M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit ce soir vient adapter notre droit national au droit de l’Union européenne. C’est un classique, mais qui ne va pas forcément sans difficulté, que nos collègues rapporteurs ont évoquées.
Je tiens en premier lieu à saluer le travail de ces derniers Daniel Fargeot et Cyril Pellevat, qui ont pu produire dans un temps contraint un travail particulièrement éclairant sur le vaste champ de ce projet de loi. J’associe bien sûr à ces remerciements le président Allizard, qui a su créer les conditions d’un échange dense et constructif, en particulier dans le cadre de la procédure de législation en commission, à laquelle vous avez participé, monsieur le ministre. Quelque dix-huit articles sur trente-quatre ont été examinés dans ce cadre, la semaine dernière.
Ce texte est éminemment technique, mais il recèle plusieurs sujets qui ont appelé plus particulièrement l’attention. Par le biais des amendements que nous avons adoptés, nous avons veillé à améliorer la rédaction du texte et à en renforcer la sécurité juridique.
Une majorité de dispositions intègrent au droit français les évolutions issues de réglementations européennes récentes et ne soulèvent pas d’observations particulières. En revanche, je tiens à m’attarder sur certains points qui sont plus importants.
Tout d’abord, Daniel Fargeot a évoqué voilà quelques minutes les dispositions qui concernent la garde à vue. Je souscris totalement à ses propos sur la méthode employée pour l’examen de l’article 28. Je trouve profondément regrettable de légiférer sur la garde à vue dans les conditions où nous l’avons fait, car le sujet est d’importance.
En 2021, la Commission européenne a mis la France en demeure de réformer la garde à vue, avant d’adresser un avis motivé, dernière étape avant la mise en place d’un recours en manquement pouvant être assorti de sanctions financières.
Le Gouvernement avait cette information depuis plus de deux ans. Malgré cela, nous sommes conduits à légiférer dans l’urgence, alors que les dispositions posent question, comme le rapporteur l’a très bien dit. Il aurait fallu une concertation ouverte et respectueuse des différentes parties prenantes. Je regrette qu’elle n’ait pas eu lieu.
Toutefois, je tiens à saluer l’initiative que le rapporteur a prise, en bonne intelligence avec le président Buffet, pour apporter des clarifications aux conditions dans lesquelles la nouvelle procédure de recours à l’avocat pourra être mise en œuvre. La commission a ainsi supprimé les incertitudes et les risques juridiques que posait la rédaction initiale du projet de loi. Elle a également rétabli la possibilité d’une audition immédiate des gardés à vue dans le respect des strictes conditions prévues par le droit européen.
Ce projet de loi Ddadue opère également la transposition du paquet climat européen Ajustement à l’objectif 55, en prévoyant la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et la refonte du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne. On peut d’ailleurs noter une vraie cohérence entre les évolutions apportées par la commission et le travail opéré en amont, au Sénat, par le biais d’une mission d’information.
J’en viens à un sujet que je suis plus particulièrement, celui de la modération tarifaire appliquée aux aéroports.
Comme le rapporteur Cyril Pellevat l’a rappelé, l’article 20 du projet de loi vient aménager ce principe de modération tarifaire, dans un cas particulier, pour les premiers tarifs de redevance aéroportuaire d’un nouveau contrat de concession.
La commission spéciale, lors de nos travaux, a indiqué souscrire à l’objectif du Gouvernement d’éviter que l’appel d’offres relatif à un aéroport du Grand Ouest – car telle était votre préoccupation, monsieur le ministre – soit infructueux. S’il n’était pas illégitime de régler ce sujet, la commission spéciale a considéré que la loi devait avoir une portée générale et a élargi le champ de la réflexion.
En effet, la mise en place de la taxe sur les infrastructures de transport de longue distance risque de créer des situations similaires et les aéroports auront des besoins d’investissement et de financement. Il convient donc de légiférer avec prudence sur le sujet. Le Gouvernement s’est engagé dans cette voie, ce qui nous a conduits à amender le texte en commission. Il s’agit bien évidemment d’offrir à l’Autorité de régulation des transports une faculté d’appréciation. Un amendement du Gouvernement, que nous appelions de nos vœux, pourra sans doute fournir un point d’équilibre.
