M. le président. L’amendement n° 337 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième à dernier alinéas de l’article 388 du code civil sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires, ni d’un examen radiologique osseux. »
La parole est à M. Christophe Chaillou.
M. Christophe Chaillou. Notre collègue le sénateur Benarroche vient de développer les arguments qui nous poussent à demander d’écarter tout examen de test osseux.
Je voudrais souligner que ce dispositif est largement critiqué par la communauté scientifique. Un certain nombre de rapports et d’avis, notamment du Haut Conseil de la santé publique ou de l’Académie nationale de médecine, ont souligné son absence de fiabilité.
La méthode couramment employée, à savoir la radiographie de la main et du poignet gauche du jeune concerné, puis la comparaison des images à des clichés de référence, ne permet tout simplement pas de déterminer avec une réelle fiabilité l’âge sur l’intervalle qui nous intéresse, c’est-à-dire à savoir si l’individu a moins ou plus de 18 ans.
Pour toutes ces raisons, nous demandons l’arrêt et l’interdiction de ce type de tests osseux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je crois que les tests osseux ne méritent ni cet excès d’honneur ni cet excès d’indignité.
La pratique est strictement encadrée par la loi. L’examen, demandé par une autorité judiciaire, est réalisé avec l’accord de l’intéressé ; les conclusions doivent faire apparaître la marge d’erreur, qui existe en effet. Ces tests ne peuvent suffire à déterminer si l’individu est ou non mineur. Tout cela a été parfaitement défini par la décision du Conseil constitutionnel, saisi par une question prioritaire de constitutionnalité du 21 mars 2019.
Il me semblerait contre-productif de priver les conseils départementaux de cet outil, alors que les MNA sont de plus en plus nombreux. Rappelons également que tous les départements ne l’utilisent pas, et que ceux qui y recourent le font comme un moyen complémentaire.
Dans leur rapport d’information transpartisan, que j’ai mentionné tout à l’heure, MM. Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy indiquaient qu’il convenait d’harmoniser les pratiques en matière de recours aux tests osseux sur l’ensemble du territoire. C’était la recommandation n° 11.
Je propose donc d’en rester là. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. Je souscris aux propos tenus sur les tests osseux et sur l’incertitude qui règne à ce sujet. Il y a, à cet égard, une vaste hypocrisie !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Exact !
M. Philippe Grosvalet. Il n’existe aucune véritable méthode, médicale ou fondée sur les enquêtes sociales des départements, pour déterminer la différence entre un jeune de 17 ans et 11 mois et un autre de 18 ans et 1 mois.
J’ai évoqué cette question directement avec le Président de la République, au nom de l’Assemblée des départements de France (ADF), et je lui avais dit qu’il revenait à l’État et au Gouvernement de prendre leurs responsabilités. Dans une République, même décentralisée, il n’est pas concevable que cette responsabilité échoie à des élus locaux. C’est une décision régalienne ! (M. Roger Karoutchi opine.)
Mais les gouvernements n’ont jamais voulu prendre cette responsabilité. Donc c’est un peu le principe de la patate chaude : les départements ont dû assumer, moyennant quelques subsides, largement insuffisants, la responsabilité régalienne consistant à déterminer l’âge d’un enfant. Cela conduit à cette situation intolérable, dans laquelle des jeunes sont exclus et se retrouvent le plus souvent à la rue.
En tout état de cause, n’en déplaise à certains, les tests osseux ne régleront rien.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je souhaite ajouter deux éléments.
D’abord, puisque plusieurs d’entre nous ont cité des exemples étrangers. Sachez que ces tests sont interdits chez certains de nos voisins européens, comme au Royaume-Uni.
Ensuite, comme le recommande l’association Médecins du monde, l’évaluation de la situation des mineurs non accompagnés devrait se fonder sur des éléments objectifs et sur la présomption de minorité, considérée d’ailleurs comme une garantie fondamentale pour garantir que la procédure de détermination de la minorité est équitable et conforme à la convention des droits de l’enfant de New York, que notre pays a ratifiée.
