M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Poumirol, vous avez raison de poser cette question. Je sais que ce dossier vous tient à cœur. Vous avez rappelé votre engagement, ainsi que les différentes étapes des travaux menés au Sénat.
Les tensions sur le marché des médicaments ne sont pas nouvelles. Elles se sont accrues, vous le savez, depuis la crise de la covid-19 et elles sont mondiales.
M. Bruno Belin. Deux ans qu’on en parle !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Nous suivons la situation de très près. D’ailleurs, nous observons depuis quelques semaines une détente sur les antibiotiques, le paracétamol ou les corticoïdes oraux. Il y a aussi des points de vigilance, notamment sur l’amoxicilline, que vous avez mentionnée.
Nous agissons dans deux directions. D’abord, il s’agit d’assurer la sécurisation et la fluidification de l’approvisionnement en médicaments. C’est la feuille de route que nous avons annoncée, avec Catherine Vautrin et Roland Lescure. Une liste de 450 médicaments essentiels, suivis de très près, a été établie l’été dernier. Et nous visons une transparence plus grande sur les chaînes d’approvisionnement, pour éviter les stocks indus chez les industriels, les répartiteurs ou les officines.
Nous donnons également la possibilité aux pharmacies hospitalières de produire de l’amoxicilline directement : nous verrons les effets de cette mesure très rapidement. (M. Bruno Belin s’exclame.)
Telle est l’action que nous menons avec les industriels, avec les fabricants, pour fluidifier la chaîne du médicament.
Nous avons aussi une politique de souveraineté industrielle et de retour de l’industrie du médicament dans notre territoire, illustrée par les annonces du Président de la République l’été dernier : la production de vingt-cinq médicaments essentiels sera relocalisée sur le sol français.
Il y a quelques semaines, nous avons annoncé la création de la première unité de production de paracétamol en Europe, près de Toulouse. Et les investissements de Sanofi à Lisieux, par exemple, annoncés aussi il y a quelques semaines, permettront d’étendre les capacités de production sur notre territoire. (M. Bruno Belin s’exclame de nouveau.)
Ces actions à différents niveaux nous permettront progressivement de tourner la page de la période de tensions que nous connaissons. Je répète toutefois que nous ne sommes pas seuls à connaître ces tensions, qui concernent l’ensemble du marché mondial du médicament.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, les quelques mesures que vous venez d’annoncer figurent dans votre plan et nous les connaissons. Mais dans cette feuille de route, pas une seule mesure de contrainte envers les Big Pharma mondialisées ! Ce sont pourtant leurs choix stratégiques qui sont la cause essentielle des pénuries : délocalisations pour produire à bas coût, abandon des produits matures, peu rentables, ou choix de thérapies innovantes aux coûts exorbitants.
En fait, vous laissez le marché gouverner notre accès aux médicaments, et même l’ensemble de notre politique de santé. Face à un délitement généralisé de la santé en France – difficulté d’accès aux médicaments, aux médecins traitants, déserts médicaux, problèmes des hôpitaux publics –, aucun investissement d’envergure n’est engagé par votre gouvernement.
Monsieur le ministre, à quand une politique de santé publique garantissant l’accès à la santé pour tous ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme Sylviane Noël et M. Bruno Belin applaudissent également.)
simplification de la vie des entreprises
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Rietmann. Monsieur le Premier ministre, marronnier de tous les gouvernements de la Ve République, la simplification pour les entreprises figure en bonne place sur votre feuille de route. Ces mots ont retenti une quinzaine de fois dans votre discours de politique générale.
Cet objectif, vieux serpent de mer, est connu, ancien, et pourtant hors de portée. Souvenons-nous du président Giscard d’Estaing, qui souhaitait « refouler la marée blanche de la paperasse », ou encore du « mal français », si bien documenté par Alain Peyrefitte.
Depuis 1990, pas moins de quatre structures pour la simplification se sont succédé. Nous maîtrisons le diagnostic, mais force est de constater que le remède nous échappe complètement. Comment sortir enfin de cette cage d’acier ?
En changeant de méthode, monsieur le Premier ministre ! C’est l’objet de la proposition de loi sénatoriale rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises ». Nous examinerons ce texte transpartisan mardi prochain. Ses signataires, tous membres de la délégation sénatoriale aux entreprises, proposent, avec notre rapporteure Elsa Schalck, de fermer enfin le robinet des normes excessives.
Là où les comités Théodule se cantonnent à la réduction des stocks, nous nous attaquons au flux. Nous le faisons en proposant un dispositif interministériel, inspiré des méthodes qui fonctionnent chez nos voisins européens, et en associant les premières concernées : les entreprises.
