M. François Patriat. Très bien !
M. Claude Malhuret. S’ils ne sont pas capables de s’unir face à des extrêmes qui nagent comme des poissons dans l’eau des réseaux antisociaux, des fake news et de l’injure, il ne faudra pas qu’ils se plaignent d’une défaite qu’ils n’auront su empêcher.
Il est temps que les raisonnables se rassemblent, qu’ils construisent une majorité ou des alliances, seule façon de gouverner la France avec succès.
Ce souhait sera peut-être considéré aujourd’hui avec indifférence ou ironie. Dans quelques mois, lorsque s’affichera le résultat des élections européennes, ceux qui, dans la majorité comme dans les oppositions républicaines, se complaisent dans des querelles de cour d’école, comprendront – je l’espère – que le temps des anathèmes est terminé.
Le général Mac Arthur disait que les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard. Réfléchissons à cette phrase tant qu’il est encore temps. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, si nous avons tous, dans cette enceinte, un devoir de vérité sur la situation de la France, nous avons aussi celui de cultiver l’espoir par nos initiatives et le dialogue avec nos territoires.
Il revient à chacun d’entre nous, quels que soient nos sensibilités ou nos désaccords, de faire preuve de responsabilité et de courage pour réparer, enrichir et préserver notre modèle social et républicain.
Sans méconnaître les difficultés que rencontre notre pays, verser dans le pessimisme ou la nostalgie d’une douce France à jamais disparue ne serait ni responsable ni mobilisateur.
Sans tout promettre, nous devons néanmoins trouver les voies pour que – oui, monsieur le Premier ministre – « nos enfants viv[ent] mieux demain que nous ne vivons aujourd’hui ».
Un nouveau cap pour l’emploi, l’éducation, la santé, le logement, la sécurité… le RDSE est prêt à entendre les nouvelles propositions, à en débattre, à soutenir toutes celles qui s’inscrivent sans détour dans le sillon de la justice sociale, de la solidarité et du progrès.
Monsieur le Premier ministre, vous nous trouverez à vos côtés sur le chemin d’une école qui tiendrait mieux son rôle, à la condition toutefois que l’instauration du port de l’uniforme soit non pas un cache-misère, mais le signal d’un retour aux fondamentaux de l’école républicaine – au premier rang desquels figure l’égalité des chances.
Mon groupe est également attaché aux manifestations d’appartenance républicaine et au respect du principe de laïcité.
Monsieur le Premier ministre, nous espérons qu’en la matière vous continuerez à faire preuve de la même fermeté que celle dont vous avez témoigné sur la laïcité : c’est indispensable pour protéger les consciences en éveil et pour développer l’esprit de tolérance chez les jeunes – condition du vivre ensemble.
Mon groupe est également attaché à une citoyenneté « réarmée », pour employer vos mots. Nous avons soutenu, au Sénat, des propositions : nous vous demandons de les regarder.
Nous serons également au rendez-vous de l’écologie, comme nous l’avons toujours été, pourvu que celle-ci soit non pas punitive, mais plutôt intelligente, cohérente et soutenable pour les forces vives de notre économie ainsi que pour les plus modestes.
La lutte contre le dérèglement climatique nécessite une large planification, des réflexions transversales et beaucoup d’innovations. Voilà certainement l’un des défis les plus difficiles à relever. La crise que traverse le monde agricole en est l’illustration.
Le RDSE a toujours défendu une agriculture durable, mais pas au prix du sacrifice de milliers d’exploitants, car c’est bien cela qui se joue. Les agriculteurs vous le disent partout : dans l’Hexagone comme, depuis quelques jours, dans les outre-mer. Ils se meurent, quand ils ne meurent pas au sens propre, sous le poids des normes, d’une concurrence étrangère déloyale et de la pression des distributeurs. Ils doivent franchir une vraie haie d’obstacles pour toucher, finalement, des revenus indécents. Oui, nous comprenons leur colère et nous serons attentifs aux solutions proposées.
Il est d’ailleurs bien regrettable que le travail de contrôle des parlementaires ne soit pas davantage pris en compte. Je pense, en l’espèce, aux soixante-trois propositions du rapport sur la détresse des agriculteurs. À quand, monsieur le Premier ministre, un véritable partage de la valeur ?
