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Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat (suite)

M. le président. Dans le débat, la parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la seconde fois en moins de six mois, nous venons d’entendre dans cet hémicycle une déclaration de politique générale.

La répétition d’un tel exercice n’est pas commune sous la Ve République. Elle témoigne d’une instabilité inhabituelle devenue insupportable pour nos concitoyens.

Je ne parlerai pas de crise de régime : nous n’en sommes heureusement pas là. L’extraordinaire plasticité de la Constitution de 1958 nous a protégés et, contrairement à ce que certains laissent croire, nous protège encore.

La situation n’en est pas moins inédite. Elle nous impose des actions fermes, claires et efficaces. Nous en sommes loin… Mais l’audace n’est jamais impossible et la volonté est toujours envisageable.

Monsieur le Premier ministre, je souhaite rendre hommage à votre prédécesseur, Michel Barnier. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) En octobre dernier, alors qu’il se trouvait à votre place, j’avais insisté sur la gravité du moment et sur notre responsabilité collective. Or, moins de trois mois plus tard, en raison d’une alliance des contraires irresponsable, nous voilà revenus à la case départ, et l’urgence qu’il y a à agir s’est accrue.

Je me dois de le dire, n’en déplaise aux mauvais esprits : oui, il faut un budget pour qu’un pays avance et investisse. Oui, il faut de la stabilité politique pour que la République guide et protège. Oui, il faut un programme et une vision politiques pour qu’un gouvernement entraîne son peuple derrière lui, pour que l’on puisse enfin offrir des perspectives aux Français.

Soyons clairs : la France pourra-t-elle encore peser en Europe et dans le monde si elle perd la maîtrise de son destin ? Regardons avec lucidité le monde de 2025 : il ne fera pas de cadeau aux nations fragiles.

Nous devons impérativement retrouver notre force, et quelques réajustements budgétaires n’y suffiront pas. Il nous faudra rien de moins qu’un sursaut historique, comparable à celui de 1958.

Il faut de nouveau dessiner un horizon pour les Français, leur montrer une voie de progrès et d’espoir. Saurez-vous le faire, monsieur le Premier ministre ? J’ose l’espérer.

Vous le savez mieux que quiconque, il y a urgence. La période actuelle se résume d’ailleurs à mon sens en trois mots : urgence, responsabilité, action.

Il y a urgence parce que, pour la première fois depuis 1980, la France est – pour l’heure – dépourvue d’un budget pour l’année en cours ; les Français s’impatientent. Le vote d’un budget, que nous voulons sincère et cohérent, est évidemment indispensable pour répondre aux ambitions de notre pays.

Il y a urgence, car la censure du gouvernement de Michel Barnier a encore exacerbé la crise politique que nous traversons. La France doit désormais retrouver de la sérénité.

Il y a urgence dans un monde instable. Attisées de toutes parts, les tensions géopolitiques peuvent menacer notre souveraineté. La guerre sévit toujours en Ukraine, l’impérialisme américain resurgit et le Moyen-Orient souffre d’une instabilité chronique.

Il y a urgence, parce que la France est fragilisée. Je pense non seulement à notre système de protection sociale, auquel nos concitoyens sont si attachés, mais aussi à notre capacité économique, à notre justice et à notre besoin de sécurité.

Vous avez souhaité mener un dialogue avec les représentants des différents partis politiques. Au nom du groupe que j’ai l’honneur de présider, je me suis rendu aux réunions que vous-même, puis vos ministres, avez organisées, et je vous ai clairement exposé notre projet et nos priorités.

C’est bien du respect de ces priorités que dépend notre soutien au programme que vous venez de présenter ; un soutien que nous voulons vigilant, car toutes les réponses ne sont pas encore apportées,…

M. Mathieu Darnaud. … car des points restent à clarifier.

Monsieur le Premier ministre, c’est bien à la lumière des actes concrets que l’on peut juger d’un programme de gouvernement. Et c’est notamment en sachant vous appuyer sur les travaux du Sénat que vous pourrez répondre aux besoins des Français.

