compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
attaque à annecy
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Cyril Pellevat. Madame la Première ministre, le 8 juin, l’horreur absolue a frappé la paisible ville d’Annecy. Sur les berges du lac, un assaillant a attaqué à l’arme blanche quatre très jeunes enfants, âgés de 22 à 36 mois. Deux d’entre eux ont vu leur pronostic vital engagé. Deux adultes ont également été gravement blessés.
Cet acte est de l’ordre de l’indicible : on protège un enfant, on le console, on l’éduque, mais jamais, ô grand jamais, on ne le poignarde dans sa poussette.
Le cœur de tous les Français s’est brisé pour les victimes et leurs parents, mais aussi pour les passants traumatisés. Je leur réitère notre entier soutien, car si l’inquiétude concernant l’état de santé des blessés s’est dissipée, le chemin de la guérison, tant physique que psychique, sera encore long.
Je tiens également à rendre hommage au préfet, à nos forces de l’ordre et de sécurité civile, aux soignants et aux héros du quotidien, comme Henri, pour leur bravoure. Leur formidable mobilisation a sans aucun doute permis d’éviter un bilan encore plus lourd. Je puis témoigner que le choc et l’effroi suscités par la cruauté d’une telle attaque ne les ont pas empêchés d’être admirables.
Je souhaite aussi exprimer ma reconnaissance aux élus locaux pour leur réactivité. Je pense en particulier au maire d’Annecy, François Astorg, que je veux assurer de mon soutien à l’heure où il fait l’objet d’attaques indignes.
Enfin, madame la Première ministre, nous vous sommes reconnaissants, à vous ainsi qu’au Président de la République et au ministre de l’intérieur et des outre-mer, de vous être rendus rapidement sur place pour exprimer le soutien de l’ensemble de la Nation.
Si l’heure est aujourd’hui au recueillement et s’il nous faut éviter les polémiques, plusieurs zones d’ombre demeurent. Je ne doute pas que l’enquête en cours permettra de nous éclairer sur le parcours, migratoire comme psychiatrique, de l’assaillant.
En tout état de cause, les premiers éléments qui nous sont parvenus nous interpellent.
Il semble en effet que les délais de traitement de la demande d’asile de l’assaillant ont été particulièrement longs, alors que celle-ci était manifestement irrecevable. Le système Eurodac permettait pourtant de vérifier que cet individu avait déjà obtenu le statut de réfugié en Suède.
Comment expliquez-vous, madame la Première ministre, que la décision de refus ne lui ait été signifiée que six mois après le dépôt de sa demande ?
En outre, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit qu’il est possible d’accorder la liberté de circulation aux ressortissants de pays tiers résidant sur le territoire d’un État membre.
Il s’agit bien, non pas d’une obligation, mais d’une faculté laissée à la discrétion des États. Je souhaite donc savoir si vous comptez restreindre ce droit qui a permis à cet homme de séjourner en France sans visa pour une durée de trois mois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, vous l’avez rappelé, jeudi dernier, dans la matinée, un homme a attaqué de très jeunes enfants dans un parc à Annecy.
Il n’y a rien de plus lâche, de plus choquant, de plus monstrueux que de s’en prendre à l’innocence, que de s’en prendre à de jeunes enfants.
Quatre enfants et deux adultes ont été grièvement blessés dans cette attaque.
Je me suis immédiatement rendue sur place avec le ministre de l’intérieur ; dès le lendemain, le Président de la République lui-même s’est tenu aux côtés des familles et a exprimé son soutien à tous les intervenants.
Au nom du Gouvernement et comme vous, monsieur le sénateur, je veux dire mes pensées à toutes les victimes, exprimer ma solidarité à leurs familles et à leurs proches et renouveler mon soutien aux habitants et aux familles d’Annecy, profondément choqués par cette attaque.
Je veux aussi adresser mes remerciements et rendre hommage avec vous aux forces de l’ordre qui sont intervenues de manière extrêmement rapide, ainsi qu’aux secours, aux soignants et aux citoyens, dont l’action a permis de sauver les victimes et d’éviter l’irréparable.
