Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je me réjouis que la vacance se résorbe dans le ressort de la cour d’appel d’Orléans. Toutefois, il faut aller plus loin en assurant un rééquilibrage, car visiblement ces juridictions sont sous-dotées.
J’espère que la nouvelle procédure en tiendra compte…
Mme le président. Mme la ministre vous a entendu, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Sueur. Je l’espère également ! (Sourires.)
multiplication des attaques contre le droit à l’interruption volontaire de grossesse
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 772, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur le regain d’activisme et de virulence des associations, lobbies et autres mouvements anti-interruption volontaire de grossesse (IVG).
Il est clair que la concomitance entre le regain d’activisme des mouvements d’ultradroite et celui des anti-IVG n’est ni totalement fortuite ni anodine.
À Bordeaux et dans de nombreuses autres villes, des locaux du planning familial ont été pris pour cibles. À Paris, le 25 mai dernier, nous avons assisté à une autre campagne de vandalisme, des autocollants antiavortement ayant été appliqués sur les Vélib’.
Des plaintes ont été déposées et des réponses judiciaires seront sans doute apportées. Pour autant, elles ne sauraient suffire, car il s’agit clairement d’une question politique.
Comment pouvons-nous, ensemble, renvoyer dans leurs cordes les lobbies anti-IVG qui s’agitent aujourd’hui ?
La première réponse, la plus simple, est de nature politique : elle consiste à constitutionnaliser le droit à l’IVG.
Les deux assemblées se sont prononcées en des termes certes différents, mais convergents : l’une et l’autre ont voté pour une constitutionnalisation de ce droit. Qu’attend le Président de la République pour faire déposer un projet de loi, réunir le Congrès et affirmer clairement que la France défend le droit à l’IVG au point de l’inscrire dans sa Constitution ? Les activistes anti-IVG cesseraient dès lors de nous harceler : eux qui ont déjà perdu la bataille d’opinion auraient définitivement perdu la bataille politique.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice, je vous remercie de poser cette question.
L’actualité récente nous rappelle que les droits des femmes sont encore, hélas ! la cible favorite des conservateurs. Ces dernières semaines, Paris a ainsi subi de honteuses campagnes de désinformation contre l’avortement.
En vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, j’ai saisi le procureur de la République pour que cette campagne cesse et que ses auteurs soient poursuivis.
L’IVG est un droit fondamental des femmes et nous ne laisserons personne y porter atteinte.
Depuis 2017, nous avons renforcé ce droit en assurant le tiers payant intégral de l’IVG, en luttant contre la désinformation, avec la création d’un numéro vert national, et en allongeant le délai de recours à l’IVG de douze à quatorze semaines.
En outre, le plan « Toutes et tous égaux », que nous avons présenté le 8 mars dernier avec Mme la Première ministre, prévoit la généralisation de la pratique des IVG chirurgicales par les sages-femmes.
Ce combat pour les droits sexuels et reproductifs des femmes passe aussi par l’amélioration de l’accès à la contraception.
Nous avons instauré la gratuité de la contraception pour les jeunes de moins de 26 ans et l’accès gratuit en pharmacie à la pilule du lendemain sans ordonnance pour toutes, sans limite d’âge. En effet, on ne pouvait plus tolérer que les femmes subissent des freins financiers pour l’accès à la contraception.
Enfin, le combat pour le droit à l’IVG est, bien sûr, un symbole puissant de la liberté des femmes. C’est pourquoi le Président de la République a pris des engagements forts, qui se déploient en France et en Europe.
Sur son initiative, les députés européens ont voté l’inscription du droit à l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Le 8 mars dernier – vous le savez –, il a exprimé sa volonté d’inscrire ce droit dans notre Constitution. Cette promesse est un message de liberté adressé à toutes les femmes de France et vous pourrez compter sur moi pour le porter.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, nous savons votre engagement et nous saluons votre réactivité, chaque fois qu’une attaque est portée contre ce droit. Pour autant – je le dis très clairement –, le Président de la République nous balade !