Ce texte apporte aussi de nouvelles protections pour les consommateurs, via l’article 2, qui adapte le code de la consommation au règlement relatif à la sécurité générale des produits. Ce dernier entrera en vigueur au mois de décembre 2024. Il vise notamment à améliorer les rappels des produits et à renforcer les obligations d’information et de coopération des places de marché en ligne avec les autorités face à la hausse de la dangerosité de certains produits.
L’évocation de ces quelques sujets montre que le projet de loi couvre un champ large. Je voudrais une nouvelle fois rappeler la difficulté que nous avons eue à travailler sur ce texte un peu fourre-tout et exprimer une forme d’inquiétude devant le fait que l’Assemblée nationale s’en saisira tardivement, alors que nous avons nous-mêmes dû travailler dans un délai court, au Sénat. C’est sans doute le propre des projets de loi Ddadue de ne pas être toujours cohérents, ce qui complexifie parfois notre rôle de législateur.
Toutefois, il me semble que nous avons réalisé un bon travail, et je tiens une nouvelle fois à saluer nos rapporteurs. Le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant arrivé récemment au Sénat, j’ai été désigné, lors de la répartition des dossiers, pour traiter le projet de loi Ddadue ; je me suis demandé s’il ne s’agissait pas d’une forme de bizutage. (Sourires.) On m’a dit : « Tu es resté quatorze ans au Parlement européen : ce texte est pour toi. »
Je me suis donc plongé dedans, et j’ai pu constater qu’il s’agissait d’un texte important. Quand on a été amené à légiférer au Parlement européen, il est intéressant de voir comment les mesures sont ensuite mises en œuvre dans le droit national. C’est même essentiel, car, comme mon collègue l’a dit, certaines dispositions peuvent avoir des conséquences très concrètes sur la vie de nos concitoyens et sur nos territoires.
Je tiens à saluer le travail du président Allizard, ainsi que celui de nos deux rapporteurs et des membres de la commission spéciale.
Le projet de loi que nous examinons est particulièrement fourni et traite un spectre très large de sujets. La marge de manœuvre dont nous disposons dans la transposition est mince, mais nous avons constaté des avancées incontestables pour notre droit national, même s’il reste des insuffisances sur quelques dossiers.
L’harmonisation de l’objectif de parité entre les femmes et les hommes à l’article 5, en lien avec la directive Women on Boards, est une avancée essentielle, dont nous devons nous féliciter. De la même manière, à l’article 11, la meilleure gestion des déchets de batteries est un progrès essentiel, à l’heure où il est fondamental d’articuler souveraineté, relocalisation, réindustrialisation et gestion de la fin de vie des batteries.
De plus, nous transcrivons dans ce texte une partie des mesures du Pacte vert européen. Il faut se rappeler que, en 2019, le Pacte vert est devenu le cœur de l’agenda européen. Il a permis des avancées nombreuses, mais il faut reconnaître que nous ne sommes pas toujours à la hauteur des ambitions initiales et que certains textes ont été partiellement vidés de leur contenu.
D’ailleurs, dans son dernier rapport, publié voilà quelques jours, l’Agence européenne pour l’environnement juge qu’il sera difficile pour l’Union européenne d’atteindre ses objectifs environnementaux d’ici à 2030 et appelle les États membres à appliquer davantage les lois existantes et à intégrer le climat et l’environnement dans d’autres domaines politiques.
L’actualité récente nous y incite, qu’il s’agisse du report de la révision de la directive sur les produits chimiques, dite Reach, de la réautorisation du glyphosate, du sabotage de la loi sur la restauration de la nature ou de l’abandon pur et simple des réformes sur le bien-être animal.
J’espère donc que ce sera le grand sujet des élections européennes à venir, plutôt que l’immigration : pour ou contre l’ambition européenne sur le Green Deal et ses conséquences potentiellement positives pour l’industrie et la justice sociale.
L’on peut se féliciter que la directive sur le marché carbone, pierre angulaire du Pacte vert, prévoie l’application du principe de pollueur-payeur. Toutefois, reconnaissons que le maintien des quotas gratuits dans certains secteurs jusqu’en 2034 est une aberration climatique et économique, dénoncée jusqu’à la Cour des comptes européenne.
Pour ce qui est de la directive sur les énergies renouvelables, j’ai été rapporteur de la proposition de résolution du Parlement européen sur le mécanisme d’ajustement des émissions de carbone aux frontières. Voilà un beau texte, qui, certes, ne va pas aussi loin que l’on pourrait l’espérer, mais qui est essentiel pour rendre possibles la réindustrialisation et la protection de nos industries face au dumping tout en faisant en sorte que la politique climatique européenne ne couvre pas simplement les émissions produites sur notre territoire, mais aussi celles qui sont importées.
