M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le retrait-gonflement de l’argile, bien qu’il ne soit pas dangereux pour l’homme, provoque chaque année des dégâts considérables sur les bâtiments ; les maisons individuelles sont particulièrement touchées.
Aujourd’hui, nous devons débattre de l’épineuse question de l’indemnisation des victimes de ce phénomène.
Je le rappelle, le RGA survient quand les sols varient de volume en fonction de la teneur en eau des terrains : ils se rétractent en période de sécheresse et gonflent lorsqu’ils sont à nouveau hydratés. Le phénomène concerne un cinquième des sols dans l’Hexagone et 4 millions de maisons individuelles.
Ce débat est organisé aujourd’hui au Sénat alors que le travail déjà engagé par le Gouvernement témoigne de sa volonté d’adapter le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles à l’évolution du phénomène de retrait-gonflement de l’argile.
J’en veux pour preuve la mission d’information du député Vincent Ledoux, conclue l’an dernier, qui a identifié de nouveaux axes pour une meilleure prise en considération des sinistrés.
Avant d’entrer dans les détails, permettez-moi de m’attarder sur les causes du RGA. Les phénomènes climatiques exceptionnels que nous connaissons actuellement sont le principal facteur de déclenchement du retrait-gonflement des sols argileux.
En tant qu’Ultramarine, je ne peux qu’être sensible au dérèglement climatique qui touche l’ensemble des territoires français.
Les outre-mer sont particulièrement touchés alors qu’ils accueillent 10 % de la biodiversité mondiale en termes d’espèces. Nous devons faire face à l’érosion côtière, à la submersion marine, ainsi qu’au réchauffement et à l’acidification des océans. Les sargasses, qui affectent durement l’économie des Antilles, sont l’une des conséquences du dérèglement climatique.
Pour ralentir ces phénomènes, nous n’avons qu’une seule solution : diminuer la fréquence des événements extrêmes en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre. Nous devons tous apporter notre pierre à l’édifice et participer activement à cette lutte.
Même si nous pouvons saluer la réduction de 5,8 % des émissions des gaz à effet de serre de notre pays en 2023, nous ne pouvons pas complètement nous en satisfaire. La France est encore très loin d’atteindre ses objectifs climatiques.
Si ce texte était adopté dans sa rédaction actuelle, il pourrait engendrer un surcoût de plus de 1 milliard d’euros par an et déséquilibrer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Ce surcoût serait répercuté directement sur les primes payées par les assurés.
Aussi, face à la multiplication du nombre de catastrophes naturelles ces dernières années, le taux de surprime augmentera dès le 1er janvier prochain et passera de 12 % à 20 %.
Créé en 1982, ce régime, qui a indemnisé plus de 3,3 millions de sinistrés, doit être encore perfectionné concernant le RGA. Nous devons en assurer la pérennisation financière, tout en garantissant l’assurabilité des risques climatiques.
Le Gouvernement, de manière proactive, a pris l’initiative en 2022 de renforcer le cadre d’indemnisation spécifique aux sécheresses dans l’ordonnance promulguée le 8 février 2023, complétée par des décrets parus respectivement le 6 février et le 6 mai derniers. Le premier décret apporte des précisions sur les modalités d’indemnisation, tandis que le second assouplit les critères de reconnaissance des phénomènes de sécheresse et renforce les mesures de prévention.
Grâce à ces textes, le nombre de communes éligibles à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a augmenté de 17 %.
Nous devons faire preuve de prudence face aux conséquences que la présente proposition de loi fait peser sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, mais aussi face aux risques auxquelles il expose les sinistrés.
La présomption réfragable de causalité prévue à l’article 2 engendrera des études techniques complémentaires, alors qu’un simple constat serait suffisant dans certains cas. Ainsi, les délais d’indemnisation seront inutilement allongés et la charge de gestion sera alourdie.
En outre, je m’interroge sur l’obligation pour l’assureur de faire réaliser une expertise sur la base d’une étude des sols. Cette dernière ne répond que partiellement au problème qui nous préoccupe directement, car elle ne traite pas l’environnement proche.
