M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Marie Mizzon. Or beaucoup d’élus travaillent au Luxembourg, sans avoir les droits qui sont accordés aux élus qui travaillent en France : ni crédit d’heures ni autorisation d’absence, etc. Le moment est venu d’engager des négociations avec le Luxembourg ! (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au protocole d’accord du 20 mars 2018 et à la convention du 23 octobre 2020 vise à accélérer la transition, nécessaire, des mobilités, qui sont particulièrement denses entre le sillon lorrain et le pôle économique, le pôle d’emploi massif qu’est le Luxembourg.
Quand le protocole d’accord a été signé, voilà cinq ans, on comptait 90 000 travailleurs frontaliers. Ils sont près de 120 000 aujourd’hui, et leur nombre pourrait doubler d’ici à 2050, si l’on en croit le rapport de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
La situation devient donc particulièrement critique tant sur la route que dans les trains : congestions, autoroutes bouchées, TER bondés – vous ne pouvez pas imaginer à quel point ! –, saturation des voies, qui s’accompagne de son lot impressionnant de retards et de suppressions de rames.
Les temps de parcours s’allongent : on a pu calculer que les durées réelles de trajet ont augmenté, ces dernières années, de 53 % entre Thionville et le Luxembourg !
J’ai recueilli le témoignage d’un frontalier habitant à Metz et travaillant à Luxembourg ville depuis 1995. Il se rend au travail en train : en théorie, le trajet Metz-Luxembourg doit durer quarante-neuf minutes, mais la saturation de la ligne et l’absence d’entretien, faute de financement, entraînent quasiment tous les jours un retard, une suppression de train, voire un doublement du temps de trajet. Depuis cinq ans, il part de son domicile à six heures pour avoir une place dans le train. Comprenez-moi bien : « avoir une place dans le train », c’est simplement réussir à monter à bord, comme dans le métro parisien aux heures de pointe !
M. Jean-Marie Mizzon. Tout à fait ! C’est la vérité !
M. Jacques Fernique. Cet accord concerne donc des problèmes concrets très importants, qui ont des effets sur des centaines de milliers de personnes ; il se confronte aussi au défi de la prise en compte de l’impact environnemental du transport, essentiellement routier, pourvoyeur de gaz à effet de serre, de particules fines et d’oxyde d’azote.
Dans un tel contexte, il est clair que la mission du protocole de 2018 n’est pas encore accomplie et qu’il faut renforcer la coopération franco-luxembourgeoise sur ces enjeux, pour que le report vers le train soit massif, pour que les cars express et le covoiturage trouvent la fluidité nécessaire à leur développement.
Ainsi, si l’autoroute A31 nécessite des aménagements dans sa partie sud et centre, le tronçon nord du projet d’A31 bis, qui sera concédé et qui ne figure donc pas dans l’accord, est contre-productif : on a plutôt besoin d’infrastructures pour les cars express et le covoiturage au nord de Thionville.
À l’instar du Léman Express, il s’agit ici de mettre en place ce qui est, somme toute, un service express euro-régional métropolitain. Dans le schéma de mobilité transfrontalière de 2009, il s’agissait de faire en sorte que d’ici à 2030, 25 % des transfrontaliers se déplacent en train ou en bus, au lieu de 10 %.
Pour y parvenir, le protocole de 2018 a fixé deux paliers pour augmenter la capacité du matériel roulant et le nombre de trains. L’avenant les renforce. L’orientation est bonne : décongestionner et décarboner, mais les objectifs devraient être encore plus ambitieux, pour répondre autant à l’urgence climatique qu’à la pression sociale.
L’article 4, qui vise à augmenter le nombre de trains sur la ligne, fixe un objectif de 22 000 places en 2030. Mais, dans la mesure où l’on devrait compter 135 000 travailleurs frontaliers à cet horizon, il aurait fallu aller plus loin, en prévoyant au moins 40 000 places.
Pour ce qui est du financement, les contributions respectives de nos deux pays sont définies selon un principe, que l’on peut questionner, de parité. Elles atteignaient 120 millions d’euros par pays ; elles sont désormais doublées pour répondre aux enjeux.
