M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Daniel Fargeot. Ma question s’adresse à madame la secrétaire d’État chargée du numérique.
La semaine dernière, le groupe Atos, entreprise de services numériques implantée dans le Val-d’Oise, renonçait à son projet d’augmentation de capital. Dans la foulée, le titre dévissait une nouvelle fois de 25 %, soit un repli de plus de 50 % de sa valeur depuis le début de l’année et de 95 % en trois ans, traduction boursière d’une réelle perte de confiance dans la capacité de l’entreprise à se transformer.
Le projet de scission entre les activités d’infogérance et les activités de cybersécurité plus stratégiques a du mal à convaincre, malgré la récente présence d’Airbus à la table des négociations. Atos est bel et bien au bord de la faillite et confronté à une véritable problématique de liquidité.
Le recours annoncé à un mandataire ad hoc facilitera sans aucun doute les discussions avec les vingt-deux banques créancières pour refinancer les 3,6 milliards d’euros de dettes du groupe d’ici à la fin de l’année 2025.
Cela pourrait être l’histoire ordinaire d’une entreprise qui connaît une grave crise financière et qui utilise des outils lui permettant de gagner du temps pour négocier. L’histoire n’est peut-être toutefois pas si ordinaire, puisque le Sénat s’apprête à lancer une mission d’information sur les raisons de cette déconfiture. Et pour cause, nous sommes bien dans une situation d’urgence, car la France est plus que jamais liée à Atos.
Le géant informatique intervient en effet dans les secteurs stratégiques fondamentaux en matière de défense et de nucléaire. C’est aussi un partenaire de premier plan des jeux Olympiques de 2024 qui gère les opérations technologiques et de sécurité des soixante-trois sites olympiques et paralympiques.
M. le ministre Bruno Le Maire a indiqué la semaine dernière dans Les Échos que l’État « utilisera tous les moyens à sa disposition pour préserver les activités stratégiques » du groupe.
Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : quels sont ces moyens indispensables pour garantir la continuité de nos activités sensibles, sans perte de souveraineté, et pour pérenniser nos 10 000 emplois en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Rachid Temal applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Fargeot, je tiens tout d’abord à vous assurer de la pleine et entière mobilisation de l’intégralité des membres du Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre et du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur le dossier Atos, crucial pour notre pays.
Comme vous l’avez rappelé, Atos est l’un des fleurons de l’informatique. Ses technologies jouent un rôle clé pour notre autonomie stratégique, notre sécurité collective et notre défense.
Atos est aussi chargé de nombreux services pour la gestion des services publics et parapublics que nous utilisons quotidiennement.
Au mois de novembre dernier, M. le ministre Bruno Le Maire a indiqué que l’État veillerait à ce que les activités les plus sensibles, notamment les activités en lien avec la défense et les supercalculateurs, restent bien sous contrôle de l’État français.
M. Rachid Temal. Comment ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Nous sommes déterminés à défendre fermement les intérêts de la France dans ce dossier, monsieur le sénateur.
Nous le faisons notamment au travers des mécanismes de contrôle des investissements étrangers en France.
M. Rachid Temal. Comment ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Nous disposons également d’autres outils que nous saurons mobiliser si nécessaire.
M. Rachid Temal. Avec quels moyens ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. L’État veillera ainsi à encadrer et coordonner les discussions de restructuration en cours, avec la mobilisation du comité interministériel de restructuration industrielle qui accompagne d’ores et déjà le groupe.
M. Rachid Temal. Avec quels moyens ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Atos est par ailleurs l’un des principaux intégrateurs des technologies conçues pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), qui a audité les infrastructures développées par Atos très récemment, n’a à ce jour identifié aucune dégradation des relations avec Atos. Les équipes de l’entreprise continuent de travailler en étroite coordination et en bonne relation avec l’Anssi sur la sécurisation des infrastructures sensibles pour l’organisation des jeux Olympiques.
Nous serons enfin naturellement très attentifs aux conclusions de la mission d’information que le Sénat conduira. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
sécheresse dans les pyrénées-orientales
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécheresse historique que traverse le département des Pyrénées-Orientales – pas de pluie, pas de neige et barrages au plus bas –, confirmée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), place les nappes phréatiques de notre département dans le rouge et emporte des conséquences inédites sur les deux piliers que sont l’agriculture et le tourisme, ce qui affecte fortement notre économie.