Monsieur le Premier ministre, j’ai déjà recueilli le soutien de plusieurs ministres à cette révolution dans la fabrique de la loi. Reste le vôtre : le Gouvernement soutiendra-t-il officiellement l’initiative du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Rietmann, nous soutenons pleinement le principe d’un test PME, qui figurera dans le projet de loi de simplification que, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, et avec d’autres collègues, je vous soumettrai d’ici quelques semaines.
Pour le reste, je vous rejoins totalement, et j’ai lu attentivement votre rapport sur la simplification. C’est vrai que c’est un marronnier, et qu’on observe un scepticisme complet de la part des entreprises, des PME, qui se disent qu’on en parle depuis tant d’années.
Je suis totalement déterminé à aller au bout de la simplification.
Je suis totalement déterminé à supprimer les Cerfa, au nombre de 1 800, dont la plupart ne servent à rien, qui constituent de la charge administrative et de la charge mentale pour les chefs d’entreprise.
Je suis totalement déterminé à engager, avec le garde des sceaux, la simplification du code de commerce, auquel on a ajouté des milliers d’articles et qui désormais pèse son kilo d’inutilité ou de complexité pour les entreprises.
Je suis totalement déterminé à ce que nous mettions en place le principe « dites-le-nous une fois », pour que les entreprises, une fois qu’elles auront indiqué quelle est leur raison sociale, quel est leur fonctionnement, n’aient pas à redonner à plusieurs reprises les informations à l’administration.
Je suis totalement déterminé à inverser la charge de la preuve, pour que ce soit à l’administration d’apporter la preuve des reproches qu’elle peut faire à une entreprise, et pas le contraire.
Je suis totalement déterminé à dépénaliser un certain nombre de règles qui pèsent sur les chefs d’entreprise et qui les empêchent de faire correctement leur travail.
Nous allons nous inspirer de votre rapport, nous nous inspirerons de toutes les propositions en la matière. La simplification ne se réglera pas en un texte de loi, mais celui-ci doit être le début d’une véritable révolution mentale nous conduisant à simplifier systématiquement, alléger, couper dans tout ce qui empêche les entreprises de se développer librement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.
M. Olivier Rietmann. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, la simplification, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la font ! Le Sénat la fait. Il vous donne la possibilité dès mardi prochain de mettre des actes sur vos paroles. Mardi prochain, le Sénat compte sur vous ; les chefs de petites, moyennes et grandes entreprises comptent sur vous également. Merci d’être au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
circulation des mégacamions en france
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Henno. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Hier, le Parlement européen a voté en faveur de la circulation des mégacamions, qui sont des camions de 60 tonnes et de 25 mètres ; les camions d’aujourd’hui font 18 mètres et 40 tonnes.
L’un de mes maîtres en biologie, Jean-Marie Pelt, disait qu’il fallait se méfier du gigantisme et de ses effets secondaires ; en l’occurrence, je pense qu’il y en a beaucoup.
D’abord, il y a la question des nuisances pour les riverains. Elle se pose particulièrement, tout comme celle de la sécurité routière, dans le département des Hauts-de-France dont nous venons tous deux, monsieur le ministre, et qui est un département de logistique.
Ensuite, il y a la problématique de l’adaptation et de l’entretien des infrastructures, ainsi que de leur coût pour les collectivités territoriales.
Enfin, il y a évidemment le sujet du non-sens écologique. La logique du Green Deal n’est pas d’augmenter la taille des camions, souvent diesel, c’est plutôt de développer le ferroutage et de faire en sorte que les marchandises circulent plus souvent sur les voies d’eau ; nous aurons bientôt le canal Seine-Nord Europe dans notre région.
Monsieur le ministre, quelle est la doctrine du Gouvernement en la matière ? Et quelle est sa stratégie en matière de ferroutage et de transport des marchandises ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Henno, le Parlement européen a effectivement adopté hier un projet de révision de la directive Poids et dimensions qui ouvre la voie, sans jeu de mots, à ces mégacamions, que vous avez évoqués.
Les partisans d’un tel projet de révision avancent trois types d’arguments ; j’ai d’ailleurs pu avoir un échange téléphonique sur le sujet avec mon homologue allemand hier.
Premièrement, il s’agirait simplement de donner aux États membres la possibilité d’autoriser et non d’imposer.
Deuxièmement, il s’agirait d’accompagner une croissance de la demande de transport que les autres modes ne pourraient pas absorber.