Il conviendra d’être vigilant sur l’avancement des travaux et sur les crédits utilisés. Il apparaît que bien peu des crédits prévus par le protocole d’accord de 2018 ont effectivement été engagés. Les investissements réalisés auraient pu être mieux accompagnés. Les travaux qui sont déjà terminés sont ceux qui étaient les moins coûteux. Le renforcement de l’alimentation électrique subit du retard. Le déploiement progressif des investissements projetés est donc très lent, sans doute pas à la hauteur. Nous avons pris du retard sur nos voisins, notamment en termes de modernisation du réseau.
Cet accord donne la bonne direction à prendre, mais il faudra aller sans doute plus fort et plus vite, parce qu’en définitive, c’est bien d’une troisième voie ferroviaire, insérée dans le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), avec un déploiement de la commande centralisée du réseau, dont cet axe a besoin.
M. Olivier Jacquin. Très bien !
M. Jacques Fernique. Vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Mizzon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat relatif à l’approbation de l’avenant entre la France et le Grand-Duché, qui a lieu sur l’initiative de notre groupe, est l’occasion d’alerter sur la situation des territoires lorrains transfrontaliers.
Près de 117 000 de nos compatriotes qui vivent dans ces territoires travaillent au Luxembourg, et l’on estime qu’ils seront 160 000 en 2040.
TER bondés ou annulés, usagers souvent entassés les uns contre les autres, automobilistes susceptibles d’être bloqués pendant des heures tant les voies de circulation sont saturées… tel est leur quotidien ! Les orateurs précédents ont aussi décrit la situation.
Par conséquent, il ne s’agit pas ici de s’opposer à la décongestion des transports publics ni au report modal. De telles évolutions sont nécessaires.
En revanche, je souhaite m’attarder sur les modalités de mise en œuvre du projet. Ce dernier, qui vise à faciliter la mobilité des travailleurs frontaliers vers le Luxembourg, semble injuste, dans sa finalité même, comme dans son financement.
Si dans l’attente d’une relation nouvelle avec le Luxembourg, nous pouvons considérer que ce qui est pris n’est plus à prendre, il n’en demeure pas moins que ce projet est inéquitable, car il concentre presque tous les moyens supplémentaires sur le seul sillon lorrain, délaissant le Pays Haut meurthe-et-mosellan, où, par exemple, 30 000 voitures par jour franchissent la frontière à Mont-Saint-Martin.
Il est injuste également dans le financement. En effet, alors que notre pays et ses collectivités ont formé ces travailleurs et que nous continuons de leur garantir leurs droits au chômage, à l’autonomie, au logement ou encore l’accès aux services publics, les territoires où vivent ces hommes et ces femmes salariés au Luxembourg supportent des coûts sans retirer d’avantages financiers.
Malgré ce déséquilibre dans la relation financière franco-luxembourgeoise, nous nous obstinons dans le modèle de cofinancement à 50-50. L’avenant, dont il est question aujourd’hui, suit la même logique.
Outre que nous considérons que la participation du Luxembourg devrait être plus élevée au regard de l’iniquité en matière d’enrichissement, situation dont ce pays est le grand gagnant, nous estimons qu’il est temps de mettre fin à la logique même de cofinancement.
La convention de 2018 devrait être révisée au profit d’un mécanisme de rétrocession fiscale. Un tel dispositif permettrait de respecter de manière effective la libre administration des communes et de mettre fin à leur dépendance au bon vouloir du Luxembourg pour financer ou non tel ou tel projet.
La complaisance du Gouvernement avec le Grand-Duché me laisse interrogative. La contribution des frontaliers aux finances publiques du Luxembourg s’élève à plus de 2 milliards d’euros. Ce manque à gagner fiscal pèse particulièrement lourd pour les communes du Nord lorrain.
Enfin, j’aimerais également vous exprimer, madame la secrétaire d’État, mon incompréhension face à la décision de ne faciliter le logement des fonctionnaires que dans les 133 communes proches de Genève, avec une indemnité de résidence annuelle de 640 euros. Pourquoi exclure les agents publics des territoires frontaliers du Luxembourg ? Le prix du mètre carré en zone frontalière avoisine aujourd’hui les prix parisiens, et cela crée des difficultés pour loger les fonctionnaires locaux.
Nos collectivités sont également obligées d’offrir des traitements attractifs pour faire face à la concurrence des salaires luxembourgeois. Et je ne parle pas des surcoûts causés par le fait frontalier, comme ceux qui sont liés à la nécessité de garantir une amplitude horaire plus grande des services publics. Je citerai seulement l’exemple des services de garde d’enfants, qui doivent adapter leurs horaires en fonction de ceux des frontaliers.
