Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons souligné lors de la discussion des deux motions de procédure, le texte dont nous nous apprêtons à discuter soulève pour nous de graves inquiétudes. Nous nous opposons, vous le savez, au fondement même de cette réforme.
Le démantèlement de l’IRSN, qui a su démontrer historiquement sa rigueur et son indépendance, est en effet incompréhensible, sauf à imaginer que l’on souhaite ainsi affaiblir un contre-pouvoir, capable d’apporter de l’objectivité dans le débat sur l’énergie nucléaire.
En effet, au risque de vous surprendre, la répétition en boucle des termes « fluidification » et « simplification » pour justifier le démantèlement de l’IRSN n’a pas suffi à nous convaincre de son bien-fondé. Ces mots sonnent creux, alors qu’il est reconnu, y compris à l’étranger, que notre organisation de sûreté nucléaire, reposant sur un système dual, fonctionne, même si elle pourrait, bien sûr, être améliorée.
En outre, si très peu d’arguments en faveur de la fusion nous ont été présentés, la liste des risques générés par cette réforme est, quant à elle, très étayée. L’avis que la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE) a rendu à la suite de la saisine que nous avions effectuée en février dernier est très clair : « Le moyen le plus sûr d’assurer la séparation de la gestion d’avec la recherche et l’expertise […] consiste à maintenir ces missions au sein de personnes morales différentes. »
La tenue d’un dialogue tripartite entre EDF, l’ASN et l’IRSN permet une triangulation dans l’analyse de risque, ainsi qu’une diversité dans les points de vue, garante d’une anticipation et d’une meilleure analyse des enjeux liés aux décisions en matière de sûreté. Affaiblir ce système semble dangereux, alors que les catastrophes technologiques ont souvent, dans l’histoire, été liées à des problèmes organisationnels – cela a été clairement démontré par les chercheurs étudiant les accidents, que ce soit dans le domaine spatial, chimique, aéronautique ou nucléaire.
Les experts en management des organisations disent, de même, que les fusions sont bien souvent synonymes de confusion. Faire converger les pratiques, les fonctionnements et les cultures de deux organismes suscite de l’instabilité et prend du temps. Et le succès, monsieur le ministre, n’est pas garanti.
Tous ces éléments donnent l’impression que ce texte est destiné à faciliter la relance à marche forcée du nucléaire, en affaiblissant les contre-pouvoirs, quitte à ce que cela se fasse au détriment du niveau de sûreté.
La mise en œuvre de cette réforme ne vient pas nous rassurer à cet égard, bien au contraire.
Son calendrier, tout d’abord, est extrêmement rapide et semble à même d’entraîner de fortes désorganisations. Une entrée en vigueur au 1er janvier 2025 semble irréaliste, alors que l’on parle de relocaliser les quelque 1 700 collaborateurs de l’IRSN et de faire travailler ensemble des cultures différentes.
Cette désorganisation arrive à un moment où l’activité de l’ASN et de l’IRSN augmente, sans garantie de renforcement des moyens humains, avec à la clé des conditions de travail fortement dégradées. L’intersyndicale de l’IRSN est d’ailleurs inquiète des conséquences de cette fusion pour les salariés ; elle alerte sur le niveau de sûreté qui pourrait en résulter. Car c’est l’attractivité de ces métiers, donc notre capacité à gérer le risque nucléaire, qui est en jeu.
Autre point de forte inquiétude, la mise en place, au sein de la future Autorité, de la séparation entre expertise et décision, pilier fondamental de notre sûreté nucléaire, est insuffisante. Le texte n’apporte pas de garantie sur l’indépendance des experts, alors que l’IRSN était reconnu pour fournir des données de façon robuste et objective.
Autres principes clés malmenés par ce texte, la transparence et le dialogue avec la société civile y sont en net recul par rapport au système existant. L’IRSN avait réussi à nouer un dialogue avec la société civile, et il est reconnu comme participant efficacement à la démocratie technique et environnementale. Rien n’indique que la future entité jouera ce rôle, a fortiori quand la publicité de ses travaux n’est pas suffisamment garantie.
