Mme Laurence Garnier. Madame la secrétaire d’État, je parlerai ce matin du terrain de football synthétique de Vieillevigne, dans le vignoble nantais.
En 2022, les élus de cette commune décident d’investir dans un tel terrain pour répondre aux besoins des clubs sportifs locaux, faisant alors le choix exigeant de matériaux sobres, vertueux pour l’environnement, et de technologies économes en eau. Bien sûr, tout cela a un coût – un million d’euros –, ce qui représente un investissement important pour une commune de 4 000 habitants, mais ils pensent alors pouvoir bénéficier du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
La suite de l’histoire, vous la connaissez : les élus apprennent, après avoir engagé leur investissement, que leurs dépenses d’aménagement et d’équipement de terrain ne seront pas éligibles à ce fonds, pour des raisons obscures que personne n’a tout à fait comprises.
L’erreur a été réparée dans le projet de loi de finances pour 2024. Ainsi, depuis le 1er janvier de cette année, les dépenses d’aménagement et d’équipement sont de nouveau éligibles aux fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. C’est une très bonne nouvelle, mais cela ne règle pas la question des dépenses engagées antérieurement par la commune de Vieillevigne et par de nombreuses autres communes en Loire-Atlantique et dans toute la France.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il réparer cette erreur technique qui est préjudiciable aux communes ? Une rétroactivité est-elle envisageable, en particulier pour les terrains de sport n’ayant produit aucune recette depuis leur mise en service, ce qui est le cas de nombreux terrains municipaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Garnier, la réforme de l’automatisation du FCTVA a conduit à rénover les modalités d’attribution du fonds, pour passer d’un régime déclaratif à un régime automatisé, en application de la loi de finances pour 2021.
À l’époque, cette automatisation a fait l’objet de négociations. Il ne s’agit donc pas d’une erreur technique, la question de l’aménagement des terrains ayant bien été évoquée avec les associations d’élus lors des discussions sur l’assiette des dépenses éligibles. L’éligibilité des dépenses est désormais effective lorsqu’elles sont imputées régulièrement sur un compte éligible figurant sur la liste fixée par l’arrêté interministériel modifié du 30 décembre 2020.
À la suite de la concertation menée dans le cadre de l’Agenda territorial, et soucieux de poursuivre et d’amplifier son soutien à l’investissement des collectivités territoriales, le Gouvernement a décidé que les dépenses d’agencement et d’aménagement de terrains seraient réintégrées dans l’assiette d’éligibilité au FCTVA, à compter du 1er janvier 2024.
Du point de vue calendaire, conformément au code général des collectivités territoriales, ce fonds est liquidé par rapprochement entre les réalisations budgétaires d’un exercice et la liste des comptes éligibles au cours de ce même exercice, ainsi que le prévoit un arrêté interministériel. En d’autres termes, les droits au FCTVA sont déterminés au regard du cadre juridique applicable à date et ne peuvent donc faire l’objet d’un versement rétroactif.
Certaines dépenses réalisées dans le cadre de projets d’aménagement de terrains de sport ont en revanche toujours été éligibles. C’est le cas, par exemple, des équipements sportifs et du mobilier urbain – paires de buts, bancs, panneaux d’information… –, imputés au compte 2188, et des travaux d’éclairage ou des équipements d’arrosage, lesquels relèvent quant à eux d’une imputation au compte 2158.
Je le rappelle, en réintégrant les dépenses d’aménagement de terrains dans l’assiette du FCTVA à compter du 1er janvier 2024, le Gouvernement majore de 250 millions d’euros le soutien apporté chaque année par l’État à l’investissement des collectivités territoriales.
L’extension rétroactive des dépenses d’aménagement de terrains entraînerait un coût évalué à près de 750 millions d’euros pour les exercices 2021, 2022 et 2023. Or le montant du FCTVA attribué est resté à des niveaux élevés au cours de cette même période.
