre sur les forces de l’ordre, particulièrement lorsque celles-ci font face à des groupes violents et armés qui cherchent à tuer nos policiers et nos gendarmes ?
Depuis votre déclaration, monsieur le ministre, avez-vous pu examiner la subvention de l’État versée à cette association ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Bonhomme, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Gérald Darmanin, qui accompagne le Président de la République aux Pays-Bas.
Permettez-moi de rappeler le contexte de la prise de parole du ministre, que vous avez interrogé, dans le cadre d’une audition en commission, sur la possibilité de supprimer les subventions versées à cette association.
La Ligue des droits de l’homme est une association ancienne et respectable, dont le nom a été associé, c’est vrai, à des combats qui font honneur à la République.
Pour autant, certaines de ses prises de position récentes interrogent, et ce n’est pas lui faire injure que de le reconnaître. Je citerai par exemple son absence au procès des attentats de Charlie Hebdo en 2020, ou encore sa décision, difficile à comprendre, de défendre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) au moment où le Gouvernement a pris la décision de le dissoudre du fait de ses menées séparatistes.
M. Marc-Philippe Daubresse. Eh oui !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. On peut aussi regretter que la Ligue des droits de l’homme colporte des rumeurs, dont il est désormais certain qu’elles étaient infondées, visant à faire croire que les gendarmes auraient empêché les secours d’intervenir à Sainte-Soline.
M. Roger Karoutchi. C’est délirant…
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer a simplement voulu rappeler que la Ligue des droits de l’homme bénéficie d’un soutien important de la part des pouvoirs publics.
Vous l’avez dit, nous parlons d’argent public, c’est-à-dire des impôts de nos concitoyens. En l’occurrence, il s’agit de 276 000 euros de l’État et de 233 000 euros des collectivités territoriales.
Il est donc légitime que l’État s’assure que les actions conduites par une association bénéficiant de financements publics sont en phase avec l’objectif qu’elle déclare, ainsi qu’avec nos valeurs républicaines.
C’est ce que le ministre de l’intérieur et des outre-mer vous a indiqué en réponse à votre question en commission, et c’est ce que Mme la Première ministre vous a confirmé à l’instant. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
M. David Assouline. Et Marlène Schiappa, combien a-t-elle donné à ses amis ?
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. M. Darmanin est en vadrouille et Mme Schiappa, secrétaire d’État chargée notamment de la vie associative, s’exprime partout, sauf au Sénat… (Sourires.)
Certes, la Première ministre s’est prononcée tout à l’heure, mais je regrette sa réponse, car, comme l’a dit à l’instant Mme Backès, la Ligue des droits de l’homme sélectionne soigneusement ses indignations : elle a défendu les militants du CCIF après l’assassinat de Samuel Paty, elle a défendu les thèses de l’extrême gauche, dont le mot d’ordre est « La police tue ! », et elle met toute son énergie à multiplier les recours juridictionnels contre nombre de décisions de l’État, y compris en matière de flux migratoires. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Elle est libre et indépendante !
M. François Bonhomme. À Sainte-Soline, elle a déposé un recours contre une décision visant à lutter contre le transport d’armes et elle a diffusé de fausses informations laissant entendre que le Samu aurait été délibérément empêché de porter secours…
Tout cela mériterait vraiment que l’on y regarde de plus près. Ce que je reproche au Gouvernement, c’est sa faiblesse.
Mme Raymonde Poncet Monge. Faiblesse ?
M. le président. Il faut conclure !
M. François Bonhomme. Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement s’interdisait toute mesure restrictive. Mais sa mission, c’est de contrôler l’argent public ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Madame la Première ministre, vous avez fait adopter la réforme des retraites en tordant l’esprit de notre Constitution. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour une réforme à tout prix, vous avez utilisé un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, c’est-à-dire l’article 47-1 de la Constitution, puis l’article 44.3 pour éviter un 49.3 par lequel, malgré tout, vous avez fini ! (Marques de lassitude sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Cette méthode fait fi de l’expression démocratique et de ce qu’ont exprimé les électeurs dans les urnes pour éviter le pire. Ils espéraient que le Président de la République saurait en tenir compte. Or, en retour, après onze journées de très forte mobilisation dans une grande responsabilité intersyndicale, il reste sourd.
Comme lui, votre gouvernement prend une attitude arrogante. Votre autosatisfaction montre combien vous êtes déconnectée des réalités que vivent nos concitoyens.
Vous méprisez l’intersyndicale, qui est unie contre cette réforme.
Vous méprisez l’opposition parlementaire, notamment au Sénat, en utilisant tous les artifices, afin de brider le débat.
Vous méprisez les millions de Françaises et de Français qui manifestent leur opposition depuis des mois dans la rue, et cela malgré l’inflation qui grève le budget de leur famille.
Face à la colère qui s’exprime, vous restez insensible aux revendications légitimes. Ainsi, vous affaiblissez nos institutions, notre démocratie et notre modèle social. Cette réforme laissera des séquelles profondes dans notre pays.
Ces dernières semaines, vous avez usé de tous les stratagèmes, jusqu’aux magazines people, pour faire diversion et tenter de tourner la page de cette séquence. Mais les Français ne sont pas dupes : ils n’oublieront pas. Votre réforme est inutile et injuste, c’est une régression sociale. Madame la Première ministre, vous êtes dans l’impasse.
Comment entendez-vous gouverner après avoir méprisé à ce point les corps intermédiaires ? Comment entendez-vous apaiser les tensions et renouer le dialogue social ? Je ne vois qu’une issue : le retrait de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, il m’est arrivé de me trouver dans des situations plus confortables pour répondre à une question d’un sénateur ou d’une sénatrice, puisque nous siégions tous deux comme députés au sein du groupe socialiste de l’Assemblée nationale en 2014 (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), et il me déplairait de vous être désagréable.
En effet, lorsqu’il a fallu réformer les retraites en 2014, j’étais là, comme vous, pour voter la réforme. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Je voudrais reprendre les mots que vous utilisiez alors dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, où il se trouve que nous étions intervenus l’un après l’autre : « Nous avons besoin d’une réforme responsable qui tient compte de la réalité que constitue l’allongement de l’espérance de vie. » (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Depuis dix ans, madame la sénatrice, l’espérance de vie s’est encore allongée et l’équilibre du système des retraites – un principe que vous souteniez à l’époque comme une valeur de gauche ! – est aujourd’hui en danger.
De la même manière que, il y a dix ans, nous avons vous et moi voté l’allongement de la durée de cotisation à 43 années, aujourd’hui, nous assumons nos responsabilités (Brouhaha sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.), en prenant les décisions qui conviennent pour que les générations futures puissent, elles aussi, disposer d’un système de retraite par répartition équilibré.
Mme Laurence Rossignol. Vous pouvez continuer, cela ne marche pas !
M. Olivier Véran, ministre délégué. On peut se jeter à la figure tous les mots fleuris qui existent, on peut mettre en avant toutes les arguties juridiques ou légistiques, le fait est, madame la sénatrice, que vous ne faisiez pas partie des frondeurs à l’époque ! (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
Vous avez voté comme moi et vous vous emportiez avec moi contre celles et ceux qui bloquaient – vous savez donc ce que c’est de bloquer le Parlement ! – et qui, parce qu’ils étaient en désaccord sur le fond, voulaient empêcher le débat de se tenir.
Je suis sûr que, au fond de vous-même, madame la sénatrice, vous pouvez vous retrouver avec nous sur une ligne responsable. Vous pouvez reconnaître que ce sont les conditions du débat qui nous ont conduits à recourir au 49.3 pour terminer ce chemin démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
quatrième année de spécialité de médecine générale
M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Monsieur le ministre, ce n’est malheureusement plus à démontrer : les zones blanches médicales concernent tous les territoires, et les aides financières ponctuelles ne permettent pas, à elles seules, d’attirer les jeunes médecins.
Le Sénat a adopté l’an dernier une proposition de loi de Bruno Retailleau visant à créer une année de professionnalisation en fin de cursus pour les internes en médecine générale.
Ce dispositif prévoyait que les étudiants en médecine générale effectuent une quatrième année d’internat sous la forme d’un stage en pratique ambulatoire dans les zones caractérisées par des difficultés d’accès aux soins. Chaque année, près de 4 000 internes auraient ainsi été déployés dans les zones sous-dotées.
L’article 37 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit un dispositif analogue. Les étudiants resteraient dans la région où ils ont suivi leurs études et bénéficieraient d’une rémunération adaptée.
Monsieur le ministre, vous avez confié à des personnalités qualifiées une mission sur la refonte du troisième cycle de médecine générale. Pouvez-vous nous faire part de leurs conclusions et nous préciser la date d’entrée en vigueur de l’article 37 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Delmont-Koropoulis, comme s’y est engagé le Président de la République, nous mettons en place, à compter de la rentrée prochaine, une quatrième année de spécialité de médecine générale.
C’est une mesure qui fait consensus – vous avez rappelé l’adoption par le Sénat de la proposition de loi déposée par Bruno Retailleau – et qui a deux objectifs principaux.
Tout d’abord, il s’agit d’améliorer la formation de nos futurs médecins généralistes. La médecine générale était la seule spécialité sans quatrième année d’autonomie supervisée, alors que celle-ci permet de mieux former les futurs médecins, particulièrement dans des spécialités que les internes en médecine générale demandent souvent, comme la pédiatrie et la gynéco-obstétrique.
Ensuite, cette quatrième année facilitera l’installation de ces futurs médecins généralistes, en les déployant prioritairement dans les territoires sous-denses – c’était l’un des objectifs du Sénat – et en leur permettant de passer plus vite leur thèse de doctorat en médecine.
Pour accéder à cette quatrième année, ils devront en effet avoir passé leur thèse ; nous n’aurons donc plus d’étudiants qui ne peuvent pas s’installer à la sortie de leurs études, parfois durant plusieurs années, parce qu’ils doivent encore passer leur thèse.
En ce qui concerne la mission que j’ai confiée à quatre personnalités qualifiées – deux professeurs de médecine générale, un doyen et une interne –, leurs conclusions me seront rendues dans les jours qui viennent. La question principale, vous en avez parlé, est celle de la rémunération : elle devra être adaptée à cet exercice particulier de docteur junior en libéral, et non en centre hospitalier.
Bien entendu, dès que les conclusions de cette mission me seront remises, je serai à votre disposition pour vous les présenter et en débattre.
Cette mesure permettra d’améliorer la formation des médecins généralistes et de faciliter leur installation. Nous contribuerons ainsi à répondre à la problématique de l’inégalité d’accès territorial à la santé.
M. Alain Richard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
Je voudrais toutefois vous rappeler que, sur l’initiative du Sénat, la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé prévoyait l’obligation pour les étudiants de troisième cycle de médecine générale d’effectuer un stage d’au moins six mois en médecine ambulatoire.
Cette mesure n’a jamais été mise en place. Tout en regrettant le temps perdu, nous nous réjouissons que le Sénat ait enfin été entendu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
contamination de l’eau potable
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Après un premier rapport en 2009, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) vient de faire le point sur la situation de la pollution par le chlordécone aux Antilles. En effet, bien que son usage soit interdit depuis trente ans, cette molécule persiste dans les sols et les eaux, contaminant les légumes racines, les animaux, les poissons et par conséquent les hommes, par le biais de l’alimentation.
Si le rapport évoque le progrès des connaissances scientifiques et médicales, il dresse un constat, que certains qualifient de sévère, sur une certaine inefficacité des plans Chlordécone qui se sont succédé, inefficacité qui explique le sentiment de défiance et de colère des Antillais.
Sa conclusion est, hélas, d’actualité : ce qui est arrivé aux Antilles doit servir de modèle à l’État pour gérer les pollutions que nous ne manquerons pas de découvrir ; une vision à long terme s’appuyant sur la recherche et associant tous les acteurs est dorénavant nécessaire.
La question de la pollution des eaux signalée récemment par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été évoquée il y a quelques minutes par deux collègues. Cette pollution concerne une molécule qui, tout comme le chlordécone, est interdite, mais persistante dans le temps.
Monsieur le ministre, ma question est simple. Avez-vous mis au point une stratégie permettant de faire face à ces contaminations, une stratégie qui soit réfléchie et qui englobe les aspects sanitaires, économiques, environnementaux et sociaux ? Comment comptez-vous associer et informer clairement la population pour éviter le contre-modèle du chlordécone ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, vous évoquez à raison le rapport qui a été publié le mois dernier par le Sénat, dont vous êtes l’auteure et qui souligne en conclusion que la gestion du chlordécone entre 1973 et 1993 aux Antilles et, surtout, les conséquences de l’utilisation de ce produit doivent nous servir de boussole et de guide.
Vous conviendrez que, en quelques semaines seulement, nous n’avons pu tirer tous les enseignements de votre rapport – je le dis avec beaucoup d’humilité –, notamment pour les autres situations du même type : un produit interdit, mais une pollution persistante.
Dans votre rapport, vous pointez du doigt les impacts sur la santé, les dégâts du manque de transparence et la nécessité de la prévention et de l’anticipation.
En ce qui concerne la transparence, je vous rappelle que, depuis un peu plus de deux ans, un site internet, InfoSols, certes méconnu de la plupart de nos concitoyens, géré par le ministère de la transition écologique, recense toutes les pollutions existantes. Et il est mis à jour de manière régulière.
Les secteurs d’information sur les sols (SIS), qui sont adossés aux parcelles, permettent déjà à des personnes acquérant une propriété de mesurer toutes les pollutions recensées sur le site.
Par ailleurs, la Commission européenne prépare en ce moment même, avec le soutien de la France, une proposition de directive sur la santé des sols.
Nous avons rendez-vous dans quelques jours pour un cas pratique : les polluants éternels per- et polyfluoroalkylés, dits PFAS. Vendredi prochain, je rendrai public le rapport commandé à l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), qui fait le point sur la réalité de cette pollution présentant une difficulté particulière : ces polluants sont extrêmement persistants.
Un plan d’action dévoilé en janvier dernier par mon ministère a mis l’accent sur la nécessité de connaître l’existant, de recenser et d’améliorer les informations ou encore de mesurer les endroits où il y a potentiellement des problèmes pour la santé.
Là aussi, une action européenne est en préparation avec d’autres pays. En effet, chacun comprend les limites d’une réglementation ou d’une action mises en place par un seul pays, puisque les molécules franchissent évidemment nos frontières au travers de produits agricoles ou industriels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Je vous remercie, monsieur le ministre. J’ai pris connaissance de votre plan d’action sur les PFAS, mais il donne la priorité au préventif sur le curatif.
Or, parmi les défauts que nous avons mis en avant dans la gestion du dossier du chlordécone, nous avons souligné un déficit dans les recherches. Les efforts en la matière ne commencent que maintenant, alors que des plans sont régulièrement élaborés depuis presque vingt ans.
Vous citez InfoSols, mais nous dénonçons justement dans notre rapport le fait que, aux Antilles, les terres cultivables n’ont pas toutes été analysées, ce qui ôte beaucoup d’efficacité à cette base de données.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Catherine Procaccia. Nous avons besoin d’une vision d’ensemble tournée vers l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 3 mai 2023, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Nos collègues Jean-Pierre Corbisez et Nathalie Delattre souhaitent rectifier leur vote sur le scrutin n° 270 portant sur les amendements identiques tendant à supprimer l’article 11 de la proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité.
Jean-Pierre Corbisez souhaitait voter pour, tandis que Nathalie Delattre souhaitait voter contre.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Lors du scrutin n° 269 sur l’article 1er de la proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité, Daphné Ract-Madoux souhaitait voter contre.
Lors du scrutin n° 271 sur l’ensemble de la proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité, Daphné Ract-Madoux et Brigitte Devésa souhaitaient voter contre.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
4
Impacts économique, social et politique de l’intelligence artificielle générative
Débat d’actualité
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat d’actualité sur le thème : « Impacts économique, social et politique de l’intelligence artificielle générative ».
Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.
Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.
Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle.
Dans le débat, la parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe Union Centriste, qui a proposé à M. le président du Sénat d’inscrire ce débat à notre ordre du jour.
Il me revient d’ouvrir le bal, si j’ose dire, sans introduction préalable par le Gouvernement ou par un rapporteur, sur un sujet à la fois important et particulièrement complexe : l’intelligence artificielle (IA) générative.
Je voudrais dire en préambule que nous devrions en parler au pluriel, puisqu’il existe plusieurs types d’IA générative. Cette dernière est en fait un sous-ensemble de ce que l’on appelle « l’apprentissage profond », lui-même un sous-ensemble de ce que l’on appelle « l’apprentissage machine ».
L’IA générative est fondée sur des systèmes neuronaux artificiels, un concept qui a été créé au sein d’universités américaines dans les années 1940, mais qui n’a trouvé des applications concrètes et des débouchés que ces dernières années, avec le développement des capacités de calcul et de stockage des données.
C’est un sujet hautement complexe, car expliquer ce qu’est un système neuronal artificiel n’est pas chose aisée. L’idée est de copier le modèle de fonctionnement du cerveau humain. Quand votre œil enregistre une donnée, il la transfère à travers le nerf optique au cerveau, et celui-ci l’analyse.
Je vais prendre un exemple. Nous sommes le matin, vous venez de vous réveiller, vous avez un discours à écrire pour une discussion générale et vous ne voulez qu’une chose : boire un café.
L’image que l’œil va envoyer à votre cerveau est celle de la cuisine et de la porte ouverte du placard. Vous savez que les tasses se situent à tel endroit et que, par chance, vous avez vidé le lave-vaisselle : vous êtes donc à peu près sûr de trouver une tasse pour votre café.
Il existe aussi une mémoire d’alerte qui vous rappelle que, la dernière fois, vous vous êtes pris la porte du placard dans le visage.
Ainsi, le cerveau réalise un traitement complexe de toutes ces informations, et pas seulement de la donnée de base transmise à un moment donné par le nerf optique, en intégrant tout dans un environnement de synapses et de neurones qui vous permettra de vous guider jusqu’à la fameuse tasse. Ce système est donc particulièrement riche et performant.
La particularité des IA génératives est de s’appuyer non pas sur un seul algorithme, mais sur un ensemble complexe d’algorithmes qui échangent – c’est ce que permettent les progrès des dernières années.
Sans entrer dans les détails, certaines IA sont qualifiées d’« adversorielles » – elles mettent en concurrence deux systèmes de réseaux neuronaux qui se transmettent des informations et s’enrichissent l’un l’autre –, d’autres de « probabilistes » – le niveau de détail et d’information est alors plus élevé.
En tout cas, nous vivons aujourd’hui une véritable révolution, qui touche la production de contenus et d’images comme les processus de décision.
Comme je n’étais pas très réveillé ce matin, j’ai demandé à une intelligence artificielle de préparer mon discours sur les impacts économique, social et politique de l’IA générative. Le résultat est sympathique, mais il est extrêmement plat et descriptif. Il ne contient pas d’éléments complètement faux, mais il est incapable d’évaluer véritablement ses impacts. La marge de progression reste donc particulièrement importante.
Pour autant, nous devons nous intéresser aux conséquences du développement des IA. J’ai eu la chance de travailler récemment, avec Catherine Morin-Desailly et Cyril Pellevat, sur le projet de législation européenne destiné à encadrer l’intelligence artificielle. Nous avons retenu deux idées fortes : il faut à la fois préserver les libertés, les responsabilités et l’éthique, dans un cadre européen, et permettre le développement et l’innovation en matière d’IA.
Nous sommes tous affolés aujourd’hui par le succès de ChatGPT : diffusé en novembre dernier, celui-ci a atteint plus de cent millions de téléchargements en seulement deux mois. Le précédent record était détenu par TikTok, qui avait atteint le même nombre de téléchargements en neuf mois.
C’est donc bien un incroyable succès, qui transforme, par exemple dans le secteur de l’éducation, notre manière d’enseigner ou de valider les travaux. Le numérique n’est pas uniquement négatif ; il faut aussi considérer ses aspects positifs. Par exemple, le plagiat dans le monde universitaire a été en grande partie éradiqué par un logiciel ad hoc.
Pour conclure, nous devons prendre en compte les apports, mais aussi les risques et les dangers de l’IA générative – nous ne les mesurons certainement pas tous. Nous devons apprendre à utiliser ce nouvel outil. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais simplement, en cet instant, saluer l’initiative prise par le Sénat d’inscrire à son ordre du jour ce débat d’actualité sur l’impact économique, social et politique de l’intelligence artificielle.
Je salue également l’introduction qu’André Gattolin, révélant son expertise sur le sujet, vient de réaliser.
Je salue enfin le rapport d’information publié récemment par la commission des affaires européennes du Sénat sur la proposition de législation européenne relative à l’intelligence artificielle, dont M. Gattolin est l’un des auteurs.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l’intelligence artificielle générative, une technologie capable de créer de nouveaux contenus, écrits ou images, recèle un fort potentiel, et ses impacts sociaux sont multiples.
« Dans le champ économique, l’intelligence artificielle générative, en permettant l’automatisation de certaines tâches répétitives et sans grande valeur ajoutée, accroît l’efficacité du travail et donc sa rentabilité. En créant de nouveaux produits ou services basés sur cette technologie, elle est potentiellement créatrice d’emplois.
« Toutes ces potentialités peuvent néanmoins être disruptives pour notre modèle économique actuel. En générant un risque de destruction d’emplois ou en limitant la nécessité d’acquérir de nouveaux savoirs, l’intelligence artificielle générative obligera plusieurs secteurs industriels à s’adapter pour demeurer compétitifs.
« Les risques politiques et éthiques existent aussi pour nos valeurs démocratiques, notamment par la génération de faux contenus, qu’ils soient écrits, visuels ou sonores, qui viendraient nourrir propagandes diverses et désinformation. Les répercussions sur les processus électoraux sont possibles. À mesure que les intelligences artificielles génératives se perfectionneront, il deviendra de plus en plus difficile de distinguer le vrai du faux. »
Ce que vous venez d’entendre, mes chers collègues, ce n’est pas un discours rédigé exclusivement par mes soins ou par ceux de ma collaboratrice. Ce début d’intervention a été généré à près de 95 % par l’application ChatGPT.
Monsieur le ministre, vous avez qualifié ChatGPT de « perroquet approximatif ». Utilisé dans le contexte précis d’une intervention dans l’hémicycle, le trouvez-vous convaincant ou maintenez-vous votre jugement ?
« Distinguer le vrai du faux », « création d’emplois » et « potentiel disruptif », etc. En une minute, je pense que vous avez pu relever les principaux apports et risques de l’intelligence artificielle générative, limites et promesses dont la machine elle-même semble parfaitement consciente.
Vous constatez également la nécessité qui est la nôtre de les identifier pour combler le vide juridique entourant le développement de cette technologie, dont on ne peut nier le potentiel de fascination et qui évolue à une vitesse sidérante.
Comme toute innovation majeure dans l’histoire de l’humanité, les intelligences artificielles génératives font planer le spectre de destructions d’emplois, d’un remplacement de la force humaine par l’agilité de la machine et d’une forme de simplification de l’organisation du travail par la suppression du facteur humain.
On oublie seulement de dire que les nouvelles technologies, quelles qu’elles soient, créent souvent davantage d’emplois qu’elles n’en détruisent. Par ailleurs, leur développement ne signifie pas systématiquement un abandon des savoir-faire antérieurs. L’intelligence artificielle peut au contraire permettre la création et l’acquisition de nouvelles compétences.
Le secteur qui sera le plus directement affecté par leur développement sera sans surprise celui de l’informatique. Cela induira nécessairement une adaptation et, par là même, une expertise plus poussée de la part des ingénieurs, ainsi que la création de nouveaux métiers attractifs.
L’une des principales craintes généralement partagées face à un tel potentiel est aussi de voir l’humain dépassé par sa créature.
Toutefois, cette source d’intelligence repose encore et toujours sur l’humain, tandis que les intelligences artificielles génératives ne demeurent, en tout cas en 2023, que des fabriques d’illusions. En dépit de leur qualité, le contenu proposé ne se fonde que sur des corrélations statistiques, un volume de données certes exponentiel, mais toujours limité. Sans l’humain, point de machine, pour l’instant !
Ces inventions posent néanmoins de réelles questions éthiques et philosophiques. Comme toutes les technologies qui les ont précédées, par exemple internet, elles sont un pharmakon, à la fois poison et remède selon l’usage que l’on en fait.
Bien sûr, entre de mauvaises mains, ces outils sont dangereux, parce qu’ils sont hautement capables de tromper notre vigilance ou d’être utilisés pour défendre des intérêts particuliers. Mais cette créature-là ne nous échappera que si nous ne nous posons pas les bonnes questions et si nous n’anticipons pas ses effets pervers.
Les mêmes interrogations relatives à la régulation, aux normes et à une éventuelle gouvernance mondiale se posent aujourd’hui pour l’intelligence artificielle, comme elles se posent depuis plus de vingt-cinq ans face à l’essor d’internet. Force est de constater que nous avons appris en marchant. Il pouvait difficilement en être autrement, faute de précédent.
Toutefois, nous disposons aujourd’hui de cette expérience, d’un corpus de réflexions, de normes et d’une jurisprudence – tout cela peut nous guider. Il nous faut nous servir de ce savoir empirique.
Une difficulté demeure cependant : face à une technologie par nature dynamique, qui progresse sans cesse, le risque de caducité rapide des normes définies à un moment précis est réel. Il nous faut donc être plus rapides que la machine. Et c’est là, je pense, que se situe l’aspect le plus positif de cette technologie novatrice : en nous débarrassant du superflu, elle peut aussi nous permettre de nous concentrer sur l’essentiel. En vérité, elle nous lance un défi : elle nous invite à un regain d’intelligence.
Si l’IA générative peut nous affranchir de certaines tâches répétitives, doit-elle fatalement nous rendre intellectuellement paresseux ? C’est à l’humain de montrer qu’aucune machine ne peut surpasser son intelligence, son jugement, son esprit critique et sa remarquable capacité d’adaptation.
« Qu’ils soient positifs ou négatifs, les impacts sociaux et économiques de l’intelligence artificielle générative doivent être évalués. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion éthique, afin que cette technique puisse être utilisée au bénéfice de l’intérêt général. »
Cette conclusion, mes chers collègues, m’a été proposée par l’application ChatGPT… Je vous laisse apprécier sa pertinence ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révolution numérique a suscité un véritable bouleversement du monde du travail, opérant une transformation en profondeur de notre modèle économique et des métiers qui en constituent l’architecture.
Il est estimé qu’environ la moitié des métiers que les jeunes écoliers d’aujourd’hui exerceront demain n’existent pas encore. Si les potentialités de ce capitalisme numérique sont présentées comme assurément immenses, une telle numérisation du monde, au vu de l’orientation qu’elle a prise, alimente la crainte d’une déshumanisation de la société et d’une robotisation généralisée.
Nous sommes aujourd’hui dans un système où l’utilisateur est poussé par un ensemble de plateformes et de systèmes algorithmiques à générer toujours plus de données, au service finalement d’annonceurs, de publicitaires et de producteurs d’intelligence artificielle. Ces gigantesques masses de données numériques sont valorisées dans ce big data et exploitées au profit des algorithmes d’intelligence artificielle.
Or ce système, mes chers collègues, c’est celui de l’intensification de l’exploitation et de l’aliénation des travailleurs.
J’en veux pour preuve l’enquête du magazine Time, qui a révélé que l’entreprise OpenAI employait des travailleurs kenyans, rémunérés moins de deux dollars de l’heure, pour indexer d’immenses quantités de contenus toxiques circulant sur internet et ainsi nettoyer les données d’entraînement de ChatGPT.
Parce que « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », comme disait Albert Camus, il convient de rappeler que l’intelligence artificielle n’est ni artificielle ni intelligente. Considérer le logiciel ChatGPT comme intelligent, c’est se tromper lourdement sur la nature de notre débat et sur ses enjeux écologiques, politiques et sociaux.
ChatGPT n’est pas simplement un automate computationnel. Il implique l’exploitation des ressources minérales – terres rares – et humaines nécessaires à sa production et à son fonctionnement. Il dépend du travail gratuit des millions d’utilisateurs dont les requêtes améliorent l’algorithme. Par ces « micro-tâches », rémunérées moins de 2 euros de l’heure, on s’affranchit du salariat et on précarise, à l’heure actuelle, des centaines de milliers de personnes à travers le monde, selon les travaux d’Antonio Casilli.
Comme toute révolution technologique, la révolution numérique est au cœur d’un affrontement de classes ; l’industrie du numérique a pour seule obsession de casser le coût du travail, en espérant substituer du capital mort au capital vivant.
Pourtant, cette révolution numérique pourrait créer de nouveaux métiers, augmenter les besoins en formation initiale et professionnelle et offrir la possibilité de réduire le temps de travail pour gagner du temps libre.
Néanmoins, l’orientation choisie par l’industrie du numérique, avec la collaboration aveugle de nos gouvernants, est manifeste : il s’agit d’exercer une pression sur les salaires et sur l’emploi, en captant la valeur, plutôt que d’améliorer l’efficacité sociale du travail. Il s’agit aussi de transformer en plateformes nos services publics et administratifs, créant de facto davantage d’insécurité sociale.
Cette industrie est dominée, à l’exception de la Chine, par une poignée de firmes américaines concentrant des capitalisations boursières démesurées et motivées par une visée politique mondiale, celle d’un capitalisme à son paroxysme, où l’on peut s’arroger certaines prérogatives étatiques en toute impunité.
Face à cela, la France et l’Union européenne ont joué le jeu de la big tech en reléguant le choix de l’outil numérique ou d’un prestataire technique à une logique utilitariste, sans prendre en compte les aspects politiques et stratégiques.
Il est impératif de reprendre la main sur notre destin et de choisir la société dans laquelle nous voulons vivre demain. Nous devons nous réapproprier collectivement nos données sous forme de communs, en exigeant la transparence et la lisibilité des algorithmes participant à l’apprentissage automatique.
Cet espoir de transition numérique, je le place aussi dans notre jeunesse, dans ce nombre considérable de jeunes adultes qui ne supportent plus de faire des « jobs à la con » – entendez par là, mes chers collègues, un travail auquel on ne trouve pas de sens, qui prive d’une réelle protection sociale et dans lequel règne une hiérarchie autre que celle de la compétence.
Parmi ces jeunes, nombreux sont ceux qui veulent créer et entreprendre, mais pas forcément en fondant une start-up pour la revendre au plus offrant et faire fortune. Leur objectif est plutôt d’entretenir et de rendre accessibles, via un réseau numérique, des communs mondiaux d’innovation partagée.
Cette jeunesse pense nouveaux modes de production, coopératives, économie sociale et solidaire, économie circulaire, lutte contre l’obsolescence programmée et mise en commun !
Ces nouveaux terrains de la lutte de classe, où l’on prépare une alternative au monde numérique capitalistique tel qu’il est conçu aujourd’hui, on les retrouve dans les ateliers coopératifs de fabrication et de création numériques, au sein des communautés de développement de logiciels libres, mais aussi dans les plateformes numériques coopératives. Ces tiers lieux préfigurent une possible République des communs.
Oui, mes chers collègues, cette révolution numérique, à l’œuvre depuis des années déjà, nous place au pied du mur du dépassement de la condition salariale. Mais aujourd’hui, nous devons choisir : est-ce pour aller vers une société d’« entrepreneurs de soi-même », sur le modèle des chauffeurs Uber esclaves du diktat du marché, ou est-ce pour construire la société de libres producteurs associés que Marx, d’ailleurs, appelait de ses vœux ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement exponentiel de la technologie signifie-t-il la fin programmée de l’humanité, telle que nous la connaissons ?
Sans être aussi pessimiste, on peut être inquiet des menaces que l’intelligence artificielle générative fait peser, avec l’automatisation croissante, sur l’emploi dans tous les secteurs, sur l’éducation et la création, ainsi que sur nos modèles sociaux, politiques et démocratiques, notamment par de possibles abus en matière de désinformation, de manipulation des opinions ou de contrôle des individus.
Si la presse se fait, jour après jour, l’écho des nouvelles prouesses de ChatGPT, des pays comme l’Italie ou le Canada l’ont interdit, tout comme d’autres ont banni TikTok.
Faut-il mettre en pause la recherche sur l’intelligence artificielle, comme l’ont demandé Elon Musk et un millier de scientifiques ? Peut-être, mais ne soyons pas dupes : au-delà des considérations éthiques, il y a là pour le dirigeant de SpaceX et de Twitter une occasion de régler ses comptes avec OpenAI dans la course effrénée à laquelle se livrent les entreprises pour la captation du marché.
Faut-il de la régulation et une intervention des pouvoirs publics pour mieux encadrer ces futures applications ? Assurément. Je le demande depuis dix ans, rapport après rapport, car je mesure la puissance transformatrice des nouvelles technologies, mais aussi leurs effets incertains et potentiellement dangereux sur la mise en réseau du monde.
En matière de régulation, après le règlement général sur la protection des données (RGPD), l’Europe légifère de nouveau, avec le Digital Markets Act (DMA), le Digital Services Act (DSA), puis la proposition de règlement sur l’intelligence artificielle en cours d’examen.
Rapporteure de ce dernier texte pour notre commission des affaires européennes, avec André Gattolin, Cyril Pellevat et Elsa Schalck, et coauteure à ce titre d’une proposition de résolution européenne, je veux en souligner le caractère précurseur, l’Europe étant la première à se doter d’un cadre juridique en la matière.
Cependant, si son approche par le risque est pertinente, cette proposition de règlement ne résout pas, hélas, les questions éthiques que posent les algorithmes gourmands de nos données et les modèles économiques qui les sous-tendent.
Comme je le réclamais pour le DSA, il faut exiger la transparence absolue, des audits indépendants et, tant avant la mise sur le marché d’une application ou d’un logiciel que tout au long de leur cycle de vie, une évaluation des possibles effets dangereux, en somme un safety by design.
Je n’ai pas le temps d’évoquer en détail à cette tribune les mesures que nous avons suggérées pour hisser la proposition de règlement à un haut niveau de protection et pallier certaines lacunes. Nous avons pris en considération, comme l’a rappelé André Gattolin, les risques de l’intelligence artificielle, mais également les progrès fulgurants qu’elle rend possibles. Elle n’est en effet ni positive ni négative : en réalité, sa valeur dépend intrinsèquement de l’usage qui en est fait.
L’intelligence artificielle peut nous aider à résoudre des questions environnementales, de santé, de productivité, toutes questions stratégiques ; d’où la nécessité, pour l’Europe, de soutenir l’innovation !
Or par manque de stratégie industrielle ces dernières années, l’Europe a été largement distancée par les États-Unis et la Chine, car ces États ont massivement investi dans la recherche et le développement de leurs propres entreprises, qui dominent aujourd’hui le monde.
Si l’Europe ne veut pas totalement disparaître de la carte des technologies de demain, monsieur le ministre, elle doit se réveiller et sortir de ces dépendances dangereuses.
Avec l’Inflation Reduction Act, les États-Unis vont investir près de 348 milliards de dollars. On en est loin en Europe ! Il nous faut pourtant un minimum d’investissements dans l’intelligence artificielle, dans le cloud et dans les réseaux, ce qui n’est pas vraiment prévu dans la boussole numérique pour 2030, qui est censée constituer le plan d’action de l’Union en la matière.
Il faut donc une réglementation exigeante, mais aussi une formation et une information de tous, pour ne pas se laisser dominer par une élite technologique seule capable de décider de notre avenir, ainsi qu’un investissement dans la recherche et un soutien assumé à notre écosystème européen, grâce à un Buy European Act : tel est le triptyque pour lequel je ne cesse de plaider.
La maîtrise des technologies les plus avancées est devenue un enjeu géopolitique. Cette approche n’est donc pas du protectionnisme ; c’est la seule manière de promouvoir un monde fondé sur nos valeurs fondamentales, un monde qui n’exprime ni le modèle business above all de la big tech – le profit avant la sécurité – ni le modèle du contrôle social par le parti communiste chinois.
L’Europe doit aussi peser dans les instances mondiales où s’élaborent les protocoles et les standards. Elle doit peser, monsieur le ministre, dans l’élaboration du Pacte numérique mondial proposé par les Nations unies pour 2024.
Ce cadre d’engagement universel, au sujet duquel j’ai défendu, au nom de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), un rapport devant l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), doit absolument comprendre des mesures claires en faveur d’une intelligence artificielle qui soit au service de l’humain, fiable et éthique. Il y a là un enjeu de civilisation. (Mme Sylvie Robert et M. André Gattolin applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. L’avenir, la liberté et la souveraineté : voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les défis majeurs que suscite l’essor de l’intelligence artificielle générative.
À l’heure où 100 millions de personnes ont les yeux rivés sur leur écran pour admirer les prouesses aussi extraordinaires qu’effrayantes du robot ChatGPT, la société semble programmée pour une forme d’obsolescence de ses modes de production et d’éducation.
Monsieur le ministre, vous avez qualifié l’intelligence artificielle générative, de façon assez légère et péremptoire, de « perroquet approximatif »… Je crois que vous n’avez pas pris la mesure de la révolution en cours.
Les balbutiements de cette technologie – car nous n’en sommes qu’aux balbutiements – dépassent déjà les performances de tous les outils que nous connaissions jusqu’ici. Les équilibres économiques du monde vont être bouleversés, et Google pourrait être remisé au rang de curiosité du passé.
Alors que la parole publique et les fonctions électives sont plus que jamais remises en question dans notre pays, le peuple va chercher les réponses à ses questions auprès d’algorithmes pré-entraînés dont la capacité stupéfiante à singer l’intelligence humaine crée les conditions d’une dystopie nouvelle.
Les craintes que nous éprouvons, mais aussi les chances que nous entrevoyons avec une telle technologie ne font que rappeler l’intrusion du numérique dans nos vies depuis de nombreuses années.
Nous assistons à l’extension de l’ubérisation au domaine de la pensée. Cela pose la question de la liberté et du rapport à la réalité. Créées dans la Silicon Valley, ces technologies diffusent un conformisme idéologique fidèle au progressisme de ses concepteurs et aux références anglo-saxonnes. C’est donc l’esprit critique et notre souveraineté qui sont menacés.
L’intelligence artificielle générative représente aussi une occasion de développer le secteur de la santé et de refondre l’éducation nationale en un système d’instruction tourné vers l’innovation et l’ingénierie. Le monde accélère. Monsieur le ministre, il faudrait vous mettre, ou vous remettre, en marche ! (Sourires.)
Aussi, qu’avez-vous prévu pour promouvoir le développement des entreprises françaises dans ce domaine et réfléchir aux limites éthiques que nous devons mettre en place pour empêcher l’effondrement de notre pays et assurer notre compétitivité ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de ChatGPT à Midjourney en passant par DeepMind, l’intelligence artificielle a franchi des étapes inimaginables il y a encore quelques années, une évolution qui suscite à la fois intérêt et inquiétudes.