Loin de la fluidité promise, cette réforme semble bancale et inaboutie, comme en témoigne le renvoi de nombreux points à un futur règlement intérieur, dont l’élaboration n’est que peu encadrée.
Sur ces points, la commission de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a tenté, je le reconnais, d’améliorer la copie du Gouvernement, qui n’apportait aucune garantie. Mais ses modifications sont aujourd’hui remises en cause par le Gouvernement.
Nous sommes donc plus qu’inquiets, monsieur le ministre, face à cette volonté désormais très claire d’acter des retours en arrière sur la transparence et l’indépendance de l’expertise. Rappelons-le, nous parlons ici de la sécurité de nos concitoyens et de notre environnement, non pas seulement pour aujourd’hui, mais pour des siècles !
Nous nous opposons à la relance nucléaire. Nous avons à maintes reprises souligné l’impasse financière et les risques liés à cette technologie. Mais, que l’on soit pour ou contre l’énergie atomique, la maîtrise du risque d’accident nucléaire reste une priorité et doit conditionner tous nos choix.
Nous nous opposons donc plus que jamais à ce texte. Et si nous proposons des amendements pour tenter de limiter les risques qu’il comporte, nous vous appelons, mes chers collègues, à ne pas voter ce projet de loi : je le dis avec force, il est dangereux et inabouti. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour les communistes, la relance et le développement de la filière nucléaire française doivent marcher sur deux pieds.
En premier lieu, il faut un statut de haut niveau pour les salariés, y compris les sous-traitants, qui reconnaisse leurs qualifications, avec un haut niveau de rémunération : un statut qui les protège et qui, donc, nous protège.
En second lieu, il faut une transparence totale en termes de sûreté, pour permettre l’adhésion totale des citoyens et citoyennes, ainsi que des élus locaux.
Or au moment où l’on s’apprête à relancer le nucléaire français, le Gouvernement décide dans le même temps de réformer le contrôle de sa sûreté. Très bien, mais dans quel but, et pourquoi ? Jusqu’alors, cette mission d’intérêt général reposait sur un système dual, composé de l’ASN, gendarme du nucléaire, et de son expert technique, l’IRSN. Ce système éprouvé n’a cessé d’évoluer pour garantir la conciliation entre une diversité de points de vue, ce qui a permis d’éviter le monolithisme décisionnel, vecteur de risques.
Si des pistes d’amélioration sont toujours envisageables, le Gouvernement a fait le choix d’une restructuration dont le bien-fondé a été très largement contesté par les personnels de l’IRSN et de l’ASN, mais aussi par de nombreux chercheurs et scientifiques.
Aussi, monsieur le ministre, pourquoi défaire ce qui fonctionne ? Aucun des arguments que vous avez présentés ne tient la route. La vérité est donc ailleurs.
Le Gouvernement, comme parfois l’exploitant, a toujours considéré que l’IRSN était un frein dans le développement du nucléaire et que, pour relancer ce secteur, il fallait y aller vite et fort – en réalité, en finir avec l’IRSN.
Le résultat, c’est la désorganisation que nous constatons actuellement, principalement liée au fait que vous n’avez pas nommé de préfigurateur à la fusion et qu’il s’ensuit une grande incertitude, justifiée, chez les salariés de l’ASN comme de l’IRSN.
Pour l’IRSN, près de la moitié de l’équipe de sécurité a démissionné. Il ne reste que trois personnes affectées au traitement des déchets radioactifs, et deux à la supervision des 56 réacteurs. Voilà les résultats de vos choix politiques : les salariés s’en vont déjà !
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous répondre à quelques questions simples ? Quels concours de recrutement seront prévus ? À quel niveau de rémunération ? Combien de postes seront ouverts ? Il faut que vous nous répondiez clairement sur vos ambitions pour assurer l’attractivité de cette nouvelle entité de sûreté nucléaire, d’autant que tous nos amendements ayant pour objet les salariés et la question sociale ont été déclarés irrecevables, ce qui est inacceptable.