Pour conclure, nous jugeons, à l’instar de nombreux autres élus locaux de bords différents, qu’il est fondamentalement injuste que le Luxembourg ne paie que la moitié de ce projet et qu’aucune négociation diplomatique pour obtenir une compensation fiscale ne soit lancée. Aussi, nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Mizzon applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quand le protocole d’accord initial que complète cet avenant a été adopté, en 2018, 90 000 Français se rendaient chaque jour au Luxembourg pour y travailler. Cinq ans plus tard, ils sont plus de 120 000 frontaliers à emprunter les routes et le train à destination du Luxembourg, et leur nombre pourrait doubler d’ici à 2050.
La densité de ce flux et sa forte dynamique constituent un enjeu majeur pour le territoire sur de multiples aspects, à commencer par la mobilité. La congestion des trafics routier et ferroviaire est une source de difficultés croissantes, quotidiennes, pour les Lorrains qui la subissent : allongement de la durée des trajets, problèmes environnementaux, etc.
Cet état de saturation justifie l’augmentation de l’enveloppe prévue par cet avenant. Elle porte à 440 millions d’euros l’investissement de la France et du Luxembourg sur l’axe ferroviaire Nancy-Metz-Thionville-Luxembourg.
Nous souscrivons évidemment totalement à ce projet, qui permettra d’augmenter progressivement la fréquence des trains et leur capacité d’accueil, pour atteindre 24 000 places en heures de pointe en 2030. Est-ce que cela permettra pour autant de régler tous les problèmes ? Bien sûr que non !
Toutefois, ce projet s’inscrit également dans une mobilisation inédite de l’État et des collectivités en faveur des mobilités durables. La région Grand Est et l’État ont signé, la semaine dernière, le volet mobilités du CPER 2023-2027, qui prévoit 2,1 milliards d’euros d’engagement : 70 % des crédits sont destinés au ferroviaire et aux RER métropolitains. Je pense notamment au projet Lorraine-Luxembourg, qui s’inscrit dans le prolongement du protocole d’accord et pour lequel la région investit massivement, notamment pour l’achat des trains longs.
On mesure, lorsque l’on habite dans ces régions – je note d’ailleurs que les Lorrains sont largement représentés cet après-midi dans l’hémicycle –, combien nos deux pays sont interdépendants. Le Luxembourg a un besoin croissant de main-d’œuvre. La France, quant à elle, souhaite améliorer les conditions de vie de ses travailleurs frontaliers.
Les collectivités où résident les travailleurs frontaliers doivent faire face à des besoins importants d’investissements en services.
Ce projet s’inscrit dans un processus de coopération renforcée entre nos deux pays. La septième réunion de la Commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière (CIG) a ainsi eu lieu en avril. Cette instance assure la bonne coordination des politiques publiques et permet l’émergence d’initiatives communes sur la base du codéveloppement et du cofinancement.
Des avancées ont ainsi déjà eu lieu dans ce cadre pour améliorer la vie quotidienne des travailleurs frontaliers. Je pense par exemple au télétravail, dont la possibilité a été étendue à trente-quatre jours par an sans modification de l’imposition fiscale.
Mais, madame la secrétaire d’État, vous l’aurez compris, nous devons nous intéresser à bien d’autres sujets, au-delà de cet avenant : je veux ainsi insister sur la nécessité d’une implication ministérielle forte – je rejoins mon collègue Jean-Marie Mizzon –, voire interministérielle, lorsque nous traitons avec le Luxembourg. Elle pourrait prendre la forme d’un délégué ou d’un comité interministériel transfrontalier qui serait capable de négocier avec les interlocuteurs luxembourgeois au même niveau – on ne peut pas laisser le préfet seul face aux ministres luxembourgeois –, et qui connaîtrait bien les particularités frontalières sur des sujets aussi variés que la mobilité, bien sûr, mais aussi la santé, l’aspiration des compétences, le social, la sécurité ou la fiscalité.
Nous avons aussi besoin que les deux États s’engagent davantage aux côtés des collectivités, pour lesquelles le travail frontalier est source de difficultés.