N’en doutez pas : si nous sommes vigilants, c’est que nous sommes responsables. Ni rejet a priori ni soutien inconditionnel : nous jugerons sur pièce. (M. Francis Szpiner applaudit.)

Seules des réponses efficaces aux grandes priorités que nous défendons pourront nous convaincre.

Contrairement à d’autres, nous n’affichons pas d’emblée ces fameuses « lignes rouges » très à la mode par les temps qui courent ; mais nous avons des convictions, et vous les connaissez.

Tel est évidemment le cas à propos du budget. Nous l’avons dit avec force et nous le réaffirmons : nous ne voulons pas de hausses d’impôt. Dans un pays qui détient déjà le triste record du taux de prélèvements obligatoires le plus élevé, cette solution n’est plus acceptable.

N’est-il pas temps d’entériner un changement de paradigme dans les politiques publiques ? Voici une autre de nos grandes priorités budgétaires : osons enfin réduire la dépense publique !

Vous semblez y être prêt. Montrez-nous, montrez aux Français que vous pouvez transformer cet État boursouflé, empêtré dans ses lourdeurs bureaucratiques.

Je pense notamment à la multiplication, au cours des dernières décennies, des agences et des opérateurs de l’État. Au fil du temps, ces structures ont gagné en indépendance, doublonnant les administrations et rendant l’État toujours plus impuissant. Le temps est venu de mener un véritable audit des opérateurs et agences de l’État : en la matière, il existe bel et bien des pistes d’économies.

L’État doit se recentrer sur ses missions premières, être plus efficace et moins dispendieux, aider et protéger les plus faibles sans étouffer les classes moyennes. Ce faisant, il accompagnera mieux les Français dans la nécessaire transition écologique, en préférant enfin l’incitation à la punition, car entraîner est toujours plus utile que de réprimer.

Avant l’interruption des débats budgétaires, les élus de notre groupe ont étudié plusieurs pistes d’économies supplémentaires et formulé des propositions pragmatiques, qui ont été adoptées. N’hésitez pas à vous en inspirer.

Après tout, « Lorsque le Sénat délibère, c’est la République qui réfléchit », disait Gambetta. Pôle de stabilité, assemblée à la fois libre et agile, le Sénat demeure une force de proposition ; sachez en tenir compte.

À cet égard, je me dois d’évoquer un sujet majeur, qui ne peut être dissocié de la problématique budgétaire : je veux parler de notre système de retraite.

En la matière, vous nous avez certes éclairés : vous avez levé quelques doutes, mais vous en avez suscité…

M. Roger Karoutchi. … d’autres !

M. Mathieu Darnaud. … quelques autres…

En effet, si nous croyons à la démocratie sociale – soyez-en convaincu, monsieur le Premier ministre –, nous souhaitons connaître la place du Parlement dans les travaux à venir. Cette clarification doit venir vite : vous la devez aux Français.

En outre, il faut créer le meilleur environnement possible pour que les acteurs économiques travaillent et innovent ; c’est là une autre de nos grandes priorités.

Je pense aux entreprises de toutes tailles, qui doivent être soutenues face à une concurrence mondiale de plus en plus féroce – vous en avez peu parlé jusqu’à présent.

Je pense tout particulièrement aux agriculteurs. Ils ont choisi de nourrir les hommes : c’est l’un des plus beaux métiers qui soient. Ils permettent encore – mais pour combien de temps ? – à notre commerce extérieur de briller, grâce à l’agroalimentaire. Et pourtant, ils souffrent.

Surtransposition des normes, concurrence déloyale intra-européenne, nouvelles pandémies animales, problèmes d’approvisionnement en eau, impact du réchauffement climatique : les difficultés s’accumulent et nos agriculteurs ont de plus en plus de mal à vivre dignement de leur activité. Pour nos territoires comme pour notre souveraineté alimentaire, nous devons tout mettre en œuvre pour leur donner un avenir.