Pour ce qui concerne le front de l’emploi, vous annoncez un acte II. Il est difficile de dire, à cette heure, si vous parviendrez à atteindre votre objectif de plein emploi, alors que le contexte économique mondial est fragile. On ne peut que le souhaiter. Vous entendez dynamiser le dialogue de branche, baisser les charges, expérimenter la semaine de quatre jours dans l’administration. Nous regarderons avec intérêt et vigilance tous ces projets.
Rendre la lumière aux travailleurs de l’ombre des bureaux du secteur public est une belle ambition et nous la saluons, mais il faudra pousser l’effort jusqu’au secteur privé.
En ce qui concerne les conditions de travail, mon groupe a demandé, sans être toujours entendu, lors de l’examen de la réforme des retraites, des mesures fortes sur la pénibilité.
Monsieur le Premier ministre, j’espère que vous serez rapidement au rendez-vous sur tout ce qui constitue la contrepartie légitime du recul de l’âge de départ à la retraite.
De même, il faut sans attendre renforcer, et non pas colmater, notre système de santé. Au fil des décennies, celui-ci se fracture un peu plus. Les déserts médicaux sont le point d’orgue de cette évolution. Quels moyens supplémentaires – il en faudra ! – prévoyez-vous ?
Nous sommes en tout cas heureux que la résolution déposée par mon groupe, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, qui vient d’être adoptée par le Sénat en début d’année, trouve déjà un écho auprès du Gouvernement.
Comment espérer la réalisation du « réarmement démographique » promu par le chef de l’État, quand le secteur périnatal est en danger ? Mon groupe s’emparera de ce sujet cette année, en demandant la création d’une mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale.
Sans logement, il ne peut non plus y avoir de projets parentaux. En France, en 2024, des travailleurs vivent dans leur voiture. Dans les grandes villes, des sans-abri dorment sous les fenêtres des Airbnb. C’est intolérable !
Comment ne pas vous suivre quand vous dites vouloir construire plus de logements et simplifier les procédures ?
On ne peut ignorer cependant le coût du renforcement de ces politiques publiques. Aussi, je me demande avec inquiétude quelles seront les cibles qui feront les frais des 12 milliards d’économies promis pour l’an prochain, alors que beaucoup de nos services publics sont en difficulté.
Nous souscrivons évidemment à votre objectif de redressement des comptes publics. La question cruciale est celle du rythme de cet ajustement. S’il est trop rapide, il pèsera sur la croissance française, ce qui ne fera qu’aggraver notre dette. Je vous appelle donc à la mesure, monsieur le Premier ministre : le dernier défaut de paiement de la France remonte à 1797…
J’entends bien aussi ce que l’Europe vous commande, et nous commande. Elle figure dans l’intitulé de notre groupe, le Rassemblement Démocratique et Social Européen, et dans notre cœur. Toutefois, cet amour n’est pas inconditionnel. Nous l’avons démontré en faisant adopter au Sénat, dès 2018, une résolution sur le Mercosur.
Malgré ses imperfections, l’Union européenne n’est pas un problème ; elle est bien souvent la solution. Vous avez d’ailleurs rappelé, monsieur le Premier ministre, toutes les digues qu’elle a su construire pour protéger nos concitoyens. Ils ne doivent pas l’oublier ni céder aux sirènes des populismes, qui se résument bien souvent à la peur de l’autre.
Un remaniement gouvernemental sert à redonner un cap. Cependant, on ne tient pas seul un gouvernail. En cas de forte tempête, mieux vaut s’appuyer sur les loups de mer. Personne ne doute, monsieur le Premier ministre, de votre lucidité ni de votre volontarisme. Mais les réponses, vous le savez, viendront aussi des territoires, des corps intermédiaires, du monde associatif et de tous les élus locaux, sans lesquels rien ne serait possible.
Ces derniers doivent être mieux protégés, en sécurité, libérés, eux aussi, du poids des normes, afin qu’ils puissent mieux exercer leur mission.
Un nouvel acte de la décentralisation ? Pourquoi pas, si cela consiste à redonner du souffle aux collectivités locales pour qu’elles reprennent en main leur destin dans plusieurs domaines. Je pense notamment à la compétence eau et assainissement, que nous avons défendue en déposant une proposition de loi visant à en permettre une gestion différenciée.