Les trente-neuf heures en vigueur au Luxembourg et les temps de trajet pèsent notamment sur la gestion des crèches et du périscolaire, car leurs horaires doivent être adaptés en conséquence.
La question de la formation doit aussi être posée : la France forme des infirmières, qui partent travailler au Luxembourg, où le salaire est deux à trois fois plus élevé.
La création d’un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) transfrontalier pourrait être une piste intéressante, dans le cadre d’un cofinancement du Luxembourg. Mais, là encore, pour défendre de tels projets auprès de nos partenaires luxembourgeois, nous avons besoin de l’engagement du Gouvernement et des ministres.
Dans l’attente de cette coopération renforcée, et peut-être plus équilibrée au regard de la richesse de notre voisin, notre groupe apportera sans réserve sa voix à ce projet de loi, qui est l’aboutissement d’un travail long et efficace. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Mizzon et Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été rappelé par M. le rapporteur et par plusieurs orateurs, aujourd’hui, quelque 123 000 Français vivent dans notre pays et travaillent au Luxembourg, où ils occupent près du quart des emplois salariés du pays. Leur nombre de travailleurs frontaliers, qui croît d’environ 3 000 personnes chaque année, devrait atteindre 135 000 d’ici à 2030.
Ces frontaliers, de plus en plus nombreux, font le trajet quotidiennement entre l’Hexagone et le Grand-Duché, ce qui pose d’inévitables problèmes de transport. L’autoroute A31 est régulièrement congestionnée aux heures de pointe, et l’axe ferroviaire Metz-Thionville-Luxembourg est fréquemment confronté à des incidents, ainsi qu’à des irrégularités de service liées à la saturation de la ligne.
Pour répondre à ces difficultés, le Parlement a autorisé, voilà quatre ans, l’approbation du protocole d’accord entre la France et le Luxembourg relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers. Ce texte visait à mettre en œuvre, aux horizons 2024 et 2030, une politique de transports multimodale et concertée entre les deux parties, s’inscrivant dans une perspective de développement durable. Cette politique tendait à répondre aux besoins de mobilité préalablement identifiés, à travers des projets ferroviaires et routiers.
Dans le domaine ferroviaire, une série d’aménagements visaient à tripler le nombre de voyageurs quotidiens et pallier ainsi la saturation de l’axe attendue pour cette année. Il s’agissait d’anticiper les besoins de capacité à l’horizon de 2030.
Dans le domaine routier, l’objectif était de développer des lignes de cars transfrontaliers, ainsi que le covoiturage, grâce à la création de voies dédiées, de parkings de regroupement et de gares routières. Les infrastructures routières existantes devaient être adaptées en conséquence. Côté français, l’autoroute A31 devait être élargie à trois voies entre le nord de Thionville et la frontière franco-luxembourgeoise, et un contournement de Thionville par l’ouest devait être créé. Côté luxembourgeois, le projet prévoyait une troisième voie de circulation sur l’autoroute A3 et l’aménagement de sa bande d’arrêt d’urgence en voie réservée pour la circulation de cars.
La solution retenue est donc multimodale, puisqu’elle s’appuie sur les transports collectifs et qu’elle est complétée, sur le territoire luxembourgeois, par le développement de moyens de transport plus propres, comme le vélo électrique. Le coût total de ces travaux était estimé à 220 millions d’euros pour le volet ferroviaire et à près de 20 millions d’euros pour le volet routier, financés à parité par la France et le Luxembourg.
Quatre ans après l’adoption de ce premier accord, quel bilan peut-on dresser ? Les aménagements ferroviaires prévus pour 2024 ont été réalisés pour une partie d’entre eux, ou sont en voie de l’être pour les autres, avec un léger retard.
S’agissant du volet routier, aucune avancée ne s’est concrétisée pour le moment. Une séquence de concertation s’est tenue voilà un an sur le secteur nord du projet A31 bis, afin d’éclairer l’État dans le choix du tracé pour le contournement de Thionville. Il faudra donc concentrer toute notre énergie dans ce domaine.