La situation est telle que certains maires sont obligés d’alimenter leurs administrés en eau potable à l’aide de bouteilles ou de citernes.
Malgré les efforts réalisés par tous notamment à la suite d’une charte cosignée par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), les services préfectoraux et les élus locaux en matière d’usage, dont les dispositions ont permis d’économiser 30 % d’eau, ou du partenariat passé entre Perpignan Méditerranée Métropole (PMM) et l’agence de l’eau, nous n’y arrivons toujours pas.
Il est donc grand temps de passer à la vitesse supérieure. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de comités Théodule et de déclarations d’intention : il faut agir, et vite !
La délégation à la prospective de notre assemblée a déjà tiré la sonnette d’alarme en 2016, avec le rapport d’information Eau : urgence déclarée de nos collègues Jean-Jacques Lozach et Henri Tandonnet. En 2022, nous avons encore affiné nos analyses et nos propositions dans le rapport d’information Éviter la panne sèche – Huit questions sur l’avenir de l’eau, dont j’étais corapporteur.
Dans ce contexte alarmant qui ne va pas s’améliorer compte tenu du dérèglement climatique, un plan d’action doit être rapidement mis en œuvre afin de limiter les fuites des réseaux d’eau tout en agissant sur les canaux d’irrigation, les retenues collinaires, les eaux usées, les usines de désalinisation, les débits réservés et la prolongation du « tuyau » Aqua Domitia qui achemine l’eau du Rhône et qui s’arrête dans l’Aude.
Si la question du coût ne doit naturellement pas être éludée, il faut lâcher les vannes, monsieur le ministre. Il y a urgence, car, chaque jour qui passe, c’est une entreprise qui s’assèche, une commune qui n’a pas d’eau potable, un incendie qui se déclenche, un projet urbanistique qui s’éteint.
À quand un plan Marshall pour les Pyrénées-Orientales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Jean Sol, depuis vingt mois, c’est-à-dire depuis le mois de juin 2022, le département des Pyrénées-Orientales n’est pas sorti des mesures de restriction. Ce cas est unique en France.
Nous sommes confrontés à un niveau de sécheresse historique, avec un déficit d’humidité des sols qui atteint 90 %. La sécheresse historique qui sévit également plus au Sud, près de Barcelone en Espagne, est la preuve, pour les rares climato-sceptiques qui pourraient subsister, que le temps de l’action et de l’adaptation s’impose désormais.
À travers vous, monsieur le sénateur, je tiens à saluer l’ensemble des collectivités locales, qui ont pris leurs responsabilités et qui, en appliquant le plan préfectoral, ont permis une baisse de 30 % de la consommation d’eau. Je salue également le plan d’action présenté il y a quelques jours par le préfet des Pyrénées-Orientales sous l’autorité du ministère de l’intérieur et de mon ministère.
Alors qu’il n’existait qu’un seul projet de réutilisation des eaux usées l’année dernière, ce sont désormais sept projets qui sont accompagnés par l’État. Nous sommes sur le point de soutenir un nouveau projet ambitieux lancé par la communauté urbaine de Perpignan.
En parallèle, des projets de retenues collinaires ont été élaborés, avec la réserve que, même si nous en acceptons le principe, il faut bien qu’il pleuve pour que ces retenues soient utiles. Or, avec 153 millimètres cumulés de précipitations au cours de ces derniers mois, nous constatons que la ressource manque.
M. Yannick Jadot. Et pourquoi pas des mégabassines ?
M. Christophe Béchu, ministre. Nous devons donc à la fois poursuivre ces efforts de sobriété, qui ont permis, comme vous le mentionnez, une baisse de 30 % de la consommation d’eau dans votre département, et optimiser l’ensemble de notre stratégie, dans le prolongement du plan Eau, lequel prévoit de nouveaux moyens pour lutter contre les fuites, insiste sur la nécessité pour une commune isolée de ne pas gérer seule la compétence eau, et rappelle l’intérêt que nous aurions à réutiliser les eaux usées.