Intérêt, car l’intelligence artificielle dite « générative » – celle qui nous intéresse aujourd’hui – est une nouvelle révolution industrielle, porteuse d’innovations à venir tant pour les biens que pour les services.
Inquiétudes, car son mode de fonctionnement est de prendre ses propres décisions indépendamment de l’homme. Dit ainsi, cela peut faire peur. À force de progrès, dans quel univers allons-nous basculer ? Sera-ce celui dépeint par Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes, où technologie et humanité se fondent ?
Nous n’en sommes pas là, heureusement, mais n’attendons pas que certains des enjeux de l’intelligence artificielle soient hors de contrôle. Au moment où nous parlons, je ne pense pas que la question soit encore celle de savoir si cette technologie est souhaitable ou non. Elle est déjà à l’œuvre, et les investisseurs s’y engouffrent avec allégresse. Par conséquent, nous en sommes plutôt à savoir comment l’encadrer, afin de ne pas la subir.
L’éthique est un des premiers enjeux de l’intelligence artificielle générative. Par exemple, doit-on permettre ses usages pour des prescriptions médicales, des fonctions d’encadrement du travail, ou encore des programmes de surveillance ? Ce dernier point me conduit à celui de la protection des données personnelles.
Tout d’abord, on doit se réjouir que deux plaintes aient été récemment déposées en France auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la Cnil, par deux spécialistes de la protection des données personnelles.
Ensuite, faisons confiance à l’Union européenne, qui travaille aussi sur ce sujet au travers de l’Artificial Intelligence Act.
Bien entendu, on sait que la mise en place d’un cadre réglementaire va prendre du temps, alors que le caractère exponentiel de cette technologie lui est presque intrinsèque. L’Italie a purement et simplement interdit ChatGPT. Quelle est aujourd’hui votre position, monsieur le ministre, sur le principe d’un moratoire ?
À une autre échelle que celle des pays, on observe également que des institutions se mobilisent. Je pense par exemple à l’interdiction par Sciences Po d’utiliser le robot conversationnel d’OpenAI en dehors d’un encadrement pédagogique.
En effet, l’une des grandes craintes suscitées par cette technologie est l’appauvrissement des cerveaux, dans la mesure où l’intelligence artificielle générative inviterait à la paresse de l’esprit critique et de l’effort de construction intellectuelle. Une vaste réflexion menée au sein de l’éducation nationale pourrait permettre d’en circonscrire l’usage, au moins durant le temps scolaire. Il faut en tout cas rapidement s’intéresser à cet enjeu.
Le RDSE, attaché à l’esprit des Lumières, souhaite que la question des sources soit également bien appréhendée vis-à-vis de cette technologie, qui peut alimenter contre-vérités et mauvaises informations. Dans nos sociétés démocratiques, le rapport à la vérité est essentiel. On le sait, il doit absolument être maîtrisé, ce qui est complexe quand on ne connaît pas le cheminement de l’intelligence artificielle générative dans la confrontation des sources.
Enfin, je n’oublie pas une autre question cruciale : l’intelligence artificielle peut-elle être une réponse à la pénurie de compétences dans certains secteurs, ou est-ce au contraire une terrible promesse de destruction d’emplois ?
Les avis des experts sont partagés. Selon certains, près de 46 % des tâches administratives et 44 % des emplois juridiques seraient susceptibles d’être automatisés. D’autres études affirment que les développements de l’intelligence artificielle créeraient de nouveaux métiers en compensation de ces pertes, ne serait-ce que pour accompagner le développement de cette technologie et ses impacts.
Au fond, la question est celle-ci : comment partager équitablement les gains de productivité ? On se demande aussi ce que cette innovation peut offrir à la société : une nouvelle organisation du travail, par exemple une semaine de quatre jours ? Il faut en tout cas se préparer à une évolution des emplois, le plus important étant d’éviter leur précarisation, cette ubérisation que l’on a pu regretter dans certains secteurs.
Aussi, monsieur le ministre, il revient à la puissance publique de s’engager fermement sur ce chantier, afin de rappeler que tout n’est pas permis à l’intelligence artificielle et que sa vocation devrait être de supprimer des tâches et non des métiers.
En attendant, le groupe RDSE ne souhaite pas verser dans la technophobie, sous réserve que l’humanisme reste la valeur centrale du progrès.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, les intelligences artificielles sont au centre de l’actualité.
Qu’il s’agisse de logiciels conversationnels tels que ChatGPT ou Eliza, de modèles de génération d’images et de vidéos, ou encore d’auto-encodeurs, pas une semaine ne passe sans que l’on mette à la une les prouesses de ces nouvelles technologies pouvant produire des contenus de manière autonome, suscitant tour à tour admiration et inquiétudes.
En réalité, la très probable révolution industrielle que représentent les intelligences artificielles s’est amorcée il y a plusieurs années déjà. Nous en utilisons chaque jour sans le savoir. Au fil des mises à jour et de la collecte toujours plus massive de données, elles ne cessent de se perfectionner.
Si elles partagent des similitudes avec les intelligences artificielles plus traditionnelles, les IA génératives soulèvent des problèmes spécifiques, notamment en matière d’éthique, de désinformation, de protection des données, ou encore de productivité et d’impact sur les emplois.
Bien que des améliorations soient encore nécessaires pour qu’elles soient utilisables à une échelle industrielle, de nombreuses études montrent que leur éventuelle généralisation aura des impacts d’une ampleur inédite depuis l’arrivée de l’ordinateur.
Ainsi, une étude menée par OpenAI, Open Research et l’université de Pennsylvanie avance que 80 % de la main-d’œuvre américaine pourraient voir au moins 10 % de leurs tâches réalisées par une intelligence artificielle générative. Pour 19 % des travailleurs, 50 % de leurs tâches pourraient être prises en charge par ces nouvelles technologies, en particulier dans les domaines des services administratifs et juridiques, du management, des services financiers, du marketing, de la communication, ou encore du graphisme et de la conception.
D’après une autre étude de la banque Goldman Sachs, 300 millions d’emplois pourraient à terme être menacés, mais la productivité au travail pourrait progresser de 1,5 point chaque année pendant dix ans, tandis que la hausse annuelle du PIB mondial pourrait atteindre 7 %, contre 2,9 % prévus pour 2023 par le FMI.
Sans qu’il puisse être affirmé que certains métiers disparaîtront inévitablement, puisqu’un gain de productivité n’entraîne pas nécessairement la disparition d’un emploi, il est certain que le marché du travail sera bouleversé.
De même, de nouveaux métiers apparaîtront et compenseront probablement le nombre de postes supprimés. Si une étude du Forum économique mondial estime que 87 millions d’emplois seront remplacés par des intelligences artificielles, elle met en exergue que celles-ci permettront la création de 95 millions d’emplois.
Bien sûr, il ne s’agit à ce stade que de prévisions ; les effets de ces technologies sur le marché du travail devront de toute évidence être suivis de près, afin que nous puissions nous adapter à des conséquences imprévues de leur usage.
En outre, si la France veut profiter pleinement des externalités positives de l’intelligence artificielle générative, il ne faut pas qu’elle loupe le coche en matière d’innovation comme de formation à ces nouveaux métiers.
Les géants de la tech sont déjà dans les starting-blocks et, malgré l’existence de certaines start-up françaises prometteuses, notre pays et, plus largement, l’Europe font bien pâle figure face aux compagnies américaines et chinoises, qui investissent des milliards de dollars dans ces technologies.
Ma première question, monsieur le ministre, porte donc sur les moyens que le Gouvernement compte mettre en œuvre, pour, d’une part, soutenir l’innovation des entreprises françaises dans le domaine de l’intelligence artificielle, et, d’autre part, favoriser la formation à ces métiers d’avenir, ainsi que la reconversion pour les travailleurs dont l’emploi deviendrait obsolète.
Abordons désormais certains aspects de l’intelligence artificielle générative qui sont autrement moins réjouissants que la hausse de la productivité et que la création de nouveaux emplois.
Il apparaît en effet que des usages malveillants de ce type d’IA, ainsi que des erreurs du programme lui-même, peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les libertés fondamentales, notamment le droit à la protection des données personnelles.
Les expériences de ces dernières semaines, voire de ces dernières années, nous prouvent que ces dangers sont réels : qu’il s’agisse du non-respect du RGPD par ChatGPT, du jeune homme poussé au suicide par le chatbot Eliza en Belgique, des images devenues virales du Président de la République et du pape, créées par intelligence artificielle, des deep fakes de personnalités publiques, du logiciel de recrutement d’Amazon qui s’est révélé discriminatoire envers les femmes, ou encore du scandale des allocations familiales aux Pays-Bas, où un algorithme d’auto-apprentissage ciblait les minorités et les accusait à tort de fraude, les exemples sont nombreux et se multiplient.
Que ces problèmes découlent d’une non-conformité du logiciel avec la réglementation, d’erreurs faites par l’intelligence artificielle ou d’usages sciemment malveillants qu’en font ses utilisateurs, il est nécessaire de trouver des solutions et de légiférer pour éviter ces effets de bord, sans pour autant interdire les intelligences artificielles génératives.
Il s’agirait en effet d’une grave erreur d’un point de vue économique, qui ferait une nouvelle fois perdre à la France du temps dans la course effrénée à l’innovation. Les entreprises développant des intelligences artificielles sont elles-mêmes en faveur de l’élaboration d’une réglementation, comme l’a récemment fait savoir OpenAI, car ce n’est qu’avec un cadre clair, assurant une sécurité juridique, que les potentialités économiques et sociétales de l’intelligence artificielle pourront pleinement se réaliser.
Le RGPD apporte un premier échelon de réponse en matière de protection des données utilisées par les intelligences artificielles, mais il n’est pas suffisant pour éviter l’ensemble des potentielles externalités négatives et peut, parfois, se révéler contre-productif en matière d’innovation, notamment parce que ce n’est qu’en traitant certaines données personnelles que les entreprises pourront lutter contre les biais de certains systèmes d’intelligence artificielle.
Des dérogations au RGPD devront donc être prévues, mais il faut qu’elles soient encadrées strictement pour nous prémunir de toute utilisation détournée de ces données sensibles, notamment à des fins commerciales.
Ces dangers réels ou prévisibles des IA et cette inadaptation du RGPD ont conduit l’Union européenne à se saisir de la question des intelligences artificielles au sens large, par le biais d’une proposition de règlement.
Avec mes collègues André Gattolin, Catherine Morin-Desailly et Elsa Schalck, dans le cadre des travaux de la commission des affaires européennes, j’ai été chargé d’élaborer une proposition de résolution européenne et un rapport relatif à ce règlement. Ce dernier est assurément un pas dans la bonne direction pour sécuriser les intelligences artificielles, mais mes corapporteurs et moi avons relevé certaines lacunes.
Faute de temps, je ne m’arrêterai pas sur chacune d’entre elles, mais je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître la position du Gouvernement sur nos propositions, ainsi que les points principaux que vous souhaitez soutenir au Conseil au sein de ce règlement.
En outre, j’insiste sur l’absolue nécessité pour la France comme pour l’UE d’engager des discussions avec les pays tiers au sein des instances internationales de normalisation, pour les inviter à adopter des réglementations similaires. En effet, si nous sommes les seuls États à imposer des normes aussi ambitieuses, cela protégera certes les citoyens européens, mais cela pourrait nous désavantager d’un point de vue concurrentiel.
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous m’indiquer si des échanges ont déjà été entamés avec d’autres pays, notamment les États-Unis et la Chine, afin de promouvoir l’élaboration de législations similaires dans ces États ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2017, le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait organisé en ces murs un débat sur le thème : « Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux ».
Au vu de l’accélération de ces technologies et des enjeux y afférents, nous avons jugé opportun de proposer de nouveau un débat sur ce thème. Je salue donc le choix collectif d’évoquer, ensemble, les défis de l’intelligence artificielle générative.
J’ai eu personnellement la chance d’assister, dans ma pratique professionnelle, au forum mondial sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu en Chine, à Wuzhen, en 2017, avec d’éminents chercheurs du monde entier, dont Yuval Noah Harari, que vous connaissez tous, mes chers collègues. J’ai cru y comprendre que la différence majeure entre l’intelligence artificielle et le cerveau humain était l’intention, apanage de ce dernier. C’est sur cet élément, me semble-t-il, que nous devons nous concentrer d’un point de vue éthique, monsieur le ministre.
Dès 2016, l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, prévenait que 9 % des emplois en France présentaient un « risque élevé de substitution » par des robots. Avec l’amélioration permanente de l’intelligence artificielle, cette proportion augmentera.
Cette vérité est à nuancer, car ces prévisions pessimistes n’évoquent que les destructions et non les nouvelles créations d’emplois. J’ai un exemple frappant de cette dynamique positive dans mon département de l’Aube, où l’entreprise familiale Gamba et Rota a investi 10 millions d’euros pour robotiser son outil logistique via l’IA, ce qui permettra d’envisager la création d’une centaine d’emplois.
Nous sommes à l’aube d’une vaste révolution de l’emploi et du rapport au travail. Cela vaut particulièrement pour les jeunes, qui sont plus que jamais en quête de sens dans leur vie professionnelle.
La dichotomie entre technophiles béats et détracteurs outranciers est bien évidemment dépassée. L’immense défi de l’intelligence artificielle nous invite, au contraire, à la nuance et à la précision, dans un univers en perpétuelle mutation.
Il s’agit d’anticiper les grandes évolutions sociétales, économiques et politiques qui en découleront. L’importance des progrès permanents entraînés par l’intelligence artificielle fait écho à l’ampleur des craintes qu’elle nous inspire.
À ces inquiétudes, il nous faut répondre avec pédagogie, pour tirer profit des perspectives positives ouvertes par cette technologie. Il nous faut aussi répondre avec lucidité, pour anticiper les changements d’ampleur qui surviendront, notamment sur le marché du travail. Il nous faut enfin répondre avec fermeté, par un cadre réglementaire solide, pour garantir à nos concitoyens une intelligence artificielle fiable et sûre.
L’Europe doit développer une approche éthique des données, avec une méthode et un cadre réglementaire propres. Cela implique de s’affranchir de la Chine et des États-Unis, qui nous imposent, depuis un certain temps, leur calendrier et leurs objectifs.
Les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – conservent leur puissance par les supports qu’ils fournissent au monde depuis tant d’années. ChatGPT est d’ailleurs financé par Microsoft. L’Europe a perdu la bataille des données personnelles ; celle des données professionnelles est en cours. Les géants y abusent de leur position dominante.
Nous devons aborder avec une grande vigilance le recours à l’intelligence artificielle, via des outils tels que ChatGPT, dans nos entreprises. Les gains de productivité espérés ne doivent pas masquer l’aspirateur à données qu’est cet outil.
La France est également pénalisée par la fuite de certains de ses cerveaux, alors même que leur formation a été assurée sur les deniers publics. Nous finançons, en partie, notre propre dépendance.
Notre pays dispose pourtant d’atouts essentiels et d’un vivier d’acteurs spécialisés. Selon l’association France Digitale, l’écosystème français rassemble 590 start-up et plus de 80 laboratoires de recherche en intelligence artificielle, ce qui nous place en pole position à l’échelle européenne.
Nous avons des compétences réelles et pointues dans certaines niches. Cela fait notre force. Nous pouvons également dynamiser ces forces grâce au droit. Nous attendons ainsi beaucoup de l’Artificial Intelligence Act. Ce cadre nouveau doit nous redonner une longueur d’avance.
Je profite de cette occasion pour saluer la mobilisation de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, sous l’impulsion duquel nous avons, en deux ans – un temps record ! – bâti une réglementation de l’intelligence artificielle dont la précision et la complétude sont inégalées.
Les prochaines années s’annoncent décisives. Il n’est pas question de se laisser distancer davantage, sous peine de rater définitivement l’occasion de rester dans la course.
Dès lors, monsieur le ministre, comment la France s’engage-t-elle pour ériger l’Europe en chef de file, tout en garantissant la sécurité et les droits des utilisateurs ? Que pensez-vous à cet égard des récentes positions de l’Italie ? Et pouvez-vous nous indiquer précisément notre feuille de route sur ce sujet, à l’échelle tant nationale qu’européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez mon appétence pour l’intelligence artificielle. J’ai d’ailleurs moi aussi tenté de rédiger mon intervention avec ChatGPT, mais j’ai trouvé le résultat décevant. (Sourires.)
En revanche, je l’avais fait il y a quelques mois pour rédiger la question d’actualité que j’avais posée au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse afin de l’alerter sur la suppression de la technologie en classe de sixième, alors même que cette matière est directement liée aux enjeux du numérique. En effet, la France a plus que jamais besoin d’une jeunesse ouverte aux sciences et aux technologies.
En tant qu’enseignante, je suis impressionnée par les résultats obtenus par le recours à l’intelligence artificielle. Les perspectives semblent sans limites, dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la logistique ou la santé.
À l’inverse, en tant que citoyenne, l’essor fulgurant de ces nouvelles technologies m’interroge : dans quel cadre les circonscrire, par quelle réglementation, pour quels objectifs et avec quelles conséquences pour notre société ?
Aussi, en tant que parlementaires, devons-nous mener un travail colossal sur ce sujet.
À cet égard, je salue les parlementaires européens, qui examinent en ce moment même l’Artificial Intelligence Act (AI Act), une proposition de règlement pour encadrer l’usage et la commercialisation des intelligences artificielles.
De même, je regarde avec intérêt la décision de l’Italie, qui vient de bloquer ChatGPT pour respecter la législation sur les données personnelles. L’interdiction n’est probablement pas la bonne solution, mais elle doit nous interroger sur les limites de cet outil.
Malgré la fascination que suscitent de telles innovations technologiques, nous devons garder les pieds sur terre et légiférer dans l’intérêt général.
Il y a dix ans, nous nourrissions de grands espoirs vis-à-vis des assistants numériques comme Siri ou Alexa ; il y a encore quelques mois, nous parlions des cryptomonnaies avec des étoiles dans les yeux. Pourtant, ces innovations n’ont fait que créer de nouveaux besoins, sans apporter de solutions concrètes.
Malgré la révolution informatique et la généralisation d’internet, la croissance de la productivité ralentit depuis trente ans. Si certains prophétisent de formidables gains de productivité et voient l’intelligence artificielle comme une poule aux œufs d’or, la réalité sera certainement tout autre.
Par ailleurs, nous devons nous interroger sur les conséquences sociales d’un développement massif de l’intelligence artificielle. Dans une récente étude, Goldman Sachs estimait que 300 millions d’emplois seraient menacés par l’essor de l’intelligence artificielle.
S’il ne sert à rien de crier au loup, nous ne pouvons ignorer cette alerte, d’autant qu’une partie des emplois qui sont créés par ces nouvelles technologies sont ingrats et mal payés. Derrière les ingénieurs, les petites mains de l’intelligence artificielle sont à l’ouvrage.
Des Kenyans employés par OpenAI sont ainsi payés entre 1 et 2 dollars par jour pour repérer les contenus toxiques, à un rythme soutenu et dans des conditions de travail déplorables. Si l’intelligence artificielle ne remplace pas nos emplois, elle pourrait être à l’origine d’une nouvelle dégradation du travail.
Enfin, l’intitulé de notre débat oublie un aspect fondamental, qu’il n’est plus acceptable d’ignorer au XXe siècle : je parle bien sûr de l’impact environnemental et climatique de l’intelligence artificielle.
En effet, le numérique représente d’ores et déjà 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, dont une partie est imputable à l’intelligence artificielle. Entraîner un modèle tel que celui de ChatGPT pendant quatre à sept jours émettrait autant de gaz à effet de serre qu’un être humain en produit en 57 ans, et cette estimation progresse à mesure que les modèles d’intelligence artificielle se perfectionnent et accumulent des connaissances.
Derrière la chimère d’un numérique durable, dont les applications feraient disparaître par magie les risques environnementaux, il y a la réalité des chiffres. Ainsi, si les possibilités permises par l’intelligence artificielle nous font rêver, nous devons être pleinement conscients des impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette technologie.
L’intelligence artificielle est là, elle fait déjà partie de nos vies. Il n’est donc pas question de l’interdire ou de la réserver à une élite. Toutefois, nous devons la réguler et la conditionner à sa plus-value sociale et environnementale. La technique n’est pas neutre, mais elle n’est ni bonne ni mauvaise en soi non plus. Elle est, comme l’a souligné le penseur Jacques Ellul, « ambivalente ». (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2018, le Grand Palais organisait une exposition intitulée « Artistes & Robots ». En 2019, c’était au tour du Barbican Centre, à Londres, de présenter au public une exposition interactive intitulée « AI : More than Human ».
À la curiosité et à l’enthousiasme suscités par l’émergence de ces nouvelles technologies, d’abord perçues comme récréatives et utiles en matière de productivité, ont succédé l’inquiétude, la méfiance et, surtout, les questionnements.
Ne soyons pas dupes des intentions cachées de l’entrepreneur qui a orchestré la tribune tonitruante cosignée par plus de 1 000 experts du secteur de l’IA, même si elle a eu une vertu, celle de frapper les esprits en évoquant un moratoire. Il nous faut vraiment prendre du recul sur l’IA générative afin d’en mesurer les conséquences et de la réguler en mettant en place des garde-fous.
C’est d’ailleurs le sens de la décision de l’équivalent italien de la Cnil, qui a temporairement bloqué ChatGPT, pour deux motifs principaux. D’une part, aucun mécanisme de vérification de l’âge des mineurs n’est prévu, alors que le droit et la protection des mineurs en ligne sont un sujet politique majeur. D’autre part, ChatGPT a récolté indûment les données personnelles des utilisateurs italiens.
La protection des données personnelles et le respect de la vie privée des utilisateurs d’IA génératives sont des enjeux fondamentaux, au cœur de la régulation et du contrôle de ces dernières par les autorités de protection des données personnelles des différents États.
La difficulté de réguler l’IA – et les outils numériques dans leur ensemble – procède du fait que les usages se développent bien plus vite que la réglementation. Ainsi, ChatGPT est apparu dans le débat public après avoir été utilisé par les étudiants pour rédiger divers devoirs.
À cet égard, en matière éducative, l’IA générative pose plusieurs questions sérieuses.
Tout d’abord, elle est très souvent configurée pour fonctionner selon la technique du machine learning. En d’autres termes, elle est nourrie de contenus dont la fiabilité et la véracité peuvent être sujettes à caution, voire complètement fantaisistes.
Ensuite, ces contenus pouvant être orientés, l’IA peut apporter des réponses comportant des biais importants, notamment sociaux, raciaux et de genre, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques dans la formation des élèves et dans leurs représentations.
Enfin, en l’état, l’usage d’IA génératives est contradictoire avec deux fondements essentiels de l’instruction, qui doit reposer sur des faits – et non de fausses informations – et favoriser l’acquisition d’aptitudes et de compétences par l’expérience. Dans le domaine de l’éducation, l’encadrement du recours aux IA se révèle donc primordial ; le fait de recourir à la médiation constitue un préalable minimal.
Par ailleurs, l’une des incidences les plus visibles de l’IA générative a trait au secteur culturel, singulièrement à la définition de l’acte de création et à la protection du droit d’auteur.
Sur ce point, je tiens à affirmer une position claire et sans ambiguïté : le cadre juridique, notamment européen, n’est ni adapté ni suffisant. Il est indispensable que l’Artificial Intelligence Act, en cours de discussion au Parlement européen et percuté de plein fouet par l’émergence des IA génératives, comporte des dispositions qui protègent les artistes-auteurs.
Au regard de la révolution que constituent ces IA, il n’est pas possible d’en rester à une simple possibilité d’opt-out pour les titulaires de droits qui ne souhaitent pas que leurs œuvres alimentent ces machines. Le statu quo serait synonyme de déséquilibre et de renoncement à l’effectivité du droit d’auteur.
Néanmoins, cet impératif de protection renforcée des créateurs, qui concerne l’ensemble des champs culturels, n’épuise aucunement la réflexion sur l’impact culturel de l’IA générative. À ce titre, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a produit en 2020 un rapport sur l’intelligence artificielle et la culture, dans lequel il soulevait deux questions majeures, qui devront être traitées : quel statut accorder aux créations réalisées à partir d’une IA et aux personnes qui en sont à l’origine ? Surtout, un processus créatif est-il réellement à l’œuvre lorsque l’IA est utilisée ?
Ainsi, l’IA générative bouscule et interroge jusqu’à notre conception même de l’acte de création. Bien qu’elle en soit encore à ses prémices, il me semble que nous partageons l’intuition et la conviction qu’il nous faut impérativement l’encadrer, de sorte qu’elle soit porteuse du meilleur et non du pire. À nous de lui donner du sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’émergence de l’intelligence artificielle dans nos vies, le monde va vivre une quatrième révolution industrielle. Il la vit d’ailleurs déjà, des outils conversationnels ou de génération d’images particulièrement innovants et bluffants d’efficacité ayant vu le jour ces dernières semaines.
Nous aurions d’ailleurs tous pu demander à ChatGPT-4 de préparer ce discours – cela nous aurait fait gagner du temps. (Sourires.) Au-delà du temps gagné, je pense que nous nous serions tous – ou presque – retrouvés avec le même discours, ce qui aurait rendu ce débat d’actualité fort ennuyeux.
Face aux capacités extrêmement impressionnantes de l’intelligence artificielle, nous voyons naître de nombreuses inquiétudes – et cela est légitime. L’humain sera-t-il dépossédé de son travail au fur et à mesure du développement de l’IA ? Penserons-nous de moins en moins ? Allons-nous vers un monde où nous ne serons plus maîtres de nos avis et de nos destins ?
Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, vous avez qualifié ChatGPT de « perroquet approximatif ». Peut-être aviez-vous testé la version 3, car je peux vous assurer que de nombreuses réponses, dans la version 4, sont teintées de bon sens, de réflexion et de précision.
Aussi, je n’ose pas imaginer ce que donnera la version 5 de ChatGPT, dont la mise en ligne est annoncée pour le mois de décembre prochain et qui, d’après OpenAI, son développeur, serait d’un niveau équivalant l’intelligence humaine.
Il y a donc de quoi avoir peur : que vont devenir les secteurs dont des milliers d’emplois pourront être remplacés efficacement par les intelligences artificielles ? Comment allons-nous apprendre, maintenant que l’intelligence artificielle est censée savoir faire à peu près tout ce qui demande de la réflexion ?
Si elles sont réelles, ces craintes doivent être nuancées, car notre perception de l’intelligence artificielle varie selon les pays. Les chiffres suivants proviennent d’un sondage international réalisé par Ipsos en 2022 : en Chine, 79 % des personnes sondées considèrent que l’intelligence artificielle est plus bénéfique que nocive ; elles sont 71 % en Inde, 65 % en Malaisie, seulement 31 % en France, et c’est à peine mieux chez nos voisins européens…
Ce chiffre, symptomatique de notre rapport à l’innovation et aux nouvelles technologies, me fait penser à la phrase de la dirigeante de la Confindustria – le patronat italien – Emma Marcegaglia : « Lorsqu’il y a une innovation, les Américains en font commerce, les Chinois la copient, et nous, Européens, nous en faisons un règlement. »
En effet, le commissaire européen Thierry Breton a annoncé, avec une grande fierté, que, en moins de deux ans, l’Union européenne aura créé une réglementation pour encadrer les intelligences artificielles. Je vous avoue que j’aurais tout de même préféré qu’il annonce le lancement d’un grand projet de création d’un champion européen de l’intelligence artificielle.
Nous pouvons faire tous les règlements, toutes les lois, cette nouvelle révolution industrielle est lancée et elle ne pourra pas être arrêtée. Nous avons le choix de l’utiliser comme un merveilleux outil, notamment au service de la médecine et de l’éducation. Dans le monde du travail, les gains de productivité seront énormes.
Ne soyons pas à la traîne, accompagnons le mouvement. Apprenons à nos jeunes à se servir de cet outil de façon intelligente, comme un assistant d’éducation, un instrument au service du savoir et non un producteur de plagiats.
Monsieur le ministre, je salue vos propos refusant d’interdire a priori, comme l’ont fait temporairement nos voisins italiens, l’utilisation de ChatGPT, interdiction qui, du reste, est contournée par l’utilisation de VPN (Virtual Private Network).
Je salue également les travaux colossaux réalisés par nos chercheurs à Paris-Saclay sur Bloom, l’outil français d’intelligence artificielle. Google, qui a lancé sa propre intelligence artificielle pour concurrencer OpenAI a reconnu que ChatGPT était une Ferrari, alors que la sienne était, au mieux, « une Honda Civic améliorée ». (Sourires.)
Ma crainte est donc la suivante : n’avons-nous pas déjà pris trop de retard sur les entreprises américaines ? Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur le fait que la France sera au rendez-vous de cette quatrième révolution industrielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, les intelligences artificielles génératives influencent notre quotidien et monopolisent l’espace médiatique : ChatGPT, Lensa ou Midjourney sont autant de logiciels d’IA engagés dans une course frénétique pour devenir la référence en la matière.
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle générative ? Elle est un sous-domaine de l’intelligence artificielle, qui crée des contenus tels que des textes, des images, des vidéos, des programmes informatiques. C’est à l’IAG que l’on doit notamment les photos truquées du pape François en doudoune blanche ou de l’ancien président américain Donald Trump menotté, qui ont beaucoup circulé.
Moins de deux mois après son lancement, en janvier 2023, ChatGPT, développé par l’entreprise californienne OpenAI, dépassait les 100 millions d’utilisateurs, ce qui en fait à ce jour l’application ayant connu la croissance la plus rapide.
La nouvelle version GPT-4, dévoilée à la mi-mars, comporte d’incroyables améliorations et nous conduit à nous poser la grande question : l’IA remplacera-t-elle les humains par les machines ?
L’intelligence artificielle est déjà en train de changer le monde du travail. Les machines sont capables d’apprendre et de s’adapter à des tâches qui étaient auparavant réservées aux humains. La question des conséquences sur l’emploi se pose, comme à chaque grande révolution technologique, ce qui déclenche appréhensions et crispations.
Ainsi, dans les rédactions, se posera la question suivante : aura-t-on encore besoin des journalistes et des illustrateurs ? Dans les cabinets d’avocats ou de conseil, on se demandera s’il est encore nécessaire d’avoir des juristes et des consultants. En effet, OpenAI a fait passer le concours du barreau américain à ChatGPT, qui a été brillamment reçu. Les experts de Goldman Sachs estiment ainsi que les IA génératives pourraient supprimer jusqu’à 300 millions d’emplois dans le monde.
Au cours de l’histoire, les grandes innovations ont souvent eu des conséquences sur les emplois. Le cabinet américain McKinsey souligne que le fossé risque de se creuser entre les travailleurs et entre les pays. Les principaux pays qui tireront parti de l’IA seront sans doute les États-Unis et la Chine. Toutefois, la France, le Royaume-Uni ou la Corée du Sud seraient relativement bien positionnés.
D’un point de vue économique en général, l’IA générative peut avoir des impacts considérables. Selon les économistes de Goldman Sachs, l’adoption généralisée de l’IA pourrait accroître la productivité et augmenter le PIB mondial de 7 % par an.
L’IAG, nous l’avons vu, peut être utilisée pour produire des contenus à grande échelle en un temps record ou pour créer des produits et des services personnalisés. Néanmoins, l’utilisation de l’IAG dans les affaires doit être éthique et responsable, afin de minimiser les impacts négatifs potentiels.
Des fake news propagées grâce à l’intelligence artificielle, des images truquées, de fausses révélations, peuvent avoir des répercussions très importantes sur les cours des Bourses mondiales et les faire chuter.
D’un point de vue social ou sociétal, les effets de l’IA générative peuvent également se révéler positifs comme négatifs. Si celle-ci peut contribuer à la création de contenus artistiques et culturels innovants, elle peut aussi, par de faux contenus, semer la désinformation.
En outre, l’IAG peut être utilisée pour propager des discours de haine ou du cyberharcèlement et favoriser la violence des campagnes mensongères. C’est pourquoi la Cnil commence à s’intéresser au cas de ChatGPT et a défini un plan d’action, plaidant pour « une clarification du cadre légal ».
D’un point de vue politique, l’IAG peut avoir des conséquences importantes. Elle peut aider à la prise de décision, mais elle peut aussi véhiculer insidieusement des idéologies dans de très nombreux domaines – santé, environnement… – ou encore être utilisée pour surveiller les citoyens.
Le Parlement européen a créé une commission sur l’intelligence artificielle à l’ère numérique. La Commission européenne a lancé, au mois d’avril 2021, un règlement sur l’IA, qui est en cours d’examen au Parlement européen, et n’a pas fermé la porte à l’usage d’IA recourant à la biométrie. Elle s’est gardé la possibilité d’utiliser la reconnaissance faciale a posteriori, sous contrôle judiciaire.
En France, le ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques a affirmé que le recours à la reconnaissance faciale était exclu par le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Seules seront utilisées des caméras usant d’algorithmes intelligents.
Par ailleurs, l’agence de police européenne Europol a averti que les criminels étaient prêts à tirer parti de l’intelligence artificielle.
En somme, l’IAG peut avoir une incidence très importante sur la politique, en offrant de nouvelles aubaines. Toutefois, il est nécessaire de veiller à ce qu’elle soit utilisée dans des limites clairement établies et validées légalement.
À l’échelle internationale, une compétition acharnée est prévisible. La Chine est très en avance et déploie de gros moyens, tandis que le président russe Vladimir Poutine estimait dès 2017 que quiconque deviendrait le leader dans ce domaine deviendrait le dirigeant du monde.
Aux États-Unis, Elon Musk, cofondateur d’OpenAI avec Sam Altman, l’inventeur de ChatGPT, a réclamé une pause de six mois dans la recherche sur l’IA, en évoquant « des risques majeurs pour l’humanité ». Le 4 avril dernier, le président Joe Biden a évoqué les risques liés à l’intelligence artificielle et a demandé au Congrès de fixer des « limites strictes » aux données personnelles collectées et d’interdire la publicité ciblée visant les enfants.
En tant que pays leader en matière de technologie et de recherche, la France a un rôle important à jouer. Elle doit continuer de soutenir la recherche, tout en élaborant une réglementation adaptée, et investir dans la formation, tout en assurant la sécurité et la protection des droits des individus.
Monsieur le ministre, compte tenu de ces éléments, estimez-vous que la France a la capacité d’être suffisamment réactive en matière d’IAG ? A-t-elle pris du retard ? Le cas échéant, de quelle manière et avec quels moyens allons-nous le combler ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai suivi l’exemple de Monique de Marco et de Pierre-Antoine Levi en ne faisant pas appel à ChatGPT pour répondre à vos interventions – la preuve : papier, crayon ! (M. le ministre délégué brandit un feuillet manuscrit.)
Pourquoi ? Pour bien légiférer, il faut bien comprendre l’intelligence artificielle générative, sujet de notre débat, dire ce qu’elle est, mais aussi ce qu’elle n’est pas. Ce qu’elle n’est pas, ou ne devrait pas être, c’est une nouvelle Pythie qui rendrait des oracles sur tous les sujets du monde.
Elle est une intelligence générative, plutôt que créative, en cela qu’elle réagence des contenus préexistants sans avoir une connaissance structurée du monde, ce qui fait d’elle un perroquet stochastique – ou, en langage commun, un perroquet approximatif, n’en déplaise à Stéphane Ravier qui, restant dans le registre animalier, a évoqué la capacité de ChatGPT à singer les comportements humains.
La différence fondamentale entre l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle générative, évoquée par Vanina Paoli-Gagin et soulevée il y a quatre siècles par Blaise Pascal, inventeur de la première machine d’intelligence artificielle – la pascaline –, est l’intention, c’est-à-dire la capacité de volonté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous entendons apporter à l’irruption de systèmes du type de ChatGPT, que vous avez abondamment cité, des réponses volontaristes, qui reposent sur une position équilibrée. Christian Redon-Sarrazy et Monique de Marco l’ont souligné, la technologie n’est, intrinsèquement, ni poison ni remède. Pour notre part, nous ne sommes donc ni technolâtres ni technophobes : nous considérons que la technologie doit être placée au service de l’homme.
Certes, l’émergence très rapide de cette technologie suscite des questions qui demeurent sans réponse. Cyril Pellevat et Jean-Jacques Panunzi, entre autres, ont par exemple évoqué les effets ambigus que l’on pouvait attendre de cette technologie sur le marché du travail. Des travailleurs seront sans doute soulagés de tâches pénibles, répétitives et fastidieuses, mais des professions entières seront bousculées.
Aussi devons-nous évidemment donner tous les moyens à nos concitoyens de se saisir de ces outils, afin qu’ils puissent en bénéficier. Nous devons nous assurer que l’adoption de ces technologies se fasse dans la justice sociale. Nous ne comptons pas sur la technologie pour nous dicter le cours des choses ; au contraire, nous avons la volonté de dicter le cours des choses à la technologie.
Par ailleurs, l’intelligence artificielle générative n’exclut pas les communs numériques, que Pascal Savoldelli a abordés. Pour preuve, avant ChatGPT est né un modèle open source, collaboratif, et fonctionnant notamment en Français : le modèle Bloom, qui a pu être conçu grâce au soutien du supercalculateur Jean Zay.
Faut-il marquer une pause ou décider d’un moratoire, comme l’a suggéré Catherine Morin-Desailly ? Si la question mérite d’être posée, la réponse apportée par les signataires de la récente pétition est mauvaise. À bien des égards, il nous faut accélérer, car la France dispose de tous les atouts pour maîtriser ces technologies d’intelligence artificielle générative.
Notre action en la matière n’est pas nouvelle, puisque le Président de la République a lancé il y a cinq ans une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, dotée de 1,5 milliard d’euros. Ainsi, nous avons déjà fait émerger des instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA) à Nice, à Toulouse, à Grenoble et à Paris, qui ont permis d’établir 190 chaires de recherche pour l’intelligence artificielle, de multiplier par deux le nombre de diplômés en intelligence artificielle et d’augmenter de 500 le nombre de doctorants.
Cette stratégie se couple à une stratégie d’accélération pour l’intelligence artificielle inscrite au cœur de France 2030, ce qui répond aux questions de Cyril Pellevat, Jean-Jacques Panunzi ou Pierre-Antoine Levi relatives à nos ambitions en la matière.
Faut-il ou non réguler ? Évidemment qu’il faut le faire. Le règlement sur l’intelligence artificielle impose non seulement des obligations de transparence, de manière à permettre à nos concitoyens de toujours faire la différence entre l’humain et la machine, mais aussi un régime de responsabilité pour les concepteurs des systèmes d’intelligence artificielle en fonction des risques associés aux usages de ces systèmes.
Ainsi, pour certains usages, le recours à l’intelligence artificielle sera proscrit. Pour d’autres, il sera encadré par des obligations de transparence et d’audit préalables à la mise sur le marché de ce type de solution. Pour d’autres encore, l’intelligence artificielle sera plus librement mobilisable.