Ainsi, au regard des engagements conventionnels de la France et considérant que le recours aux tests osseux va à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a déposé cet amendement visant à mettre fin à cette pratique pour estimer l’âge de l’individu.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je souhaite répondre à M. Benarroche, qui est habitué à se prévaloir de la parole de la Défenseure des droits. Il propose en l’espèce d’instaurer une présomption de minorité pour les départements qui s’efforcent de déterminer l’âge des individus par des tests osseux. Il a d’ailleurs cité la Ligue de droits de l’homme, la Cimade ou encore le Syndicat de la magistrature, autant d’associations, parfois soutenues par les subsides de l’État, faisant profession d’introduire des manœuvres dilatoires pour empêcher les départements de trouver les moyens de déterminer l’âge de l’enfant.
Je veux souligner un point : ce n’est pas la Défenseure des droits, même au travers de ses décisions qui n’ont d’ailleurs pas beaucoup de valeur, qui fait la politique migratoire de la France ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais les propos réitérés de M. Bonhomme, tant en commission des lois que dans l’hémicycle, pour attaquer systématiquement les organisations professionnelles, les syndicats, les associations, les ONG et les autorités constitutionnelles, ce qu’est la Défenseure des droits, posent problème.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est son droit !
M. François Bonhomme. Je persiste et signe !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le ministre de l’intérieur était d’ailleurs tombé un jour dans le piège en commission et s’était ensuite vu reprocher d’avoir trouvé intéressants les propos de M. Bonhomme relatifs à la Ligue des droits de l’homme.
Et ce n’est pas parce que vous réitérez vos propos qu’ils sont fondés, mon cher collègue ! D’ailleurs, c’est un symptôme de votre intolérance que de ne pas supporter que l’on défende un autre point de vue. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Et vous ? Nous vous tendons un miroir !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Désolée de vous le dire, je préfère me voir moi-même, monsieur Bonhomme…
Je trouve pour ma part intéressants les propos que vient de tenir M. Grosvalet, qui était président de département il y a encore quelques semaines. Vous remettez en cause les institutions, tout cela est bien gentil ; mais vous venez d’entendre ce que vient de dire notre collègue : il faut que l’État indique définitivement comment établir l’âge d’un jeune, avec des méthodes incontestables,…
MM. Laurent Somon et François Bonhomme. Il n’y en a pas !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … plutôt que de nous laisser le déterminer avec les moyens du bord, c’est-à-dire des méthodes qui ne sont pas très sérieuses. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 310 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 144 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. Guerriau, Rochette et Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc, Chasseing et Verzelen, Mme Bourcier et MM. Chevalier et Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er juin 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du I de l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles. Ce rapport évalue les modalités selon lesquelles la compétence de la mise à l’abri des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille est transférée à l’État.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Confrontés à une importante progression du nombre de mineurs non accompagnés, les départements demandent à l’État de prendre en charge la responsabilité de la mise à l’abri des personnes se présentant comme MNA et d’en assumer le coût. Cette disposition permettrait de soulager les structures de l’aide sociale à l’enfance, le temps de l’évaluation de leur minorité, qui doit demeurer du ressort des départements.
Cet amendement tend donc à demander un rapport étudiant une nouvelle répartition des rôles entre les départements et l’État, la politique migratoire étant une compétence strictement régalienne.
Je le sais, le Sénat n’apprécie pas du tout les demandes de rapport, donc je peux anticiper le sort qui sera réservé à mon amendement, mais il s’agit d’une attente de l’ensemble des départements de France. La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite Taquet, va empêcher le placement des mineurs de 16 ans dans les hôtels sociaux. Les départements sont donc démunis, car ils ne savent où les loger.
Je plaide donc pour une décision d’urgence. Je sais que Mme Caubel a commencé d’y réfléchir, mais j’interpelle également M. le ministre de l’intérieur à ce sujet.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 282 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset.
L’amendement n° 494 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er juin 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la mise en œuvre, au regard des objectifs fixés par la présente loi, du I de l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles. Ce rapport évalue les modalités de réalisation de la mise à l’abri par l’État.
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 282 rectifié.
M. Michel Masset. Cet amendement est dans la même veine, même si je ne me fais pas plus d’illusion sur son sort.
Il convient de rappeler que notre Nation est confrontée à une importante progression du nombre de mineurs non accompagnés, à laquelle les départements doivent faire face.