En fait, votre réforme est aussi – c’est de plus en plus une habitude – sous-tendue par la rationalité économique. Cependant, les treize groupes de travail mis en place ont montré que, dans un certain nombre de domaines, cette fusion coûtera plus cher. Par exemple, la coordination entre les différents outils informatiques – 400 d’un côté, 40 de l’autre – mettra, au minimum, plusieurs mois à se réaliser. En tout cas, elle ne sera pas achevée le 1er janvier 2025.
Autre exemple, alors que la sûreté nucléaire militaire, jusqu’alors dévolue à l’IRSN au même titre que le nucléaire civil, risque d’être transférée au ministère des armées, des divergences d’avis de sûreté sont à craindre, en plus d’un recul sur la transparence.
Pour les réacteurs SMR – une technologie transposée du domaine militaire au civil –, l’impossibilité de mobilités internes résultant de cette restructuration fera perdre des connaissances précieuses. Cela doit nous alerter, d’autant que ces nouveaux réacteurs seraient confiés à des acteurs privés, qui ne raisonnent qu’en termes de profit, et non d’intérêt général.
Plus généralement, le présent projet de loi ne garantit pas le même degré d’indépendance et de sérénité de l’expertise. Or celle-ci doit se fonder uniquement sur des faits scientifiques et rester hermétique à la faisabilité industrielle ou aux intérêts économiques et commerciaux.
Actuellement, la production nucléaire est une activité hautement capitalistique. Les enjeux économiques liés aux décisions de démarrage ou d’arrêt des centrales sont donc prégnants. Si l’objectif de minimiser la durée d’exploitation, pour des raisons économiques, est compréhensible, nous considérons que l’impératif de sûreté doit toujours primer.
Plus encore, ce projet ne garantit pas la pérennité des exigences actuelles en termes de transparence et de démocratie environnementale, alors que ce sont là des valeurs fondamentales, ainsi qu’un maillon essentiel de la confiance des citoyens et des citoyennes envers le secteur nucléaire. Si la publication des avis de l’IRSN reposait auparavant sur un fondement légal, le texte, tel qu’il nous est présenté, relègue cette possibilité, de manière vague, au domaine du règlement intérieur.
Ainsi, contrairement à la communication gouvernementale, qui assure que ce projet de restructuration vise à renforcer et fluidifier le contrôle de la sûreté nucléaire, nombre des effets potentiels du texte semblent nous éloigner des objectifs annoncés. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois avouer que j’ai eu bien du mal, comme d’ailleurs beaucoup de mes collègues, à me forger une conviction solide quant à la pertinence du projet de loi qui nous est soumis.
Ce n’est pas faute d’avoir cherché des arguments objectifs, au-delà des clivages idéologiques. Toutefois, après analyse du texte, force est de reconnaître que beaucoup de questions demeurent, et que nul n’est capable de prédire les conséquences qu’auraient son adoption ou son rejet.
Ce que nous savons avec certitude, c’est que notre système dual de sûreté nucléaire bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance nationale et internationale. Les Français ont confiance en lui. Il s’agit d’un système qui agit en toute indépendance et en toute impartialité, au service de l’intérêt général.
Néanmoins, la relance historique de notre filière nucléaire exige que nous repensions et adaptions l’organisation de notre sûreté nucléaire. Il est possible que ce texte apporte une réponse concrète à cette obligation – un certain nombre de membres du groupe RDSE le pensent. Quoi qu’il en soit, les débats qu’il suscite sont essentiels : faire la démonstration de la sûreté d’un système, c’est d’abord le confronter au doute !
Or le premier doute qui nous taraude concerne les gains d’efficience qui seraient apportés par la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. On comprend l’ambition, l’intention, la volonté de construire une autorité plus forte, plus réactive. Mais ceux qui, parmi nous, ont été élus locaux et qui ont vécu des fusions de collectivités savent bien que le gigantisme n’est pas toujours synonyme d’efficacité, loin de là. Nul doute aussi que, derrière la fusion, se cachent des enjeux de gouvernance, qui mériteraient aussi d’être posés sur la table.
