M. Jean-Marie Mizzon. J’ai bien conscience que ma question, qui s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, ne concerne ni la totalité du territoire national ni l’intégralité des Français, mais il se trouve qu’elle appelle une réponse à l’échelon national.
Je souhaite en effet vous interroger, monsieur le ministre, sur la ratification par la France d’un accord européen relatif à la durée du travail en télétravail des travailleurs frontaliers, accord qui, comme vous le savez, permettra dès le 1er juillet prochain à un salarié, avec l’autorisation de son employeur, de porter de 25 % à 45 % le temps de travail réalisé en télétravail, tout en conservant – c’est l’avantage – son régime de couverture sociale.
Dans mon département, le beau département de la Moselle, que je vous invite à visiter, monsieur le ministre, plus de 100 000 travailleurs frontaliers s’efforcent quotidiennement de passer la frontière, avec beaucoup de difficultés, car toutes les voies routières ou autoroutières sont saturées. Quant aux bus et aux trains, ils sont tous bondés.
L’accord européen pourrait permettre de régler non seulement le volet social, mais aussi le volet environnemental du télétravail, et de rendre moins pénible la vie de ces habitants.
Pour que cette avancée soit effective, encore faut-il que la France, comme l’ont fait l’Allemagne et la Belgique, ratifie cet accord.
Monsieur le ministre, quand la France ratifiera-t-elle cet accord ? Le ratifierez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la signature possible par la France de l’accord multilatéral relatif au télétravail.
Je rappelle que, en application du règlement européen n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les travailleurs qui télétravaillent actuellement plus d’un jour par semaine dans leur État de résidence voient leur protection sociale basculer de l’État de leur employeur à celui de leur lieu de résidence.
Depuis la crise du covid-19, les différents États membres se sont entendus, de manière dérogatoire et provisoire, pour augmenter le nombre de jours de télétravail possibles sans bascule dans la législation sociale de l’État de résidence. Cette période de flexibilité a permis de neutraliser les effets sociaux du télétravail et d’accompagner nos compatriotes frontaliers, alors que la crise du covid-19 a entraîné une augmentation très sensible de la durée du télétravail.
Les États membres ont souhaité travailler à une intégration plus durable de ces changements. Une commission administrative pour la coordination des régimes de sécurité sociale a donc été créée. Il a par ailleurs été décidé de prolonger la période de flexibilité jusqu’au 30 juin de cette année.
Les travaux de ce groupe ad hoc ont permis d’aboutir à un accord multilatéral, qui a d’ores et déjà obtenu l’agrément de certains États membres, ainsi que d’États frontaliers.
Nous examinons maintenant les conséquences précises de cet accord. Comme vous l’avez mentionné, monsieur le sénateur, en leur permettant de travailler depuis leur domicile plus facilement, celui-ci simplifie la vie de nos concitoyens transfrontaliers.
Nous devons également évaluer les impacts de cet accord en termes de recettes provenant des cotisations sociales, de dépenses liées aux indemnités chômage, mais également en matière d’externalités et de recrutement dans les bassins d’emploi concernés.
Ces évaluations sont menées en lien avec les discussions qui sont en cours au sein du conseil des ministres du travail et des affaires sociales de l’Union européenne, dans le cadre de la révision intégrale du règlement n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, lequel ne concerne pas uniquement le télétravail.
Dans les jours à venir, sous l’autorité de Mme la Première ministre, nous arrêterons notre position finale en tenant compte de l’ensemble de ces paramètres. À ce jour, le texte, à la rédaction duquel nous avons contribué, est toujours en cours d’instruction par nos services.
décision du conseil français du culte musulman relative au port de l’abaya
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Madame la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, la semaine dernière, le site gouvernemental jeveuxaider.gouv.fr, plateforme publique de l’engagement, affichait l’image d’une jeune fille voilée, qui a subrepticement été remplacée, trois jours plus tard, par celle d’une autre jeune fille, à la tête découverte.
Ma question est simple : comment nous faire croire que le Gouvernement lutte contre les abayas lorsqu’il affiche ouvertement sur un site gouvernemental une jeune fille voilée sous le drapeau français ?
