compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin,

M. Philippe Tabarot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à l’amiral Philippe de Gaulle

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de l’amiral Philippe de Gaulle. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mme et MM. les ministres, se lèvent.)

Rendre hommage à l’amiral Philippe de Gaulle, c’est célébrer cette part d’histoire de France qu’il incarnait, cette part d’histoire durant laquelle il a été non seulement le fils, mais aussi le plus fidèle soutien de l’un des plus grands hommes d’État qu’ait connus notre pays.

Il fut un acteur de notre histoire au sein des Forces navales françaises libres et de la deuxième division blindée lors de la Libération, participant activement à la campagne de Lorraine, aux batailles des Vosges et d’Alsace, jusqu’à Berchtesgaden. C’est lui qui porta l’ordre de reddition aux Allemands retranchés à l’Assemblée nationale.

Son père lui dira après la guerre : « Tu es mon premier compagnon, mais je ne peux pas te décerner une décoration de l’ordre que j’ai créé. »

L’engagement de Philippe de Gaulle perdurera dans la marine nationale, où il poursuivra une brillante carrière jusqu’au grade d’amiral.

Le général de Gaulle écrit en 1954 : « Je suis content et fier de la réussite reconnue de mon cher fils, de mon vieux garçon, en qui j’ai mis toutes mes espérances. »

Le Sénat le compta parmi ses membres les plus éminents au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Sénateur de Paris de 1986 à 2004, il a siégé au sein du groupe du Rassemblement pour la République. J’eus l’honneur de le côtoyer sur les travées de cette assemblée, où chacune de ses interventions était toujours écoutée à la fois avec respect et une forme de tendresse.

Il m’écrivait très régulièrement, chaque année. En janvier 2022, à propos de l’ouvrage Le Sénat dans la République, que je lui avais fait porter, il m’écrivit : « Ce témoignage d’une grande et nécessaire institution de notre République me rend fier d’en avoir fait partie. »

Il fut enfin un auteur d’exception. De Gaulle, mon père fut un immense succès de librairie qui nous permit d’entrer dans l’intimité du plus illustre des Français.

Philippe de Gaulle disait : « J’aurais préféré prêter un peu de ma longévité à mon père. » Après 102 ans d’une vie d’une richesse infinie, l’amiral Philippe de Gaulle rejoint Charles et Yvonne de Gaulle, ses sœurs Anne et Élisabeth, ainsi que son épouse, qu’il a tant aimés.

Il marquera à jamais notre assemblée et notre histoire.

À ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, notamment ses collègues de l’Amicale gaulliste du Sénat, dont il était président d’honneur, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur tristesse et à leur chagrin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur la chaîne Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer l’une de nos valeurs essentielles : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

projet de loi sur la fin de vie

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le Premier ministre, dans votre discours de politique générale, le 30 janvier, vous annonciez l’examen, avant l’été, d’un projet de loi sur l’aide active à mourir, ainsi qu’un renforcement des unités de soins palliatifs.

Ce week-end, la presse a rapporté les propos du Président de la République sur la possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions.

Le groupe RDSE, au nom duquel je m’exprime, a toujours été à l’avant-garde de ce combat : de la proposition de loi relative au droit de vivre sa mort du sénateur Caillavet à la proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir de Jacques Mézard, les radicaux sont engagés pour le droit à mourir dans la liberté, consubstantiel aux valeurs de la République sur lesquelles nous veillons.

Nous défendons ainsi la liberté de choisir avec discernement plein et entier de mettre fin à des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires, de même que la liberté de conscience des soignants.

Nous défendons l’égalité d’accès à une aide à mourir, qui ne peut être réservée à ceux qui ont les moyens d’y recourir à l’étranger.

Nous défendons enfin la fraternité qu’apportent les soins d’accompagnement pour soulager les souffrances tout au long de la vie, de la naissance au trépas, ainsi qu’une diffusion de la culture palliative à tous les soignants, au-delà des seules unités de soins palliatifs.

Nous réclamons le droit à mourir depuis longtemps. Emmanuel Macron avait pris des engagements à cet égard pendant sa campagne. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis favorable. La Convention citoyenne sur la fin de vie s’est positionnée aux trois quarts pour une aide active à mourir. L’Académie de médecine s’est prononcée pour une assistance sous conditions.