Il ne suffit pas de promettre et de prendre des engagements : il est temps de passer à l’acte. C’est une urgence politique. Il est urgent de défendre le droit à l’IVG. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
violences routières et absence d’effectivité des peines
Mme le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, auteure de la question n° 769, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Madame la ministre, ma question porte sur les violences routières, plus précisément sur l’absence d’effectivité des peines censées mettre un terme à ce fléau.
Voilà quelques jours, Noé aurait dû fêter ses 18 ans et préparer les prochains jeux Olympiques, puisqu’il venait de rejoindre l’équipe de France de tir sportif. Mais, le 25 juin 2022, au volant de sa voiture sans permis, il a été mortellement fauché à Antibes, dans mon département des Alpes-Maritimes, par un conducteur sous l’emprise de l’alcool et de stupéfiants, en excès de vitesse et, qui plus est, en récidive.
Le chauffard, qui ne lui a même pas porté secours, est ressorti libre soixante-dix jours plus tard, après avoir déposé une caution de 5 000 euros.
Il s’agit d’une double peine insupportable, particulièrement pour les victimes – vous vous en doutez.
En pareil cas, le régime de sanctions en vigueur permet au juge de prononcer une peine d’emprisonnement de dix ans, mais la réalité est tout autre : seuls 10 % des auteurs sont condamnés à une peine de prison ferme. Plus de 40 % des personnes impliquées dans des accidents mortels ne sont même pas condamnées à une peine de prison ferme.
Les familles doivent donc se taire, tandis que leur bourreau demeure libre de ses mouvements.
Quel message envoie notre pays ? Que les délinquants jouissent légalement de leur liberté de circulation alors qu’ils ont soustrait la vie d’un enfant à toute une famille et cumulé les circonstances aggravantes.
Les familles des victimes, les associations, nos concitoyens ou encore les élus, comme moi, en sont réduits à implorer le Gouvernement de faire appliquer les lois que nous avons votées.
Outre les difficultés rencontrées par les familles lors de leur demande d’indemnisation, point sur lequel j’ai d’ailleurs alerté le garde des sceaux, il est urgent de faire appliquer la loi.
Avec mes collègues Laurent Somon et Stéphane Demilly, nous avons déposé une proposition de loi en octobre dernier, notamment afin d’interdire, sous certaines conditions, de prononcer des aménagements de peine. J’attire votre attention sur ce texte pour que puissent émerger des engagements plus réalistes que communicationnels.
Madame la ministre, pouvez-vous nous donner les chiffres de l’année 2022 et ceux du début d’année 2023 concernant les peines effectivement purgées ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice, mes pensées vont, tout d’abord, vers Noé et sa famille.
Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la délinquance routière.
Une attention particulière est portée au traitement des infractions entraînant des accidents de la route. Leurs conséquences peuvent se révéler particulièrement dramatiques pour nos concitoyens ; ces accidents sont trop souvent liés à une consommation d’alcool ou de produits stupéfiants par l’un des conducteurs mis en cause.
Les peines prévues par notre code pénal tiennent d’ores et déjà compte de la dangerosité induite par de telles consommations en cas d’accident. Elles peuvent aller jusqu’au maximum légal de dix années d’emprisonnement en matière délictuelle.
Les peines prononcées par nos juridictions s’inscrivent nécessairement dans le cadre du droit de la peine fixé par le législateur. Dès lors, l’incarcération ne peut qu’être un ultime recours, afin de concilier les impératifs légaux de sanction et de réinsertion des personnes condamnées.
Cela étant, il convient de souligner qu’en 2021 l’intégralité des personnes déclarées coupables d’homicide involontaire par conducteur, aggravé par une conduite en état d’ivresse ou après usage de stupéfiants, ont été condamnées à une peine d’emprisonnement, dont 67 % à une peine d’emprisonnement ferme avec un quantum moyen de seize mois.
