M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. J’avoue être un peu perplexe. On se demande parfois si les uns et les autres lisent les textes qui leur sont soumis…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous voulez dire « nos collègues » !
M. Francis Szpiner, rapporteur. Je tiens donc à rappeler la rédaction que nous proposons d’inscrire au sein du code pénal, dans un nouvel article 221-6-1-1 ouvrant une section intitulée « De l’homicide routier » : « Le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer, selon les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide routier puni de cinq ans d’emprisonnement. »
La notion d’homicide involontaire, reposant sur les manquements énumérés, demeure donc bien dans les éléments constitutifs du délit d’homicide routier. Mme de La Gontrie évoquait tout à l’heure ces manquements ; nous parlons de personnes qui, en particulier, n’ont ni bu ni pris de drogue.
Parallèlement, l’ancien homicide involontaire aggravé devient l’homicide routier par mise en danger, caractérisé par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité.
J’ai lu dans l’exposé des motifs d’un amendement déposé sur l’initiative du groupe RDPI qu’une telle rédaction serait constitutionnellement suspecte. Or elle ne fait que reprendre une disposition figurant depuis vingt ans dans le code pénal…
Je maintiens que, si l’homicide routier est un tout, on peut clairement en distinguer deux sortes : l’homicide routier simple, qui correspond par ses éléments constitutifs à un homicide involontaire, et l’homicide routier par mise en danger, qui n’est autre que l’ancien homicide involontaire aggravé. Il n’y a là rien de nouveau, mais cette approche garantit une unité.
Les associations et les familles de victimes insistent avec force sur ce point : dans de telles situations, on ne doit pas faire de distinction entre les familles.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 39, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Narassiguin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le dernier alinéa de l’article 221-6-1 du code pénal est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’homicide involontaire mentionné au présent article est qualifié d’homicide routier :
« - lorsqu’il a été commis avec une seule des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article, cet homicide routier est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.
« - lorsqu’il a été commis avec deux ou plus des circonstances aggravantes sus-mentionnées, il est puni de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les explications très fouillées de M. le rapporteur nous rappellent qu’il est parfois nécessaire de faire simple. (M. Olivier Rietmann s’exclame.)
Pour notre part, nous proposons, dans cet esprit, de qualifier d’homicides routiers ceux qui, jusqu’à présent, en droit pénal, étaient considérés comme des homicides involontaires avec au moins une circonstance aggravante ; ces délits seraient plus sévèrement punis en présence d’au moins deux circonstances aggravantes. Ces dispositions sont simples ; elles tiennent en cinq lignes et non en huit pages, comme celles que propose M. le rapporteur.
Le texte de la commission qualifie les homicides en fonction de la violation de lois et règlements ; mais cet ensemble, dont il mentionne quelques exemples, va bien au-delà de l’homicide routier ! Il englobe notamment les droits du travail et de l’urbanisme. Il dépasse donc largement le champ du présent texte.
Un toilettage du code pénal est peut-être bienvenu : nous n’avions pas compris que tel était l’objet de cette proposition de loi, mais sans doute avons-nous péché par manque d’ambition… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Plus sérieusement, lorsque l’homicide routier aura été commis avec une seule circonstance aggravante, nous proposons une peine de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende : ce n’est pas rien. Et, lorsqu’il aura été commis avec deux circonstances aggravantes ou plus, nous proposons dix ans de prison et 150 000 euros d’amende.