Il avait été annoncé deux textes séparés. Monsieur le Premier ministre, y en aura-t-il un ou deux, et quand ? Tous les radicaux n’étant pas des lecteurs assidus de La Croix (Sourires.), pouvez-vous nous dire aujourd’hui quand nous pourrons nous prononcer sur ce texte, dans le respect de la liberté de conscience de chacun ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRC-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur Bernard Fialaire, vous venez de rappeler le contexte dans lequel le Président de la République a mis en œuvre l’engagement qu’il avait pris au cours de la campagne électorale de 2022.

Vous avez par ailleurs rappelé la réflexion importante menée par le Comité consultatif national d’éthique ; la réunion durant quatre mois de la Convention citoyenne sur la fin de vie, au cours de laquelle 185 personnes engagées ont travaillé ; le rapport Chauvin et ses quinze mesures pour garantir à tous des soins d’accompagnement de qualité dans notre pays ; enfin, l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, c’est-à-dire l’ensemble du contexte qui nous conduit vers un nouveau texte.

Pour répondre très concrètement à votre question, monsieur le sénateur, ce texte repose en effet sur deux piliers : le renforcement des soins palliatifs et l’aide à mourir.

L’aide à mourir sera accordée à cinq conditions. Les deux premières sont de nature administrative : être majeur et être français ou résider durablement en France. Les trois autres sont liées à l’état pathologique du patient : premièrement, il doit pouvoir faire preuve de discernement ; deuxièmement, être atteint d’une maladie grave et incurable ; troisièmement, endurer des souffrances réfractaires, physiques, psychologiques ou psychiatriques.

À l’heure où je vous parle, le texte est en phase d’ultime relecture avant d’être soumis au Conseil d’État. L’objectif est qu’il puisse ensuite être transmis en première lecture à l’Assemblée nationale à la fin du mois de mai.

M. Rachid Temal. Et au Sénat ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Le calendrier est à présent connu. Nous pourrons travailler sur ce texte extrêmement important et dialoguer, dans le respect bien évidemment des uns et des autres. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et au Sénat ?

situation des finances publiques (i)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, rien ne va plus, mais vous continuez à jouer l’avenir budgétaire de la France à la roulette.

Le bilan de votre majorité, après sept ans au pouvoir, c’est une explosion de la dette, une dégradation probable de la notation de la France, une privation de recettes délétère aux effets récessifs et un accroissement des inégalités.

En même temps, Emmanuel Macron entrera sans conteste dans nos livres d’histoire comme le président des très riches et du CAC 40, alors que les entreprises vont distribuer cette année 68 milliards d’euros de dividendes. Un record !

En même temps, des millions de Français ont vu le montant de leur facture énergétique augmenter et leur pouvoir d’achat rogné par l’inflation.

En même temps, les associations caritatives sont aujourd’hui débordées par le nombre de demandes.

Vous demandez aux gens de traverser la rue, mais vous ne créez que des impasses et votre politique de fracture sociale entraînera un jour ou l’autre une nouvelle crise majeure.

Or vous n’avez plus de majorité. Pour conduire cette politique contraire aux intérêts du pays, il vous aura fallu actionner vingt et une fois en moins de deux ans le 49.3 pour faire adopter les textes budgétaires.

L’année 2024 ne commence guère mieux, vos choix budgétaires étant déjà caducs. Malgré cela, aucun projet de loi de finances rectificative n’est annoncé dans les mois à venir. Et que dire du coup de rabot brutal de 10 milliards d’euros que vous décrétez ?

Nous, parlementaires, n’avons aucun élément d’information. Hier, nous avons appris dans le rapport de la Cour des comptes que cette dernière n’en avait pas plus !

Monsieur le Premier ministre, cette opacité est inacceptable. Votre trajectoire budgétaire n’a plus aucune crédibilité. Aussi, face à cette urgence, et conformément à l’article 34 de la Constitution, soumettrez-vous au Parlement, dans les meilleurs délais, un projet de loi de finances rectificative, ainsi qu’une nouvelle loi de programmation des finances publiques ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, des Français traversent des difficultés, c’est vrai, notamment au regard de leur pouvoir d’achat, vous l’avez dit.

S’il est un motif de fierté pour la majorité à laquelle j’ai la chance d’appartenir, pour le Président de la République et le Gouvernement, c’est bien d’être parvenus à inverser la courbe du chômage, ce que beaucoup avant nous s’étaient engagés à faire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Michel Savin sexclame.)