Beaucoup de promesses ont été faites à nos agriculteurs, et ce de longue date, mais rares sont celles qui ont été tenues. La dissolution de l’Assemblée nationale puis la censure du gouvernement de Michel Barnier ont une fois encore retardé la réponse de l’État. À quelques semaines du salon de l’agriculture, nous devons leur envoyer un message clair. Monsieur le Premier ministre, le temps de l’action est venu ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Dans ce domaine aussi, vous pourrez compter sur le Sénat. Nous entamerons dans quelques jours l’examen de la proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.) visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, et nous attendons un réel soutien du Gouvernement. Nous souhaitons que l’Assemblée nationale se saisisse très rapidement de cette proposition de loi, qui vient compléter le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole en apportant des réponses concrètes et immédiates.

Je poursuis l’énumération de nos grandes priorités en évoquant – cela ne vous surprendra pas – les collectivités territoriales.

Nous sommes arrivés au bout d’un système par trop centralisé. Jour et nuit, nos élus locaux travaillent, tentent de régler de multiples problèmes en étant confrontés à une pléiade d’interlocuteurs toujours plus nombreux. Ils se débattent dans un amas de normes, de contraintes et d’injonctions de tous ordres. Ils sont trop souvent étouffés par un pouvoir centralisateur et autocentré.

Désormais, les maires sont même parfois attaqués, agressés ; ils sont épuisés, monsieur le Premier ministre. À la tête de leurs communes, ils représentent pourtant la véritable démocratie de proximité. Ils permettent aux Français de mieux comprendre l’action publique.

Certes, comme le rappelle le président du Sénat, ils sont « à portée d’engueulade ». Mais ils sont surtout des porteurs de projets, proches des habitants ; ils sont la démocratie vivante et innovante.

Monsieur le Premier ministre, nos élus locaux demandent plus de décentralisation et plus de confiance en leur action. Vous qui êtes maire pouvez le comprendre mieux que quiconque.

Sur ce sujet également, le Sénat a conduit de nombreux travaux, solides et étayés, en vue de restaurer et de réaffirmer la liberté communale.

Vous l’avez reconnu, les compétences eau et assainissement, le ZAN (zéro artificialisation nette) ou encore le statut de l’élu local ne sont pas des marottes sénatoriales. Traiter ces sujets, c’est au contraire franchir autant d’étapes essentielles pour libérer les territoires.

Le ZAN symbolise à lui seul l’inflation normative produite par un État ankylosé, vertical et parfois incohérent, mettant à mal l’esprit même de la décentralisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.) Il cristallise les tensions et les craintes légitimes des élus, dont il empêche l’action en bien des domaines.

M. Yannick Jadot. Parlons des vrais problèmes ! Ce n’est pas sérieux !

M. Mathieu Darnaud. Sur ce sujet également, nous défendons des solutions concrètes, rassemblées dans la proposition de loi de nos collègues Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace). Faisons en sorte que ces textes et rapports ne restent pas lettre morte.

Le ZAN fait partie des multiples verrous qui ferment l’accès à la propriété. Chacun doit pouvoir, dans la mesure de ses moyens, devenir propriétaire ; malheureusement, la liste des blocages s’allonge. Il est urgent que soit enfin mise en œuvre une grande politique du logement dans notre pays. Les Français en rêvent autant qu’ils en ont besoin ; vous devez en avoir l’ambition.

J’en viens au champ régalien.

À cet égard, une priorité est désormais évidente, au point de faire consensus : elle doit donc être affirmée avec force. Les Français le veulent, les Français l’attendent. Ils le disent sans ambiguïté, sondage après sondage : il faut garantir la sécurité des biens et des personnes, le retour de l’ordre public, le respect de l’État et de ses représentants, ainsi que la maîtrise de l’immigration.