Troisièmement, et c’est le plus amusant, il s’agirait d’un « progrès environnemental », puisqu’on pourrait transporter plus de marchandises avec moins de véhicules dans un contexte – vous le savez – de pénurie de conducteurs.
Je vous le dis très sincèrement, monsieur le sénateur, aucun de ces arguments ne me convainc ni ne convainc le Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Qui l’a voté au Parlement européen, alors ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Dire oui à ces mégacamions, ce serait ruiner tous les efforts que nous réalisons en faveur du fret ferroviaire, alors même nous avons fixé l’objectif de doubler sa part modale et que nous engageons des moyens substantiels, dont – Bruno Le Maire aurait également pu le souligner – 300 millions d’euros d’aides à l’exploitation chaque année sur le fret ferroviaire et un plan d’investissement de 4 milliards d’euros spécifiquement dédié à des infrastructures de fret ferroviaire. J’aurai l’occasion d’y revenir dans les semaines qui viennent, comme vous le demandiez.
Dire oui à ces mégacamions, cela signifierait aussi renoncer à nos objectifs de la stratégie nationale fluviale.
En d’autres termes, cela ne répond en rien à nos attentes, qu’il s’agisse de sécurité routière, de transition écologique ou de cadre de vie.
Nous allons donc continuer le travail de conviction auprès de tous nos interlocuteurs et revenir pour trouver un compromis acceptable à la hauteur de nos ambitions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme Sophie Primas. Mais vous l’avez voté !
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse.
J’ajoute qu’il y va aussi de l’équité par rapport au Green Deal. On ne peut pas demander des efforts à la seule France laborieuse ; on ne peut pas demander de renoncer au diesel, au profit des véhicules électriques, aux seuls « pendulaires ». Si les efforts exigés diffèrent « selon que vous serez puissant ou misérable », pour reprendre la formule de Jean de La Fontaine, c’est totalement injuste ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
négociations sur l’approvisionnement en électricité
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Les industriels en phase de négociation de leur contrat d’électricité avec EDF pour le post-Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) n’en peuvent plus d’attendre la réforme du marché de l’électricité et des tarifs qui leur permettraient d’être durablement compétitifs. Ils ont en effet en face d’eux des concurrents de Chine, d’Amérique du Nord et d’ailleurs qui disposent d’une électricité de 30 à 40 dollars par mégawattheure, alors que nous sommes au moins au double en France.
Cela est encore plus vrai pour les électro-intensifs, les hyper-électro-intensifs et les électrosensibles, pour lesquels l’électricité représente une matière première de base ; cela est vrai pour toutes nos industries primaires, de façon générale.
Certes, un accord a été conclu entre EDF et l’État le 14 novembre 2023. Il définit, au-delà d’un volet général, des mécanismes, comme les contrats long terme et la deuxième phase du dispositif Exseltium. Mais il n’y a aucune visibilité sur le futur texte de programmation pluriannuelle, publié au début du mois de janvier, puis retiré.
Si nos industriels conviennent qu’il est nécessaire d’assurer à EDF une trajectoire financière saine, cela ne doit pas se faire au prix de leur compétitivité mondiale. Or les contrats de long terme proposés, comme les contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN), s’ils protègent EDF, exigent des industriels une « avance en tête » exorbitante, pouvant représenter jusqu’au tiers de leur chiffre d’affaires, à financer avant le 30 juin 2024 pour des contrats effectifs au 1er janvier 2026. C’est inaccessible, ce n’est pas du tout à la hauteur des enjeux et cela empêche les décisions d’investissement nécessaires à la transition de nos industries.
Monsieur le ministre, nos industriels peuvent-ils compter sur vous pour obtenir des contrats d’électricité compétitifs à l’échelle mondiale avant l’été ? Car, au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, il sera trop tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. La réponse est oui, madame la sénatrice.
Vous avez parfaitement posé le sujet. Nous devons garantir à nos industriels les prix les plus compétitifs en matière d’accès à l’électricité et, dans le même temps, nous devons garantir à EDF une capacité à investir dans les énergies renouvelables comme dans les énergies nucléaires.
Je pense qu’il faut regarder, comme vous l’avez fait, type d’entreprise par type d’entreprise.
Pour les très petites entreprises, grâce à la proposition de loi des députés Brun et Jumel, le problème est réglé. Je le rappelle, jusqu’à présent, seules les entreprises disposant d’un compteur électrique de moins de 36 kilovoltampères étaient éligibles au tarif régulé. Désormais, avec cette proposition de loi, toutes les petites entreprises de moins de onze salariés y auront droit. Elles seront donc protégées, elles auront les tarifs les plus compétitifs.