Plus globalement, quelle est la ligne du Gouvernement en matière de lutte contre l’inquiétante offensive islamiste dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Eustache-Brinio, il ne m’appartient pas de commenter l’exemple que vous avez cité, mais le Gouvernement n’est pas naïf : la République, en particulier son école, est actuellement la cible d’organisations islamistes. Ces dernières orchestrent, via les réseaux sociaux, des attaques contre la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
Depuis la rentrée scolaire de 2022, les services de renseignement, en liaison constante avec les responsables des communautés éducatives, documentent une tendance préoccupante concernant les atteintes à la laïcité, notamment à l’école.
Nous suivons cette évolution de près, en étroite collaboration avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et ses services. Comme vous, madame la sénatrice, nous avons entendu les demandes légitimes des enseignants et des directeurs d’établissement qui souhaitent disposer de directives claires. Nous leur devons une telle clarté.
Permettez-moi de rappeler que la loi de 2004 interdit expressément le port de tout signe religieux ostentatoire dans les établissements scolaires publics, en application du principe de laïcité.
Pour le dire plus clairement, et dans la droite ligne de mes déclarations d’octobre dernier, les abayas et les qamis constituent des vêtements religieux par destination, dès lors que la finalité qui s’attache à leur port ne fait aucun doute et que celui-ci constitue une tentative de contournement manifeste de la loi de 2004.
Les chefs d’établissement concernés sont fondés à prendre des sanctions envers les élèves qui s’adonnent à de tels comportements, voire à leur interdire l’accès à l’établissement.
Cette ligne est celle du Gouvernement ; elle a été précisée dans une instruction que Gérald Darmanin et moi-même avons adressée aux préfets le 17 octobre dernier.
M. Max Brisson. Quid du ministre de l’éducation nationale ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, la loi de 2004 est une loi de protection et d’émancipation, et nous devons veiller à sa stricte application, sans naïveté ni complaisance.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je ne suis pas certaine que les Français soient convaincus par vos explications, madame la secrétaire d’État.
Comment expliquez-vous qu’une conférence à la Sorbonne sur l’entrisme des Frères musulmans, initialement reportée, se soit tenue sous haute protection, sans le soutien de la ministre concernée ?
Comment expliquez-vous le silence et l’inaction du ministère de l’éducation nationale pour faire en sorte que le collège de Conflans-Sainte-Honorine, dans lequel enseignait Samuel Paty, porte son nom ?
Comment expliquez-vous l’ambiguïté du discours gouvernemental autour de l’abaya, fruit du wahhabisme, c’est-à-dire de l’islam le plus rigoriste prôné en Arabie Saoudite, que l’on voit prospérer de manière inquiétante dans nos collèges et nos lycées ? Vous ne m’avez pas rassurée à ce sujet.
Comment expliquez-vous le silence du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances sur toutes ces questions, alors que de plus en plus de petites filles sont voilées dans notre pays, des enfants auxquelles on inculque l’idée que leur corps serait sale, impur, et qu’il devrait être caché au regard des hommes ?
N’existe-t-il pas des mots que tout le monde connaît et que chacun est capable de comprendre dès son plus jeune âge : « non » et « interdit » ? Dès lors, pourquoi ne jamais les utiliser afin de préserver l’unité de la Nation et de la communauté nationale ?
Ne pas répondre à ces questions avec clarté, ne pas choisir, c’est permettre à l’offensive islamiste de continuer à progresser. Vous en êtes et vous en serez comptables devant les Français. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
pollution aux perfluorés dans le rhône
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la Première ministre, présents dans les poêles en téflon, dans les textiles industriels ou dans les emballages alimentaires, des milliers de polyfluoroalkyles (PFAS) sont partout dans notre quotidien.
Ces molécules pratiquement indestructibles se retrouvent également dans les rivières, l’eau de pluie, les sols, l’alimentation et même le lait maternel. Sommes-nous face au poison du siècle ?