La proportion des peines d’emprisonnement ferme prononcées est la plus forte constatée depuis 2015. Au 1er janvier 2023, on comptait ainsi une centaine de personnes condamnées et détenues pour de tels faits.
Enfin, des réflexions sont en cours dans le cadre du comité interministériel de la sécurité routière pour élaborer, en la matière, un nouveau plan d’action global très prochainement.
demande d’accès aux données propres à élucider les circonstances de l’assassinat de dulcie september commis il y a trente-cinq ans
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, auteur de la question n° 718, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Daniel Breuiller. Madame la ministre, Dulcie September, représentante en France du Congrès national africain, ou African National Congress (ANC), mouvement incarné par Nelson Mandela, a été assassinée à Paris en plein jour le 29 mars 1988.
À l’époque, le gouvernement français avait refusé sa demande de protection rapprochée. La procédure judiciaire concernant son assassinat a été clôturée en juillet 1992 sans que les responsables de ce crime aient été identifiés.
En 2019, la famille de Dulcie September a demandé la réouverture de cette procédure sur le fondement de l’imprescriptibilité du crime d’apartheid et des crimes contre l’humanité. Cette plainte pénale a été rejetée. Une action en déni de justice avec offre de médiation a alors été engagée contre l’État en raison du fonctionnement défectueux de la justice.
Le 29 mai 2021, en déplacement à Johannesburg, le Président de la République Emmanuel Macron a tenu des propos très encourageants, lors de sa visite de l’exposition consacrée à Dulcie September à la fondation Nelson-Mandela. Il a dit à cette occasion qu’il était possible de faciliter une médiation avec la famille de Dulcie September.
Madame la ministre, je vous demande d’approuver cette demande de médiation déposée par l’avocat de la famille de Dulcie September.
Je vous demande également d’autoriser l’accès à la totalité des archives administratives et judiciaires ayant trait à Dulcie September, depuis l’installation de celle-ci en France en 1983 jusqu’à son assassinat, y compris aux éventuels documents justifiant d’un refus d’assurer sa protection.
Je vous demande, enfin, de coopérer pleinement avec l’Afrique du Sud dans le cadre de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale signée entre nos deux pays le 31 mai 2001.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur, s’agissant des circonstances du décès de Dulcie September, en vertu des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’autorité judiciaire – vous le savez –, il n’appartient pas au Gouvernement d’interférer dans les procédures judiciaires.
Il peut uniquement être rappelé que la réouverture d’une procédure pénale à la suite d’un non-lieu obéit à des règles spécifiques.
Pour ce qui concerne la coopération en matière pénale, jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et l’Afrique du Sud le 26 mars 2004, cette entraide judiciaire entre nos deux États obéissait au principe de réciprocité.
Désormais, sur la base de cette convention, notre obligation d’entraide judiciaire est la plus large possible. Les autorités judiciaires françaises et sud-africaines sont donc tenues de coopérer dans le cadre de procédures pénales engagées par l’État requérant.
Cette coopération peut prendre diverses formes : demande d’entraide ayant pour objet l’accomplissement d’actes d’enquête ou d’instruction, remise de documents, d’actes de procédure et de décisions judiciaires, comparution de témoins ou d’experts.
Dans le cadre de cette convention, les autorités judiciaires françaises se sont pleinement engagées à coopérer avec leurs homologues sud-africaines.
Vous évoquez, enfin, l’accès aux documents judiciaires français relatifs à l’affaire. Le service des archives du ministère de la justice est à la disposition des requérants pour identifier les pièces judiciaires ayant trait à cette procédure, en lien avec les archives nationales et départementales qui les conserveraient, et pour étudier la possibilité d’y accéder dans le respect du code du patrimoine.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.