L’avenant au protocole soumis à notre examen vise à prolonger les objectifs du protocole de 2008, c’est-à-dire accompagner l’augmentation des trafics entre la France et le Luxembourg en renforçant les mobilités durables. Le Premier ministre luxembourgeois a annoncé en juin 2021 une nouvelle contribution financière de 110 millions d’euros pour les infrastructures ferroviaires d’intérêt commun à la France et au Grand-Duché. Cette participation supplémentaire, qui s’accompagne d’une contribution française identique, permettra de compléter le programme d’investissements de l’accord initial par le financement de besoins identifiés à la suite des études de faisabilité pour l’horizon 2028-2030.
Deux projets sont envisagés à ce stade : premièrement, la construction d’un centre de maintenance à Montigny-lès-Metz ; deuxièmement, la conduite d’études sur l’automatisation ou la semi-automatisation de la conduite des trains, dont la réalisation sera décidée en fonction des résultats.
J’ai pu observer en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que certains de mes collègues s’interrogeaient sur la place décisionnelle qu’occupe la France dans cet accord. Je souhaiterais les rassurer en réaffirmant que la France défend ses intérêts dans cette coopération franco-luxembourgeoise. Je voudrais rappeler que ce texte est essentiel pour poursuivre l’amélioration de la liaison ferroviaire franco-luxembourgeoise et répondre aux difficultés de mobilité quotidiennes rencontrées par nos concitoyens à l’approche de la frontière.
En conséquence, je préconise, au nom du groupe RDPI, l’adoption de ce projet de loi, déjà voté par l’Assemblée nationale le 29 juin 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, il y aurait beaucoup à dire sur ces conventions et, plus largement, sur nos relations avec le Luxembourg, tout particulièrement sur le volet mobilité, si important pour la vie de dizaines de milliers de travailleurs frontaliers et de centaines de communes et collectivités.
Alors que nous sommes appelés à nous prononcer sur une augmentation des efforts budgétaires pour l’investissement dans les infrastructures de transports qui permettent, comme l’a justement dit et écrit le rapporteur, à plus de 120 000 Français de se rendre au Luxembourg quotidiennement, je suis au regret de vous annoncer que, pour les Lorrains, 100 millions plus 110 millions font moins que 210 millions, comme si deux plus deux aboutissait à trois. Autrement dit, j’estime que notre voisin et ami luxembourgeois ne met pas assez d’argent sur la table.
En effet, comment se satisfaire aujourd’hui d’un engagement de 210 millions d’euros sur une zone sursaturée, alors que vendredi était signé le volet mobilité du CPER Grand Est pour 2 milliards d’euros sur 2023-2027, dont 600 millions d’euros investis pour le sillon lorrain et le service express régional métropolitain (Serm) Nancy-Metz-Luxembourg, soit bien plus que le montant de l’accord qui nous est soumis ?
Pour nos bonnes relations interétatiques, je comprends que cela ne soit pas indiqué dans l’étude d’impact, mais la vérité est que le Luxembourg fait son marché dans les projets qu’il consent à soutenir. Il refuse d’investir dans le routier et privilégie le ferroviaire au nom, dit-il, du développement durable. C’est un argument qui peut s’entendre. Mais comment accepter, par exemple, que ce pays continue de refuser de cofinancer l’achat de nouvelles rames, comme c’est le cas depuis la convention de 2018 ?
Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous n’ayez pas suffisamment pointé ce problème dans votre rapport, tout comme je m’étonne du manque de données chiffrées. À peine 10 000 des 120 000 travailleurs frontaliers, soit 8 %, se rendent au Luxembourg par voie ferrée. L’objectif est de passer à 15 %, avec 22 000 passagers en 2030, ce qui nécessite 600 millions d’euros. Pourquoi est-ce que cela devrait être essentiellement financé par les collectivités françaises ?
Madame la secrétaire d’État, la priorité est la préfiguration du Serm du sillon lorrain. La région Grand Est vient d’ailleurs de signer une convention innovante à ce sujet avec la Société du Grand Paris. Il est urgent d’augmenter les cadences ferroviaires pour s’approcher du débit d’un véritable RER. Cela nécessite l’éventuelle réalisation de tout ou partie d’une troisième voie. Pourquoi cette option n’est-elle pas envisagée, comme pour le Léman Express ?
En matière ferroviaire, ni cette convention ni le CPER n’apporteront de solutions satisfaisantes pour les transfrontaliers. Et je ne parle pas de la question routière du nord de la Meurthe-et-Moselle, qui a été tout bonnement oubliée.