Ce règlement couvre-t-il tous les sujets ? Non, certains d’entre eux ont d’ailleurs été cités par certains orateurs. C’est notamment le cas de l’empreinte carbone, mentionnée par Sylvie Robert. De même, en ce qui concerne la normalisation avec les États-Unis et la Chine, abordée par Cyril Pellevat et Catherine Morin-Desailly, des discussions ont d’ores et déjà eu lieu avec les États-Unis au sein du Conseil du commerce et des technologies (TTC, pour Trade and Technology Council), mais elles doivent être approfondies.
De plus, nous devrons être vigilants sur la question de l’exploitation des travailleurs des pays du Sud, évoquée par Monique de Marco et Pascal Savoldelli. Nous devrons également traiter la question des droits d’auteur, soulevée par Sylvie Robert et Jean-Claude Requier, ainsi que celle de la protection des données personnelles, qui est la raison invoquée par l’équivalent italien de la Cnil pour interdire ChatGPT sur le sol italien.
Les modèles d’intelligence artificielle sont entraînés sur des jeux de données assemblés sur internet. Or des données personnelles qui alimentent des jeux d’entraînement ont été collectées à une époque où aucun consentement n’était prévu. Il va donc nous falloir concilier la réglementation que nous construisons pour l’intelligence artificielle et celle que nous avons construite – et dont nous sommes très fiers – pour la protection des données personnelles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du temps que vous avez consacré à ce débat. Certaines de vos préoccupations sont d’ores et déjà prises en considération dans la réglementation sur laquelle nous avançons et par le plan d’investissement souhaité par le Président de la République, tandis que d’autres nourriront, à n’en pas douter, les travaux du Sénat dans les mois et les années à venir. (MM. Franck Menonville et Jean-Claude Requier applaudissent.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat d’actualité sur le thème : « Impacts économique, social et politique de l’intelligence artificielle générative ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Lors du scrutin n° 270 portant sur les amendements identiques tendant à supprimer l’article 11 de la proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité, MM. Emmanuel Capus, Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Pierre-Jean Verzelen, Dany Wattebled et Franck Menonville souhaitaient voter contre et MM. Joël Guerriau, Claude Malhuret et Mme Colette Mélot souhaitaient voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
6
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour un rappel au règlement.
M. Guy Benarroche. Ce rappel au règlement est fondé sur l’article 44 de notre règlement relatif aux motions de procédure.
Sur la proposition de résolution exprimant la gratitude et la reconnaissance du Sénat aux membres des forces de l’ordre déployées sur tout le territoire national, qui sera examinée dans quelques instants, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a déposé une motion tendant à opposer la question préalable. Celle-ci a été rejetée.
Pourtant, l’alinéa 3 de l’article 44 du règlement du Sénat ne dispose pas que l’emploi de ce type de motion est limité aux seuls projets ou aux propositions de loi. En outre, l’article 50 quater, qui prévoit l’interdiction de déposer des amendements sur une proposition de résolution (PPR), ne traite pas des motions de procédure.
Par conséquent, nous nous interrogeons sur le motif de ce rejet et nous constatons, une nouvelle fois, une certaine imprécision de notre règlement, qui peut devenir problématique.
Nous souhaitions déposer une motion tendant à opposer la question préalable afin de rejeter la proposition de résolution, qui nous paraît à la fois caricaturale et manichéenne. Au-delà des outrances et des attaques graves et infondées dirigées contre nombre de nos collègues parlementaires, ce qui nous paraît le plus inquiétant est l’agenda dangereux, mais délibéré, d’examen de ce texte.
Mes chers collègues, dans cette période de tensions sociales et politiques extrêmes, notre rôle de représentant de la Nation n’est pas de créer de la division.
La violence que connaît notre pays et que nous condamnons est le symptôme d’une démocratie malade. Il n’est plus possible de voter des lois contre la majorité du pays ni de réprimer la contestation sociale par la force.
Il nous faut donc appeler le pouvoir exécutif à l’apaisement, plutôt que de l’inviter à poursuivre sa dérive autoritaire et illibérale.
Contrairement aux intentions des auteurs de cette proposition de résolution, ce n’est pas rendre service à nos forces de l’ordre, qui ne font que respecter les consignes de leur autorité.
À l’opposé de cette démarche contre-productive, nous demandons au Gouvernement de faire des gestes d’apaisement pour protéger à la fois les forces de l’ordre et les manifestants.
Nous lui demandons également de revoir de fond en comble la doctrine de maintien de l’ordre pour revenir à un usage proportionné de la force, afin de restaurer la confiance entre la police et la population.
Pour toutes ces raisons, nous ne participerons pas au débat qui va s’ouvrir et nous ne prendrons pas part au vote. (Marques d’ironie sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Ravier s’exclame.)
M. Jérôme Bascher. Très bien !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Courage, fuyons !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Sur la partie de votre intervention relative au règlement, une réponse sera apportée par la présidence. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe GEST se lèvent et quittent l’hémicycle.)
7
Gratitude et reconnaissance du Sénat aux membres des forces de l’ordre
Adoption d’une proposition de résolution
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande des groupes Les Républicains et Union Centriste, l’examen de la proposition de résolution exprimant la gratitude et la reconnaissance du Sénat aux membres des forces de l’ordre déployées sur tout le territoire national, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Bruno Retailleau et les membres du groupe Les Républicains, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 479).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le dépôt de cette proposition de résolution, par mon collègue du groupe Union Centriste Hervé Marseille et moi-même, n’est pas uniquement un acte symbolique : c’est également un acte politique.
Face au déchaînement de violence et de haine dont sont victimes nos forces de l’ordre – en un peu plus d’un mois, quelque 1 000 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers ont ainsi été blessés, parfois grièvement –, nous avons le devoir, en tant qu’élus, non pas de nous taire, mais de nommer les choses, de prendre parti et, finalement, de choisir notre camp, celui de l’ordre républicain ou celui d’une certaine forme d’ambiguïté, voire de complicité. (Murmures sur les travées du groupe SER.)
La présence d’élus – aussi bien maires que parlementaires – ceints de leur écharpe tricolore, à Sainte-Soline, une manifestation interdite dont tout le monde savait qu’elle allait mal se terminer, ne peut en effet être perçue autrement que comme un signe de complicité qui n’est pas admissible. En tant qu’élu de la République, notre écharpe tricolore ne peut servir à couvrir les exactions des cagoules noires. Ce n’est pas possible !
De même, tout fonctionnaire, qui plus est quand il est magistrat, doit s’en tenir à l’obligation de réserve qui lui incombe. J’ai été stupéfait du communiqué de presse du Syndicat de la magistrature évoquant une répression sociale et un état de violence. Il s’agit d’un débordement qui n’est pas justifiable et qui alimente la défiance des Français envers la justice.
À un moment donné, il est donc nécessaire de réaffirmer calmement qu’il faut mettre un terme à un certain nombre de dérives et que cela suffit ! Cela vaut notamment pour cette culture de l’excuse, qui confine à une fascination pour le chaos, le désordre ou la violence. Ceux qui lancent des pierres cloutées sur les policiers, ceux qui brûlent les voitures de la gendarmerie, ceux qui attaquent des sapeurs-pompiers ne sont pas les nouveaux damnés de la terre ; au contraire, ce sont de nouveaux incendiaires et des adversaires de la République.
N’ayez pas la naïveté de croire, ne serait-ce qu’un seul instant, que la question des retraites ou celle des réserves de substitution les concernent. Ils s’en fichent ! Ils ne veulent pas mettre « l’économie française à l’arrêt », ils veulent mettre à bas l’État et la démocratie. Il faut réagir !
De la même façon, cette fausse équivalence établie entre l’usage légitime de la force – si des dérives ont lieu, elles doivent être sanctionnées et elles le sont toujours – et un usage illégitime, illégal de la violence devient insupportable.
Il ne saurait exister, mes chers collègues, d’équivalence entre ce qui est illégitime et ce qui est illégal. Il ne saurait exister d’équivalence entre ce qui vise à protéger les citoyens, les biens ou les personnes et ce qui relève de l’illégalité. Il n’existe aucune équivalence entre ce qui vise à blesser, parfois à tuer ou à « casser du flic », et ce qui vise, au contraire, à protéger.
Nous avons pour notre part choisi notre camp. Ce ne sera jamais celui du nihilisme, dans lequel une certaine ultragauche, voire une extrême gauche, se complaît, chevauchant ainsi les passions les plus autodestructrices. Ceux qui en font partie sont en réalité les mêmes – et je remercie ceux qui sont à gauche de cet hémicycle de ne pas y avoir participé à l’époque – qui ont battu le pavé parisien au mois de novembre 2019 aux côtés des islamistes.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est bien de le dire !
M. Bruno Retailleau. Ce sont les mêmes qui aujourd’hui battent la campagne melloise des Deux-Sèvres, aux côtés des anarchistes et des cagoules noires.
Mes chers collègues, nous devons prendre parti. Nous avons choisi notre camp, celui de l’ordre républicain et d’un ordre juste, calme, mais néanmoins déterminé.
« L’ordre, et l’ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude. » Vous connaissez sans doute cette jolie formule de Charles Péguy.
Nous ne devons pas céder à cette forme de dérive ou de terrorisme intellectuel qui inciterait à aller dans le sens des radicalités et de ceux qui veulent enchaîner, asservir la République et l’entraîner vers la chienlit.
Nous sommes dans le camp de l’ordre républicain, celui des forces de l’ordre. Soyons aux côtés de celles et de ceux qui servent, parfois au péril de leur vie, la République et notre démocratie française.
Leur uniforme, que certains exècrent ou veulent salir, est le même que celui que portait Arnaud Beltrame.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Bruno Retailleau. Ils ont prêté serment de servir et de défendre la loi – cette loi que nous votons au Sénat – revêtus de cet uniforme. Nombre d’entre eux le portent au quotidien.
Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, nous avons une dette envers eux lorsqu’ils sont agressés, une dette d’honneur aussi lorsque leur honneur est injustement attaqué.
Défendons-les !
Défendons-les avec des mots, en ne cédant rien aux discours pleins d’ambiguïtés.
Défendons-les avec des actes, en leur donnant les moyens d’exercer leur mission.
Défendons-les aussi, madame la secrétaire d’État, en faisant preuve de constance et de cohérence.
On ne peut pas donner raison aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes, pour, le surlendemain, combattre ceux de Sainte-Soline. Tout se tient ou rien ne tient.
Mes chers collègues, défendons nos forces de l’ordre. Exprimons-leur notre gratitude, quelles que soient nos travées. Ce qu’ils représentent transcende tous nos clivages et l’ordre n’appartient à aucun parti, si ce n’est celui de la République.
Nous devons être à leurs côtés et leur exprimer la gratitude, la reconnaissance de la République, celle de la nation que nous servons et qu’ils servent quotidiennement, bien souvent et de plus en plus fréquemment, au péril de leur vie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Franck Menonville et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, mes chers collègues, M. Retailleau a décidé de nous réunir cet après-midi pour examiner une proposition de résolution politique.
M. Jérôme Bascher. Très bonne idée !
M. Jérôme Durain. Il y est question de gratitude et de reconnaissance aux membres des forces de l’ordre. J’ignore si ce texte sera accueilli avec la même gratitude et la même reconnaissance par ces mêmes forces de l’ordre, qui n’ont pas oublié la suppression de 13 000 postes de policiers et de gendarmes au cours du dernier quinquennat pendant lequel Les Républicains étaient au pouvoir – une saignée des années Sarkozy (M. François Bonhomme rit.), dont nous sortons à peine.
La gratitude semblerait aujourd’hui plus convaincante, sincère et cohérente, si l’ingratitude d’alors n’avait existé.
Il est vrai que vous ne prenez pas de risques importants avec cette proposition de résolution opportuniste. Vous indiquerez peut-être que c’était le but recherché. En effet, pour une précédente proposition de loi présentée par M. Retailleau, visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, qui avait trait aux casseurs, l’histoire s’est mal terminée devant le Conseil constitutionnel.
M. Bruno Retailleau. L’article 3 était un ajout de M. Castaner !
M. Jérôme Durain. Au moins, pour ce texte, ce ne sera clairement pas le cas. Quand bien même le Conseil constitutionnel s’intéresserait-il à cette proposition de résolution, je ne vois pas bien ce qu’il pourrait en dire.
En effet, cette proposition de résolution « invite le Gouvernement à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour […] ramener l’ordre dans notre pays », alors que « la période récente a vu s’établir une corrélation entre la violence politique et la violence physique ». Monsieur Retailleau, avez-vous aussi envisagé d’inviter le Gouvernement à gouverner, voire de lui rappeler les vertus du dialogue ?
Jeudi après-midi, j’ai passé quatre heures avec des policiers.
M. Roger Karoutchi. C’est bien !
M. Jérôme Durain. Aucun ne m’a demandé quel serait mon vote sur ce texte. En revanche, ils étaient heureux de me transmettre leurs doléances précises, satisfaits que les sénateurs socialistes aient voté la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), curieux d’entendre les critiques sur certains points de doctrine.
Il ne leur serait pas venu à l’idée de me demander si je soutenais les forces de l’ordre, alors qu’ils savaient tous que j’étais de gauche. En outre, je vous rassure, ils ne m’ont même pas confondu avec un sympathisant de l’ultragauche ! (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Vous en êtes sûr ?
M. Jérôme Durain. Ils ne m’ont pas non plus demandé si je dénonçais les casseurs et, à aucun moment, je n’ai été accusé de terrorisme intellectuel.
Notre assemblée a su montrer qu’elle savait voter des initiatives pour le bien commun, mais cette proposition de résolution n’apporte rien au débat.
Oui, la majorité des policiers et des gendarmes est exemplaire. Oui, le maintien de l’ordre est une matière difficile. Mais non, votre proposition de résolution ne prend pas en compte la réalité complexe des dernières semaines.
Vous tentez de réduire la situation à un état de guerre de tous contre tous, bien manichéen.
Le Gouvernement doit bien sûr maintenir l’ordre. Là où nous percevons avant tout une immense colère sociale et une profonde inquiétude écologique relayées, pour l’essentiel, par des millions de manifestants pacifistes, vous ne retenez que les débordements, que nous condamnons également, de quelques dizaines d’abrutis dangereux armés de mauvaises intentions.
En réalité, ce n’est pas la faute des manifestants si la pression ne redescend pas. Ce n’est pas la faute des manifestants si des journalistes se font parfois agresser par les forces de l’ordre. Ce n’est pas la faute des manifestants si l’on n’ose plus manifester en famille.
Les responsabilités sont d’abord à chercher du côté du Gouvernement. À force de mépriser les corps intermédiaires, de nier l’utilité des syndicats ou de vouloir caricaturer les oppositions, l’exécutif a participé à la montée de la température sociale.
Ce réchauffement politique, comme le réchauffement climatique, n’est pas inéluctable. Pour calmer les esprits, il faut entendre les avis contraires, prendre en considération les manifestants quand ils sont nombreux, éviter d’accroître la colère lors de passages au journal télévisé.
Crier que tout le monde adore la police pendant cette période est aussi stupide que de déclarer que la police tue. La majorité de nos concitoyennes et nos concitoyens soutiennent les forces de l’ordre.
Toutefois, vous avez oublié le contexte. Si cette proposition de résolution politique avait été soumise à nos suffrages après Magnanville ou l’attentat de Charlie Hebdo, celle-ci n’aurait pas eu la même portée. Déposer ce texte alors que le travail des forces de l’ordre est questionné revient à déclarer à ceux qui le critiquent : « Circulez, il n’y a rien à voir ».
Or la critique de la police est légitime et souhaitable. C’est même l’honneur d’une démocratie que d’interroger l’ensemble de ses institutions. On peut évidemment dénoncer les affirmations de ceux pour qui le maintien de l’ordre en France évoque celui qui a cours au Venezuela, où une vague de manifestations a causé 115 morts, mais il est impossible de balayer les interrogations de nos voisins européens sur notre police, autrefois un modèle et qui devient actuellement un objet de polémiques (M. Roger Karoutchi s’exclame), venant de toutes parts.
Je ne suis cependant en rien opposé à la tenue de ce débat, que je ne crains aucunement.
M. François Bonhomme. Tant mieux !
M. Jérôme Durain. En ce sens, ma position diverge de celle qu’a exprimée, la semaine dernière, la majorité composée de la droite et du centre à l’Assemblée nationale, qui a souhaité classer la pétition demandant la dissolution de la Brav-M. Je ne suis pas certain de partager les termes de cette pétition, éminemment politique, mais je n’aurais jamais jeté ainsi au rebut plusieurs centaines de milliers de signatures de citoyens, qui s’inquiètent de la manière dont le maintien de l’ordre est assuré en France. On n’est jamais gagnant quand on refuse le débat.
Avant la journée du 6 avril dernier, selon un sondage YouGov, 51 % des Français interrogés déclaraient avoir une bonne opinion des gardiens de la paix, quand ils étaient 61 % à l’affirmer au mois de novembre 2020, selon un autre sondage pourtant réalisé immédiatement après l’affaire dite Michel Zecler, du nom de ce producteur violenté par des policiers dans son studio de musique.
Selon un sondage Elabe du 29 mars dernier, 62 % des Français estiment que les violences policières sont marginales et que les dérapages sont le fait d’une minorité de policiers. À l’inverse, 37 % d’entre eux considèrent que ces violences ne sont pas marginales et sont représentatives d’un phénomène plus général au sein de la police. Je vous laisse disserter sur le verre à moitié plein ou à moitié vide. Pour ma part, je crois que le verre est à deux doigts de tomber par terre.
J’évoquais, un peu plus tôt, le regard de nos partenaires internationaux. Alors que les jeux Olympiques (JO) approchent, cela devrait tous nous inquiéter. Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, n’a pas le profil d’un casseur. Fort de sa connaissance de la façon dont le maintien de l’ordre peut être quotidiennement assuré par la police en Seine-Saint-Denis, comme à l’occasion des événements du Stade de France, il s’inquiète pour les JO et demande un débat apaisé.
Je ne suis pas convaincu que cette proposition de résolution participe de ce débat apaisé.
Pour autant, tout n’est pas à jeter dans votre texte.
Ainsi, vous évoquez « la montée de la violence en France, dans le discours politique et dans les manifestations ». « Cette violence a prospéré depuis plusieurs années, en raison à la fois de l’immobilisme, de la tolérance et parfois de la bienveillance de certains responsables politiques à l’égard de ses auteurs », soulignez-vous. La violence « est aujourd’hui légitimée et encouragée par des élus qui tiennent des discours ambivalents ». En outre, « la violence physique est désormais précédée jusque dans nos institutions d’une violence verbale qui tente de justifier des comportements aussi illégaux qu’inadmissibles ».
Sur l’ensemble de ces points, vous avez raison s’il s’agit bien de dénoncer l’ultradroite et pas uniquement l’ultragauche, s’il s’agit de dénoncer les manifestations racistes à Callac et pas seulement les manifestations écologiques à Sainte-Soline, s’il s’agit de dénoncer les remarques racistes du Rassemblement national (RN) au Palais-Bourbon et pas seulement les discours militants des Insoumis, s’il s’agit de dénoncer la résurrection du GUD (Groupe union défense) au travers de commandos qui se baptisent « Waffen-Assas » et pas seulement les étudiants bloqueurs, s’il s’agit de dénoncer la présence de policiers adjoints sur des boucles Telegram d’extrême droite qui menacent de commettre des attentats d’extrême droite et pas seulement de dénoncer la Ligue des droits de l’homme (LDH).
Pour ces raisons, mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et moi-même avons déposé une proposition de résolution qui plagie votre texte,…
M. François Bonhomme. Ah, il y a des droits d’auteur ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Durain. … mais qui dénonce l’ultradroite…
M. Jérôme Bascher. Bien sûr !
M. Jérôme Durain. … plutôt que d’appeler à un bien peu coûteux soutien aux forces de l’ordre.
Ce texte a été signé par l’ensemble des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. J’ignore si nous l’inscrirons à l’ordre du jour de l’un des espaces réservés à notre groupe, mais l’actualité récente le justifierait peut-être.
Nous n’avons aucune difficulté à affirmer que nous soutenons la police. Puisque vous dénoncez les casseurs et autres menaces d’ultragauche, nous comptons sur vous pour dénoncer de la même façon l’ultradroite.
Mes chers collègues, nous ne prendrons pas part au vote sur ce texte. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous croyons en la police, parce que nous croyons en la République. L’article XII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen l’indique clairement : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »
Nous appartenons à une famille politique qui a donné à la République de grands ministres de l’intérieur, Pierre Joxe figurant en tête. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Nous croyons en une police issue des citoyens et au cœur de la société. Nous croyons en la police du préfet Grimaud, celle qui participe à la concorde républicaine, et nous savons pouvoir compter sur elle.
Nous ne nous résignons pas à une police composée de fonctionnaires mal recrutés, insuffisamment formés et mal utilisés sur le terrain.
Par ce texte, vous avez choisi d’exprimer une gratitude inconditionnelle, souvent un peu pavlovienne, une gratitude d’ailleurs assez stérile (MM. Jérôme Bascher et Guillaume Chevrollier s’exclament.) pour les forces de l’ordre elles-mêmes.
En tant que membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous préférons exprimer notre soutien de principe, parce que nous ne sommes pas contre la police, et notre exigence de principe, parce que nous avons une haute idée du rôle républicain des forces de l’ordre.
Cela nous permet d’exprimer notre inquiétude quand les circonstances l’exigent. C’est le cas en ce moment s’agissant du maintien de l’ordre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Discours très clair et très républicain !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un certain étonnement, qui s’est rapidement mué en affliction, que nous avons découvert l’inscription de cette proposition de résolution à l’ordre du jour des travaux du Sénat.
Notre pays connaît une crise sociale et démocratique d’une ampleur rare. Cette crise, vous le savez, n’aurait pas eu lieu si un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale visant à reculer l’âge de départ à la retraite n’avait pas été présenté par le Gouvernement.
Sans concertation, contre l’avis unanime des syndicats, contre une large majorité – qui n’a jamais fléchi – de l’opinion publique, sans entendre les mobilisations considérables et pacifiques pendant de longues semaines, le Président de la République tente d’imposer par la contrainte institutionnelle ce texte qui, pour ceux qui en subiront les effets, représente une violence considérable. L’obstination du Président de la République et de son gouvernement a durci le débat et a fait monter les tensions.
Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, nous vous appelons au sérieux et au respect.
Nul à gauche de cet hémicycle ne souhaite la violence.
M. François Bonhomme. Tant mieux !
M. Jérôme Bascher. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Chacun connaît la difficulté du métier de policier, de ces policiers détenteurs de missions de service public, qui doivent faire face à des situations créées par des choix politiques, dont ils ne sont nullement responsables.
Vous le savez, c’est au soir du 49.3 que le climat a changé. La tension a atteint un sommet, la colère a explosé. C’est un fait, vous ne pouvez le nier.
Des feux ont été allumés, des projectiles lancés, des membres des forces de l’ordre blessés et nous le regrettons, bien entendu. Nous avons toujours condamné – je l’ai toujours fait – l’action des groupes violents qui caricaturent et pourrissent le mouvement social.
MM. Jérôme Bascher et François Bonhomme. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Comment pouvez-vous fermer les yeux face à l’arrestation massive de centaines de jeunes « nassés », gardés à vue, dans des conditions juridiques contestables et contestées ? Combien de manifestants ont été blessés, parfois gravement ?
Est-il décent de déposer un tel texte, alors que, dans un autre cadre, à Sainte-Soline, certains ont été gravement blessés et qu’un homme est toujours dans le coma ?
Alors que l’apaisement, le retour au dialogue, le retrait de ce projet de loi qui a provoqué le chaos, offrant à certains le terrain de leurs excès,…
M. François Bonhomme. Avec des barres de fer !
Mme Éliane Assassi. … devraient être des priorités absolues, vous adoptez, au travers de l’examen de cette proposition de résolution outrancière, une posture dangereuse pour notre démocratie, une posture d’amalgame, de menaces voilées, de mise en cause de vos adversaires politiques sur un terrain inquiétant, celui de l’affrontement.
Il n’existe pas de camps du bien et du mal, ni de l’ordre et du désordre. Vous ne représentez pas le camp du bien et de l’ordre, en ayant contribué largement à enfoncer notre pays dans la crise par votre vote sur ce projet de loi.
Votre proposition de résolution est un prétexte à une attaque grave contre les partis de la gauche…
M. Bruno Retailleau. De l’extrême gauche !
Mme Éliane Assassi. … qui soutiennent le mouvement social.
Monsieur Bruno Retailleau, qui visez-vous quand vous considérez, dans cette proposition de résolution, que la violence est « légitimée et encouragée par des élus qui tiennent des discours ambivalents » ou lorsque vous évoquez « la bienveillance de certains responsables politiques à l’égard de ses auteurs » ?
Nous-mêmes, sommes-nous une menace à l’ordre public (Non ! sur des travées du groupe Les Républicains.), quand nous alertons, aux côtés de nombreuses associations, dont la LDH (M. François Bonhomme s’exclame.), aujourd’hui menacée par le ministre de l’intérieur, sur des violences policières évidentes, étayées, constatées en France comme à l’étranger ?
La République, mesdames, messieurs de la droite sénatoriale et de la majorité sénatoriale, ne se résume pas à l’ordre qui – c’est le moins que l’on puisse dire – n’a pas été son creuset.
La République, c’est la démocratie et la justice sociale.
Démocratie et justice sociale, c’est le projet que nous défendons aujourd’hui face à vous, que nous opposons à votre proposition de résolution profondément archaïque et réactionnaire (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. François Bonhomme. Tout en nuance !
Mme Éliane Assassi. … raison pour laquelle nous ne prendrons pas part au vote. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Martin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 1 143 : c’est le nombre de policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers blessés depuis le début des manifestations contre la réforme des retraites.
À ce chiffre alarmant, derrière lequel se cachent tant de réalités humaines, s’ajoutent les 47 gendarmes pris en charge par les secours lors du dramatique épisode de Sainte-Soline, le 25 mars dernier.
Depuis plusieurs années, les forces de sécurité de notre pays sont la cible d’un nombre inédit d’actes violents et brutaux. Dans le sillage des épisodes Notre-Dame-des-Landes et « gilets jaunes », ces agressions ont atteint un degré d’intensité rarement observé et particulièrement préoccupant.
Ces violences sont souvent le fait d’individus instrumentalisant dangereusement le droit de manifester pour s’attaquer aux symboles et aux institutions de la République, quand il ne s’agit pas tout simplement de « casser du flic ».
Par leurs actes, ces professionnels de l’affrontement violent nuisent à l’image de celles et ceux qui exercent très légitimement un droit fondamental de notre démocratie, celui de manifester. Pis, ils rendent impossible l’exercice serein de ce droit en s’attaquant volontairement à nos forces de l’ordre et aux services de secours.
Nous n’aurons de cesse de défendre les femmes et les hommes qui protègent nos institutions et nos concitoyens. À ce titre, je salue l’initiative conjointe des deux présidents des groupes de la majorité sénatoriale, Bruno Retailleau et Hervé Marseille, permettant l’examen aujourd’hui de la présente proposition de résolution.
Celle-ci est un écho puissant à ce que de nombreux Français ressentent et constatent quotidiennement. En dépit de ce que veulent nous faire croire les professionnels de l’agitation et du désordre, les Français ne sont pas dupes. À l’occasion d’un récent sondage, 85 % des Français condamnaient les violences contre les forces de l’ordre.
Personne ne nous fera croire que nous vivons dans un État policier.
Personne ne nous fera croire non plus que nos forces de l’ordre sont des agents du chaos.
Personne ne nous fera croire que nos policiers doivent « aller se faire soigner », pour reprendre les mots révoltants de M. Mélenchon.
Mes chers collègues, il relève de notre responsabilité d’apporter un soutien clair et sans ambiguïté à ces femmes et ces hommes qui font la République au quotidien. Notre engagement à leurs côtés est total. Pour autant, il n’est pas aveugle.
Dans le monde où nous vivons, policiers et gendarmes sont particulièrement exposés et soumis à une pression constante. Face aux provocations, aux insultes, aux crachats ou aux coups, des dérapages ont pu avoir lieu, inutile de le nier.
Ces incidents doivent faire l’objet d’investigations et, le cas échéant, être sanctionnés. Ainsi, depuis les premières manifestations contre la réforme des retraites, trente-six enquêtes ont été ouvertes par l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et deux, par l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Je souhaite qu’elles permettent de faire toute la lumière sur des actes qui, bien que regrettables, n’en demeurent pas moins isolés.
De la même manière, il est normal que la justice ait été saisie après les affrontements de Sainte-Soline. Des personnes ont été blessées ; il est légitime qu’elles veuillent savoir comment on en est arrivé là.
Si des incidents existent, ils ne reflètent en rien l’exemplarité et le sang-froid dont font preuve l’écrasante majorité de nos forces de l’ordre, alors qu’elles ont été particulièrement sollicitées, parfois plusieurs jours d’affilée, au cours des derniers mois. Quelques agitateurs de premier ordre aimeraient nous faire croire que, dans toute cette histoire, les casseurs sont les victimes et les policiers, les bourreaux ; que, sans gendarmes, il n’y aurait pas eu de dégradations à Sainte-Soline ; que, sans policiers, il n’y aurait pas eu d’incendie à la brasserie La Rotonde.
Encore une fois, les Français ne sont pas dupes. Ils savent que le maintien de l’ordre est un exercice très compliqué, qui impose parfois l’emploi de la force publique. Les appels à la dispersion ne suffisent pas toujours face aux jets de pavés, aux mortiers d’artifice, aux lancers de cocktails Molotov et de boules de pétanque.
Bien sûr, l’utilisation des armes dont disposent les forces de l’ordre pour maintenir l’ordre doit être proportionnée et encadrée. Je pense notamment aux lanceurs de balles de défense (LBD) et aux grenades de désencerclement. Comme lors des manifestations des « gilets jaunes », nous avons vu resurgir des polémiques sur l’utilisation des LBD.
Nous considérons que le problème n’est pas le LBD en lui-même : c’est l’usage qui peut malheureusement en être fait par des agents insuffisamment formés à son maniement. Il serait irresponsable de priver compagnies républicaines de sécurité (CRS) et gendarmes mobiles de cette arme intermédiaire sans proposer aucune solution de remplacement. De tels outils doivent être confiés à des professionnels du maintien de l’ordre, capables de les employer avec précision dans des situations complexes d’affrontement.
Ces situations d’affrontement reflètent, dans tous les cas, l’échec d’un dialogue et l’achoppement d’une concertation. Pour autant, qui refuse le dialogue et la concertation dans notre pays ?
Prenons l’exemple de Sainte-Soline.
Tout se passe comme si les manifestants les plus radicaux incarnaient une forme de résistance à un pouvoir arbitraire, justifiant les violences dont ils se sont rendus coupables.
Tout se passe comme s’il n’y avait pas eu d’études d’impact sur les mégabassines concluant à leur utilité dans l’adaptation au changement climatique et pour la souveraineté alimentaire de la France.
Tout se passe comme si l’ensemble des parties intéressées n’avaient pas été entendues dans le cadre des comités de bassin et des commissions locales de l’eau, dont la représentativité n’est mise en doute par personne.
Tout se passe comme si, à tous les niveaux de la gestion de l’eau, les responsables élus n’avaient pas tranché en faveur de l’aménagement des bassines, conformément au mandat leur ayant été confié.
Tout se passe, enfin, comme si les convictions ou plutôt l’idéologie de certains devaient prévaloir, par la violence, sur des décisions de justice, sans que la police de la République puisse légitimement intervenir.
Mes chers collègues, oui, les affrontements de Sainte-Soline incarnent une forme de résistance à l’arbitraire, mais la résistance de décisions démocratiques, confirmées par la justice et défendues par nos forces de l’ordre, à l’arbitraire d’une mouvance extrêmement violente, persuadée qu’elle détient une légitimité venant d’on ne sait où et qu’elle voudrait imposer à tous, au nom d’un prétendu intérêt supérieur.
Mes chers collègues, 1 143 blessés, c’est le coût humain de cet aveuglement ; 1 143 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers blessés depuis un mois, c’est le triste bilan de cette rage, de cette haine contre l’État et ses représentants.
Ayant moi-même été sapeur-pompier professionnel dans une vie antérieure, je tiens également à adresser un hommage particulier à l’ensemble des agents qui participent aux secours et à la sécurité civile dans notre pays. Ils sont là pour protéger la vie de nos concitoyens : force est de constater que, pour cela, ils risquent chaque jour la leur.
Les casseurs professionnels que j’évoquais précédemment n’ont aucun scrupule : ils n’hésitent plus à s’en prendre à des sapeurs-pompiers tentant d’éteindre un incendie ou à des urgentistes soignant un manifestant blessé. Pourtant, sans ces sapeurs-pompiers et sans ces urgentistes, le bilan humain des manifestations serait autrement plus dramatique ! Par leur dévouement et leur sens du service, ils contribuent à apaiser la situation.
C’est pourquoi, en responsabilité, en tant que défenseurs de l’ordre républicain, mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même voterons en faveur de cette proposition de résolution, exprimant, par là même, notre profonde gratitude, notre reconnaissance et notre soutien aux policiers et gendarmes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre Louault et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir œuvré récemment, avec vous, pour la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie dans le pays, je tenais à prendre la parole pour exprimer ma gratitude et ma reconnaissance aux membres des forces de l’ordre déployées sur tout le territoire national, en particulier sur le territoire marseillais.
Je tiens à saluer avec vous la mémoire d’Arnaud Blanc, gendarme du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), tué le 25 mars dans une opération contre l’orpaillage illégal en Guyane.
C’est dans cette même Amérique centrale et du Sud que l’extrême gauche dite française, ennemie de l’ordre et de l’autorité dans son propre pays, trouve ses meilleurs amis : les Chavez, Maduro, Castro, apôtres de l’effondrement économique, de la suppression des libertés fondamentales et de la répression policière sanglante.
En effet, il faut dire les choses, si nous subissons un tel niveau de violence envers les forces de l’ordre, n’en déplaise aux falsificateurs et aux menteurs, c’est principalement l’œuvre de la nouvelle union révolutionnaire des gauches,…
M. Jérôme Durain. Il n’y a personne d’extrême droite ?
M. Stéphane Ravier. … cette gauche des hémicycles qui légitime l’extrême gauche activiste et zadiste. À Paris, à Sainte-Soline, à Bordeaux, à Marseille, ils sont présents dans les rues et dans les facs, aux côtés de la racaille Antifa et autres Black Blocs.
Nous avons vu cet ancien dealer, devenu député, cracher verbalement sur la police, tandis que des agents assuraient sa sécurité et protégeaient son domicile jour et nuit. (M. Jérôme Durain s’exclame.)
Nous avons entendu M. Mélenchon en appeler à la « rééducation des policiers ». Il est temps de rappeler à Fidel-Hugo Mélenchon que « la République, c’est eux ! » (M. Jérôme Durain s’exclame.) Le Lider Maximo de l’islamo-gauchisme ferait mieux de se rééduquer lui-même et de rééduquer ses députés, qui hurlent aux prétendues violences policières, mais qui réintègrent l’un de leurs collègues qui frappe son épouse. M. Quatennens, on le sait, est pour que toute la France soit insoumise, sauf sa femme…
M. Jérôme Durain. Quel argument…
M. Stéphane Ravier. Pour que la République et la France, surtout, ne sombrent pas dans le chaos auquel rêve et œuvre la nébuleuse gauchiste, 6 700 policiers et 3 300 gendarmes ont été blessés en service en 2020.
Le seul racisme systémique qui existe dans notre pays…
M. Jérôme Durain. C’est le vôtre !
M. Stéphane Ravier. … est le racisme anti-flics vociféré par une certaine gauche et l’extrême gauche. Cette haine des forces de l’ordre est largement partagée dans les cités de la diversité, où la police est perçue non seulement comme les représentants de l’ordre, mais aussi comme les représentants de la France que la racaille déteste plus que tout.
Cette extrême gauche anarchiste anti-française embrigade les révoltés des causes sociales et du racisme anti-français pour en faire des soldats de la haine anti-flics.
Notre pays, qui a vibré à la mort héroïque d’Arnaud Beltrame, est l’écrin précieux d’un processus de civilisation qui nous a transmis l’idéal chevaleresque. Ce sont ces figures d’abnégation qui fédèrent le pays et continuent d’écrire le récit national. Comme le 24 mars 2018, je salue ici tous ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour protéger la nôtre.
Cette proposition de résolution a le mérite d’identifier et de mettre face à face ceux qui se trouvent dans le camp de la Nation et ceux qui sont dans le camp de ses ennemis. Que chacun choisisse !
Pour ma part, face aux rouges et à leurs supplétifs (Rires sur les travées des groupes SER et CRCE.), je suis et je serai toujours dans le camp…
M. Jérôme Durain. Des bruns !
M. Stéphane Ravier. … des bleus ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Éliane Assassi. Allez !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tenir ici une position sans équivoque : le groupe RDSE condamne sans détour tous les actes de violence commis notamment par des casseurs lors des manifestations qui ont eu lieu ces dernières semaines.
Très largement, nous condamnons toutes les attaques portées à l’encontre des policiers, des gendarmes et parfois même des pompiers et de notre sécurité civile sur notre territoire.
Tout le monde se souvient de l’hommage rendu aux forces de l’ordre pendant les manifestations contre le terrorisme en 2015. Nous étions déjà convaincus, avant ces drames, du courage et du dévouement de nos agents. Rien n’a changé depuis.
Cependant, j’observe, chez certains de nos concitoyens, un sentiment de colère, de plus en plus tranché, un rejet de l’État et de la collectivité.
J’aimerais toutefois redire à ceux qui doutent de l’intérêt de nos institutions qu’ils ne doivent pas oublier tous les services qu’elles nous rendent au quotidien.
Policiers et gendarmes s’inscrivent dans un ensemble de services publics qui va des hôpitaux aux établissements scolaires, en passant par les réseaux routiers ou les services d’assurance chômage notamment.
Ceux qui hurlent des slogans anti-police ont-ils conscience d’y englober le reste ? Ces slogans sont, à nos yeux, de même nature que les violences à l’égard des enseignants.
Le groupe RDSE s’est saisi du sujet de la violence à l’égard des institutions en défendant la proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d’agression, que j’ai déposée.
Le rejet de toute autorité institutionnelle ne saurait être admis, en même temps qu’il doit nous interroger.
Vivre en société, c’est aussi se soumettre à la contrainte sociale. Pour reprendre une formule du juriste bordelais Léon Duguit, « une société ne pourrait exister s’il n’y avait pas de discipline sociale, si une règle ne défendait pas certaines choses et n’ordonnait pas certaines autres aux individus qui la composent ».