De plus, le recours à ce type d’étude se traduira par une hausse du coût moyen des sinistres indemnisés. Une telle proposition renchérirait de manière significative la charge du régime d’indemnisation et allongerait fortement les délais de prise en charge des sinistrés.
Notons aussi que le Gouvernement travaille actuellement sur un décret afin de mieux encadrer l’activité des experts missionnés par les entreprises d’assurance.
Le groupe RDPI constatant que le dossier du retrait-gonflement de l’argile avance, dans l’intérêt de nos concitoyens, il ne pourra pas voter ce texte en l’état : premièrement, parce qu’il risque d’augmenter les contributions des contribuables et d’allonger les délais d’indemnisation ; deuxièmement, parce qu’il ne nous semble pas responsable de voter un texte qui ne permet pas d’assurer l’équilibre financier du régime d’indemnisation.
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Nous entendons poursuivre le travail collectivement, afin de mettre en place un cadre légal et réglementaire qui permettra de pérenniser le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici rassemblés pour aborder un sujet qui, bien que technique, n’en est pas moins crucial pour la sécurité de nos concitoyens et la sauvegarde des habitations de nos territoires.
Lorsque nous évoquons les conséquences du dérèglement climatique, il nous vient tous à l’esprit des images de catastrophes : incendies, inondations, rivières asséchées.
La réalité du changement climatique, ce sont aussi des dégâts insidieux, des bouleversements profonds qui rendent la vie de nos concitoyens de plus en plus difficile : chaleurs caniculaires, restrictions d’eau, fragilisation du littoral et, pour ce qui nous occupe aujourd’hui, dégâts causés par le retrait-gonflement de l’argile sous l’effet des sécheresses.
Le retrait-gonflement de l’argile est un phénomène qui, sous l’effet exacerbé du dérèglement climatique et de la sécheresse, menace aujourd’hui une part très importante des habitations françaises. Il suppose donc de gérer et d’indemniser les dommages subis.
Avant toute chose, il me semble primordial de rappeler le contexte dans lequel ce texte s’inscrit. Sur les 20,3 millions de maisons individuelles qui parsèment notre pays, environ 10 millions se trouvent exposées à un risque moyen ou fort de RGA. Ainsi, 50 % de nos territoires sont concernés par ce phénomène qui vire au fléau.
Ce risque y est inégalement réparti : dix départements supportent près de la moitié du coût de la sécheresse liée au RGA. La Sarthe, en particulier, est l’un des départements français les plus touchés.
Lors de mes nombreux échanges et de mes rencontres avec les associations d’élus locaux et de sinistrés – j’en profite pour saluer le travail important qu’elles accomplissent pour accompagner les sinistrés –, j’ai pu constater l’urgence et l’ampleur des défis auxquels font face avec impuissance nos concitoyens.
Nous sommes en effet confrontés à une réalité difficile : de nombreux Français vivent dans des logements désormais inhabitables et se voient contraints, tout comme nos collectivités, d’entreprendre des rénovations dont le coût est bien supérieur à leurs moyens financiers.
Face à cette impasse, certains propriétaires envisagent même la déconstruction de leur bien, tandis que les locataires risquent de se retrouver sans abri, exposés à une précarité accrue.
Ce phénomène revêt des enjeux tant sociaux que financiers. Depuis l’intégration de ces mouvements de terrain dans le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, il y a maintenant près de quarante ans, le coût des dommages a atteint le montant colossal de près de 14 milliards d’euros, soit 40 % des coûts totaux pris en charge par ledit régime.
Plus alarmant encore, nous observons une expansion géographique de ce risque liée au dérèglement climatique. Si nous nous projetons jusqu’en 2050, l’ensemble des coûts cumulés pourraient s’élever à près de 43 milliards d’euros, dont 17 milliards seraient directement imputables aux seuls effets du changement climatique.
Face à cette réalité alarmante, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui se présente comme une réponse pragmatique, malgré ses imperfections.