M. Daniel Breuiller. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
L’assassinat de Dulcie September sur notre territoire national est une tache. Notre pays a la possibilité d’ouvrir cette médiation. L’accès aux archives a évidemment été sollicité ; ces dernières sont pour partie consultables par l’avocat de la famille…
Mme le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Daniel Breuiller. Cette médiation est véritablement une chance à saisir.
absence de document d’urbanisme et assurabilité des risques dans le cadre du fonds national de gestion des risques en agriculture
Mme le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 759, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, l’article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime fixe les conditions d’intervention du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Fort logiquement, ces dernières écartent les terrains qui auraient pu être assurés en lieu et place de l’intervention du FNGRA.
Malheureusement, la mise en œuvre de cet article se heurte à de véritables ambiguïtés. On l’observe notamment à Revigny-sur-Ornain, commune du département dont je suis l’élu. Certains terrains n’y sont qualifiés par aucun document d’urbanisme comme étant inondables ou non inondables.
Compte tenu du coût de l’assurance, qui s’élève en général à 15 % du produit de la récolte, les agriculteurs sollicités craignent à juste titre que l’assureur qui écarte les terrains inondables ne fasse jouer ce critère pour ne pas garantir ni assurer la perte, en dépit de la souscription d’un contrat.
Madame la ministre, ces cas sont-ils fréquents à l’échelle nationale ? Quelles solutions peut-on envisager lorsqu’aucun document d’urbanisme n’établit clairement le caractère inondable ou non inondable du terrain, de surcroît lorsque le maire n’a pas demandé à bénéficier du classement en catastrophe naturelle ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur, lors du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, les acteurs ont dressé ce constat unanime : le régime des calamités agricoles, reposant notamment sur la distinction, que vous évoquez, des risques assurables et non assurables, est inadapté face aux enjeux liés au réchauffement climatique.
En conséquence, nous avons réformé ce système grâce au vote, par le Parlement, du projet de loi d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
Entré en vigueur le 1er janvier 2023, ce texte institue un nouveau système de couverture des pertes de récolte engendrées par les aléas climatiques.
Ce dispositif à trois étages prévoit une absorption des risques de faible intensité à l’échelle individuelle, autrement dit par l’exploitation agricole ; une mutualisation entre les territoires et les filières des risques d’intensité moyenne, par le biais de l’assurance multirisque climatique, dont les primes font l’objet d’une subvention publique ; et une indemnisation directe de l’État contre les risques dits catastrophiques.
Si l’objectif premier est d’inciter les exploitants à couvrir au mieux leurs risques en souscrivant des contrats d’assurance, la réforme n’en a pas moins institué un système universel, couvrant tous les types de cultures qu’elles soient assurées ou non assurées. Elle a ainsi mis en place un filet de sécurité qui permet, en cas de pertes d’ampleur exceptionnelle, le versement par le FNGRA d’une indemnisation minimale pour toutes les cultures, même celles qui n’auraient pu être assurées. Pour la campagne 2023, les cultures en zone inondable en bénéficieront le cas échéant.
Mme le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour la réplique.
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, c’est un progrès et je m’en réjouis ; mais, malheureusement, les agriculteurs sanctionnés par suite de cette vacuité législative n’en bénéficieront pas. Ils ne peuvent qu’en appeler à la clémence du FNGRA !
hébergement sous tente des saisonniers en bourgogne
Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 702, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, j’attire votre attention sur les difficultés d’hébergement des saisonniers lors des vendanges.
L’article R. 716-16 du code rural et de la pêche maritime permet d’héberger les saisonniers sous des tentes dans les départements où l’habitat est insuffisant au regard de l’importance de la main-d’œuvre accueillie. Ces dernières années, c’est devenu le cas dans les départements de la région Bourgogne-Franche-Comté à l’époque des vendanges, compte tenu de l’afflux notable de travailleurs.