Dans cette même logique de clarification, vous me permettrez de louer les travaux effectués par nos rapporteurs en commission. Ils ont cherché à préserver une distinction des responsabilités entre l’expertise et la décision, à renforcer l’expertise indépendante en consacrant l’existence des groupes permanents d’experts (GPE), à garantir un niveau de transparence élevé, à prévenir les conflits d’intérêts, notamment pour préserver les capacités de recherche, ainsi qu’à mieux associer le Parlement et la société civile.
Ces apports de la commission ne risquent-ils pas, toutefois, de créer tout simplement un nouveau système bicéphale, une hydre à deux têtes ?
Nous recherchons l’équilibre parfait entre l’amélioration de l’efficience des procédures, d’une part, et le maintien de notre sûreté nucléaire au niveau d’exigence et de transparence le plus élevé possible, d’autre part ; mais cette fusion risque d’entraîner une désorganisation du fonctionnement de deux organismes qui ont appris, au fil des années, à travailler en bonne intelligence.
Le calendrier de ce projet de loi nous interpelle aussi. La fusion de différentes structures peut déboucher sur un travail d’intégration administrative qui est susceptible de durer des années. Avons-nous des années à sacrifier à une telle réorganisation, alors que l’on parle de la mise en route des premiers réacteurs de type EPR2 à l’horizon de 2035 ?
Mes chers collègues, notre sentiment est le suivant : en créant cette nouvelle autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, on sait ce que l’on perd, mais il est difficile de savoir ce que l’on gagne. Attention à ne pas ébranler un système qui, par sa dualité et sa fiabilité, a tissé un véritable lien de confiance avec les Français : celui-ci est la pierre angulaire de l’acceptabilité sociale du nucléaire et la condition sine qua non de la relance de la filière.
Comme cela a été dit par de nombreux collègues avant moi, il existe pourtant d’autres solutions alternatives à la refonte de la gouvernance de notre sûreté nucléaire. Je pense à une augmentation substantielle des ressources de l’IRSN et de l’ASN, pour garantir leur soutenabilité sur le long terme, à la poursuite de l’effort d’augmentation des moyens humains de ces deux entités et à la révision de leurs politiques de ressources humaines, afin de renforcer l’attractivité de leurs métiers.
Le nucléaire a un rôle clé à jouer dans la politique énergétique française du XXIe siècle, pour renforcer la souveraineté de la France et pour répondre à l’exigence de disposer d’une énergie décarbonée, pilotable et disponible !
Notre contrôle de la sûreté nucléaire a permis de faire accepter cette énergie auprès de nos concitoyens. Je ne sais pas s’il faut prendre le risque de sacrifier cette confiance pour plus d’efficience.
Le groupe RDSE, vous le savez, est toujours du côté du progrès et de la simplification administrative. Mais, en ce qui concerne la sûreté nucléaire, il appelle à la vigilance, et chacun de ses membres votera en son âme et conscience, à l’issue de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire de la France le premier des grands pays industriels à sortir de la dépendance aux énergies fossiles, tel est l’objectif fixé.
Cela passera par la relance, historique, de notre filière nucléaire. (M. Daniel Salmon s’exclame.) Ce texte est donc primordial.
Les deux tiers de notre consommation d’énergie finale émanent encore aujourd’hui des énergies fossiles. Nous devons accélérer la décarbonation de notre pays et développer la production massive d’énergie décarbonée, qu’elle soit nucléaire ou renouvelable.
Nous partageons tous ici une ambition commune : remettre notre pays sur la bonne trajectoire énergétique. Si l’on attend avec impatience le projet de loi sur la souveraineté énergétique, l’objectif de la stratégie française pour l’énergie et le climat, ainsi que des deux lois d’accélération votées l’année dernière, relatives à la production d’énergies renouvelables et à la construction de nouvelles installations nucléaires, est identique : produire plus d’électricité décarbonée pour faire face aux besoins futurs.
En effet, une France souveraine face aux instabilités géopolitiques est une France qui maîtrise sa production d’énergie.
Comme l’a rappelé le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) l’été dernier, nous devrons produire entre 580 et 640 térawattheures supplémentaires d’ici à 2035, pour couvrir l’ensemble des besoins en électricité.