En la matière, ce texte ne fait pas œuvre de nouveauté. Il s’inscrit dans le prolongement des travaux de notre collègue socialiste Nicole Bonnefoy qui, dès janvier 2019, suivant les conclusions de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, avait déposé une proposition de loi, laquelle, je le précise, avait été adoptée à l’unanimité sur ces travées.
Le présent texte comporte certaines dispositions bienvenues. Il rend notamment la procédure d’expertise plus impartiale et modifie l’équilibre existant entre l’assureur et l’assuré, qui est aujourd’hui défavorable à ce dernier.
Concrètement, l’article 2 met en place une présomption réfragable : désormais, lorsque l’état de catastrophe naturelle est déclaré, il est de fait présumé que le retrait-gonflement de l’argile est la cause déterminante du dommage sur l’habitation.
Il est aussi à noter que cet article contraint l’assureur à mener une analyse des sols prenant spécifiquement en compte ce risque, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. À cet effet, un label « expert RGA » est créé pour mieux identifier les experts ayant reçu une formation spécifique en la matière.
Une fois de plus, ces dispositions s’inscrivent dans une logique proche de celle que le groupe SER a défendue par le passé.
Ces avancées interviennent alors que la situation n’a cessé de s’aggraver. Eu égard aux enjeux, je ne doute pas que ce texte saura susciter la concorde sur ces travées, en dehors des clivages partisans, voire politiciens, et ce dans l’intérêt de nos concitoyens.
Il n’y aurait d’ailleurs aucune cohérence à rejeter ce texte alors que le Parlement a unanimement soutenu des mesures similaires il y a à peine quatre ans.
L’heure est non pas aux tergiversations, mais à l’action. Les associations d’élus locaux et de sinistrés nous interpellent et nous demandent de prendre des mesures concrètes. Ce texte est un premier pas nécessaire.
Ignorer leurs réclamations serait irresponsable. Il est de notre devoir, en tant que législateurs, de répondre avec vigueur et prévoyance aux défis posés par le retrait-gonflement de l’argile, exacerbé par le changement climatique.
Nous devons envoyer un signal fort à nos territoires. Actuellement, nos élus doivent d’abord faire reconnaître l’état de catastrophe naturelle, ce qui leur impose d’effectuer des démarches pas toujours aisées.
À cet égard, je tiens à saluer le travail exemplaire accompli par les associations d’élus. Elles constituent un soutien indispensable et un point de repère pour tous nos concitoyens confrontés à la misère causée par l’effondrement de leur foyer.
C’est donc mû par un souci de constance et de cohérence que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte. Il représente une avancée nécessaire pour une meilleure indemnisation et une plus forte protection de nos concitoyens face à un risque croissant. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi aujourd’hui intervient quelques semaines après les inondations ayant eu lieu dans le Nord-Pas-de-Calais et la Somme et les glissements de terrain survenus en février dernier dans les Alpes-Maritimes, mais aussi dans un contexte de désolation en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où plus de 2 000 habitants de six villages ont été ensevelis par un glissement de terrain.
Ces exemples démontrent que, partout sur le globe, y compris chez nous, surviennent des phénomènes climatiques de nature variée. Les variations successives des régimes pluviométriques liées au changement climatique augmentent en tout lieu les risques de glissements de terrain, d’inondations et de retrait-gonflement de l’argile, avec leur cortège de destructions et de conséquences humaines, matérielles et financières.
La présente proposition de loi est, hélas ! un exemple supplémentaire d’une réflexion partiellement aboutie soumise au Parlement. Il vaudrait mieux réfléchir globalement aux évolutions des coûts engendrés par les catastrophes climatiques, selon les modélisations proposées, ainsi qu’aux solutions pour pérenniser le système d’indemnisation et aux mesures de prévention.
Comme l’indique la Caisse centrale de réassurance, « une vraie politique de prévention des risques est nécessaire, car l’assurabilité du RGA ne peut s’appuyer que sur l’action conjointe de l’État, des collectivités locales, des assureurs, des réassureurs et in fine des assurés ». L’adaptation de notre bâti existant et futur est aussi impérative.