Monsieur le sénateur Pellevat, comme vous et comme tous les Français, je souhaite que la lumière soit faite sur les circonstances exactes de cette effroyable attaque. Une enquête est en cours. Elle permettra d’éclairer les faits, le parcours et les motivations de l’auteur.
En attendant les conclusions de cette enquête, l’heure est à la dignité, l’heure est au recueillement, l’heure est au soutien des victimes, de leur famille et des habitants d’Annecy.
Je puis vous assurer que, de son côté, le Gouvernement reste plus que jamais mobilisé pour protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
leçons à tirer du drame d’annecy
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Il faisait beau ce jeudi matin au bord du lac, sur le Pâquier, à Annecy. Tout à coup, dans le square, au pied du pont des Amours qui enjambe le canal du Vassé, un assaillant armé d’un couteau est venu poignarder plusieurs petits enfants jusque dans leurs poussettes, avant de s’en prendre à des personnes âgées.
Nous devons aux premiers témoins d’avoir ralenti l’agresseur, puis à la chaîne des forces de l’ordre, secouristes et soignants d’être intervenus avec une rapidité exceptionnelle, ce qui a permis de sauver la vie de toutes les victimes. Notre reconnaissance à leur égard est immense.
Depuis cet événement tragique, la ville et toute la Haute-Savoie sont sous le choc.
La venue des plus hautes autorités de l’État, notamment la vôtre le jour même, madame la Première ministre, et le rassemblement citoyen de dimanche dernier ont été des occasions d’exprimer notre unité et notre solidarité avec les familles.
Si quelques polémiques assez vaines ont été balayées, et c’est tant mieux, des questions lourdes restent posées et attendent des réponses courageuses, madame la Première ministre. Celles-ci sont à mes yeux de deux ordres : l’application des règles du droit d’asile et la psychiatrie.
En premier lieu, si le fonctionnement de l’espace Schengen fixe des règles européennes relatives à la liberté de circulation, il n’existe pas en soi de liberté d’établissement. L’auteur des faits semblerait avoir choisi de résider dans les rues d’Annecy depuis sept mois.
En second lieu, l’état de la psychiatrie hospitalière en Haute-Savoie est catastrophique. Des services ont été fermés à l’hôpital de Thonon pour être transférés à l’hôpital de La-Roche-sur-Foron, où un tiers des lits sont, là aussi, fermés par manque de personnel.
Dans ces conditions, comment imaginer une politique de prévention digne de ce nom ? Comment « aller vers » les personnes sans domicile fixe de plus en plus nombreuses, souvent d’origine étrangère, qui sont dans des situations de véritable marginalité ?
Madame la Première ministre, en parallèle avec l’enquête judiciaire en cours, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les décisions préventives que le Gouvernement entend prendre pour qu’un tel drame ne se reproduise jamais ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, vous avez raison de le dire, le drame survenu à Annecy jeudi dernier est un choc terrible pour tous nos concitoyens. À l’heure actuelle, les six blessés, parmi lesquels se trouvent quatre jeunes enfants, sont hors de danger. J’ai de nouveau une pensée pour eux, pour leurs familles et pour leurs proches.
Si nous avons évité le pire, nous devons cette issue heureuse à l’action des forces de l’ordre, des secours, des soignants et des citoyens. De nouveau, avec vous, monsieur le sénateur, je veux leur rendre hommage.
Aujourd’hui, l’enquête se poursuit. Elle permettra de tirer des conclusions sur le profil, l’état psychiatrique, le parcours et les intentions de l’assaillant. Je tiens à le redire : nous avons naturellement interrogé tous les services de renseignement des autres pays européens et nous avons naturellement interrogé les autorités judiciaires : aucun signalement, notamment psychiatrique, n’avait été fait concernant cet agresseur.
En parallèle, indépendamment de ce drame et de l’enquête, la mobilisation du Gouvernement continue, comme celle de tous les élus qui, comme vous, monsieur le sénateur, veulent agir pour la sécurité de nos concitoyens et veiller au respect de nos frontières.