Le sujet est aussi réglé pour les hyper-électro-intensifs. Je rappelle par exemple qu’un des contrats signés avec EDF est celui d’ArcelorMittal. Or l’implantation d’ArcelorMittal à Dunkerque représente une part très importante de la consommation d’électricité en France. J’ai bon espoir que, pour les autres hyper-électro-intensifs, la question soit réglée dans les semaines à venir.
Ensuite, il reste effectivement les énergo-intensifs, ceux qui consomment beaucoup d’énergie, sans en consommer autant qu’ArcelorMittal. Je vous rejoins à cet égard. Nous avons trouvé un accord avec EDF sur la signature d’accords de long terme, de cinq, dix ou quinze ans, qui peuvent parfois supposer des avances en tête. Celles-ci doivent pouvoir être regroupées, afin que la charge financière ne soit pas trop lourde pour ces entreprises.
Maintenant, c’est à EDF de conclure ces contrats et nous lui avons demandé que l’ensemble des contrats pour les entreprises industrielles énergo-intensives soient signés dans les mois qui viennent, afin d’apporter la preuve du bon fonctionnement du dispositif. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. Non, monsieur le ministre ! Contactez les hyper-électro-intensifs et vous verrez que le sujet est loin d’être réglé ! Il devient très urgent qu’il le soit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
directive européenne sur les travailleurs ubérisés
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Olivier Jacquin. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Après plus de deux ans de bataille, un compromis a enfin été validé au Conseil de l’Union européenne sur la directive du socialiste Nicolas Schmit.
M. Rachid Temal. Très bien !
M. Olivier Jacquin. Cela permettra aux travailleurs des plateformes de bénéficier de droits sociaux.
C’est une victoire historique pour eux, une défaite cinglante pour Uber et un camouflet retentissant pour Emmanuel Macron, qui a totalement isolé la France. Oui, lundi dernier, l’Allemagne, pour des raisons internes à sa coalition, et la France étaient les deux derniers pays à ne pas voter pour ce début d’harmonisation sociale, alors même que vous avez grandement contribué à dénaturer ce texte ! Un vote définitif du Conseil interviendra bientôt.
J’ai donc deux questions, madame la ministre. Premièrement, la France va-t-elle continuer de s’opposer et de s’isoler ou va-t-elle repartir de l’avant ? Deuxièmement, puisque la directive sera adoptée avec ou sans la France, allez-vous la transposer rapidement et sans la dénaturer davantage ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur Jacquin, j’ai déjà eu l’occasion de le dire hier, depuis le premier jour de la discussion sur cette directive relative aux plateformes, notre pays a joué le jeu de la négociation. Nous avons d’ailleurs travaillé à différentes versions du texte.
La France a été guidée par un principe : prendre en compte la réalité de la relation de travail entre la plateforme et le travailleur, car les vrais travailleurs indépendants doivent pouvoir rester indépendants – certains d’entre eux veulent garder leur statut – et les faux indépendants doivent en effet pouvoir demander leur requalification. Tel est l’enjeu : permettre aux vrais travailleurs indépendants de rester des travailleurs indépendants et permettre aux autres d’être requalifiés.
Cette distinction est d’autant plus importante que notre pays a construit avec succès un modèle social qui a permis aux travailleurs indépendants du secteur de la mobilité et de la livraison, pour certains d’entre eux, de créer leur entreprise et d’avancer.
D’ailleurs, neuf accords collectifs ont été signés depuis 2022. Les travailleurs en bénéficient, qu’il s’agisse de leurs revenus ou de leurs relations avec les plateformes.
C’est pour cela que nous avons cherché à définir des critères plus clairs, plus solides juridiquement, afin de pouvoir déclencher une présomption de salariat prévue par la directive. Et la France n’était d’ailleurs pas seule ! Vous n’avez pas évoqué l’Estonie, la Grèce ou l’Allemagne, qui ont travaillé sur le sujet.
M. Bernard Jomier. Ils ont changé d’avis !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Nous avons constaté que, dans le texte examiné au cours des dernières semaines, le régime instauré était devenu flou et ne mettait en place – c’est un point très important – aucune harmonisation à l’échelle européenne. Là réside aujourd’hui le risque d’insécurité juridique.
Contrairement à ce que certains affirment pour des raisons politiciennes, la France n’a pas voté contre le texte. J’échangeais hier encore avec Nicolas Schmit et je lui ai indiqué que nous étions prêts, si nous arrivions à obtenir des clarifications, à modifier notre position et à soutenir ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, je vous prie de m’excuser, mais la voix de la France n’est pas sérieuse.