D’ici à la fin du mois de février, le préfet des Pyrénées-Orientales me fera part de l’ensemble des perspectives qui sont les nôtres en la matière. J’aurai en outre l’occasion, au mois de mars prochain, de me rendre dans votre département, à la rencontre de vos administrés, qui sont particulièrement concernés par ces difficultés et qui subissent une situation, certes unique, mais dont, à bien des égards, nous devons nous inspirer pour nous adapter efficacement au changement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.
M. Jean Sol. Monsieur le ministre, je vous remercie de reconnaître l’étendue des dégâts, mais ce ne sont pas des mots que nous attendons pour panser nos maux.
M. Jean Sol. Nous vous demandons un véritable plan Marshall pour éviter la guerre de l’eau et garantir la survie de notre département ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
diagnostic de performance énergétique des logements
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Monsieur le ministre, créer un choc d’offre pour permettre à chacun d’accéder au logement, tel est votre credo. Certes, mais à quel logement faites-vous allusion ?
La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, annonçait l’interdiction à la location des passoires thermiques les moins bien isolées, les habitations classées G, dès 2025.
Lundi, monsieur le ministre, vous avez annoncé qu’avec votre réforme nous sortirions « 140 000 logements de moins de 40 mètres carrés de la catégorie des passoires énergétiques », soit 15 % des logements classés F et G.
Pourtant, nos concitoyens aux revenus les plus faibles souhaitent avoir un logement locatif qui ne soit pas une passoire énergétique ou financière.
Vous faites en réalité le choix de remettre des logements énergivores sur le marché locatif. Or près de 37 % de ces logements sont occupés par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté, parmi lesquels on dénombre de nombreux étudiants.
Ce n’est pas parce que vous modifierez l’algorithme du diagnostic de performance énergétique (DPE) que, tel un magicien, vous modifierez la qualité énergétique du logement !
Mes questions sont simples. En abaissant les critères qualitatifs des logements, au lieu d’inciter et d’aider les propriétaires à procéder à leur rénovation, quel signal pensez-vous envoyer ? Comment parviendrons-nous à respecter les engagements climatiques de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Roiron, ne pas connaître un sujet est un privilège dont il ne faut pas abuser…
En essayant de présenter cette réforme et ce problème d’algorithme comme une remise en cause de la loi Climat et résilience, alors même que les trois fédérations de diagnostiqueurs, la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), la Fédération française du bâtiment (FFB), mais aussi la Fondation Abbé Pierre ou Leclerc, membre du Réseau Action Climat, saluent une mesure qui, d’une part, est limitée, puisqu’elle ne vise que de petites surfaces, d’autre part, contribue à corriger un biais mathématique, vous faites le jeu de ceux qui pensent qu’il faudrait revoir en totalité nos ambitions concernant les passoires énergétiques, voire le dispositif lui-même. (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. Christophe Béchu, ministre. De quoi parle-t-on ?
Quand 68 % des logements de moins de 10 mètres carrés sont des passoires énergétiques, alors que ce n’est le cas que de 12 % des habitations de plus de 100 mètres carrés, vous admettrez que c’est peut-être à cause d’un problème de calcul.
Quand, de surcroît, vous prenez conscience que la consommation du ballon d’eau chaude n’est pas calculée globalement, mais qu’elle est rapportée au mètre carré – alors que chacun sait que l’on ne prend pas dix fois plus de douches dans un logement de 100 mètres carrés que dans un studio de 10 mètres carrés ! –,…
Mme Audrey Linkenheld. Qui peut habiter dans 10 mètres carrés ?
M. Christophe Béchu, ministre. … vous saisissez pourquoi il y a une forme de justice à appliquer une franchise sur les premiers mètres carrés.
C’est la raison pour laquelle les professionnels nous disent, depuis des mois, que la réforme que nous avons conduite est une réforme de bon sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. Christophe Béchu, ministre. Cela étant, peut-être aurez-vous des raisons valables de vous plaindre de nos propositions dans les jours qui viennent. Avec Guillaume Kasbarian, je recevrai demain matin des représentants de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la FFB.
C’est une chose de prétendre avoir l’ambition de lutter contre les passoires énergétiques, c’en est une autre de se complaire dans une complexité administrative qui, en définitive, dégoûte les artisans, voire les Français dans leur ensemble. (MM. Emmanuel Capus et Jean-Baptiste Lemoyne acquiescent.)