Comme l’écrivait Nicolas Boileau, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Non seulement cette proposition de loi ne prend pas en compte les catastrophes naturelles dans leur ensemble, mais elle coûtera aussi 1 milliard d’euros, son dispositif manquant de lisibilité et entraînant des délais d’indemnisation parfois allongés.
La commission des finances est attachée à l’évaluation préalable des normes issues de notre assemblée, ainsi qu’à la bonne appréciation des coûts. C’est bien la responsabilité qui nous incombe dans une conjoncture budgétaire contrainte.
Dans le département de la Somme, vingt-sept demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au titre du retrait-gonflement de l’argile ont été déposées en préfecture. Depuis 2018, le ministère a émis douze avis défavorables et quinze avis favorables.
De nombreuses communes touchées par les sinistres dus à la sécheresse se voient refuser l’éligibilité au régime CatNat. En moyenne, seuls 50 % des communes qui ont déposé une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle finissent par l’obtenir. C’est le cas dans mon département de la Somme.
Le nombre de dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile et de maisons fissurées à la suite des sécheresses ira croissant. Quelque 16 millions de logements pourraient être concernés d’ici à 2050.
Pour le groupe Les Républicains, l’indemnisation des dégâts et des biens doit être considérée dans sa globalité. Aussi, il remercie Christine Lavarde d’avoir mené un travail de contrôle exhaustif sur le régime CatNat et se félicite qu’il ait été examiné par la commission des finances.
Celle-ci a approuvé le virage que doit prendre le régime CatNat, aujourd’hui à bout de souffle, dans la perspective d’une sinistralité condamnée à une augmentation d’environ 40 % à l’horizon de 2050, en raison de l’aléa naturel.
La commission a rendu le régime CatNat plus équitable, notamment en ce qui concerne le retrait-gonflement de l’argile, et a assuré sa pérennisation. C’est d’autant plus important que, selon la Caisse centrale de réassurance, la sécheresse géotechnique est « le péril le plus préoccupant compte tenu du montant des dommages qu’elle engendre et de leur forte évolution à horizon futur ».
Pour ces raisons, notre groupe ne votera pas la proposition de loi présentée ce jour. Nous reviendrons sur ce sujet lors de la discussion du texte déposé le 21 mai dernier, lequel prend en compte l’ensemble des phénomènes relevant du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault.
M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nos maisons se fissurent et vous regardez ailleurs !
Ce cri de colère, nous l’entendons de tous côtés en France : dans les campagnes, dans les banlieues, dans nos villes, en Sologne en particulier. Partout où les argiles gonflent et se rétractent sous l’effet de la pluie et de la sécheresse, les maisons et les immeubles se fissurent. Des familles voient leur foyer, mais également leur capital financier, leur patrimoine, le fruit de leur histoire et de trente, quarante ou cinquante ans de travail littéralement brisé par le dérèglement climatique.
Chez moi, en Sologne, le phénomène frappe avec une particulière gravité. Les habitants se sentent démunis face au sort qui s’acharne sur eux, ils ne savent pas comment s’y prendre, à qui demander de l’aide. Ils comprennent aussi qu’ils ne jouent pas à armes égales avec les assurances et craignent que les dés des expertises et des contre-expertises ne soient pipés.
Lorsque nos concitoyens sont à ce point affectés, lorsqu’ils se heurtent à la complexité, à des procédures et à des règlements, c’est toujours vers leur maire qu’ils se tournent, car celui-ci est « à portée de baffes », pour reprendre les mots du président du Sénat.
Les conséquences de ce phénomène sont considérables : aujourd’hui, 10 millions de maisons sont exposées, la moitié du territoire national est concernée. Les dommages représentent quelque 1 milliard d’euros par an ; ils ont même atteint 2,5 milliards d’euros pour le seul été 2022. Et ce n’est pas fini !