En tant que sénateurs, il nous appartient de faire remonter l’intelligence des territoires dans l’hémicycle et de la mettre à disposition du Gouvernement.
J’espère, monsieur le Premier ministre, que vous trouverez la bonne méthode, que vous réussirez et que vous ne décevrez pas. Vous le devez à la jeunesse française, dans sa diversité, avec laquelle vous partagez sans doute l’audace. Toutefois, pour faire remonter la France sur le podium sans blessure, n’oubliez pas de puiser dans le vivier de l’expérience. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, depuis sept ans, Emmanuel Macron s’efforce à contretemps d’imposer à la France l’amère potion néolibérale des années 1980.
Depuis sept ans, excepté lorsqu’il s’est agi de signer des chèques en blanc aux entreprises, vous combattez la dépense publique, appauvrissez les collectivités locales, déplumez l’État et amputez les services publics.
Depuis sept ans, vous avez enrichi les plus riches, abîmé les mécanismes de redistribution, amoindri les filets de protection sociale et fait exploser les inégalités.
Vous nous annoncez la poursuite de cette politique de casse sociale sans précédent en vous attaquant au salaire minimum, aux minima sociaux et en détricotant la loi SRU.
Un Premier ministre du VIIe arrondissement de Paris est l’exécutant zélé du Président des riches : tout cela coule malheureusement de source !
Cependant, nous n’avions pas anticipé que le plus jeune Président et le plus jeune Premier ministre de la Ve République seraient à ce point non pas conservateurs, mais réactionnaires.
C’est là que demeure l’imposture originelle du macronisme : s’il a d’abord été présenté comme un libéralisme chimiquement pur à l’anglo-saxonne, il est aujourd’hui un trumpisme élégant de Rotary Club ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
La pandémie mondiale, la guerre en Ukraine et la crise écologique ont achevé de démontrer l’impasse de la mondialisation et de votre dogmatisme néolibéral. Or sans lui, monsieur le Premier ministre, vous n’avez aucun cap. Vous vous contentez de gérer les crises, toujours de la même manière : réactionnaire, autoritaire et, depuis peu, populiste.
Emmanuel Macron avait promis que chacun pourrait vivre de son travail. Sept ans après son élection, les agriculteurs bloquent le pays, étouffés par la concurrence mondiale déloyale et la rapacité de la grande distribution.
Face à une crise structurelle, dont votre idéologie est la cause fondamentale, vous vous engouffrez dans une dérive populiste qui fait de la protection de l’environnement et de la biodiversité l’épouvantail des difficultés du monde agricole.
Vos premières mesures n’apportent aucune réponse pour garantir un revenu décent aux hommes et aux femmes qui nourrissent la France ni pour renforcer notre souveraineté alimentaire. Vous vous gardez bien de combattre le libre-échange, de réinstaurer des quotas ou de refondre une PAC qui engraisse surtout quelques privilégiés.
Vous n’avez rien fait pour rehausser le niveau des salaires, renforcer le pouvoir d’achat des Françaises et des Français et leur permettre, notamment, de se nourrir correctement avec des produits locaux et de qualité. C’est pourtant l’une des conditions sine qua non pour garantir une rémunération décente à nos agriculteurs. Vous n’avez rien fait non plus pour favoriser leur installation et la transmission des exploitations, qui passeront par une indispensable réorganisation du travail.
Emmanuel Macron avait en 2017 une certaine vision des évolutions à venir du travail. Sept ans plus tard, cette vision s’est perdue dans le costume gris d’un comptable triste. Vous ne considérez le travail que comme un coût. En refusant d’indexer les salaires sur l’inflation, en ne revalorisant pas les fonctionnaires, en reculant l’âge de la retraite, vous dévalorisez le travail tout en prétendant réhabiliter la valeur travail. Cherchez l’erreur !
Emmanuel Macron devait être le président du renouveau démocratique. Sept ans plus tard, faute de pouvoir se nommer lui-même, il nomme un Premier ministre qui ne sollicite même pas la confiance du Parlement. Aucun pouvoir républicain n’a gouverné de manière aussi centralisée, aussi autoritaire, en manifestant un tel mépris du peuple et de tous les corps intermédiaires. Voilà votre réponse à la crise des « gilets jaunes », dont les doléances sont encore sous scellés.
Emmanuel Macron promettait « une République exemplaire ». Sept ans plus tard, on remanie non plus pour exfiltrer, mais pour faire entrer au Gouvernement des ministres mis en examen !