Je considère que la désobéissance civile n’est pas une option dans notre République et qu’elle est choquante quand elle est prônée par des élus, qui se devraient de la défendre. Elle est d’autant moins une option qu’elle est souvent sous-tendue par des idéologies douteuses, entre obscurantisme et complotisme. Nous n’y adhérons pas.
Dans son exposé des motifs, la proposition de résolution indique qu’il est « inacceptable et dangereux de renvoyer dos à dos forces de l’ordre et casseurs ». Évidemment !
Toutefois, ne pas accepter la comparaison n’implique pas de renoncer à toute observation critique.
Certaines images restent choquantes et peuvent mettre mal à l’aise. Il est possible d’être révolté face à l’incendie de la porte de la mairie de Bordeaux et de ne pas être absolument serein en voyant tourner en boucle des images de tirs de LBD et de jets de grenades.
Oui, nous pouvons être reconnaissants du travail quotidien des agents de police et de gendarmerie, tout en nous inquiétant de la dérive d’une poignée d’entre eux lorsque nous entendons certains enregistrements.
Cependant, s’inquiéter d’une augmentation, même marginale, des violences policières, c’est s’inquiéter, plus largement, de l’augmentation de la violence dans notre société.
Il nous faut donc nous préoccuper de la santé mentale de nos agents, de leur état d’épuisement, des situations auxquelles ils sont confrontés quotidiennement. Il nous faut aussi veiller à ce que notre police soit irréprochable et que chaque dérive soit sanctionnée avec la plus grande fermeté.
En notre qualité de parlementaires, nous devons les accompagner et les soutenir, par exemple en leur accordant les moyens nécessaires à l’exercice de leur métier dans des conditions décentes.
En conclusion, mes chers collègues, le groupe RDSE veut réaffirmer avec force sa gratitude et sa reconnaissance aux membres des forces de l’ordre. Aussi, ses membres voteront pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Olivier Paccaud. « Sans bouclier, tu n’es rien. » Tout gladiateur, tout chevalier le sait bien.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aimerais à mon tour rappeler combien la place des forces de l’ordre est cruciale dans nos sociétés démocratiques, combien nous leur sommes redevables. Cette place a quelque chose à voir avec ce qui est au fondement de nos sociétés civilisées : le contrat social, lequel ne serait qu’un vœu pieux s’il n’y avait une force à même de le rendre exécutoire, de contraindre, au besoin par la coercition physique, les individus qui refusent de le respecter. C’est parce que nous savons qu’il existe une force capable d’imposer le respect des lois que nous pouvons jouir paisiblement de nos existences.
La police apporte la force au droit. Elle arme l’ordre démocratique contre ceux qui voudraient s’y soustraire ou lui en substituer un autre, injuste et arbitraire. En somme, pour paraphraser Blaise Pascal, elle permet à ce qui est juste d’être fort. Sans police pour en assurer le respect, point de contrat social : le droit ne serait que de vaines taches d’encre sur d’insignifiantes pages de codes. Même s’il est imparfait, c’est donc tout notre ordre social démocratique qui repose sur l’existence de cette force permettant d’éviter la « guerre de tous contre tous », comme l’a si bien décrit Thomas Hobbes.
Que cela soit clair, manifester son soutien aux policiers et sa reconnaissance pour leur engagement ne revient pas à prendre parti contre la liberté de manifester. La rhétorique stérile qui voudrait dresser les manifestants contre les forces de l’ordre est inepte. Les unes sont là non pour entraver la liberté des autres, mais, au contraire, pour la garantir, notamment contre le noyautage des manifestations pacifiques par des perturbateurs qui y trouvent une couverture à leurs méfaits.
C’est ce dernier risque qui, de nos jours, met le plus en péril à la fois la sécurité des manifestants et l’intégrité des forces de l’ordre. Avant l’irruption des Black Blocs dans les cortèges syndicaux, tous les observateurs relevaient le faible nombre d’incidents et saluaient le bon déroulement des rassemblements, la coopération des organisateurs. C’est donc aux agresseurs de policiers, aux incendiaires de poubelles, aux briseurs de vitrines, aux lanceurs de pavés qu’il faut jeter la pierre. Ils sont les seuls fautifs des effusions de violence que l’on a observées de Sainte-Soline à Paris. La réprobation à leur endroit doit être unanime.
En effet, le droit de manifester n’est pas le droit à la chienlit. Qui pourrait en disconvenir ? Qui s’offusquera que la force doive rester à la loi ? Certainement pas nos devanciers ! Revenons à nos vieux textes. Jérôme Durain a cité la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Pour ma part, je citerai les constitutions de 1791, 1793 et 1848, qui consacrent le droit de manifester, mais en l’assortissant systématiquement d’une exigence : la non-violence. La seule liberté alors reconnue est celle de « s’assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police », dans le respect de « la liberté d’autrui et de la sécurité publique ».
Cette conciliation entre liberté et ordre public est un invariant dans notre tradition juridique. Elle structure la façon dont notre droit conçoit l’étendue et les limites de la liberté de manifester. Devrions-nous considérer avec mansuétude les violences des Black Blocs et pousser des cris d’orfraie lorsque la police intervient pour y mettre fin ? Quel triste enchantement a conduit certains esprits à cette inversion des coupables et des victimes, des fauteurs de troubles et des gardiens de la paix civile ?
Qu’est-il reproché à la police ? De riposter lorsque l’on s’en prend à elle ? De se défendre lorsqu’un millier de ses agents sont blessés, plus ou moins gravement, par des assauts pénalement et moralement inacceptables ? Lui en veut-on de ne pas abandonner nos rues à une poignée de casseurs ? De s’interposer lorsque des commerces sont saccagés ? D’escorter des pompiers venant éteindre des incendies ?
Ce que ses contempteurs reprochent à la police, c’est bel et bien de ne pas désarmer face à une violence qu’ils cautionnent peut-être dans le secret de leurs cœurs. Ils blâment la police de faire ce pour quoi elle a été instituée : préserver l’ordre républicain établi par les lois que notre société s’est prescrites au travers de ses institutions démocratiques. Ce faisant, ils répudient le contrat social qui nous lie.
C’est pourquoi nous devons, nous autres sénateurs, témoigner notre gratitude envers les défenseurs des droits que sont les policiers et leur redire notre confiance quand traîner la police dans la boue, la couvrir d’accusations infamantes est devenu le fonds de commerce médiatique d’une partie de la classe politique.
Non, nous n’accepterons pas que le bruit et la fureur soient des codicilles au contrat social.
Non, les CRS n’ont pas vocation à devenir de la chair à Black Blocs.
Non, nous ne laisserons pas la police être livrée à quelque vindicte que ce soit dans l’opinion publique.
Sans bouclier, nous sommes faibles. Toute démocratie le sait bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (M. Bruno Belin applaudit.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons assisté, ces dernières semaines, à un véritable déchaînement de violence dans notre pays. Des mairies ont été incendiées. De très nombreux parlementaires ont été la cible d’attaques, y compris dans leur domicile. On ne compte plus les devantures de magasins et les véhicules incendiés et détruits. Voilà l’image que nous livrons au monde.
Chaque jour de manifestations, les forces de l’ordre affrontent des individus armés, décidés à casser, à incendier, voire à tuer. Ce sont des cocktails Molotov, des boules de pétanque et des battes de base-ball qui ont été employés contre nos policiers et nos gendarmes le 26 mars dernier à Sainte-Soline – tout cela bien évidemment pour une manifestation non violente…
Force est de constater que l’ultragauche attaque aujourd’hui délibérément notre République et notre démocratie. La France doit cesser d’être la terre de jeu européenne de ces factions extrémistes. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) Les mouvements d’ultragauche doivent être démantelés. Il faut lutter contre la complaisance intellectuelle et politico-médiatique envers ces groupuscules.
La réponse pénale en cas d’agression contre un dépositaire de l’autorité publique doit absolument être renforcée dans notre pays, afin d’être enfin dissuasive.
Ceux-là mêmes qui avaient promis de transformer l’Assemblée nationale en zone à défendre (ZAD) ont empêché le débat démocratique par une guérilla indigne du Parlement et sont aujourd’hui dans la rue aux côtés des casseurs.
Les Français ont des opinions diverses. Il est un point sur lequel ils sont néanmoins accordés, c’est que la démocratie doit nous gouverner.
« Ce qui préserve de l’arbitraire, c’est l’observance des formes », disait Benjamin Constant. En tant que représentants de la Nation, il est de notre devoir de réaffirmer que la violence n’est pas un moyen d’expression légitime dans notre démocratie et dans notre République. Nous avons et nous aurons des désaccords : c’est normal. Les gouvernements feront toujours face à une opposition : c’est naturel et c’est là le principe de la démocratie. Il importe cependant que cette opposition s’exprime par la voie démocratique.
Alors que notre pays connaît des accès de violence, je veux rendre hommage, au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, aux hommes et aux femmes qui dédient leur vie à la protection de nos concitoyens et de nos institutions. Ce sont eux qui protègent la France contre la délinquance et le terrorisme, eux qui sécuriseront les grands événements que notre pays s’apprête à accueillir, eux encore qui doivent faire face aujourd’hui à une violence encouragée par quelques irresponsables politiques. Prises pour cible par des révolutionnaires de salon, les forces de l’ordre le sont ensuite dans la rue.
Depuis le début des manifestations, on compte plusieurs centaines de blessés – il y en a eu 154 pour la seule journée de jeudi dernier.
Malgré l’intensité des tensions, malgré le risque qu’ils encourent, nos policiers et nos gendarmes continuent d’exercer leur métier avec un grand professionnalisme. Avec courage et sang-froid, ils font face à des individus qui cherchent en permanence à provoquer l’embrasement.
À la veille d’une nouvelle journée de mobilisation, je veux, au nom de mon groupe, leur dire qu’ils peuvent compter sur notre soutien. Nous exprimons, aujourd’hui encore, notre reconnaissance aux gardiens de l’ordre républicain.
Contrairement aux manifestants, la police et la gendarmerie ne sont les défenseurs d’aucune idéologie. Ils sont au service de tous les Français et de nos institutions républicaines.
Beaucoup de nos collègues s’étaient levés, à la suite de la question d’actualité au Gouvernement du président de notre groupe, Claude Malhuret, pour rendre hommage à nos forces de l’ordre. La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui fait donc partie des textes qui doivent nous réunir et réunir les républicains.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires en soutiendra donc bien évidemment l’adoption, à l’unanimité de ses membres.
Mes chers collègues, permettez-moi, pour conclure, de saluer l’initiative conjointe des présidents de groupe Bruno Retailleau et Hervé Marseille. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui est certainement révélatrice d’un climat social et politique que notre pays connaît depuis une vingtaine d’années. En effet, s’il y a bien un constat que nous partageons, c’est que les contestations auxquelles notre pays est confronté sont de plus en plus violentes.
Ces phénomènes de violences ne touchent pas que la France. Rappelez-vous ces scènes de guérillas et d’émeutes lors du G20 de Hambourg en 2017, avec trois jours de déferlement de violence et de haine. Rappelez-vous le G8 de Rostock, en 2007, où l’on a compté plus d’un millier de blessés, ou encore le G20 de Londres.
L’apparition des zones à défendre, les fameuses ZAD – en réalité, de véritables zones de non-droit – est également devenue un phénomène récurrent. De même, chez nos voisins, il y a eu, au mois de janvier 2023, à Lützerath, en Allemagne, de violents affrontements, au cours desquels les policiers ont essuyé des tirs d’engins pyrotechniques et des jets de projectiles, faisant plus de 70 blessés. Au cours de ce même mois de janvier, à Atlanta, des manifestations pour s’opposer à la construction d’une école de police se sont soldées par un mort et de nombreux blessés.
Cette mouvance internationaliste touche également la France.
Cette nouvelle génération d’activistes d’ultragauche, ou d’ultradroite, se structure au printemps 2006, lors de la mobilisation contre le contrat première embauche (CPE). Ces activistes méprisent les mobilisations institutionnelles. Ils méprisent les manifestations encadrées. Ils encouragent l’insurrection et profitent des contestations pour semer le chaos.
Plusieurs lieux de forte contestation sont devenus tristement célèbres : Sivens, où un jeune homme est décédé et 56 policiers et gendarmes ont été blessés ; Notre-Dame-des-Landes, où 108 gendarmes ont été blessés, 800 engins incendiaires saisis, plus de 50 kilos d’artifices et engins explosifs artisanaux et 10 armes blanches récupérés – cela en dit long sur la détermination de ces groupes d’ultragauche à mettre en péril la vie de ceux qui nous protègent !
Au printemps 2016, lors de la contestation contre la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite Travail, la mouvance a atteint un niveau de violence jusqu’alors inégalé.
Depuis, nous le voyons bien, du mouvement des « gilets jaunes » jusqu’à la mobilisation contre la réforme des retraites, l’ultragauche et l’ultradroite infiltrent toutes les revendications pour les radicaliser.
Nous pouvons observer que ces contestations entretiennent des liens entre elles, mais également avec des mouvances étrangères. Ainsi, à Sainte-Soline, les forces de l’ordre ont également été confrontées à des éléments radicaux venant d’Italie, d’Allemagne ou encore de Belgique.
D’ailleurs, selon la préfète des Deux-Sèvres, « tout porte à croire que les activistes violents visaient davantage les forces de l’ordre pour elles-mêmes et, à travers elles, les institutions républicaines ».
Personne, et surtout pas les organisateurs, ne pouvait alors ignorer la violence qui se déchaînerait lors du rassemblement qu’ils avaient préparé.
Le directeur général de la gendarmerie nationale a indiqué que les éléments radicaux avaient pour objectif de « mettre en échec la capacité des gendarmes à maintenir l’ordre public et à assurer la protection des institutions ».
Je le dis avec gravité, mes chers collègues, on ne peut que regretter la duplicité de certains membres de notre Parlement. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) Ces élus portent une lourde responsabilité, par leur attitude, leurs propos et leur silence.
M. Pierre Laurent. Des noms !
M. Xavier Iacovelli. En participant à ces manifestations interdites, en ne condamnant pas clairement les violences à l’encontre de nos forces de l’ordre, ces élus jouent un jeu dangereux. Comme le dit un slogan simple qu’ils utilisent souvent, ils cherchent à obtenir par la rue ce qu’ils n’obtiendraient pas par les urnes.
Derrière cette idéologie, il y a une réalité qui cautionne la violence physique, la violence verbale et la violence morale.
Si le groupe RDPI salue et votera pour cette proposition de résolution exprimant la gratitude et la reconnaissance du Sénat aux forces de l’ordre, je tiens à rappeler que le renforcement des moyens, l’amélioration des conditions de travail et la revalorisation des carrières sont la meilleure preuve de gratitude et de reconnaissance que l’État puisse fournir aux forces de sécurité intérieure.
Le premier quinquennat du Président Macron a été marqué par un renforcement considérable des moyens alloués au ministère de l’intérieur, avec, je le rappelle, 10 milliards d’euros de budget supplémentaires, 10 000 policiers et gendarmes recrutés, le renouvellement de la moitié du parc automobile, le paiement de plusieurs millions d’heures supplémentaires cumulées non rétribuées durant plusieurs années. L’année 2023 est la première année de mise en œuvre des mesures prévues par la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, la fameuse Lopmi.
Ce texte prévoit un renforcement et un effort budgétaire inédit, de 15 milliards d’euros, entre 2023 et 2027, ce qui permettra notamment le doublement de la présence des forces de l’ordre sur le terrain d’ici à 2030. À cette fin, le ministère de l’intérieur bénéficiera de 8 500 créations d’emploi d’ici à 2027 – en plus des 10 000 emplois que nous avons créés lors du précédent quinquennat. Rien que cette année, les effectifs des forces de l’ordre seront augmentés de 2 857 emplois à temps plein. Ces nouveaux gendarmes et policiers armeront prioritairement les 200 nouvelles brigades qui doivent être créées d’ici à 2027, notamment en milieu rural.
Je pense également à la poursuite de la revalorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale.
Plusieurs mesures sont par ailleurs prévues pour renforcer l’accompagnement social des personnels et de leurs familles : amélioration des aides aux blessés et de l’aide à la reconstruction par le sport, densification du réseau de psychologues cliniciens ou encore mise en place de nouvelles aides à la garde d’enfant en horaires atypiques et décalés.
Mes chers collègues, c’est par toutes ces mesures et par le vote de la Lopmi qui est intervenu dans cet hémicycle que nous apportons un soutien concret, plein et entier aux forces de l’ordre.
Au nom du groupe RDPI, nous exprimerons clairement notre pleine reconnaissance et notre gratitude aux forces de l’ordre en votant cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, jusqu’à la mi-mars, à l’appel de l’intersyndicale, les manifestations contre la réforme des retraites se déroulaient un peu partout sur le territoire de manière organisée et pacifique. Manifestants, Gouvernement ou médias se félicitaient du bon déroulement de cet exercice d’un droit démocratique.
Pourtant, le 16 mars dernier, la décision de la Première ministre de recourir au 49.3 a été le point de départ de violences urbaines, qui ont ensuite émaillé toutes les manifestations, notamment celle du 23 mars ou encore celle du 5 avril dernier.
Nous avons assisté, le 25 mars dernier, dans un autre contexte, à un déchaînement de violence à Sainte-Soline, alors même que la manifestation était interdite sur le site des retenues d’eau.
Le bilan de ces mois d’affrontements est lourd : près de 2 000 interpellations, plusieurs centaines d’atteinte à des institutions de la République, plus de 1 300 policiers, gendarmes ou pompiers blessés, 2 500 incendies sur la voie publique, dont certains menaçant certains immeubles et leurs habitants. Ainsi, un drame a été évité de peu à Paris, où des personnes, notamment des enfants, ont dû être évacuées par nos forces de sécurité.
Face à ce chaos, elles ont fait preuve d’un grand sang-froid pour assurer malgré tout leur mission de protection des biens et des personnes. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons leur rendre hommage et leur apporter tout notre soutien aujourd’hui.
Il s’est pourtant trouvé plusieurs élus, membres de diverses associations prétendument humanitaires, pour se livrer à une mise en cause indécente des policiers et des gendarmes, les accusant de brutalité et de violence à l’égard des manifestants. Nous avons assisté ici même à un renversement des valeurs, les agresseurs devenant les agressés.
Nos forces de l’ordre ont dû contenir les assauts répétés de certains indignés professionnels, qui ont été qualifiés de « simples promeneurs ». Depuis quand les personnes qui souhaitent manifester ou protester doivent-elles s’équiper de cocktails Molotov, de boules de pétanque, de marteaux, de battes de base-ball, de manches de pioche ou de pavés ?
À Sainte-Soline, cet arsenal qualifié de « festif » était complété par des bombonnes de gaz, des aérosols, des bidons d’essence ou encore des mortiers d’artifices. Certains étaient manifestement venus dans l’intention de « taper du flic », encouragés par des slogans stupides comme « la police tue ». Les fourgons en feu de la gendarmerie ne laissaient pas de place au doute quant à leur détermination à en découdre.
Mes chers collègues, il y a là une complaisance et même une fascination pour la violence que je ne m’explique pas. Elle vient en particulier de certains mouvements d’extrême gauche, comme les Black Blocks, qui rêvent d’insurrection et de grand soir. Leur objectif : attaquer et détruire la société capitaliste et ses institutions républicaines, jugées intrinsèquement bourgeoises.
Nos services de renseignement ont confirmé une stratégie d’infiltration des mouvements sociaux, mise en œuvre par l’ultragauche dès la mi-mars, afin de faire basculer des manifestations pacifiques en soirées d’émeute contre tout symbole de l’État et, en premier lieu, contre ces représentants de l’ordre républicain que sont les policiers et les gendarmes.
Cette violence n’a rien de symbolique. Les vitrines des banques, des assurances, des McDonald’s ou encore des grandes enseignes de commerce en ont elles aussi fait les frais. Pour cette mouvance, le recours à la violence doit susciter un processus dit insurrectionnel, prélude indispensable à la révolution. À défaut, c’est un moyen d’abattre nos institutions actuelles au profit d’une vaporeuse VIe République.
Nous avons constaté l’impossibilité pour cette mouvance, qui se dit pourtant démocrate, de condamner clairement les violences exercées contre nos forces de l’ordre. Nous l’avons vu à Sainte-Soline : elle invoque le droit de manifester, mais, pour elle, la propriété, que l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 cite parmi les « droits naturels et imprescriptibles », n’existe tout simplement pas.
Si les forces de police ont dû être mobilisées, c’est aussi pour protéger l’outil de production de nos agriculteurs. Nous devons l’avoir à l’esprit pour remettre les choses à l’endroit, au nom des valeurs qui doivent nous réunir.
Dans ce contexte de violence contre nos institutions, que peuvent faire les parlementaires pour soutenir nos forces de l’ordre ? Récemment, le secrétaire général du syndicat Alliance a demandé une nouvelle loi anti-casseurs,…
Mme Éliane Assassi. Il est dans les manifs avec nous !
M. François Bonhomme. … afin d’avoir « les moyens juridiques et techniques de prévenir les violences lors de manifestations et de sanctionner leurs auteurs ».
Rappelons-le, Bruno Retailleau a déposé une proposition de loi qui, au terme de son parcours législatif, a donné naissance à la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre lors des manifestations. Malheureusement, une décision du Conseil constitutionnel est venue remettre en cause l’application de ce texte, dont la réécriture semble néanmoins possible.
Devant notre commission des lois, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a également annoncé que le décret relatif à l’utilisation des drones par nos forces de sécurité était en cours d’examen au Conseil d’État. À partir de l’été prochain, il sera enfin possible d’avoir recours à ces appareils à des fins de renseignement.
Pour notre part, nous serons toujours prêts à apporter notre contribution pour que nos forces de l’ordre puissent accomplir leur difficile mission de maintien de l’ordre avec tous les outils juridiques adaptés. À mon sens, ce sera le meilleur moyen de leur exprimer notre gratitude et notre reconnaissance ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis plusieurs années l’activité des forces de l’ordre s’est considérablement accrue sur le territoire métropolitain. Du terrorisme aux manifestations, des zones à défendre aux quartiers ghettos, de la lutte contre l’immigration illégale à la police du quotidien, tout, en fait, peut être sujet à violence, même des événements festifs, qu’ils soient sportifs ou culturels.
Cette agitation permanente met les forces de l’ordre en tension, éreinte les personnels et complique leur vie familiale. On ne compte plus leurs heures supplémentaires ni les blessures, parfois graves, qu’elles subissent pour assurer la sécurité des Français et faire appliquer les lois.
Je pense également à nos forces présentes outre-mer. Dans certains territoires, elles doivent faire faire à une délinquance différente, singulièrement jeune et violente, et à la multiplication des trafics, en particulier de stupéfiants.
Cette violence peut être encore amplifiée par des flux migratoires incontrôlés qui créent des situations explosives, comme c’est le cas à Mayotte.
En Guyane, l’immigration illégale venue du Brésil ou du Surinam accentue la prédation sur les ressources : pêche illégale, coupe de bois, orpaillage, pollution des sols et des cours d’eau, etc. Nos forces y travaillent dans des conditions difficiles et dangereuses. Un gendarme d’élite y a d’ailleurs perdu la vie il y a quelques jours.
Le trafic de drogue, particulièrement de cocaïne, vers la métropole mobilise aussi policiers, gendarmes et douaniers.
Aujourd’hui, nous exprimons notre reconnaissance aux forces de l’ordre. C’est d’autant plus nécessaire qu’elles font face à des individus de plus en plus radicalisés et désinhibés, dont l’ambition est clairement de « tuer » ou de « brûler du flic » – passez-moi l’expression.
Oui, le maintien de l’ordre est une activité délicate. Il exige du professionnalisme et du sang-froid, qu’il s’agisse d’assurer la sécurité des personnels ou celle des citoyens. Reste que cette violence est globale et ne vise pas que la police ou la gendarmerie. Sont aussi ciblés de nombreux agents du service public – des médecins, des pompiers, des enseignants, des élus nationaux ou locaux.
Madame la secrétaire d’État, le maintien de l’ordre en France demeure certainement perfectible, mais d’autres problèmes méritent aussi d’être traités.
À mon sens, la réponse pénale est souvent faible et, surtout, les délais de jugement sont trop longs. Des individus délinquants restent en France, alors qu’ils n’avaient aucun titre pour y entrer, voire font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) non exécutée.
Nous assistons à l’internationalisation des casseurs, venus non seulement de l’ultragauche, mais aussi de l’ultradroite.
M. Jérôme Durain. Très bien !
M. Pascal Allizard. Je pense tout autant au désespoir d’une partie de notre jeunesse, entre perte de repères et écoanxiété, et à celui des territoires périphériques en voie de paupérisation, dont le mouvement des « gilets jaunes » était en fait l’expression. Je tiens à leur dire que la violence n’est jamais la solution.
Quelle image donnons-nous au monde aujourd’hui ? Une chose est sûre, nous n’apparaissons pas comme le pays de la liberté.
Il faudra s’attaquer rapidement à ces problèmes pour éviter que la violence ne se déchaîne systématiquement sur les forces de l’ordre et n’aboutisse à des tragédies que – je le crois – personne ici ne souhaite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Patrick Chauvet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, permettez-moi d’avoir une pensée émue pour le gendarme Yannick Pierre et l’adjudant de réserve Patrick Hervé, décédés hier au cours d’une opération de lutte contre la délinquance routière, et plus largement pour la grande famille de la gendarmerie nationale, une nouvelle fois endeuillée. Elle paie le lourd tribut de son engagement.
Ensuite, je vous prie d’excuser Gérald Darmanin, qui tenait à être présent pour apporter son soutien à cette proposition de résolution et exprimer, lui aussi, sa reconnaissance aux forces de l’ordre. Vous le savez, il est aux Pays-Bas avec le Président de la République.
Je tiens à remercier les présidents de groupe Bruno Retailleau et Hervé Marseille d’avoir déposé ce texte, qui nous donne l’occasion d’exprimer la gratitude de la Nation à ces femmes et à ces hommes qui ont choisi de protéger nos vies, parfois au péril de la leur : l’actualité nous le rappelle tristement.
En préambule, je vous livrerai un sentiment personnel. En tant que Calédonienne, j’ai vécu il n’y a pas si longtemps les affres d’une guerre civile fratricide, ce que, chez nous – votre assemblée le sait bien –, nous appelons très pudiquement « les événements ».
Je sais que la paix doit être conservée à tout prix. Je ne sais que trop bien le rôle central joué par nos forces de l’ordre dans cette entreprise. Je sais quelle fut leur importance, lorsque 2 000 de leurs représentants sont venus, il y a deux ans, garantir que s’exerce sereinement le droit à l’autodétermination des Calédoniens. Nous savons ce que nous leur devons.
Partout, les forces de l’ordre s’engagent pour la France et les Français : à Paris, pour garantir la liberté de manifester ; à Sainte-Soline, pour lutter contre ceux qui tentent de mettre à genoux notre République ; à Nouméa, à 22 000 kilomètres de la métropole, pour honorer la parole de la France dans les outre-mer.
Que les femmes et les hommes qui constituent les forces de sécurité intérieure soient assurés de l’entier soutien et de la totale reconnaissance du ministère de l’intérieur et des outre-mer.
Ces forces sont les seules garantes de l’ordre public, de l’ordre républicain, du seul ordre qui vaille. Leur rôle est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui précise en son article XII : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous. »
Cette force, ce sont les femmes et les hommes qui s’engagent au quotidien pour la sécurité des Français.
C’est la force qui garantit le droit à la liberté contre ceux qui veulent saper le fonctionnement de nos institutions et de notre démocratie ; la force qui garantit le droit à la propriété contre ceux qui brûlent les voitures, les immeubles et les portes de mairie ; la force qui garantit le droit à la sûreté et l’ordre républicain contre ceux qui pratiquent la guérilla urbaine et s’en prennent aux outils de travail de nos agriculteurs, à nos commerces, bref aux honnêtes travailleurs.
Cet engagement au service de la protection des droits des Françaises et des Français, nos forces de l’ordre le déploient partout en France. Elles sont bien sûr à l’œuvre sur le territoire métropolitain, où elles ont été particulièrement sollicitées ces derniers mois, mais elles agissent aussi dans nos territoires ultramarins, que ce soit aux Antilles, pour lutter contre l’insécurité et le trafic de drogue, qui gangrènent le territoire, ou en Guyane, pour combattre les cartels et les orpailleurs. J’ai d’ailleurs une pensée émue pour le major Arnaud Blanc, mort dans l’exercice de ses fonctions, dans cette lutte de chaque instant contre ceux qui pillent et détruisent sans vergogne le territoire guyanais.
Nos forces de l’ordre interviennent également à Mayotte pour freiner l’immigration comorienne, qui place nos concitoyens mahorais dans une situation insoutenable.
Dans le Pacifique enfin, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna ou en Nouvelle-Calédonie, elles sont engagées sur un large spectre de missions et concourent, entre autres, à la préservation du fragile écosystème qui fait la richesse de nos îles océaniennes.
Pourtant, ces dernières semaines, ceux-là mêmes qui garantissent l’État de droit et la sécurité de tous les Français ont été la cible d’attaques inacceptables. Cocktails Molotov, pavés, insultes, appels à la haine : depuis le 19 janvier dernier, première journée de mobilisation contre la réforme des retraites, nous assistons à une montée en puissance de la violence à l’encontre de nos forces de l’ordre.
Plus de 1 800 policiers et gendarmes ont été blessés depuis cette date, dont 1 381 au cours des quatre dernières semaines.
Ces attaques sont d’autant plus graves que certains partis les passent sous silence. Pis encore, il arrive que telle ou telle critique politique injuste cache, en fait, une bienveillance insidieuse pour les casseurs de Notre-Dame-des-Landes et de Sainte-Soline.
Ne nous y trompons pas : cette violence cherche à fracturer la société en s’attaquant aux institutions de la République, en discréditant les forces et l’ordre et en contestant la légitimité parlementaire.
Notre discours ne peut souffrir la moindre ambiguïté. Il ne saurait être à géométrie variable. Le devoir de nos forces de l’ordre est avant tout de permettre l’exercice de la liberté de s’exprimer lors de manifestations déclarées et autorisées. Il y va de l’honneur des policiers et des gendarmes : nos forces de l’ordre garantissent, pour chacun d’entre nous, la liberté d’exprimer dans le respect de la loi ses attentes, ses opinions, son mécontentement et son opposition.
Ce rappel étant formulé, nous avons toutes et tous constaté l’extrémisme de groupuscules dont les membres sont responsables de grandes violences. Je pense notamment à un certain groupement, Les Soulèvements de la Terre, dont les membres ont envahi des entreprises, commis des exactions graves contre les forces de l’ordre, détruit nombre de biens et lancé plusieurs appels à l’insurrection.
Face à ces organisations factieuses, la main du Gouvernement ne tremble pas. Nous avons pris les mesures qui s’imposent pour maintenir l’ordre dans notre pays. C’est pourquoi Gérald Darmanin a engagé la dissolution de ce groupement.
Je puis vous assurer de la pleine mobilisation des services de renseignement pour anticiper et détecter la formation et les actions de groupuscules, d’ultragauche comme d’ultradroite,…
M. Jérôme Durain. Il est bon de le rappeler !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. … à l’origine de nombreux troubles.
D’ultragauche comme d’ultradroite : je le répète pour chasser toute ambiguïté. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer saura faire preuve de fermeté à leur égard.
Nous avons pris toutes les mesures qui s’imposent pour appréhender ces fauteurs de troubles. Un vaste travail a été mené pour rénover la doctrine du maintien de l’ordre.
Le nouveau schéma national, qui tient compte des évolutions de la sociologie revendicative et met davantage l’accent sur la relation avec les manifestants, a d’ores et déjà des effets encourageants. Le déroulement des dernières manifestations témoigne de la juste adaptation de ces nouveaux dispositifs, notamment en milieu urbain. Certes, il y a eu des dégradations, mais nous ne déplorons aucun incident majeur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a également pris les mesures qui s’imposent pour assurer l’ordre dans notre pays, grâce à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), que vous avez votée à une large majorité.
Près de 7 500 policiers et gendarmes supplémentaires vont compléter les rangs des forces de l’ordre et 200 brigades de gendarmerie sont en cours de création. Les effectifs des réserves opérationnelles de la gendarmerie et de la police vont, par ailleurs, être portés respectivement à 50 000 et 30 000 personnes. Les agents vont aussi bénéficier de matériels et de tenues modernisés et le parc automobile des forces de l’ordre va être renouvelé au rythme annuel de 10 %.
En outre, en vue des jeux Olympiques et Paralympiques que la France accueillera en 2024, onze nouvelles unités de forces mobiles (UFM) seront déployées cette année et l’année prochaine sur l’ensemble du territoire. Parallèlement, sept UFM seront rendues disponibles par la reprise des sites par les préfectures de police. Soyez assurés de la mobilisation pleine et entière du ministère dans la préparation de cet événement majeur pour notre pays.
Il y va de l’honneur de la France : nous devons garantir aux forces de l’ordre les moyens d’exercer leurs missions avec dignité et sérénité, au service de la République et de la démocratie.
La confiance des Françaises et des Français envers les forces de l’ordre et le soutien que nous leur apportons n’entame en rien l’exigence de déontologie et de respect du droit que nous leur assignons et à laquelle ils s’astreignent.
Le corollaire de cette mission au service de la République, c’est l’exemplarité : chaque fois qu’un policier dérape – cela peut arriver –, c’est la relation des citoyens aux forces de l’ordre, au ministère de l’intérieur et même à la République qui se dégrade.
S’il arrive que des policiers et des gendarmes sortent du cadre fixé par la loi, si l’équilibre entre nécessité et proportionnalité n’est pas respecté, des enquêtes sont menées et les responsables sont évidemment sanctionnés.
Le ministère de l’intérieur et l’inspection générale de la police nationale, tout comme la gendarmerie et la police nationales, s’attachent à ce que la formation des forces de l’ordre, aussi bien initiale que continue, soit la plus précise et exigeante possible.
Cela étant, ne tombons pas dans le piège tendu par certains aujourd’hui. Ne transformons pas en généralité des cas isolés d’utilisation disproportionnée de la force.
Je le dis clairement : non, il n’existe pas de violences policières dans notre pays. L’État détient le monopole de la violence légitime. Tenir un autre discours reviendrait à jeter l’opprobre sur ces ouvriers de la sécurité que sont nos policiers et nos gendarmes.
Gérald Darmanin et moi-même, nous mesurons ce que les gendarmes et policiers accomplissent au quotidien, ce que cela représente pour eux d’engagement, d’abnégation, de courage et de sacrifices. J’ai d’ailleurs une pensée particulière pour leurs familles et leurs proches, qui, eux aussi, portent le poids de cet engagement.
Ces femmes et ces hommes méritent toute notre estime, toute notre reconnaissance. Les Françaises et les Français savent bien ce qu’ils leur doivent. Ils savent le rôle essentiel que jouent les forces de l’ordre pour leur permettre de mener une vie paisible : nous en sommes convaincus.
Le vote de cette proposition de résolution confirmera le soutien et la reconnaissance du Sénat et, par sa voix, la gratitude, non seulement des élus locaux, mais des Françaises et des Français aux forces de l’ordre qui, partout dans notre pays, agissent pour notre sécurité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution exprimant la gratitude et la reconnaissance du sénat aux membres des forces de l’ordre déployées sur tout le territoire national
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Considérant la montée de la violence en France, dans le discours politique et dans les manifestations ;
Constatant la multiplication, de Notre-Dame-des-Landes à Sainte-Soline, du centre-ville de Nantes à celui de Paris, des affrontements directs entre casseurs et forces de l’ordre ;
Considérant que cette violence a prospéré depuis plusieurs années du fait de l’immobilisme, de la tolérance et parfois de la bienveillance de certains responsables politiques à l’égard de ses auteurs ;
Constatant qu’elle est aujourd’hui légitimée et encouragée par des élus qui tiennent des discours ambivalents ;
Considérant que la violence physique est désormais précédée jusque dans nos institutions d’une violence verbale qui tente de justifier des comportements aussi illégaux qu’inadmissibles ;
Considérant que cette violence n’a pour ambition que de fracturer notre société, d’attaquer les institutions de la République, de rejeter la légitimité parlementaire et de substituer au débat réfléchi, argumenté et serein, qui est la démocratie représentative, un état de guerre de tous contre tous ;
Considérant que les déchainements de haine auxquels la France assiste visent en premier lieu à s’en prendre aux forces de l’ordre et à les discréditer ;
Constatant que nos forces de l’ordre sont injustement la cible récurrente et privilégiée des critiques politiques, sans aucun égard pour l’ultra-violence qui les vise et pour le lourd tribut qu’elles payent pour assurer notre sécurité ;
Considérant qu’il est inacceptable et dangereux de renvoyer dos à dos forces de l’ordre et casseurs ;
Considérant que les forces de l’ordre, dans l’exercice de leur mission, sont un rempart contre le chaos et le bouclier de la République ;
Exprime sa profonde gratitude, sa reconnaissance et son soutien aux policiers et aux gendarmes qui risquent chaque jour leur vie ;
Invite le Gouvernement à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour appréhender les casseurs et ramener l’ordre dans notre pays.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 272 :
Nombre de votants | 250 |
Nombre de suffrages exprimés | 250 |
Pour l’adoption | 250 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Communication d’avis sur des projets de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis défavorable – 12 voix pour, 24 voix contre – à la nomination de M. Boris Ravignon à la présidence du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Par ailleurs, en application des mêmes dispositions, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable – 21 voix pour, aucune voix contre – à la nomination de M. Lionel Collet à la présidence de la Haute Autorité de santé (HAS), et la commission des affaires étrangères un avis favorable – 26 voix pour, aucune voix contre – à la nomination de M. Gilles Andréani à la présidence de la Commission du secret de la défense nationale.
9
Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions (texte de la commission n° 497, rapport n° 496).
La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 471 jours nous séparent de l’ouverture des jeux Olympiques, le long de la Seine.
Cette rencontre sportive hors norme se doit d’être une belle fête et chacun doit pouvoir profiter du spectacle en toute sécurité. C’est aussi l’occasion pour la France de rayonner en montrant au monde son savoir-faire, dans les domaines tant sportif qu’organisationnel.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui donne aux autorités compétentes les outils dont elles ont besoin pour sécuriser et organiser dans de bonnes conditions les Jeux tout en veillant au respect des libertés.
En ce sens, le Sénat a multiplié les garde-fous, les contrôles et les garanties.
Notre assemblée ne signe ni un chèque en blanc ni un chèque en gris aux autorités publiques. Nous cherchons à leur offrir les moyens et les capacités d’organisation nécessaires pour éviter d’autres épisodes regrettables.