Par conséquent, les mesures qui portent sur les énergies renouvelables nous paraissent insuffisantes. La France est souvent rappelée à l’ordre par la Commission européenne sur le sujet. Nous avions proposé d’accélérer les procédures d’autorisation. Cela a été jugé irrecevable ; c’est dommage.
En ce qui concerne les microplastiques, nous avons déposé à l’article 31 un amendement visant à les interdire, car, en la matière, nous pouvons toujours faire mieux que les textes européens. Pour le coup, la France est exemplaire, mais elle applique un règlement qui la fait reculer : c’est dommage !
J’en viens à l’article 28, qui pose véritablement problème à nos yeux. Le projet de loi, tel qu’il a été modifié et voté par la commission spéciale, abîme encore une fois les droits de la défense, notamment le droit à être assisté par un avocat dès la garde à vue, qui reste pour nous un principe fondateur de notre justice.
Notre groupe déterminera son vote final sur le projet de loi en fonction du sort que cette assemblée réservera à l’amendement n° 7. En effet, si l’article 28 n’est pas modifié, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Il a une vision ! (Sourires.)
Mme Audrey Linkenheld. On sent l’expérience !
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur – je salue d’emblée l’excellence de votre travail –, mes chers collègues, nous finissons la première partie de cette session ordinaire avec l’examen d’un texte relatif au droit européen, qui occupera d’ailleurs le calendrier politique de l’année 2024.
Le présent projet de loi permet aux parlementaires nationaux que nous sommes de se saisir de règles supranationales que la France est tenue de respecter. Comme mes collègues, je souhaite questionner non seulement la méthode adoptée par le Gouvernement, mais aussi le fond de ce texte et les quelques écarts qu’il se permet.
En ce qui concerne la méthode, tout d’abord, je dois dire que la rapidité avec laquelle nous avons dû travailler un texte aussi hétéroclite nous interroge. En effet, les mesures que nous avons étudiées en commission peuvent tout à la fois constituer de simples corrections d’intitulés et opérer des changements majeurs ; nous en discuterons de nouveau lorsque nous passerons à l’examen des amendements.
Nous avons affaire à un projet de loi qui mélange tout. Certes, c’est peut-être là sa vocation. Mais tout de même, mes chers collègues : nous sommes prêts à modifier le régime de garde à vue via un texte présenté seulement devant quelques parlementaires, qui traite en même temps des transactions bancaires, des boues d’épuration, du marché du carbone, et j’en passe !
Ainsi, la forme n’est pas éloignée du fond. Les principes démocratiques qui nous sont chers sont malmenés par le Gouvernement, qui attend la dernière minute pour poser la question de la conformité du droit français aux normes européennes.
Les rares avancées dont nous pourrions bénéficier sur des politiques importantes, qu’il s’agisse de l’égalité femmes-hommes ou de la réduction des microplastiques, entre autres, sont mises à mal. À l’inverse, nous n’hésitons pas à tordre les dispositions européennes quand elles cherchent à mieux défendre les libertés individuelles, comme dans le cadre du régime de garde à vue.
Ces écarts que vous vous permettez par rapport au texte initial et aux dispositions de l’Union européenne révèlent, au fond, la vision que vous défendez pour la France et, à travers elle, pour l’Europe.
L’Europe que nous souhaitons est celle qui protège et rassemble. C’est celle qui défend les travailleuses et les travailleurs sur le sol européen, mais aussi la planète et notre modèle social et de solidarité. Or l’Europe qui est confortée par ce texte, c’est celle qui protège d’abord les profits et qui rapporte à quelques-uns pour, finalement, coûter à tous.
Songeons ainsi aux quotas gratuits pour les émissions de gaz à effet de serre, aux dérogations à l’usage des microplastiques et aux réticences à mettre en œuvre la protection des droits des fonctionnaires.
Dans cette Europe, la parité, que l’Insee définit comme une représentation égale de chaque sexe dans les institutions, est établie non pas à 50-50, mais plutôt à 40-60 – je vous laisse deviner comment s’opère la répartition entre les femmes et les hommes dans les conseils d’administration…
Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons déposé plusieurs amendements sur ce texte. Même si certaines de ses mesures peuvent être retenues – elles auraient d’ailleurs dû l’être depuis longtemps –, le groupe CRCE-K s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Noël et sa dinde aux marrons arrivant à grands pas, voici l’heure de ce marronnier du travail parlementaire que sont les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Avant les dindes, les Ddadue ! (Sourires.)