Deux millions d’emplois ont été créés depuis 2017. L’emploi industriel, qui a diminué pendant des décennies, revient enfin en France. Nous créons plus d’usines que nous n’en fermons. Cela n’était pas arrivé depuis des décennies.

Quant au taux de chômage, il est le plus faible depuis vingt-cinq ans,…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … celui des jeunes est au plus bas depuis quarante ans, et le taux d’emploi est au plus haut depuis qu’on le mesure. Et cela, nous le devons à une stratégie, à une ligne, à la politique économique portée depuis 2017, qui nous a permis de créer les conditions favorables à l’activité économique et à l’emploi dans notre pays.

Ce sont autant de familles qui ont pu retrouver un emploi et sortir progressivement de la précarité. C’est évidemment un motif de satisfaction.

Pour autant, tous les problèmes sont-ils réglés ? La réponse est, évidemment, non. Nous devons continuer d’agir pour atteindre le plein emploi, pour inciter toujours davantage à travailler. J’ai eu l’occasion, dans mon discours de politique générale, ici même, d’assumer la ligne qui est la mienne : continuer à réformer notre modèle social, pour qu’il soit plus efficace, moins coûteux et qu’il incite toujours davantage à l’emploi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Améliorer notre taux d’emploi et continuer à lutter contre le chômage, c’est bon pour les Français qui retrouvent un travail, mais aussi pour nos finances publiques – tel est l’objet de votre question, monsieur le président Kanner –, car si nous avions le taux d’emploi de nos voisins allemands, nous aurions beaucoup moins de difficultés à équilibrer notre budget chaque année.

Mme Audrey Linkenheld. Et leurs excédents commerciaux ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Mon gouvernement et moi-même allons poursuivre sur cette ligne afin de favoriser l’emploi dans notre pays.

L’Europe traverse des difficultés économiques et connaît un ralentissement de l’activité. La France est concernée, mais moins – et il faut nous en réjouir – que nos voisins italiens et allemands, mais elle l’est tout de même.

M. Olivier Paccaud. Nous sommes toujours les meilleurs…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous avons donc actualisé la prévision de croissance pour l’année 2024.

Dans un tel contexte, monsieur le président Kanner, quand les recettes diminuent, le bon sens veut que l’on prenne des décisions pour adapter les dépenses. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

C’est ce qu’a fait le Gouvernement, c’est ce qu’annoncé Bruno Le Maire, et l’ensemble des ministres l’assument. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-François Husson. On va en parler !

M. Yannick Jadot. Rétablissez l’impôt sur la fortune !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Ce qui est certain, c’est que la solution que vous proposez, dont nous avons eu l’occasion de débattre lors de l’examen des projets de loi de finances, et qui consiste à créer des taxes et des impôts supplémentaires ou à augmenter les impôts existants, n’est pas celle qu’a retenue le Gouvernement. Ce n’est pas notre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Vives protestations sur les travées du groupe SER.)

De telles mesures contribueraient à détruire de l’emploi dans notre pays et à aggraver les difficultés de nos finances publiques. Nous ne dévierons donc pas d’une stratégie qui consiste à tout faire – tout faire ! – pour faciliter le retour à l’emploi dans notre pays et à assumer des décisions rigoureuses, sérieuses, pour nos finances publiques. Les Français aujourd’hui ne veulent pas voir leurs impôts augmenter. Quant aux jeunes générations, elles ne veulent pas avoir à assumer le fardeau que nous leur laisserions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je l’ai bien compris : point de projet de loi de finances rectificative ! Votre politique budgétaire, qui est injuste, manque toujours de transparence.

Si vous voulez des recettes, on est capables d’en trouver : je pense à l’impôt de solidarité sur la fortune et à d’autres. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mais, et je vous le dis avec beaucoup de force, il ne nous est pas possible d’attendre le mois de juillet, comme cela a été annoncé lors d’une audition à l’Assemblée nationale, pour parler des finances de notre pays, du budget de la France et de l’intérêt des Français. Aussi, permettez-moi, monsieur le Premier ministre, de vous remettre officiellement une lettre dans laquelle nous vous demandons de programmer un débat, conformément à l’article 50-1 de la Constitution, pour parler des finances publiques de la France. (M. Patrick Kanner remet un pli à un huissier, que celui-ci remet à son tour à M. le Premier ministre.)