Cette stratégie exige donc que nous accélérions fortement le rythme sur les énergies renouvelables et sur le nucléaire, de façon continue et de façon structurelle.
Je salue en ce sens la création d’une délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire, le déploiement de crédits d’investissement massifs dans le cadre des plans France Relance et France 2030, la tenue de conseils de politique nucléaire, ainsi que les victoires acquises par le volontarisme d’Agnès Pannier-Runacher, telles que la nouvelle définition de la taxonomie verte et la création de l’Alliance du nucléaire, qui permettent de placer cette énergie au cœur des politiques européennes.
Comme l’a souligné le Gouvernement ces derniers mois, la relance du nucléaire passera par la prolongation du parc existant, le développement de nouveaux réacteurs nucléaires français – les EPR2 et les SMR –, et par de nouvelles solutions de stockage des déchets.
Alors que nous n’avons développé qu’un seul EPR depuis dix-neuf ans, cette relance du nucléaire demandera une montée en charge et en capacité inédite pour la filière depuis le plan Messmer. C’est un changement de paradigme complet, dont la réussite et l’acceptation par nos concitoyens requièrent un niveau de sûreté optimal et inchangé.
Il s’agit aussi d’un enjeu industriel majeur, puisque 100 000 emplois sont à créer en dix ans.
C’est pourquoi réformer la gouvernance de notre sûreté nucléaire aujourd’hui ne nous semble pas dénué de sens.
Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement du débat que nous avons eu, au début de l’année dernière, lors de l’examen du texte relatif à l’accélération du nucléaire.
Le groupe RDPI se félicite qu’une réflexion de long terme ait pu avoir lieu, marquée notamment par le rapport de l’Opecst, ou la conduite de nombreuses consultations publiques avant la présentation du projet de loi en conseil des ministres.
Afin d’assurer une pleine maîtrise industrielle et le maintien des standards de qualité et de sûreté au plus haut niveau imaginable, dans le contexte hors norme que nous connaissons et qui a été rappelé, le Gouvernement a fixé quatre objectifs qui constituent autant de principes qui devront guider l’examen de ce texte : l’amélioration de l’efficience des procédures ; l’indépendance de l’autorité vis-à-vis des exploitants nucléaires et du Gouvernement ; l’exigence d’une transparence renforcée vis-à-vis du public ; et l’amélioration de l’attractivité des métiers, pour que la nouvelle autorité bénéficie de compétences et d’une expertise d’excellence. Et il n’est pas inutile ici de rappeler la responsabilité première de l’exploitant.
Nous avons adopté 57 amendements lors de l’examen du projet de loi en commission. Je tiens d’ailleurs à remercier les rapporteurs au fond et pour avis de leur travail.
Une grande partie des modifications que nous avons adoptées visent à apporter des précisions pour répondre aux inquiétudes exprimées, concernant, notamment, la séparation entre les activités d’expertise et de décision au sein de la future autorité, ou la publication des avis d’expertise.
En outre, alors que le calendrier est particulièrement contraint et que l’activité de l’autorité sera intense, trois points nécessiteront une attention particulière : le respect de l’engagement d’un rattrapage des salaires des salariés et des contractuels publics ; l’accompagnement des changements majeurs dans les procédures de travail des 500 fonctionnaires et contractuels de droit public de l’ASN et des quelque 1 600 salariés de droit privé de l’IRSN, dans une configuration inédite pour une autorité administrative indépendante ; et, enfin, la mise en œuvre claire des dispositions sociales qui figurent dans le projet de loi.
Notre commission a également créé, au sein de la future autorité, une commission d’éthique et de déontologie composée de personnes extérieures qualifiées, sur le modèle de celle qui existe actuellement pour l’IRSN. Elle sera chargée de conseiller le collège pour la rédaction du règlement intérieur, d’en suivre l’application et de prévenir les conflits d’intérêts.
Nous avons aussi adopté un amendement, déposé par nos deux rapporteurs, qui vise à pérenniser, conformément à une recommandation de l’Opecst, l’existence de groupes permanents d’experts nommés en raison de leurs compétences – les modalités de nomination seront précisées dans le règlement intérieur de l’autorité.