Au-delà de l’apparente complexité et technicité que ces mesures revêtent, ainsi que de la faible marge de manœuvre qui nous est laissée à nous, parlementaires, pour transposer le droit européen, nombre de ces dispositions auront un impact important sur le quotidien de nos compatriotes. Ainsi, leur apport mériterait d’être davantage souligné.
Ce projet de loi fourre-tout aux délais d’examen plus que restreints, qui nous invite à transposer plusieurs dispositions dépourvues de liens et dont la cohérence ne tient qu’à l’adaptation de notre droit national aux évolutions décidées par le législateur européen, ne doit pas nous conduire à un fatalisme et à un désintérêt que pourrait illustrer le nombre de sièges vides dans cet hémicycle.
M. Bernard Fialaire. Au contraire, le Gouvernement a profité de ce texte pour réformer de manière substantielle la garde à vue, mettant fin notamment à des dérogations à l’accès à un avocat, qui, je le répète, ont poussé la Commission européenne à mettre en demeure la France en 2021, puis à lui adresser, il y a quelques semaines, un avis motivé, dernière étape avant un recours en manquement potentiellement assorti de sanctions financières.
Le présent texte ne me semble pas le véhicule législatif adéquat pour conduire une telle réforme. Il aurait été préférable que cette dernière fasse l’objet d’un projet de loi à part entière et d’une discussion respectueuse des institutions et de la démocratie. Or, en l’espèce, on nous la présente via un simple article glissé au milieu de dispositions financières, environnementales et agricoles…
Pourtant, la mise en demeure de la Commission européenne date non pas d’hier, mais de deux ans ; le Gouvernement avait donc le temps de nous présenter un projet cohérent, structuré et étoffé.
Néanmoins, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, qui s’est toujours prononcé en faveur d’une présence accrue de l’avocat lors d’une garde à vue, s’est réjoui tant de la suppression initiale du délai de carence, mentionné à l’alinéa 1 de l’article 63-4-2 du code de procédure pénale, que de la possibilité ouverte au procureur d’autoriser le commencement immédiat de l’audition lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent – un dispositif prévu à l’alinéa 3 du même article.
Nous saluons aussi les travaux de la commission spéciale qui ont permis d’étendre le périmètre de l’article 64 du code de procédure pénale, afin de garantir que la renonciation à l’assistance d’un avocat au cours de la garde à vue soit consignée en procédure.
Par ailleurs, attentif à l’expression législative de la solidarité et à la protection de nos concitoyens français et européens, le RDSE se félicite que ce projet de loi ait un poids particulier en matière environnementale.
Je pense ici aux dispositions bienvenues de transposition du Pacte vert pour l’Europe, permettant la refonte du système d’échange des quotas d’émission de l’Union européenne et la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), encouragée par la France depuis de nombreuses années. Cela évitera une demande accrue d’importations de produits manufacturés avec des niveaux d’émission plus élevés en dehors de l’Union européenne.
Néanmoins, nous ne pouvons nous satisfaire de l’adaptation de notre droit national au règlement du 25 septembre 2023 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (Reach), en ce qui concerne les microparticules de polymère synthétique – autrement dit, les microplastiques.
En vertu de notre calendrier d’interdiction nationale des microplastiques, désormais conforme au calendrier européen récemment adapté, les dispositifs de diagnostic in vitro des émissions de microplastiques sont exemptés d’interdiction de mise sur le marché. De même, les dates d’interdiction des dispositifs médicaux et des produits cosmétiques à rincer sont repoussées respectivement à 2027 et 2029. C’est, en soi, un recul en arrière environnemental.
De la même manière que pour le glyphosate, si elle ne peut se permettre d’avoir une législation plus dure que ses voisins européens, la France doit s’entendre avec eux sur une trajectoire commune de réduction et d’accompagnement planifiée, choisie, lissée et exclusive de tout de report ou moratoire.
Malgré ces quelques observations, le groupe RDSE votera ce projet de loi. (M. Ludovic Haye applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les projets de loi présentés sous l’acronyme générique Ddadue, dont le contenu est généralement très aride, visent à incorporer à notre droit national un ensemble de directives et de règlements européens récemment adoptés.