Lorsqu’un jeune arrive, le département perçoit une enveloppe d’environ 500 euros, auxquels s’ajoutent 450 euros pour la mise à l’abri, alors que le coût annuel de sa prise en charge représente quelque 40 000 euros. Dans un département rural comme celui du Lot-et-Garonne, cela représente une dépense colossale, qui est très difficile à assumer.
C’est pourquoi nous demandons que l’État assume la responsabilité et le coût des mineurs non accompagnés. Cela permettrait de soulager les structures de l’ASE. Dans cette perspective, nous demandons un rapport étudiant une nouvelle répartition des rôles entre les départements et l’État.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 494.
M. Fabien Gay. Il est défendu !
M. le président. L’amendement n° 137 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mme Garnier, MM. Bruyen et Cadec, Mme P. Martin, MM. Michallet, Genet, Saury, Chasseing, Somon et Klinger, Mmes Josende et Goy-Chavent, M. Gremillet et Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans l’année qui suit la promulgation de la présente loi, un rapport sur la prise en charge des mineurs non accompagnés par les départements.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Il s’agit également d’un amendement d’appel.
Le nombre de mineurs non accompagnés, ou plutôt de soi-disant mineurs soi-disant non accompagnés (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) – mais oui, nous savons parfaitement qu’ils sont souvent en proie aux trafics ! –, a triplé entre 2016 et 2020. Ces mineurs sont majoritairement des garçons, à hauteur de 93,2 %, et 75 % d’entre eux sont âgés de plus de 16 ans ; la proportion de filles a augmenté de presque 7 % en 2022 par rapport à 2021.
Les MNA représentent aujourd’hui entre 15 % et 20 % des mineurs pris en charge par l’ASE et les moyens consacrés à cette mission par les départements ont plus que doublé en vingt ans, pour atteindre presque 10 milliards d’euros ; cette dépense est entièrement assumée par les départements.
Aussi, conformément au souhait exprimé par l’Assemblée des départements de France dans sa résolution du 11 octobre 2023, nous devrions faire en sorte que l’État prenne en charge la responsabilité et le coût de la mise à l’abri des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés, afin de soulager les structures départementales, le temps que soit évaluée leur minorité, cette évaluation devant rester de la compétence des départements.
Malheureusement, l’article 40 de notre Constitution rend irrecevable un amendement allant en ce sens. C’est pourquoi cet amendement d’appel vise à demander au Gouvernement un rapport sur la prise en charge des mineurs non accompagnés par les départements.
J’insiste sur un point : 90 % des jeunes migrants se déclarent mineurs, mais, en réalité, presque 70 % d’entre eux sont estimés majeurs et ils le savent très bien. La loi Taquet oblige les départements à leur proposer des contrats jeune majeur et à assumer leur prise en charge jusqu’à 21 ans. Cela n’est plus acceptable.
Ainsi, si l’article 40 nous empêche d’agir, je relaie tout de même une proposition de l’Assemblée des départements de France qui a été traduite dans un amendement déclaré irrecevable : nous demandons à l’État d’assumer la responsabilité et le coût de l’accueil des jeunes migrants durant la phase d’évaluation. Les départements poursuivraient la validation de la minorité des MNA, continueraient de prendre en charge ceux qui sont incontestablement mineurs et proposeraient des contrats jeune majeur, s’ils le souhaitent, aux autres. Cela s’appelle le partage des charges et des responsabilités (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER indiquant que l’oratrice a excédé son temps de parole.)
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. On ne peut pas continuer ainsi à procrastiner. Il faut réviser la loi Taquet !
M. le président. Les amendements nos 78 rectifié et 79 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mes chers collègues, vous connaissez la jurisprudence de la commission des lois sur les demandes de rapport ; Mme Darcos a d’ailleurs conclu son intervention en précisant qu’elle ne se faisait pas d’illusion sur l’avis que recevraient ces amendements. Les demandes de rapport font en effet toujours l’objet d’un avis défavorable.
Pour autant, ce que révèle l’objet de ces amendements est parfaitement compris de tous, puisque l’ADF a émis récemment une résolution qui avait tout d’un appel au secours. Du reste, nos collègues Bourgi, Burgoa, Iacovelli et Leroy, dans leur rapport d’information que je citais précédemment, invitaient le Gouvernement à recentraliser la mise à l’abri et l’évaluation de l’âge des mineurs.