J’y insiste, ces dispositions ont le mérite d’être claires : j’ai pu les exposer en moins d’une minute. Celles qu’a retenues M. le rapporteur exigeraient au moins un quart d’heure…
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 3 rectifié est présenté par M. Masset, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Daubet et Fialaire, Mme Girardin, M. Gold, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 32 rectifié est présenté par Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Les deuxième à dernier alinéas des articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 sont supprimés ;
2° Après le chapitre Ier bis du titre II du livre II, il est inséré un chapitre Ier ter ainsi rédigé :
« Chapitre Ier ter
« Des homicides et blessures routiers
« Art. 221-18. – Le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, la mort d’autrui sans intention de la donner constitue un homicide routier puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsque :
« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après ;
« 2° Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste, était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le même code destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ;
« 3° Il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants ou il a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ledit code destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;
« 3° bis Le conducteur a volontairement consommé, de façon détournée ou manifestement excessive, une ou plusieurs substances psychoactives figurant sur une liste dressée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
« 4° Le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;
« 5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 30 kilomètres à l’heure ;
« 6° Le conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir ou n’a pas porté secours ou prêté assistance à une personne en danger ;
« 7° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main ou le port à l’oreille d’un dispositif susceptible d’émettre du son ;
« 8° Le conducteur a omis d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité ;
« 9° Le conducteur a contrevenu à l’article L. 236-1 du code de la route.
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque l’homicide routier a été commis avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° à 9° du présent article.
« Art. 221-19. – Le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, sans intention de nuire, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois, constitue des blessures routières ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque :
« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après ;
« 2° Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste, était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le même code et destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ;
« 3° Il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants ou il a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ledit code destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;
« 3° bis Le conducteur a volontairement consommé, de façon détournée ou manifestement excessive, une ou plusieurs substances psychoactives figurant sur une liste dressée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
« 4° Le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;
« 5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 30 kilomètres à l’heure ;
« 6° Le conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir ou n’a pas porté secours ou prêté assistance à une personne en danger ;
« 7° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main ou le port à l’oreille d’un dispositif susceptible d’émettre du son ;
« 8° Le conducteur a omis d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité ;
« 9° Le conducteur a contrevenu à l’article L. 236-1 du code de la route.
« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque les blessures routières ont été commises avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° à 9° du présent article.
« Art. 221-20. – Le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, sans intention de nuire, une incapacité totale de travail pendant une durée inférieure ou égale à trois mois constitue des blessures routières ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque :
« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après ;
« 2° Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste, était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le même code destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ;
« 3° Il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants ou il a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ledit code destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;
« 3° bis Le conducteur a volontairement consommé, de façon détournée ou manifestement excessive, une ou plusieurs substances psychoactives figurant sur une liste dressée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
« 4° Le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;
« 5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 30 kilomètres à l’heure ;
« 6° Le conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir ou n’a pas porté secours ou prêté assistance à une personne en danger ;
« 7° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main ou le port à l’oreille d’un dispositif susceptible d’émettre du son ;
« 8° (Supprimé)
« 9° Le conducteur a contrevenu à l’article L. 236-1 du code de la route.
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque les blessures routières ont été commises avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° à 9° du présent article.
« Art. 221-21. – I. – Les personnes physiques coupables des délits prévus au présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
« 2° La suspension, pour une durée de dix ans au plus, du permis de conduire ;
« 3° L’annulation du permis de conduire, avec l’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant dix ans au plus ;
« 4° L’interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;
« 5° L’interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par un professionnel agréé ou par construction d’un dispositif d’anti-démarrage par éthylotest électronique, homologué dans les conditions prévues à l’article L. 234-17 du code de la route. Lorsque cette interdiction est prononcée en même temps que la peine d’annulation ou de suspension du permis de conduire, elle s’applique, pour la durée fixée par la juridiction, à l’issue de l’exécution de cette peine ;
« 6° La confiscation du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ou si le propriétaire du véhicule l’a laissé à la disposition du condamné en ayant connaissance du fait que ce dernier :
« a) Se trouvait en état d’ivresse manifeste ;
« b) Avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants ;
« c) Avait volontairement consommé, de façon détournée ou manifestement excessive, une ou plusieurs substances psychoactives figurant sur une liste dressée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
« d) N’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou avait vu son permis être annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;
« 7° La confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
« 8° L’immobilisation, pendant une durée d’un an au plus, du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ou si le véhicule a été laissé à sa libre disposition dans les conditions prévues au 6° du présent I ;
« 9° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
« 10° La confiscation d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
« 11° Le retrait du permis de chasser, avec l’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
« 12° à 14° (Supprimés)
« 15° La peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prévue à l’article 131-35.