Si nous avons 10 000 passages de frontière par train, il est facile de calculer que nous en avons plus de 100 000 par la route. Il faut donc s’attaquer d’urgence aux bouchons quotidiens de l’A31, que nous ne connaissons que trop bien avec mes collègues parlementaires lorrains.
J’entends déjà certains me dire que le ministre a tout de même confirmé vendredi, en signant le CPER, la réalisation de l’A31 bis au nord de Thionville. Certes. Mais il s’agira d’une concession, avec un péage de 8 euros par jour pour les travailleurs. Or je soutiens qu’une solution alternative était envisageable, grâce au Sénat, qui a introduit dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets la possibilité pour la région Grand Est de lever une écocontribution poids lourds. J’en profite pour rappeler le travail que j’avais fait alors avec mon collègue Jean-Marc Todeschini.
Cette mise à contribution des poids lourds pénalisera principalement les flux étrangers, majoritaires sur cet axe, garantira des recettes stables et substantielles pour la région qui lui permettront d’aller sur les marchés obligataires emprunter à long terme dans d’excellentes conditions, et financer ainsi rapidement la réalisation et la modernisation de l’A31, avec, entre autres aménagements, la création de lignes de bus et de covoiturage express.
Pour en revenir au texte, comment peut-on accepter que le pays qui détient le record du monde du PIB par habitant contribue aussi peu, d’autant plus que cette maigre contribution de 210 millions d’euros sur six ans est à comparer à tout ce que l’afflux de travailleurs frontaliers rapporte à notre voisin ? Prenez ne serait-ce que les 800 millions d’euros par an d’impôts prélevés à la source sur les revenus des 123 000 frontaliers. Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, nous parlons au total d’un gain de 4,8 milliards d’euros !
Je termine avec une dernière démonstration arithmétique sur le tour de passe-passe régional et étatique lié à cette contribution luxembourgeoise.
Quand le Luxembourg met 100 millions d’euros sur les TER, la région Grand Est ne se dit pas que cette somme s’ajoute aux 200 millions d’euros, par exemple, qu’elle avait prévu d’investir, pour un projet total de 300 millions d’euros. Non, elle récupère le pactole et le répartit sur l’ensemble de la grande région – tant mieux pour les autres territoires ! –, faisant ainsi une économie budgétaire sur le dos du Nord lorrain. L’effort contributif du Luxembourg, même faible, ne permet donc pas de multiplier les projets, mais devient un simple transfert budgétaire. Il en est de même pour l’État, qui ne flèche pas les recettes vers ce territoire. Tant mieux pour les autres, mais dommage pour le Nord lorrain !
Mes chers collègues, j’espère avoir clairement démontré l’insuffisance de cette convention de partenariat avec le Luxembourg. Il faut intensifier les efforts de l’État et de la région pour améliorer le partenariat avec notre voisin. L’exemple suisse est intéressant à cet égard, comme l’a souligné le rapporteur. Je plaide pour ma part pour un fonds de développement alimenté non seulement par le Luxembourg, mais surtout principalement par la France, afin de financer les collectivités territoriales de la bande frontalière, plutôt que pour une rétrocession fiscale, dont l’essentiel resterait à Bercy.
Il nous reste beaucoup de travail pour améliorer la vie des Lorrains. Alors, ne traînons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (M. Pascal Allizard applaudit.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est toujours une grande fierté pour une Mosellane de pouvoir s’exprimer devant ses pairs de la Haute Assemblée sur un sujet qui concerne son département.
Le débat du jour porte sur de multiples sujets – européen, économique et environnemental –, avec un impact direct sur le quotidien de mes concitoyens, qui manquent d’une solution adaptée à leurs besoins de mobilité.
Plus de 120 000 Français travaillent aujourd’hui au Luxembourg, et leur nombre ne cesse de croître d’année en année.
Les déplacements ont très rapidement commencé à poser problème sur nos axes transfrontaliers. Aujourd’hui, l’A31, en particulier, cristallise plus que jamais les tensions.
Face à une autoroute congestionnée et des lignes ferroviaires saturées, une solution devait être dégagée de manière bilatérale, à la fois pour endiguer ce phénomène et préparer l’avenir de nos échanges avec le Luxembourg.
