M. Mickaël Vallet. De tout exonérer !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « C’est en faisant des choix avec responsabilité que nous serons capables d’investir dans les actions qui améliorent la vie des Français.
« Ces choix, nous les ferons avec une attention particulière aux plus fragiles, pour qui les services de santé, d’éducation et de cohésion sociale sont essentiels.
« Ces choix, nous les ferons avec les collectivités locales, et non pas contre elles ou sans elles, en trouvant ensemble la juste part que chacun doit prendre à l’effort collectif.
« Le deuxième remède, c’est l’efficacité de la dépense publique. Nous sommes champions des dépenses publiques. Mais pour quel résultat ?
« Est-il normal que le coût de l’éducation d’un élève en France soit supérieur à celui que l’on relève chez nos voisins, alors que nos professeurs sont souvent moins payés ?
« Est-il acceptable que des services de l’État louent à prix d’or des locaux au cœur de Paris quand un déménagement dans les départements limitrophes permettrait de faire des économies et de participer à la rénovation urbaine ?
« Trop souvent nos concitoyens ont l’impression de ne pas “en avoir pour leurs impôts” ! Nous ferons la chasse aux doublons, aux inefficacités, aux fraudes, aux abus du système et aux rentes injustifiées.
« Le troisième remède est d’ordre fiscal. Nos impôts sont parmi les plus élevés du monde. Les baisses d’impôts décidées depuis sept ans et les mesures prises pendant la crise du covid ont aidé nombre de Français et redonné de l’oxygène à beaucoup d’entreprises. Mais la situation de nos comptes demande aujourd’hui un effort limité dans le temps, qui devra être partagé, dans une exigence de justice fiscale.
« Ce partage de l’effort nous conduira à demander une participation au redressement collectif aux grandes entreprises qui réalisent des profits importants. Nous le ferons sans remettre en cause notre compétitivité. Il n’y a ni partage ni redistribution possible s’il n’existe pas en amont de l’activité et de la production sur notre territoire.
« Cette exigence nous conduira également à demander une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés, afin d’éviter les stratégies de défiscalisation des plus gros contribuables.
« Enfin, nous lutterons résolument contre la fraude fiscale et la fraude sociale, y compris en sécurisant les cartes Vitale pour éviter le versement indu d’allocations. » (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Rachid Temal. Ça, c’est de l’ambition !
M. Hussein Bourgi. Il est au niveau ! (Sourires sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Sur ces questions budgétaires, il y aura des choix sérieux et graves à faire, avec vous, au moment de la discussion du budget.
« Le projet de loi de finances, préparé en extrême urgence, tient compte de cette nécessité de redresser les comptes. Dans ce cadre, je souhaite que le Parlement, comme c’est son rôle, en débatte, l’ajuste et l’améliore.
« S’il y a urgence à redresser la barre, une bonne politique budgétaire se conduit dans la durée. »
M. Mickaël Vallet. Ah !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Je souhaite que, dans les ministères et chez les opérateurs publics, soit engagé un effort de productivité contractualisé, en responsabilisant chacun des directeurs des administrations concernées.
« Mesdames, messieurs les députés, une autre épée de Damoclès, tout aussi redoutable, pèse sur nos têtes : celle de la dette écologique que nous laisserons en héritage à nos enfants. Cette priorité m’a accompagné tout au long de ma vie publique, dans mon pays de Savoie, à l’Assemblée nationale et au Sénat, au ministère de l’environnement, puis à celui de l’agriculture et de la pêche, ainsi qu’à la Commission européenne. Elle sera au cœur de notre action.
« J’ai en mémoire la recommandation de Pierre Mendès France : “Ne jamais sacrifier l’avenir au présent”. J’entends ceux qui disent : “À quoi bon ? Que peut faire la France seule face à un problème qui se pose pour l’ensemble de l’humanité ?” Nous pouvons faire beaucoup ! Nos émissions de gaz à effet de serre ont de nouveau diminué de 3,6 % au premier semestre de 2024. C’est la preuve que les efforts portent leurs fruits.