Avant d’en venir au fond de ce texte, je relèverai deux points qui ont leur importance. D’une part, la méthode employée rappelle la force de la loi, à l’heure où chacun mesure les dangers des législations trop nombreuses, sans portée normative et trop bavardes. D’autre part, les différents artisans de ce travail législatif – Gouvernement, députés et sénateurs – ont su trouver un compromis équilibré.
Alors que l’examen de ce projet de loi arrive à son terme, je tiens à insister sur l’esprit de pragmatisme et de responsabilité insufflé par notre assemblée. Il s’agit là de notre boussole.
Ainsi, le Sénat s’est attaché à garantir l’opérationnalité d’outils comme la vidéoprotection intelligente, les scanners biométriques, les tests génétiques pour la lutte antidopage ou encore le criblage.
Leur caractère constitutionnel a été un souci permanent. Le Sénat a particulièrement veillé à la préservation de l’équilibre actuel entre le maintien de l’ordre public et la protection des libertés. C’est le sens du renforcement des garanties que j’évoquais et qui est au cœur de nos travaux.
Le développement de la vidéoprotection, qui a concentré notre attention, confirme la qualité du compromis trouvé entre les assemblées. La protection des droits des personnes a été le ciment de notre discussion.
L’information générale du public sur les traitements algorithmiques, la déclaration d’intérêt des tiers choisis pour développer les traitements, le renforcement du rôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et l’amélioration du suivi et de l’évaluation de l’expérimentation ont été entérinés par l’Assemblée nationale.
Dans la foulée, nous sommes parvenus à un accord sur le terme de l’expérimentation, la durée de conservation des données d’apprentissage et la priorité accordée aux entreprises répondant aux exigences de protection en matière de cybersécurité.
Après avoir constaté le renforcement du dispositif des tests génétiques, lesquels sont essentiels pour respecter nos engagements internationaux, nous avons concédé un assouplissement des conditions de contrôle des sportifs entre cinq et six heures du matin.
Les dispositions spécifiques à la Polynésie française ont été maintenues. Rappelons-le, les 549 épreuves prévues, réparties sur 37 sites, ne se limiteront pas au territoire métropolitain.
La billetterie électronique est un autre acquis dont le Sénat peut revendiquer la paternité. C’est aussi l’une des leçons tirées des événements du Stade de France.
Par ailleurs, l’articulation entre la mesure administrative d’interdiction de stade et la peine complémentaire, introduite par l’Assemblée nationale, a été conservée. Elle a paru cohérente avec la sécurité des enceintes sportives.
Pour ce qui concerne l’autorisation préfectorale de dérogation des commerces au repos dominical, la procédure de l’Assemblée nationale, en deux étapes, a été retenue pour éviter les risques de contentieux. Toutefois, un assouplissement des modalités d’extension a été prévu.
Enfin, les mobilités ont été un sujet de discussion. Je pense en particulier aux questions d’accessibilité pour les personnes utilisatrices de fauteuil roulant. Le seuil des dix autorisations de stationnement exploitées dans la zone de compétence du préfet de police de Paris a été supprimé. En revanche, la commission mixte paritaire (CMP) a maintenu la possibilité d’imposer un signe distinctif pour reconnaître facilement les taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter ce texte, fruit d’un compromis parlementaire de bon sens, afin de résoudre des problèmes concrets d’organisation tout en faisant place à l’innovation dans le respect des libertés.
Les Jeux de 2024 doivent être une véritable fête du sport et de l’esprit olympique, dont les grandes valeurs sont la maîtrise de soi, le dépassement et le mérite.
Ce texte fournit au Gouvernement les outils dont il a besoin : il lui revient d’en faire bon usage. Maintenant, place aux Jeux ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un réel plaisir pour moi de revenir devant le Sénat au lendemain du vote par l’Assemblée nationale des conclusions de cette commission mixte paritaire, dont je tiens à souligner le succès. Il démontre l’esprit de collaboration entre les deux assemblées et confirme la volonté, constante au long du processus parlementaire, d’améliorer ce texte.
Au terme de la navette parlementaire, notamment au regard de nos débats dans cet hémicycle, j’en suis convaincue : ensemble, nous sommes parvenus à nous fixer des objectifs communs et à trouver les bons équilibres sur certaines problématiques sensibles. Je pense aux mesures de lutte contre les violences et les incivilités dans nos stades. Je pense également à la conciliation que nous avons recherchée, en matière de sécurité, entre nos exigences d’efficacité, d’une part, et la protection des droits et libertés de nos concitoyens, de l’autre.
Nous avons également tenu compte des remarques et suggestions de l’ensemble des parlementaires, tout particulièrement des sénateurs, pour enrichir le texte chaque fois que nécessaire.
J’en veux pour preuve la mise en place d’une billetterie nominative, dématérialisée et infalsifiable. Cette mesure utile permettra de moderniser notre préparation et notre gestion des événements exposés à des risques de fraude.
Je songe à l’amélioration de notre édifice antidopage tout entier, par la pérennisation des dispositions relatives aux analyses génétiques comme par les échanges d’informations entre Tracfin et l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Ces mesures nous permettront d’être véritablement et durablement au rendez-vous de nos engagements internationaux.
Le texte issu de nos travaux satisfait ainsi aux impératifs que nous avions conjointement établis. Il reste centré sur l’essentiel ; à preuve, il compte moins de trente articles. Il contient toutes les mesures indispensables au bon déroulement des Jeux. Il est intégralement orienté vers la phase opérationnelle de notre préparation collective et assure le plein respect des droits et libertés de nos concitoyens.
Le texte issu de nos travaux répond aux impératifs que nous avions conjointement établis. Avec moins de trente articles, il reste centré sur l’essentiel. Il intègre toutes les mesures indispensables au bon déroulement des Jeux. Il est intégralement orienté vers la phase opérationnelle de notre préparation collective, tout en assurant le plein respect des droits et libertés de nos concitoyens.
Ce texte couvrira ainsi l’ensemble de nos objectifs sans renoncer à nos principes : une polyclinique et des professionnels de santé, mobilisés au service des athlètes et des délégations, sans monopoliser les moyens de notre système de santé ni diminuer notre offre de soins ; une nouvelle dynamique donnée à la formation aux gestes qui sauvent, pour développer chez nos concitoyens le sens de l’engagement et du premier secours ; une lutte contre le dopage qui demeurera aux meilleurs standards internationaux.
Le processus parlementaire a également permis de doter nos policiers et gendarmes d’outils plus modernes pour assurer de meilleures conditions de sécurité et de coordination opérationnelle, lors de nos grands événements sportifs. Le renforcement du cadre juridique relatif au traitement des images par algorithmes sera expérimenté jusqu’au 31 mars 2025. Ses conditions d’emploi font l’objet de très nombreuses garanties et d’un contrôle permanent par la Cnil.
En matière de transport, les conditions de réussite du déploiement de 1 000 licences de taxi d’ici à l’été 2024 en région parisienne sont désormais réunies, grâce au travail réalisé dans le cadre de la navette.
Enfin, notre texte va permettre de faire vivre ces Jeux dans l’ensemble de nos territoires, en métropole comme en outre-mer, avec des animations festives, tout au long du relais de la flamme et une activité commerciale le dimanche, du 15 juin au 30 septembre 2024, à proximité de nos sites de compétition.
Plus globalement, ce texte fait vivre les exigences que nous promouvons dans notre modèle des grands événements sportifs : l’impératif d’accessibilité des sites et des transports au service d’un regard nouveau porté sur le handicap ; des mesures fortes au service de notre responsabilité environnementale, notamment en termes de mobilité durable ; le respect de l’exigence de sobriété budgétaire, condition clé de l’acceptabilité sociale de ces Jeux.
J’ai eu un réel plaisir à œuvrer sur ce texte avec vous, avec les rapporteurs et les commissions. Je salue la qualité élevée – et même remarquable – du débat, doublée d’un esprit d’ouverture et d’une recherche constante d’efficacité. Cela démontre, comme je le disais hier à l’Assemblée nationale, que lorsqu’il s’agit de faire réussir la France en organisant le plus impeccablement possible le premier événement sportif planétaire, il n’est de clivages partisans qui ne sauraient être surmontés.
Dès que cette loi sera – je l’espère – adoptée et promulguée, j’aurai à cœur, avec mes collègues, en particulier Gérald Darmanin, Clément Beaune et François Braun, d’assurer sa mise en œuvre dans les plus brefs délais. Nous avons amorcé ce travail et le poursuivrons sans relâche pour être au rendez-vous des Jeux.
Je reste à la disposition du Sénat, et notamment de sa commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour examiner les jalons qu’il nous reste à poser dans cette phase opérationnelle, mais aussi, au-delà des Jeux de Paris 2024, les mesures que je souhaite continuer à mettre en œuvre au service du développement de la pratique sportive en France, grande cause nationale en 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi relatif aux jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
Chapitre Ier
Adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours
Article 1er
I. – En vue d’assurer la prise en charge des membres des délégations olympiques et paralympiques et des personnes accréditées par le Comité international olympique et le Comité international paralympique, il est créé au sein du village olympique et paralympique, pour la durée de l’accueil de ces personnes, un centre de santé dénommé « Polyclinique olympique et paralympique », dont la création et la gestion sont assurées par l’Assistance publique-hôpitaux de Paris. Ce centre de santé et ses équipements sont entièrement accessibles et adaptés aux personnes en situation de handicap.
Les trois derniers alinéas de l’article L. 6323-1 du code de la santé publique ne sont pas applicables à ce centre de santé.
Sous réserve du III du présent article, les articles L. 6323-1-10 et L. 6323-1-11 du code de la santé publique sont applicables à ce centre de santé.
II. – Le centre de santé mentionné au I du présent article réalise à titre exclusif des prestations à titre gratuit pour les personnes mentionnées au même I. Les articles L. 161-35, L. 162-32, L. 162-32-3 et L. 162-32-4 du code de la sécurité sociale et l’article L. 6323-1-7 du code de la santé publique ne lui sont pas applicables. L’accord national mentionné aux articles L. 162-32-1 et L. 162-32-2 du code de la sécurité sociale ne lui est pas applicable. Les modalités de financement des activités du centre de santé et de couverture des charges liées aux prestations réalisées sont prévues par une convention conclue en application de l’article L. 6134-1 du code de la santé publique entre l’Assistance publique-hôpitaux de Paris et le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Les personnes engagées en qualité de volontaires olympiques et paralympiques peuvent participer aux activités du centre de santé. Elles sont particulièrement sensibilisées aux questions d’accueil, d’accompagnement et de prise en charge des sportifs, quelle que soit leur situation de handicap.
III. – Le contenu du projet de santé, du règlement de fonctionnement et de l’engagement de conformité mentionnés aux articles L. 6323-1-10 et L. 6323-1-11 du code de la santé publique, ainsi que les conditions dans lesquelles les professionnels de santé sont associés à l’élaboration du projet de santé, sont adaptés aux caractéristiques du centre de santé par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé d’Île-de-France.
IV. – L’installation et le fonctionnement, au sein du centre de santé mentionné au I du présent article, d’appareils d’imagerie par résonance magnétique nucléaire à utilisation médicale et d’un scanographe à utilisation médicale, sont autorisés. Les chapitres II et III du titre II du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique ne sont pas applicables.
L’utilisation de ces équipements respecte les conditions techniques de fonctionnement mentionnées à l’article L. 6124-1 du même code.
En cas d’urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer l’interruption immédiate, totale ou partielle, de l’utilisation de ces équipements, dans les conditions prévues au II de l’article L. 6122-13 dudit code.
V. – Par dérogation au I des articles L. 5126-1 et L. 5126-4 du code de la santé publique, une pharmacie à usage intérieur de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris est autorisée à disposer de locaux au sein du centre de santé mentionné au I du présent article.
Elle peut délivrer au détail, dans des conditions fixées par décret, aux personnes mentionnées au même I, y compris lorsqu’elles ne sont pas prises en charge par le centre de santé, les médicaments et les produits ou objets mentionnés à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique ou les dispositifs médicaux stériles, qui figurent sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
VI. – Par dérogation aux articles L. 4221-1 et L. 4232-1 du code de la santé publique, les pharmaciens inscrits aux sections A et D ou les pharmaciens d’officine et hospitaliers inscrits à la section E du tableau de l’ordre national des pharmaciens peuvent également exercer au sein de la pharmacie à usage intérieur mentionnée au V du présent article, sans devoir être inscrits à la section H du même tableau. Ils informent le conseil central ou le conseil régional de l’ordre dont ils relèvent en application de l’article L. 4222-3 du code de la santé publique.
Article 1er bis
(Supprimé)
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Article 2 bis
Par dérogation aux articles L. 241-1 à L. 241-3 du code rural et de la pêche maritime, peuvent être autorisés à exercer la médecine et la chirurgie des animaux dans les lieux sous contrôle du comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, dans le cadre de la préparation et du déroulement des épreuves équestres de ces jeux, les vétérinaires inscrits sur une liste établie par le ministre chargé de l’agriculture.
Par dérogation à l’article L. 241-17 du même code, le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 déclare auprès du conseil national de l’ordre des vétérinaires un établissement de soins vétérinaires au sein duquel les vétérinaires mentionnés au premier alinéa du présent article sont autorisés à exercer.
Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et des sports fixe les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’autorisation, d’enregistrement et d’exercice des vétérinaires mentionnés au premier alinéa, le lieu de l’établissement de soins vétérinaires et la période au cours de laquelle l’autorisation d’exercice est délivrée, qui ne peut aller au-delà du 31 décembre 2024.
Article 3
I. – L’article L. 726-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la fin, les mots : « et les services publics auxquels appartiennent les acteurs de la sécurité civile mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 721-2 ou par des associations de sécurité civile agréées au titre de l’article L. 725-1 » sont remplacés par les mots : « , les services publics auxquels appartiennent les acteurs de la sécurité civile mentionnés à l’article L. 721-2 et les associations ayant notamment pour objet la formation aux premiers secours » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. Il précise notamment les modalités d’habilitation des différents organismes. »
II. – Au troisième alinéa de l’article L. 312-13-1 du code de l’éducation, les mots : « ou des associations agréées » sont supprimés.
Chapitre II
Mesures visant à renforcer la lutte contre le dopage
Article 4
I. – La section 3 du chapitre II du titre III du livre II du code du sport est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 232-12-1, il est inséré un article L. 232-12-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-12-2. – I. – Aux seules fins de mettre en évidence la présence dans l’échantillon d’un sportif et l’usage par ce sportif d’une substance ou d’une méthode interdites en application de l’article L. 232-9, le laboratoire accrédité par l’Agence mondiale antidopage en France peut procéder, à partir de prélèvements sanguins ou urinaires des sportifs qui lui sont transmis et dans l’hypothèse où les autres techniques disponibles ne permettent pas leur détection, à la comparaison d’empreintes génétiques et à l’examen de caractéristiques génétiques pour la recherche des cas suivants :
« 1° Une administration de sang homologue ;
« 2° Une substitution d’échantillons prélevés ;
« 3° Une mutation génétique dans un ou plusieurs gènes impliqués dans la performance induisant une production endogène d’une substance interdite en application du même article L. 232-9 ;
« 4° Une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d’augmentation de la performance.
« II. – La personne contrôlée est expressément informée, préalablement au prélèvement, et en particulier au moment de l’inscription à la compétition sportive :
« 1° De la possibilité que les échantillons prélevés fassent l’objet des analyses prévues au I du présent article, en précisant la nature de celles-ci et leurs finalités ;
« 2° De l’éventualité d’une découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour elle-même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés et de ses conséquences, selon les modalités mentionnées aux 3° et 4° du II de l’article 16-10 du code civil.
« III. – Les analyses prévues au I du présent article sont effectuées sur des échantillons pseudonymisés et portent sur les seules parties du génome pertinentes. Les données analysées ne peuvent conduire à révéler l’identité des sportifs ni servir au profilage des sportifs ou à la sélection de sportifs à partir d’une caractéristique génétique donnée.
« Les analyses sont réalisées à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants ou, si elles nécessitent l’examen de caractéristiques génétiques, ne peuvent conduire à donner d’autres informations que celles recherchées ni permettre d’avoir une connaissance de l’ensemble des caractéristiques génétiques de la personne.
« Les données génétiques analysées sont détruites sans délai lorsqu’elles ne révèlent la présence d’aucune substance ou l’utilisation d’aucune méthode interdites ou, au terme des poursuites disciplinaires ou pénales engagées, lorsqu’elles révèlent la présence d’une substance ou l’utilisation d’une méthode interdites.
« IV. – Le traitement des données issues de ces analyses est strictement limité aux données nécessaires à la poursuite des finalités prévues au I. Les analyses et le traitement des données qui en sont issues sont réalisés dans des conditions et selon des modalités précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« V. – En cas de découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour elle-même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés, et sauf si elle s’y est préalablement opposée, la personne contrôlée est informée de l’existence d’une telle découverte et invitée à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique pour une prise en charge réalisée dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique. » ;
2° (Supprimé)
II. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Après le III de l’article 16-10, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Par dérogation au I, l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne peut également être entrepris à des fins de lutte contre le dopage, dans les conditions prévues à l’article L. 232-12-2 du code du sport. » ;
2° Après le 4° de l’article 16-11, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° À des fins de lutte contre le dopage, dans les conditions prévues à l’article L. 232-12-2 du code du sport. »
III. – L’article 226-25 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 226-25. – I. – Le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins autres que médicales, de recherche scientifique ou de lutte contre le dopage est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« II. – Le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins médicales ou de recherche scientifique sans avoir recueilli préalablement son consentement dans les conditions prévues à l’article 16-10 du code civil est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« III. – Le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins de lutte contre le dopage sans l’en avoir préalablement informée dans les conditions prévues à l’article L. 232-12-2 du code du sport est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
III bis. – L’article L. 1133-1 du code de la santé publique est abrogé.
IV. – Au plus tard le 1er juin 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de la mise en œuvre du présent article. Ce rapport d’évaluation est également transmis au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Article 4 bis A
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 232-14 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « à l’article L. 232-13-1 » sont remplacés par les mots : « aux 1° à 3° de l’article L. 232-13-1 » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
2° L’article L. 232-14-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « intimité », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « , lorsque le sportif appartient à l’une des catégories mentionnées à l’article L. 232-15, fait partie du groupe cible d’un organisme sportif international ou d’une organisation nationale antidopage étrangère ou participe à une manifestation sportive internationale. » ;
b) Les 1° et 2° sont abrogés ;
c) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le contrôle est effectué entre 23 heures et 5 heures, il doit en outre exister, à l’encontre du sportif, des soupçons graves et concordants qu’il a contrevenu ou va contrevenir aux dispositions du présent chapitre et un risque de disparitions de preuves. » ;
d) La seconde phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « et au recueil des observations du sportif » ;
3° Au 1° de l’article L. 232-14-2, après le mot : « Pendant », sont insérés les mots : « la durée de l’inclusion au sein d’un groupe cible mentionné au premier alinéa de l’article L. 232-14-1 ou, à défaut, pendant » ;
4° L’article L. 232-14-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « par le » sont remplacés par les mots : « sur décision motivée du » ;
– sont ajoutés les mots : « , au regard des critères fixés au même article L. 232-14-1 » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
5° L’article L. 232-14-4 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le juge des libertés et de la détention vérifie dans tous les cas qu’il existe, à l’encontre du sportif, des soupçons graves et concordants qu’il a contrevenu ou va contrevenir aux dispositions du présent chapitre et un risque de disparition des preuves. » ;
b) Le quatrième alinéa est supprimé.
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Article 5
I. – Sont homologuées, en application de l’article 21 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les peines d’emprisonnement prévues en Polynésie française aux articles LP. 21 et LP. 22 de la loi du pays n° 2015-12 du 26 novembre 2015 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage et à l’article LP. 8 de la loi du pays n° 2015-13 du 26 novembre 2015 relative à la recherche et la constatation des infractions en matière de dopage.
II. – Le chapitre IV du titre II du livre IV du code du sport est complété par des articles L. 424-1-1 et L. 424-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 424-1-1. – Lorsque la réglementation localement applicable le prévoit, les enquêteurs et le secrétaire général de l’Agence française de lutte contre de dopage sont autorisés à intervenir en Polynésie française pour la recherche et la constatation des violations des règles de la lutte contre le dopage dans le cadre des procédures prévues par la réglementation localement applicable et dans les conditions prévues à la présente section.
« Art. L. 424-2. – I. – Les articles L. 232-18-7, L. 232-18-9 à L. 232-20 et L. 232-20-2 sont applicables en Polynésie française.
« II. – Pour l’application du I :
« 1° À l’article L. 232-18-7 :
« a) Les mots : “tribunal judiciaire” sont remplacés par les mots : “tribunal de première instance” ;
« b) À la fin de la dernière phrase du cinquième alinéa et de la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : “mentionnés à l’article L. 232-18-5” sont remplacés par les mots : “prévus par la réglementation en vigueur localement en matière de lutte contre le dopage” ;
« 1° bis Au premier alinéa de l’article L. 232-18-9 :
« a) Les mots : “aux 1° et 2° du II de l’article L. 232-9 et aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 232-10” et les mots : “à l’article L. 232-9” sont remplacés par les mots : “par la réglementation en vigueur localement en matière de lutte contre le dopage” ;
« b) À la fin, les mots : “le cas échéant en faisant application des dispositions de l’article L. 232-18-5” sont supprimés ;
« 2° L’article L. 232-20 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 232-20. – Par dérogation à leurs obligations de secret professionnel, les agents de l’Agence française de lutte contre le dopage et les autorités judiciaires et administratives chargées de la lutte contre le dopage peuvent se communiquer réciproquement tous renseignements, y compris nominatifs, obtenus dans l’accomplissement de leur mission respective et relatifs à des faits susceptibles de constituer des violations et infractions pénales en matière de lutte contre le dopage.” »
Chapitre III
Dispositions visant à mieux garantir la sécurité
Article 6
I. – Le livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 223-1 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Des systèmes de vidéoprotection peuvent être mis en œuvre sur la voie publique par les autorités… (le reste sans changement). » ;
b) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Il peut être également procédé à ces opérations » sont remplacés par les mots : « Ces systèmes peuvent également être mis en œuvre » ;
2° Au second alinéa de l’article L. 223-3, les mots : « L. 252-1 (deuxième alinéa), » sont supprimés ;
3° L’article L. 251-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 251-1. – Les systèmes de vidéoprotection remplissant les conditions fixées à l’article L. 251-2 sont des traitements de données à caractère personnel régis par le présent titre, par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;
4° L’article L. 251-2 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Des systèmes de vidéoprotection peuvent être mis en œuvre sur la voie publique par les autorités… (le reste sans changement). » ;
b) Au début de l’avant-dernier alinéa, les mots : « Il peut être également procédé à ces opérations » sont remplacés par les mots : « Des systèmes de vidéoprotection peuvent également être mis en œuvre » ;
5° Le second alinéa de l’article L. 251-3 est supprimé ;
5° bis Les articles L. 251-7 et L. 253-2 sont abrogés ;
6° Le second alinéa de l’article L. 252-1 est supprimé ;
7° À la fin du premier alinéa de l’article L. 252-2, les mots : « de la loi » sont remplacés par les mots : « du présent titre » ;
8° L’article L. 252-4 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « intérieur », la fin du deuxième alinéa est supprimée ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
9° À la fin de l’intitulé du chapitre III du titre V, les mots : « et droit d’accès » sont supprimés ;
10° Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 253-3, les mots : « Les membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les agents de ses services habilités dans les conditions définies au dernier alinéa de l’article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi que » sont supprimés ;
11° À la première phrase de l’article L. 253-4, les mots : « , de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » sont supprimés ;
12° L’article L. 253-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés » sont supprimés ;
c) Le dernier alinéa est supprimé ;
13° L’article L. 254-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 254-1. – Le fait d’entraver l’action de la commission départementale de vidéoprotection est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » ;
14° L’article L. 255-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 255-1. – Les modalités d’application du présent titre et d’utilisation des données collectées par les systèmes de vidéoprotection sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret fixe les conditions dans lesquelles le public est informé de l’existence d’un traitement de données à caractère personnel par un système de vidéoprotection et de la manière dont les personnes concernées peuvent exercer leurs droits au titre du règlement européen (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;
15° (Supprimé)
16° Le dernier alinéa de l’article L. 272-2 est supprimé.
II. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 1632-2 du code des transports est supprimé.
Article 7
I. – À titre expérimental et jusqu’au 31 mars 2025, à la seule fin d’assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par l’ampleur de leur fréquentation ou leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes, les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure ou au moyen de caméras installées sur des aéronefs autorisées sur le fondement du chapitre II du titre IV du livre II du même code, dans les lieux accueillant ces manifestations et à leurs abords, ainsi que dans les véhicules et emprises de transport public et sur les voies les desservant, peuvent faire l’objet de traitements algorithmiques. Ces traitements ont pour unique objet de détecter, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques et de les signaler en vue de la mise en œuvre des mesures nécessaires par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les services d’incendie et de secours, les services de police municipale et les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens dans le cadre de leurs missions respectives.
II. – Les traitements mentionnés au I du présent article, y compris pendant leur conception, sont régis par les dispositions applicables du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
II bis. – Le public est préalablement informé, par tout moyen approprié, de l’emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure et de caméras installées sur des aéronefs autorisées sur le fondement du chapitre II du titre IV du livre II du même code, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.
Une information générale du public sur l’emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs est organisée par le ministre de l’intérieur.
III. – Les traitements mentionnés au I du présent article n’utilisent aucun système d’identification biométrique, ne traitent aucune donnée biométrique et ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale. Ils ne peuvent procéder à aucun rapprochement, aucune interconnexion ni aucune mise en relation automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel.
Ils procèdent exclusivement à un signalement d’attention, strictement limité à l’indication du ou des événements prédéterminés qu’ils ont été programmés à détecter. Ils ne produisent aucun autre résultat et ne peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ni aucun acte de poursuite.
Ils demeurent en permanence sous le contrôle des personnes chargées de leur mise en œuvre.
IV. – Par dérogation à l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le recours à un traitement mentionné au I du présent article est autorisé par un décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Le Gouvernement peut organiser une consultation publique sur internet dans le cadre de l’élaboration du décret.
Ce décret fixe les caractéristiques essentielles du traitement. Il indique notamment les événements prédéterminés que le traitement a pour objet de signaler, le cas échéant les spécificités des situations justifiant son emploi, les services mentionnés au I du présent article susceptibles de le mettre en œuvre, les éventuelles conditions de leur participation financière à l’utilisation du traitement et les conditions d’habilitation et de formation des agents pouvant accéder aux signalements du traitement. Il désigne l’autorité chargée d’établir l’attestation de conformité mentionnée au dernier alinéa du V.
Le décret est accompagné d’une analyse d’impact relative à la protection des données personnelles qui expose :
1° Le bénéfice escompté de l’emploi du traitement au service de la finalité mentionnée au I, au regard des événements prédéterminés donnant lieu à signalement par le système ;
2° L’ensemble des risques éventuellement créés par le système et les mesures envisagées afin de les minimiser et de les rendre acceptables au cours de son fonctionnement.
V. – L’État assure le développement du traitement ainsi autorisé, en confie le développement à un tiers ou l’acquiert. Dans ces deux derniers cas, il veille à ce que le tiers qui va développer ou développe cette solution soit prioritairement une entreprise qui répond aux règles de sécurité définies par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information s’agissant du respect des exigences relatives à la cybersécurité. Dans tous les cas, le traitement doit satisfaire aux exigences suivantes, qui doivent pouvoir être vérifiées pendant toute la durée du fonctionnement du traitement :
1° Lorsque le traitement algorithmique employé repose sur un apprentissage, des garanties sont apportées afin que les données d’apprentissage, de validation et de test choisies soient pertinentes, adéquates et représentatives. Leur traitement doit être loyal et éthique, reposer sur des critères objectifs et permettre d’identifier et de prévenir l’occurrence de biais et d’erreurs. Ces données font l’objet de mesures de sécurisation appropriées ;
2° Le traitement comporte un enregistrement automatique des signalements des événements prédéterminés détectés permettant d’assurer la traçabilité de son fonctionnement ;
2° bis Le traitement permet des mesures de contrôle humain et un système de gestion des risques permettant de prévenir et de corriger la survenue de biais éventuels ou de mauvaise utilisation ;
3° Les modalités selon lesquelles, à tout instant, le traitement peut être interrompu sont précisées ;
4° Le traitement fait l’objet d’une phase de test conduite dans des conditions analogues à celles de son emploi autorisé par le décret mentionné au IV, attestée par un rapport de validation.
Lorsque le traitement est développé ou fourni par un tiers, celui-ci fournit une documentation technique complète et présente des garanties de compétence, de continuité, d’assistance et de contrôle humain en vue notamment de procéder à la correction d’erreurs ou de biais éventuels lors de sa mise en œuvre et de prévenir leur réitération. Il transmet également une déclaration, dont les modalités sont fixées par décret, des intérêts détenus à cette date et au cours des cinq dernières années.
Dans le cadre du présent V, la Commission nationale de l’informatique et des libertés exerce les missions prévues au 2° du I de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en particulier en accompagnant les personnes chargées du développement du traitement.
L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information exerce, dans ce même cadre, ses missions s’agissant du respect des exigences relatives à la cybersécurité.
Le respect des exigences énoncées au présent V fait l’objet d’une attestation de conformité établie par l’autorité administrative compétente. Cette attestation est publiée avant que le traitement soit mis à la disposition des services mentionnés au I qui demandent l’autorisation de l’utiliser dans les conditions prévues au VI.
VI. – L’emploi du traitement est autorisé par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police. Cette autorisation peut être accordée uniquement lorsque le recours au traitement est proportionné à la finalité poursuivie.
L’actualisation de l’analyse d’impact réalisée lors de l’autorisation du traitement par décret est adressée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La décision d’autorisation est motivée et publiée. Elle précise :
1° Le responsable du traitement et les services associés à sa mise en œuvre ;
2° La manifestation sportive, récréative ou culturelle concernée et les motifs de la mise en œuvre du traitement au regard de la finalité mentionnée au I ;
3° Le périmètre géographique concerné par la mise en œuvre du traitement dans les limites mentionnées au même I ;
4° Les modalités d’information du public, notamment sur ses droits, ou, lorsque cette information entre en contradiction avec les objectifs poursuivis, les motifs pour lesquels le responsable du traitement en est dispensé, accompagnés d’un renvoi vers l’information générale organisée par le ministère de l’intérieur mentionnée au second alinéa du II bis ;
5° La durée de l’autorisation. Cette durée ne peut excéder un mois et est renouvelable selon les modalités prévues au présent VI lorsque les conditions de la délivrance de l’autorisation demeurent réunies.
VII. – Le responsable du traitement mentionné au 1° du VI tient un registre des suites apportées aux signalements effectués par le traitement ainsi que des personnes ayant accès aux signalements.
Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police est tenu informé chaque semaine des conditions dans lesquelles le traitement est mis en œuvre. Il en tient informés les maires des communes sur le territoire desquels le traitement est déployé et informe régulièrement, et au moins tous les trois mois, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il peut suspendre l’autorisation ou y mettre fin à tout moment s’il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies.
VIII. – Afin d’améliorer la qualité de la détection des événements prédéterminés par les traitements mis en œuvre, un échantillon d’images collectées, dans des conditions analogues à celles prévues pour l’emploi de ces traitements, au moyen de systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure et de caméras installées sur des aéronefs autorisées sur le fondement du chapitre II du titre IV du livre II du même code et sélectionnées, sous la responsabilité de l’État, conformément aux exigences de pertinence, d’adéquation et de représentativité mentionnées au 1° du V du présent article peut être utilisé comme données d’apprentissage pendant une durée strictement nécessaire et maximale de douze mois à compter de l’enregistrement des images. Ces images sont détruites, en tout état de cause, à la fin de l’expérimentation.
VIII bis. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés contrôle l’application du présent article. À cette fin, elle peut faire usage des prérogatives prévues aux sections 2 et 3 du chapitre II du titre Ier de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.
IX. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés est informée tous les trois mois des conditions de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I. Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2024, un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de l’expérimentation, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret définit notamment les modalités de pilotage et d’évaluation pluridisciplinaire et objective de l’expérimentation et les indicateurs utilisés par celle-ci. L’évaluation associe, dans le respect du principe de parité entre les femmes et les hommes, deux députés et deux sénateurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un groupe d’opposition, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Le décret précise également les modalités selon lesquelles le public et les agents concernés sont informés de l’expérimentation et associés à l’évaluation. Le rapport d’évaluation est également transmis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et rendu public sur internet au même moment.
Article 7 bis
Du 1er mai 2024 au 15 septembre 2024, afin de garantir la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques, l’enquête administrative prévue au premier alinéa de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure peut être demandée avant l’affectation des personnels intérimaires des entreprises de travail temporaire à une mission directement liée à la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes ou d’une entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l’obligation d’adopter un plan de sûreté ou au sein d’un gestionnaire d’infrastructure, dans les conditions prévues aux deuxième à avant-dernier alinéas du même article L. 114-2.
Article 7 ter
À compter du 1er juillet 2024 et jusqu’au 15 septembre 2024, afin de garantir la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques, un étranger titulaire d’un titre de séjour relevant des articles L. 422-1, L. 422-4 ou L. 422-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile peut être employé pour participer à l’exercice d’une activité privée de sécurité mentionnée à l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure sans que le temps de travail accompli dans ce cadre soit pris en compte dans le décompte de la durée de travail maximale prévue aux articles L. 422-1, L. 422-4 et L. 422-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Article 8
I. – Au I de l’article L. 2251-4-2 du code des transports, les mots : « relevant respectivement de leur compétence » sont remplacés par les mots : « ou leurs abords immédiats ».
II. – À la fin du II de l’article 113 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, les mots : « pour une durée de quatre ans » sont remplacés par les mots : « et jusqu’au 1er octobre 2024 ».
Article 8 bis
(Supprimé)
Article 9
Du 1er juillet 2024 au 15 septembre 2024, le préfet de police de Paris exerce dans les départements des Yvelines, du Val-d’Oise, de l’Essonne et de Seine-et-Marne les compétences qui lui sont dévolues sur le fondement de l’article L. 122-2 du code de la sécurité intérieure.
Article 10
L’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sont désignés par décret les grands événements et les grands rassemblements de personnes ayant pour objet d’assister à la retransmission d’événements exposés à un risque d’actes de terrorisme en raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui les accueillent ainsi que leur organisateur. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée : « L’accès de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur, à tout ou partie des établissements et installations désignés par le décret mentionné au premier alinéa est soumis, pendant la durée de l’événement ou du rassemblement et de leur préparation, à une autorisation de l’organisateur délivrée sur avis conforme de l’autorité administrative. » ;
b) La deuxième phrase est ainsi modifiée :
– au début, les mots : « L’organisateur recueille au préalable l’avis de l’autorité administrative rendu » sont remplacés par les mots : « Cette autorité administrative rend son avis » ;
– après le mot : « eux, », sont insérés les mots : « du bulletin n° 2 du casier judiciaire et ».
Article 11
L’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Pour faciliter et sécuriser l’accès aux lieux mentionnés au I du présent article, l’inspection des personnes peut être réalisée, avec leur consentement exprès, au moyen d’un dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques installé par le gestionnaire de l’enceinte à son initiative. La finalité de ce dispositif est de vérifier que les personnes ainsi examinées ne portent sur elles aucun objet interdit dans le lieu auquel elles souhaitent accéder. En cas de refus, la personne est soumise à un autre dispositif de contrôle dont elle a été préalablement informée par un moyen de publicité mis à disposition à l’entrée de la manifestation.
« L’analyse des images est effectuée par des opérateurs ne connaissant pas l’identité de la personne et ne pouvant visualiser simultanément celle-ci et son image produite par le dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques. L’image produite par le dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques doit comporter un système brouillant la visualisation du visage. Cette image utilise une forme générique du corps humain. Aucun stockage ou enregistrement des images n’est autorisé. »
Article 11 bis
(Supprimé)
Article 12
I. – Le chapitre II du titre III du livre III du code du sport est ainsi modifié :
1° A Après l’article L. 332-1-1, il est inséré un article L. 332-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-1-2. – Toute personne pénétrant en qualité de spectateur dans un lieu où doit se dérouler une manifestation sportive dont l’accès est subordonné à l’acquittement d’un droit d’entrée doit présenter un titre d’accès, même s’il s’agit d’une invitation. Un décret en Conseil d’État fixe les seuils de spectateurs au-delà desquels les organisateurs de manifestations sportives exposées, par leur nature ou par leurs circonstances particulières, à un risque de fraude prévoient des titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables ainsi que les conditions d’application du présent article. » ;
1° Après l’article L. 332-5, il est inséré un article L. 332-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-5-1. – Lorsqu’il est commis en récidive, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11 du code pénal, ou en réunion, le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude sans être muni d’un titre d’accès prévu à l’article L. 332-1-2 du présent code dans une enceinte lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. » ;
2° Après l’article L. 332-10, il est inséré un article L. 332-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-10-1. – Lorsqu’il est commis en récidive, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11 du code pénal, ou en réunion, le fait de pénétrer ou de se maintenir, sans motif légitime, sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive est puni de 7 500 euros d’amende. »
II. – Le 1° A du I entre en vigueur le 1er juillet 2024.
Article 12 bis
(Supprimé)
Article 13
Le chapitre II du titre III du livre III du code du sport est ainsi modifié :
1° A Au premier alinéa de l’article L. 332-8, les mots : « ou d’introduire sans motif légitime tous objets susceptibles de constituer une arme au sens de l’article 132-75 du code pénal » sont supprimés ;
1° B Après le même article L. 332-8, il est inséré un article L. 332-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-8-1. – Le fait d’introduire ou de tenter d’introduire, sans motif légitime, tout objet susceptible de constituer une arme au sens de l’article 132-75 du code pénal dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni de trois ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Le tribunal peut également prononcer la confiscation de l’objet qui a servi ou était destiné à commettre l’infraction. » ;
1° L’article L. 332-11 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « aux articles L. 332-3 à L. 332-10 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 332-3, à la première phrase de l’article L. 332-4 et aux articles L. 332-5-1, L. 332-8, L. 332-10-1 » ;
– le début de la deuxième phrase est ainsi rédigé : « En tenant compte des obligations familiales, sociales et professionnelles de la personne condamnée à cette peine, la juridiction précise les manifestations sportives au cours desquelles cette personne est astreinte à répondre aux convocations… (le reste sans changement). » ;
– après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « À défaut de mention dans le jugement, la personne est astreinte à répondre aux convocations du service de police ou de gendarmerie le plus proche de son domicile lors des manifestations sportives concernant la discipline et l’une des équipes impliquées lorsque l’infraction a été commise. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Cette peine est obligatoirement prononcée à l’égard des personnes coupables de l’une des infractions définies à la seconde phrase de l’article L. 332-4 et aux articles L. 332-5 à L. 332-7, L. 332-8-1, L. 332-9 et L. 332-10 du présent code. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;
1° bis À l’article L. 332-14, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux premier et dernier alinéas » ;
2° À l’article L. 332-16-3, après la référence : « L. 332-11, », sont insérées les références : « L. 332-13, L. 332-14, ».