Les sinistres liés au retrait-gonflement des argiles nous imposent donc de relever le défi du financement, sujet majeur aujourd’hui. Sur ce point, je partage l’avis de la rapporteure de la commission des finances : il s’agit non pas d’un aspect secondaire ni même d’un aspect important du problème, mais bien du point essentiel, pour ne pas dire du nerf de la guerre.
Déstabiliser le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles pour renforcer la protection des sinistrés du retrait-gonflement des argiles, c’est prendre le risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul. C’est là que le bât blesse.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui sur l’initiative de mes collègues écologistes a le mérite de remettre à l’ordre du jour de notre assemblée ce sujet si important pour nos concitoyens. Je tiens à les en remercier.
Le texte présente toutefois de nombreux défauts : il contient par exemple des dispositions déjà satisfaites par le droit actuel. Mais s’il ne s’agissait que de cela, je suis certain que la commission des finances aurait pris soin de les corriger pour rendre son dispositif opérationnel, car l’urgence le commande.
Si cela n’a pas été le cas, c’est parce que le texte achoppe sur la question essentielle du financement. La rapporteure a d’ores et déjà annoncé l’examen prochainement d’un texte alternatif qui prendrait cette question à bras-le-corps.
Nos concitoyens ne nous pardonneraient pas de renvoyer ce sujet crucial aux calendes grecques en raison de telles divergences de vues, car celles-ci leur paraîtront toujours dérisoires face à la ruine qui les menace : ruine de leur bâtiment, mais aussi de leur patrimoine et de leur porte-monnaie.
Nos maisons se fissurent, mes chers collègues ; ne regardons pas ailleurs, regardons devant nous. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le réchauffement climatique est une réalité dont les effets touchent l’ensemble de notre pays.
Dans son sillage, il entraîne non seulement une raréfaction des ressources telles que l’eau, dans certaines régions de France, mais aussi, et surtout, une recrudescence des catastrophes naturelles en tous genres. Les alternances de sécheresse, de tempêtes et d’inondations, autrefois rarissimes, tendent à devenir de plus en plus fréquentes. La violence de ces phénomènes emporte souvent des conséquences désastreuses pour nos concitoyens.
La région Grand Est n’a pas été épargnée ces dernières années. Dans ce contexte, la majorité régionale a logiquement décidé de relancer le fonds catastrophes naturelles afin de venir en aide aux communes sinistrées.
Ainsi, avant les terribles épisodes pluvieux que nous venons de connaître et les inondations qui les ont suivis, mon département, la Moselle, avait déjà été durement touché par l’extrême sécheresse de l’été 2022. Dans son sol particulièrement argileux, le phénomène de retrait-gonflement a provoqué des milliers de sinistres, l’apparition de fissures et la fragilisation de l’ensemble de la structure de nombreuses habitations. Certains bâtiments sont devenus inhabitables, d’autres menacent de s’effondrer.
L’objectif de la présente proposition de loi était de faciliter l’indemnisation légitime des propriétaires touchés par ces situations.
Néanmoins, si le sujet qui nous réunit aujourd’hui pouvait faire consensus, la question de l’indemnisation des dégâts causés par les catastrophes naturelles en général n’est pas traitée par le texte ; celle-ci est trop importante pour être en effet expédiée de manière imparfaite : il s’agit de ne pas légiférer dans la précipitation.
Certes, l’indemnisation de ces dégâts est indispensable ; certes, il faut intervenir pour contrecarrer l’inaction du Gouvernement. Pour autant, nous devons aboutir à une harmonisation de la gestion des sinistres causés par des catastrophes naturelles. Le coût d’un dispositif d’indemnisation pour les seuls RGA s’élèverait à quelque 1 milliard d’euros. Comment justifier un tel montant alors que cette proposition de loi cible seulement l’une des catastrophes naturelles qui touchent notre pays ?