J’en profite pour répondre à la question qui m’a été précédemment posée. Je pense en effet que les demandes d’asile émanant d’une personne qui a déjà le statut de réfugié dans un autre État membre doivent pouvoir être traitées plus rapidement.
Nous examinerons ce point, en complément des démarches importantes et des avancées dont nous sommes à l’initiative à l’échelon européen, et qui se sont notamment traduites, lors du dernier conseil des ministres de l’intérieur de l’Union européenne, par la définition d’une procédure de demande d’asile obligatoire aux frontières de l’Europe qui répond aux attentes de notre pays ainsi qu’à celle de nombreux États membres européens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
fin des tarifs réglementés de gaz au 30 juin 2023
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, mes chers collègues, le 30 juin prochain, avec la suppression des tarifs réglementés de gaz, une nouvelle étape sera franchie dans la libéralisation du secteur de l’énergie. Celle-ci s’accompagnera de la fin du bouclier tarifaire, qui interviendra dès le lendemain.
Quelque 2,6 millions de foyers devront alors passer d’un contrat fixe et régulé à une offre de marché. C’est une folie dans cette période de crise énergétique.
Monsieur le ministre, vous avez une vision erronée des cours du gaz sur le marché mondial. La stabilité que nous observons depuis le début de l’année 2023 n’est en effet qu’une accalmie.
Les prix restent hauts et risquent d’augmenter de nouveau dès cet hiver, dans un contexte de concurrence mondiale pour la livraison de gaz qatari et de gaz naturel liquéfié (GNL) américain, mais aussi de reprise économique de l’industrie chinoise.
Souvenez-vous, la concurrence devait faire baisser les prix. Rien que pour le gaz, le résultat est une augmentation des tarifs de plus de 90 % en une décennie, et un bond de plus de 50 % depuis la crise énergétique !
Plus personne ne croit en votre fable, car les usagers, nos entreprises et nos collectivités subissent un véritable racket au profit des acteurs alternatifs et des traders qui gonflent leurs dividendes grâce au marché européen de l’énergie.
Dans ce contexte, notre groupe a déposé une proposition de loi visant à la prolongation des tarifs réglementés de vente du gaz et à leur extension.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à prolonger les tarifs réglementés ? Ou allez-vous laisser 2,6 millions de foyers être livrés au marché et s’enfoncer dans la précarité énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Fabien Gay, c’est non pas une fable, mais la réalité que je vais vous raconter : depuis un peu plus d’un an, les ménages français sont protégés contre la hausse des prix du gaz – et les tarifs réglementés de vente (TRV) n’ont rien à voir dans l’affaire.
La réalité, c’est que, TRV ou pas, si le Gouvernement n’avait pas mis en place un bouclier tarifaire, les hausses des tarifs auraient été exceptionnelles – TRV ou pas, je le répète.
Vous savez très bien ce qui se passera au 1er juillet prochain, monsieur le sénateur : les TRV disparaîtront, conformément à la loi relative à l’énergie et au climat votée par les deux chambres du Parlement et promulguée en 2019.
Cela n’entraînera aucun changement pour la plupart des 2,6 millions de ménages que vous avez mentionnés, puisque, par défaut, ils basculeront sur le tarif dit Passerelle d’Engie. (M. Fabien Gay s’exclame.) Quant à ceux qui auront décidé de changer de fournisseur, sans doute parce qu’ils considèrent que le nouveau fournisseur est meilleur marché, ils bénéficieront peut-être même de baisses de prix.
M. Fabien Gay. C’est ça !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Au total, vous le voyez bien, nous protégeons les ménages français par le bouclier tarifaire. Vous le savez, le gaz est aujourd’hui revenu à ses prix les plus bas, ceux qui prévalaient avant la crise et avant la guerre en Ukraine. (M. Fabien Gay s’exclame.) Il faut reconnaître que le marché européen nous y aide.