Article 13 bis
L’article L. 332-16 du code du sport est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « son comportement d’ensemble » sont remplacés par les mots : « ses agissements répétés portant atteinte à la sécurité des personnes ou des biens » ;
b) Après le mot : « menace », il est inséré le mot : « grave » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, le mot : « vingt-quatre » est remplacé par le mot : « douze » ;
b) À la dernière phrase, le mot : « trente-six » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
3° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une personne à l’encontre de laquelle cette mesure est prononcée a été définitivement condamnée à la peine complémentaire prévue à l’article L. 332-11 en raison des mêmes faits, elle en informe l’autorité administrative, qui met alors immédiatement fin à sa mesure au profit de cette peine complémentaire. Il en est de même lorsque la personne a bénéficié d’une décision de relaxe en raison de ces mêmes faits par une décision pénale devenue définitive au motif que les faits ne sont pas établis ou ne lui sont pas imputables. » ;
4° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’obligation prévue au troisième alinéa du présent article ne peut être imposée que s’il apparaît manifestement que son destinataire entend se soustraire à la mesure d’interdiction prévue au premier alinéa. »
Chapitre IV
Dispositions diverses
Article 14 A
La Cour des comptes remet au Parlement, avant le 1er octobre 2025, un rapport sur l’organisation, le coût et l’héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Ce rapport précise le montant des dépenses engagées par l’État et les collectivités territoriales à l’occasion de la préparation et du déroulement de cette manifestation. Il évalue les recettes engendrées par les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il s’attache à mesurer le montant des exonérations fiscales dont bénéficie l’organisateur des jeux. Ce rapport comprend un bilan du recours aux bénévoles, évaluant leur nombre, leurs missions et leurs conditions d’exercice, notamment en termes d’horaires. Il évalue également la qualité de l’accueil des sportifs et des spectateurs en situation de handicap, notamment en termes d’accessibilité de l’événement.
Article 14
I. – Le I de l’article 4 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est ainsi modifié :
1° Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositifs et matériels mentionnés au premier alinéa du présent I qui supportent l’affichage des éléments protégés par les 1° et 3° à 6° du I des articles L. 141-5 et L. 141-7 du code du sport, associés aux logos de partenaires de marketing olympique, au sens du contrat de ville hôte mentionné à l’article 6 de la présente loi, peuvent bénéficier des dérogations prévues aux 1° à 3° du présent I lorsqu’ils sont installés sur le territoire des communes accueillant les étapes des relais de la flamme olympique et de la flamme paralympique ou des communes traversées par ces relais, entre le quinzième jour précédant le passage de la flamme et le septième jour suivant celui-ci. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée : « L’installation, le remplacement ou la modification des dispositifs et matériels mentionnés aux premier et avant-dernier alinéas du présent I sont subordonnés au dépôt d’une déclaration auprès de l’autorité compétente en matière de police de la publicité en application de l’article L. 581-14-2 du code de l’environnement jusqu’au 31 décembre 2023 et, à partir du 1er janvier 2024, en application de l’article L. 581-3-1 du même code. » ;
b) À la seconde phrase, après le mot : « État », sont insérés les mots : « précise le contenu et les modalités de cette déclaration, qui peuvent varier selon l’opération ou l’événement en cause, et ».
II. – L’article 5 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 précitée est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Avant le dernier alinéa, sont insérés des II et III ainsi rédigés :
« II. – La publicité faite au profit des partenaires de marketing olympique sur le parcours du relais de la flamme olympique et sur celui du relais de la flamme paralympique, dont les tracés et les calendriers sont définis dans chaque département ou collectivité d’outre-mer par arrêté du représentant de l’État et, en Île-de-France, par arrêté du préfet de police, est réalisée dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du présent II.
« Les affichages publicitaires peuvent bénéficier des dérogations prévues au I, entre le septième jour précédant le passage de la flamme et le septième jour suivant celui-ci, dans une bande de cent mètres de part et d’autre du tracé et dans un périmètre de deux cents mètres autour des sites de départ et d’arrivée de la flamme à chacune de ses étapes. Les affichages ainsi prévus font l’objet, entre le ou les partenaires de marketing olympique bénéficiaires de cette publicité et le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, d’un contrat qui garantit leur respect des conditions fixées au dernier alinéa du même I. Le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 en informe les maires des communes des sites de départ et d’arrivée de la flamme et les représentants de l’État dans les départements traversés par le relais. Cette information précise la nature des dispositifs publicitaires, leur localisation et leur durée d’implantation.
« La publicité sur les véhicules terrestres est autorisée, par dérogation à l’article L. 581-15 du code de l’environnement.
« III. – L’installation, à Paris, d’un dispositif de compte à rebours réalisé par un partenaire de marketing olympique comportant le nom et le logo de ce partenaire et répondant à l’exigence de sobriété énergétique peut être autorisée par arrêté municipal à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions et jusqu’au quinzième jour suivant la date de clôture des jeux Paralympiques, sans que puissent lui être opposées les interdictions mentionnées aux 2°, 4° et 5° du I du présent article ni les règles édictées en application des deux premiers alinéas de l’article L. 581-9 du code de l’environnement. » ;
3° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « IV. – ».
Article 14 bis
Du 25 août 2023 au 30 octobre 2023, les dispositifs et matériels mentionnés à l’article L. 581-6 du code de l’environnement qui supportent exclusivement l’affichage des éléments de pavoisement officiel du groupement d’intérêt public chargé de l’organisation de la coupe du monde de rugby « #France 2023 », à l’exclusion de toute promotion de ses partenaires commerciaux et dans le respect de ses engagements contractuels vis-à-vis de la fédération internationale de rugby, installés sur le territoire des communes accueillant le site d’une opération ou d’un événement liés à la promotion, à la préparation, à l’organisation ou au déroulement de cette manifestation sportive ne sont pas soumis :
1° Aux interdictions de publicité prévues aux I et II de l’article L. 581-4, au I de l’article L. 581-8 et à l’article L. 581-15 du même code ;
2° Aux prescriptions réglementaires, notamment en matière de densité, de surface et de hauteur, édictées en application du premier alinéa de l’article L. 581-9 dudit code ;
3° À la réglementation plus restrictive que celle résultant des dispositions mentionnées aux 1° et 2° du présent article édictée par les règlements locaux de publicité.
L’installation, le remplacement ou la modification des dispositifs et matériels mentionnés au premier alinéa du présent article est subordonnée au dépôt de la déclaration prévue à l’article L. 581-6 du code de l’environnement auprès de l’autorité compétente en matière de police de la publicité en application de l’article L. 581-14-2 du même code. Par dérogation à l’article L. 581-6 dudit code, l’autorité compétente dispose d’un délai d’un mois pour s’opposer à cette installation, à ce remplacement ou à cette modification ou pour les subordonner au respect de conditions destinées à optimiser l’insertion architecturale, patrimoniale et paysagère des dispositifs, à réduire leur impact sur le cadre de vie environnant, à garantir la sécurité des personnes ainsi que l’intégrité et la conservation des sites et bâtiments ou à prévenir d’éventuelles incidences sur la sécurité routière.
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Article 16
I. – L’article 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain est ainsi modifié :
1° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Au plus tard le 1er janvier 2026, la société recourt, pour l’exercice de ses missions prévues au II du présent article, aux moyens de l’établissement public de l’État “Grand Paris Aménagement” mentionné à l’article L. 321-29 du code de l’urbanisme. La mutualisation des moyens entre ces établissements publics est organisée dans les conditions prévues à l’article L. 321-41 du même code.
« La mise en œuvre du premier alinéa du présent III bis n’implique pas de transfert préalable obligatoire de tout ou partie du personnel de la société.
« À compter de la mutualisation organisée en application du même premier alinéa, par dérogation au III, le directeur général de la société est nommé dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
« Un plan d’accompagnement est mis en œuvre pour le personnel de la société. » ;
2° Après le V bis, il est inséré un V ter ainsi rédigé :
« V ter. – La société est dissoute au plus tard le 31 décembre 2028. Les conditions de cette dissolution et de la mise en liquidation de la société sont prévues par décret en Conseil d’État. »
II à IV. – (Supprimés)
V. – Au plus tard le 31 décembre 2025, la Société de livraison des ouvrages olympiques réalise un bilan d’étape des missions prévues au 5 du II de l’article 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Ce bilan est rendu public. Il comporte un diagnostic territorial rendant compte de l’avancement des réalisations en termes d’aménagements et d’infrastructures. Il énumère les dispositifs mis en place afin d’accompagner le reclassement des salariés et évalue leur efficacité. Il présente un bilan écologique rendant compte du respect des engagements climatiques des jeux, un bilan financier précis de la Société de livraison des ouvrages olympiques ainsi que les montants investis par les autres parties prenantes aux missions prévues au même 5. Il détaille la manière dont Grand Paris Aménagement assure ces missions à partir de la mutualisation organisée en application du III bis du même article 53.
Article 17
Dans les communes d’implantation des sites de compétition des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites, le représentant de l’État dans le département peut, compte tenu des besoins du public résultant de l’affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs et sous réserve des dérogations au repos dominical prévues à la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail applicables, autoriser un établissement de vente au détail qui met à disposition des biens ou des services à déroger à la règle du repos dominical prévue à l’article L. 3132-3 du même code en attribuant le repos hebdomadaire par roulement, pour une période comprise entre le 15 juin 2024 et le 30 septembre 2024.
Cette autorisation est accordée après avis du conseil municipal, de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et de l’artisanat, des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, donnés dans un délai d’un mois à compter de la saisine par le représentant de l’État dans le département.
Les arrêtés préfectoraux pris sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 3132-29 dudit code peuvent, le cas échéant, être suspendus pendant les périodes de mise en œuvre de la dérogation prévue au présent article.
La dérogation au repos dominical est mise en œuvre dans l’établissement sous réserve du volontariat du salarié, dans les conditions prévues aux premier et dernier alinéas de l’article L. 3132-25-4 du code du travail. Le salarié peut revenir à tout moment sur sa décision de travailler le dimanche, à condition d’en informer par écrit son employeur en respectant un délai de dix jours francs. Le salarié bénéficie des contreparties définies au premier alinéa de l’article L. 3132-27 du même code.
Lorsque le représentant de l’État dans le département a autorisé un établissement à déroger à la règle du repos dominical dans les conditions prévues au présent article, il peut autoriser tout ou partie des établissements situés dans les communes du département mentionnées au premier alinéa du même article et exerçant la même activité à y déroger, dans les mêmes conditions.
Article 18
I. – Aux fins de contribuer, notamment pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, à l’accessibilité des transports publics particuliers aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant, le préfet de police de Paris peut, dans sa zone de compétence et jusqu’au 31 décembre 2024, délivrer à titre expérimental, par dérogation à l’article L. 3121-5 du code des transports, des autorisations de stationnement mentionnées à l’article L. 3121-1 du même code à des personnes morales exploitant des taxis.
Ces autorisations ne peuvent être délivrées qu’à des personnes morales titulaires d’autorisations de stationnement exploitées dans la zone de compétence du préfet de police de Paris. Elles ne peuvent être exploitées qu’avec des taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant. Elles sont incessibles et ont une durée de validité de cinq ans à compter de la date de leur délivrance.
Les conditions et les modalités d’attribution de ces autorisations sont définies par décret en Conseil d’État. Elles doivent notamment prendre en compte la capacité des personnes morales bénéficiaires à assurer l’exploitation de ces autorisations par des véhicules accessibles aux personnes en fauteuil roulant durant toute la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et jusqu’à la fin de l’expérimentation, à faciliter les demandes de réservation préalable au bénéfice des personnes utilisatrices de fauteuil roulant, et à permettre la transmission à l’autorité administrative des informations nécessaires à la réalisation de l’évaluation mentionnée au III. Les deux derniers alinéas de l’article L. 3121-5 dudit code ne leur sont pas applicables.
II. – Par dérogation au I de l’article L. 3121-1-2 du même code, l’exploitation des autorisations de stationnement délivrées en application du I du présent article peut être assurée par des salariés ou par un locataire gérant auquel la location d’une autorisation et d’un taxi accessible aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant a été concédée dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du code de commerce, le montant du loyer étant fixé en cohérence avec les coûts ou les charges supportés par chacune des parties.
III. – Au plus tard le 30 juin 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer notamment l’opportunité de sa pérennisation et de son extension en dehors de la zone de compétence du préfet de police de Paris.
Article 18 bis A
Aux fins de contribuer, pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, à l’accessibilité des pistes cyclables, les syndicats mixtes n’ayant pas la qualité d’autorité organisatrice de la mobilité qui organisent un service public de location de bicyclettes dans le cadre de la dernière phrase du 4° du I de l’article L. 1241-1 du code des transports peuvent, du 1er mai 2024 au 31 décembre 2024, passer avec un organisme public ou un organisme privé la convention prévue au II de l’article L. 1611-7-2 du code général des collectivités territoriales.
Article 18 bis
L’article L. 3121-1-1 du code des transports est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle peut également fixer un signe distinctif permettant de reconnaître facilement les taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant. »
Chapitre V
Dispositions relatives à l’outre-mer
Article 19
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après le 3° de l’article L. 283-2, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE est remplacée, à Saint-Barthélemy, par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement ; »
2° Après le 3° de l’article L. 284-2, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement ; »
3° Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1, les mots : « n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » sont remplacés par les mots : « n° … du … relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions » ;
4° L’article L. 285-2 est ainsi modifié :
a) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement ; »
b) Le 8° est abrogé ;
5° L’article L. 286-2 est ainsi modifié :
a) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement ; »
b) Le 9° est abrogé ;
6° L’article L. 287-2 est ainsi modifié :
a) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement ; »
b) Le 10° est abrogé ;
7° Au premier alinéa de l’article L. 288-1, les mots : « n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement » sont remplacés par les mots : « n° … du … relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions » ;
8° Après le 5° de l’article L. 288-2, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement ; »
9° Au premier alinéa des articles L. 645-1, L. 646-1 et L. 647-1, les mots : « l’ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022 relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité » sont remplacés par les mots : « la loi n° … du … relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions » ;
10° Au premier alinéa des articles L. 765-1, L. 766-1 et L. 767-1, les mots : « n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » sont remplacés par les mots : « n° … du … relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ».
II. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le mot : « loi », la fin de l’article 711-1 est ainsi rédigée : « n° … du … relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. » ;
2° L’article 723-4 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, après la mention : « 226-25. – », est insérée la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« “II. – Le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins de lutte contre le dopage sans l’en avoir préalablement informée est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.” »
III. – L’article 7 de la présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire national.
A. – Pour l’application de l’article 7 à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin :
1° Les références au représentant de l’État dans le département sont remplacées par la référence au représentant de l’État dans la collectivité ;
2° La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement.
B. – Pour l’application de l’article 7 à Saint-Pierre-et-Miquelon :
1° Les références au représentant de l’État dans le département sont remplacées par la référence au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
2° La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement.
C. – Pour l’application de l’article 7 en Polynésie française :
1° Les références au représentant de l’État dans le département sont remplacées par la référence au haut-commissaire de la République en Polynésie française ;
2° La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement.
D. – Pour l’application de l’article 7 en Nouvelle-Calédonie :
1° Les références au représentant de l’État dans le département sont remplacées par la référence au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;
2° La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement.
E. – Pour l’application de l’article 7 dans les îles Wallis et Futuna :
1° Les références au représentant de l’État dans le département sont remplacées par la référence à l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna ;
2° La référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en application du même règlement.
Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe CRCE.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons une dernière fois cette loi improprement appelée « olympique », puisqu’il n’y est question ni de sport ni de transmission des valeurs olympiques.
Nous ne pouvons que continuer de déplorer le caractère strictement sécuritaire de ce texte. Le sport aurait dû nous inspirer la liberté ; nous en sommes aux antipodes. Sous prétexte d’assurer la sécurité des Jeux, ce qui est bien nécessaire, les dispositions attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux du texte proposé par la commission mixte paritaire vont s’inscrire dans la durée, alors même que rien n’a encore été sérieusement programmé pour l’héritage sportif du pays.
Le projet de loi est bien loin d’honorer les principes universels et fédérateurs des jeux Olympiques.
À titre d’exemple, l’article 1er bis, adopté par l’Assemblée nationale et qui prévoyait une campagne de prévention contre les violences sexuelles et sexistes, a été supprimé par la CMP. Lors de l’examen de la Lopmi, un article analogue a été supprimé, également en commission mixte paritaire : tout cela ne doit rien au hasard.
Le sport fait pourtant appel à des valeurs universelles de respect, de partage, de refus des discriminations, d’égalité et de fraternité. Comme il est dommage de les mettre en marge de l’esprit qui gouverne les jeux Olympiques de Paris ! L’inscription dans la loi d’une telle campagne de prévention aurait eu tout son sens au nom de l’esprit olympique et nous ne nous satisfaisons pas de l’argument selon lequel ce souhait serait satisfait par d’autres moyens. Inscrire dans la loi, c’est consacrer des priorités.
Autre question posée par le projet de loi, celle du recours envisagé aux 25 000 à 30 000 agents de sécurité privés pour assurer la sécurité des Jeux. La volonté d’intégrer la sécurité privée en tant que force de police institutionnalisée et bras armé de l’État se confirme. Ainsi que nous l’avions dénoncé lors de l’examen de la Lopmi, la sécurité privée ne doit pas être confondue avec la sécurité étatique, au risque de mener à un cuisant échec, comme lors des Jeux de Londres en 2012.
La Lopmi le préfigurait : les Jeux vont être le terrain d’expérimentation à grande échelle d’une doctrine du maintien de l’ordre très problématique et qui inquiète le groupe CRCE.
Nous réaffirmons aussi notre opposition ferme et définitive à la légalisation de la vidéosurveillance algorithmique par ce projet de loi. La détection, par logiciel, d’événements et de comportements considérés comme suspects portera une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et à la liberté d’aller et venir des participants.
De plus, la suppression d’une précision – à savoir la référence aux règles de l’article 19.6 du référentiel d’exigences SecNumCloud – permettant de s’assurer que les données collectées par la vidéosurveillance ne puissent être utilisées dans des pays extérieurs à l’Union européenne n’augure rien de bon pour la protection des données et, partant, pour la protection de la vie privée de tous. Des garde-fous efficaces face à l’usage de la vidéosurveillance algorithmique étaient nécessaires ; les réponses apportées par la commission mixte paritaire ne sont pas satisfaisantes.
Un des aspects du projet de loi est en lien avec le sport : le contrôle antidopage. Le texte de la CMP nous propose d’autoriser de façon pérenne l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par ses empreintes génétiques, afin d’améliorer les contrôles antidopage.
En consacrant un caractère durable à ce procédé, la commission mixte paritaire n’a pas pris en compte les réserves émises par la Cnil et la Ligue des droits de l’homme qui dénonçaient déjà en première lecture des tests particulièrement intrusifs et dérogeant de façon importante aux principes encadrant les analyses génétiques dans le code civil.
Je salue tout de même la suppression de l’article 8 bis, qui prévoyait la présence inopportune des agents des autorités organisatrices exerçant des missions relatives à la sûreté des transports parmi les agents autorisés à visionner les images de vidéosurveillance, ainsi que celle de l’article 2 bis. Cela ne constitue toutefois qu’une satisfaction minime, qui ne saurait balayer le reste de nos craintes.
L’état d’exception créé par les jeux Olympiques est utilisé pour faire passer des lois sécuritaires, pérennes et posant de nombreux problèmes. C’est la raison pour laquelle le groupe CRCE refuse ce texte, qui ne respecte pas le juste équilibre entre sécurité et protection des libertés et droits fondamentaux et qui n’honore pas l’esprit universel et fraternel des jeux Olympiques.
J’espère, madame la ministre, que nous nous reverrons bientôt pour évoquer les jeux Olympiques, mais cette fois pour parler de sport.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois, le Parlement examine une loi permettant de préparer les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Pour la troisième fois, un accord a été trouvé entre l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement, preuve de notre attachement au bon déroulement de cet événement.
La recherche de cet accord a permis d’aller plus loin que le projet de loi initial. Parmi les dispositions introduites ou modifiées sur l’initiative de la commission de la culture, je retiens trois points de satisfaction.
Tout d’abord, les tests génétiques disposeront d’un régime pérenne, prévu à l’article 4. Ils seront réalisables à tous les stades de la préparation des sportifs et demeureront en vigueur à l’issue des Jeux. Des garanties indispensables ont été maintenues sur les conditions de réalisation de ces tests et un bilan sera remis au Parlement au plus tard le 1er juin 2025.
Mon deuxième point de satisfaction concerne le maintien du dispositif introduit par notre commission à l’article 12, qui crée une billetterie nominative, dématérialisée et infalsifiable. Il s’agissait de la première recommandation du rapport conjoint de notre commission et de la commission des lois sur les événements survenus au Stade de France le 28 mai 2022, à l’occasion de la finale de la Ligue des champions. Je remercie les présidents François-Noël Buffet et Laurent Lafon.
Le dispositif adopté tient compte des spécificités des compétitions. Il entrera en vigueur le 1er juillet 2024 et s’appliquera donc aux jeux Olympiques et Paralympiques, mais également à la saison 2024-2025 de certains championnats. Nous serons attentifs, madame la ministre, aux dispositions d’application renvoyées au pouvoir réglementaire.
Enfin, mon troisième point de satisfaction concerne l’article 14 A qui prévoit que la Cour des comptes remettra au Parlement un rapport d’étape sur le bilan des Jeux avant le 1er octobre 2025. Ce rapport est important : nous avons demandé qu’il fasse notamment toute la lumière sur les dépenses cachées qui auront été engagées par l’État et les collectivités territoriales au travers de la mise à disposition de moyens publics.
Si nous sommes vigilants sur cet aspect du bilan des Jeux, madame la ministre, c’est que nos débats n’ont pas permis de clarifier pleinement les conditions qui permettront de garantir leur sécurité. Nous avons pu mesurer, à l’occasion de la finale de la Ligue des champions de mai dernier, les insuffisances du dispositif mis en œuvre et les difficultés du Gouvernement à reconnaître les erreurs commises.
Nous avons appris au cours des dernières semaines que, contrairement à ce qui avait été affirmé par le Gouvernement, les entreprises de sécurité privée seraient dans l’incapacité de mettre à disposition l’ensemble des personnels attendus. Le journal Le Monde a également révélé le 30 mars dernier que les états-majors des armées envisageaient de préparer des plans de mobilisation de leurs forces pour éviter un scénario catastrophe.
La mission d’information sur les jeux Olympiques et Paralympiques de la commission de la culture poursuivra donc ses travaux dans les semaines à venir, afin de lever les interrogations qui demeurent sur l’organisation de cet événement et d’informer les Français.
Le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – M. Olivier Henno applaudit également.)
M. Jean-Claude Requier. Un sportif ! (Sourires.)
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai déjà dit à cette tribune mon attachement pour le sport, qu’il soit de haut niveau, mais également amateur, scolaire et universitaire.
S’ils n’incarnent plus la pureté initiale de l’amateurisme, les jeux Olympiques portent toujours en eux la tradition universaliste d’une pratique sportive accessible à tous, par la variété des disciplines qu’ils proposent et aussi parce que leur vocation ne devrait pas être la promotion d’un « sport business » pensé d’abord comme une économie.
Nous allons découvrir sur les chaînes du service public de nombreux sports et athlètes peu connus, mais tout aussi méritants que nos stars médiatisées. Les Kylian Mbappé et autres Antoine Griezmann laisseront la place pour que nous célébrions, le temps de quelques semaines, des champions anonymes de pentathlon moderne, de gymnastique rythmique, de cyclisme sur piste ou encore d’escrime.
Pour que nous puissions en profiter sereinement, il faut des lois. Notre Parlement en avait adopté une première le 26 mars 2018. Ce second projet de loi devrait donc achever nos travaux.
Sans entrer dans le détail de chacun des articles, je souligne que notre assemblée a apporté un certain nombre d’améliorations, notamment en renforçant des dispositifs juridiques.
Je pense par exemple à l’article 11, qui étend l’usage des scanners corporels au contrôle de l’accès aux enceintes dans lesquelles sont organisés certains événements sportifs et culturels. Le Sénat avait notamment adopté un amendement de notre collègue Maryse Carrère visant à prévoir l’information préalable des personnes de l’existence d’autres dispositifs que ces scanners. Dans l’ensemble, ces apports ont été maintenus par la commission mixte paritaire ; c’est une bonne chose.
Toutefois, même si je me réjouis de la qualité des travaux menés par notre Parlement, permettez-moi de rappeler certaines des inquiétudes exprimées par notre groupe lors des débats. Elles portent principalement sur les dispositions de l’article 7, au sujet duquel je reprends les mots de notre président Jean-Claude Requier, ici présent : « La peur d’une société sous surveillance automatisée, à la mode orwellienne, est souvent agitée de manière excessive, mais parfois l’épouvantail se justifie. C’est le cas ici. »
Nous devons donc faire preuve de vigilance quant à l’utilisation de ces dispositifs vidéo auxquels sont associés des traitements algorithmiques. Ces nouvelles techniques n’ont rien d’anodin. Beaucoup ont indiqué que la ligne rouge de la reconnaissance faciale n’avait pas été franchie ; nous devons néanmoins rester vigilants à toute évolution.
Notre groupe est fondamentalement attaché aux libertés, ce qui comprend le respect de l’intimité de chacun, y compris dans l’espace public. Nos comportements, même les plus anodins, n’ont pas vocation à être informatisés et à devenir de la data, a fortiori dans un monde où nous apprenons régulièrement que les réseaux informatiques d’entreprises ou d’administrations ont été piratés. Certes, le dispositif proposé n’est qu’une expérimentation, mais chacun sait ici que l’expérience est le chemin vers la normalisation. J’espère que nous n’aurons pas à le regretter.
Notre groupe, et tout particulièrement notre collègue Nathalie Delattre, regrette la suppression de l’article 11 bis. Nous espérons néanmoins avoir été entendus et qu’il n’y aura pas de difficulté dans la réaffectation des personnels de sécurité, notamment les compagnies de CRS maîtres-nageurs sauveteurs (MNS), temporairement déplacés pendant les Jeux.
Malgré ces remarques, le groupe RDSE votera en faveur de ce texte, avec l’espoir que les jeux Olympiques et Paralympiques soient une réussite avant tout sportive et participent à la concorde universelle. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – M. Yves Bouloux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour le dernier tour de piste du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
Notre groupe se réjouit que les deux chambres aient réussi à se retrouver sur l’essentiel lors de la commission mixte paritaire pour faire en sorte que la phase opérationnelle de cet événement international se déroule dans de bonnes conditions.
Si une partie de notre hémicycle a beaucoup reproché à ce projet de loi de n’être dédié qu’à la sécurité, nous pensons pour notre part qu’il était nécessaire, dans un contexte de risque d’attentat, mais également après le fiasco du Stade de France, de tirer tous les enseignements pour ne plus jamais reproduire les mêmes erreurs dans l’organisation de grands événements sportifs internationaux.
La panique et le chaos qui ont régné avant la finale de la Ligue des champions, qui devait être un jour de fête pour les amateurs de sport, sont une honte pour notre pays. Il est donc inimaginable de reproduire un tel traumatisme l’an prochain pour des Jeux d’été que la France attend depuis cent ans. Nos athlètes se préparent depuis des années afin d’être prêts pour cette compétition. Nous leur devons, vous leur devez, d’organiser au mieux ces Jeux.
Notre pays doit être préparé à accueillir une manifestation aussi exceptionnelle par son ampleur, son périmètre et sa durée. Il s’agit, d’une part, d’accompagner la performance des sportifs et, d’autre part, de garantir des conditions d’accueil dignes pour le grand public.
Sur le premier volet, le Sénat a renforcé la réglementation en matière de lutte contre le dopage et facilité l’offre de soins pour les athlètes. Sur le second, relatif à l’accueil du public, nos débats ont été plus « sportifs ».
L’article 7, qui renforce la vidéosurveillance en autorisant le traitement des images collectées via la vidéoprotection, fait partie des points de tension. Le texte issu de la commission mixte paritaire autorise une expérimentation, tout en offrant des garanties pour éviter les abus. Aucun système d’identification biométrique n’est autorisé, pas plus que les rapprochements ou mises en relation automatisées avec d’autres traitements de données. Le public sera informé au préalable du traitement des données recueillies. Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, sera régulièrement informé des conditions de traitement et en fera part aux maires des communes concernées, ainsi qu’à la Cnil. Il pourra également suspendre l’autorisation ou y mettre fin, à tout moment.
D’autres points ont été revus par le Sénat en première lecture. Je pense au renforcement des peines encourues pour intrusion ou tentative d’intrusion frauduleuse dans une enceinte sportive en cas de récidive.
Des inquiétudes persistent malgré tout en matière de sécurité, par exemple sur la sécurisation des sites de compétition. Alors que le secteur fait face à une pénurie de main-d’œuvre, les sociétés de sécurité pourraient rencontrer des difficultés pour recruter et former les 22 000 agents, notamment les femmes, nécessaires chaque jour pour assurer la sécurité et le contrôle à l’entrée des sites.
Ces inquiétudes commencent à s’ancrer profondément et amènent à s’interroger sur un éventuel recours à l’armée. La semaine dernière, le chef d’état-major des armées confirmait justement, devant nos collègues députés, la mise à disposition de 10 000 militaires en renfort, pour assurer la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Vous-même, madame la ministre, avez évoqué récemment la possibilité de recruter hors de France, peut-être dans des pays francophones.
Ces incertitudes, qui forcent l’État et le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) à envisager tous les scénarios possibles, pourraient devenir des défaillances si des solutions ne sont pas trouvées rapidement.
À ces questions que nous nous posons depuis des mois s’ajoutent de nouvelles inquiétudes. Lors de la première lecture au Sénat, je vous alertai déjà sur les angles morts concernant les volontaires de Paris 2024 : contrôle des candidats, hébergement des volontaires venant des différentes régions, etc.
Nous constatons d’ores et déjà la multiplication des appels au sabotage sur les réseaux sociaux, de la part de militants se revendiquant de l’écologie politique ou de la gauche anticapitaliste. Ils s’opposent à la tenue des Jeux et au principe même du bénévolat et veulent être engagés comme bénévoles pour ensuite déserter ou dégrader des biens. C’est en amont qu’il faut identifier et contrer ces risques d’infiltration par des groupes qui se mobilisent dès maintenant pour gâcher un moment très attendu.
Madame la ministre, il reste donc des points auxquels ce texte ne répond pas et vous pourrez compter sur le Sénat pour rester vigilant jusqu’en juillet 2024. Les Français comptent sur vous pour tout mettre en œuvre afin d’éviter que Paris 2024 ne monte sur le podium des événements sportifs ratés.
Prendre à bras-le-corps tous ces aspects des Jeux est la condition indispensable pour que, le jour J, nous profitions du spectacle et célébrions ensemble le sport. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous réjouissons tout d’abord que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord et nous félicitons les rapporteurs pour le travail mené.
Ce texte, qui vise à préciser les modalités d’accueil des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, nous tient particulièrement à cœur. Il s’agit d’un événement historique : la dernière édition des Jeux d’été en France remonte en effet à plus d’un siècle.
Près de 40 000 bénévoles, plus de 4 millions de téléspectateurs, 4 000 athlètes paralympiques et 10 500 athlètes olympiques : ces chiffres donnent le vertige.
Adopté le 31 janvier dernier au Sénat, puis en mars à l’Assemblée nationale, ce projet de loi a été enrichi par les deux chambres. Il complète le dispositif prévu par la loi du 26 mars 2018.
Au fil des débats, nous avons étudié l’ensemble des nombreuses dispositions en matière de lutte contre le dopage, de sécurité, d’adaptation aux territoires d’outre-mer, mais aussi en matière sanitaire. Cette version finale du texte permettra d’assurer le bon déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques sur l’ensemble du territoire.
Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait conservé une grande partie du travail du Sénat. Je pense particulièrement aux dispositions visant à améliorer l’accessibilité des équipements et des épreuves. C’est avec émotion que nous admirerons, pour la première fois, les athlètes des jeux Paralympiques s’affrontant dans des lieux emblématiques de France comme, par exemple, le Champ-de-Mars ou le château de Versailles.
En matière de sécurité, l’organisation des jeux Olympiques en France nous oblige à assurer un haut niveau de protection. Cet événement constituera un véritable défi pour nos forces de sécurité qui devront mener à bien cette mission, en parallèle de celles qui les mobilisent au quotidien.
Nous aurons besoin du concours de tous les acteurs. Les agents de sécurité des transports publics seront aussi associés au dispositif. La sécurité privée apportera une aide précieuse, qu’il faudra néanmoins articuler, organiser et contrôler.
En plus de cet appui humain, nos services de sécurité pourront compter sur les technologies les plus abouties. Le projet de loi prévoit ainsi l’expérimentation, sur la durée et pour les besoins des Jeux, du traitement algorithmique de la vidéoprotection. En prévoyant un régime strict et en laissant l’humain au cœur de la décision, le texte garantit à nos concitoyens une sécurité renforcée, tout en préservant les libertés.
Nous sommes fiers d’accueillir cet événement mondial. Nous devons nous donner les moyens d’en faire un vrai moment d’union nationale pour notre pays, qui en a bien besoin en ce moment.
Les territoires doivent être pleinement associés à cette aventure olympique. Mon département de la Meuse accueillera la flamme olympique et ses trois principales villes – Verdun, Bar-le-Duc et Commercy – ont obtenu le label Terre de Jeux 2024
Madame la ministre, permettez-moi de profiter de cette prise de parole pour saluer votre action et votre courage politique pour réformer les fédérations sportives – certaines en ont grand besoin. L’éthique du sport doit aussi se retrouver à tous les échelons de la gouvernance sportive.
Nos athlètes olympiques et paralympiques peuvent compter sur notre soutien et nos encouragements. Leur plus grande victoire sera de fédérer l’ensemble des Français autour des belles valeurs du sport.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les semaines et les mois passent et l’envolée sécuritaire de ce gouvernement ne retombe pas ».
C’est par ces mots que j’avais déjà introduit mes explications de vote en première lecture de ce texte dont nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire. Le constat demeure et les mesures adoptées, loi après loi, au gré des événements, ne permettent pas d’espérer sortir de cette vision.
Son examen a démontré que les réels motifs de ce véhicule législatif n’étaient pas tant l’adaptation de certaines de nos règles pour un déroulement serein des épreuves des jeux Olympiques que la mise en œuvre de nouveaux outils sécuritaires et la poursuite de la dérive vers une société de surveillance.
Quel est le cœur de ce projet de loi ? Une mise en concordance du droit de la santé pour les questions de dopage ? Une réécriture du code de l’urbanisme en faveur du développement du sport dans nos territoires, dès les Jeux ? Il n’en est rien.
Trop peu d’attention a été portée au soutien des fédérations, au sport amateur ou à l’accélération de la pratique sportive pour tous sur l’ensemble de nos territoires. Trop peu d’attention a été portée à l’équilibre des mesures spécifiques et temporaires liées à l’accueil des Jeux, avec la nécessaire continuité des autres activités, notamment sportives et culturelles.
Quel étrange texte, centré sur les jeux Olympiques et Paralympiques, mais dont plus de 80 % des mesures sont pérennes… C’est l’un de ses aspects les plus remarquables : la mise en œuvre, sur le temps long, de mesures censées n’être nécessaires qu’au bon déroulement des Jeux. Cette loi va au-delà de l’organisation des JO de Paris.
Notre groupe regrette une nouvelle fois une vision sécuritaire débridée et si éloignée des valeurs de l’olympisme.
La disproportion des mesures de sécurité – l’un des enjeux de ce texte – cache de réelles atteintes aux droits des personnes, qui s’inscrivent bien au-delà du temps des Jeux.
Comme j’ai pu le dire, tout ce déploiement de la vision sécuritaire et le recours massif et presque indifférencié à la vidéosurveillance augmentée posent de nombreuses questions, qu’elles portent sur la durée de l’expérimentation prévue jusqu’en 2025, sur sa finalité, sur l’avenir des apprentissages des machines, sur le contrôle des mécanismes algorithmiques dangereux ou sur le potentiel mis à la disposition d’opérateurs non nationaux.
La Cnil, dont le positionnement sur ces technologies est plus que prudent, précise qu’elles sont susceptibles d’affecter les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.
Dans une période où le droit de manifester subit certaines attaques, au moment où le ministre de l’intérieur s’en prend à la Ligue des droits de l’homme, à l’heure où le porte-parole du Gouvernement affirme « qu’il peut y avoir des arrestations faites pour contrôler », notre vigilance sur de tels outils doit être maximale.
C’est bien une vision sécuritaire et technologique qui se dévoile et que nous jugeons d’autant plus néfaste et inefficace qu’elle obère complètement la réalité du terrain, où le recrutement et la formation des agents de sécurité n’ont pas été anticipés.
Nous allons manquer de personnel public et privé. La Cour des comptes estime qu’il faudrait employer entre 22 000 et 33 000 agents de sécurité privée par jour pour véritablement sécuriser l’ensemble des épreuves. Ces chiffres dépassent largement les capacités disponibles dans les entreprises de la région et du pays.
La crainte de voir sur le terrain des gens peu formés intervenir dans le cadre d’événements d’une telle ampleur fait ressurgir le spectre du fiasco du Stade de France. Le rapport de l’Union des associations européennes de football (UEFA) est édifiant : il préconise de réviser le modèle de gestion de ces événements sportifs et, surtout, la doctrine du maintien de l’ordre.
Ces derniers temps, les déclarations et actions du Gouvernement démontrent le déni dans lequel il s’enferme, manquant l’occasion de faire progresser les techniques du maintien de l’ordre et de la gestion des flux de population.
Les modifications apportées quant au recrutement dérogatoire des étrangers titulaires de permis de séjour ou de titres étudiants montrent le manque d’anticipation et la précipitation dans laquelle l’organisation de la sécurité d’un tel événement se fait.
En sus des craintes que l’on peut nourrir sur la mise en place de mesures de sécurité disproportionnées, rien dans le texte ne vient éloigner l’hypothèse d’une explosion des coûts comparable à celle de l’expérience londonienne.
Ce projet de loi ne s’attarde pas sur l’étude du triste héritage financier et budgétaire que pourraient laisser les jeux Olympiques et Paralympiques et ne s’en inquiète pas davantage. Pourtant, le dernier rapport de la Cour des comptes alerte clairement sur le fait que le budget n’est toujours pas connu ni « précisément établi ».