Vos propos, monsieur le Premier ministre, traduisent le soutien que vous apportez à l’action de notre ministre de l’intérieur, cher Bruno Retailleau. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

C’est bien ainsi que nous concevons les choses : ni l’ordre républicain ni la laïcité ne sauraient être bafoués sans réponse ferme de la part de l’État.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Mathieu Darnaud. « L’histoire nous enseigne qu’une civilisation, pour garder la maîtrise de son destin, doit se donner les moyens de sa sécurité. » Plus que jamais, les mots du président Chirac trouvent leur sens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) La justice, la police et les armées devront donc disposer de budgets qui soient à la hauteur de leurs besoins et des défis auxquels nous sommes confrontés.

La France ne saurait se singulariser et s’affaiblir au sein de l’Europe en ne se donnant pas les moyens d’agir efficacement et rapidement. Sans doute faudra-t-il ainsi créer un parquet national spécialisé dans le traitement du narcotrafic et de la très grande criminalité. (Mme Marie-Carole Ciuntu applaudit.)

Sur tous ces sujets essentiels, nous serons particulièrement vigilants.

Monsieur le Premier ministre, nous disposons de plusieurs propositions de loi opérationnelles sur des sujets clés : ces textes sont prêts. Je pense par exemple à la proposition de loi sénatoriale visant à sortir la France du piège du narcotrafic, que notre assemblée va examiner prochainement et dont nous souhaitons qu’elle entre rapidement en vigueur.

Le domaine du régalien, c’est aussi l’immigration, et, à cet égard, il y a beaucoup à faire.

Dès le jour de sa nomination, votre ministre de l’intérieur a commencé à agir avec pragmatisme et efficacité.

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Mathieu Darnaud. Donnez-lui les moyens d’amplifier son action.

Je veux dire un mot, enfin, de l’outre-mer.

Certains territoires ultramarins ont beaucoup souffert au cours des derniers mois. Ils vont avoir besoin, de la part de l’État, d’un accompagnement financier et humain à la fois intelligent, agile et innovant.

Je pense à Mayotte, territoire dévasté, qui aspire à une reconstruction globale. Je pense également à la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’à la Guadeloupe et à la Martinique, où l’État doit trouver des solutions pour lutter contre la cherté de la vie.

Monsieur le Premier ministre, le Sénat est un lieu singulier où se mêlent sagesse et audace, liberté de pensée et culture du consensus, œuvre législative et travail de contrôle. Ne négligez pas notre assemblée !

La gravité du moment nous oblige tous. Il est plus que temps de dessiner l’avenir, d’éclairer la voie, de parler enfin de la France aux Français.

M. Stéphane Ravier. La France aux Français, bel hommage !

M. Mathieu Darnaud. Votre mission est immense : redonner du souffle et de la cohérence à l’action politique, sortir des solutions toutes faites, rendre à l’État une partie de son efficience passée.

Il s’agit là d’une responsabilité politique au sens le plus noble du terme : nos concitoyens nous demandent de retrouver l’ambition, d’oser le courage, d’exprimer des convictions et de rassembler. (Plusieurs sénateurs du groupe SER frappent leur pupitre pour signaler que lorateur a dépassé son temps de parole.)

Comme le disait Stefan Zweig, une seule chose fatigue l’homme : l’hésitation et l’incertitude. Monsieur le Premier ministre, ayez le courage d’agir ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la semaine prochaine, Donald Trump deviendra le quarante-septième président des États-Unis…

M. Stéphane Ravier. Bravo ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Kanner. Dès lors, outre-Atlantique, c’est sa vision du monde qui sera au pouvoir, qu’il s’agisse d’affaiblir l’Otan, de laisser l’Ukraine aux mains de Poutine ou d’annexer le Groenland…

Pendant ce temps, les populismes gagnent l’Europe. Pendant ce temps, la situation s’enlise au Proche-Orient. Pendant ce temps, les relations se tendent avec l’Algérie.

Monsieur le Premier ministre, le monde est en ébullition et la France d’Emmanuel Macron se regarde le nombril.