Évidemment, il faut changer le marché européen. Nous le faisons en profondeur, notamment en matière de fixation des prix de l’électricité.
Pour l’heure, ne faites pas peur à des ménages qui, je le répète, au 1er juillet prochain, ne verront rien, si ce n’est peut-être, pour certains d’entre eux, une baisse de tarifs. (Mme Cathy Apourceau-Poly s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, jusqu’à quand allons-nous respecter des règles européennes que plus personne ne respecte sauf nous ?
Les Portugais et les Espagnols ont obtenu une dérogation. Aujourd’hui même, les Allemands ont annoncé un plan de 50 milliards d’euros, notamment pour subventionner le prix du gaz. Quant à nous, nous restons pieds et poings liés à ces règles que plus personne ne respecte et qui mettent à mal nos collectivités, nos entreprises et, surtout, les usagers.
Il est urgent de recréer un grand service public de l’énergie autour d’un monopole public. Si vous ne le faites pas, nous le ferons à votre place ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
plan pour la petite enfance
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Comment évoquer les problèmes de l’enfance sans mentionner à mon tour le drame terrible survenu récemment dans notre pays, acte odieux et monstrueux que nous condamnons tous avec fermeté ? Nos pensées vont, comme les vôtres, madame la Première ministre, à la fois aux victimes, aux familles et aux proches.
Sans transition, madame la Première ministre, je souhaite vous interroger sur le problème de l’enfance. J’associe à ma question mon ami Xavier Iacovelli, particulièrement impliqué dans ce domaine. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Cela a été occulté par les événements dramatiques que nous venons de connaître, mais vous avez annoncé il y a quelques jours, à l’issue du Conseil national de la refondation Petite enfance, la création d’un service public de la petite enfance visant à assurer un meilleur accueil pour les enfants en bas âge dans notre pays. Cette annonce répond à un engagement pris à de multiples reprises par le Président de la République, engagement que vous avez tenu, madame la Première ministre.
Recrutements insuffisants, disparités régionales, inégalités sociales importantes : il est aujourd’hui indispensable de revaloriser le métier d’accueil, qui est à la fois un pilier de notre politique familiale et un pivot d’un accès équitable à l’emploi et au travail. Il s’agit donc d’une étape supplémentaire de la politique en faveur du plein emploi que le Gouvernement tient à faire avancer.
Ce fonds est doté de 1,5 milliard de francs… (« D’euros ! » sur des travées du groupe Les Républicains.) Non, 1,5 milliard d’euros – excusez-moi, mes chers collègues, c’est parce que le montant m’impressionne ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Ce fonds est donc doté de 1,5 milliard d’euros par an, soit environ 5,5 milliards d’euros d’ici à la fin du quinquennat, qui seront débloqués par l’État.
Madame la Première ministre, vous avez de plus annoncé, répondant en cela aux attentes acteurs de terrain, que les communes seraient demain les autorités organisatrices de l’offre d’accueil.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Patriat. Notre assemblée, comme les communes concernées, porte grand intérêt à ce nouveau dispositif. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Pouvez-vous nous donner quelques détails sur ce service public de la petite enfance, madame la Première ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président François Patriat, assurer l’accueil de la petite enfance, c’est construire l’avenir de notre pays et montrer le modèle de société que nous voulons.
En améliorant l’accueil des jeunes enfants, nous répondons en effet à l’une des premières préoccupations des parents, nous avançons pour l’égalité entre les femmes et les hommes et nous levons l’un des freins majeurs à l’emploi.
Depuis six ans, nous avons avancé, mais les parents vivent trop souvent un parcours d’obstacles pour obtenir une place d’accueil. Qui plus est, de fortes inégalités sociales persistent. Au total, le nombre de places reste insuffisant.
C’est pourquoi, conformément aux engagements du Président de la République, j’ai annoncé un plan ambitieux avec le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, Jean-Christophe Combe, pour lancer un véritable service public de la petite enfance,…
Mme Sophie Primas. Payé par qui ?
M. Roger Karoutchi. Par les communes !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … créer 200 000 places d’accueil supplémentaires d’ici à 2030 et garantir à tous les parents une solution pour leurs enfants.