L’extension d’assiette est une mesure tournée vers l’avenir, qui vise à renforcer le niveau de l’investissement public local futur et à accompagner encore davantage les projets locaux. Il était donc important de réintégrer les dépenses d’aménagement de terrain.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Madame la secrétaire d’État, cette situation est profondément regrettable pour toutes les communes ayant fait le choix d’investir avant 2024. Je vous ai parlé d’erreur technique, vous me répondez choix politique. Dont acte ! Heureusement, nous sommes revenus sur ce choix.
Pour autant, les communes sont laissées sans solution. Surtout, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à pouvoir témoigner qu’elles n’ont jamais eu accès à des informations de ce type : elles les ont découvertes après avoir décidé de réaliser ces investissements. C’est tout à fait regrettable.
gestion économique et sociale de l’après-mines
Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, auteur de la question n° 1132, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Michaël Weber. Madame la secrétaire d’État, au mois de février dernier, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a annoncé une coupe de 10 milliards d’euros sur le budget 2024.
La mission « Écologie, développement et mobilité durables » est l’une des plus touchées, avec quelque 2 milliards d’euros d’économies exigés. Cette restriction budgétaire est très inégalement répartie entre les dix programmes de la mission. Le programme 174, « Énergie, climat et après-mines », concentre, à lui seul, plus d’un milliard d’euros d’annulation de crédits.
J’espère que vous saisirez la profonde inquiétude du sénateur de la Moselle que je suis, originaire du bassin houiller lorrain et bien au fait des difficultés sociales, sanitaires et environnementales de l’après-mines dans cette région.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite que vous m’indiquiez quels sont les crédits alloués à la gestion économique et sociale de l’après-mines, dont je crains qu’elle ne ressorte particulièrement lésée de la politique d’austérité de votre gouvernement. Je rappelle à votre mémoire le rapport pour avis du Sénat qui soulignait déjà le caractère peu protecteur du budget dévolu à la gestion de l’après-mines du projet de loi de finances initiale pour 2024.
Ces crédits doivent financer les dépenses sociales des anciens mineurs, mais aussi la dépollution du site Carling-Saint-Avold et les contentieux de Charbonnages de France.
Nombreux sont les anciens mineurs victimes de maladies respiratoires et de cancers. Le tribunal de Metz croule sous les affaires de reconnaissance de maladies professionnelles ou de fautes inexcusables de l’employeur. Par ailleurs, le contentieux en cours relatif au déstockage du site StocaMine, en Alsace, est susceptible, à lui seul, d’accroître fortement les besoins de financement et de rendre insuffisant le calibrage de ces mesures budgétaires.
L’annulation de crédits d’un budget déjà restreint n’aura-t-elle pas pour conséquence de pénaliser davantage la vie de ces anciens mineurs, qui luttent encore pour la reconnaissance de leurs droits, en plus d’avoir des effets directs sur la transition écologique des territoires miniers du Grand Est ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Weber, au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », le programme 174, « Énergie, climat et après-mines », s’articule autour de trois finalités : premièrement, mettre en œuvre la politique énergétique ; deuxièmement, accompagner la transition énergétique ; troisièmement, accompagner la transition économique, sociale et environnementale des territoires touchés par des mutations industrielles liées à la transition énergétique.
Il vise notamment à garantir aux anciens mineurs la préservation de leurs droits après l’arrêt de l’exploitation minière.
En 2024, près de 90 % du programme 174, doté de 5 milliards d’euros, financent les trois principaux dispositifs d’aide versés aux ménages, à savoir la prime à la conversion des véhicules et le bonus écologique, le chèque énergie, dont l’objectif est d’aider les ménages à revenu modeste, la prime de transition énergétique dite MaPrimeRénov’.
Ce programme a bien fait l’objet d’annulations de crédits par le biais du décret n° 2024-124 du 21 février dernier portant annulations de crédits, pris en application de la loi de finances pour 2024.