Les Français ont besoin de savoir comment vous voyez leur avenir, notre avenir, et les parlementaires dans ce pays ont le droit de le savoir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

austérité annoncée en matière de formation professionnelle

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Silvana Silvani. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

La semaine dernière, mon groupe a interrogé le Gouvernement sur les conséquences délétères des 10 milliards d’euros d’annulation de crédits sur le logement.

Aujourd’hui, je vous interpelle sur les conséquences des mesures d’austérité imposées à l’emploi et à la formation professionnelle.

Le taux de chômage remonte et devrait atteindre 8 % cette année. Près de 200 000 personnes supplémentaires seront privées d’emploi. Au lieu d’augmenter les moyens de France Travail pour accompagner les privés d’emploi, le Gouvernement annonce réduire les crédits de la mission « Travail et emploi » de 1,1 milliard d’euros, réduire la durée d’indemnisation des chômeurs et imposer une franchise de 100 euros sur chaque achat de formation professionnelle.

Je rappelle que les principaux bénéficiaires du compte personnel de formation sont les ouvriers et les employés. Ces 100 euros à la charge des salariés constituent non seulement une atteinte supplémentaire au droit à la formation, mais également un frein au départ en formation.

Ma question est donc la suivante : comment allez-vous accompagner plus de chômeurs avec moins de moyens et améliorer l’emploi avec une main-d’œuvre moins qualifiée ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Silvani, permettez-moi de revenir sur deux éléments que vous venez d’évoquer.

Vous avez évoqué la réduction des moyens de France Travail ; or ce n’est pas tout à fait ce que je vis. Lorsque M. le Premier ministre m’a demandé de rejoindre le Gouvernement il y a deux mois, l’un des premiers sujets sur lesquels j’ai travaillé a précisément été France Travail. Le Premier ministre et moi-même nous sommes rendus dans les Vosges il y a deux semaines pour étendre l’expérimentation en cours mené par France Travail plus rapidement que prévu. Alors que seuls dix-huit départements étaient concernés au départ, ils sont à présent quarante-sept.

En 2024, 320 équivalents temps plein supplémentaires seront mis à la disposition de France Travail pour apporter des réponses concrètes à nos concitoyens et ramener vers l’emploi ceux qui en sont les plus éloignés.

Vous le voyez, nous nous donnons les moyens d’accompagner celles et ceux qui en ont besoin.

Ensuite, permettez-moi de vous rappeler que la durée d’indemnisation des chômeurs fait actuellement l’objet de discussions, conformément à l’article L. 1 du code du travail. Pour l’instant, nous laissons les partenaires sociaux travailler. Ils doivent nous faire part des résultats de leurs discussions le 27 mars.

En fonction de ces résultats, mesdames, messieurs les sénateurs, soit nous transposerons ce qu’ils auront décidé, soit nous serons conduits à travailler sur le sujet s’ils ne sont pas parvenus à un accord.

Enfin, vous m’avez interrogée sur le compte personnel de formation, lequel, je le rappelle, a été mis en place par cette majorité. Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice : 80 % des utilisateurs sont des non-cadres, 30 % des demandeurs d’emploi. Mais il y a un chiffre que vous n’avez pas cité et que je me dois de vous communiquer, mesdames, messieurs les sénateurs : 11 % des personnes qui entament une formation l’abandonnent. C’est du temps et de l’argent perdu. La question se pose de savoir si une participation ne permettrait pas de les responsabiliser. Tel est le sens du ticket modérateur qui a été instauré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Rachid Temal. « Salauds de pauvres » !

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour la réplique.

Mme Silvana Silvani. Nous le savons, les politiques d’austérité frappent le plus fortement les plus faibles et les plus démunis. Vous imposez une franchise de 100 euros sur les formations, mais vous ne réduisez pas les plus de 80 milliards d’exonérations de cotisations patronales, qui, nous le savons bien aujourd’hui, n’ont pas l’effet escompté ni sur les salaires ni sur l’emploi. De même, vous ne taxez toujours pas les dividendes versés par les entreprises du CAC 40, lesquels se sont élevés à 100 milliards d’euros en 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

défense de la laïcité à l’école

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Lafon. Monsieur le Premier ministre, madame la ministre de l’éducation nationale, François-Noël Buffet, président de la commission des lois, et moi-même avons remis la semaine dernière notre rapport sur les menaces et les agressions dont sont victimes les enseignants, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty.