L’arrêté de juillet 1996 relatif à l’hébergement des travailleurs agricoles n’offre cette possibilité qu’à un nombre restreint de départements, ceux du sud de la France, certainement en raison de leurs températures réputées plus clémentes.
Or, au regard de la précocité des dernières vendanges – depuis quelques années, elles se déroulent en période estivale –, les professionnels de Bourgogne-Franche-Comté sollicitent la modification de ce décret pour autoriser l’hébergement sous tente des saisonniers en Côte-d’Or, en Saône-et-Loire et dans l’Yonne, ainsi que dans des départements d’autres régions – l’Aisne, l’Aube, la Marne, la Haute-Marne et la Seine-et-Marne.
Une telle dérogation favoriserait l’embauche de demandeurs d’emploi et de personnes en situation de précarité qui ne disposent actuellement d’aucune solution d’hébergement dans ces territoires.
Le décret pourrait-il être modifié assez rapidement au regard de ces nouvelles réalités climatiques, économiques et sociales ? Les saisonniers de la région Bourgogne-Franche-Comté pourraient ainsi disposer d’hébergements supplémentaires : le besoin de main-d’œuvre de ces territoires n’en serait que mieux couvert.
Mme le président. Merci pour l’Aisne, ma chère collègue ! (Sourires.)
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice, l’arrêté du 1er juillet 1996 fixe, par dérogation, trois conditions strictes à l’hébergement sous tente en le limitant à certains salariés, recrutés pour une durée de moins d’un mois, sur autorisation spécifique de la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), et uniquement pour certains départements, voire cantons, limitativement listés.
L’hébergement sous tente n’est ainsi autorisé que pour la période allant du 1er juin au 15 septembre et seulement dans tout ou partie de quinze départements.
Les départements de Côte-d’Or, de Saône-et-Loire, de l’Yonne, de l’Aisne, de l’Aube, de la Marne, de la Haute-Marne et de la Seine-et-Marne ne figurent pas sur cette liste.
Par ailleurs, dans le cadre de l’accord collectif national de travail sur les saisonniers du 18 juillet 2002, les organisations professionnelles et syndicales se sont accordées sur la définition du logement décent et sur la limitation du recours à l’hébergement sous tente tout en appelant de leurs vœux un assouplissement de la réglementation concernant l’hébergement des travailleurs saisonniers, notamment en résidence mobile.
À la suite de cet accord, la réglementation a été modifiée afin de permettre l’hébergement des saisonniers en résidence mobile et démontable. En revanche, la liste des départements où l’hébergement sous tente peut être autorisé est restée inchangée.
Il ne paraît pas souhaitable de remettre en cause l’équilibre auquel les partenaires sociaux sont parvenus ou d’allonger cette liste.
En outre, concernant l’hébergement en résidence fixe, le décret du 20 septembre 2016 a élargi les possibilités de dérogation aux règles d’hébergement à un secteur d’activité donné, dès lors qu’une organisation professionnelle d’employeurs représentative en fait la demande à la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets).
Ce décret simplifie les démarches des employeurs. Il répond ainsi aux préoccupations des professionnels souhaitant pouvoir loger sur place les salariés saisonniers pendant une courte période.
Enfin, le Conseil d’État a attiré l’attention du Gouvernement sur les risques de rupture d’égalité et d’atteinte au droit à un logement décent, auquel il n’est ni souhaitable ni possible de déroger.
Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, vos arguments ne tiennent pas face aux réalités que connaissent les territoires de la région Bourgogne-Franche-Comté au sens large.
Non seulement les critères de durée et de saisonnalité sont respectés, mais ce dispositif s’applique déjà dans un certain nombre de régions viticoles. Je vous prie de vous pencher de nouveau sur ce sujet et j’attire votre attention sur les grandes difficultés…
Mme le président. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Anne-Catherine Loisier. … auxquelles sont confrontés les viticulteurs, aujourd’hui, pour recruter des saisonniers.
accompagnement des jeunes guadeloupéens vers l’emploi
Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 437, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Dominique Théophile. Madame la ministre, j’attire votre attention sur la situation de l’emploi dans mon département.