Celui que nous examinons aujourd’hui n’échappe pas à cette règle : il transpose plusieurs directives et met en cohérence le droit national avec un certain nombre de règlements portant sur des thématiques techniques au champ très large, puisqu’elles concernent tout à la fois l’économie, les finances, la transition écologique, la procédure pénale, le droit social et l’agriculture.
En engageant la procédure accélérée sur ce texte, le Gouvernement démontre sa volonté de satisfaire à ses obligations européennes, afin que la France ne présente aucun déficit de transposition et dispose d’un droit national conforme aux différentes évolutions législatives européennes récentes. Certaines dispositions du texte anticipent même les modifications en cours d’élaboration à l’échelon européen, c’est dire !
Compte tenu de la grande diversité des thèmes abordés, le Sénat, de son côté, a choisi de créer une commission spéciale, présidée par M. Pascal Allizard, pour examiner les trente-quatre articles composant le présent projet de loi.
Dix-huit articles ont fait l’objet d’une procédure de législation en commission le 13 décembre dernier, au cours de laquelle les rapporteurs Fargeot et Pellevat, dont je souhaite saluer le travail, ont proposé de nombreux amendements de précision et de clarification rédactionnelle, mais aussi de coordination.
Le présent texte comporte de réelles avancées. Je pense à l’harmonisation des différents dispositifs nationaux en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des organes des sociétés commerciales avec ceux qui sont prévus par le droit de l’Union européenne.
Citons également les dispositions favorisant l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des parents et des aidants, notamment l’inscription dans le code général de la fonction publique (CGFP) du maintien des droits acquis ou en cours d’acquisition durant certains congés familiaux pour les fonctionnaires.
En matière de transition écologique, des dispositions visent à responsabiliser les opérateurs économiques mettant sur le marché ou en service des batteries. Voilà qui permettra d’encadrer ce secteur en plein essor. D’autres dispositions tendent à sécuriser le déploiement des infrastructures de recharge et de ravitaillement pour carburants alternatifs.
Sur le plan répressif, le texte introduit des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment en droit interne et désigne explicitement l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) comme autorité nationale compétente pour veiller au respect des exigences européennes concernant les paiements transfrontaliers dans l’Union.
Il prévoit aussi des dispositions relatives à l’échange d’informations entre les services répressifs des pays de l’Union européenne et visant à garantir un accès équivalent des services répressifs de tout État membre aux informations disponibles dans d’autres États membres.
Désormais, les pays de l’Union devront informer Eurojust, l’unité de coopération judiciaire européenne, de toute enquête pénale ou poursuite concernant une infraction terroriste, même s’il n’existe pas de lien connu avec un autre État membre ou pays tiers.
À l’heure où la menace terroriste pèse sur de nombreux États européens et où des cellules s’y développent, cette mesure renforcera la capacité de prévention et d’action de nos services de sécurité.
Le Gouvernement, qui a entendu les inquiétudes des rapporteurs, nous a précisé en commission que le parquet national antiterroriste conservera la maîtrise de la diffusion des informations méritant d’être transmises à Eurojust. Consulté par la Chancellerie, ce dernier ne semble d’ailleurs pas souhaiter endosser les missions supplémentaires d’animation et de coordination dévolues au correspondant national, actuellement assurées par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice.
Quant à la réforme de la garde à vue, les rapporteurs ont considéré que, en l’état, elle viendrait sérieusement compliquer l’efficacité de l’action des parquets et des officiers de police judiciaire (OPJ). Il est donc important d’opérer un travail d’équilibre entre préservation des droits des personnes gardées à vue et prérogatives des enquêteurs et des procureurs de la République.
Sur ce dernier sujet, qui me parle un peu plus que les autres, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), au nom duquel je m’exprime, vous soumettra deux amendements.
Le premier vise à supprimer la possibilité de justifier l’audition immédiate d’une personne gardée à vue hors la présence de son avocat « en raison de l’éloignement géographique du lieu où [elle] se déroule ».
Dans son avis motivé du 28 septembre dernier, la Commission européenne considère que l’expression « éloignement géographique » contenue dans la directive ne vise que les territoires d’outre-mer et le terrain des opérations extérieures menées par les forces armées. Cela entraînerait, à notre sens, des difficultés d’appréciation selon les ressorts et les capacités des barreaux.