Cependant, monsieur le sénateur, je porte à votre connaissance que ces annulations de crédits ont porté exclusivement sur MaPrimeRénov’ et sur l’indemnité carburant. Il n’y a donc pas eu d’annulation sur le reste du programme, notamment son volet après-mines, en particulier sur toutes les mesures sociales pour les anciens mineurs qui sont assurées par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).
modalités de la taxe additionnelle à certains droits d’enregistrement
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteure de la question n° 468, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
Mme Françoise Gatel. Madame la secrétaire d’État, ma question a trait à la taxe additionnelle à certains droits d’enregistrement perçue par les départements et redistribuée aux communes.
Depuis quelques années, le Gouvernement encourage et soutient la création volontaire de communes nouvelles, car ces structures permettent de maintenir une entité communale plus forte et vivante. L’État a acté l’idée d’un pacte financier pour sécuriser la commune nouvelle et faire en sorte que des communes qui se regroupent ne subissent pas de pertes financières.
Pourtant, aujourd’hui, certaines de ces communes nouvelles subissent une baisse parfois drastique, tout à fait inattendue, de la dotation issue du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP).
En d’autres termes, ces communes perdent de l’argent, en tout cas des recettes qu’elles auraient pu percevoir, et cela sans véritable motivation, du seul fait qu’elles ont un nombre d’habitants différent. Qui plus est, cela ne concerne que des communes qui ne sont pas classées stations de tourisme. Cela pose une véritable question.
Pour ma part, je suis tout à fait favorable à la libre administration des collectivités. Pour autant, ne pourrait-on exhorter les départements à ne pas faire subir de telles pertes à ces communes, uniquement parce que celles-ci ont eu la bonne idée de se regrouper en une commune nouvelle ? Ce n’est pas juste. J’ai déposé en ce sens un amendement, qui a été bien accueilli, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Gatel, le dispositif que vous citez, à savoir le fonds départemental de péréquation de la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou à la taxe de publicité sur les mutations à titre onéreux, laisse effectivement au conseil départemental une assez grande liberté pour répartir ce fonds entre les communes de moins de 5 000 habitants, au titre de la libre administration des collectivités.
Cette liberté est toutefois encadrée.
D’une part, le barème doit prévoir a minima trois critères : la population, les dépenses d’équipement brut et l’effort fiscal fourni par la collectivité bénéficiaire.
D’autre part, la répartition doit respecter le caractère péréquateur de ce fonds, c’est-à-dire contribuer à réduire les disparités de ressources et de charges entre les communes.
Il paraît difficile de regretter cette liberté confiée aux élus, qui est précisée par la loi.
En outre, les conseils départementaux ont la possibilité de mettre en place des mécanismes de garantie pour certaines communes qui perdraient un montant trop important. Cette marge d’appréciation permet donc aux conseils départementaux, dans certaines conditions et s’ils le souhaitent, de garantir aux communes nouvelles tout ou partie du montant perçu par les communes préexistantes pour accompagner ces fusions de communes.
En revanche, s’il est possible d’intégrer des mécanismes de garantie, ceux-ci doivent être limités dans le temps et en volume financier, afin de ne pas remettre en cause le caractère péréquateur du fonds en entraînant à eux seuls une consommation majoritaire de l’enveloppe départementale.
Enfin, même si vous le savez déjà parfaitement, madame la sénatrice, je rappelle qu’un effort important a été consenti pour les communes nouvelles dans la loi de finances pour 2024, pour le maintien de leurs dotations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.
Mme Françoise Gatel. Madame la secrétaire d’État, il faut sensibiliser les départements à l’impact négatif qu’ont leurs décisions, même si ce n’est pas volontaire de leur part, sur les finances des communes nouvelles. Une idée très simple serait de les encourager à tenir compte du nombre de communes fondatrices dans chaque commune nouvelle.