Le constat est alarmant. La remise en cause de la laïcité touche désormais les écoles élémentaires comme les collèges et les lycées. Elle concerne l’ensemble des territoires, urbains comme ruraux, et affecte un nombre grandissant de disciplines.

La laïcité, socle de notre école républicaine, est contestée dans ses fondements mêmes. À la laïcité émancipatrice de Jules Ferry, qui protège la liberté de conscience, est préférée une laïcité venue d’outre-Manche et d’outre-Atlantique, qui serait pour certains plus tolérante et permissive.

Face à cela, les enseignants sont souvent seuls à porter la flamme républicaine. Insuffisamment soutenus et formés, ils préfèrent se protéger et se réfugier dans l’autocensure et le « pas de vagues ». Cette situation est non pas le fruit du hasard, mais le résultat de décisions prises au fil du temps, dont on mesure les conséquences aujourd’hui.

Cette situation appelle de notre part un sursaut républicain. Tel est le sens des trente-huit recommandations que nous avons formulées et qui constituent un plan d’action complet.

Monsieur le Premier ministre, à Arras lundi, lors de la cérémonie d’hommage à Dominique Bernard, vous avez déclaré que la victoire de l’école sonnerait le glas de tous les obscurantismes, de l’obscurantisme islamique qui veut mettre à bas notre école.

Ma question est donc simple : quelles actions comptez-vous engager pour aider l’école à lutter contre l’obscurantisme ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.  M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jacques Grosperrin. Alors là, ce n’est pas gagné ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme la ministre de léducation nationale et de la jeunesse se tourne vers M. Jacques Grosperrin et le fixe du regard quelques instants, interloquée.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Lafon, la question que vous posez et qui fait suite, vous l’avez indiqué, au rapport que vous avez rédigé avec M. le président Buffet, est essentielle.

La laïcité fait partie de nos principes constitutionnels. Elle est inscrite dans la Constitution. Au-delà, la laïcité à l’école conduit à recréer l’unité de notre peuple. Il est pour nous tout à fait indispensable d’affranchir la sphère de l’école de toute emprise liée à une religion ou à une idéologie. C’est un point sur lequel nous serons intransigeants, toujours et en tout temps, je tiens à le redire ici. C’est une conviction que M. le Premier ministre a réaffirmée clairement à Arras il y a quarante-huit heures, mais c’est aussi une pratique dans l’ensemble de notre système scolaire.

Vous me demandez, monsieur le sénateur, quelles actions nous conduisons.

Nous avons rappelé à l’occasion du vingtième anniversaire de la loi du 15 mars 2004 que notre intransigeance s’agissant du port de signes religieux ostensibles est totale. J’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises ici, je le réaffirmerai lors d’un colloque vendredi à l’occasion du vingtième anniversaire de cette loi, la circulaire interdisant le port des abayas a contribué à faire baisser le nombre de faits liés au port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse.

Nous menons également des actions très importantes de formation de nos personnels. Plus de 500 000 personnels de l’éducation nationale, sur un million, ont été formés et nous allons continuer en ce sens. Aujourd’hui, les épreuves des concours nous permettent d’évaluer la manière dont les futurs conseillers principaux d’éducation ou les futurs enseignants sont en mesure de faire face à ce type de difficulté.

Enfin, je dois dire que nous constatons, et c’est inquiétant – j’en conviens avec vous –, une montée de la contestation des contenus mêmes des enseignements. Je veux dire ici que je serai toujours – toujours ! – aux côtés de nos enseignants qui transmettent des contenus scientifiques et liés aux valeurs de la République. C’est un point qui est non négociable et j’aurai l’occasion de le réaffirmer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP. – Mme Isabelle Florennes et M. François-Noël Buffet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.

M. Laurent Lafon. Madame la ministre, merci de votre réponse.

Personne ne conteste votre volonté d’accompagner les enseignants ou n’en doute. Vous nous avez parlé des actions que vous avez entreprises ces dernières années. Nous ne les contestons pas non plus. En revanche, nous constatons sur le terrain qu’elles ne sont pas suffisantes pour faire face au fléau.

M. Laurent Lafon. Nous souhaitons que vous poursuiviez ces actions et que vous les prolongiez par d’autres. Tel est le sens des trente-huit recommandations que nous avons formulées dans notre rapport, dont le spectre s’étend de la formation initiale jusqu’à la protection fonctionnelle. Ce sont des outils indispensables que les enseignants attendent. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse acquiesce.)

rapport de la cour des comptes

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)