« Nous pouvons et nous devons faire plus pour lutter contre le changement climatique et contre tous les risques qu’il entraîne, pour préserver la biodiversité et pour encourager l’économie circulaire. Nous devons agir plus concrètement au sein de l’Union européenne et dans le cadre des accords de Paris. Nous devons valoriser les initiatives de nos communes, de nos régions, de tant d’entreprises et de tant d’associations.
« La transition écologique doit être l’un des moteurs de notre politique industrielle. Décarbonation des usines, encouragement à l’innovation, implantation de nouvelles industries de la transition, renforcement de nos filières de recyclage… Je crois à une écologie des solutions.
« Ensemble, nous agirons sur l’offre énergétique en poursuivant résolument le développement du nucléaire, notamment par le biais de nouveaux réacteurs, mais aussi celui des énergies renouvelables, dont nous mesurerons mieux toutes les répercussions, ainsi qu’en valorisant davantage la biomasse pour décarboner efficacement la production de chaleur et de gaz.
« Les outre-mer, engagés vers un objectif de 100 % d’électricité renouvelable en 2030, seront des laboratoires d’innovation pour le solaire et pour la géothermie.
« Ensemble, nous devons maîtriser nos besoins d’énergie en faisant preuve de sobriété et d’efficacité. Nous ciblerons mieux l’accompagnement des particuliers et des entreprises, notamment pour la rénovation thermique des bâtiments. En attendant, le diagnostic de performance énergétique sera simplifié et son calendrier adapté. L’État, qui est avec ses opérateurs le plus gros propriétaire immobilier et foncier du pays, doit aussi être exemplaire, en réduisant et en isolant ses surfaces.
« Pour tout cela, les travaux de planification reprendront immédiatement avec les outils dont nous disposons : la stratégie française énergie-climat, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie.
« Enfin, je dois vous parler de l’eau. Sécheresses ou inondations, conflit des usages, pollution des nappes phréatiques, envolée des prix : soixante ans après la première grande loi sur le sujet, le moment est venu de consacrer aux enjeux stratégiques liés à l’eau une grande conférence nationale.
« Ces deux réalités, budgétaire et climatique, certains veulent les nier ou les ignorer ; d’autres les subissent ou les commentent. Mettre la tête dans le sable ou se lamenter n’a jamais permis d’avancer. Il n’y a pas de fatalité, tant qu’il n’y a pas de fatalisme ! Je suis convaincu que nous pouvons trouver un chemin de réalisme et d’action, qui passe par le contrat plutôt que par la contrainte et qui nous permette, pas à pas, de reconstruire la confiance.
« Examinons, avec lucidité, le moment politique où nous sommes. Les élections législatives ont abouti au début du mois de juillet dernier à une Assemblée nationale divisée comme jamais depuis 1958, aucun parti politique n’ayant la majorité absolue à lui seul ni avec ses alliés. C’est le choix des Français.
« Pour autant, les Français ne nous pardonneraient pas l’immobilisme dans les trois ans qui viennent. Ils nous demandent des réponses urgentes à quelques grandes questions : “Comment avoir accès rapidement à des soins de qualité près de chez moi ? Comment vivre mieux de mon travail ou de ma retraite ? Comment améliorer les services publics ? Comment mieux assurer la sécurité dans mon quartier ou dans mon village ?”
« Pour répondre à ces questions dans le contexte politique actuel, nous avons besoin d’une nouvelle méthode. Nous avons besoin d’écoute, de respect et de dialogue.
« Écoute, respect et dialogue entre le Gouvernement et le Parlement, tout d’abord.
« Je demanderai à mon gouvernement de s’appuyer davantage sur le travail des chambres : propositions de lois, amendements, recommandations des commissions d’enquête, évaluation des politiques publiques. Cela vaut évidemment pour les groupes parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, dont des membres font désormais partie du Gouvernement et que je remercie de leur soutien. Cela vaut aussi pour les autres groupes.
« Je souhaite qu’il y ait moins de textes, mais plus de temps pour en débattre. Je suis également prêt à un partage de l’ordre du jour plus important entre le Gouvernement et le Parlement, conformément à l’article 48 de la Constitution, pour accueillir des propositions de loi transpartisanes et ambitieuses pour le pays. Cela a été fait dans le passé, notamment pour la loi organique relative aux lois de finances. Cela pourrait être fait à l’avenir sur de grands sujets comme le handicap.