Le groupe RDPI, vous l’avez compris, salue la plupart des évolutions intervenues en commission et se prononcera en faveur de ce texte. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré le travail des rapporteurs, que je salue, ce projet d’intégration de l’IRSN dans l’ASN ne nous paraît pas suffisamment fondé en raison.
Son étude d’impact, faible, ne définit pas clairement les objectifs.
S’agit-il d’aller plus vite ? De faire des économies ? D’améliorer les processus d’expertise et de décision ? On ne sait pas.
S’agit-il de mieux communiquer avec le public ? On ne le sait pas davantage et les territoires expriment leur inquiétude par la voix de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli).
L’Opecst, dans son rapport, au demeurant de bonne facture, informatif et pédagogique, auquel il est fait souvent référence – comme s’il valait étude d’impact ! –, ne dit rien non plus sur ces points. La fusion est prise comme un postulat.
Qui plus est, le futur plan de charge annoncé s’inscrit dans un cadre programmatique non défini à ce jour.
Toujours pas non plus de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ! Le titre Ier du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique devait en traiter. Il a été supprimé par le Gouvernement. À tel point que le Conseil supérieur de l’énergie (CSE), unanime, s’en est ému officiellement lors de sa séance du 25 janvier dernier.
En résumé, on fait tout à l’envers depuis le début, et on persévère à chaque occasion ! On travaille au coup par coup, sans perspective d’ensemble. Ne croyez-vous pas que le titre II de ce projet de loi aurait dû figurer, il y a des mois, dans la loi de relance du nucléaire ?
Plus grave, la perspective du développement de petits réacteurs SMR, stratégique pour la décarbonation de l’industrie, ne devrait-elle pas faire l’objet de discussions dès maintenant, notamment quant à son volet sur la sûreté et la radioprotection ?
Le plus incongru reste sans doute l’absence d’un ministre avec lequel nous aurions pu échanger. Quelle considération pour le travail du Parlement, et accessoirement pour l’examen du texte qui nous est soumis aujourd’hui !
Sur le fond, ce projet de fusion entre l’ASN et l’IRSN fragilise ou remet en question certains principes auxquels nous sommes attachés, notamment celui, fondamental, de l’indépendance du scientifique, qui nécessite qu’une séparation soit garantie entre l’expertise et la décision.
L’enjeu majeur, c’est de gagner la confiance de toutes les parties prenantes, dont le grand public. Or il n’y aura pas de confiance publique sans transparence totale.
De surcroît, la question des moyens financiers nécessaires à l’augmentation de charge est renvoyée à un rapport.
Quelles sont les perspectives d’exercice et d’évolution pour les métiers, hautement qualifiés, concernés ? Les personnels sont inquiets.
Nous n’avons pas de réponses à toutes ces questions majeures. Nous n’avons pas non plus de proposition d’optimisation de l’organisation existante ni d’évaluation de cette dernière au regard des objectifs visés, lesquels sont, il faut le reconnaître, peu ou pas formulés.
Pour toutes ces raisons de fond, nous nous opposerons à ce projet de loi.
M. Franck Montaugé. Cependant, en responsabilité et dans la continuité des échanges que nous avons eus avec l’Anccli et les syndicats des deux établissements, nous proposerons des amendements pour renforcer la sûreté et la radioprotection en France. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les projets de loi que nous examinons actent la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire au sein d’une autorité unique de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Ces textes visent à renforcer l’attractivité des métiers, à accroître la transparence du nouvel organisme vis-à-vis du public et à garantir l’efficience de la sûreté nucléaire.
Bien que techniques, ces dispositions sont utiles et bienvenues pour accompagner la relance du programme nucléaire civil français que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années au Sénat.
Elles s’inscrivent dans le prolongement de la loi sur l’accélération du nucléaire, que nous avons votée en juin dernier et qui doit permettre de revenir sur les erreurs fatales commises par le passé, notamment l’abandon du projet de surgénérateur Superphénix par la gauche plurielle, en 1997, ou la fermeture de la centrale de Fessenheim plus récemment.