Selon la Caisse centrale de réassurance, le seul coût de la sinistralité sécheresse représentera 43 milliards d’euros entre 2020 et 2050, alors que notre pays n’est pas en mesure de faire face à une telle dépense. (Murmures sur les travées du groupe GEST.) Comment pourrions-nous justifier, dans cette période de récession économique, une dépense supérieure au budget du ministère des sports une année de jeux Olympiques, pour indemniser des dégâts dont l’impact n’est pas correctement rapporté ?
Pleinement conscient des enjeux, le groupe Les Républicains du Sénat a décidé de prendre ses responsabilités en soutenant une autre proposition de loi, déposée par notre collègue Christine Lavarde. Celle-ci vise à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et s’articule autour de deux objectifs majeurs : améliorer le financement du régime CatNat tout en protégeant mieux les assurés lors de leurs procédures d’indemnisation ; renforcer la politique de prévention des risques naturels majeurs afin de garantir la soutenabilité dudit régime sur le long terme.
Mes chers collègues, depuis sa mise en place en 1982, ce régime a largement fait ses preuves. Associant étroitement les compagnies d’assurances aux institutions publiques, il a rendu possible une véritable solidarité dans ces moments de grand désarroi, tout en préservant les comptes publics. À l’heure où l’ensemble des services de l’État sont touchés par la crise, il est essentiel de préserver son intégrité et de le renforcer pour nous préparer au mieux aux années difficiles qui s’annoncent.
Pour cela, il est indispensable de revoir les paramètres de son financement tout en protégeant au mieux les assurés et en consolidant la politique publique de prévention des risques naturels majeurs. Le texte soumis à notre examen ne répondant pas à ces exigences, le groupe Les Républicains se prononcera contre.
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale.
proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile
Article 1er A (nouveau)
Le quatrième alinéa de l’article L. 125-1 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’état de catastrophe naturelle n’est pas reconnu, la décision de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est motivée de façon claire, détaillée et compréhensible et mentionne les voies et délais de recours ainsi que les règles de communication des documents administratifs, notamment des rapports d’expertise ayant fondé cette décision, dans des conditions fixées par décret. »
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Notre débat me semble assez étrange. Nous parlons assurance et solidarité nationale, mais l’argument avancé pour ne pas voter cette proposition de loi est que celle-ci serait trop coûteuse. Pourtant, nous parlons non pas du budget de l’État, mais de la mutualisation de l’assurance, qui constitue l’un des socles de la cohésion de notre société.
Le RGA étant une catastrophe naturelle liée au réchauffement climatique, la solidarité nationale doit s’exercer, par le biais de la mutualisation assurantielle. Certes, cela a un coût, estimé à 1 milliard d’euros. Cela signifie qu’il faut organiser une mutualisation des cotisations à hauteur de ce montant. Une telle somme, dans un pays dont le PIB avoisine les 2 500 milliards d’euros, n’est en rien insupportable, d’autant que cet argent ira vers l’artisanat et le bâtiment et restera donc dans notre économie.
J’ai lu avec attention la proposition de loi de Christine Lavarde. S’il nous arrive parfois d’être d’accord, ce n’est pas le cas ici : le recours à des prêts à taux zéro pour des ménages modestes n’est pas envisageable. Même si ces prêts ne donnent pas lieu au paiement d’intérêts, reste qu’il faudra bien les rembourser. Les solutions de remplacement qui nous sont faites aujourd’hui ne fonctionnent pas.
La situation est relativement simple : nous devons, comme cela sera sans doute évoqué lors de la présentation du Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), élargir le régime CatNat, nous sommes d’accord sur ce point. En outre, il faudra simplifier les différents dispositifs relatifs à d’autres catastrophes naturelles, comme la submersion marine, car ils s’enchevêtrent.
De grâce, ne disons pas que le texte, s’il était adopté, aurait un coût insupportable ; le coût insupportable, il est pour les ménages modestes dont les maisons se fissurent et s’effritent à la suite d’une catastrophe naturelle. Nous devons donc clairement placer la solidarité nationale et le renforcement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles au cœur de la réponse. C’est précisément l’objet de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Thierry Cozic applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.