« Écoute, respect et dialogue à l’égard de toutes les forces politiques et de toutes les sensibilités représentées à l’Assemblée nationale et au Sénat, ensuite.
« Je l’ai dit dès le premier jour : nous écouterons et nous respecterons chacune et chacun d’entre vous.
« J’ai entendu les appels à davantage de représentativité. Je suis prêt à ouvrir une réflexion sans idéologie sur le scrutin proportionnel, qui est déjà mis en œuvre au Sénat, ainsi que dans les collectivités, et pratiqué à des degrés différents chez beaucoup de nos voisins. »
M. Rachid Temal. Ouvrir une réflexion ?…
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Écoute, respect et confiance dans les partenaires sociaux, également, que j’ai immédiatement souhaité rencontrer.
« La situation requiert un renouveau du dialogue social et une relation exigeante et constructive avec l’État. Je fais confiance aux partenaires sociaux pour s’engager dans cet esprit et négocier dès les prochaines semaines sur l’emploi des seniors, ainsi que sur notre système d’indemnisation du chômage. Ils sont les mieux placés pour apporter des solutions.
« Sur les retraites aussi, il faudrait reprendre le dialogue. Il est impératif de préserver l’équilibre durable de notre système par répartition. Pour autant, certaines limites de la loi qui a été votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées. Les questions des retraites progressives, de l’usure professionnelle, de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir. Sur ces sujets, nous proposerons aux partenaires sociaux de réfléchir à des aménagements, raisonnables et justes, de la loi.
« Écoute, dialogue et contractualisation, aussi, avec les collectivités locales et les élus locaux, qui donnent chaque jour la preuve de leur courage et de leur engagement.
« Je me fais une haute idée du rôle de nos collectivités locales dans la République. Quarante ans après les grandes lois de décentralisation, il nous faut bâtir un nouveau contrat de responsabilité entre les collectivités locales et l’État. Nous respecterons les compétences de ces dernières et examinerons les possibilités de les renforcer.
« C’est dans cet esprit en particulier que la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation reprendra le dialogue avec les élus et les responsables socio-économiques de la collectivité de Corse.
« Écoute, respect et comptes à rendre aux Françaises et aux Français, qui ont des choses à dire et souvent de bonnes solutions à proposer.
« C’est pourquoi je soumets l’idée, que vous aviez d’ailleurs soutenue, madame la présidente de l’Assemblée nationale, d’organiser régulièrement une journée nationale de consultation citoyenne. Ce jour-là, les mairies seraient ouvertes et chaque échelon de collectivité – commune, intercommunalité, département, région, État – pourra, s’il le souhaite, ouvrir un débat et poser une question aux citoyens.
« Écoute, respect et dialogue, enfin, avec trois millions de Français qui résident dans les outre-mer et qui font vivre la France dans trois océans.
« Nos douze départements et territoires d’outre-mer sont une partie essentielle de notre pays. Le Gouvernement dialoguera avec ces territoires en respectant leur spécificité et leur diversité et en entretenant des relations suivies avec leurs élus.
« Nous reprenons, avec le ministre des outre-mer placé auprès de moi, le fil de la concertation avec les parlementaires et les élus locaux. Je présiderai durant le premier trimestre de 2025 un comité interministériel des outre-mer pour valoriser leurs ressources propres, agricoles, forestières, maritimes, énergétiques, au bénéfice le plus direct de leurs habitants. »
M. Rachid Temal. En 2025…
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Ensemble, nous devons aussi lutter plus efficacement contre la vie chère qui frappe nos compatriotes.
« Je veux dire un mot particulier à propos de la Nouvelle-Calédonie, dont je salue les élus présents dans les tribunes. Depuis maintenant quatre mois et demi, ce territoire connaît une crise d’une gravité exceptionnelle. J’ai conscience des souffrances et de l’angoisse que ressentent ses habitants. Je veux leur dire que l’État et mon gouvernement seront à leurs côtés.