M. Michel Savin. Mais c’est de votre faute !
M. Christophe Béchu, ministre. Je pense à la multiplicité des labellisations, mais aussi à la complexité de dispositifs, dont la durée diffère bien souvent. (Protestations sur des travées du groupe CRCE-K.)
Depuis plus d’un an, certains d’entre vous, ici même, dans cet hémicycle, ou par courrier, m’alertent de telle ou telle situation dans leur circonscription, me signalent que leurs administrés sont confrontés à telle ou telle difficulté, et me demandent si l’on ne pourrait pas simplifier le dispositif existant ou faire évoluer les critères relatifs à la fraude.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il a raison !
M. Christophe Béchu, ministre. Nous faisons le choix de garder un cap ambitieux en matière climatique – notre pays a réduit de 4,5 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2023 – en accélérant la rénovation énergétique des logements, tout en continuant à écouter les professionnels et les Français.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Cécile Cukierman. Vous n’écoutez pas les Français !
M. Christophe Béchu, ministre. Pour le Gouvernement, il s’agit d’être inflexible sur l’objectif, mais souple sur les moyens d’y parvenir, et cela en débureaucratisant, comme le Premier ministre s’y est engagé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Emmanuel Capus. Bravo !
Mme Cécile Cukierman. Ce sont les plus pauvres qui vont payer !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour la réplique.
M. Pierre-Alain Roiron. Agir pour résorber la précarité énergétique est une nécessité sociale et environnementale.
Nous constatons que vous préférez remettre en cause votre loi, vos mesures, et précariser les logements plutôt qu’accompagner efficacement la rénovation indispensable du parc locatif.
Hausse des coûts de l’énergie, décence des logements, leasing social : quand il s’agit de la situation des Français les plus modestes, vous ne pratiquez pas la politique que vous annoncez ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
moratoire sur les jurys rectoraux
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
En France, « l’enseignement supérieur est libre », aux termes de la loi du 12 juillet 1875, dont les dispositions sont toujours en vigueur. Cette liberté s’exerce dans le cadre du monopole de collation des grades et des diplômes, monopole qui appartient à l’État depuis la loi du 18 mars 1880.
Pour faire coexister la liberté de l’enseignement supérieur et ce monopole, le législateur a prévu deux voies permettant aux étudiants des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (Eespig) de bénéficier de diplômes d’État : d’un côté, la voie de la convention avec une université publique, parfois difficile à mettre en œuvre dans certains territoires ; de l’autre, la voie du jury rectoral, qui se compose de professeurs d’université désignés par le recteur.
Or le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a récemment annoncé un moratoire sur les jurys rectoraux, qui a d’ores et déjà mis en difficulté plusieurs établissements qui souhaitaient ouvrir de nouvelles formations pour la prochaine rentrée universitaire.
Dans la mesure où la ministre a rencontré les représentants de ces établissements il y a quelques jours, je souhaitais connaître sa position sur le sujet.
Confirme-t-elle la décision de la directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle d’appliquer un moratoire sur les jurys rectoraux ? A-t-elle, au contraire, l’intention de revenir sur une mesure qui pénalise autant les établissements que les étudiants ? Plus largement, doit-on craindre une remise en cause de la liberté d’installation des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général, en faisant de l’avis des universités publiques un préalable indispensable à toute nouvelle création de formation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Piednoir, je vous réponds au nom de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui se trouve actuellement à Bruxelles avec ses homologues européens.
Oui, et encore oui, il faut continuer à encourager la diversité et le dynamisme de l’enseignement, en assurant le choix d’un enseignement supérieur de qualité, qu’il soit public ou privé.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche fait savoir qu’il se réjouit du développement des établissements privés et, plus particulièrement, des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général.
Toutefois, et compte tenu du caractère national d’un certain nombre de diplômes, comme la licence ou le master, ceux-ci doivent remplir deux conditions : la première tient à la qualité de la formation délivrée ; la seconde a trait à la nécessaire cohérence de cette formation avec la charte de formation territoriale.