Oui, j’en veux au Président de la République. Je lui en veux d’avoir affaibli la voix de notre pays sur la scène internationale. Comment prendre au sérieux un État fragilisé par la dissolution incompréhensible de son Assemblée nationale ? Comment accorder le moindre crédit à une nation gouvernée par un pouvoir instable et en contradiction totale avec le résultat des dernières élections législatives ?

Face à ce chaos, la tentation était grande de laisser l’exécutif face à ses propres turpitudes. Bien sûr, nous aurions pu nous contenter de rester les spectateurs passifs de cette crise politique et institutionnelle. Mais, vous le savez, monsieur le Premier ministre, tel n’a pas été notre choix.

Nous sommes et demeurons dans l’opposition,…

M. Patrick Kanner. … évidemment et fondamentalement. Nous sommes dans l’opposition, car nous ne partageons ni vos convictions, ni vos priorités, ni votre vision de la société. Le budget que vous construisez n’est en aucun cas celui que nous aurions bâti si nous avions été au pouvoir, et nous saurons vous le rappeler le moment venu.

À l’évidence, nous ne serons jamais vos alliés. Nous ne serons jamais vos partenaires.

Nous ne sommes pas guidés par un quelconque intérêt personnel. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Nous n’avons pas accepté, encore moins réclamé, le moindre portefeuille ministériel. Nous savons ce qu’est l’exercice du pouvoir. En aucune façon nous n’aurions pu envisager de participer à un gouvernement dont nous n’approuvons pas le projet. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Ce qui nous importe, c’est d’être utiles aux Françaises et aux Français. Notre seul honneur,…

M. Stéphane Ravier. Vous parlez d’honneur ?

M. Patrick Kanner. … c’est d’arracher des victoires chaque fois que c’est possible, c’est d’épargner aux plus fragiles de nos concitoyens la facture de l’incurie budgétaire pratiquée par Emmanuel Macron depuis de trop nombreuses années.

Les Français n’attendent pas le Grand Soir : ils aspirent à vivre mieux, et chaque avancée obtenue en ce sens est une victoire à saluer.

Je suis fier d’être socialiste aujourd’hui (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe SER.), fier d’appartenir à une famille politique qui n’a pas ménagé ses efforts pour obtenir des progrès pour nos concitoyens. Je vous invite à un peu d’humilité, chers collègues du groupe Les Républicains !

Sans notre intervention, sans la gauche, la taxe sur l’électricité aurait augmenté…

M. Patrick Kanner. Les médicaments et les consultations médicales auraient été déremboursés ; les pensions de retraite n’auraient pas été indexées sur l’inflation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Les retraites, justement, parlons-en.

Monsieur le Premier ministre, lors de votre déclaration de politique générale devant nos collègues députés, vous vous êtes engagé à remettre en chantier la réforme de 2023.

Nous l’avons dit et répété, revenir sur cette réforme permettrait de réparer enfin une injustice sociale et une anomalie démocratique : une injustice sociale, car repousser l’âge de départ à 64 ans, c’est prélever un impôt sur la vie des Français, et en particulier des Françaises, qui subissent pendant des années des métiers pénibles, des carrières longues ou hachées ; une anomalie démocratique,…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est ainsi que Jospin désignait le Sénat…

M. Patrick Kanner. … car nous avons tous en mémoire la brutalité avec laquelle cette réforme a été imposée, et ce malgré l’opposition du Parlement et celle, écrasante, des Français.

J’en suis convaincu : la remise en cause de cette réforme provoquera un soulagement salutaire dans notre pays.

Qu’en est-il, à présent, de la méthode à suivre ?