« Je tiens à saluer toutes celles et tous ceux qui s’engagent pour l’apaisement, en premier lieu nos forces de l’ordre et les fonctionnaires de l’État, mais aussi les responsables politiques et syndicaux, ainsi que les acteurs de la société civile, qu’ils soient du monde économique, religieux, ou coutumier.
« Une nouvelle période doit maintenant s’ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie et à la recherche d’un consensus politique sur son avenir institutionnel. Ce travail sera conduit dans le respect des convictions de chacun, de la diversité du peuple calédonien et des principes démocratiques. Je m’y emploierai personnellement. Je veux aussi remercier votre présidente et le président du Sénat qui ont accepté de mener une mission de concertation. Celle-ci se rendra dans un bref délai en Nouvelle-Calédonie.
« Afin de garantir une gestion dans la durée de l’ensemble des enjeux calédoniens, les discussions seront soutenues à Paris et sur place par une délégation interministérielle placée auprès du Premier ministre et du ministre des outre-mer.
« Je suis en mesure d’annoncer, en accord avec le Président de la République, la décision de reporter les élections provinciales jusqu’à la fin de 2025. (M. Rachid Temal s’exclame.) Les assemblées parlementaires auront donc prochainement à se prononcer sur ce report par une loi organique.
« Le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral, adopté en mai dernier par les assemblées parlementaires, ne sera pas soumis au Congrès, comme le confirmera le Président de la République aux élus de Nouvelle-Calédonie lorsqu’il les réunira au mois de novembre. » (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Rachid Temal. Et voilà ! Tout ça pour rien !
M. Hussein Bourgi. On a mis le territoire à feu et à sang pour rien !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Mesdames, messieurs les députés, avec l’écoute et le dialogue, nous avons ensuite besoin de renforcer l’efficacité de l’action publique. Nous reprendrons avec vous le chantier ouvert par le projet de loi de simplification de la vie économique, mais tous les progrès ne passent pas par la loi.
« Bien des améliorations peuvent être mises en place par des mesures de mutualisation, de simplification et de déconcentration. La création des maisons France Services en est la preuve. Il y en a aujourd’hui près de 3 000. J’étais il y a deux semaines à la maison d’Entrelacs, en Savoie. J’ai vu des usagers, parfois âgés, souvent en difficulté, y trouver l’aide administrative dont ils avaient besoin.
« Nous devons encourager ce type de solutions, quitte à expérimenter, en donnant de la flexibilité aux préfets. Je signerai d’ailleurs rapidement une instruction pour leur permettre de déroger davantage au cadre national, chaque fois que cela est utile.
« Nous allons développer partout une culture de l’évaluation. Nous ne pourrons pas dépenser plus. Il faut dépenser mieux. Nous voulons, par exemple, continuer de soutenir l’apprentissage, mais en évitant les effets d’aubaine.
« Nous mutualiserons et regrouperons des agences, des opérateurs et des fonds qui ont des objectifs proches, comme Business France et Atout France. »
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Nous devons mieux détecter les cas de surtransposition des normes européennes, qui pénalisent la compétitivité de nos entreprises et de nos exploitations agricoles.
« Enfin, pour conserver une vraie capacité de prospective, nous fusionnerons France Stratégie avec le Haut-Commissariat au plan. » (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Rachid Temal. Et que va devenir M. Bayrou ?…
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Il y a dans les services de l’État de l’intelligence et de l’expertise, qui peuvent être utilisées sans avoir recours aux cabinets de conseil privés. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Ce qui est vrai au niveau de l’État l’est aussi à celui des collectivités territoriales. Nous passerons en revue, pour les débloquer, les projets ou les actions locales qui sont empêchés en raison de la complexité de la réglementation. Nous ferons remonter du terrain des propositions concrètes de simplification, pour lesquelles nous demanderons au Parlement de lever les obstacles qui relèvent de la réglementation en vigueur.
« Je demanderai aux membres de mon gouvernement, sous la coordination du ministre chargé de la simplification, de limiter au strict minimum les nouvelles normes. »
M. Hussein Bourgi. Bon courage !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Enfin, nous devons faire du dialogue et de la culture du compromis un principe de gouvernement.