Je viens de la région la plus exposée à ces polluants éternels. Après les recommandations émises par l’agence régionale de santé (ARS) de ne pas consommer les poissons pêchés dans le Rhône, puis les œufs et les volailles élevées dans certaines communes, un récent documentaire a révélé une imprégnation extrêmement élevée, sept fois supérieure à la moyenne nationale, chez les riverains de l’usine Arkema. Une plainte a d’ailleurs été déposée le 25 mai dernier par un collectif d’associations et de citoyens.
Les habitants, tout comme les élus, sont à juste titre très inquiets, car les effets nocifs et toxiques de certaines de ces substances sont désormais reconnus.
Selon le dernier rapport de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), les PFAS ne font l’objet d’aucune réglementation dans notre pays.
En dépit de ce dur constat, le plan d’action sur trois ans annoncé par le Gouvernement ne prévoit l’instauration d’aucune norme relative aux rejets industriels. L’urgence est pourtant manifeste.
Madame la Première ministre, comment votre gouvernement prévoit-il d’accompagner les collectivités concernées par ces pollutions ? Qui paiera la dépollution des sites contaminés ? Et quand peut-on espérer la mise en place d’une vaste étude d’imprégnation sur les populations locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Devinaz, assurer une meilleure prise en compte des effets et une maîtrise accrue des risques pour l’environnement et la santé liés à l’usage des polyfluoroalkyles répond à une préoccupation forte et légitime de nos concitoyens.
Il s’agit – vous l’avez souligné – d’un enjeu de santé publique essentiel et d’une priorité pour le Gouvernement, qui est pleinement mobilisé, à l’échelon national comme européen. Nous devons assurer une transparence totale sur les informations dont nous disposons.
Avec Christophe Béchu, nous avons souhaité renforcer notre ambition collective sur ce sujet dans le cadre d’un plan d’action lancé en janvier dernier, lequel propose des mesures concrètes en matière de maîtrise des rejets industriels et de connaissance des contaminations environnementales. Notre priorité est d’améliorer notre connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux, dans le but de réduire l’exposition des populations.
À ce titre, l’analyse des effluents industriels fortement susceptibles de contenir des PFAS fait actuellement l’objet d’un projet d’arrêté ministériel ouvert à la consultation du public. Celui-ci vise environ 5 000 installations industrielles sur l’ensemble du territoire, couvrant la quasi-totalité des sites pouvant produire, utiliser ou rejeter des PFAS. Notre objectif est de mieux surveiller les émissions de ces installations et de mettre en œuvre des actions pour les réduire.
J’ajoute que la directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive Eau potable, rend obligatoire, à partir de 2026, le contrôle sanitaire des PFAS dans l’eau ; nous avons souhaité anticiper cette exigence en rendant ce contrôle applicable dès janvier dernier, pour mieux surveiller la présence de ces polluants dans les eaux.
J’en viens à la situation de Pierre-Bénite. En coordination avec le préfet, nous avons prescrit à l’entreprise Arkema de réduire par palier les rejets de PFAS sur le site, puis d’y mettre un terme d’ici à la fin de 2024.
Par ailleurs, à la suite de la première campagne de mesures dans l’environnement réalisée par Arkema, conformément aux arrêtés préfectoraux du 1er juillet 2022, des mesures supplémentaires de PFAS dans les sols et dans les végétaux ont été exigées des exploitants, autour de leurs installations, à leurs frais.
Afin de mieux appréhender les risques sanitaires, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été saisie en novembre dernier. Nous attendons des éléments de réponse en fin d’année.
En complément, l’enquête sur la santé, la biosurveillance, l’alimentation et la nutrition, nommée Albane, qui sera prochainement menée par Santé publique France, s’intéressera spécifiquement à l’exposition aux PFAS. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Je comprends l’importance de surveiller, mais je crois qu’il est préférable d’agir. Il me semble que même si des initiatives sont en cours au niveau européen, nous ne sommes pas contraints d’attendre leurs conclusions.
Le Danemark, par exemple, interdit certains PFAS depuis 2020.
J’estime que, au-delà de la surveillance, il convient de prendre des mesures coercitives. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
engagement de l’état dans le centre national de la fonction publique territoriale
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Madame la Première ministre, vous vantez les mérites de l’apprentissage et vous avez raison. À ce titre, vous encouragez les collectivités territoriales à recruter et à former davantage de jeunes. Cependant, sans soutien financier de l’État, celles-ci seront dans l’incapacité de répondre à cet appel.
Depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les représentants des employeurs territoriaux s’efforcent d’établir un accord de financement pérenne.
Le nouveau système, instauré par la loi de finances pour 2022, prévoit une taxe d’apprentissage de 0,1 % pour les employeurs territoriaux, en contrepartie de laquelle l’État et France Compétences contribuent à hauteur de 15 millions d’euros chacun, et le CNFPT, à hauteur de 13 millions d’euros.
Au début de cette année, après avoir menacé de vous retirer, vous avez accepté, sous la pression des employeurs locaux, de maintenir pendant trois années supplémentaires la contribution de l’État aux frais de formation des apprentis dans les collectivités.
Cependant, par une circulaire du 10 mars dernier relative au renforcement du recrutement d’apprentis dans la fonction publique pour les années 2023-2026, vous annoncez unilatéralement le désengagement de France Compétences à compter de 2024, sa participation passant de 15 millions d’euros en 2023 à 5 millions d’euros en 2025, avant l’extinction complète de sa contribution.
Une réelle dynamique s’est pourtant engagée en faveur de l’apprentissage, le nombre de contrats d’apprentissage étant passé de 8 000 en 2020 à 12 000 en 2022. En 2023, celui-ci s’établira à 18 000, ce qui représente un engagement financier de plus de 160 millions d’euros. Les recettes perçues par le CNFPT s’élevant à 75 millions d’euros, il manque près de 87 millions d’euros. Cela n’est pas tenable financièrement.
Dans la même circulaire, vous demandez aux employeurs locaux de faire plus, tout en vous désengageant.
Alors, madame la Première ministre, que comptez-vous faire pour pérenniser le développement de l’apprentissage dans les collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sido, l’encouragement de l’apprentissage au sein des collectivités territoriales est au cœur de nos priorités pour deux raisons : d’une part, l’apprentissage offre aux collectivités la possibilité d’attirer de jeunes talents, d’autre part, il donne aux jeunes l’occasion de se confronter à une palette de métiers au service de l’intérêt général dans les territoires, leur permettant d’acquérir des compétences solides.
L’apprentissage est un véritable tremplin vers l’emploi, ainsi qu’une chance pour les collectivités.
Cet effort passe par le maintien de notre engagement financier dans les collectivités territoriales dans les années à venir, à hauteur de 15 millions d’euros pour les apprentis recrutés en 2023, en 2024 et en 2025, comme cela était prévu pour 2022.
Comme vous l’avez indiqué, la Première ministre a inscrit cet engagement dans sa circulaire du 10 mars 2023, afin d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République de recrutement d’un million d’apprentis d’ici à la fin du quinquennat.
Ce sont donc 12 000 apprentis en 2022, et probablement autant en 2023, qui ont rejoint et rejoindront nos collectivités locales.
Cet engagement de l’État, à hauteur de 45 millions d’euros sur trois ans, permettra de développer le recrutement d’apprentis dans nos collectivités territoriales. Nous sommes d’ailleurs en passe de finaliser la convention qui lie l’État au Centre national de la fonction publique territoriale.
Nous devons également lever les blocages statutaires qui empêchent les collectivités qui le souhaitent de recruter durablement leurs apprentis : notre volonté est bien de faire de cette méthode une voie de recrutement pérenne pour les collectivités locales, afin d’éviter que celles-ci ne se séparent de leurs apprentis au bout de deux ans.
C’est l’un des axes du chantier « accès, parcours, rémunérations » mené par Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, qui permettra de faire de l’apprentissage une véritable modalité de recrutement dans la fonction publique territoriale. (M. Pierre Charon proteste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.
M. Bruno Sido. Madame la ministre, vous subventionnez l’apprentissage dans le secteur privé à hauteur de 6 milliards d’euros par an d’argent public.