Le second amendement que je vous propose a pour objet que le bâtonnier soit saisi aux fins de désignation d’un avocat commis d’office à l’expiration du délai de deux heures, non pas si l’avocat choisi déclare ne pas pouvoir se présenter, mais s’il ne s’est pas présenté dans ce délai – là encore, des difficultés d’interprétation pourraient se poser. Il me semble en outre préférable de faire figurer la renonciation expresse à un avocat au procès-verbal d’audition non récapitulatif.
Pour conclure, en matière d’adaptation au droit de l’Union européenne, notre marge de manœuvre est minimale. Le Parlement doit surtout veiller à ce que le Gouvernement ne sous-transpose ni ne surtranspose le droit européen. Il me semble que ce texte ne tombe dans aucun de ces écueils.
Pour cette raison, et parce qu’il nous oblige à l’échelle européenne, les sénateurs du groupe RDPI apporteront leur entier soutien au présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Yannick Jadot applaudit également.)
M. Lucien Stanzione. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en cette rare occasion où notre assemblée examine la transposition des directives européennes dans notre droit national, je souhaite mettre en lumière trois points soulevés par ce projet de loi qui exigent une vigilance accrue de notre part.
Tout d’abord, j’appelle votre attention sur la proposition de mise en conformité de l’article 31, qui suscite des inquiétudes en raison de la divergence de calendriers entre la directive RED III et notre législation nationale.
L’interdiction des microplastiques dans les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro soulève notamment des interrogations et remet en cause les avancées défendues dans la lutte contre les particules plastiques, engagée par notre ancienne collègue Angèle Préville.
De plus, elle suscite des préoccupations sur les évaluations entre instances nationales et européennes, ainsi que sur d’éventuelles pressions de lobbies. Doit-on y voir une amorce de renonciation ?
Les bénéfices attendus en termes de santé publique, notamment la réduction de l’incidence des diverses maladies, sont clairement démontrés dans l’étude d’impact de la Commission européenne. Il est crucial de le souligner, les avantages économiques des mesures de retrait pourraient atteindre environ 31 milliards d’euros par an, offrant ainsi certaines marges financières au profit de la prévention des maladies concernées.
Dans ce contexte, la France doit prendre l’initiative d’une démarche collective auprès des États membres, pour garantir une mise en œuvre efficace des dispositions, dans le sens du droit français actuel.
Concernant l’article 28, nous devons continuer de permettre l’accès à l’avocat dès le début de la garde à vue, et pendant toute la durée de celle-ci, pour garantir le droit à un procès équitable. La version initiale de cet article avait le mérite de renforcer l’intervention de l’avocat au stade de la garde à vue, ce moment clé de la procédure pénale, dont l’encadrement souffre d’un retard historique dans notre pays.
Cependant, les modifications apportées au texte par les rapporteurs en commission spéciale sont en opposition directe avec cet esprit de progrès. En effet, la formule qui a été choisie permettrait de déroger systématiquement à la présence de l’avocat.
Nous ne pouvons pas nous permettre de légiférer sur des sujets si complexes et sensibles dans de telles conditions, vous en convenez vous-mêmes, messieurs les rapporteurs. Pour ces raisons, nous voterons contre tout amendement qui aurait pour objet la réduction des droits de la défense du prévenu en garde à vue, notamment ceux qui relèvent de la présence d’un avocat.
Enfin, l’article 5 habilite le Gouvernement à transposer par ordonnances des mesures pour améliorer l’équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées. Nous encourageons une telle amélioration !
En matière de mixité dans les conseils d’administration et de surveillance, la France se situe, depuis 2021, en tête des pays européens. Toutefois, il est regrettable que les organisations syndicales n’aient pas été consultées, notamment sur l’harmonisation des règles de désignation paritaire des administrateurs salariés. Deux principes entrent ici en confrontation ; des solutions devront donc être trouvées sur cette question.
La transition écologique demeure aussi un enjeu central pour l’avenir de notre société. Mon collègue Michael Weber détaillera dans son intervention les dispositions relatives à ce volet ainsi qu’au marché carbone.
Au bénéfice de ces arguments et de ceux qu’avancera mon collègue, dont ce sera la première intervention à la tribune de cet hémicycle, nous nous abstiendrons.
Enfin, je souligne le travail très sérieux des rapporteurs et du président de la commission spéciale sur ce texte aride, ainsi que le très grand professionnalisme des services de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Pierre Barros et Yannick Jadot applaudissent également.)