Vous-même avez évoqué le principe de libre administration et l’existence de trois critères restrictifs. J’invite le Gouvernement à en ajouter un quatrième !
opportunité d’étendre le bénéfice de l’indemnité de résidence
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet, auteure de la question n° 1050, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Annick Jacquemet. Madame la secrétaire d’État, ma question se rapproche de celle qu’a posée ma collègue Véronique Guillotin.
L’initiative, portée par le Gouvernement, consistant à mettre en place, en septembre 2023, une indemnité de résidence couvrant initialement 61, puis 133 communes situées près de la frontière suisse, dans les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie, est à saluer.
Fixée à 3 % du salaire hors primes des agents publics bénéficiaires et représentant un montant annuel moyen avoisinant 840 euros brut, cette indemnité de résidence constitue à la fois un soutien financier et une reconnaissance pour les personnels des trois versants de la fonction publique qui y sont éligibles.
Cependant, de nombreux agents publics travaillant dans d’autres départements, pourtant confrontés à des problématiques identiques, comme la fuite des compétences vers la Suisse, pays aux salaires bien plus attractifs, ou encore la flambée des prix de l’immobilier, source de bien des difficultés d’accès au logement, ne peuvent prétendre à ce dispositif.
Face à cette situation, qui, loin d’être comprise par les acteurs sur le terrain, est même vécue comme une injustice, je souhaiterais connaître les raisons pour lesquelles le bénéfice de l’indemnité de résidence n’a pas été étendu à d’autres communes.
Madame la secrétaire d’État, je vous demande donc si le Gouvernement envisage d’élargir prochainement ce dispositif à d’autres territoires frontaliers, notamment au département du Doubs, dont le secteur du Haut-Doubs souffre particulièrement de l’attractivité de la Suisse et de la flambée des prix des logements.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Jacquemet, l’indemnité de résidence est calculée en fonction du lieu dans lequel les agents exercent leurs fonctions et du montant de leur rémunération.
Plus précisément, l’indemnité de résidence est égale à un pourcentage de l’indice détenu par l’agent public.
Le pourcentage varie en fonction de la commune : il est de 3 %, de 1 % ou nul, selon le classement de la commune ou de l’intercommunalité, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler précédemment. Ce classement fait l’objet de mises à jour. Par exemple, au cours de la période récente, le décret du 12 décembre 2023 a permis aux agents exerçant dans 133 communes frontalières de l’Ain et de la Haute-Savoie de bénéficier de l’indemnité de résidence à hauteur de 3 %.
Au total, dans la fonction publique d’État, près de la moitié des agents – 46 % très exactement, soit 870 000 personnes – bénéficient d’une indemnité de résidence : parmi eux, 55 % la perçoivent au taux de 3 % et 45 %, au taux de 1 %, ce qui représente respectivement 480 000 et 390 000 agents.
Ainsi, l’indemnité de résidence offre déjà un niveau de couverture important. Les demandes d’extension à d’autres communes doivent être examinées avec prudence, compte tenu de leur impact sur les finances publiques. Pour mémoire, en effet, le coût global de l’indemnité de résidence pour l’État s’élevait à près de 590 millions d’euros en 2023.
Je l’ai dit, le député David Amiel s’est vu confier une mission sur ce sujet précis. J’espère que les conclusions qui seront issues de ses travaux nous permettront d’avancer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour la réplique.
Mme Annick Jacquemet. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais il y a un réel sentiment d’injustice par rapport au versement de cette indemnité de résidence, et il est véritablement très difficile de trouver des personnes prêtes à venir travailler dans le Doubs, en particulier dans le Haut-Doubs.
Je pense surtout aux professionnels de santé. Chacun connaît les problèmes liés aux déserts médicaux : étendre le dispositif de l’indemnité de résidence constituerait une incitation supplémentaire et permettrait d’attirer davantage de monde dans nos territoires.
situation d’urgence à la maison d’arrêt de rouen
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 1139, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Marie. Madame la ministre, le 16 février dernier, avec le député Gérard Leseul et le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, je me suis rendu à la maison d’arrêt de Rouen, à la suite, notamment, d’une alerte des organisations représentatives des personnels pénitentiaires.
