Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 4 entérine un mouvement qui existait déjà, poussé par des expérimentations ou par des volontés locales de faire entrer des opérateurs privés dans le dispositif national de retour à l’emploi. Nous nous y opposons.
Sur le principe, la privatisation de l’activité en lien avec les droits sociaux est particulièrement dangereuse. Cela revient à faire sortir du service public certains de nos concitoyens et concitoyennes, alors même que la mission dévolue au réseau France Travail relève du service public et du droit social.
Enfin, s’agissant de la performance, éclater la gouvernance de France Travail entre des entités différentes et potentiellement concurrentes est une fausse bonne idée. Comment se répartiront les dossiers entre public et privé ? Sur quelles bases seront rémunérées les agences privées ?
S’il s’agit d’une rémunération au placement d’un travailleur, nous risquons fort d’assister à une polarisation des dossiers les plus simples entre les mains de ces agences, tandis que les dossiers les plus complexes seront laissés au secteur public.
Monsieur le ministre, développez les moyens publics, plutôt que de généraliser l’appel aux supplétifs de la protection sociale !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l’article.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je vais intervenir sur l’article 3, même s’il a déjà été voté.
L’accord intervenu entre Mme le rapporteur et M. le ministre me paraît excellent, car il a rééquilibré l’article 3. Ce qui me semble essentiel, au-delà des sanctions, c’est l’accompagnement.
Pour l’avoir beaucoup pratiqué personnellement, en tant que président d’une mission locale, je sais combien l’accompagnement est important. Toutefois, pour cela, il doit bénéficier de suffisamment de moyens et de compétences. D’ailleurs, les deux se tiennent : nous n’aurons pas les compétences dans les organismes d’insertion si nous manquons de moyens.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué une enveloppe de 2,3 milliards d’euros. Je ne sais pas si elle sera suffisante. En tout cas, je le souhaite. En effet, c’est une condition essentielle pour maintenir une gouvernance équilibrée entre les départements, qui ont des ressources limitées pour le RSA – comme vous le savez, certains d’entre eux ont délégué cette prestation à l’État –, et les organismes compétents.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l’article.
M. Antoine Lefèvre. L’ambition portée par le Gouvernement avec ce texte est noble. J’en salue naturellement les objectifs, mais la façon de les atteindre m’apparaît plus discutable à plusieurs égards.
Les réseaux des missions locales ont fait part, lors de l’annonce de ce projet de loi, de leur crainte de se voir réduites à de simples béquilles d’un opérateur considérablement plus puissant sur le territoire et voué sur le long terme à absorber la majeure partie de leurs publics et de leurs prérogatives.
Je tiens pourtant à rappeler avec force que la gouvernance des missions locales appartient aux élus locaux. Celles-ci bénéficient d’une proximité indispensable avec les publics jeunes et éloignés de l’emploi, qui sont leur cœur de cible.
Depuis 2001, j’ai la chance de présider la mission locale du pays du Grand Laonnois. Je mesure combien ces structures savent se placer au plus près de ces jeunes. Elles savent d’où ils viennent et connaissent leur milieu familial et leur environnement.
Il est trompeur de considérer qu’une superstructure telle que France Travail saura se substituer à elles dans la mission d’accompagnement des publics vers l’insertion dans l’emploi, y compris dans les recoins et les angles morts que la diversité de ces profils réserve. En cela, les missions locales restent les acteurs les plus habilités pour fournir une aide individualisée, assortie de solutions adaptées à la situation locale de l’emploi et aux aptitudes propres de chaque demandeur d’emploi.
Qui plus est, les missions locales ont diversifié le champ dans lequel elles sont appelées à accompagner les jeunes. Elles participent notamment à l’identification des profils de ceux qui approchent l’âge de 16 ans et qui sont les plus susceptibles de connaître un décrochage scolaire. On en trouve beaucoup lorsque le parcours familial est chaotique : les mineurs placés sous la responsabilité de l’aide sociale à l’enfance (ASE) sont en moyenne trois fois plus susceptibles de décrocher scolairement que les autres.
J’avais déposé un amendement au travers duquel je suggérais de systématiser l’entretien d’accueil et d’orientation des jeunes de l’ASE avec la mission locale. Il n’a, hélas, pas passé le couperet de l’article 40 de la Constitution. Je salue toutefois le travail de Pascale Gruny, rapporteur, ainsi que les nombreux amendements déposés par mes collègues, dont les dispositions vont dans le sens d’une préservation des prérogatives des missions locales.