Notre objectif est d’abord de permettre une meilleure coordination entre les acteurs, en confortant les maires dans leurs missions, par la création d’un statut d’autorité organisatrice de l’offre d’accueil. Je connais l’engagement des maires, et je veux le saluer.
Ainsi, le projet de loi pour le plein emploi, qui comportera les mesures législatives correspondantes, prévoit que les offres d’accueil et les besoins des parents sont recensés à l’échelle de la commune.
Il prévoit également que les grandes communes élaborent des schémas stratégiques pour définir une trajectoire de développement de l’offre adaptée aux besoins des familles. Je sais, monsieur le sénateur François Patriat, que votre groupe y est particulièrement attentif. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous allons ensuite augmenter considérablement les moyens consacrés à la petite enfance, conformément à ce que nous avons prévu dans notre trajectoire budgétaire, en investissant plus de 5 milliards d’euros supplémentaires d’ici à la fin du quinquennat. Il s’agit d’accompagner les investissements des collectivités, mais aussi, comme elles le souhaitent, de couvrir davantage les coûts de fonctionnement de ces nouvelles places en crèche.
Nous voulons également faciliter la vie des parents, œuvrer à l’attractivité des métiers et améliorer la formation des professionnels de la petite enfance, auxquels je veux rendre hommage.
Nous souhaitons enfin améliorer la confiance dans le système d’accueil, notamment en renforçant les dispositifs de contrôle. J’ai confié à la présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, Florence Dabin, une mission visant à identifier des solutions rapides et efficaces pour prévenir la maltraitance.
Monsieur le président Patriat, avec le service public de la petite enfance, nous garantissons l’accès à une solution d’accueil pour tous, nous agissons pour le plein emploi en levant une barrière au retour au travail, nous œuvrons pour l’égalité des chances et l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce sont des objectifs que, je n’en doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, vous partagez tous sur ses travées. Avec la mobilisation de tous les acteurs et des élus, nous réussirons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)
aide humanitaire de la france à l’ukraine
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Ma question, à laquelle j’associe ma collègue Marie-Arlette Carlotti, s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Madame la ministre, alors que la guerre se poursuit en Ukraine et que les populations civiles continuent d’y vivre sous les bombardements incessants, je m’interroge sur la stratégie du Gouvernement pour ce qui concerne l’accompagnement à la nécessaire reconstruction de ce pays ami.
Ces derniers mois, les bombardements russes ont spécifiquement ciblé les infrastructures civiles. Le barrage de Kakhovka en est, malheureusement, le dernier exemple en date.
Ces bombardements désorganisent le pays, affectent le quotidien de millions d’Ukrainiens, amoindrissent leurs conditions de résistance et soulèvent la question de la reconstruction.
S’il a apporté un soutien financier à l’Ukraine, le gouvernement français n’a pas précisé sa stratégie en matière d’accompagnement des autorités ukrainiennes dans le rétablissement des services essentiels à la vie quotidienne de la population.
Quels secteurs seront concernés en priorité ? Avec quels moyens ? Dans quel cadre ?
Certains pays de l’Union européenne sont d’ores et déjà présents pour appuyer les efforts du gouvernement ukrainien dans de nombreux secteurs d’activité. La France n’est pas, pour l’instant, au rendez-vous.
Des opérateurs nationaux, notamment privés, se sont pourtant dits prêts à s’engager en faveur de ce pays allié, à condition que la zone rouge soit au moins partiellement levée. Cela rendrait possible leur action dans un contexte relativement moins incertain. Est-ce envisagé, et si oui, sous quels délais ?
Je souhaiterais également savoir quel est le mandat donné aux opérateurs publics tels qu’Expertise France ou que l’Agence française de développement (AFD), car à défaut, une action concertée ne sera pas possible.