Emmanuel Macron avait fait de l’éducation et de la culture son premier chantier. Sept ans plus tard, vous faites vous-même, monsieur le Premier ministre, le terrible constat de la crise du métier de professeur, mais vous n’annoncez rien pour le revaloriser. Pis, vous déployez des écrans de fumée autour de l’abaya, vous vous égosillez sur la laïcité à l’école, mais vous laissez prospérer le séparatisme scolaire de l’enseignement privé catholique. Vous en faites presque un modèle pour l’école publique, puisque vous souhaitez revenir sur les acquis de mai 68 à coups d’uniforme obligatoire, de respect de l’autorité et de service universel ou civique.
Action, réaction ! Nous voilà revenus au modèle rééducatif du tyrannique directeur Rachin dans le film Les Choristes. (Marques de protestation sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Joshua Hochart s’en amuse.)
L’éducation punitive : telle est votre réponse à la crise des banlieues qui a agité notre pays l’été dernier ; telle est votre réponse à notre jeunesse en quête de sens dans « le vieux monde [qui] se meurt », théorisé par Gramsci.
Ce n’est même pas une politique de boomer, c’est une politique d’avant-guerre ! La jeunesse de ce pays et de ce continent se demande dans quel monde elle vivra, et vous ne faites pas le lien avec la baisse de la natalité…
Déconnecté, le Président de la République appelle, dans un discours que l’on croirait sorti des lendemains de la Grande Guerre, à réarmer démographiquement la France – sous-entendu : pour faire des soldats et des cotisants pour notre régime de retraite…
Vous annoncez que la santé mentale de la jeunesse sera votre grande cause nationale. On pourrait saluer l’initiative si la précédente « grande cause » ne s’était pas achevée en un soutien abject à Gérard Depardieu. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Emmanuel Macron devait être le barrage à l’extrême droite. Sept ans plus tard, il a ouvert toutes les vannes : la loi Immigration demeurera ainsi comme une indélébile déchéance politique et morale.
Avant de vous présenter devant le Parlement, vous avez soigneusement attendu, pendant un mois, que le Conseil constitutionnel rende sa décision : vous comptiez sur lui pour censurer les pires atrocités de votre pacte faustien avec la droite extrême et l’extrême droite. (Marques de protestation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mais personne n’est dupe : le ministre de l’intérieur, qui incarne la dérive illibérale du Gouvernement, siège toujours à vos côtés. Votre pacte de gouvernement tacite avec les soi-disant « Républicains » demeure.
Mes chers collègues de droite, je vous le dis gravement, vous avez, depuis plusieurs semaines, critiqué la Constitution du général de Gaulle avec la même virulence que les héritiers de Pétain. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Francis Szpiner protestent.)
Mme Agnès Evren. Quelle caricature !
M. Guillaume Gontard. Vous êtes sur une pente glissante, qui vous mène hors du champ républicain. Si vous refusez de l’entendre de ma bouche, entendez-le de celle de Xavier Bertrand.
Monsieur le Premier ministre, je n’ai pas encore parlé d’écologie, du moins pas selon la conception « ensilotée » que vous vous en faites.
L’affermissement du pouvoir de vivre, la réorganisation du travail, le renouveau démocratique, le renforcement des libertés publiques et de l’État de droit, un regard ouvert et accueillant sur le reste de l’humanité, un projet éducatif qui fait confiance à notre jeunesse et qui vise à lui redonner espoir dans l’avenir : c’est ça, l’écologie !
Elle est la vision qui vous manque pour, à partir des territoires et de l’innovation locale, recréer de l’activité économique et recouvrer notre souveraineté, grâce à une transition agricole pourvoyeuse d’emplois et rémunératrice pour les producteurs ; grâce à une réindustrialisation vertueuse, concentrée sur nos besoins essentiels et pensée dans une logique circulaire ; grâce à la transition énergétique, plus compétitive et plus souveraine que le nucléaire ; grâce à une production de logement biosourcés, économes en énergie et reposant sur des filières locales.
L’écologie est la solution pour résorber la fracture territoriale en repensant les mobilités, l’urbanisme et en permettant à celles et à ceux qui le souhaitent de quitter les métropoles.