Le 19 janvier 2023, l’Insee publiait une étude consacrée à la Guadeloupe attestant que plus de 27 % des jeunes Guadeloupéens âgés de 15 à 29 ans n’étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation (Neet) entre 2015 et 2019, soit deux fois plus que dans l’Hexagone.
Par ailleurs, et sans surprise, cette enquête relève qu’une large majorité de ces jeunes recherchent un emploi ou souhaitent travailler.
Les dispositifs d’accompagnement vers une réinsertion professionnelle sont nombreux et, en la matière, les collectivités territoriales accomplissent d’importants efforts. Il convient de les saluer ; mais force est de constater qu’ils ne sont pas suffisants.
Les pistes de réflexion, qui restent très nombreuses, doivent prendre pour base les réalités socioéconomiques. Au total, 34,5 % de la population de ce territoire vit sous le seuil de pauvreté national. De plus, 12 % de cette population est en situation de très grande pauvreté, avec des difficultés pour rejoindre les zones à fort taux d’embauche, faute de disposer d’un réseau de transports en commun efficient.
Repenser le marché de l’emploi en tenant compte du caractère insulaire de la Guadeloupe n’est pas une variable à négliger. Nombre de postes accessibles en CDD peinent à se requalifier en CDI. Il faut aussi œuvrer à une meilleure adéquation entre spécialité de formation et emploi, veiller à l’amélioration de la coordination entre institutions parties prenantes, ou encore envisager une extension de la garantie jeune.
Quelles actions entendez-vous mener pour accompagner l’ensemble de ces jeunes vers l’emploi et ainsi combler l’écart avec la moyenne nationale ? La situation de ce département est bel et bien préoccupante.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a développé un certain nombre de dispositifs afin d’accompagner les jeunes vers l’emploi.
Pour améliorer leur insertion professionnelle, le contrat d’engagement jeune (CEJ) est déployé depuis le 1er mars 2022. Il vise à proposer un suivi adapté et personnalisé aux jeunes qui ont besoin d’un accompagnement global, avec une sécurisation financière pour ceux qui en ont le plus besoin. Pour 2023, il est prévu de financer l’accompagnement de 200 000 nouveaux jeunes en CEJ par les missions locales et le maintien de 100 000 jeunes accompagnés en CEJ par Pôle emploi.
En Guadeloupe, 858 jeunes ont signé un contrat d’engagement jeune depuis le 1er janvier 2023 et 1 463 jeunes ont un contrat en cours.
J’en viens aux jeunes les plus éloignés du service public de l’emploi, sans revenu et rencontrant des difficultés de plusieurs ordres – sociales, éducatives, de santé, etc.
Des appels à projets régionaux ont été lancés pour ces jeunes dits en rupture ; ils sont désormais mis en œuvre sur l’ensemble du territoire. En Guadeloupe, deux projets sont déployés. Ils visent notamment à développer des solutions de mobilités pour les jeunes.
Par ailleurs, nous soutenons fortement l’apprentissage, qui constitue un levier efficace de formation des natifs sur leur territoire et garantit l’adéquation aux besoins des entreprises.
Afin de permettre l’apprentissage de tous les gestes professionnels sans recourir à la mobilité contrainte en métropole, nous confions annuellement au conseil régional de Guadeloupe 4,9 millions d’euros pour soutenir les investissements dans les centres de formation d’apprentis (CFA) du territoire, et plus de 1 million d’euros pour soutenir le fonctionnement de ces établissements.
Notre réforme à venir du lycée professionnel s’accompagnera d’une réflexion sur la carte des formations : ces dernières devront être davantage en adéquation avec le tissu économique du territoire de chaque lycée professionnel.
L’État, via le plan France 2030,…