« I bis. – Toute condamnation pour les délits prévus aux articles 221-18 et 221-19 donne lieu de plein droit à l’annulation du permis de conduire, avec l’interdiction de solliciter un nouveau permis pendant une durée comprise entre cinq et dix ans. En cas de récidive, la durée de l’interdiction est portée de plein droit à dix ans et le tribunal peut, par décision spécialement motivée, prévoir que cette interdiction est définitive.
« II. – Le prononcé des peines complémentaires suivantes est obligatoire :
« 1° (Supprimé)
« 2° Dans les cas prévus au 4° et au dernier alinéa des articles 221-18, 221-19 et 221-20, les peines complémentaires prévues aux 6° et 7° du I du présent article ;
« 3° Dans les cas prévus au 2° des articles 221-18, 221-19 et 221-20, la peine complémentaire prévue au 5° du I du présent article ;
« 4° Dans les cas prévus aux 2° , 3° et 5° des articles 221-18, 221-19 et 221-20, en cas de récidive ou si la personne a déjà été définitivement condamnée pour un des délits prévus aux articles L. 221-2, L. 224-16, L. 234-1, L. 234-8, L. 235-1, L. 235-3 ou L. 413-1 du code de la route ou pour la contravention mentionnée au même article L. 413-1, les peines complémentaires prévues aux 6° et 7° du I du présent article.
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ces peines, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
M. Michel Masset. Défendu !
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.
Mme Nadège Havet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. Nous sommes, selon moi, face à un problème de lecture et de compréhension. Je rappelle que, de manière générale, l’homicide involontaire est puni par le code pénal de trois ans d’emprisonnement ; pour ce qui concerne les accidents de la route, cette peine est portée à cinq ans. Depuis longtemps, le code pénal opère donc une distinction entre l’homicide involontaire considéré à titre général et celui qui a lieu sur la route.
Pour des raisons d’unité et de cohérence, la commission est défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est favorable au rétablissement de l’article 1er dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale.
Madame de La Gontrie, j’entends votre volonté de simplifier : cet article est devenu une véritable usine à gaz…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Plusieurs orateurs ont évoqué le chagrin des victimes. À l’évidence, personne n’en a le monopole et, en la matière, on ne peut pas faire de catégories. En revanche, il faut distinguer un certain nombre de situations.
Quand une personne est fauchée en traversant une rue en dehors d’un passage piéton, sa famille et ses proches éprouvent un chagrin immense, incommensurable. Mais quand, par le comportement qu’il a adopté avant de prendre le volant de son véhicule, l’auteur de l’homicide s’est placé dans des conditions telles qu’elles devaient aboutir au malheur – je pense notamment à la consommation de produits stupéfiants ou d’alcool –, s’y ajoute un terrible sentiment d’incompréhension.
Dire les choses : voilà ce qui nous anime. Tout le monde connaît la formule de Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde. »
J’en viens à présent aux peines : cinq, sept ou dix ans d’emprisonnement, ce n’est pas rien. Je rappelle aux férus de la répression que la Cour des comptes…
M. Laurent Somon. Ne soyez pas caricatural !
M. Laurent Somon. Parce que vous me regardez : vous vous tournez vers nous !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Alors, je vais me tourner vers Mme de La Gontrie… (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Antoine Lefèvre sourient.)
M. Olivier Rietmann. « Férus de la répression »…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, en l’occurrence, je ne vous regardais pas… Souffrez de m’écouter un instant !