L’écologie est la solution pour contrôler notre dépense publique, grâce à des investissements intelligents et à la sobriété.
L’écologie constitue, à elle seule, une politique de santé publique.
L’écologie est la solution, enfin, pour nous permettre de dépasser nos divisions, nos haines, nos égoïsmes et de nous mobiliser ensemble autour d’un objectif qui concerne l’avenir de l’humanité tout entière. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Joshua Hochart. Monsieur le Premier ministre, vous avez surjoué le volontarisme dans votre déclaration de politique générale. Drapé dans la nouveauté qu’inspire votre nomination récente, vous semblez découvrir une situation dont ni vous ni Emmanuel Macron ne seriez aucunement responsables, un bilan dont vous ne seriez pas comptables.
Ainsi, sous couvert de modernité et de jeunesse, votre logiciel politique est daté et obsolète.
Mais voilà que la crise agricole, lancinante et menaçante depuis des décennies, vous saute à la figure. Elle témoigne des ravages du libre-échange, d’une politique bruxelloise déconnectée des réalités du monde paysan et de celle d’un gouvernement resté sourd aux cris de colère et de désespoir.
Tous ces maux, que le Rassemblement national dénonce depuis longtemps, vous semblez les découvrir aujourd’hui, alors que nos agriculteurs convergent vers Paris dans un mouvement pacifique et pleinement soutenu par les Français.
Monsieur le Premier ministre, vous avez appuyé, d’une manière ou d’une autre, tous ceux qui ont échoué depuis dix ans, qu’ils soient de gauche ou de droite. Vous avez été incapable, par idéologie et par conformisme, de résister à un libre-échange délirant.
Comment peut-on encore vous croire en sachant que la feuille de route ultralibérale continuera d’être déroulée dans les mois et les années à venir ? Comment pourrez-vous rétablir la confiance, alors que vous êtes comptable – d’aucuns diraient coupable – du malheur de nos paysans ?
Monsieur le Premier ministre, vous parlez d’action, vous multipliez les déplacements, mais vous ne pouvez rien faire parce que vous ne vous libérez pas d’entraves confortables, qui permettent de systématiquement rejeter la responsabilité de ses échecs sur d’autres.
C’est à Bruxelles que se décide notre politique agricole. C’est bien là que réside tout le problème français : le pouvoir politique n’existe plus ; il est dilué, abandonné par les politiques eux-mêmes. Nos compatriotes l’ont bien compris : Bruxelles décide et les Français subissent.
Ce qui caractérise le système, dont vous êtes l’un des tenants, c’est l’impuissance consentie. J’en veux pour preuve la question sécuritaire et migratoire, la poursuite en 2023 de l’immigration massive, la non-exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) – source de nombreux drames –, les émeutes qui ont enflammé le pays en juillet dernier…
Monsieur le Premier ministre, vous évoquiez hier, à juste titre, votre satisfaction de pouvoir, en 2024, être Premier ministre et homosexuel assumé. Permettez-moi de sortir de l’immédiateté et de vous poser une question : si le laxisme sécuritaire et migratoire perdure, pensez-vous que nous pourrons encore assumer notre homosexualité en 2034 ? Je l’espère !
Cette question me conduit à évoquer le drame que vivent nos compatriotes et qui s’aggrave chaque année un peu plus : sept ans de Macronie, c’est sept ans de précarité, d’incapacité à se projeter, de sacrifices et de compromis, parce que leur pouvoir d’achat est la cible de mesquineries permanentes et l’exutoire du « quoi qu’il en coûte ».
Monsieur le Premier ministre, vous avez dressé hier le portrait d’une France idéale ; mais être Français en 2024, c’est aussi avoir du mal à boucler ses fins, voire ses débuts de mois, et c’est aussi ne pas trouver de place dans un institut spécialisé pour y placer son enfant en situation de handicap.
Vos promesses, monsieur le Premier ministre, n’y changeront rien. Votre communication léchée ne nous fera pas oublier la réalité et votre bilan. Votre gouvernement demeure minoritaire, dans les Chambres comme dans le pays.
Monsieur le Premier ministre, prenons date : nous faisons le pari que, dans six mois, un an, voire deux ans, rien n’aura changé. Les Français veulent des personnes qui agissent au quotidien et non qui se contentent d’être les témoins du déclin.