Cet établissement, construit en 1860, est dans une situation alarmante. Nous avons pu constater de nombreuses infiltrations, moisissures, mais surtout l’effondrement partiel de murs ; les pignons de plusieurs bâtiments menacent de s’effondrer, contraignant la direction à prendre des mesures d’urgence.
Une cinquantaine de détenus ont été transférés, la section des mineurs, fermée, de nombreuses cellules, désinfectées. Plusieurs lieux importants du parcours de réinsertion – bibliothèque, foyer socioculturel, bureaux de l’éducation nationale, salle de sport, espace de formation professionnelle, ateliers de métallurgie – sont également fermés. La cuisine centrale est elle-même désormais menacée.
À cette situation critique s’ajoute une surpopulation carcérale persistante. Après le déplacement des détenus, le taux d’occupation de l’établissement est toujours de 120 %, alors que le taux d’encadrement n’est, lui, que de 90 %. Cela crée, vous l’imaginez, une tension permanente.
Pour rappel, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme le 6 juillet 2023 pour violation des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Si la situation des prisons en France pose de grandes difficultés, il y a, pour celle de Rouen, une urgence absolue. Il s’agit non plus de gérer les désordres au cas par cas, mais d’entreprendre une réhabilitation complète.
Quelles mesures, madame la ministre, M. le garde des sceaux entend-il prendre pour régler cette situation ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Didier Marie, je vous réponds au nom de M. le garde des sceaux.
La prison est nécessaire, elle est là pour punir les criminels et protéger nos concitoyens, mais l’incarcération, comme vous l’avez rappelé, doit se faire dans des conditions dignes ; c’est ce à quoi s’emploie d’ailleurs, chaque jour, M. le garde des sceaux. Il y va de la bonne santé de notre démocratie autant que du quotidien de nos agents pénitentiaires, qui accomplissent un travail remarquable et auxquels je veux ici rendre hommage.
Depuis 2010, quelque 6 millions de travaux de maintenance ont été engagés pour la maison d’arrêt de Rouen, mais certaines parties de la structure ont vieilli précipitamment, en raison, entre autres, d’infiltrations d’eau. Sans attendre, le ministère de la justice a décidé d’attribuer une enveloppe de 3,5 millions d’euros pour l’année 2024, afin que les opérations de maintenance les plus urgentes puissent être réalisées.
Une opération de renforcement de certains murs pignons détériorés et d’éléments de la charpente en bois va effectivement être entreprise en priorité. Dans l’attente de l’achèvement du diagnostic du bâtiment, des mesures conservatoires seront mises en œuvre à court terme, afin, tout d’abord, de garantir la sécurité des personnes détenues et des personnels, ensuite, de mettre en place les prérequis à l’opération de renforcement structurel.
La population pénale de l’établissement a été réduite provisoirement. Cette baisse des effectifs a également permis d’intervenir, en février dernier, sur la structure des coursives d’une des ailes de l’établissement.
Les travaux de rénovation proprement dits concerneront en premier lieu la réfection complète de la couverture, le rejointoiement des façades en briques, le remplacement des menuiseries extérieures et la reprise intégrale des installations de plomberie sanitaire, de la ventilation et de l’électricité, ainsi que la réfection des cours de promenade et du mur d’enceinte. Un comité de suivi a été mis en œuvre en vue de contrôler l’état d’avancement de ce plan d’action.
Vous le savez, monsieur le sénateur, les budgets de rénovation ont augmenté significativement, avec près de 140 millions d’euros par an depuis plus de cinq ans. Vous pouvez compter sur la mobilisation de M. le garde des sceaux pour poursuivre ces travaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Madame la ministre, le Gouvernement, dites-vous, a pris conscience de la situation de cet établissement. Malheureusement, les moyens mis en œuvre ne sont pas à la hauteur des besoins : les travaux qui seront engagés ne régleront pas les problèmes de fond !