Un apprenti du secteur public est-il à ce point moins méritant qu’il n’appelle pas le même effort national en termes budgétaires ? S’agit-il là d’une énième méthode pour faire peser une charge supplémentaire sur les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
impact pour les collectivités de l’augmentation du point d’indice
M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Daphné Ract-Madoux. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Monsieur le ministre, vous avez récemment annoncé une augmentation de 1,5 % du point d’indice de la fonction publique, applicable dès le 1er juillet prochain, ainsi que des mesures complémentaires – prime facultative et augmentation du nombre de points – pour les agents des catégories B et C en 2024.
Dans le contexte d’inflation élevée que nous connaissons, nous ne pouvons que nous en réjouir : cette augmentation offre un coup de pouce au pouvoir d’achat des agents publics, qui en ont grand besoin.
Cependant, cette annonce intervient alors que les budgets des communes ont été votés. Ces derniers étant déjà contraints, des augmentations d’impôts ont parfois dû être décidées afin de maintenir les investissements.
De plus, certaines communes n’ont eu connaissance du montant de leur facture trimestrielle d’électricité qu’après le vote de leur budget, et elles font parfois face à des augmentations substantielles. Dans mon département, malgré la mise en place de boucliers tarifaires, celles-ci peuvent atteindre jusqu’à 40 %. En somme, nos villes et, surtout, nos villages, n’ont plus ni marge budgétaire ni perspective.
Dans ces conditions, à défaut d’aide, l’équilibre budgétaire est menacé, ce qui pourrait compromettre les investissements et les projets des communes. En l’absence de moyens pour les amorcer, les collectivités ne pourront prétendre aux aides – dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), fonds vert ou autres subventions.
Les élus ont l’impression que l’on reprend d’une main ce qu’on leur donne de l’autre.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre : l’augmentation du point d’indice de la fonction publique étant une décision d’État, l’État envisage-t-il de compenser celle-ci, comme il l’avait fait, au moins partiellement, dans le cadre de la loi de finances rectificative d’août 2022 ?
Par ailleurs, comment avez-vous consulté, et comment envisagez-vous de consulter à l’avenir les associations d’élus, ces élus qui sont encore et toujours en première ligne dans nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la sénatrice Ract-Madoux, vous me posez plusieurs questions.
Avons-nous organisé des concertations avec les associations d’élus ? La réponse est oui : j’ai réuni ces associations le 23 mai dernier, puis le 12 juin, en compagnie de ma collègue Dominique Faure, avant de recevoir les organisations syndicales et d’annoncer un certain nombre de mesures.
Avons-nous tenu compte de leurs propos ? La réponse est également affirmative. Lors de la réunion du 23 mai, ces associations ont exprimé trois demandes spécifiques : modérer au maximum l’effort indiciaire, qui est contraint pour les collectivités, concentrer nos efforts sur les salaires les plus bas, la fonction publique territoriale étant composée aux trois quarts de fonctionnaires de catégorie C et lisser l’effort indiciaire dans le temps.
Les annonces que j’ai faites au nom du Gouvernement, après l’arbitrage de la Première ministre, répondent à ces trois demandes.
Premièrement, le point d’indice n’augmentera cette année que de 1,5 %, contre 3,5 % en cours d’année dernière.
Deuxièmement, nous avons utilisé l’enveloppe budgétaire de manière différente, afin de privilégier les plus bas salaires, comme le demandaient les associations d’élus.
Troisièmement, cet effort sera bien lissé dans le temps, puisqu’une première partie – l’augmentation du point d’indice – sera effective dès 2023, tandis que la seconde partie – la distribution de points de manière indifférenciée à toute la grille – interviendra en janvier 2024, offrant une meilleure prévisibilité.
Pour finir, permettez-moi, madame la sénatrice, d’ajouter une question supplémentaire, la seule qui vaille, à mon sens : si les collectivités avaient été les seules décisionnaires, si elles avaient maîtrisé le point d’indice, quelle décision auraient-elles prise compte tenu du taux d’inflation, qui s’établira de nouveau cette année autour de 6 % et qui touche notamment le secteur alimentaire ?
Mme Sophie Primas. Elles auraient fait un bien meilleur choix !
M. Stanislas Guerini, ministre. Je suis convaincu qu’elles auraient pris la même décision que celle que nous avons annoncée. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 21 juin, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)