« Le mot de compromis n’est pas un gros mot. On ne se compromet pas quand on fait un compromis. (M. Hussein Bourgi ironise.) Michel Rocard ne disait pas autre chose dans sa propre déclaration de politique générale, en 1988, à laquelle Édouard Philippe avait d’ailleurs fait référence dans la sienne en 2017. »
M. Mickaël Vallet. Il faut le laisser tranquille !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Je le cite : “Nos priorités ne sont pas celles d’une moitié de la France contre l’autre moitié, mais celles de tous les Français. Défaire ce que les autres ont fait, faire ce que d’autres déferont, »…
M. Rachid Temal. On dirait du Raffarin !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. … « voilà bien le type de politique dont les électeurs ne veulent plus.” Je ne suis donc pas le premier à le penser, mais il reste du chemin à parcourir.
« Regardons l’exemple donné souvent dans les collectivités locales. »
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Regardons aussi autour de nous. Inspirons-nous de ce qui marche chez nos voisins ! En Europe, on mène campagne, on se confronte, on défend ses idées, on est élu, puis on discute, on se met d’accord pour travailler ensemble sur quelques grandes réformes. »
M. Mickaël Vallet. Inspirez-vous de l’Espagne !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Mesdames, messieurs les députés, j’entends ici et là que certains ont des lignes rouges. J’ai mes propres lignes rouges, qui sont celles de tout le Gouvernement. »
M. Hussein Bourgi. Parlez-en à M. Le Maire !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du racisme et de l’antisémitisme. » (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Hussein Bourgi. Allô, madame Le Pen ?
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Il n’y aura aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes, une réalité que l’actualité effroyable nous rappelle. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du communautarisme. Il n’y aura aucun accommodement sur la laïcité. Aucun !
« Enfin, nous n’accepterons aucune discrimination. Nous n’accepterons aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans, grâce à la loi Veil, désormais protégée par la Constitution, à la loi sur le mariage pour tous et aux dispositions législatives sur la procréation médicalement assistée (PMA).
« Mesdames, messieurs les députés, depuis le premier jour de mon engagement politique, depuis le début de mon travail parlementaire à l’Assemblée nationale, quand j’avais l’honneur d’en être le benjamin, je me fais une certaine idée de la République et de ses institutions.
« Cette idée animera, aussi longtemps que vous le déciderez, l’action de mon gouvernement. Un gouvernement que j’ai voulu équilibré (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.), représentatif »…
M. Hussein Bourgi. De la droite !
M. Marc-Philippe Daubresse. Il vaut mieux une droite plurielle qu’une gauche plus rien ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Migaud, garde des sceaux. … « avec pour seule boussole l’intérêt général de notre pays. Je veux exprimer mes remerciements personnels à celles et à ceux qui ont accepté dans une période aussi difficile de faire partie de cette équipe de France, de travailler ensemble et d’être solidaires.
« Mon gouvernement ne fera pas de miracles – je l’ai dit lors de ma première visite en tant que Premier ministre, aux côtés des équipes du service d’aide médicale urgente (Samu) de Paris, à l’hôpital Necker –, tant le chemin est escarpé, mais il est prêt à gravir un à un les obstacles et à s’efforcer de répondre aux préoccupations des Français.
« Mesdames, messieurs les députés, la déclaration de politique générale est souvent l’occasion de passer en revue toutes les politiques animées dans notre pays par des agents publics, dont je veux ici saluer l’efficacité, le sens du service et le dévouement. Or la tentation de l’exhaustivité se heurte à l’urgence, celle d’apaiser et de trouver des solutions sur cinq grands chantiers prioritaires.
« Le premier chantier concerne le niveau de vie des Français. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Notre objectif est que tous les Français frappés par la vie chère constatent dès l’année prochaine une amélioration en la matière. Pour cela, nous avons besoin d’une économie vigoureuse, où chacun puisse bien vivre des fruits de son travail.