Je travaille sur le dossier depuis 2019 et la situation s’est gravement dégradée : 90 % de livreurs à vélo à Paris sont sans-papiers ; il n’y a que 4 % de participation aux élections professionnelles ! Les neuf accords entraînent des baisses de rémunérations : moins de 5 euros de l’heure !
Mais comment pouvez-vous parler du succès de notre modèle social, protecteur selon vous, et continuer de donner une crédibilité à votre pseudo-autorité de régulation ? Vous feriez mieux de la dissoudre !
Les livreurs à vélo ne sont pas des entrepreneurs ; ce sont des indépendants fictifs ! Vous continuez de protéger les plateformes plutôt que les travailleurs, en livrant ces derniers en pâture au capitalisme le plus sordide !
Vous vous glorifiez sur les estrades d’être les seuls détenteurs du flambeau européen, mais, depuis deux ans, vous portez atteinte à l’Europe sociale ! La présomption de salariat n’est pas un gros mot ; elle n’est que justice ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
relance des investissements en matière hydroélectrique
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, qui, nous promet-on, doit régler la situation juridique des concessions hydroélectriques, serait-il devenu l’Arlésienne de la politique gouvernementale ? Depuis 2020, on répond aux questions que j’adresse aux différents ministres en promettant chaque fois une résolution à venir et, si le Gouvernement continue d’explorer plusieurs scénarios, il n’en trouve visiblement aucun.
Au mois de février dernier, vous avez déclaré repousser le projet de loi jusqu’à la fin de l’année, en attendant un débat préalable sur l’équilibre global du système énergétique français.
Or ce projet de loi presse, monsieur le ministre. Les exploitants actuels ont des projets pour développer la production hydroélectrique au service de notre indépendance énergétique et de sa décarbonation.
En Aveyron, sur la Truyère et le site de la station de transfert d’énergie par pompage (Step) de Montézic, le projet d’une centrale de 430 mégawattheures attenante à l’existence est prêt à démarrer, avec 500 millions d’euros d’investissements et un chantier de 300 ouvriers sur plusieurs années d’ici à 2030. C’est un projet qui permettra d’alimenter 300 000 personnes en électricité.
Or, dans son rapport public annuel de 2024, paru hier, la Cour des comptes note que la concrétisation des projets de développement hydroélectrique dépend de « l’évolution du cadre juridique » et de « la résolution du contentieux européen sur le renouvellement des concessions ». Elle recommande aussi d’essayer un modèle de rémunération propre aux Step.
Vous le voyez, monsieur le ministre, il y a urgence.
Quand allez-vous régler les conditions d’exploitation de nos barrages ? Quand le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique sera-t-il déposé au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je vous entends parfaitement, monsieur le sénateur.
Je le rappelle, cela fait plus de quinze ans que le problème juridique n’est pas réglé et qu’il y a un contentieux avec l’Union européenne. Si la solution était aussi simple, d’autres que nous l’auraient donc déjà trouvée.
Je vous propose néanmoins de nous fixer un calendrier pour trouver d’ici à la fin de l’année 2024 une solution juridique au contentieux qui nous oppose à la Commission européenne sur la question des barrages hydroélectriques.
Je partage totalement votre ambition. L’hydroélectrique aujourd’hui, c’est 26 gigawatts de puissance installée. C’est considérable. Ce sont des projets d’augmentation de 2 gigawatts qui peuvent être obtenus rapidement, notamment par le déploiement des Step.
Cela suppose donc que nous trouvions ensemble la solution juridique appropriée. Aujourd’hui, la seule solution juridique sur laquelle la Commission européenne pourrait nous donner un feu vert pour lever le contentieux serait la mise en concurrence des 447 barrages qui existent actuellement en France (M. Yannick Jadot proteste.), c’est-à-dire le fait de laisser des concurrents étrangers venir exploiter les barrages français : ce n’est une option ni pour vous ni pour moi !
Nous devons donc explorer d’autres voies pour pouvoir réinvestir dans les barrages. En effet, ce contentieux juridique aboutit à ce qu’il n’y ait pas d’investissement dans les barrages : tant qu’il n’y a pas de solidité juridique pour les années qui viennent, personne ne veut mettre un euro dans une énergie qui est pourtant performante, décarbonée et sur laquelle la France a un avantage comparatif.
Je vous invite donc à venir participer à nos travaux, monsieur le sénateur, pour que nous puissions trouver d’ici à la fin de l’année 2024 une solution juridique à un problème qui dure depuis quinze ans. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)