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés. Je crois qu’ils l’ont tous fait dans une logique constructive et en se tournant – je l’espère en tout cas – vers l’intérêt général des Français et de notre pays.
Monsieur Retailleau, vous avez insisté sur la nécessité de continuer à agir pour le réarmement économique de notre pays. Mais que les choses soient claires : je ne crois pas avoir donné le sentiment aujourd’hui, hier ou lors de mes autres interventions que je considère qu’en France tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pas du tout ! Simplement, il est juste de dire que des choses s’améliorent quand cela correspond à une réalité – cela fait aussi partie de mes responsabilités.
Et la réalité, c’est que le taux de chômage de notre pays se situe 2 points en dessous de celui auquel il s’établissait en 2017 et qu’il n’a jamais été aussi bas depuis vingt-cinq ans – 2 millions d’emplois ont ainsi été créés. C’est un succès dont je ne dis même pas qu’il est celui du Gouvernement, car je crois que c’est un succès collectif : nos entreprises ont réussi à créer des emplois ; nous les avons accompagnées et soutenues. C’est surtout un succès pour ces millions de familles dont l’un des membres a pu retrouver un emploi et qui peuvent ainsi vivre dans la dignité.
Je ne suis pas là pour dire que tout est rose, mais je pense que nous pouvons tous nous accorder sur le fait que tout n’est pas noir non plus. La réalité est probablement entre les deux.
Vous avez fait la comparaison avec l’Allemagne. Il est vrai que nous sommes encore nettement au-dessus des Allemands en termes de taux de chômage, de déficit et de dette. Mais notre économie est aujourd’hui plus dynamique ; ce n’est d’ailleurs pas nécessairement une bonne nouvelle pour nous que l’Allemagne soit en récession, puisque cela a des effets sur notre propre croissance. Toujours est-il que nous allons poursuivre nos efforts.
Sur la question des agriculteurs, j’ai déjà pris un engagement clair, que je répète ici : pas de surtransposition et pas d’interdiction sans solution.
Vous avez aussi abordé la question des surtranspositions qui subsisteraient. Il y en a beaucoup moins qu’avant, puisque notre pays, qui avait fait le choix, avant 2017, d’interdire certaines molécules, a été rejoint par les pays européens. C’est pourquoi je pense que ce sujet vaut avant tout pour l’avenir. J’y serai très vigilant.
Nous devons aussi être attentifs aux contournements manifestes des interdictions européennes de molécules dans certains pays qui nous entourent du fait de contrôles peut-être moins tatillons que les nôtres. (M. Yannick Jadot s’exclame.) Nous devons avoir cette préoccupation en tête.
Ensuite, quand une agence sanitaire française indépendante, dont je respecte évidemment le travail, prend l’initiative d’interdire un produit, alors même que le régulateur européen est en train de se pencher sur le dossier, je trouve que cela pose un problème. Nous devons probablement revoir notre organisation pour que le régulateur européen et les régulateurs nationaux parlent de concert, sinon nos agriculteurs risquent de se retrouver dans une situation de concurrence déloyale. (M. Yannick Jadot proteste.)
Sur tous ces sujets, dont nous parlons matin, midi et soir avec les représentants des agriculteurs, nous allons continuer d’avancer dans les prochaines heures.
Je veux revenir sur vos propos à l’endroit de mon gouvernement. Je crois au dépassement politique et au rassemblement ; c’est pour cela que j’ai rejoint Emmanuel Macron en 2017. À d’autres moments de l’histoire, y compris récemment – un autre Président de la République parlait d’ouverture… –,…
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas la plus grande des réussites !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Fillon I !
M. Gabriel Attal, Premier ministre. … des personnalités politiques d’origines diverses ont rejoint une majorité qui n’était pas nécessairement la leur.
Ce n’est pas l’exemple des gouvernements Fillon qui m’a convaincu, en 2017, de l’intérêt de mettre autour d’une même table des femmes et des hommes qui viennent d’horizons politiques différents pour les faire travailler ensemble, c’est mon expérience de conseiller municipal.
S’il est une assemblée en France où l’on est capable d’avancer ensemble, majorité et opposition, membres élus sur des listes différentes, sur certains sujets, c’est l’assemblée communale. Il arrive même parfois que des listes intègrent, à l’élection suivante, des personnes qui avaient été élues précédemment sur une autre liste.
M. François Patriat. C’est vrai !