Oui, il faut replacer les partenaires sociaux au centre des discussions. Oui, il faut d’urgence leur permettre d’aboutir à un accord qui permette de sauvegarder notre système par répartition via des solutions de financement ne pesant pas sur les plus fragiles. Mais entendons-nous bien : si, en raison du droit de veto donné de facto au Medef, les partenaires sociaux ne parvenaient pas à un accord dans les délais fixés, il serait intolérable de revenir à la réforme de 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

Dans cette hypothèse – je reprends votre expression, monsieur le Premier ministre –, le Parlement devra impérativement avoir le dernier mot…

M. Roger Karoutchi. Il l’a déjà eu !

M. Patrick Kanner. … et débattre de toutes les options mises sur la table par les partenaires sociaux. Je pense en particulier à l’âge légal de départ,…

M. Bruno Sido. Démago !

M. Patrick Kanner. … qui n’est pas un tabou pour vous, et à la durée de cotisation. Nous voulons vous entendre clairement sur ces questions, car le compte n’y était pas à l’Assemblée nationale, ni hier, lors de la déclaration de politique générale, ni aujourd’hui, lors des questions d’actualité au Gouvernement.

Sachez par ailleurs que nous n’acceptons pas la provocation qui consiste à parler d’un déficit annuel de notre système de retraite de l’ordre de 40 milliards à 45 milliards d’euros : vous vous livrez là à une manipulation des chiffres. Vous annoncez un déficit exagéré de sorte à placer les partenaires sociaux devant un défi impossible à relever. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Cette manœuvre, qui se fonde sur les travaux que vous avez menés en tant que haut-commissaire au plan, a déjà été déjouée à deux reprises par les membres du Conseil d’orientation des retraites (COR), et singulièrement par les syndicats de salariés, que vous sollicitez maintenant. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

Pour que nous puissions engager ces travaux sur des bases saines, je vous demande de revenir sur cette affirmation et de présenter la vérité aux Français.

Bien sûr, nos revendications ne s’arrêtent pas à la réforme des retraites : sur bien d’autres chantiers, nous attendons des réponses de votre part.

Au sujet du pouvoir d’achat, que proposez-vous concrètement ? Il est nécessaire de revaloriser les salaires en partant du Smic. Il est nécessaire d’assurer à nos agriculteurs, acteurs essentiels de notre économie, de notre alimentation et de nos territoires, des revenus justes et décents. Nous continuerons également de nous battre pour l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires.

Pouvez-vous nous dire clairement que vous abandonnez définitivement le passage d’un à trois jours de carence dans la fonction publique en cas d’arrêt maladie ? (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Cette question simple appelle une réponse simple.

Nos revendications portent également sur les services publics. Commençons par la santé, puisque vous avez fait des annonces dans ce domaine.

Nous avons obtenu une marche arrière sur le déremboursement des médicaments et des consultations. Nous avons obtenu également une légère augmentation de l’Ondam. (M. Alain Milon proteste.) Mais cela suffira-t-il à sauver l’hôpital, aujourd’hui plongé dans une crise sans précédent ? Comme le disait hier, à l’Assemblée nationale, mon homologue Boris Vallaud, nous voulons savoir « très concrètement ce que cela signifie en matière de maintien ou de création de postes et de maintien ou d’ouverture de lits ».

J’en viens à l’école de la République : elle doit accueillir tous les élèves et garantir l’égalité des chances, grâce à des personnels en nombre suffisant et mieux formés. C’est précisément pourquoi nous vous avons demandé de revenir sur la suppression de 4 000 postes de professeurs, de diminuer le nombre d’élèves par classe, d’améliorer l’accueil des élèves en situation de handicap, de revaloriser le salaire des enseignants et de l’ensemble des personnels qui œuvrent dans les établissements et d’améliorer la mixité sociale et scolaire.

M. Jacques Grosperrin. Et on rase gratis ?

M. Patrick Kanner. Vos déclarations, monsieur le Premier ministre, nous ont laissés sur notre faim. À tout le moins, elles manquent de clarté.

Là encore, à question simple, réponse simple : annulez-vous la suppression de 4 000 postes ? (Voilà ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Quant aux collectivités territoriales, depuis 2017, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron les ont malmenées : les privant de recettes propres, ils ont mis à mal leur autonomie financière et fragilisé le lien démocratique qui unissait les citoyens aux élus.

Par ailleurs, la seule compensation de la suppression de la taxe d’habitation a privé l’État de plus de 23 milliards d’euros par an, donc de moyens d’action considérables.