Madame la ministre, aujourd’hui et, surtout, demain, la France doit et devra être aux côtés du peuple ukrainien ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, l’Ukraine ne sera pas vaincue. Elle se relèvera et, lorsqu’elle aura surmonté cette épreuve, elle sera unie et pleinement ancrée dans la famille européenne. Nous en avons la conviction.
Nous avons tout d’abord fourni à l’Ukraine une aide d’urgence, imposée par la guerre, qu’elle soit militaire – on en parle souvent – ou civile, notamment lors des moments les plus difficiles de l’hiver. Nous avons ainsi contribué à la résilience du peuple ukrainien.
Nous envoyons également de l’aide humanitaire. Depuis le sabotage du barrage, nous avons déjà envoyé dix tonnes de matériel.
Ensuite, nous travaillons d’ores et déjà à l’après. C’est la raison pour laquelle nous avons nommé, au mois de mars dernier – la France fut le premier pays du G7 à le faire –, un envoyé spécial pour l’aide économique et la reconstruction de l’Ukraine, en la personne de Pierre Heilbronn. Celui-ci travaille en lien avec les Ukrainiens afin d’identifier leurs besoins prioritaires, et avec les bailleurs internationaux pour construire les financements.
La France met aussi en place des mesures concrètes pour les entreprises françaises qui souhaiteraient s’engager en Ukraine. Si celles-ci sont nombreuses – la conférence qui s’est tenue le 13 décembre dernier à Bercy l’a montré –, nous réfléchissons aux règles de sécurité qui doivent encadrer cet engagement, madame la sénatrice, sachant que l’Ukraine est pour l’heure un pays en guerre.
Enfin, je participerai le 21 juin, à Londres, à une conférence internationale sur la reconstruction de l’Ukraine. À cette occasion, j’annoncerai notamment de nouveaux financements pour la reconstruction des infrastructures civiles critiques, qui, comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, sont attaquées jour après jour par la Russie.
Vous le voyez, madame la sénatrice, il n’est pas trop tôt pour s’occuper de l’après et c’est ce que nous faisons, depuis des mois déjà.
mobilisation des gendarmes pour les jeux olympiques
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Les jeux Olympiques et Paralympiques se tiendront à Paris du 26 juillet au 11 août 2024 et du 28 août au 8 septembre 2024. Ce rendez-vous est très attendu par nos concitoyens, tant il revêt une dimension populaire et multiculturelle.
Le 23 mai dernier, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a signé un protocole pour assurer la sécurité de la cérémonie d’ouverture des Jeux. Au total, 35 000 membres des forces de l’ordre seront mobilisés, qu’ils soient gendarmes, policiers ou agents du ministère des armées. Des agents de sécurité privée et de la Ville de Paris compléteront le dispositif. Le ministre a également annoncé le déploiement de 2 800 agents supplémentaires d’ici à l’ouverture des Jeux.
Il ne fait aucun doute que ces décisions sont le fruit d’une évaluation précise des besoins pour une manifestation de cette envergure. Toutefois, l’on commence à craindre dans nos territoires ruraux une probable réquisition complémentaire des agents des services de sécurité publique, qui exercent quotidiennement dans nos brigades de gendarmerie et dans nos commissariats de police.
En conséquence, il pourrait être impossible, durant cette période, faute d’effectifs, d’assurer la protection des événements sociaux, culturels et sportifs dans nos régions, le risque étant même qu’ils ne soient annulés.
Or bon nombre d’associations n’ont pas les moyens financiers de recourir aux services de sociétés de sécurité privées. Quant aux petites communes, elles ne disposent pas de policiers municipaux.
Avant que la flamme olympique ne gagne Paris, elle devrait traverser plus de soixante départements. Vous conviendrez, madame la secrétaire d’État, que cela ne servirait à rien si une partie des Français étaient privés d’un été festif en 2024.
Que prévoyez-vous donc pour garantir l’équilibre territorial des effectifs des services de sécurité publique durant la période des jeux Olympiques et Paralympiques, notamment dans les territoires ruraux ? Les renforts estivaux seront-ils maintenus ? Les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig) ne seront-ils pas déplacés ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – M. André Gattolin applaudit également.)