Je vous l’avoue, je suis un peu fatigué d’entendre dénoncer le prétendu laxisme de la justice. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne vous demande pas de lire mes propres écrits, qui peuvent vous sembler suspects – je l’entends. Je vous renvoie aux conclusions de la Cour des comptes, lesquelles insistent sur la surpopulation carcérale et sur la sévérité accrue de la justice de notre pays : ces considérations méritent à tout le moins réflexion.
En l’occurrence, on n’est pas dans le duel politicien ou dans la polémique. Tous les chiffres le démontrent : en correctionnelle comme aux assises, où les juges ne sont autres que nos compatriotes, la justice est de plus en plus sévère. C’est une réalité statistique.
Bien sûr, le Sénat est une assemblée sage,…
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … mais, vous le savez très bien, l’extrême droite se nourrit perpétuellement de ces discours. Elle en fait même son miel. Dès lors, vous comprendrez ma lassitude, d’autant que les associations ne demandent pas d’aggravation des peines : elles veulent que l’on dise les choses comme elles sont. Faisons-le !
Les peines planchers appellent un grand débat d’idées. Elles méritent mieux qu’un amendement discuté à vingt-deux heures quarante-cinq… Pour ma part, j’estime qu’elles ne sont pas efficaces. Vous avez le droit de penser le contraire : les avis peuvent diverger, c’est le propre de la démocratie.
Quoi qu’il en soit, en toute rigueur, un juge ne devrait pas pouvoir déroger à de vraies peines planchers ; c’est bien pourquoi elles sont inconstitutionnelles. Le juge n’est donc pas tenu d’appliquer ce que vous appelez des peines planchers, et vous le savez bien.
Ce dispositif est constitutionnel. Il a d’ailleurs été mis en œuvre ; vous le savez également, il n’a pas été efficace. Franchement, se verrait-on appliquer des peines planchers pour une infraction au code pénal, dans ces conditions-là ?
Mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, c’est à vous que je m’adresse : ces dispositions constituent un marqueur politique extrêmement fort, qui plus est sur un texte qui se veut consensuel. Il s’agit d’abord de répondre au chagrin des familles. Peut-on vraiment faire de la « poloche » là-dessus ? Je vous pose la question.
L’impératif m’est défendu en ces lieux et vous voterez bien sûr ce que vous voudrez, en votre âme et conscience. Mais j’estime que ce débat vaut mieux.
Je n’aime pas les peines planchers, je l’ai toujours dit ; cela étant, je ne suis pas venu ici faire de l’idéologie ou du dogmatisme. Je dis simplement que le chagrin de ces personnes mérite des discussions d’une autre portée.
« Victoire, on a rétabli quelques peines planchers dans le code pénal ! » Avec de tels buts, le débat s’enlise, voire s’enterre. Je le répète, ce texte a été considéré comme consensuel et même transpartisan à l’Assemblée nationale, où siègent aussi des élus Les Républicains, que je sache… Nous ne sommes pas face à un clivage entre gauche et droite : un délit est mal qualifié, et nous devons nous efforcer de corriger les textes, tous ensemble.
J’en reviens à l’amendement n° 39, présenté par Mme de La Gontrie dans un esprit de clarification. Étant donné que je souhaite le rétablissement de l’article 1er dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, je ne puis qu’émettre un avis défavorable, même si cette version vaut mieux que le texte de la commission.
Par cohérence, je suis favorable aux amendements identiques nos 3 rectifié et 32 rectifié, qui visent précisément à rétablir le texte de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Monsieur le garde des sceaux, le 17 juillet dernier, à l’issue du comité interministériel de la sécurité routière, Mme Élisabeth Borne déclarait : « Nous allons créer une qualification spécifique d’homicide routier. Tout conducteur qui tue une personne sur la route et serait poursuivi aujourd’hui pour homicide involontaire sera poursuivi demain pour homicide routier. Cette dénomination s’appliquera, que le conducteur ait consommé ou non de l’alcool ou des stupéfiants. »