C’est une restructuration complète dont l’établissement a besoin. Je parle bien d’une restructuration sur site et non d’une reconstruction, car cet établissement est idéalement situé, tant pour les personnels que pour les familles.
Nous attendons donc des décisions plus importantes que celles que vous venez d’annoncer.
vacance au tribunal judiciaire du havre
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1155, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, voilà quelques mois, le Sénat adoptait le texte qui allait devenir la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ). Il exprimait ainsi son soutien à la trajectoire proposée par M. le garde des sceaux, avec notamment l’embauche supplémentaire de 1 500 magistrats et de 1 800 greffiers. En effet, force est de constater que ces deux professions sont les chevilles ouvrières de notre justice et de son fonctionnement.
Malgré ces promesses, au sein du tribunal judiciaire du Havre, personne ne voit venir grand-chose, malheureusement. Il manquera en effet à la rentrée prochaine 4 magistrats sur un effectif de 28, alors que ce tribunal compte déjà 4 équivalents temps plein en moins, en raison notamment des temps partiels.
Le tribunal fonctionne actuellement avec des magistrats placés par la cour d’appel, mais ces derniers doivent « tourner » sur plusieurs juridictions. Ce n’est pas satisfaisant.
Sans compter, madame la ministre, les difficultés rencontrées par le greffe : 24 % des postes n’y sont pas pourvus, soit 27 personnes sur un total de 113 greffiers. Un tel taux de vacance est difficilement supportable.
Cette situation a un effet induit sur les conditions de travail, avec pour conséquence une augmentation des arrêts maladie. Cela ne fait qu’amplifier les difficultés et les vacances de postes et crée une véritable tension sur le fonctionnement du tribunal judiciaire du Havre.
Madame la ministre, ma question est simple : quand les orientations votées dans la LOPJ seront-elles appliquées au tribunal judiciaire du Havre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Canayer, je connais votre mobilisation et votre engagement en faveur de votre territoire, s’agissant, en particulier, des questions de justice.
Au nom de M. le garde des sceaux, je tiens à vous assurer que les engagements pris devant vous seront bien évidemment tenus, au Havre comme dans toutes les juridictions.
Pour la première fois depuis trente ans, le réarmement judiciaire de ce pays est en cours. D’ores et déjà, 2 100 emplois ont été créés dans le cadre de la justice de proximité ; 700 magistrats et 850 greffiers supplémentaires ont également été recrutés. Ces premiers efforts se sont d’ailleurs traduits très concrètement pour nos concitoyens, avec une baisse significative des stocks d’affaires en cours de près de 30 %.
Concernant la situation particulière du tribunal judiciaire du Havre, votre inquiétude est totalement compréhensible, mais je tiens, ici, à vous rassurer.
Les départs de magistrats que vous évoquez et les vacances qui en découlent seront, dans la mesure du possible, compensés cette année par l’arrivée d’auditeurs de justice et de lauréats du concours complémentaire, lesquels doivent encore choisir leur poste.
Depuis 2020, je le rappelle, 10 renforts sont arrivés au tribunal judiciaire du Havre dans le cadre de la mise en œuvre du plan Justice de proximité, dont 1 contractuel de catégorie A, 5 contractuels de catégorie B, 2 contractuels de catégorie C et 1 technicien informatique de proximité.
Je précise enfin que la cour d’appel de Rouen bénéficiera, d’ici à 2027, de plusieurs créations de postes : 39 magistrats, 32 greffiers et 29 attachés de justice, au bénéfice de l’ensemble des juridictions du ressort, dont bien évidemment la juridiction havraise.
Madame la ministre, M. le garde des sceaux aura bientôt l’honneur de vous indiquer le nombre précis de ces recrutements qui seront affectés au Havre, conformément aux remontées du terrain effectuées régulièrement et sur lesquelles vous ne manquez pas nous interpeller.
Vous pouvez donc compter sur notre mobilisation, à vos côtés.