Pour satisfaire à cette double condition, l’établissement peut conclure une convention avec une université, convention qui lui ouvre alors le droit de proposer cette formation. Si l’établissement privé n’y parvient pas, il peut emprunter la voie du jury rectoral.
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas une réponse : c’est la loi !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Saisi, le rectorat vérifie la qualité de la formation dont l’ouverture est sollicitée. Il contrôle également la complémentarité de celle-ci avec l’offre de formation préexistante au sein de la région académique et du site d’implantation concerné. C’est à ces conditions que le rectorat autorisera l’établissement privé à former des étudiants en vue de la délivrance d’un diplôme national.
Dès lors que ces conditions ont été clarifiées par le ministère, comme je viens de le faire aujourd’hui devant vous, je confirme qu’il n’y a aucun moratoire sur les jurys rectoraux : les recteurs peuvent donc reprendre tranquillement leurs travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, je suis réellement surpris de votre réponse : chacun sait que les difficultés que j’ai évoquées existent et qu’une forme de moratoire s’applique aux nouvelles formations que certains établissements privés veulent proposer à la future rentrée universitaire. C’est un fait qu’il est inutile de cacher derrière des arguties.
Vous avez évoqué les différentes voies d’accès, je les avais moi-même rappelées. Je connais la volonté de la ministre de maintenir la diversité de l’enseignement supérieur, mais celle-ci n’existe pas dans les faits aujourd’hui.
Certains établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général seront en difficulté à la rentrée prochaine. Je contacterai la ministre pour en savoir davantage sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
transfert des compétences sociales aux départements
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Monsieur le Premier ministre, lors de votre discours de politique générale, vous avez annoncé vouloir la suppression pure et simple de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), dont vous prévoyez le basculement des bénéficiaires vers le revenu de solidarité active (RSA).
Comme vous le savez pertinemment, cette allocation est gérée par Pôle emploi et relève du régime de solidarité financé par l’État, tandis que ce sont les conseils départementaux qui sont chargés du financement du RSA.
Les départements sont invités à investir toujours plus dans la transition écologique, à mieux armer nos pompiers face aux risques climatiques, mais aussi, évidemment, à entretenir leur réseau routier et les collèges, et à poursuivre le déploiement de la fibre.
Désormais, pourtant déjà confrontés à une érosion de leurs recettes, ils devront assumer vos décisions, comme la mise en place, sans concertation, du montant net social destiné à servir de référence pour les futurs bénéficiaires du RSA.
Permettez-moi de vous rappeler un adage bien connu ici, au Sénat : « Qui décide paie. »
La mise en place de la solidarité à la source et la suppression de l’ASS auront de lourdes conséquences sur le volume des dépenses sociales. Environ 5,5 milliards d’euros viendront s’ajouter aux plus de 10 milliards d’euros que versent déjà les départements. L’État ne couvre désormais plus que la moitié de cette somme, alors qu’il prenait en charge – souvenez-vous-en mes chers collègues ! – 88 % du montant du revenu minimum d’insertion, le RMI, au moment où ce dernier a été mis en place.
Les départements ne seront pas en mesure de mobiliser les milliards d’euros nécessaires. Aussi, j’en appelle à votre sens de l’État, madame la ministre : comment comptez-vous soutenir les départements ? Comment compenserez-vous les dépenses sociales que vous engagez et qui relèvent de la solidarité nationale ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Burgoa, vous nous interrogez sur les conséquences, pour les départements, des réformes annoncées en matière de solidarité.
Vous le savez, notre gouvernement porte en son sein la volonté de moderniser, de simplifier, donc de réformer. En matière de solidarité, nous avons besoin de réformer et d’apprendre à faire différemment – je pense que l’on partage cette ambition –, tout simplement pour mieux accompagner les bénéficiaires des politiques d’insertion, mieux revaloriser le travail et, comme l’a dit le Premier ministre, « désmicardiser » notre pays.
La solidarité à la source, qui est une réforme promue par le Premier ministre, constitue un chantier majeur de simplification de la vie des Français. Elle doit permettre, d’une part, de lutter contre le non-recours aux aides pour les ménages qui y ont droit, d’autre part, de lutter contre la fraude aux prestations sociales.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. On a testé dans l’Yonne : cela fonctionne !