L’équilibre du texte n’ayant pas été modifié, nous maintenons notre analyse : ce projet de loi est trop dangereux pour les libertés individuelles ; faute d’une concertation et d’une confrontation sereine des différentes visions sur la sécurité globale de notre société et, plus largement, sur notre modèle de société, il ne répond pas aux objectifs qu’il s’est réellement fixés.
Pour toutes ces raisons, le groupe GEST votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (MM. Claude Kern et Jean-Marie Mizzon applaudissent.)
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen d’un projet de loi central dans la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
L’ambition de ce texte est simple, mais elle est de taille : faire de ces Jeux un succès populaire en relevant le défi de leur organisation et en assurant la sécurité – y compris sanitaire – des athlètes, des bénévoles et des spectateurs venus du monde entier.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 avril dernier, est un texte d’équilibre qui a su préserver les principaux apports de nos deux assemblées.
Permettez-moi tout d’abord de saluer l’esprit qui a guidé nos travaux, malgré les inquiétudes et incompréhensions que ce projet de loi a pu susciter – parfois à raison –, voire les caricatures dont il a fait l’objet.
L’article 7 de ce projet de loi, qui prévoit l’expérimentation de la vidéosurveillance augmentée par l’intelligence artificielle, en est certainement l’exemple le plus frappant.
Le dispositif que nous nous apprêtons à voter est, me semble-t-il, de nature à rassurer celles et ceux qui, comme nous, sont profondément attachés au respect des droits fondamentaux et des libertés publiques. Il revêt un caractère expérimental qui comprend de nombreux garde-fous, et ce dès la phase de conception des traitements. Comme nous nous y étions engagés, il n’ouvre pas la voie à la reconnaissance faciale.
Nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait préservé les apports du Sénat, plus particulièrement les garanties entourant la phase de développement des traitements algorithmiques.
Il faut saluer à cet égard l’initiative introduite à l’Assemblée nationale de faire intervenir l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), autorité nationale de cybersécurité, durant la phase de développement.
Nous notons par ailleurs avec satisfaction que le texte prévoit un meilleur encadrement des données d’apprentissage, qui ne pourront être utilisées que pendant une durée maximale de douze mois à compter de l’enregistrement des images.
En ce qui concerne la sécurité des manifestations sportives, le groupe RDPI accueille favorablement la suppression de la disposition tendant à délictualiser les infractions prévues à l’article 12 lorsque les faits n’ont pas été commis en réunion ou en récidive.
Cette disposition, introduite par le Sénat, était à nos yeux disproportionnée. Il apparaît plus raisonnable de sanctionner les primo-délinquants isolés par une amende contraventionnelle de cinquième classe, soit d’un montant de 1 500 euros.
Je tiens à remercier nos collègues députés d’avoir introduit des dispositions nouvelles, qui contribueront à la bonne organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.
Je pense notamment à la possibilité donnée aux vétérinaires d’exercer la médecine et la chirurgie dans le cadre de la préparation et du déroulement des épreuves équestres. Je pense également à la clarification du régime applicable aux contrôles antidopage de nuit.
La facilitation de l’embauche des étudiants étrangers comme agents de sécurité privée va dans le bon sens, de même que l’encadrement du régime des interdictions administratives de stade.
Permettez-moi, en outre, de me réjouir que les dispositions relatives aux outre-mer soient inscrites en dur dans le texte.
Parmi les rares points de désaccord entre nos deux chambres figuraient les dispositions relatives à l’application des règles antidopage en Polynésie française.
À cet égard, le groupe RDPI se félicite du rétablissement de la disposition prévoyant l’homologation des peines de prison prévues par les deux lois du pays du 26 novembre 2015. La suppression de cette disposition aurait en effet créé un vide juridique incompatible avec l’objectif visé, à savoir le renforcement de l’efficacité de la lutte contre le dopage en vue des épreuves olympiques de surf.
Le groupe RDPI votera donc avec enthousiasme en faveur de ce texte, qui contribuera à faire des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 un succès sportif et une grande réussite française. Nous vous proposons en conséquence d’emboîter le pas à l’Assemblée nationale qui a adopté, hier, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes à 471 jours du début des jeux Olympiques et c’est la fin de la préparation législative de cette échéance. Le projet de loi de mars 2018 avait été adopté à l’unanimité, témoignant ainsi de la bonne volonté de l’ensemble de ceux qui siègent sur ces travées dans l’optique de la réussite de Paris 2024.
Ce projet de loi aura été moins consensuel, tant dans cet hémicycle qu’à l’Assemblée nationale. Avec mes collègues du groupe socialiste – je pense notamment à Jean-Jacques Lozach, Corinne Féret ou Sylvie Robert –, nous avons fait de notre mieux pour apporter notre pierre à l’édifice.
En effet, nous souhaitons tous ardemment la réussite de ces Jeux, parce qu’ils seront la vitrine de notre pays et celles de collectivités fières d’être des puissances accueillantes, comme Paris et Saint-Denis, et parce qu’ils représentent pour la jeunesse française une chance rare d’accueillir le monde.
Bon nombre de mesures très utiles sont présentes dans les vingt-quatre articles de ce projet de loi. Ainsi, les adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours sont compréhensibles. On perçoit bien la nécessité d’avoir un centre de santé au sein du village olympique, tout comme la possibilité de former davantage de monde aux premiers secours.
En première lecture, nous nous étions félicités du contenu de ce texte concernant la lutte contre le dopage. Nous avions accepté plusieurs mesures relatives à la mise en conformité du régime de la vidéoprotection avec le droit européen sur la protection des données. Mais le fameux article 7, relatif à la vidéosurveillance algorithmique, et la tonalité générale du texte, très sécuritaire, nous avaient refroidis.
Les débats en commission mixte paritaire ont été francs et je tiens à saluer le travail de notre collègue rapporteur Mme Canayer.
La commission mixte paritaire a permis plusieurs avancées notables : suppression de l’article 8 bis, qui tendait à ouvrir un peu trop grandes les portes du centre de commandement opérationnel de la préfecture de police ; suppression de l’article 12 bis, qui prévoyait l’aggravation des sanctions pénales applicables aux auteurs de violences commises dans une enceinte lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive ; enfin, limitation au 31 mars 2025 de l’expérimentation des caméras augmentées – c’est moins bien que la proposition de l’Assemblée nationale, mais mieux que celle du Sénat, de sorte que cela reste un progrès.
Nous regrettons cependant la suppression de l’article 1er bis relatif à la campagne des violences sexistes et sexuelles sur les sites du village des athlètes et du village des médias. Nous ne voyons pas en quoi cet article posait problème. Il aurait été avantageux de le maintenir.
Nous regrettons aussi l’augmentation à douze mois de la durée de conservation des images comme données d’entraînement des algorithmes. Il ne nous semblait pas illogique de s’aligner sur le droit commun sur ce point. Si le Conseil constitutionnel valide ce dispositif, ce qui reste à vérifier, j’espère que les organisateurs de la Coupe du monde de rugby préviendront les spectateurs que leurs images serviront à entraîner les algorithmes pour les jeux Olympiques.
La suppression de la référence au 19.6 de SecNumCloud a été justifiée par le fait qu’aucune entreprise française ne détenait ce label. Toutefois, la partie de l’article 7 issue de cet amendement ne concernait que la protection vis-à-vis du droit extraterritorial.
J’aimerais revenir sur les sujets qui n’ont pas pu être abordés par voie d’amendement, mais qui occupent et occuperont le débat public : la privatisation du réseau de bus, la taxe de séjour dans les hôtels de luxe des villes hôtes, le travail le dimanche dans les communes concernées par les Jeux ou l’affectation de renforts humains pour assurer la sécurité des jeux Olympiques, qui a déjà été évoquée par plusieurs de nos collègues – Jean-Pierre Sueur, auteur d’une proposition de résolution sur l’article 45 de la Constitution, ne me contredira pas.
Nous étions entrés dans la discussion parlementaire de manière constructive, en souhaitant, j’y insiste, la réussite des Jeux. Le texte déposé par le Gouvernement n’était pas parfait, la discussion en commission et dans l’hémicycle n’a pas levé tous nos doutes. Des inquiétudes légitimes autour de l’article 7 ont beaucoup crispé. Il est d’ailleurs curieux de constater que l’intelligence artificielle, dont nous avons débattu voilà quelques instants dans cet hémicycle, après avoir été accusée de nombreux maux et alors qu’elle est porteuse de tant d’inquiétudes, devienne anodine quand elle est appliquée à la vidéosurveillance.
Notre vote d’abstention s’explique par cet article 7. Même si les Jeux doivent être une réussite et que ce texte y contribue, le pas franchi à la faveur de la mise en œuvre de cette vidéosurveillance intelligente est inopportun, voire dangereux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 273 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l’adoption | 252 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté définitivement.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour une mise au point au sujet d’un vote.
Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 270, ma collègue Elsa Schalck souhaitait s’abstenir.
M. le président. Acte est donné de votre mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
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Pollution lumineuse
Débat organisé à la demande de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), sur la pollution lumineuse.
Dans le débat, la parole est tout d’abord à Mme Annick Jacquemet, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Mme Annick Jacquemet, au nom de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 janvier dernier, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté la note scientifique sur la pollution lumineuse dont il m’avait chargée et a souhaité que ce sujet fasse l’objet d’un débat public.
En effet, la pollution lumineuse est un phénomène massif, en pleine extension à l’échelle mondiale et qui contribue, au même titre que d’autres pressions anthropiques, au déclin de la biodiversité. En outre, la pollution lumineuse soulève de réelles préoccupations en matière de santé publique. Je vous renvoie à la note qui en détaille les caractéristiques ainsi que les effets.
Face à ce constat, seule une mobilisation collective, à la fois des pouvoirs publics – État et collectivités territoriales – et des acteurs privés, permettra de lutter contre le phénomène.
La France a développé une réglementation particulièrement ambitieuse pour limiter les nuisances lumineuses.
La temporalité de très nombreux éclairages est encadrée et restreinte, qu’il s’agisse des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des parcs et des jardins, des chantiers extérieurs, des parkings desservant une activité économique, des lumières éclairant le patrimoine, des éclairages de vitrines de magasin ou encore des publicités et enseignes lumineuses.
Par ailleurs, la réglementation fixe des prescriptions techniques qui visent à ne pas éclairer le ciel, à limiter l’éblouissement latéral et à réduire les températures de couleur.
Toutefois, plusieurs obstacles affaiblissent l’efficacité de ces mesures. D’abord, l’application de la législation reste limitée tant que tous les arrêtés ne sont pas pris. Ainsi, celui qui fixe les seuils maximaux de luminance des enseignes et des publicités lumineuses n’a toujours pas été publié, dans l’attente d’un arbitrage ministériel.
Je souhaiterais donc savoir, madame la secrétaire d’État, quand celui-ci sera publié et quelle version sera retenue puisque, selon mes informations, deux versions aux ambitions différentes vous ont été proposées.
J’ai également constaté que la réglementation actuelle restait incomplète. Ainsi, les événements extérieurs et les équipements sportifs font partie du champ d’application de l’arrêté du 27 décembre 2018, mais ils ne font l’objet d’aucune prescription de temporalité ou prescription technique.
Autre trou dans la raquette, les exigences en matière de lumière émise vers le ciel ne concernent que l’éclairage de la voirie et des parcs de stationnement, alors même que l’éclairage privé représente souvent une part importante des lumières émises.
À cet égard, un réel travail d’information des consommateurs est à mener. Les fabricants d’ampoules et de luminaires, mais également les enseignes de bricolage devraient s’assurer de l’innocuité des sources lumineuses qu’ils vendent et conseiller les consommateurs en encourageant une plus grande sobriété lumineuse, qui ne se limite pas à la sobriété énergétique.
En effet, si les light-emitting diodes (LED) ont un rendement lumineux très important et permettent de réaliser des économies d’énergie, leur faible consommation peut devenir un argument pour multiplier les points lumineux, alors que leur efficacité énergétique est inversement proportionnelle à leur impact sur la biodiversité en raison de leur forte proportion de bleu.
Par ailleurs, si des sanctions sont prévues en cas de non-respect de la réglementation visant à lutter contre la pollution lumineuse, dans les faits, elles ne sont jamais appliquées. Une étude récente de la direction interministérielle de la transformation publique a cherché à comprendre pourquoi la réglementation sur l’extinction nocturne des commerces était peu appliquée alors même qu’elle date de 2013. Cette étude fait les constats suivants : d’abord, les maires connaissent mal la réglementation ; ensuite, le contrôle de l’extinction nocturne est fastidieux, puisqu’il exige la mobilisation des services municipaux entre une heure et sept heures du matin.
Il s’agirait donc de sensibiliser les mairies sur la réglementation et sur leur rôle au travers d’un support d’information simple et facilement accessible, de fournir aux collectivités des outils pour communiquer avec les commerçants, tels que des guides pratiques et des courriers types, et de mettre en avant les bénéfices réputationnels qu’il y a à agir, dans la mesure où les Français sont très majoritairement favorables à l’extinction nocturne des commerces. En un mot, il faut simplifier la tâche des maires qui croulent déjà sous les obligations.
En ce qui concerne l’action à mener auprès des commerçants, il convient de leur rappeler la réglementation et les sanctions en cas de non-respect de celle-ci et de les sensibiliser à l’occasion de moments clés comme la création de nouveaux magasins ou encore lors de demandes d’aides.
Par ailleurs, il me paraît indispensable d’associer les fédérations de commerçants pour diffuser l’information sur la réglementation.
Le syndicat de l’éclairage doit également se mobiliser pour rappeler les règles d’extinction aux professionnels de l’éclairage et pour les inciter à mettre en place des solutions faciles permettant de gérer l’extinction non seulement des vitrines, mais également de tous les points lumineux dans les magasins, qu’il s’agisse des présentoirs ou encore des enseignes lumineuses à l’intérieur des vitrines, dont le développement est malheureusement en pleine explosion.
À l’échelon local, de nombreuses collectivités ne disposent pas toujours des outils juridiques nécessaires pour garantir la pérennité de leur action dans la lutte contre la pollution lumineuse. Je voudrais citer deux exemples.
Premièrement, un nombre croissant de communes éteignent l’éclairage des voiries au cours de la nuit. Pourtant, la responsabilité du maire peut être engagée en cas d’accident. Madame la secrétaire d’État, que proposez-vous pour protéger les maires ?
Deuxièmement, de nombreuses communes mettent en place des trames noires qui, à l’image des trames vertes et bleues, visent à recréer une continuité nocturne pour préserver la faune et la flore qui ont besoin de la nuit. Pourtant, les responsables municipaux ont pour la plupart estimé que le cadre réglementaire de ces trames noires restait précaire faute de leur mention dans le code de l’environnement. Madame la secrétaire d’État, partagez-vous cette analyse ? Comment rendre opposables les trames noires dans les documents d’urbanisme ?
Si la rénovation des éclairages publics a pour effet de supprimer des installations particulièrement énergivores, elle ne permettra de lutter efficacement contre la pollution lumineuse que si elle s’accompagne d’une réflexion préalable, menée avec les usagers, sur la finalité des éclairages et sur leur réelle utilité au regard des besoins avérés des habitants. Il s’agit donc de changer de paradigme en passant d’un éclairage systématique à une adaptation fine selon le contexte.
La pollution lumineuse a également des effets délétères sur la santé humaine qu’il convient de combattre. En effet, certaines sources lumineuses sont phototoxiques dans la mesure où elles échappent à la réglementation, qui impose que seules les lampes classées dans les groupes de risque photobiologique égal à 0 ou à 1, c’est-à-dire sans risque ou à risque faible, sont autorisées. Il s’agit notamment des lampes torches et des phares de voiture.
Par ailleurs, les valeurs limites d’exposition définies à l’échelle internationale datent de 2013 et ne prennent pas en compte la sensibilité particulière des enfants et des jeunes adultes. Le quatrième plan national santé environnement (PNSE) prévoit l’interdiction par la France des LED classées dans le groupe de risque supérieur à un, dans les articles à destination des enfants et dans les lampes frontales. Il précise également que la France portera au niveau européen une demande d’interdiction des phares automobiles à LED classées dans ce même groupe. Madame la secrétaire d’État, où en sont ces initiatives ?
Enfin, je voudrais insister sur les dangers de dérégulation du cycle circadien liés à l’exposition à la lumière artificielle bleue dégagée par les éclairages et les écrans en soirée et la nuit et sur la nécessité de mener régulièrement des campagnes de sensibilisation auprès de toute la population, en particulier des enfants et des adolescents. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, 50 % ! C’est le taux d’augmentation des points lumineux en France depuis trente ans !
Or, comme les études le prouvent, nous savons que la pollution lumineuse à un effet négatif sur la biodiversité. Elle est aussi devenue un enjeu de santé publique, de sobriété énergétique et même de paysage nocturne, de plus en plus de nos concitoyens étant privés de la vue d’un ciel étoilé.
Je vous remercie donc, madame la rapporteure, ainsi que les membres de l’Opecst, à la fois pour votre travail étayé sur ce sujet stratégique et pour nous permettre de tenir ce débat.
Ce rapport s’inscrit dans la suite directe du travail réalisé en 2021 sur le déclin des insectes, problématique centrale de la protection de la biodiversité. Mais les enjeux dépassent de loin la simple question des insectes : environ un tiers des vertébrés et deux tiers des invertébrés sont nocturnes et dépendent directement de la nuit.
Pour les espèces diurnes, comme l’être humain, celle-ci est synonyme de repos et est essentielle à une bonne santé. Quant aux espèces nocturnes, les nuisances lumineuses font peser une menace directe sur leur activité.
Le développement urbain de ces dernières décennies a entraîné un recours quasi systématique à l’éclairage artificiel, à l’origine d’une pollution lumineuse inédite.
La lumière artificielle nuit à la physiologie et au métabolisme des espèces, ce qui perturbe leur bon développement. Cette pollution a aussi des effets encore plus directs et observables sur certaines espèces, à savoir la fragmentation de leur habitat.
Par exemple, une route éclairée peut constituer une barrière infranchissable pour des amphibiens en migration. À l’inverse, les papillons de nuit seront attirés par l’éclairage et tourneront indéfiniment autour de sa source jusqu’à épuisement. Sans parler des nombreuses espèces, notamment d’oiseaux et d’insectes, qui se servent du ciel étoilé pour se repérer et se déplacer.
On comprend donc aisément l’ampleur de cette pollution : elle emporte trop de conséquences négatives sur la biodiversité et elle est source de trop de gaspillage et d’énergie et d’argent.
Certes, l’éclairage de l’espace public est nécessaire pour se déplacer et pour certaines activités économiques. Cependant, compte tenu des développements technologiques et des attentes citoyennes en la matière, nous devons pouvoir concilier préservation de la biodiversité et aménagement de notre cadre de vie.
Il convient de faire de ce sujet une priorité et de l’intégrer dans la manière dont nous pensons la ville. L’objectif n’est pas de décroître, mais d’éviter tout surplus inutile.
Certains élus locaux précurseurs ont déjà évolué sur ce sujet. C’était avant tout par souci d’économie budgétaire que les communes en sont venues à réduire les éclairages. Désormais, nos concitoyens soutiennent cette stratégie pour d’autres raisons, notamment environnementales.
Votre rapport formule de nombreuses propositions, que j’ai étudiées avec beaucoup d’intérêt. Je souhaite que nous avancions ensemble sur ce sujet et j’ai moi-même des propositions à vous faire.
Concernant la publicité lumineuse, la réglementation existe. Nous avons déjà commencé à agir : ainsi, en octobre dernier, nous avons renforcé le cadre réglementaire en introduisant une obligation d’extinction nocturne sur tout le territoire, alors que seules les plus grandes agglomérations étaient jusqu’alors concernées.
Certes, la question de l’application de cette mesure, dont je vous confirme qu’elle est insuffisante, demeure.
Pourquoi ? Parce que le système de sanction nécessite de passer par un juge, ce qui le rend inopérant et ne pousse pas les maires à effectuer ces contrôles. Je vous propose donc que nous les facilitions en rendant possible la forfaitisation d’une amende.
Pour ce qui relève non pas de la publicité, mais de l’éclairage intérieur et extérieur non résidentiel, la réglementation mérite aussi d’être renforcée. Actuellement, l’éclairage des bâtiments non résidentiels doit être éteint d’une heure à sept heures du matin. Je souhaite aller plus loin et fixer l’extinction, par exemple, une heure après la fin de l’activité et jusqu’à une heure avant sa reprise.
Enfin, concernant les espaces naturels protégés, j’ai demandé à l’Office français de la biodiversité (OFB) de cibler les contrôles dans les espaces les plus sensibles. Nous pouvons aller plus loin dans la création de trames noires. Aujourd’hui, 15 % seulement de notre territoire sont indemnes de toute pollution lumineuse. Nous devons faire mieux, notamment en généralisant les trames noires dans les espaces protégés. Ce point sera intégré dans la stratégie nationale biodiversité 2030 qui sera annoncée prochainement.
Les opérateurs de transport ont également leur rôle à jouer. À cet égard, je tiens à souligner la signature d’une charte, le 27 mars dernier, qui conduit à mieux réguler la publicité lumineuse dans les gares, les stations et les aéroports, dans le cadre des plans de sobriété des secteurs concernés, portés par Agnès Pannier-Runacher et Clément Beaune. Avec cette charte, les opérateurs s’engagent à éteindre 100 % de leurs panneaux lumineux dès la fermeture des gares, des aéroports et des métros d’ici au 1er janvier 2024.
Ils s’engagent également à établir une stratégie de sobriété de la gestion de leur parc de panneaux lumineux. La RATP s’est engagée à réduire de 35 % sa consommation électrique d’ici à 2026, la SNCF de 45 % d’ici à 2031 et Aéroports de Paris de 50 % d’ici à 2030. Voilà qui est concret, réaliste et efficace !
Je suis maintenant prête à échanger avec vous, pour que nous imaginions ensemble de nouvelles mesures susceptibles de faire évoluer notre société vers plus de sobriété lumineuse, autant pour réduire notre consommation électrique que pour mieux protéger une biodiversité de plus en plus menacée.
Cela nécessitera, une nouvelle fois, un travail collectif avec vous, parlementaires, ainsi qu’avec les collectivités locales et tous les acteurs économiques concernés, car la protection du vivant est une mission qui nous concerne tous, chacun à notre niveau.
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le nombre de panneaux d’affichage traditionnels rétroéclairés augmente dans le domaine public. À Paris, par exemple, on en recense 1 700.
Ces affiches, qui fonctionnent généralement avec des néons alimentés par un petit moteur branché sur l’éclairage public, ne sont pas moins polluantes que les panneaux numériques à technologie LED.
De plus en plus de grandes villes françaises, telles que Colmar, Rouen, Nice, et Paris interdisent complètement le déploiement d’écrans numériques dans le domaine privé, aussi bien en cœur de ville qu’en périphérie. Ces interdictions sont justifiées au titre de la pollution visuelle et environnementale.
Cependant, en parallèle, la mairie de Paris installe 180 panneaux numériques dans l’espace public, et ce au titre de la sobriété énergétique !
Aussi, le Syndicat national de la publicité numérique (SNPN) s’apprête à déposer une plainte contre la France auprès de la Commission européenne pour entrave à la liberté du commerce et de l’industrie.
La jurisprudence et le droit européen reconnaissent l’application du principe de proportionnalité dans le cadre de la réglementation de la publicité extérieure, hors mobiliers urbains. Or ce principe n’est pas appliqué en France.
Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement ?
Le ministère de la transition écologique entend-il, dans le cadre d’une modification par décret, imposer aux règlements locaux de publicité le respect du principe de proportionnalité, comme cela se fait chez grand nombre de nos voisins européens ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Billon, le règlement national prévoit que la publicité est admise dans les agglomérations, mais qu’elle doit satisfaire à certains critères, notamment en matière d’emplacement, de densité, de surface, de hauteur, d’entretien et, pour ce qui concerne la publicité lumineuse, d’économie d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses – ces derniers critères sont précisés par voie réglementaire.
Le règlement local de publicité permet de définir une ou plusieurs zones où s’applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions minimales du règlement national.
En application de ce principe, les collectivités territoriales peuvent adapter la réglementation nationale en matière de publicité extérieure au regard des enjeux locaux et de la réalité des territoires. Il s’agit ainsi de trouver un équilibre entre des dispositifs ambitieux de préservation des paysages et du cadre de vie et des objectifs de développement économique des territoires.
Le principe de proportionnalité est donc naturellement un fondement sur lequel s’appuie la recherche de cet équilibre, sans qu’il soit besoin de le rappeler explicitement.
Plus généralement, tout encadrement par les collectivités d’une activité économique par voie réglementaire fait l’objet d’un examen par les services de l’État dans le cadre du contrôle de légalité et peut faire aussi l’objet d’un contrôle par les juridictions administratives afin de vérifier le bon équilibre entre les différents intérêts protégés. Il s’agit ainsi de concilier la qualité du paysage ou encore du cadre de vie avec l’activité économique.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments de réponse. Bien entendu, les collectivités et les services de l’État travaillent ensemble.
Je veux juste rappeler que Réseau de transport d’électricité (RTE) estimait, dans un rapport publié en 2021, que la réduction de l’utilisation des écrans publicitaires lumineux, sur une année somme toute normale, c’est-à-dire hors crise sanitaire et guerre en Ukraine, influerait seulement sur 0,1 % du total de la consommation énergétique en France. Si nous reconnaissons tous qu’il est normal d’encadrer l’implantation et le fonctionnement des panneaux numériques, il convient de le faire de façon pragmatique. C’est bien le sens de votre réponse.
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un premier temps, je tiens à remercier l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de la programmation de ce débat ô combien important.
J’ai l’honneur de m’exprimer au nom du groupe RDSE en tant que sénatrice et conseillère départementale de la Lozère, un territoire précurseur en matière de lutte contre la pollution lumineuse. En effet, le 13 août 2018, le parc national des Cévennes a obtenu le label « Réserve internationale de ciel étoilé » (RICE) – soit la plus vaste réserve d’Europe !
Vivant moi-même au cœur de la zone centrale de la réserve, où la noirceur naturelle est préservée au maximum, je peux témoigner du plaisir de pouvoir observer un ciel étoilé net et sans gêne extérieure, qui plus est lorsque l’on connaît les impacts positifs que cela peut engendrer sur la faune, la flore, la santé humaine et la baisse des dépenses énergétiques des petites communes.
Il me semble primordial de saluer le travail considérable réalisé par les acteurs impliqués comme les établissements publics, les syndicats d’électricité et, surtout, les collectivités locales en gestion directe.
Mon interrogation porte sur le calendrier d’entrée en vigueur des dispositions contenues dans l’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses.
En application de ce texte, les mises en conformité des installations existantes s’échelonnent jusqu’au 1er janvier 2025, avec des échéances intermédiaires. Or bon nombre de communes se sont engagées très tôt dans une démarche vertueuse pour une réduction drastique de la pollution lumineuse. Dès lors, madame la secrétaire d’État, avez-vous imaginé un système de bonus incitatif qui permettrait aux petites communes précurseurs d’obtenir un accompagnement technique et financier complémentaire ?
Par ailleurs, avez-vous mesuré les besoins en ingénierie des communes qui ne sont pas dans des périmètres de parcs naturels et qui peuvent être en difficulté pour appliquer cet arrêté ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Pantel, je vous remercie de prendre l’exemple des actions mises en place dans le parc national des Cévennes, un territoire que vous connaissez bien. C’est un très bel exemple d’initiatives qui pourraient être dupliquées dans d’autres espaces protégés.
Vous avez raison, il faut que les collectivités soient incitées financièrement à mener des plans ambitieux de lutte contre la pollution lumineuse. À défaut, le risque serait que ces actions restent isolées, sans connaître de généralisation, alors que c’est bien par cette mise à l’échelle que nous réduirons réellement l’impact de la pollution lumineuse sur la consommation d’énergie et la biodiversité.
Les efforts doivent donc être récompensés. Aujourd’hui, nous avons déjà un double bonus. Pourquoi ? L’économie d’énergie recherchée par les élus locaux quand ils rénovent leur parc d’éclairage est aussi une économie financière sur la facture. On voit bien que le signal-prix apporte un réel effet levier, au-delà de la seule économie d’énergie. À cet égard, je partage l’avis de Mme Billon.
Il faut ensuite prendre en compte les subventions obtenues dans le cadre du fonds vert. Cette incitation financière, c’est tout l’objectif de ce fonds, que nous avons officiellement lancé en janvier dernier et qui connaît un réel succès. Il permet de financer 40 % d’un projet et de déclencher ainsi des investissements de la part de collectivités qui ne se seraient peut-être pas engagées sans cet accompagnement.
Ces investissements seront source, à la fois, d’économies d’énergie et d’économies financières. C’est un cercle vertueux pour les collectivités. J’aurai sans doute l’occasion de vous présenter un bilan du fonds vert dans la suite de notre débat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’émergence du problème public de la pollution lumineuse date de plus de cinquante ans. La prise de conscience de ses enjeux et de ses nombreuses conséquences, néfastes et variées, a toutefois été accélérée par l’augmentation du prix de l’énergie.
En quelques mois, de nombreuses collectivités territoriales – plusieurs milliers seraient concernées – ont ainsi fait le choix de réduire, voire de supprimer l’éclairage public la nuit. On peut se féliciter de la conciliation de la sobriété énergétique, des économies budgétaires et de la biodiversité.
Un constat ressort fortement de l’observation des cartes de la pollution lumineuse en France : il s’agit d’un phénomène avant tout urbain. Ce problème d’une France urbanisée est assez éloigné des préoccupations que nous retrouvons dans la plupart des départements les plus ruraux et des zones très peu denses. Une approche territoriale différenciée du sujet permettrait de mieux saisir des réalités distinctes et, éventuellement, d’adapter les solutions locales.
Le développement de cette réglementation pour limiter les nuisances lumineuses constitue aussi un nouvel enjeu pour le droit des collectivités territoriales et le cadre juridique des décisions des élus locaux, notamment des maires. Quid de la mise en cause de leur responsabilité en cas d’accidents ou de violences ?
Les nouvelles pratiques de l’éclairage public nécessitent ainsi, je le pense, la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire, au-delà de la jurisprudence existante. Le droit doit évoluer avec la pratique, profondément transformée ces deux dernières années, afin de donner un cadre juridique clair aux élus locaux pour qu’ils puissent exercer leurs compétences.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement compte-t-il légiférer sur le sujet de la suppression ou de l’extinction de l’éclairage public ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Anglars, en effet, le maire est chargé de la sûreté et de la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement et l’éclairage.
Cependant, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose aux collectivités territoriales une obligation d’éclairage de l’ensemble des voies de communication. Si le service public de l’éclairage extérieur revêt un caractère obligatoire, il n’implique pas pour autant un droit d’éclairage pour l’usager ou le riverain d’une voie publique. En revanche, le maire, chaque fois qu’il a conscience ou aurait dû avoir conscience d’un danger en vertu de son pouvoir de police, doit signaler aux usagers les risques qu’ils rencontrent.
De nuit, l’éclairage public est loin d’être la seule solution pour sécuriser un endroit dangereux. Des mesures de signalisation visibles de nuit, tels que des panneaux réfléchissants ou clignotants avertissant des dangers, ou encore les installations d’éclairage programmables ou pilotables à distance, peuvent parfaitement suppléer l’éclairage continu.
Dans les faits, on note qu’il y a davantage d’accidents ou d’agressions en plein jour ou dans des zones illuminées. Il y a, par exemple, plus de cambriolages en plein jour. Autre exemple concernant la sécurité routière : l’autoroute A15 n’est plus éclairée depuis 2010 et, pour autant, aucune augmentation d’accidents n’a été observée, bien qu’il y ait davantage de circulation sur cette voie. Le lien entre sécurité et éclairage ne se vérifie donc pas.
En tout cas, je peux vous confirmer que l’avis des maires est très important. Nous serons vigilants pour qu’ils ne soient pas en difficulté à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les astronomes ne sont pas les seuls à subir la gêne de lumières trop fortes ou bien mal orientées. Les méfaits de la pollution lumineuse ne sont plus à démontrer, tant pour la faune et la flore que pour nos concitoyens.
Toutefois, en matière d’éclairage public, les intérêts doivent être conciliés. Bien qu’il s’agisse d’une source majeure de pollution lumineuse, l’éclairage constitue également l’une des composantes de la sécurité et du confort de nos concitoyens. Des rues bien éclairées sont souvent des rues plus sûres.
À ces intérêts s’ajoute la nécessité de réduire notre consommation d’énergie, en particulier celle de nos collectivités, dans un contexte de dérèglement climatique et de hausse des prix.
Désormais, le bon sens semble prévaloir. Nous voyons les commerçants éteindre leurs vitrines aux heures auxquelles personne ne circule pour faire ses emplettes dans des boutiques de toute façon fermées. Au-delà de la réglementation, la technologie doit aussi permettre de parvenir au bon équilibre. Une expérimentation d’un éclairage intelligent et autonome a été conduite à Bordeaux. De même, à Rambouillet, la ville du président Larcher, on teste un éclairage public bioluminescent.
Dans les deux cas, il s’agit de solutions développées par des sociétés françaises très innovantes. Sur la question de la gestion de son éclairage public, entre autres, il nous semble primordial que la France reste souveraine.
Madame la secrétaire d’État, des mesures sont-elles prises ou envisagées par le Gouvernement afin de soutenir ces activités et de faire en sorte que notre pays ne développe pas de dépendances à des technologies étrangères en matière d’éclairage public et de lutte contre la pollution lumineuse ? Quels leviers comptez-vous mobiliser à cet effet ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Menonville, les technologies d’avenir concernant l’éclairage public sont les LED. C’est sur ce secteur que l’industrie française doit consolider sa place prédominante non seulement en Europe, mais aussi dans le monde.
Les entreprises françaises ont fortement intérêt à se positionner sur le développement des technologies intelligentes comme le pilotage de l’éclairage public, en particulier au moyen de ce que l’on appelle la reconnaissance d’objets au passage, que ce soit des humains, un animal ou encore un véhicule. Le but est de passer du radar, qui ne fait que détecter un passage à proximité de l’éclairage public, à l’acquisition d’images non seulement pour savoir non seulement quel objet passe, mais également pour évaluer sa vitesse, afin de synchroniser l’allumage et l’extinction.
Si le passage à la LED permet de diviser par trois la consommation énergétique, ces nouvelles technologies aboutiraient, elles, à diviser la facture par six.
Notre industrie a également développé une compétence reconnue à l’international dans la conception quasiment clés en main d’un parc luminaire. Il s’agit de répondre à la recherche d’une signature visuelle typique de nos collectivités, mais également à une forte demande de « rétrofit », c’est-à-dire le passage de la lampe classique à la LED, sans modifier le design du luminaire.
Pour nos entreprises, l’intérêt réside dans la tête de la lampe électroluminescente, qui représente le composant le plus stratégique. En revanche, les plaques des LED, à faible valeur ajoutée, ne relèvent pas de l’innovation. En outre, le marché est déjà saturé.
Les industriels français ont aujourd’hui un vrai savoir-faire et une capacité à innover. Ils sont, par exemple, leaders mondiaux en éclairage solaire. C’est plutôt dans ce domaine que j’encouragerai les entreprises françaises à mener leurs projets.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Joël Bigot applaudit également.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la pollution lumineuse est encore très négligée en comparaison avec la lutte contre l’artificialisation.
Cette dernière est à raison bien engagée, mais elle touche 3 % des sols. La pollution lumineuse, elle, concerne 23 % de la surface terrestre et 85 % du territoire français. Est-ce une pollution négligeable ? Est-ce si grave que cela de ne pas pouvoir observer la Voie lactée ? Il y a une chanson enfantine qui le dit fort justement : « La nuit, c’est pas comme le jour, c’est pas vrai, tout est différent. »
D’abord, on ne voit pas. Ensuite, on réapprend l’obscurité, on tâtonne sous la voûte étoilée. C’est l’une des meilleures façons de se reconnecter à notre environnement, de profiter d’une appréhension sensorielle très riche du monde, et, comme le dit si bien la note de notre collègue Annick Jacquemet, de s’extraire d’une vision anthropocentrée.
« Insectes : s’ils disparaissent, nous disparaissons », titrait ce matin le journal Libération. Il faut savoir que la pollution lumineuse est responsable de la mort de milliers de milliards d’insectes.
Depuis le Grenelle de l’environnement, on a entamé la lutte. Progressivement les textes se complètent, mais pour quels résultats ?
L’éclairage public relève du volontarisme des collectivités. Est-ce suffisant, sachant que l’avènement de la technologie des LED réduit le gâchis énergétique, certes, mais aggrave la toxicité sur la biodiversité et la santé si elle n’est pas bien régulée ?
Il y a encore des manques. Ainsi, l’arrêté sur les seuils de luminance des publicités n’a toujours pas été publié, mais un décret sur l’extinction des publicités va entrer en vigueur. Avec le reste de nos mesures normatives, permettra-t-il de faire éteindre les dispositifs qui devraient légalement l’être ? On en est loin : le contrôle est très rare et les sanctions le sont plus encore.
Comment l’État compte-t-il assurer l’application de la loi ?
Sur la biodiversité, enfin, le cadre législatif et réglementaire reste très léger. Êtes-vous résolue, madame la secrétaire d’État, à consacrer et affermir la trame noire dans le code de l’environnement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Fernique, vous avez raison, ce n’est pas une pollution anecdotique. Je vous remercie d’avoir rappelé un certain nombre de faits à cet égard. Le constat est évidemment alarmant pour la biodiversité, et particulièrement pour les insectes en France, comme s’en inquiète Libération.
Vous avez rappelé à juste titre que la publication des décrets a pris du retard. Nous sommes rattrapés par la patrouille et nous devrons nous montrer à la hauteur… (Sourires.)
Le fait d’avoir ce débat ce soir, autour d’un constat partagé, notamment avec Mme la rapporteure, est important, parce qu’il me permet justement de mesurer tout ce qu’il nous reste à faire et de prendre des engagements auprès de vous. C’est d’ailleurs ce que je me suis efforcée de faire directement dans mon propos introductif.
Le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait mis en avant le besoin de limiter l’utilisation des groupes de risque 2 et 3, c’est-à-dire des LED qui ont une forte teneur en couleur bleue. C’est vraiment problématique dans le spectre des couleurs ; il nous faut agir là-dessus.
L’obtention de certificats d’économie d’énergie sur les luminaires d’éclairage à modules LED impose déjà des groupes de risque 0 et 1 pour bénéficier de la certification CE. Les industriels ont d’ailleurs priorisé ces deux groupes pour le luminaire destiné à l’éclairage public. La révision de l’arrêté du 27 décembre 2018 pourra être l’occasion d’entériner cette exigence.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous évoquez un paradoxe entre le gain énergétique et la protection de la biodiversité. À mon sens, ce n’en est pas un. Nous pouvons satisfaire les deux et en même temps.