Il est temps de rendre aux collectivités territoriales des marges de manœuvre budgétaires, afin qu’elles puissent jouer pleinement leur rôle moteur d’investisseur partout sur notre territoire.

M. Jean-François Husson. Vous auriez dû voter avec nous !

M. Patrick Kanner. Hier, vous avez indiqué vouloir limiter les coupes budgétaires à leur encontre, mais celles-ci sont encore beaucoup trop importantes. Nous souhaitons la tenue d’une conférence relative aux moyens financiers et aux compétences des collectivités territoriales. Lors de l’examen du budget, qui reprend aujourd’hui même, les élus de notre groupe sauront se montrer très combatifs pour défendre les moyens qui leur sont alloués.

Placer les outre-mer au rang des priorités de notre pays, c’est proposer un véritable plan de rattrapage concerté et adapté à chaque territoire.

M. Bruno Sido. Avec quel argent ?

M. Patrick Kanner. C’est lutter contre la vie chère ; c’est reprendre le chemin vers l’égalité réelle.

Pour sortir Mayotte du chaos et redonner des perspectives à ses habitants, il faudra davantage qu’un plan de reconstruction sur deux ans. En Nouvelle-Calédonie, le dégel du corps électoral à marche forcée a conduit à une situation dramatique, marquée par des pertes humaines et des destructions matérielles considérables. Pour notre part, nous avons une fois de plus été pourvoyeurs de solutions, notamment juridiques, afin de privilégier le dialogue, la concertation et le respect des spécificités locales.

Qu’en est-il, par ailleurs, de la justice fiscale ? Depuis bientôt huit ans, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de désarmer l’État en le privant chaque année de plus de 50 milliards d’euros de recettes fiscales. (M. Mickaël Vallet le confirme.)

En s’entêtant dans le dogme du « moins d’impôt », le Président de la République a préservé les plus riches, aggravé les inégalités sociales – plus de 10 millions de nos concitoyens vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté – et conduit l’État à réduire ses dépenses. Or réduire les dépenses publiques, c’est fragiliser de fait les plus modestes de nos concitoyens, pour qui la puissance publique est souvent le seul filet de sécurité.

À cet égard, monsieur le Premier ministre, votre discours ne nous permet toujours pas de disposer d’une vision claire de l’équilibre général de votre budget.

Nous attendons avec inquiétude de découvrir les domaines aux dépens desquels vous ferez de nouvelles économies. En effet, la politique de l’offre menée depuis huit ans ne permet pas le ruissellement des richesses : elle provoque l’assèchement des emplois.

Cette politique de l’offre n’empêche pas l’existence de 300 plans sociaux en 2025 et la suppression de plus de 180 000 emplois. En parallèle, les entreprises du CAC 40, battant un nouveau record que je qualifierais d’obscène, vont verser à leurs actionnaires 100 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions. Si votre réponse se limite à une taxation des plus hauts patrimoines – encore faut-il que vous la confirmiez et que nous en connaissions les contours, le rendement et la pérennité –, alors elle n’est pas à la hauteur des enjeux.

Parlons maintenant du logement. Où se trouve votre volonté politique, à l’heure où ce secteur traverse une crise sans précédent ? Vous parlez de « politique du logement repensée », sans évoquer ni la tension locative, ni la captation du foncier, ni les moyens à redonner aux organismes de logement social.

En matière de transition écologique, quelle est votre boussole ? Il faut agir sur les causes du réchauffement climatique, et non seulement sur ses effets. Reprendre la planification écologique et ne pas abaisser nos normes environnementales sont des préalables nécessaires à une politique qui n’a d’autre choix que celui de l’ambition.

Il est temps d’agir avec fermeté et cohérence pour garantir un avenir plus respectueux de notre planète.

J’en arrive à ma conclusion. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Monsieur le Premier ministre, vous le voyez, les socialistes ont des propositions à vous faire pour sortir de l’impasse.