Bien évidemment, le Parlement ne peut pas à lui seul le faire, en vertu de l’article 40 de la Constitution. Mais peut-être pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce point au nom du Gouvernement un et indivisible, monsieur le ministre. Hier, vous avez été tour à tour M. Dussopt et M. Dupond-Moretti : peut-être pourriez-vous ce soir incarner Mme Caubel… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laure Darcos. Quelques mots tout de même !
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Darcos, j’ai expliqué à huit reprises précédemment que, au même titre que le code de la nationalité, les mineurs n’entraient pas dans le cadre de ce projet de loi. Ils ne relèvent ni des compétences du ministre de l’intérieur ni, ce qui est logique, de l’action préfectorale et administrative, puisqu’ils ressortissent au domaine de compétence des magistrats. D’ailleurs, monsieur Grosvalet, je puis vous dire, pour avoir été non pas président d’un conseil départemental, mais conseiller départemental, qu’on les confie non pas au président du conseil départemental, mais au juge.
C’est en effet un sujet très important, mais il n’a pas sa place dans ce texte. Le fait même que vous proposiez des demandes de rapport et non des dispositions concrètes montre que vous ne pouviez pas « raccrocher » au texte, d’un point de vue législatif, les dispositions que vous souhaitiez.
M. Roger Karoutchi. Si, mais en vertu de l’article 40, elles sont irrecevables.
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est pas moi qui juge des recevabilités des amendements sénatoriaux, monsieur Karoutchi, d’autant que votre groupe est majoritaire au sein de la Haute Assemblée…
Bref, il ne s’agit pas d’une matière relevant de ce projet de loi. Comme il nous reste 178 amendements à examiner et que nous avons encore à débattre de la simplification du droit, des recours et de l’asile, peut-être pourrions-nous plutôt parler du présent texte. Vous débattrez ultérieurement de celui qui doit arriver sur le sujet, mais avec Mme Caubel, que je ne puis représenter ici.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de rappeler que cette question ne relève pas du présent projet de loi. Toutefois, puisque le débat est ouvert et que l’on ne peut pas laisser dire tout et n’importe quoi, je souhaite intervenir.
Madame Boyer, la langue française est bien faite et certains adverbes peuvent changer le sens d’une pensée. Ainsi, quand vous dites que les MNA sont souvent des fraudeurs et qu’ils utilisent parfois certains moyens pour survivre, vous êtes influencée par une pensée dominante.
Il m’est arrivé d’entendre un jour M. Zemmour traiter l’ensemble des MNA de violeurs, de criminels. Dans la seconde qui a suivi, j’ai porté plainte, suivi en cela par de nombreux présidents de département. Cela a conduit M. Zemmour et la chaîne de télévision sur laquelle il officiait à être condamnés par la justice française.
Je me rends compte que cette pensée ruisselle dans certaines travées de cet hémicycle, de sorte que, selon la pensée dominante d’une partie de la Haute Assemblée, les mineurs non accompagnés sont avant tout des fraudeurs. Au regard du droit français, ce sont des enfants… (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Valérie Boyer. Cela figure dans le rapport d’information du Sénat tout de même…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Exactement !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’entends bien, monsieur le ministre, que le sujet des MNA ne relève pas strictement – c’est le moins que l’on puisse dire – de ce texte sur l’immigration.
Cela dit, certains d’entre nous avions déposé des amendements très précis sur la répartition de la charge, mais ces amendements ont tous été frappés de l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution. D’ailleurs, je vous rappelle que l’application de cet article s’impose à tous, majorité ou opposition, via les règles de la commission des finances.
Bien que vous ne puissiez représenter ici vos collègues du Gouvernement, je suis sûr qu’un homme d’influence comme vous saurait leur parler de cette question. (M. le ministre rit.) Il se trouve qu’il n’y a pas, en ce moment, de texte auquel la rattacher clairement.
Sans entrer dans le débat sur la réalité des faits évoqués, je signale que le Gouvernement s’est engagé devant l’ADF à clarifier les choses, et que cela remonte à plusieurs mois.
M. Roger Karoutchi. Or, depuis lors, tous les présidents de département, quelle que soit leur couleur politique, attendent des mesures. Ils voient poindre l’application de la loi Taquet, mais toujours pas de proposition de répartition de la part du Gouvernement.