« Il y a dans notre pays de nombreuses créations d’emplois et de plus en plus de personnes au travail, grâce à l’attractivité de la France pour les investissements internationaux, qui est depuis sept ans une priorité du Président de la République, grâce à la réussite de nos entrepreneurs et de nos entreprises, qu’elles soient grandes, petites ou intermédiaires, de nos artisans et de nos commerçants qui travaillent et produisent en France dans nombre de secteurs, y compris dans le numérique et dans l’intelligence artificielle.
« Notre pays doit amplifier son ambition industrielle. Le Gouvernement encouragera une meilleure mobilisation de l’épargne des Français pour soutenir cette dynamique, par exemple au travers d’un nouveau livret d’épargne dédié à l’industrie, qu’il mettra à l’étude.
« Pour autant, nous ne sommes pas encore au plein emploi. Le revenu de solidarité active (RSA) ne doit pas être uniquement un filet de sécurité. Nous devons en faire un tremplin vers l’insertion, un nouveau contrat social fait du droit d’être aidé et du devoir de chercher vraiment un travail.
« Cela passe notamment par l’action de France Travail, qui accompagnera désormais progressivement, en lien avec les départements et l’ensemble des acteurs de l’emploi, tous les allocataires du RSA et toutes les entreprises qui ont besoin de recruter.
« Là où la réforme du RSA a été engagée, ça marche, comme à Marseille, où, après six mois d’accompagnement, un bénéficiaire sur trois est sorti de ce dispositif.
« Nous disposons également de nombreux dispositifs d’insertion par l’activité économique, notamment le travail adapté pour les personnes en situation de handicap ou des expérimentations comme Territoires zéro chômeur de longue durée, qui donnent des résultats et doivent être encouragés.
« Encore faut-il que le travail paie ! Nous revaloriserons le Smic de 2 % dès le 1er novembre prochain, en anticipation de la date du 1er janvier. (Murmures ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.)
« Il reste par ailleurs dans notre pays des branches professionnelles dans lesquelles les minima sont inférieurs au Smic. Ce n’est pas acceptable et cela devra faire l’objet de négociations rapides. L’État y veillera. En outre, il est désormais démontré que notre dispositif d’allégement de charges freine la hausse des salaires au-dessus du Smic. Nous le reverrons.
« Enfin, plus d’un demi-siècle après la déclaration prémonitoire du général de Gaulle, nous relancerons la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié, et pas seulement dans les grandes entreprises.
« Le niveau de vie des Français dépend de leur salaire ; il dépend aussi des prix. La baisse de l’inflation est très nette dans les tableaux économiques. Il faut maintenant la répercuter sur les factures d’électricité et à la caisse du supermarché.
« Il faut aussi agir sur le logement, qui est le premier poste de dépense des Français. La baisse des taux d’intérêt est une bonne nouvelle pour ce qui est de relancer les crédits immobiliers, mais l’État et les collectivités territoriales doivent amplifier ce signal, pour créer de la croissance et revitaliser la construction de logements. »
Mme Audrey Linkenheld. Surtout l’État !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « Pour construire, il faut du foncier. Nous devons faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation “zéro artificialisation nette”, pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
« Dans un contexte de crise du secteur de la construction, il nous faut, d’une part, des mesures rapides pour relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété, notamment chez les primo-accédants, pour lesquels je suis favorable à l’extension du prêt à taux zéro sur tout le territoire. »
M. Marc-Philippe Daubresse. Très bien !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. « D’autre part, nous devons simplifier au maximum les normes qui pèsent sur la construction de logements neufs ou la réhabilitation des logements anciens.
« Quant au logement social, il ne devrait être qu’une étape. Les bailleurs doivent pouvoir réexaminer régulièrement la situation de leurs locataires, afin d’adapter les loyers à leurs ressources : il y a là une mesure de justice sociale.
« Pour ce qui est de faciliter l’accession sociale à la propriété, il y a, j’en suis sûr, des mesures innovantes à trouver avec les offices HLM ; nous y sommes prêts. Il faut également donner plus de pouvoir aux maires dans l’attribution des logements sociaux et la priorisation de cette attribution sur leur territoire. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)