Ces missions sont la porte d’entrée des jeunes des territoires ruraux et périurbains en difficulté dans leur recherche d’emploi, et elles doivent le rester. Il y va de la solidité de nos parcours d’insertion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Je souhaite pour ma part intervenir sur la thématique de la gouvernance. On a l’impression que la concertation qui avait été engagée n’a pas servi à grand-chose, puisque le projet de loi ne reprend même pas les propositions décentralisatrices contenues dans le rapport Guilluy.
Contrairement à ce que vous nous dites depuis hier, monsieur le ministre, il s’agit bien d’un texte recentralisateur (M. le ministre le conteste.), qui entraîne une nouvelle perte de compétences des collectivités, notamment des régions, tout simplement parce que la compétence exclusive des régions sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, issue de quarante ans de décentralisation, devient une compétence partagée avec l’État.
Les régions craignent ainsi de ne plus être demain que de simples opérateurs de l’État, via les pactes régionaux d’investissement dans les compétences, dont la deuxième génération est annoncée à partir de 2024.
Les régions, pourtant, ne cessent d’innover, créant avec l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi des dispositifs adaptés à leur territoire.
Or c’est dans cette capacité d’adaptation aux territoires, aux enjeux économiques – je rappelle que le développement économique est aussi une compétence régionale –, sociaux et géographiques que résident les solutions pour lever les freins à l’emploi. La standardisation de la gouvernance, des outils et des méthodes n’est pas adaptée à la singularité de chaque bassin de vie et d’emploi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, je ne comprends pas très bien où vous voulez en venir, de manière générale, avec ce texte, plus particulièrement avec cette nouvelle gouvernance. En fait, vous parlez de rassembler des gens qui travaillent déjà ensemble !
En effet, dans les départements qui veulent bien s’en donner la peine, il y a déjà des réseaux : Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi travaillent ensemble, monsieur le ministre. Aussi, quel est votre objectif ? Finalement, ne serait-ce pas de créer une usine à gaz dans laquelle tout le monde perdrait un peu de ses spécificités ? Je trouve dommage que l’on ne laisse pas chacun exercer le soin d’exercer le métier qu’il connaît.
Par ailleurs, malgré de nombreuses questions en ce sens, vous ne nous avez toujours pas répondu sur les moyens, qui sont indispensables à un accompagnement de qualité.
Soit on laisse les gens faire ce qu’ils savent faire, soit on crée un nouvel organisme, mais il se posera un problème de compétences. Je ne suis pas certaine que, aujourd’hui, tous les opérateurs qui travaillent à Pôle emploi soient capables d’accompagner des personnes handicapées, des chômeurs de très longue durée ou des personnes qui cumulent plusieurs freins.
Je le répète, je ne comprends pas l’objectif de cette nouvelle gouvernance, qui revient finalement à détruire un dispositif fonctionnant très bien.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur Lefèvre, vous m’avez interrogé sur les missions locales. Je l’ai dit hier, dans ce texte, il n’y a pas une seule disposition qui modifie le statut des missions locales, leur gouvernance ou leur mode de financement.
Les missions locales conventionnent aujourd’hui avec l’État, qui apporte en moyenne 70 % des financements leur permettant de fonctionner. Ce sera toujours le cas, le conventionnement ayant lieu directement avec l’État – et c’est valable aussi pour les structures d’insertion par l’activité économique.
Pôle emploi, qui a vocation à devenir France Travail, mais c’est un autre débat, est un opérateur, et il n’y a pas de dispositions qui prévoient un conventionnement financier entre les missions locales et cet opérateur. Si tel était le cas, en effet, il y aurait une forme de subordination, ce que nous avons veillé à éviter. Les élus continueront à participer à la gouvernance des missions locales, et ces dernières garderont leur statut et leur autonomie.
Je l’ai rappelé hier, voilà six ou sept ans, un débat avait eu lieu sur l’opportunité de fondre les missions locales au sein de Pôle emploi. J’y insiste, ce n’est plus à l’ordre du jour. Nous ne partageons pas ce projet et nous ne voulons pas le mettre en œuvre.
C’est l’occasion pour moi de souligner que, au cours des trois dernières années, l’État a confié aux missions locales les deux tiers de son dispositif le plus important en matière de jeunesse, à savoir le contrat d’engagement jeune (CEJ) : 300 000 contrats ont été portés directement par l’État et 200 000 par les missions locales. Vous en avez eu la traduction dans le projet de loi de finances pour 2023, avec des crédits à destination des missions locales qui dépassent les 600 millions d’euros pour les CEJ, un montant jamais atteint.