Pour répondre à ces difficultés, le Parlement a autorisé, voilà quatre ans déjà, l’approbation du protocole d’accord entre la France et le Luxembourg relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers. Aux horizons 2024 et 2030, ce texte devait permettre la mise en œuvre d’une politique de transports multimodale et concertée entre les deux parties, à travers des projets ferroviaires et routiers.
Avant toute chose, il faut le reconnaître, ce protocole d’accord et l’ensemble de la démarche étaient nécessaires, tant cette question est devenue épineuse. Malheureusement, il faut également admettre que ces efforts sont encore insuffisants face à l’ampleur du problème et aux enjeux.
Ainsi, l’avenant au protocole soumis à notre examen vise à prolonger les objectifs de 2018, c’est-à-dire à accompagner l’augmentation des flux entre la France et le Luxembourg en renforçant les mobilités durables. Dans cette optique, le Premier ministre luxembourgeois a annoncé en juin 2021 une nouvelle contribution financière de 110 millions d’euros pour les infrastructures ferroviaires d’intérêt commun à la France et au Grand-Duché. Cette contribution est complétée d’une somme identique par l’État français, mais cet avenant se concentre, malheureusement, essentiellement sur le ferroviaire.
Les aménagements ferroviaires prévus pour 2024 sont en pleine réalisation. Je pense notamment à l’allongement des quais, ou à l’aménagement des parkings relais, comme en gare de Thionville.
Deux nouveaux projets sont envisagés.
Tout d’abord, la construction d’un centre de maintenance à Montigny-lès-Metz qui permettra d’assurer la desserte de l’axe avec une plus grande fréquence.
Ensuite, l’automatisation ou la semi-automatisation de la conduite des trains, dont la réalisation sera décidée en fonction des résultats d’études préalables concernant à la fois l’opportunité et l’intérêt d’une telle opération.
Ces deux aménagements supplémentaires devraient réduire les nuisances liées aux mobilités ferroviaires des Mosellans vers le Luxembourg.
Si le volet ferroviaire commence à produire ses effets, rien ne garantit qu’il soit suffisant pour endiguer les problèmes massifs liés au domaine routier.
En effet, comment pourrions-nous imaginer un instant que le développement des lignes de cars transfrontaliers et du covoiturage serait suffisant pour décongestionner un trafic de plus de 105 000 véhicules par jour au nord de Metz ?
En ce qui concerne l’A31 bis, serpent de mer des projets de mobilité du Nord mosellan depuis des décennies, sa concrétisation, annoncée par Clément Beaune devant le conseil régional du Grand Est ce vendredi 15 décembre, se fera à travers un plan État-région de 1.4 milliard d’euros. Ce sera une véritable avancée.
L’option choisie du tunnel profond est sans conteste celle qui produira le plus d’effets bénéfiques. Elle limitera l’impact environnemental le long des vallées de la Fensch et de l’Orne, et évitera de scinder la ville de Florange en deux.
Pour conclure, malgré ses lacunes évidentes, la signature de cet avenant est une étape indispensable, afin de faciliter la mobilité de nos travailleurs transfrontaliers.
Deux points suscitent néanmoins des interrogations fortes : l’ambition des actions mises en œuvre et l’investissement du Grand-Duché pour les infrastructures routières.
En effet, on ne peut que regretter de voir nos partenaires luxembourgeois s’investir si peu dans des infrastructures routières, dont ils sont pourtant les premiers bénéficiaires.
De même, au regard de l’augmentation croissante du nombre de frontaliers, on peut légitimement s’interroger sur la capacité de ces différents projets à atteindre les objectifs très ambitieux qui leur ont été assignés.
En effet, madame la secrétaire d’État, les efforts de la France pour favoriser le ferroviaire et les alternatives à la voiture en général se heurtent malheureusement encore régulièrement à la réalité de nos territoires. Le ferroviaire ne saurait à lui seul empêcher l’aggravation de la situation routière.
Les Mosellans attendent encore du Gouvernement des efforts supplémentaires, et je pense que celui-ci l’a bien compris : la signature du plan État-région mentionné précédemment et la mise en chantier de l’A31 bis en témoignent.
Dans l’attente des prochaines étapes de ce projet historique, le groupe Les Républicains du Sénat soutiendra cet avenant, qui, à défaut de résoudre à lui seul tous les problèmes de congestion de nos réseaux de transports transfrontaliers, devrait permettre d’amoindrir les effets néfastes de ceux-ci dans les prochaines années. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)