M. Roger Karoutchi. Par conséquent, ce n’est nullement une question politique ; il s’agit simplement de vous demander, au-delà de la question des tests, de clarifier la situation.
L’engagement pris devant tous les présidents de département doit être tenu, afin que ceux-ci sachent exactement comment procéder. Dans le département dont je suis élu, les Hauts-de-Seine, si l’on ne peut plus loger les mineurs de plus de 16 ans dans les hôtels sociaux, nous aurons un problème : il n’y a pas de structure d’accueil. Que va-t-il alors se passer ? Le Gouvernement doit être beaucoup plus clair sur cette question.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Permettez-moi de vous dire, cher collègue Grosvalet, que, après évaluation, 70 % des migrants se déclarant mineurs sont estimés majeurs.
M. Bernard Pillefer. 70 % !
M. Philippe Grosvalet. Dans certains départements !
Mme Valérie Boyer. Un rapport d’information du Sénat l’a établi voilà quelques années et cela a également été présenté ainsi lors de l’examen en 2018 du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dite Collomb.
Si l’on ne peut pas réviser la loi Taquet, quand pourrons-nous agir ? Si nous avons été nombreux à déposer ces amendements d’appel à ce sujet, c’est parce que nous espérions que, dans un texte relatif à l’immigration, le sujet des mineurs serait abordé. Cela fait partie des impensés, des trous dans le gruyère de ce texte. Heureusement que le Sénat a travaillé, a complété ce projet de loi, afin de répondre aux besoins des Français !
Je veux aborder frontalement cette question et trouver un moyen de régler cette situation à l’échelon national, parce que des présidents de département, ne pouvant plus supporter financièrement cette charge de plus en plus considérable, sont prêts à se mettre hors la loi, et ce au détriment des mineurs en danger. Voilà l’enjeu ! Aujourd’hui, on ne peut plus accueillir les enfants de l’ASE, les départements ne peuvent plus remplir leur fonction.
Je vous invite à relire l’excellente interview, parue voilà deux jours dans Le Figaro, de la présidente du département des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, qui expliquait que cette charge n’était « plus supportable ». Elle a raison et je la soutiens pleinement. Je me permets de me faire sa porte-parole sur ce sujet, car la situation des mineurs non accompagnés est hors de contrôle.
Il est indispensable que l’on travaille à un statut des mineurs étrangers de 16 à 18 ans, parce que nos départements n’en peuvent plus. Si l’enfance en danger rencontre demain de grandes difficultés, que ferons-nous ? On dira aux enfants que l’on n’a rien fait pour eux, qu’on les a abandonnés ? À ceux qui ont le plus besoin de notre aide ? Voilà la réalité. Ce n’est pas un sujet anodin !
Nous devons donc prendre date et j’aimerais que vous preniez l’engagement, monsieur le ministre, de traiter enfin ce sujet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je ne partage pas votre point de vue. Il s’agit d’un problème qui relève des conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
Mme Valérie Boyer. Tout à fait !
M. Philippe Bas. Cet afflux de vrais et de faux mineurs étrangers en France ne procède pas d’une génération spontanée, et le ministre de l’intérieur ne saurait se désintéresser d’une situation caractérisée par une fraude à la loi.
Il peut d’autant moins s’en désintéresser que ceux qui assument cette charge, en grande partie indue, sont les départements, collectivités territoriales dont le suivi relève du ministre de l’intérieur et de la direction générale des collectivités locales.
M. Philippe Bas. Le fait que cette question relève en réalité du droit d’entrée et de séjour des étrangers est si vrai que, avant la loi Taquet, un certain nombre de départements modèles – je peux citer celui de la Manche – avaient réussi à écarter un grand nombre de faux mineurs, avec l’aide de ce que l’on appelait autrefois la police de l’air et des frontières, qui, elle, ne se jugeait pas incompétente pour traiter la question des faux mineurs.
Ainsi, l’appui de la police de l’air et des frontières et de la médecine légale des hôpitaux permettait d’écarter beaucoup de fraudeurs, qui sont en réalité des adultes de 25 à 30 ans et qui, sous couvert d’une fausse minorité, s’installent en France et sont pris en charge par nos départements.
Vous ne pouvez pas vous désintéresser de cette situation, parce que vous êtes le ministre chargé de l’immigration et le ministre chargé du suivi des collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.