Ce rappel devrait suffire à vous rassurer, mais je veux ajouter un point, que j’ai déjà évoqué hier. Dans une version de l’avant-projet de loi, il était précisé que les missions locales accueilleraient les jeunes par délégation de France Travail. Nous avons supprimé cette mention, et l’Union nationale des missions locales, qui avait exprimé son inquiétude à ce sujet, s’en est félicitée lors de son bureau du 31 mai dernier.
Madame Féret a, quant à elle, abordé la question des régions. Là encore, absolument aucune disposition du texte ne remet en cause la compétence des régions sur la formation en général et sur la formation des demandeurs d’emploi en particulier.
Nous souhaitons que le comité régional France Travail soit coprésidé par le préfet de région et par le président de la région, mais cette instance ne décidera pas de la politique de formation de la région : elle a vocation, comme à tous les niveaux de la gouvernance de France Travail, de définir des orientations, des priorités, y compris celles de Pôle emploi, et de les partager, mais pas de revenir sur la répartition des compétences.
Je vous l’assure, et vous l’aurez sans doute vérifié, il n’y a dans ce texte aucune disposition remettant en cause les compétences, tant des régions que des autres niveaux de collectivité.
Comme je l’ai souligné devant la commission des affaires sociales, en votre présence, me semble-t-il, madame la sénatrice, le Gouvernement n’ayant pas de majorité au Sénat pour modifier la répartition des compétences entre l’État et les collectivités locales, je me verrais mal jouer les kamikazes en formulant des propositions sur ce terrain. (Sourires.)
C’est la raison pour laquelle le texte maintient les compétences des uns et des autres, la coprésidence du comité d’orientation à l’échelon régional ne valant pas empiétement sur les compétences de la région.
Enfin, j’ai été interrogé, comme devant la commission des affaires sociales, sur la question des moyens. En la matière, nous avons deux outils à notre disposition pour intervenir.
Tout d’abord, le projet de loi de finances à venir permettra de conforter les crédits, notamment pour renforcer les moyens des départements en matière d’insertion.
Si, depuis 2004, l’État, quelles que soient les majorités, avait été tout à fait exemplaire sur le respect de la répartition à 50-50 du montant du RSA avec les départements, peut-être serions-nous dans une autre situation. Mais comme personne n’a été exemplaire, il faut que nous puissions aider les départements pour accompagner l’insertion.
La majorité que je représente aujourd’hui a proposé la recentralisation pour les départements volontaires – j’y insiste, nous travaillons sur la base du volontariat. C’est le cas en Seine-Saint-Denis ou dans les Hautes-Pyrénées, et d’autres départements ont manifesté leur intérêt pour cette mesure.
Ensuite, le financement de l’opérateur a vocation à renforcer le suivi professionnel. Il existe actuellement une convention tripartite entre l’État, l’Unédic et l’actuel Pôle emploi, qui doit être revue d’ici à la fin de l’année. Dans le cadre de cette convention, d’ores et déjà, 11 % des recettes de l’Unédic sont utilisées pour financer le fonctionnement de Pôle emploi.
La seule dynamique salariale que nous connaissons permet d’envisager, pour 2024, une augmentation de cette fraction, à taux constant, de 400 millions d’euros. Mais il faut aller un peu plus loin. S’agissant de la lutte contre le chômage, donc de la formation des demandeurs d’emploi, nous parlons de dépenses actives. La discussion avec les parties prenantes de cette convention tripartite doit aussi nous permettre d’avancer et de garantir ce financement.
Nous aurons donc deux rendez-vous, à savoir la négociation tripartite et le projet de loi de finances, pour faire en sorte que la montée en charge progressive du dispositif – nous ne basculerons pas du suivi intensif de 40 000 allocataires dans le cadre de l’expérimentation à 1 950 000 personnes entre le 31 décembre 2023 et le 1er janvier 2024 – soit financée comme le Gouvernement s’y est engagé.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 255 rectifié est présenté par Mmes Féret, Poumirol, Le Houerou, Meunier et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme Rossignol, MM. Gillé, Redon-Sarrazy et Devinaz, Mmes Artigalas et Monier, M. Houllegatte, Mme Harribey, MM. Tissot, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, M. Filleul, Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 499 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 255 rectifié.
Mme Corinne Féret. Avec la création du nouvel opérateur France Travail, le Gouvernement affiche un objectif qui semble simple : parvenir au plein emploi d’ici à 2027. Si ce but est a priori consensuel, la méthode l’est beaucoup moins. En effet, France Travail devrait agit pour trouver les 5,1 millions de personnes « hors radars » qui ne seraient pas insérées dans le monde du travail.
Les dispositions prévues pour la création du nouvel opérateur et du réseau France Travail sont floues et témoignent d’une volonté de recentralisation, qui viendrait standardiser la gouvernance et ses outils, contre les logiques, qui prévalaient jusqu’alors, de territorialisation et d’adaptation par les acteurs locaux.
Les compétences en matière d’insertion et d’accompagnement des départements, de formation et d’orientation professionnelle des régions ne doivent pas être remises en cause par la création du réseau France Travail.
Enfin, rien n’est précisé en ce qui concerne les moyens, comme nombre de mes collègues l’ont déjà dit.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 499.
Mme Raymonde Poncet Monge. La nouvelle gouvernance prévue par l’article 4 inclut l’article L. 5311-4, qui mentionne expressément les entreprises de travail temporaire (ETT). Cette intégration pose problème, pour deux raisons principales.
Tout d’abord, se pose la question de la sécurisation de données transmises à des entreprises du secteur privé et des risques d’utilisation de ces données à d’autres fins que celles qui sont initialement prévues. Il y a là un potentiel conflit d’intérêts.
De plus, nous sommes inquiets de l’influence des organismes au sein de la gouvernance, puisque les ETT sont censées participer à « l’élaboration d’indicateurs communs de suivi, de pilotage et d’évaluation ».
La participation d’entreprises du secteur privé à but lucratif à la définition des indicateurs de France Travail et la nouvelle fonction de repérage, en plus du suivi par les opérateurs privés, présentent un risque de privatisation croissante du service public de l’emploi (SPE), avec la possibilité de délégation de tout ou partie de ses missions au secteur privé lucratif.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 4.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission ayant adopté l’article 4 en y apportant d’importantes modifications, elle est défavorable à sa suppression.
Nous avons tout d’abord assigné au réseau France Travail une mission de réponse aux besoins des employeurs et fait en sorte de renforcer les prérogatives du comité national France Travail, afin qu’il se prononce, après concertation, sur l’ensemble des critères et outils communs aux acteurs du réseau, sur les besoins de financement qu’il constatera par les remontées du terrain, ainsi que sur l’interopérabilité des systèmes d’information.
Nous avons aussi supprimé la charte d’engagement, car les collectivités ont vocation à coprésider les comités territoriaux sans signer de charte. De surcroît, les acteurs auront déjà à s’engager sans besoin d’imposer un tel document par la loi. Enfin, nous avons choisi de renforcer le rôle des élus locaux dans les comités locaux.
Compte tenu de ces apports, nous souhaitons l’adoption de l’article 4 et opposons donc un avis défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame le rapporteur, je vous remercie d’avoir supprimé cette charte d’engagement, qui aurait signifié, pour toutes les collectivités, l’obligation de participer au financement des actions pour lesquelles elles se réunissent.
Monsieur le ministre, vous faites un peu du « en même temps »… On ne touche surtout pas aux compétences des collectivités, mais on réorganise toute la coordination !
Les sénateurs qui ont un peu d’ancienneté s’en souviendront : nous avions opté ici même, lors de la discussion de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) de 2015, pour une régionalisation de la politique de la formation, de l’insertion et de l’emploi.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. René-Paul Savary. C’est une voie que vous auriez pu suivre : faire confiance aux opérateurs du territoire, chacun dans leur domaine de compétence.
Vous avez choisi une voie un peu intermédiaire, qui vous ressemble (Sourires.), mais qui est difficile. Vous pensez que, en modifiant l’organisation par le haut, tout va mieux marcher. Or les choses ne sont pas si simples. Bref, monsieur le ministre, je reste dubitatif.
Heureusement que des modifications ont été apportées par la commission, sinon je ne suis pas certain que j’aurais voté cet article. Si vous prenez les mêmes acteurs sans modifier la répartition des compétences, je ne suis pas sûr que le résultat soit le plein emploi que vous appelez de vos vœux.
Allons-y, parce qu’il faut essayer d’avancer ; nous sommes tous d’accord pour sortir du statu quo. Mais soyez tout de même attentif au décret qui sera pris, monsieur le ministre, afin de mettre toutes les chances de réussite de notre côté.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 255 rectifié et 499.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 574 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéas 5, 8, 11, 13, 14, 15, 21, 22, 24, 28, 31, 42, 48, 57, 67, 68, 71 et 75
Remplacer le mot :
Travail
par le mot :
Emploi
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, ce texte a pour objet l’emploi ; cette notion figure même dans son titre.
Pour préparer ce projet de loi, vous avez consulté, comme tous les gouvernements depuis quarante ans, les économistes de l’emploi, qui donnent toujours les mêmes recettes. Mais cette fois, pour ce qui concerne les allocataires du RSA, vous vous appuyez sur ces mêmes économistes de l’emploi pour régler une question sociale, ce qui pose un vrai problème.
En tout état de cause, vous ne tirez pas le bilan de quarante ans de lois focalisées sur l’emploi et ne traitant jamais du travail.
J’y insiste, il n’y a aucune raison que votre réseau s’appelle France Travail. Après tout, vous êtes bien ministre de l’emploi et du travail.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il y a donc bien une différence entre les deux.
Alors que vous voulez faire voter une loi pour le plein emploi, vous appelez votre réseau France Travail. Pour nous, le terme « travail » est ici usurpé.
Comme pour la réforme des retraites, vous ne traitez pas les questions du travail et de l’attractivité des métiers. Vous identifiez des emplois durablement vacants, et tout ce que vous faites, c’est contraindre des demandeurs d’emploi à les occuper. Mais cette façon de faire est vaine : je vous donne rendez-vous dans quelques années pour la énième loi qui viendra essayer de nous faire atteindre le plein emploi. Vous ne traitez aucune des questions qui intéressent nos contemporains et qui occupent pourtant tous les penseurs et toutes les études.
On dit toujours que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » : appelez donc plutôt votre réseau France Emploi !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission a fait le choix de conserver la dénomination Pôle emploi et de laisser au seul réseau l’appellation France Travail.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 503, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le 3° de l’article L. 5311-4 est abrogé ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article L. 5311-4 du code du travail intègre les entreprises de travail temporaire dans le service public de l’emploi, au même titre que les associations d’insertion sociale ou que les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Pourtant, les agences d’intérim n’offrent qu’une plus-value limitée pour gérer les tensions durables du marché du travail et, si elles peuvent proposer des solutions d’appoint, elles ne correspondent pas aux missions du service public de l’emploi définies par le même code, notamment les missions de sécurisation des parcours professionnels, qui supposent des emplois durables.
La baisse du chômage est effective, mais elle est en trompe-l’œil, les déclarations d’embauche pour des CDD de moins d’un mois tirant à la hausse la tendance globale. Vous nous avez dit qu’il y avait 50 % de CDI au cours du dernier mois. Il n’en reste pas moins que les statistiques ne disent pas tout à fait la même chose.
Les allocataires du RSA, qui constituent la nouvelle cible du Gouvernement pour améliorer l’occupation des emplois durablement vacants, sont déjà largement en intérim ou en emploi précaire, dans une sorte de va-et-vient.
Selon la Cour des comptes, qu’il conviendrait d’écouter un peu, et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), c’est précisément ce qui alimente globalement la précarité : 17 % des allocataires du RSA sont en contrat temporaire, contre 5 % du reste de la population.
Cet amendement d’appel vise donc à réaffirmer qu’il est impératif de lutter contre la précarisation des demandeurs d’emploi et des allocataires du RSA, que le présent texte, en l’état, ne fera que renforcer.
Comme le revendiquent les partenaires de l’Unédic, le service public de l’emploi (SPE) doit être orienté vers l’accompagnement, le soutien à la levée des freins à l’emploi et le retour à un emploi durable, et non pas servir à l’amplification des trappes à précarité en favorisant l’orientation des demandeurs d’emploi vers l’intérim ou les métiers en tension.
C’est pourquoi nous jugeons qu’il est essentiel de sortir du SPE les entreprises de travail temporaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il n’est pas justifié aujourd’hui de supprimer les entreprises de travail temporaire de la liste des membres du service public de l’emploi et du réseau France Travail. Nous avons besoin de nombreuses instances susceptibles d’accompagner les chômeurs.
Je rappelle que ces entreprises contribuent largement à l’emploi dans notre pays. Actuellement, 792 600 personnes sont en intérim, et nombre d’entre elles finiront par obtenir un emploi durable. Les ETT sont très utiles dans le parcours d’insertion et de recherche d’emploi, avec des accompagnements adaptés aux besoins de la personne.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?