Enfin, je vous rejoins sur la nécessité de créer des trames noires. Des expérimentations sont en cours et un certain nombre de dispositifs seront prévus dans la prochaine stratégie nationale biodiversité 2030.
J’ai pu noter des propositions intéressantes dans le cadre d’une discussion en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, le 29 mars dernier. Certains députés proposaient notamment que l’État puisse réglementer et restreindre les éclairages publics et privés en cœur de nuit par restriction de la puissance lumineuse ou l’extinction. Il a également été proposé que l’État mette en place des aires de protection de la faune nocturne et du ciel étoilé par la création de trames noires dans les espaces protégés, ce qui permettra donc à un certain nombre de Français de retrouver le plaisir de regarder un ciel étoilé.
Il me semble intéressant que nous travaillions autour de ces idées, qui relèvent non pas forcément de discussions législatives, mais plutôt du cadre réglementaire. Je pense que nous pouvons avancer sereinement et rapidement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est important que nous puissions débattre de la pollution lumineuse grâce à cette initiative de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
À la suite de vos travaux, madame la sénatrice Jacquemet, une note a été rédigée rappelant que plus de trois humains sur dix ne peuvent voir la Voie lactée la nuit. Cette proportion monte à six sur dix en Europe et à huit sur dix aux États-Unis.
En France, le nombre de points lumineux a augmenté de plus de 50 % en trente ans. Il s’agit d’un phénomène de très grande ampleur, directement imputable à l’activité humaine, mais dont on parle moins que d’autres. Il entraîne des nuisances sur les cycles de la faune et la flore, perturbés par cette illumination perpétuelle du ciel. Les oiseaux migrateurs, les insectes et les chauves-souris sont les espèces les plus touchées, alors qu’elles jouent un rôle central en matière de biodiversité.
En 2018, un arrêté relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses est venu encadrer les installations d’éclairage public et privé pour réduire leurs incidences sur la biodiversité. Plus récemment, la COP 15 biodiversité de Montréal a abouti à un accord. Les cibles 2 et 7 qui y figurent traitent de la restauration des écosystèmes dégradés et de la réduction des pollutions à la source, notamment lumineuses.
Les trames noires ont été intégrées à la stratégie nationale biodiversité 2030. Ces corridors écologiques d’obscurité apportent une véritable respiration pour des écosystèmes fortement perturbés ces dernières décennies.
Madame la secrétaire d’État, quelle évaluation faites-vous de l’application de l’arrêté de 2018 et de ses effets ? Dans la stratégie nationale biodiversité (SNB), quelles sont les actions prévues dans le cadre du volet « incitation au développement des trames noires » ? Quels sont les objectifs en matière de lutte contre la pollution lumineuse ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Havet, l’arrêté du 27 décembre 2018 fixe des obligations techniques à respecter dans des délais contraints. Le contrôle est du ressort du maire, sauf pour les installations communales pour lesquelles l’État est expressément compétent.
Aujourd’hui, soyons très clairs, les contrôles portant sur le respect de cette réglementation sont insuffisants. J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, mais je tiens à y insister : il faut que nous agissions.
Dans mon discours d’introduction, je vous ai annoncé vouloir travailler sur la mise en place d’une amende forfaitaire, de type carnet de souche, pour simplifier la prise de sanction sans avoir besoin d’en passer par le parquet et le juge.
Ensuite, nous souhaitons également que les contrôles sur la pollution lumineuse réalisés par l’OFB soient ciblés dans les zones les plus sensibles pour la biodiversité. Ce point figurera dans la stratégie nationale biodiversité.
Enfin, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) travaille sur une méthodologie simple et pratique pour permettre le contrôle de la partie technique de la réglementation. Il s’agit, par exemple, de la vérification de la température, de la couleur, de la part de lumière émise au-dessus de l’horizontale, de l’intensité lumineuse… Le temps me manque pour détailler ce qui sera prévu dans le second volet de la SNB. Je prendrai plus de temps pour vous répondre précisément à la faveur de questions ultérieures.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, un tiers de l’humanité ne peut plus distinguer la Voie lactée.
La faune, la flore, la fonge sont affectées par la pollution lumineuse. Les animaux diurnes et nocturnes voient leur cycle de prédation détérioré, au détriment de la chaîne alimentaire. Le suréclairage est la deuxième cause de mortalité des insectes après les pesticides. Le rythme circadien humain est également déstabilisé, entraînant de nombreux problèmes de santé pour l’homme. Le constat est alarmant !
Les progrès en matière de performance de l’éclairage sont assortis d’un effet rebond, qui conduit à un élargissement des zones éclairées, à hauteur de 2 % par an dans le monde. La technologie des LED est pourfendue par les associations, qui dénoncent l’augmentation de la lumière bleue, plus dangereuse pour la biodiversité, quand le rapport de l’Opecst relativise le bilan carbone.
De nombreuses solutions existent à droit constant. Il faut faire respecter l’arrêté du 27 décembre 2018, qui encadre l’éclairage privé, mais dont les associations relèvent la non-application de fait.
En Maine-et-Loire, France Nature Environnement et la Ligue de protection des oiseaux sont particulièrement actives. Elles recensent les lieux d’éclairage potentiellement illégaux et sensibilisent les acteurs privés, comme les collectivités.
Malgré un coût d’intervention du syndicat de l’énergie, des communes d’Anjou sont volontaires dans des politiques d’extinction. À Saumur, des rues sont équipées depuis huit ans de réverbères avec des cellules qui détectent les voitures et les piétons. Cela permet d’économiser près de 90 000 euros pour une commune de 27 000 habitants !
Dans ce même département, le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) Loire-Anjou accompagne les communes dans l’élaboration de trames noires, en identifiant des zones à enjeu pour la biodiversité, une bonne pratique identifiée dans le rapport de l’Opecst.
Madame la secrétaire d’État, quels engagements comptez-vous prendre pour accompagner ces initiatives locales concrètes et assurer, dans les politiques publiques de l’État et dans l’initiative réglementaire, la promotion de ces solutions partout en France pour retrouver la nuit ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Bigot, je partage votre constat sur les effets très importants de la pollution lumineuse sur la biodiversité. Vous savez que ce sujet me tient à cœur, d’autant plus que nous venons d’aboutir à un accord mondial lors de la COP 15, lequel sera repris dans la stratégie nationale biodiversité qui sera annoncée prochainement.
Les constats que vous faites et les questions que vous posez me permettent de détailler les actions que nous prévoyons d’intégrer dans la SNB pour lutter contre la pollution lumineuse et préserver notre biodiversité.
J’en préciserai quatre.
Nous prévoyons d’améliorer la connaissance des effets de cette pollution sur la biodiversité grâce à de nouveaux indicateurs et à l’enrichissement des bases de données, via notre observatoire ; d’éviter les impacts des équipements lumineux en améliorant le conseil des distributeurs auprès de leurs clients ; de développer les trames noires dans les territoires – je les ai évoquées précédemment, je n’y reviens pas – ; de mieux cibler une partie des contrôles sur les espaces les plus sensibles pour la biodiversité.
Comme vous, je salue ce que fait la ville de Saumur depuis maintenant plusieurs années, alors qu’on parlait assez peu de ce sujet jusqu’à présent. Le fonds vert accompagne les collectivités dans leurs prises d’initiatives. Cela fonctionne très bien. De nombreux projets portent sur l’éclairage public, tant mieux. Il faut évidemment continuer dans ce sens. Nous avons bon espoir, Christophe Béchu et moi, de pérenniser le fonds vert afin de pouvoir continuer d’accompagner les collectivités.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la pollution est multifacettes. Les déchets, le carbone et les transports polluent, mais la lumière aussi. Or la pollution lumineuse est l’une des grandes oubliées des politiques environnementales. Si vous me passez l’expression, nous ouvrons à peine les yeux sur ce sujet.
C’est pourquoi la note que vient de publier l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur ce phénomène est si précieuse. Je tiens en particulier à saluer le travail de ma collègue du Doubs, Annick Jacquemet, qui en est l’auteur. C’est la première fois que le Parlement s’intéresse à ce problème, qu’il en établit les caractéristiques, les effets, et qu’il avance des solutions pour y remédier.
Parmi les outils dont nous disposons aujourd’hui à l’échelle locale pour passer « d’un éclairage systématique à une adaptation fine de celui-ci selon le contexte », pour reprendre les termes de la note de l’Opecst, figure le fonds vert. Il a été officiellement ouvert au mois de janvier dernier sous forme d’un guichet unique pour les collectivités. Doté de 2 milliards d’euros, il a vocation à subventionner à hauteur de 40 % les projets de transition écologique des collectivités. Parmi ces projets de transition figure la rénovation des éclairages publics.
Une remise des prix des premiers lauréats a eu lieu la semaine dernière. Les résultats sont encourageants : au total, le coût des projets déposés depuis le mois de janvier a atteint l’enveloppe dédiée de 2 milliards d’euros de subventions.
D’après nos informations, et vous pourrez nous le confirmer, madame la secrétaire d’État, l’éligibilité des projets est en cours d’étude. Beaucoup d’entre eux porteraient sur l’éclairage public. Combien ? En quoi consistent ces projets ? Vont-ils servir à lutter contre la pollution lumineuse, objet du présent débat ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Longeot, annoncé par la Première ministre le 27 août dernier, le fonds vert doit permettre le déploiement d’actions territoriales de transition écologique. Il a été ouvert officiellement au mois de janvier, sous le pilotage des préfets et sous forme de guichet unique pour que la démarche des collectivités soit la plus simple possible.
Le succès est réel puisque, à l’heure où je vous parle, environ 7 000 dossiers ont été déposés et l’enveloppe dédiée de 2 milliards d’euros a été atteinte. Les dossiers sont en cours d’étude. Cela ne signifie pas que les 2 milliards d’euros ont été dépensés. J’y insiste, car cela signifie que vous pouvez continuer à inciter les territoires à déposer des projets.
Les projets de rénovation énergétique et d’éclairage public ont connu un succès rapide. C’est une bonne nouvelle pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui. L’accélération de la rénovation des parcs de luminaires d’éclairage public est en effet un moyen de lutter contre la pollution lumineuse.
Le fonds vert s’applique à l’éclairage public extérieur sécurisant les cheminements des personnes. Il permet de financer des études comme un diagnostic territorial, une stratégie d’extinction en cours de nuit ou encore la création d’une trame noire.
Ces subventions permettent à la fois de financer de l’ingénierie et surtout des investissements de modernisation du parc de luminaires. L’objectif est de diminuer le nombre de points lumineux et leur puissance. Ces subventions sont un véritable levier pour accompagner les collectivités dans la dépollution lumineuse.
Aujourd’hui, 2 000 projets portent sur le renouvellement des parcs d’éclairage public. Ils représentent 28 % des projets déposés dans le cadre du fonds vert. Par ailleurs, je peux d’ores et déjà vous dire, compte tenu du nombre de dossiers qui ont été déposés, que nous atteindrons l’objectif que nous nous étions fixé de rénovation de 10 % du parc d’éclairage.
Je profite d’ailleurs de votre question pour vous rappeler que 150 millions d’euros du fonds vert sont destinés à la préservation de la biodiversité. Cette enveloppe, en revanche, n’est pas atteinte. Je vous encourage donc à communiquer au maximum sur cette possibilité de subvention auprès des collectivités que vous représentez.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, effondrement de la biodiversité, destruction des populations d’oiseaux et d’insectes, halo lumineux au-dessus des villes, altération du sommeil, augmentation des risques cardio-vasculaires et de cancer : on ne compte plus aujourd’hui les effets nocifs de la pollution lumineuse sur la santé du vivant et sur notre environnement, effets d’ailleurs très bien documentés dans de nombreuses études scientifiques.
La croissance démographique, doublée d’une forte urbanisation, a conduit à l’explosion des émissions lumineuses, notamment du fait de l’éclairage public. Non seulement cet éclairage artificiel nocturne participe au dérèglement climatique en perturbant les écosystèmes, mais il contribue au gaspillage énergétique. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’éclairage public correspond à 41 % de la consommation d’électricité des communes et émet annuellement 670 000 tonnes de CO2.
Afin de lutter contre ces nuisances lumineuses, la France s’est dotée d’une réglementation « ambitieuse », selon le terme de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques dans une note datant de janvier 2023. Cette réglementation fait notamment du maire l’autorité compétente pour s’assurer du respect des dispositions de sobriété de l’éclairage public nocturne. Je redis ici combien l’action à l’échelle communale est importante pour agir efficacement contre la pollution lumineuse.
Dans mon département de la Mayenne, les élus sont conscients de ces enjeux et prennent des engagements forts. À titre d’exemple, la commune de La Bazouge-des-Alleux a reçu le label « Villes et villages étoilés », créé par l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes et lutte activement pour la qualité de la nuit.
De nombreuses communes de mon territoire, à l’instar de Montjean, se lancent dans la révision de leur éclairage public, en partenariat avec le syndicat Territoire d’énergie Mayenne. D’ici à 2026, tous les luminaires qui éclairent totalement ou partiellement vers le ciel doivent être remplacés, mâts et câbles compris pour les plus anciens. Pour la Mayenne, le coût de l’opération s’élève à plusieurs millions d’euros.
À travers le fonds vert, l’État peut accompagner utilement un tel partenariat entre une commune et le syndicat d’énergie. Il est néanmoins nécessaire d’améliorer les critères d’éligibilité à ce financement et de rendre plus fluide la coordination entre les différentes parties prenantes.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Guillaume Chevrollier. Je termine, monsieur le président.
Madame la secrétaire d’État, au regard de ces initiatives locales et d’une réglementation qui demeure incomplète, comment le Gouvernement compte-t-il accompagner encore plus nos territoires ruraux en matière de lutte contre la pollution lumineuse ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Chevrollier, je l’ai dit précédemment, nous souhaitons mieux accompagner les collectivités dans leur lutte contre les pollutions lumineuses, grâce au fonds vert pour le volet relatif au financement et à la forfaitisation de l’amende pour le volet relatif à la facilitation du contrôle.
Accompagner les collectivités, c’est aussi les soutenir dans leur ingénierie. L’information et la formation des élus seront un chantier que le ministère devra ouvrir avec la révision de l’arrêté du 27 décembre 2018. En complément, les professionnels de l’éclairage, les services de l’État et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies pourront être des forces de proposition pour aider les collectivités à faire le bon choix technique.
Pour la mise en avant des collectivités vertueuses, je tiens à rappeler le soutien que le ministère accorde à l’Association nationale de protection du ciel et de l’environnement nocturnes, en particulier pour son concours Villes et villages étoilés, que vous avez cité, lequel a récemment été ouvert aux territoires. De même, le ministère, au travers des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux, soutient les territoires et les aide à porter des projets de réserve internationale de ciel étoilé.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les élus locaux se mobilisent déjà depuis plusieurs années contre la pollution lumineuse. Leurs approches sont multiples.
Dans mon département, Douai a mis en place une trame sombre. La lumière est réduite de 90 % la nuit et des détecteurs de présence ont été installés pour les humains.
Lille, afin de protéger ses corridors écologiques, remplace les anciennes LED à lumière blanche ou bleue, qui représentent une catastrophe pour la biodiversité, par de nouvelles LED ambrées, dont la longueur d’onde ne gêne plus les espèces animales. Les résultats sont systématiquement éloquents.
Les effets néfastes observés sur les espèces animales sont également largement documentés sur l’être humain.
Comme le souligne l’Opecst dans son rapport, ces effets incluent des altérations du sommeil, des troubles de la mémoire, de l’humeur, de l’attention, une augmentation des risques cardio-vasculaires, de cancer, de diabète ou d’obésité.
Œuvrer pour une adaptation de l’éclairage privé et public vers des LED de nouvelle génération, c’est agir pour la biodiversité et directement pour la santé de nos concitoyens.
Madame la secrétaire d’État, quelles orientations le Gouvernement entend-il prendre pour la santé de nos concitoyens ? Allez-vous compléter la législation pour lutter contre les risques de phototoxicité de certaines sources lumineuses ? L’État a-t-il répertorié les bonnes pratiques mises en place par les élus locaux dans les territoires ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Filleul, je vous remercie pour le partage des bonnes pratiques. Vous avez cité certaines communes qui participent à la dépollution lumineuse. Il est toujours très intéressant de pouvoir s’en inspirer.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, des collectivités mettent en place un certain nombre de dispositifs. Il est très intéressant que l’équilibre des éclairages fasse l’objet d’une concertation avec les habitants de la ville, afin de prendre en compte au mieux leur usage de l’espace public.
Vous avez raison, nous devons aller plus loin concernant les mesures que nous demandons aux différents acteurs. À ce titre, je me réjouis de la signature, le 27 mars dernier, de la charte d’engagement des acteurs du transport avec le ministère de la transition énergétique et celui de la transition écologique et de la cohésion des territoires pour tendre vers plus de sobriété énergétique, grâce à des mesures d’extinction des panneaux lumineux.
Je l’ai dit également, je souhaite que nous allions plus loin en renforçant l’extinction des bâtiments non résidentiels. Actuellement, l’heure d’extinction s’étend d’une heure à sept heures du matin. Je souhaite étendre cette plage horaire, qui débuterait, par exemple, une heure après la fin de l’activité et irait jusqu’à une heure avant sa reprise.
Je souhaite aussi que nous réfléchissions à la diminution des nuisances lumineuses issues des serres et des verrières, telles que les serres agricoles. Les éclairages excessifs et non directifs de certaines serres ont des conséquences importantes sur la faune, les insectes, les oiseaux, les chauves-souris, mais aussi sur le paysage nocturne. On parle de ciel rouge et jaune.
Je pense que nous pouvons aussi travailler sur la diminution des puissances lumineuses des stades avant et après les événements sportifs.
Toutes ces mesures ne nécessitent pas encore un véhicule législatif. On peut agir assez rapidement par voie réglementaire.
Je n’oublie pas ce qu’a dit Mme la rapporteure, notamment sur la lumière bleue ; un rapport a été rendu sur son caractère néfaste pour les enfants. Nous pouvons mettre en œuvre ensemble un certain nombre de mesures. Réfléchissons-y en nous appuyant sur le rapport de l’Office, mais aussi sur les mesures que vous pourriez proposer, madame Filleul.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer.
Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je pose une question au nom de ma collègue Marta de Cidrac, à laquelle je m’associe.
On l’ignore, mais pour près de 60 % des Européens et 80 % des Américains, il est impossible d’observer la Voie lactée. Environ un tiers de l’humanité est victime de ce que l’on appelle la pollution lumineuse, qui affecte également la biodiversité sur près de 20 % des terres émergées.
De 1990 à 2010, les zones illuminées ont progressé de 6 % par an. Le rythme reste aujourd’hui soutenu, à peine tempéré par les récentes prises de conscience.
Inéluctablement, nos espaces de vie sont gagnés par la pollution lumineuse, générant stress, anxiété et perturbation du sommeil.
Ce phénomène exerce aussi une forte pression sur la biodiversité et a des conséquences multiples, dont certaines sont encore mal évaluées. Une telle perturbation du vivant ne sera pas, à terme, sans conséquence. Je pense notamment aux insectes, essentiels au bon maintien des réseaux trophiques.
Dans de nombreuses communes, notamment celles de mon territoire, des mesures ont été prises, comme l’extinction de l’éclairage public aux heures creuses de la nuit. À la maîtrise de la consommation énergétique préconisée dans le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) s’ajoute donc la protection de la biodiversité.
Madame la secrétaire d’État, il nous faudra malgré tout aller plus loin pour atteindre un équilibre entre préservation de la biodiversité et progression des zones illuminées.
Quelle feuille de route le Gouvernement compte-t-il suivre pour y faire face et dans quels délais ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Richer, l’équilibre entre préservation de la biodiversité et progression des zones illuminées réside dans la multiplicité des solutions et dans le développement des technologies.
La lutte contre les nuisances lumineuses peut en effet prendre diverses formes, comme l’extinction totale en cœur de nuit, à l’instar de ce qui se fait dans l’intégralité des communes du parc naturel régional du Gâtinais français. Elle peut aussi passer par le pilotage intelligent de l’éclairage, qui a été testé à Paris, à Bordeaux ou à Toulouse. Les solutions doivent être étudiées au cas par cas, selon la volonté locale, que ce soit pour la création de trames noires ou la mise en œuvre de mesures de réduction du halo lumineux des grandes métropoles. Les solutions techniques existent et les LED ont l’avantage de permettre une modulation de leur puissance et de pouvoir être gérées à distance.
Aujourd’hui, les collectivités, qu’elles soient rurales ou urbaines, peuvent trouver une solution adaptée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Richer. Madame la secrétaire d’État, on disait autrefois avec admiration que New York était la ville qui ne dort jamais. Aujourd’hui, on doit tendre vers l’inverse. À cet égard, les maires sont des acteurs essentiels.
J’ai bien écouté les mesures que vous avez décrites. J’espère sincèrement qu’elles produiront leurs effets. La protection du vivant et notre qualité de vie sont à ce prix, pour les générations actuelles et à venir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la charte d’engagement des acteurs du transport. Cela m’a fait penser à un article de Stéphane Foucart paru dans le journal Le Monde, qui m’a beaucoup impressionné. Je pense qu’il ne vous a pas échappé.
Il dit que cette charte prévoit qu’il faut « équiper […] progressivement les dispositifs de publicités lumineuses […] afin que ceux-ci puissent être éteints. », qu’il faut « mettre en œuvre, lors de la fermeture des gares, stations ou aéroports […], l’extinction ou la mise en veille des publicités lumineuses équipées du dispositif le permettant. » Si le dispositif ne le permet pas, il ne se passe rien !
Enfin, cette charte contient un chef-d’œuvre, dont je félicite l’auteur, que vous connaissez peut-être, madame la secrétaire d’État. On y parle d’« établir une stratégie “sobriété” fondée sur des trajectoires de réduction des consommations électriques et d’émissions carbone du parc des publicités lumineuses en tenant compte des caractéristiques, usages et besoins des univers de transports selon leurs périmètres à la date de signature de la présente charte ». Tout cela n’est pas très clair ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est vague et flou.
Madame la secrétaire d’État, comptez-vous muscler un peu tout cela ? J’ai entendu ce que vous avez dit précédemment, mais il ne faut pas en rester au stade des intentions.
Enfin, que comptez-vous faire particulièrement pour les publicités situées à l’entrée des villes ? Les entrées de ville sont un gros problème urbanistique. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne sont pas très urbaines. On a créé des catastrophes dans toutes nos agglomérations. Les publicités sont énormes, on ne voit qu’elles, toutes les heures de la soirée et même de la nuit. Que comptez-vous faire pour mettre fin à cette pollution totalement inutile et préjudiciable ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Sueur, l’article du Monde sur la charte d’engagement des acteurs du transport, qui a été signée récemment et dont l’initiative revient à Agnès Pannier-Runacher et à Clément Beaune, ne m’a évidemment pas échappé.
Pour ma part, j’ai été très claire. J’ai rappelé que les opérateurs se sont engagés à éteindre 100 % de leurs panneaux lumineux dès la fermeture des gares, des aéroports et des métros d’ici au 1er janvier 2024. Ils s’engagent également à établir une stratégie de sobriété de la gestion de leur parc de panneaux lumineux. La RATP s’est ainsi engagée à réduire sa consommation électrique de 35 % d’ici à 2026, la SNCF de 45 % d’ici à 2031 et le groupe Aéroports de Paris de 50 % d’ici à 2030.
Au-delà des incitations ou même des obligations légales, il faut faire confiance à des opérateurs aussi importants en France, qui ont pris des engagements. De même, il faut faire confiance à la parole politique, que je viens confirmer ici, au Sénat, dans le cadre de ce débat. La parole politique peut avoir du poids.
On verra si ces engagements seront suivis d’effets. Je suis très curieuse de voir comment la RATP va réduire sa consommation électrique d’ici à 2026. On va suivre cela de près. Je le répète, il faut faire confiance à ces opérateurs importants, qui ont pignon sur rue, et avec qui nous avons des discussions de façon très régulière.
Vous m’avez enfin interrogée sur la publicité lumineuse dans les entrées de ville. Sachez que des évolutions réglementaires sont en cours d’élaboration. Ainsi, un arrêté fixera les normes techniques applicables aux publicités lumineuses. Un décret permettra de limiter le format des panneaux d’affichage extérieurs. Son objet est plus large que la seule publicité lumineuse, car il s’appliquera aussi à la publicité non lumineuse. Je vais faire en sorte qu’il soit publié rapidement.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un cauchemar : je ne vois plus la Voie lactée et je ne peux plus méditer sous le ciel étoilé, comme le faisait Kant. La pollution lumineuse nous prive de certains trésors de la vue, qui sont en fait ceux de l’esprit.
La lumière artificielle nocturne s’est beaucoup répandue. Elle ne cesse par ailleurs d’augmenter dans le monde.
La lutte contre la pollution lumineuse est une nécessité pour la santé, mais aussi pour faire face à la hausse des coûts de l’énergie, aussi bien pour les collectivités que pour les individus. Cette pollution affecte nos écosystèmes ; elle perturbe les équilibres écologiques, en entraînant, par exemple, la perte d’orientation des oiseaux migrateurs.
Les nouvelles technologies ont apporté des solutions. Il existe désormais des éclairages intelligents, mais aussi, depuis quelques années, des luminaires qui illuminent non plus le ciel, mais la rue, sans avoir d’effet sur l’environnement naturel.
Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire. Ne tombons pas dans un autre extrême en passant de la pollution lumineuse à l’obscurité intégrale. La lumière, c’est la maîtrise par l’homme de son environnement.
La lutte contre la pollution lumineuse doit être un réel progrès collectif et non une énième démarche punitive, un combat au service de tous et non une futile initiative qui oppose les uns aux autres.
Madame la secrétaire d’État, beaucoup de questions ont été posées, le sujet de notre débat étant très large. Le combat contre la pollution lumineuse requiert de nombreuses actions et surtout un véritable pilotage.
Des expérimentations ont eu lieu dans certaines zones protégées. Quelles leçons peut-on en tirer ? Doit-on les généraliser ? Qu’en est-il de la cartographie de ces expérimentations ?
Que comptez-vous faire pour accompagner les collectivités locales dans la lutte contre la pollution lumineuse et les aider à choisir les techniques les plus efficaces ? Nos communes doivent être aidées en matière d’ingénierie et d’investissements. Elles doivent aussi bénéficier de réelles compensations.
Enfin, comment mieux protéger l’environnement nocturne ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Joseph, dans le temps qui m’est imparti pour vous répondre, je me focaliserai sur votre question concernant les expérimentations.
Les aires protégées sont d’excellents territoires pour expérimenter de nouvelles approches en matière d’éclairage. Ces espaces présentent souvent des enjeux de préservation de la biodiversité nocturne et bénéficient d’instances de concertation qui permettent d’avancer collectivement sur ces sujets.
On peut citer, par exemple, l’action des parcs nationaux, comme le parc national des Cévennes, évoqué par Mme la sénatrice Pantel voilà quelques instants. C’est un exemple de mobilisation d’acteurs multiples : des équipes du parc national, des élus, des habitants, des partenaires institutionnels, mais également des syndicats d’électricité de la Lozère et du Gard.
Les parcs naturels régionaux sont aussi des territoires actifs et précurseurs. Ils peuvent réduire l’éclairage public nocturne, comme l’a fait le parc naturel régional du Gâtinais français. Plusieurs actions axées sur la maîtrise de l’énergie ont conduit notamment à l’extinction de l’éclairage la nuit dans la majorité des communes du parc.
Les parcs peuvent également rénover le matériel vétuste d’éclairage public en finançant des projets innovants alliant sobriété énergétique, réduction de la pollution lumineuse et de ses conséquences sur la biodiversité. C’est ce qu’ont fait le parc naturel régional des Causses du Quercy et le parc naturel régional des Préalpes d’Azur. Je souhaite que nous généralisions cette démarche dans tous les parcs nationaux et régionaux. J’en ferai part à leurs responsables.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Je remercie tout d’abord l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques et Mme la rapporteure d’avoir inscrit la question de la pollution lumineuse à l’ordre du jour de nos travaux. Ce débat est de qualité.
Beaucoup de sujets, qui nous intéressent tous, ont déjà été abordés, je n’y reviens pas. Je m’attarderai seulement sur le volet concernant les collectivités territoriales.
Mon département, les Ardennes, qui est également celui d’Else Joseph, compte 449 communes, dont beaucoup de villages et de bourgs. Beaucoup ont déjà mis en œuvre l’extinction nocturne de l’éclairage public, d’autres conservent l’éclairage toute la nuit, mais cela a un coût.
Vous avez évoqué le financement des mesures d’économies d’énergie, le rôle des fédérations départementales, des syndicats d’électrification. Les collectivités s’engagent et investissent pour réaliser des économies. C’est important.
Outre le fonds vert, il existe différents dispositifs de financement. Je pense notamment à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), mais il y en a d’autres. Comment ces dispositifs s’articulent-ils entre eux ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Laménie, je l’ai déjà dit, mais il faut le rappeler, le fonds vert constitue un accompagnement financier pertinent et efficace pour les collectivités territoriales.
Nous devons désormais réfléchir à la montée en puissance de ce type de dispositif pour accompagner encore plus les collectivités dans leur lutte contre la pollution lumineuse et pour la réalisation d’économies d’énergie.
Le nombre de dossiers déposés portant sur des projets de rénovation des parcs d’éclairage public atteste du besoin et de l’envie des collectivités en la matière. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne peut que s’en réjouir.
Pour cette raison, des réflexions sont en cours afin de pérenniser le fonds en 2024. Dans ce cadre, nous pourrions conditionner l’octroi d’aides au renouvellement du parc d’éclairage public à des critères spécifiques de préservation de la biodiversité. Par ailleurs, nous réfléchissons à orienter certains projets déposés dans le cadre du fonds vert vers d’autres enveloppes existantes, dont le plafond n’a pas encore été atteint.
L’objectif est bien de pouvoir financer d’autres projets via le fonds vert, probablement des projets de rénovation de l’éclairage public.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. Merci, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.
Les élus de proximité rencontrent souvent des difficultés pour constituer les dossiers de financement. Ils comptent donc sur l’ensemble des services de l’État dans les départements respectifs pour les aider.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat nous donne l’occasion de revenir sur le sujet, essentiel pour les collectivités locales, de l’éclairage public, et sur l’importance des factures énergétiques dans leur budget global.
La conversion des parcs lumineux vers des systèmes innovants de LED est non seulement indispensable, mais encore urgente : aujourd’hui, 40 % des installations d’éclairage ont plus de vingt-cinq ans et sont particulièrement polluantes et énergivores.
C’est un gain immédiat pour les finances communales, puisqu’elles peuvent faire jusqu’à 80 % d’économies sur leurs factures énergétiques.
C’est aussi un gain pour l’environnement, pour la biodiversité et pour la santé humaine.
Contrairement à d’autres investissements de moyen et long termes, le gain énergétique et environnemental d’une conversion accélérée du parc sur le territoire serait immédiat.
Pourtant, ces projets ne représentent que 28 % des crédits alloués par le fonds vert, comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, et comme il ressort des chiffres communiqués la semaine dernière par la Première ministre et par vous-même. Certains s’en réjouissent, mais je pense que c’est trop peu.
Pourquoi, madame la secrétaire d’État, avoir choisi d’intégrer les subventions à l’éclairage public dans ce fonds vert, en concurrence avec d’autres projets ? Il y a urgence à éclairer mieux pour réduire les nuisances évoquées ce soir.
Ce potentiel immense de rénovation, dont les bénéfices sont immédiats, aurait dû être prioritaire : la rénovation serait déjà bien engagée à l’heure où nous avons ce débat…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Muller-Bronn, la phase d’instruction des dossiers déposés dans le cadre du fonds vert est en cours et l’un des critères imposés par l’État est l’impact écologique du projet. Autrement dit, les subventions seront octroyées à des projets qui ont une réelle efficacité dans la transition écologique. C’est un point d’attention majeur, qui fait toute la crédibilité du fonds vert, y compris dans la perspective de 2024.
À titre d’exemple, environ 20 % des dossiers déposés pour la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux annoncent un gain énergétique inférieur à 30 %, qui est le minimum requis pour l’éligibilité, sachant que l’objectif national est de 40 % de gains. En dessous du seuil, il n’y a pas d’éligibilité au fonds vert, même si les dossiers peuvent avoir leur intérêt par ailleurs.
Pour l’éclairage public, l’objectif était de rénover plus de 10 % des parcs existants et de diminuer les consommations électriques. Cet objectif de 10 % est atteint par les dossiers déposés. Je m’en réjouis. Par ailleurs, les projets de rénovation du parc d’éclairage public pourraient totaliser 414 millions d’euros d’aides, pour 1 milliard d’euros d’investissements, si tous les dossiers sont financés. Cela représente tout de même près d’un quart de l’enveloppe globale.
Le fonds vert permettra de rénover 1 million de points lumineux sur les 4 millions déclarés par les collectivités territoriales comme devant être rénovés. Je crois pouvoir dire que c’est un succès, et je pense qu’on peut s’en réjouir !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour la réplique.
Mme Laurence Muller-Bronn. Ce nouveau fonds vert pour les collectivités territoriales est en réalité un recyclage des crédits du programme 362. On passe simplement d’une gestion centralisée à une gestion pseudodécentralisée. Un plan national ambitieux, avec un guichet unique pour l’accompagnement de l’ensemble des projets, aurait sans doute été plus efficace, plus rapide et son effet sur la prochaine facture d’électricité aurait été plus apprécié par les élus locaux.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme Annick Jacquemet, au nom de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Mme Annick Jacquemet, au nom de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’issue de ce débat, je constate avec satisfaction qu’il se dégage un consensus au sein de notre assemblée pour lutter contre la pollution lumineuse.
J’ai entendu vos propositions, madame la secrétaire d’État, concernant la forfaitisation des sanctions sous forme d’amende, la réduction des périodes d’éclairage intérieur des bâtiments, la généralisation des trames noires dans les espaces protégés ou encore l’engagement volontaire des gares et des aéroports à limiter les publicités lumineuses.
Néanmoins, je n’ai pas obtenu toutes les réponses aux questions que je vous avais posées.
Ainsi, vous ne nous avez pas précisé quand l’arrêté fixant les seuils maximaux de luminance des enseignes et des publicités sera enfin publié ni, surtout, quelles seront ses grandes lignes.
Par ailleurs, vous avez soutenu l’extinction de l’éclairage au cœur de la nuit. Jean-Claude Anglars et moi-même avons souligné la responsabilité qui pèse sur le maire en cas d’accident. Vous avez dit qu’il n’y a pas d’obligation générale à l’éclairage. Toutefois, il semblerait que la jurisprudence fasse la distinction entre la situation où il n’y a jamais eu de lumière – dans ce cas, la responsabilité du maire n’est pas engagée – et le cas où il y avait éclairage et que le maire a décidé de l’éteindre – il semblerait qu’alors, sa responsabilité soit engagée.
J’y insiste donc : il faudrait changer cette règle afin de ne pas compromettre les initiatives des maires pour une plus grande sobriété lumineuse.
Au cours des auditions, on m’a fait remarquer que les trames noires ne figurent pas dans le code de l’environnement, ce qui les rendrait juridiquement fragiles. Faut-il donc les y mentionner ?
Enfin, vous n’avez pas répondu sur les engagements pris dans le quatrième plan national santé environnement, notamment en ce qui concerne les phares des voitures.
Comme vous l’avez souligné, des mesures de deux types doivent être prises.
Il faut d’abord compléter la réglementation et la faire respecter. Je souhaite faire une proposition de loi sur le sujet et ai bien noté votre intérêt pour cette question de la pollution lumineuse et votre volonté de travailler avec le Sénat. J’aurai donc plaisir à continuer à approfondir ce dossier avec vous.
Il faut également éduquer et sensibiliser nos concitoyens, et en particulier les plus jeunes. Au cours de mes auditions, j’ai été marquée par les propos des responsables de l’Association française d’astronomie, qui constataient que le ciel étoilé, avec l’émerveillement qu’il suscite, reste l’un des rares spectacles gratuits à la portée de nos concitoyens.
Pourtant, une grande partie d’entre eux en sont privés, comme cela a été souligné plusieurs fois ce soir, ce qui crée un risque de déconnexion croissante des individus et des sociétés de leur environnement. En effet, la nuit permet à l’homme de s’extraire de sa vision anthropocentrique de l’univers et de faire l’expérience du monde vivant non humain. Il est donc primordial de sauvegarder cet environnement nocturne.
Au niveau local, sa protection doit se faire de manière territorialisée, en tenant compte des besoins, mais également des appréhensions de nos concitoyens, qui varient selon le sexe et les zones habitées – qu’elles soient justifiées ou non scientifiquement. Plusieurs études ont montré que nos concitoyens étaient réellement favorables à une réduction de l’intensité lumineuse et du nombre de points lumineux.
Concrètement, il faut d’abord réfléchir à la finalité des éclairages et à leur réelle utilité, et utiliser des technologies ayant sur la biodiversité le moins d’impact possible. À cet égard, les collectivités territoriales peuvent bénéficier depuis janvier 2023, comme vous l’avez rappelé, des aides du fonds vert, qui visent justement à concilier rénovation des parcs de luminaires d’éclairage public, protection de la biodiversité et réduction de la pollution lumineuse.
Au-delà des pouvoirs publics, tous les acteurs privés participant à la pollution lumineuse doivent se mobiliser à travers une communication massive sur les règles à respecter et les bonnes pratiques en matière d’éclairage. Il s’agit des magasins de bricolage et des fabricants d’ampoules et de lampadaires, qui doivent informer et conseiller leurs clients dans le sens d’une optimisation de l’éclairage dans la durée et en quantité. Il s’agit des syndicats de l’éclairage ou encore des fédérations de commerçants, qui doivent sensibiliser leurs adhérents sur la législation en vigueur.
En conclusion, je voudrais insister sur l’efficacité et la simplicité des mesures à prendre pour lutter contre la pollution lumineuse. Contrairement à d’autres pollutions, comme la pollution chimique par exemple, la pollution lumineuse est très facilement réversible : il suffit d’éteindre la lumière pour protéger la biodiversité et nos écosystèmes – sans oublier les économies d’énergie que cela génère.
Je nous encourage donc tous à prendre notre bâton de pèlerin et à sensibiliser les communes, les acteurs économiques et les citoyens pour protéger notre environnement nocturne et garantir notre cohabitation avec le monde vivant non humain. (Applaudissements.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la pollution lumineuse.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 13 avril 2023 :
À dix heures trente :
Vingt-huit questions orales.
À quatorze heures trente :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier (texte de la commission n° 486, 2022-2023) ;
Débat sur l’état de la justice dans les outre-mer.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER