Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Marie-Pierre Richer.

Procès-verbal

Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur

Questions d'actualité au Gouvernement

mort du jeune élias et justice des mineurs

action du gouvernement face aux fermetures d'usine et de l'entreprise vencorex

assassinat du jeune élias par deux mineurs

effet de la hausse des mutuelles sur le pouvoir d'achat des français

hydroélectricité

compétence eau et assainissement

propos du premier ministre sur l'immigration

hausse du chômage

ingérence de l'azerbaïdjan en nouvelle-calédonie

situation de trois otages français détenus en iran

dette de l'algérie à l'égard de l'hôpital français

souveraineté technologique européenne

situation en république démocratique du congo

fermetures de classes

compétence eau et assainissement

situation de l'hôpital et des agences régionales de santé face à la baisse des crédits de certaines spécialités

(À suivre)

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur

M. le président. Avant de donner la parole au premier orateur, je salue notre nouveau collègue Jean-Marc Delia (Applaudissements.), qui a remplacé Philippe Tabarot (« Irremplaçable ! » sur des travées du groupe Les Républicains.), nommé ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Au nom du Sénat, je lui souhaite la bienvenue parmi nous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Je salue également le retour de nos collègues Agnès Canayer et Laurence Garnier, que nous sommes heureux de retrouver. (Applaudissements.) J'espère qu'elles ont également plaisir à nous retrouver : la maison est toujours aussi douce, et vous accueille avec bonheur !

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Le Premier ministre, qui a dû se rendre à des obsèques, nous prie de bien vouloir excuser son absence.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Mes chers collègues, au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer, au cours de nos échanges, l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

mort du jeune élias et justice des mineurs

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Elle concerne le meurtre d'Élias.

Il avait 14 ans, il rentrait d'un entraînement de foot. Il n'aura jamais 15 ans, parce qu'il a trouvé sur sa route deux adolescents délinquants récidivistes qui en voulaient à son téléphone portable et l'ont poignardé.

J'ai, bien sûr, une pensée pour sa famille et pour ses proches.

Ces deux délinquants étaient connus de la justice des mineurs, l'un pour des vols avec violence et port d'arme blanche, l'autre pour violence en réunion. Pour ces faits, ils avaient été présentés à un juge le 30 octobre 2024, en vue d'un jugement définitif prévu pour juin 2025.

En attendant, ils continuaient, jusqu'à ce drame, de terroriser le quartier en toute impunité, sans être inquiétés par personne.

C'est toute la justice des mineurs qui est en cause : il est clair qu'elle n'est plus adaptée à cette ultraviolence.

Se cumulent, nous semble-t-il, deux problèmes.

Le premier est l'excès d'indulgence. Freud le disait : l'indulgence est une forme cachée de la carence d'autorité. Perçue comme une faiblesse par ces jeunes en mal de repères, elle engendre l'ultraviolence.

Le deuxième a trait à l'effectivité et à la constance de la peine, dès la première infraction. Cette exigence d'effectivité et de constance est un impératif s'agissant de ces mineurs ancrés dans la violence.

Monsieur le ministre d'État, à l'évidence, notre justice des mineurs fonctionne très mal.

J'ai parfaitement conscience qu'au ministère de la justice les sujets de préoccupation ne manquent pas. Mais, pour Élias et pour toutes les victimes, quelles évolutions envisagez-vous pour réformer la justice des mineurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Henno, nombre d'entre nous sont pères et mères de famille. Nos cœurs à tous se renversent quand nous apprenons qu'un enfant, revenant d'un entraînement de football, pratique d'enfant s'il en est, peut rencontrer la mort pour un téléphone portable.

Je le redis : notre considération pour la famille d'Élias est immense.

Le devoir du ministère de la justice est de condamner fermement ceux qui sont responsables de cette situation, les jeunes mineurs violents, mais également de comprendre ce qui ne va pas dans notre justice des mineurs – vous avez parfaitement raison.

Ce qui ne va pas, monsieur le sénateur, se résume en trois points.

Premièrement, le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) prévoit, vous le savez, la primauté de la mesure éducative sur la mesure répressive ; c'est l'un des fondements de notre droit. Or, lorsque la mesure éducative judiciaire qui a été prononcée n'est pas exécutée par le mineur – et tel était le cas, manifestement, pour l'auteur des coups de couteau –, il n'y a pas de sanction !

Une proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents sera examinée dans deux semaines en séance publique à l'Assemblée nationale ; dans le cadre de cette discussion, je proposerai qu'une sanction soit prise dans le cas où la mesure éducative n'est pas suivie, et que cette sanction prenne la forme d'un placement en centre éducatif fermé, donc d'un enfermement. Ainsi les mesures prises par le juge pourront-elles être respectées.

Deuxièmement, vous soulignez, à raison, qu'en octobre dernier le parquet avait demandé l'enfermement de ces mineurs. Le magistrat avait finalement reporté cette décision, en application du code de la justice pénale des mineurs, ce même code dont le Gouvernement vous avait proposé la création et que vous aviez ratifié. Il y a un problème de non-comparution immédiate des mineurs violents pour les faits les plus graves.

Pour ma part, je suis favorable à la comparution immédiate des mineurs pour les faits les plus graves. Une telle disposition aurait sans doute permis que la réquisition du parquet soit suivie en octobre dernier ; nous ne nous retrouverions pas dans cette situation aujourd'hui.

Troisièmement, ces deux mineurs présentés à la justice pour des faits d'extorsion faisaient l'objet d'une mesure d'interdiction d'entrer en contact l'un avec l'autre. Or, en cas de contrôle, le fichier des personnes recherchées (FPR) que consultent les policiers ne donne pas cette information. Ces deux jeunes habitaient d'ailleurs le même quartier et, dit-on, fréquentaient les mêmes lieux. La justice se doit évidemment de travailler avec les forces de l'ordre afin de garantir l'effectivité des mesures qu'elle prend en matière d'interdiction de contact entre collègues de délinquance ; nous avons à améliorer, plus généralement, l'exécution des mesures de coercition et de contrôle.

Nous le devons à Élias et à l'ensemble des victimes. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. François Patriat applaudit également.)

action du gouvernement face aux fermetures d'usine et de l'entreprise vencorex

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, je souhaitais m'adresser au Premier ministre, expert en planification…

Vos prédécesseurs parlaient sans cesse de réindustrialisation, mais, aujourd'hui, l'urgence est surtout d'arrêter l'hémorragie industrielle. Ce secteur, qui représente des millions d'emplois et dont dépend notre souveraineté dans des domaines stratégiques, a plus que jamais besoin d'un plan.

Pendant que le CAC40 reverse 100 milliards d'euros à ses actionnaires, les plans de licenciement s'accumulent dans toute la France, y compris dans des entreprises rentables.

Michelin, la Fonderie de Bretagne, General Electric, ArcelorMittal, Photowatt : au total, la CGT a recensé 300 plans en cours, soit un total de 300 000 emplois menacés.

Alors que le chômage a augmenté de 3,9 % au dernier trimestre, une hausse inédite en dix ans, votre doctrine reste inflexible : poursuivre le libre-échange et la politique de l'offre, c'est-à-dire distribuer des milliards sans aucune stratégie ni contrepartie !

En Isère, la situation de Vencorex est un cas d'école, dans la filière chimique, de l'ampleur sans précédent des effets dominos : la fermeture annoncée de l'entreprise sert de prétexte aux industriels de la filière, dans une visée de profits à court terme, pour licencier et délocaliser. Déjà un plan de licenciement est annoncé chez Arkema ; à terme, plus de 6 000 emplois risquent d'être sacrifiés…

Sans engagement volontariste de l'État, c'est notre souveraineté dans les domaines du nucléaire, de l'aérospatial et de la défense qui est abandonnée. L'État peut et doit agir : depuis des mois, les salariés et les élus locaux, de manière transpartisane, réclament une nationalisation temporaire pour relancer l'activité. Le coût d'une telle mesure a été chiffré à 200 millions d'euros. En comparaison, l'utilisation de sel importé implique des essais de validation de missiles nucléaires dépassant le milliard d'euros ! Et je ne parle pas de la dépollution des sites industriels et des risques environnementaux liés au transport de matières dangereuses…

Monsieur le ministre, ne pas agir, c'est faillir ! Avec la nationalisation, vous avez entre les mains un outil unique de planification.

J'ai ainsi trois questions simples pour le Premier ministre : va-t-il reprendre la main sur ce dossier ? Va-t-il venir sur le site ? Va-t-il nationaliser Vencorex ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président Gontard, vous interrogez le Gouvernement sur le dossier Vencorex. Vous avez eu l'occasion d'échanger à ce propos hier, à Bercy, avec le ministre Marc Ferracci, qui est actuellement en déplacement sur un site industriel pour évoquer, avec les élus locaux et les représentants des salariés, ce dossier révélateur des difficultés que traverse notre industrie.

Je veux d'abord dire combien nous sommes mobilisés pour garantir notre souveraineté industrielle. Après l'adoption du budget – le projet de loi de finances pour 2025 a été voté par votre assemblée la semaine dernière –, la réindustrialisation du pays est ma première priorité.

J'ai d'ailleurs, sur cette question de la protection et de la relance de notre industrie et de nos filières, échangé avec nos partenaires européens, car ce dossier se joue aussi à Bruxelles.

La situation de Vencorex est complexe. Malheureusement, l'entreprise est déjà en redressement judiciaire. Cela étant, nous travaillons avec toute la filière pour maintenir l'activité sur le site : d'elle dépendent en effet d'autres activités, dont certaines sont stratégiques – je pense en particulier au secteur nucléaire et aux sociétés de la région et de l'ensemble du bassin du Rhône.

Nous travaillons également à protéger les salariés : nous proposerons un accompagnement individuel afin que chacun trouve une solution et que la filière continue de fonctionner.

M. Guillaume Gontard. Concrètement, on fait quoi ?

M. Éric Lombard, ministre. Pour ce qui est d'une éventuelle nationalisation de cette société, vous connaissez la réponse du Gouvernement. Nous pensons que, dans ce genre de cas, la nationalisation n'est pas la meilleure solution ni la plus économe de nos deniers. (M. François Patriat applaudit. – M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)

assassinat du jeune élias par deux mineurs

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, si Élias est mort, c'est notre faute à tous.

Je suis la mère de deux enfants, qui ont chacun leur tour été rackettés, violemment, dans le XIVe arrondissement de Paris.

J'ai essayé de les convaincre de ne jamais jouer les héros face à des racketteurs. Je n'en ai pas honte : je voulais juste être sûre qu'ils rentrent à la maison. Mais je veux me battre, parce que ce n'est pas du tout la société dans laquelle j'ai envie de vivre.

Comment s'étonner de l'hyperviolence des mineurs, si nous ne fixons pas les bonnes règles ?

Monsieur le ministre d'État, vous avez résumé ce qui ne va pas en trois points ; je souhaite savoir, quant à moi, ce que vous pensez des quatre principes que je m'apprête à énumérer.

Premièrement, les parents doivent être responsabilisés. Nul ne devrait avoir le droit d'occuper un logement social si c'est pour agresser les gens en bas de chez soi. Pas besoin non plus d'allocations familiales lorsqu'on gagne de l'argent en trafiquant ou en rackettant !

Deuxièmement, la punition va de pair avec l'éducation. Actuellement, on ne marche que sur une jambe ! La loi interdit de fait les courtes peines de prison. Il n'existe que six centres pénitentiaires pour mineurs et cinquante-quatre centres éducatifs fermés, qui ne le sont d'ailleurs, fermés, que de nom.

Troisièmement, on doit être puni dès le premier délit, et puni pour ce que l'on a fait, et non au regard de la façon dont on se comporte par la suite auprès d'un éducateur. Les deux meurtriers d'Élias, pourtant multirécidivistes, avaient certes vu un juge dès le mois d'octobre. La belle affaire ! En vertu du principe de césure entre audience de culpabilité et audience de sanction, la perspective d'une sanction ne se dessinait que neuf mois plus tard, soit l'équivalent d'une année scolaire. La sanction, dans ce genre de cas, est hypothétique et lointaine, entre avertissements et mesures éducatives plus ou moins exécutées. La victime, on n'y pense même plus !

Quatrièmement, l'excuse de minorité devrait être motivée par le juge pour chaque affaire. Bien sûr, les mineurs ne sauraient être par principe jugés comme des adultes – cela va de soi. Mais ils ne sauraient non plus être par principe jugés deux fois moins sévèrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Hussein Bourgi et Jean Hingray applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Carrère-Gée, je vous répondrai le plus clairement possible sur ces quatre points.

Premièrement, comme je l'ai dit à votre collègue Olivier Henno, que l'excuse de minorité doive être motivée par le juge, j'y suis favorable. La proposition de loi qui va être examinée à l'Assemblée nationale le prévoit. Sans doute une meilleure rédaction est-elle possible : nous y travaillerons avec le Sénat. En tout état de cause, je suis favorable à cette disposition.

Deuxièmement, la césure inscrite dans le code de la justice pénale des mineurs présente certes l'avantage de la rapidité de la réponse pénale et du rendu de la décision, mais aussi l'inconvénient d'un trop grand écart entre sanction prononcée et peine effectivement exécutée.

Vous avez raison : l'éducation va avec la punition la plus rapide possible. Ce qui compte, dans la justice, ce n'est pas le quantum de la peine, c'est sa certitude. Trois ans après l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, je suis donc favorable à l'évaluation de cette césure, notamment à l'aune de ces faits divers ignobles. Des modifications pourront notamment être proposées dans le cadre du parcours législatif du texte que j'ai évoqué tout à l'heure, qui sera transmis au Sénat après son examen en séance publique à l'Assemblée nationale.

Troisièmement, je me suis déjà exprimé sur le sujet des courtes peines. Il faut distinguer courtes peines et ultracourtes peines. De ce point de vue, les instructions émises par les précédents gardes des sceaux – « moins de six mois de prison, pas de prison » – n'ont pas leur place dans la politique pénale que je veux mener.

M. Olivier Paccaud. Très bien !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je prendrai bientôt l'initiative de retirer ces instructions pénales.

Par ailleurs, on observe que les quantums de peine ont pu augmenter, car, pour s'assurer que la personne condamnée aille bien en prison, les juges du siège ont eu tendance à augmenter la durée des peines prononcées – et c'est ce qui a nourri la surpopulation carcérale ! Pour cette raison, il faut changer notre modèle pénitentiaire. Je me suis exprimé à ce sujet ; nous aurons l'occasion d'en reparler.

Le nombre de magistrats pose également problème. On compte un juge des enfants pour 300 gamins, et seulement 650 places en centre éducatif fermé ! J'ai en conséquence décidé, la semaine dernière, que cinquante juges des enfants supplémentaires seraient désignés et affectés dans les tribunaux pour enfants.

Quatrièmement, la responsabilisation des parents, j'y suis également favorable, mais – car il y a un « mais », madame la sénatrice –, comme vous, je connais des femmes seules qui élèvent des enfants dans des conditions extrêmement difficiles, des femmes qui, par exemple, travaillent de nuit à l'hôpital de Tourcoing et dont le gamin a de mauvaises fréquentations.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Que ceux qui insultent des policiers, des magistrats ou des enseignants soient sanctionnés, qu'on les expulse de leurs logements sociaux, qu'on leur retire les allocations, oui ! Mais ceux qui galèrent – si vous me permettez l'expression – pour faire entendre à leurs enfants l'autorité de la République, qu'on les aide ! Si nous sommes d'accord sur ce principe de bon sens, alors nous pourrons nous entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)

M. François Patriat. Très bien !

effet de la hausse des mutuelles sur le pouvoir d'achat des français

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en septembre dernier, ma collègue Marie-Claire Carrère-Gée et moi-même avons présenté un rapport d'information intitulé La hausse des complémentaires santé : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français.

Pendant six mois, nous avons échangé avec les représentants de l'assurance maladie, des complémentaires et des professionnels de santé, ainsi qu'avec tous les acteurs concernés, analysant et étudiant ce sujet qui est source d'inquiétude et de préoccupation pour les Français. Et pour cause, cette hausse des cotisations pousse nombre de nos concitoyens à renoncer aux soins.

Vous reconnaîtrez, madame la ministre, que cette situation est inacceptable dans un pays dont le système de santé faisait figure, il y a vingt ans encore, de modèle mondial !

En décembre dernier, les complémentaires santé ont annoncé une nouvelle hausse de 6 % pour 2025, qui s'ajoute à l'augmentation de 8,1 % qui avait déjà été annoncée pour 2024. Les mutuelles ont justifié cette augmentation par le transfert de charge que représente la hausse des tickets modérateurs sur les consultations et sur les médicaments décidée par le précédent gouvernement.

Aujourd'hui, madame la ministre, le gouvernement dont vous faites partie a annoncé revenir sur ces transferts de charge. Pourtant, la hausse du prix des complémentaires demeure quant à elle bien réelle pour nos concitoyens.

Dans notre rapport, nous avions formulé plusieurs propositions concrètes.

Nous recommandions, tout d'abord, la systématisation d'une concertation entre l'assurance maladie, les complémentaires santé et le Gouvernement visant à anticiper chaque hausse.

Nous préconisions, ensuite, d'améliorer la transparence et la fluidité des informations échangées – dans le respect du secret médical, bien sûr – entre l'assurance maladie et les complémentaires santé, afin de lutter contre la fraude et de cibler la prévention.

Nous suggérions, enfin, la création, en complément de la C2S (complémentaire santé solidaire) gratuite et de la C2S avec participation, d'une complémentaire santé solidaire « seniors », dite C3S, destinée aux retraités percevant le minimum vieillesse ou disposant de faibles revenus.

Madame la ministre, ma question est simple : que compte faire le Gouvernement pour éviter ces hausses de cotisations, qui promettent d'aggraver le phénomène de renoncement aux soins et les inégalités d'accès à la santé ?

M. le président. Il faut conclure !

M. Xavier Iacovelli. Que comptez-vous reprendre des recommandations de notre rapport ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous avez mentionné le rapport que vous avez rédigé avec Mme la sénatrice Carrère-Gée. Je tiens à dire, en préambule, combien sont intéressantes les recommandations de ce rapport.

Vous avez listé les différentes augmentations qu'ont subies nos concitoyens qui souscrivent une assurance complémentaire.

Nous le savons, les dépenses de santé augmentent dans notre pays. Certes, la France a la chance de connaître un vieillissement important : il y a là matière à corrélation, mais ce vieillissement est loin de justifier l'ensemble des augmentations qui sont en question.

C'est la raison pour laquelle il me semble tout à fait opportun de revenir sur les différents éléments que vous avez bien voulu signaler.

Vous avez soulevé notamment la question de la lisibilité. Avec Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, nous sommes convaincus que la pluriannualité est nécessaire. Dès lors que nous nous inscrirons dans une telle démarche pluriannuelle, nous pourrons discuter avec l'ensemble des acteurs concernés, assurance maladie et mutuelles.

Il est un autre sujet d'importance, dont je parle très régulièrement avec le président de la commission des affaires sociales de votre assemblée : il s'agit de la prévention. Notre pays souffre d'une politique de prévention insuffisamment efficace. Nous avons besoin de travailler avec l'ensemble des acteurs, y compris les mutuelles, et de nous intéresser davantage à des sujets comme celui des données, en veillant, bien sûr, au respect de la confidentialité, et en prenant appui sur des programmes existants.

Je recevais pas plus tard qu'hier le professeur Bruno Vellas pour échanger sur la question du vieillissement. Le programme Icope (Integrated Care for Older People, soins intégrés pour les personnes âgées) a fait l'objet d'une expérimentation ; je n'ai qu'un objectif : en généraliser la mise en œuvre. Quelque 2 millions de Français pourraient y participer. Améliorer la prévention, c'est mieux protéger et mieux accompagner nos concitoyens, c'est œuvrer pour l'éducation à la santé et c'est faire des économies. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)

MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido. Très bien !

hydroélectricité

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre de la souveraineté industrielle, mes chers collègues, l'hydroélectricité couvre 25 % des besoins de la France lors des pics de consommation. Elle est ainsi un enjeu industriel pour la France. Énergie renouvelable et décarbonée, son potentiel de développement en France est considérable et elle fournit au réseau électrique son premier moyen de stockage.

Défi majeur pour la sécurité des systèmes électriques, le stockage est rendu possible, en effet, par le déploiement massif et rapide des stations de transfert d'énergie par pompage (Step).

Or le retard pris en la matière a un impact sur le fonctionnement électrique, qui souffre d'un manque de capacité de stockage. Le nombre d'heures vendues à prix négatif a été multiplié par trois en 2024.

Nous devons donc lancer de nouveaux projets de Step. Mais, pour ce faire, il faut sortir de la concession. Trois possibilités se présentent à nous.

Modifier la directive européenne sur l'attribution de contrats de concession ? Le Gouvernement essaie de le faire depuis dix ans.

Reprendre les concessions en régie ? Cela soulèverait d'autres difficultés.

Une dernière piste serait de passer du régime de la concession à celui de l'autorisation. Cette idée a notamment été émise à l'occasion de la visite d'un barrage d'EDF sur la rivière Dordogne, en présence de mon collègue Claude Nougein et du président du Sénat Gérard Larcher.

De nombreux projets sont lancés dans nos territoires, par exemple en Aveyron, avec le soutien des sénateurs Alain Marc et Jean-Claude Anglars, ou en Corrèze, sur le site de Redenat. D'autres projets ont aussi été identifiés pour la production de 3 gigawatts.

Appliquer en ce domaine le régime de l'autorisation ne reviendrait qu'à étendre le modèle qui prévaut pour le nucléaire, le photovoltaïque ou l'éolien. Ce régime est en vigueur dans de nombreux pays européens. Il permettrait de sortir du blocage de la Commission européenne, qui dure depuis longtemps, et de relancer l'investissement dans les Step.

Monsieur le ministre, pourquoi un tel retard ? Le régime de l'autorisation est en vigueur dans de nombreux pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Chasseing, pour faire bref, vous avez raison !

Pour vous répondre de manière plus détaillée, la France compte aujourd'hui 2 600 installations pour une puissance totale de 26 gigawatts. Ces barrages sont une partie de notre plan de transformation écologique énergétique. Ils participent à la résilience de notre système, au sein duquel, en effet, les stations de transfert d'énergie par pompage, les Step, jouent un rôle essentiel de lissage de la consommation.

La Commission européenne a bel et bien engagé un précontentieux à l'endroit de la France ; un certain nombre de concessions sont aujourd'hui en danger par défaut d'investissements.

S'agissant de sécuriser l'avenir de nos barrages, nous nous sommes fixé plusieurs objectifs : relancer les investissements dans les projets bloqués, notamment les Step – vous en avez parlé ; garder la pleine maîtrise de notre parc hydroélectrique ; favoriser le partage des usages de l'eau, sujet ô combien important pour les collectivités ; redistribuer une partie de la valeur produite en direction des collectivités locales qui sont engagées en ce domaine.

Vous avez mentionné les solutions qui sont à l'étude : modifier la directive Concessions de 2014, mettre en place une régie ou une quasi-régie ou encore basculer vers un régime d'autorisation.

Afin de clarifier ces points, qui sont essentiels, une mission d'information a été confiée par l'Assemblée nationale aux députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel, dont nous attendons les conclusions pour très bientôt.

Dès que le rapport aura été remis, vous pouvez compter sur nous, monsieur le sénateur, pour mettre en œuvre ses recommandations, afin de reprendre la main sur ce secteur extrêmement important et de réaliser les investissements que vous appelez de vos vœux. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Il est absolument nécessaire, pour EDF comme pour nos territoires, de sortir de cette impasse ; ainsi nous nous donnerons les moyens de valoriser l'énergie dont nous disposons et d'augmenter notre production électrique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-Claude Anglars applaudit également.)

compétence eau et assainissement

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'élaboration du budget 2025 est présente dans tous les esprits. Or, plus que par le passé, sans aucun doute, ce budget en détermine 35 000 autres : celui de nos collectivités locales, mairies et intercommunalités, qui attendent de savoir sur quelles bases elles pourront fonder leurs actions de proximité, mener à bien des investissements et soutenir une économie qui vacille.

En cette fin de mois de janvier qui, traditionnellement, clôt la période des vœux, de nombreux maires n'en ont qu'un seul à formuler : levez les incertitudes !

Pour les communes rurales, en particulier, une échéance revient sur beaucoup de lèvres : celle du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement au 1er janvier 2026. Encore, me direz-vous ? Bien sûr, parce que cette question n'est toujours pas traitée !

M. Jean-Yves Roux. Mes chers collègues, voici maintenant quelques années que le Sénat se prononce régulièrement, de manière pour ainsi dire unanime, pour rendre aux communes rurales leur liberté d'action dans la gestion des compétences eau et assainissement. Notre assemblée a joué son rôle de relais !

Lors des questions d'actualité au Gouvernement qui se sont tenues au Sénat le 9 octobre dernier, l'ancien Premier ministre Michel Barnier indiquait vouloir mettre un terme au transfert obligatoire de ces deux compétences aux intercommunalités en 2026, sous réserve que les transferts n'aient pas encore été réalisés.

Quant au Premier ministre François Bayrou, il a déclaré le 14 janvier dernier : « Mon gouvernement confortera les avancées sur des sujets très attendus comme l'eau [et] l'assainissement. »

Or, mes chers collègues, le 1er janvier 2026, c'est demain ! Dès demain, les exécutifs locaux devront effectuer des études ou y renoncer, décider, apprécier le prix de l'eau, les périmètres d'action, délibérer, recruter, prévoir des budgets en conséquence, ou au contraire ne pas les prévoir.

Quelle que soit la décision qui sera prise, elle nécessitera un peu de temps pour se concrétiser, car c'est bien ainsi que fonctionne une démocratie qui se respecte.

Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, pouvez-vous nous affirmer ce jour que ce transfert ne sera pas obligatoire au 1er janvier 2026 ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Roux, dans les temps prochains, nous allons être conduits à beaucoup parler des compétences eau et assainissement. J'ai compris que ce sujet vous intéresse tout particulièrement – et vous n'êtes pas le seul, si j'en juge par les applaudissements qui ont salué votre question.

Le maintien de la qualité de l'eau potable et la lutte contre son gaspillage sont un combat qui est mené conjointement par l'État et par les collectivités territoriales.

Les collectivités jouent un rôle primordial pour sécuriser l'accès à la ressource et garantir l'efficience du service public de l'eau – je pense en particulier aux coûts pour le consommateur. L'État se tient à leurs côtés pour les accompagner.

Vous me demandez, très directement, si je suis favorable à la suppression, que prévoit une récente proposition de loi sénatoriale, de l'obligation de transfert en 2026 des compétences eau et assainissement vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), disposition issue de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

Je vous réponds, tout aussi directement : je suis favorable à la différenciation autant que je suis défavorable au retour en arrière. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Ce n'est pas clair !

M. François Rebsamen, ministre. Je suis moi-même élu local, et je sais bien que l'intelligence locale est la connaisseuse la plus fine des spécificités de chaque territoire. (Exclamations sur des travées du groupe SER.)

La différenciation territoriale est d'ailleurs l'un des principes du plan Eau qui avait été présenté par le Président de la République en septembre 2023. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Paccaud tape du poing sur son pupitre.)

MM. Mathieu Darnaud et Jacques Grosperrin. Rien à voir !

M. François Rebsamen, ministre. C'est pourquoi je suis favorable, pour les collectivités locales qui n'y auraient pas déjà procédé, à la suppression de l'obligation de transfert vers les EPCI des compétences eau et assainissement. (Ah ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Une voix sur les travées du groupe Les Républicains. Il fallait le dire tout de suite !

M. François Rebsamen, ministre. Cela étant, l'objectif d'une mutualisation à l'échelle communautaire reste une perspective raisonnable, que nous devons tracer ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)

propos du premier ministre sur l'immigration

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux rester silencieux après les propos tenus par le Premier ministre lundi soir (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et réaffirmés hier devant l'Assemblée nationale, en réponse à Boris Vallaud. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.), propos copieusement applaudis par les députés du Rassemblement national, le regard gourmand et le sourire aux lèvres !

Je ne peux me résoudre à ce qu'un Premier ministre qui doit tout au front républicain se laisse submerger par le vocabulaire de l'extrême droite. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Les étrangers représentent un habitant sur dix dans notre pays. Ne vous laissez pas submerger par les fantasmes et les contrevérités ! Non, la France n'est pas submergée par l'immigration. Le rôle d'un Premier ministre n'est pas d'attiser les peurs, c'est de dire la vérité aux Français. (Nouveaux applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Cette question doit être abordée dans un climat apaisé, sans tomber ni dans l'angélisme ni dans l'amalgame. Ce n'est pas un tabou ! Socialistes, nous regardons la réalité en face. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) Oui, l'immigration doit être inclusive et raisonnée. Oui, il manque aujourd'hui de véritables politiques d'intégration.

Il faut traiter cette question sérieusement, et non en stigmatisant celles et ceux qui ont fait le choix, souvent contraint, de s'installer sur notre sol, d'y fonder leur famille et d'y construire une nouvelle vie. Sans eux, qu'en serait-il des hôpitaux où nous nous faisons soigner, des aides à domicile qui prennent soin de nos parents, des supermarchés où nous faisons nos courses ? Rien de tout cela ne pourrait fonctionner !

Un Français sur cinq est d'origine étrangère, et le fils d'immigrés juifs polonais que je suis a été meurtri par ces propos, comme la majorité des Français l'ont été. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Pour ma part, c'est la République qui m'a submergé, et ce sont ses valeurs qui ont permis à ma famille de s'épanouir en France, et à moi de la servir !

M. Barnier a été censuré pour s'être fourvoyé dans des négociations avec l'extrême droite. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST et sur des travées du groupe CRCE-K. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. C'est vous qui avez voté avec l'extrême droite !

M. Olivier Paccaud. Il a été censuré par l'extrême droite !

M. Patrick Kanner. Alors, mesdames, messieurs les ministres – et je m'adresse au Premier ministre –, voulez-vous dépendre aussi du Rassemblement national ? (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Parce que nous ne voulons pas que notre pays vive sous la tutelle de l'extrême droite et parce que nous sommes responsables, nous avons accepté de discuter avec vous. Nous attendons du Premier ministre qu'il soit clair sur l'aide médicale de l'État (AME) et qu'il abandonne toute référence à la submersion migratoire ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST et sur des travées du groupe CRCE-K. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, le Premier ministre, qui assiste aux obsèques de son ami Jean-François Kahn, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Évidemment, il a observé les réactions des diverses formations politiques, et notamment celles de la vôtre, que vous venez d'exprimer. C'est la raison pour laquelle il m'a demandé d'apporter en son nom la réponse suivante.

La question migratoire est source de tensions qui mettent à l'épreuve toutes les sociétés occidentales, et notre société n'y échappe pas. La traiter par le côté passionnel, c'est le meilleur moyen de ne jamais y répondre ; j'ai entendu que telle était aussi votre conviction.

Les mots sont des pièges. Y a-t-il un « sentiment de submersion » ? Interrogés par sondage, les deux tiers des Français expriment ce sentiment, mais l'on ne retient que le mot de « submersion », et non celui de « sentiment ». Nous ne pouvons écarter ce que nos concitoyens éprouvent et expriment ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)

Cela étant, si nous regardons les choses en face, nous serons en capacité de maîtriser et d'accueillir correctement ceux qui viennent dans notre pays, comme c'est notre devoir. La question à résoudre, c'est la panne de l'intégration.

L'intégration a été la dynamique singulière de la société française. Oui, elle est vécue par des millions de personnes, et en particulier par tous ces Français dont les ancêtres viennent de pays voisins ou lointains. Elle est la vie de celles et ceux qui accompagnent nos enfants et nos aînés, qui travaillent dans nos restaurants, des médecins dans nos services d'urgence, des informaticiens, des entrepreneurs – tous participent à la vie de notre pays et contribuent à sa richesse. Elle est aussi la vie de leurs enfants, qui vont à l'école.

Les instruments d'une intégration réussie, nous les connaissons : le travail, la langue, les principes de la République, le principe de laïcité, c'est-à-dire notre héritage commun, humaniste – ce que nous devons transmettre.

Mais tous ces instruments qui font notre fierté sont aussi pris dans la tourmente. Si nous améliorons notre éducation, si nous sommes fiers de nos principes, si nous sommes plus rigoureux et efficaces pour faire respecter la loi, alors l'intégration pourra être réussie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, telles sont les réponses que nous devons reconstruire tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP et Les Républicains. – Mmes Laurence Rossignol et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

hausse du chômage

M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Alexandre Basquin. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Madame la ministre, fin 2024, le chômage a connu sa plus forte hausse depuis dix ans, hors crise covid : +3,9 % par rapport au trimestre précédent ! Les jeunes de moins de 25 ans sont, malheureusement, les plus touchés. Ce chiffre est à mettre en regard du nombre record de défaillances d'entreprises.

Toutes catégories confondues, ce sont plus de 6,2 millions de personnes qui étaient déjà enregistrées à France Travail il y a un an ! Derrière les statistiques, il y a autant de familles et de personnes seules, meurtries, qui aspirent à trouver un emploi et à vivre avec un salaire décent.

Entendez-vous les témoignages de ces salariés qui ont appris brutalement que la porte de leur entreprise était désormais fermée ? Beaucoup racontent qu'ils se sentent invisibles, mis de côté, bafoués. Et ce n'est pas fini ! Les indicateurs montrent que la situation va s'aggraver, une multiplication des plans sociaux étant à venir ; 300 000 emplois pourraient être détruits prochainement.

Cette situation catastrophique est la conséquence directe de la politique ultralibérale menée ces dernières années, et dont vous ne vous éloignez pas ! Rappelons que le candidat Macron avait promis le plein emploi pour 2027 ! Nous en sommes hélas ! bien loin…

Pendant ce temps, les quarante plus grosses entreprises françaises se gavent et distribuent des dividendes records à leurs actionnaires, toute honte bue.

Pendant ce temps, nous persistons dans cette même logique qui consiste à verser aux entreprises des aides publiques – 200 milliards d'euros par an – sans réel contrôle de leur utilisation.

Pendant ce temps, vous poursuivez cette politique de l'offre dont l'échec est pourtant manifeste.

Madame la ministre, tout appelle à un changement de cap. Ma question est donc simple : que comptez-vous faire pour inverser cette tendance mortifère et redonner enfin de l'espoir aux Françaises et aux Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Basquin, vous avez tout à fait raison de rappeler que, derrière les statistiques, il y a d'abord des vies. Évoquer les chiffres du chômage, et en particulier la hausse du chômage des jeunes, c'est bel et bien parler de vies et de familles qui sont affectées.

Derrière cette détérioration de la situation de l'emploi, il y a d'abord une dégradation de la situation économique, qui se durcit considérablement ; vous avez dressé le tableau des défaillances d'entreprises et des procédures collectives.

La conjoncture économique, tant européenne que mondiale, est très difficile. Ces difficultés touchent en premier lieu des secteurs qui connaissent une transformation profonde de leur modèle économique : l'automobile, la grande distribution, la chimie.

Parallèlement, le contexte commercial se durcit considérablement et les coûts de l'énergie n'ont pas retrouvé leur niveau pré-covid. S'y ajoute une autre incertitude, qui a trait, plus spécifiquement, à la situation politique du pays : elle freine l'investissement et gèle les recrutements et les grandes commandes – il faut le dire.

M. Alexandre Basquin. Non ! C'est trop facile…

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Non, ce n'est pas facile ! Vous le savez, le monde économique, c'est-à-dire les entreprises, n'aime pas l'incertitude qui lui est aujourd'hui imposée. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)

Avec mes collègues Catherine Vautrin, Éric Lombard et Marc Ferracci, que faisons-nous ?

Premièrement, nous tentons d'anticiper, donc d'aller au-devant des situations avant qu'elles ne se détériorent, c'est-à-dire avant que les plans sociaux ne dégénèrent en liquidations judiciaires.

Deuxièmement, lorsqu'un plan de restructuration doit être mis en œuvre, nous travaillons avec les préfectures et avec les services déconcentrés pour nous assurer qu'il est de qualité, qu'il s'agisse de reclassement, de revitalisation ou de qualité de l'accompagnement.

Troisièmement – cette disposition a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2025 –, nous réactivons le dispositif de chômage partiel de longue durée dit « Rebond » (APLD-R), qui permet de déployer des solutions intermédiaires, via la formation et la reconversion notamment.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Voilà des actions concrètes !

Enfin, dans le budget 2025, nous maintenons les moyens dont dispose France Travail pour accompagner les salariés. (M. François Patriat applaudit.)

ingérence de l'azerbaïdjan en nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Georges Naturel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, samedi dernier, en Nouvelle-Calédonie, un émissaire officiel de Bakou est intervenu par visioconférence au congrès indépendantiste du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) pour participer à la création du Front international de décolonisation (FID) des outre-mer français et encourager les mouvements indépendantistes à s'insurger contre la France.

Je condamne avec force cette nouvelle provocation du groupe d'initiative de Bakou, officine affiliée à l'Azerbaïdjan.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Georges Naturel. Cette ingérence intolérable, orchestrée par un régime totalitaire et ultranationaliste, classé parmi les plus corrompus au monde, constitue une tentative flagrante de déstabilisation de notre République et une atteinte inacceptable à notre intégrité nationale. (M. Mickaël Vallet acquiesce.)

M. Georges Naturel. Je regrette que les indépendantistes kanak radicaux se discréditent en tombant dans le piège qui leur est tendu par des agitateurs à la solde d'une dictature hostile à la France et à ses valeurs de liberté. L'émancipation ne peut être revendiquée en s'alignant sur les initiatives d'une dictature et en cheminant à ses côtés !

Monsieur le ministre, il est impératif que la France, qui détient un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, réagisse avec la plus grande fermeté, à la hauteur de l'affront qu'elle a subi.

Quelles sanctions énergiques le Gouvernement entend-il prendre contre l'Azerbaïdjan pour répondre à cette situation inacceptable et prévenir toute future ingérence qui menacerait la paix en Nouvelle-Calédonie et dans l'ensemble de nos outre-mer ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et SER. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur les agissements coupables et intolérables du Baku Initiative Group, qui est installé en Azerbaïdjan et lié aux autorités de ce pays.

Par des manœuvres numériques aussi bien que physiques, inauthentiques et malveillantes, qui visent nos régions, nos départements, nos collectivités d'outre-mer, et en particulier la Nouvelle-Calédonie, ainsi que la Corse, ce groupe a démontré sa volonté manifeste de s'ingérer dans notre débat public et de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, en l'occurrence notre intégrité territoriale et notre sécurité publique. Nous ne nous laisserons pas faire !

C'est pourquoi, dès le 19 novembre, j'ai convoqué l'ambassadrice d'Azerbaïdjan en France, pour lui signifier notre réprobation absolue de ces agissements et pour demander aux autorités de ce pays qu'elles les fassent cesser.

C'est pourquoi aussi, au mois de décembre, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), qui détecte et attribue les ingérences numériques étrangères, a publié un rapport circonstancié démontrant l'ampleur de ces manœuvres, leur caractère inauthentique ainsi que l'échec du groupe d'initiative de Bakou à atteindre les objectifs qu'il s'était fixés.

C'est pourquoi, précisément, l'intervention à laquelle vous avez fait allusion a eu lieu par visioconférence : nous avons empêché les autorités azéries de participer au forum organisé par ce groupe en les menaçant de sanctions.

Avec le ministre d'État, ministre des outre-mer, nous nous tenons à vos côtés et à ceux des Néo-Calédoniens, en les appelant à ne pas tomber dans le piège qui leur est ainsi tendu. L'Azerbaïdjan se déshonore, se déconsidère, se sanctionne lui-même à soutenir de telles manœuvres ; nous l'appelons à les faire cesser et, quel que soit le différend qu'il entretient avec la France, à le résoudre par la diplomatie plutôt que par les ingérences. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Catherine Conconne et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour la réplique.

M. Georges Naturel. Diplomatiquement parlant, condamner c'est bien, mais agir c'est mieux, surtout si c'est toute l'Europe, solidairement, qui agit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Rémi Féraud et Akli Mellouli applaudissent également.)

situation de trois otages français détenus en iran

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Mille jours ! Cela fait maintenant mille jours que nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris sont retenus comme otages d'État par la République islamique d'Iran. Quant à notre compatriote Olivier Grondeau, il est lui aussi détenu dans ce pays, depuis huit cent quarante-trois jours. C'est un drame !

La République islamique d'Iran a souhaité prendre des otages français pour faire pression sur notre pays. Je profite de cette intervention pour saluer les comités de soutien à nos trois compatriotes.

Aujourd'hui, un appel est lancé : ces otages sont à bout. Depuis mille jours, ils sont retenus dans des cellules d'environ huit mètres carrés, éclairées en permanence, avec des codétenus placés là pour les surveiller.

La République islamique d'Iran a autorisé trois visites consulaires seulement, ce qui contrevient à la convention de Vienne sur le droit des traités. Elle permet de temps en temps aux otages d'avoir avec leurs familles des échanges téléphoniques, dont le dernier a eu lieu le 25 décembre dernier.

Compte tenu de l'état de santé, qui se dégrade très fortement, de Cécile Kohler et de son compagnon Jacques Paris, il nous faut maintenant aller beaucoup plus loin !

Je sais, monsieur le ministre, ce que vous avez fait, car nous en avons discuté. Pour notre part, au Sénat, nous avons écrit un courrier, déposé à l'ambassade de la République islamique d'Iran à Paris, afin de demander leur libération.

Il faut faire en sorte, dans un premier temps, que Cécile Kohler et Jacques Paris puissent sortir de la section 209 de la prison d'Evin, à Téhéran, où les prisonniers – en l'espèce, des otages ! – sont maintenus dans des conditions inhumaines, et, dans un second temps, que nos trois compatriotes détenus soient libérés le plus rapidement possible.

Nous vous demandons d'agir vite, et cette demande, monsieur le ministre, est un impératif. Faut-il imposer de nouvelles sanctions à la République islamique d'Iran ? Faut-il se tourner vers la Cour internationale de justice, comme la France l'a déjà fait ? En tout état de cause, il est urgent d'agir. À défaut, nos trois compatriotes sont malheureusement promis à voir s'aggraver encore leurs difficultés… (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Claude Malhuret applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'appeler l'attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur la situation des trois otages français détenus par la République islamique d'Iran.

Cécile Kohler et Jacques Paris sont détenus arbitrairement depuis bientôt mille jours, dans des conditions totalement inacceptables et intolérables.

Des aveux forcés leur ont été extorqués, sous la menace. Vous l'avez rappelé, ils sont détenus dans des cellules éclairées en permanence, et sans doute contraints de dormir à même le sol. Ils sont privés de contact avec leur famille – de rares échanges ont eu lieu, mais toujours sous le contrôle de leurs geôliers –, et, depuis plus d'un an maintenant, de la visite des autorités françaises et de nos représentants consulaires sur place. Je l'ai dit il y a quelques jours, en droit international, ces conditions de détention sont assimilables à de la torture !

Je vous remercie également d'avoir appelé notre attention sur le cas d'Olivier Grondeau, détenu en Iran depuis plus de huit cents jours. Le 13 janvier dernier, il a eu le courage de s'exprimer à visage découvert, alors même que ses conditions de détention ne sont pas tout à fait les mêmes que celles de Cécile Kohler et Jacques Paris, et alors même qu'il prenait le risque, en dénonçant ces conditions, de les voir se dégrader plus encore.

Nous avons adressé des messages très fermes aux autorités iraniennes en leur expliquant qu'en l'absence d'amélioration de la situation et de libération des otages aucun dialogue bilatéral n'était possible et aucune levée de sanctions envisageable.

J'ai reçu, le 17 octobre dernier, les familles de ces trois otages pour les assurer de notre mobilisation sans relâche pour les faire libérer. Et lundi dernier, à Bruxelles, lors du conseil Affaires étrangères, j'ai réclamé que l'Union européenne prenne des sanctions visant les responsables de ces détentions arbitraires.

Notre mobilisation collective ne devra pas s'arrêter à la libération de ces trois otages. Il faudra également les accompagner par la suite. En effet, les personnes qui ont été libérées après des périodes de détention en République islamique d'Iran peinent à se reconstruire après ces épisodes ravageurs. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)

dette de l'algérie à l'égard de l'hôpital français

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Monsieur le ministre, depuis plusieurs semaines, l'Algérie semble vouloir insulter et défier la France dès qu'elle en a l'occasion.

Tout y passe : renvoi en France de l'influenceur Doualemn, qui avait été interpellé à Montpellier puis expulsé vers l'Algérie après avoir enregistré une vidéo appelant à la violence ; adoption récente d'une loi pour obliger la France à décontaminer le Sahara des déchets nucléaires ; convocation de l'ambassadeur de France à Alger pour dénoncer de soi-disant « traitements dégradants » d'Algériens à leur arrivée à Roissy ; remise en cause de notre ministre de l'intérieur et campagne de haine à son égard ; véritable prise en otage de l'écrivain Boualem Sansal, pourtant malade – et probablement très malade –, victime collatérale d'une relation bilatérale tendue, récemment retourné en prison après sa sortie d'hôpital et dont le seul délit est de se battre pour la liberté d'expression ; prise de position inimaginable, voire impensable, du recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui a osé se prononcer contre la résolution du Parlement européen du 23 janvier condamnant la détention de Boualem Sansal et réclamant sa libération immédiate et inconditionnelle.

Cerise sur le gâteau, l'Algérie a laissé en 2023 une dette de 45 millions d'euros auprès des hôpitaux parisiens. Or le Sénat avait déjà pointé, en 2017, une dette de 27 millions d'euros, conséquence d'un accord de 2007 passé entre Bernard Kouchner et son homologue algérien, qui exempte de visa les détenteurs d'un passeport diplomatique algérien souhaitant voyager en France, et qui permet à toute la nomenklatura algérienne de venir se faire soigner dans notre pays…

Il serait grand temps de couper le cordon, de prononcer le divorce et de cesser d'accepter ces humiliations permanentes !

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à remettre en cause, comme le souhaite l'immense majorité des Français, cet accord de 2007, qui n'a rien à voir avec l'accord franco-algérien de 1968, dont, par ailleurs, les dispositions devront bien un jour être également dénoncées ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, chère Jacqueline, pour ce qui est de nos relations globales avec l'Algérie, le ministre de l'intérieur et le garde des sceaux pourront vous répondre, si cela n'est déjà fait.

M. Mickaël Vallet. Et pourquoi pas le Quai d'Orsay ?

M. Yannick Neuder, ministre. Je vous répondrai plus spécifiquement, quant à moi, sur les soins dispensés par le système de santé français à des ressortissants étrangers ne résidant pas dans notre pays, lesquels, par définition, ne sont pas des assurés sociaux relevant de notre sécurité sociale.

En vertu d'accords internationaux, des patients étrangers, qui sont à plus de 99 % des ressortissants de l'Union européenne et de la Suisse, peuvent se faire soigner en France, ce qui représente un coût d'à peu près 800 millions d'euros par an. Dans 50 % des cas environ, ces soins sont dispensés par les hôpitaux publics et les sommes dues sont globalement recouvrées.

Pour ce qui concerne plus particulièrement le cas de l'Algérie, voici ce qu'il en est de notre système public de santé, les sommes en jeu étant parfaitement lisibles : sur 150 millions d'euros correspondant au coût des soins dispensés entre 2007 et 2023 au bénéfice de ressortissants algériens, le recouvrement est assez satisfaisant ; à l'heure où je vous parle, il reste 2,58 millions d'euros à recouvrer.

J'en viens au dossier précis que vous avez évoqué, et qui est géré par la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam).

Les ressortissants algériens ne résidant pas en France, et n'étant donc pas assurés sociaux, qui viennent se faire soigner dans notre pays sont pris en charge, dans 75 % des cas, par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), ce qui représente un volume financier d'environ 159 millions d'euros par an, sur lequel nous pouvons agir. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)

Avec Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, nous allons rétablir, dans le respect des accords signés entre la France et l'Algérie, une politique de tolérance zéro à l'encontre de ce qui est une forme de fraude, en modernisant et en sécurisant le système d'information hospitalier ainsi que le dispositif de la carte Vitale. Des crédits à hauteur de 1 milliard d'euros sont dédiés à ce chantier.

M. le président. Il faut conclure ! La consultation est longue… (Sourires.)

M. Yannick Neuder, ministre. Surtout, avant d'accepter que soient dispensés de tels soins, qui sont dans leur grande majorité programmés, nous souhaitons instaurer une obligation d'entente préalable et de fourniture d'un devis et d'une preuve de financement. (M. Mathieu Darnaud et Mme Frédérique Puissat applaudissent.)

souveraineté technologique européenne

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Combien de temps encore allons-nous tolérer que les géants du numérique américains ou chinois défient ouvertement nos lois, mettent en danger nos enfants, manipulent les opinions et s'ingèrent dans nos processus électoraux pour saper nos démocraties ?

L'activisme politique dangereux du propriétaire de X et le chantage inadmissible exercé par le président des États-Unis sur la Commission européenne pour qu'elle abandonne enquêtes et sanctions vis-à-vis des plateformes appellent à des actions fermes et immédiates.

Merci au Premier ministre espagnol Pedro Sánchez qui, à Davos, a appelé à « se rebeller » et à proposer des alternatives !

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle position et quelle stratégie la France entend défendre au sein du Conseil européen pour convaincre nos vingt-six partenaires qu'à ce stade c'est vraiment de la survie économique et politique de l'Union qu'il est question ?

Exigerez-vous la stricte application, voire le renforcement, des règlements numériques européens – DMA (Digital Markets Act), DSA (Digital Services Act), règlement sur l'intelligence artificielle ?

En matière industrielle, quelles mesures concrètes proposerez-vous pour briser enfin le cycle de nos dépendances technologiques dangereuses, à propos desquelles, ici, nous n'avons cessé d'alerter depuis des années, et dont MM. Mario Draghi et Enrico Letta font le dramatique constat ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, SER et GEST. – MM. Ian Brossat et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Laurence Rossignol. Vous êtes plus applaudie à gauche qu'à droite, comme c'est bizarre !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, chacun connaît ici votre expertise sur ces sujets, ainsi que votre engagement, qui a favorisé, entre autres, les réalisations obtenues par la France lorsqu'elle a exercé, en 2022, la présidence du Conseil de l'Union européenne, c'est-à-dire l'adoption des règlements que vous avez évoqués.

Plus que jamais, il est essentiel que la Commission européenne puisse faire respecter ces règles. Il y a quelques semaines, en Roumanie, l'élection présidentielle a dû être annulée parce qu'elle avait été perturbée par des manœuvres de désinformation visant à instrumentaliser une plateforme de réseaux sociaux, en l'occurrence TikTok.

Ces règles sont connues et elles sont simples : en Europe, les plateformes de réseaux sociaux doivent veiller à ce que leurs services ne perturbent ni la sécurité publique, ni la santé publique, ni le débat public, sous peine d'amendes dont le montant peut représenter jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial annuel et de sanctions qui peuvent aller jusqu'à une restriction de l'accès aux services en Europe.

Ces sanctions sont entre les mains de la Commission européenne. Celle-ci a diligenté, depuis l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles, un certain nombre d'enquêtes qu'elle doit désormais clore afin de pouvoir prononcer des sanctions, gage de la crédibilité desdites règles. Aussi avons-nous appelé la Commission à agir en ce sens.

Lundi dernier, j'ai insisté sur ce point auprès de la vice-présidente exécutive chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie, Mme Henna Virkkunen.

Mardi, de concert avec ses homologues, mon collègue Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe, lui a remis une lettre appelant la Commission à agir prestement.

Par ailleurs, des parlementaires – la députée européenne Aurore Lalucq et la sénatrice Marie-Claire Carrère-Gée – ont déposé une plainte devant l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), que celle-ci a transmise à la Commission.

Bref, la Commission n'a plus d'excuse : il lui faut agir. À défaut, nous serons bien obligés de lui demander de permettre aux États membres d'agir à sa place.

Pour ce qui est de l'avenir, nous devons nous détacher de nos dépendances et devenir, dans les prochaines années, propriétaires de nos propres outils. En effet, celui qui forge les outils a toujours plus d'impact que celui qui les régule. C'est tout l'enjeu du Sommet mondial pour l'action sur l'intelligence artificielle qui se tiendra dans quelques jours à Paris, et qui sera l'occasion d'affirmer notre volonté de faire de la France et de l'Europe une puissance numérique souveraine, indépendante des milliardaires américains ou chinois. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, c'est un véritable sursaut industriel dont il est question. La France et l'Union européenne peuvent et doivent être replacées au cœur de la compétition mondiale de l'innovation technologique, et ne pas se laisser écraser dans la guerre homérique que se livrent Américains et Chinois à coups de chiffres.

Le programme-cadre Horizon 2030 est défaillant ; il doit être rapidement révisé. Il lui manque un financement européen stratégique associant recherche et développement dans une logique open source, ainsi qu'une doctrine assumée de la commande publique visant à renforcer notre souveraineté.

Il faut aussi rappeler à Mme von der Leyen que nos données sont un actif stratégique majeur et qu'elles ne sont pas négociables, même en échange de gaz.

Nous souhaitons qu'un discours extrêmement volontariste soit prononcé à l'ouverture du Sommet mondial pour l'action sur l'intelligence artificielle. Rien ne serait pire, d'ailleurs, que d'y dérouler une énième fois le tapis rouge à Elon Musk, Mark Zuckerberg et leurs acolytes (M. Mickaël Vallet et Mme Raymonde Poncet Monge applaudissent.), lesquels sont uniquement préoccupés par leurs entreprises et par le remodelage de l'Europe et du monde à leur propre image ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, SER et GEST. – MM. Ian Brossat, Pierre Ouzoulias et Alain Joyandet applaudissent également.)

Mme Laurence Rossignol. À droite, ils n'ont pas l'air trop gênés par les Gafam…

situation en république démocratique du congo

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christophe-André Frassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, depuis plus de trente ans, le conflit qui ensanglante la région du Kivu et plus largement l'est de la République démocratique du Congo (RDC) ne cesse de préoccuper la communauté internationale, sans pour autant que celle-ci prenne une position claire, sans ambiguïté.

À chaque action des milices, à chaque drame, une condamnation, un soutien, rien de plus !

Je ne sais pas s'il faut le développer

Avec la prise de Goma par le Mouvement du 23 mars (M23), nous atteignons un point de bascule ; là encore, simple soutien à la RDC, simple condamnation du M23 et du Rwanda.

Hier, à Kinshasa, notre ambassade et plusieurs autres ont été les cibles d'attaques inadmissibles. Ces actes condamnables en disent long sur la perception par l'opinion locale de l'inaction de la communauté internationale face aux crimes de guerre commis en République démocratique du Congo.

Dès lors, monsieur le ministre, n'est-il pas temps d'aller au cœur et au fond du problème, c'est-à-dire de prendre enfin des sanctions ciblées non seulement contre le M23, mais surtout contre les deux pays qui le soutiennent et l'arment depuis bien trop longtemps, à savoir l'Ouganda et le Rwanda ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, SER et GEST – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Peut-être peu utile…

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je veux comme vous rendre hommage aux agents et aux diplomates de notre ambassade à Kinshasa, prise d'assaut hier, et dont l'un des bâtiments a été incendié. Bien souvent, ces personnels sont en première ligne pour défendre nos intérêts, et ce dans des situations extrêmement difficiles. Leur engagement, leur dévouement et leur courage forcent notre admiration comme notre respect. (M. Mickaël Vallet hoche la tête en signe d'approbation.)

J'en viens aux événements survenus dans l'est de la République démocratique du Congo : la France condamne fermement l'offensive menée par le M23 et soutenue par les forces armées rwandaises, qui porte atteinte à l'intégrité territoriale et à la souveraineté congolaises.

Cette offensive aggrave une crise humanitaire qui est d'ores et déjà la deuxième plus grave à l'échelle de la planète : elle a fait plus de 400 000 déplacés depuis le début de l'année, après 2 millions l'année dernière.

Elle met à rude épreuve les forces onusiennes de la Monusco (mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo), qui, sur place, protègent les populations civiles. Trois casques bleus ont d'ores et déjà payé de leur vie cet engagement.

Dans ce contexte, la France se mobilise. Ces derniers jours, le Président de la République s'est entretenu avec les deux chefs d'État concernés, ainsi qu'avec certains de leurs homologues de la région, afin de créer les conditions du rétablissement du dialogue.

Lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, nous avons soutenu la République démocratique du Congo dans sa demande d'organisation de deux réunions d'urgence. Nous avons promu une déclaration dans laquelle les agissements du M23, qui sont soutenus par les forces armées rwandaises, sont ouvertement condamnés, sans aucune forme d'ambiguïté.

M. Yannick Jadot. Nous donnons de l'argent au Rwanda !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Avant-hier, à Bruxelles, c'est sur notre impulsion que la haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a à son tour condamné cette offensive et appelé à un cessez-le-feu immédiat. (M. Rachid Temal s'exclame. – M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)

Vous le savez, jusqu'à présent, c'est le processus de Luanda qui a organisé la relation entre la RDC et le Rwanda, et c'est le processus de Nairobi qui a organisé la relation entre la RDC et les groupes rebelles, dont le M23. Ces médiations auraient dû porter des fruits, et il faut continuer de les soutenir. En tout état de cause, c'est par le dialogue et par la diplomatie qu'une solution sera trouvée à l'escalade à l'est de la RDC.

À plus long terme, c'est en s'attaquant aux causes profondes du conflit, qui sont de nature économique – l'appropriation des ressources minières est en cause –, que la région pourra retrouver la paix, la stabilité et la prospérité. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour la réplique.

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le ministre, on condamne, on condamne, mais il manque l'essentiel. Je vous le rappelle, l'Union européenne finance l'armée rwandaise, dans le cadre de son déploiement au Mozambique, à hauteur de 20 millions d'euros, sans aucune garantie ni aucun contrôle que cette enveloppe ne serve pas d'autres fins. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SER et GEST. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Le Cra indique que Jadot a dit ça mais j'ai vu temal le dire à deux reprises…

MM. Yannick Jadot et Rachid Temal.Voilà !

M. Christophe-André Frassa. Le Rwanda est un exportateur de coltan, alors qu'il n'y en a pas un gramme sur son sol. Or 60 % à 80 % des réserves mondiales de ce minerai se trouvent, comme par hasard, à l'est de la RDC. Il y a quand même de quoi s'étonner qu'aucune sanction ne soit prise non plus en ce domaine. (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)

M. Rachid Temal. Voilà !

M. Christophe-André Frassa. L'occasion m'est donnée de relayer l'appel solennel des quatre-vingt-quinze parlements francophones représentés à l'Assemblée parlementaire de la francophonie : ce serait l'honneur de la France que d'être à la tête de demandes de sanctions contre l'Ouganda et contre le Rwanda ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et GEST et sur des travées des groupes UC, INDEP, RDSE et CRCE-K.)

fermetures de classes

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Je mets l'imparfait parce qu'elle n'était pas là mais elle prononce au présent.

Mme Colombe Brossel. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale.

La mobilisation des socialistes, et notamment des sénateurs socialistes, à l'appui de l'intersyndicale, a permis, pendant le débat budgétaire, d'annuler la suppression de 4 000 postes d'enseignants dans l'éducation nationale, dont plus de 3 000 dans le seul premier degré.

L'annonce du Premier ministre sur ce sujet, le 15 janvier dernier, a entraîné un immense soulagement dans les communautés éducatives. Les déclarations de la ministre de l'éducation nationale à l'appui de cette décision ont permis d'espérer qu'enfin la baisse démographique serait envisagée comme une occasion de faire baisser le nombre d'élèves par classe, nos classes étant toujours parmi les plus chargées d'Europe.

Pourtant, passé cet immense soulagement, c'est l'incompréhension qui domine, compte tenu des annonces des rectorats dans les territoires.

En effet, dans les villes comme dans les zones rurales, malgré l'annulation de cette suppression de 4 000 postes, on annonce aux communautés éducatives, dans le plus grand chaos, que des classes vont être supprimées dans les écoles et dans les collèges : ici, des suppressions dans des écoles aux effectifs stables, voire en hausse ; là, des suppressions contestées par l'ensemble des communautés éducatives, car à contretemps d'évolutions démographiques reconnues par tous.

On est bien loin des engagements présidentiels de ne pas fermer de classe sans l'avis du maire. On est loin également des engagements des nombreux ministres de l'éducation nationale de construire des cartes scolaires pluriannuelles pour mettre fin à la gestion au jour le jour.

Ces décisions prises dans l'opacité, à contre-courant des engagements du Premier ministre, entretiennent la confusion et alimentent le désarroi des enseignants, des parents et des élus.

À Paris comme dans le Lot, le Gers, la Somme, la Nièvre, le Nord, la Gironde, la Moselle – la liste est longue –, c'est l'incompréhension qui prévaut.

Je laisse le prononcé, mais c'est le ministre qui répond…

Madame la ministre, ne laissez pas le désordre s'installer quand l'école a besoin, au contraire, d'un cap et de stabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre d'État, qui est retenue par une réunion du Conseil supérieur de l'éducation.

Je vous remercie de votre question, qui permet de clarifier quelques enjeux absolument essentiels.

M. Philippe Baptiste, ministre. Vous le savez, les moyens pour la rentrée 2025 ont été fortement revus à la hausse par rapport au projet de loi de finances déposé en octobre 2024. Il s'agit justement de répondre aux enjeux éducatifs, alors même que l'année scolaire 2025-2026 sera marquée par une nouvelle baisse significative des effectifs d'élèves : le système éducatif accueillera 92 700 élèves de moins, dont 80 000 élèves dans le premier degré.

Ainsi avons-nous proposé de maintenir les moyens de la rentrée dernière et de revenir intégralement sur les réductions de postes initialement prévues. Tel est notre objectif, et nous espérons que les conclusions de la commission mixte paritaire iront bien en ce sens.

Comme vous, nous pensons que la baisse démographique doit être un levier pour améliorer l'école et pour réduire les inégalités, tant entre élèves qu'entre territoires ; ce sera le cas.

Concrètement, à la rentrée 2025, les conditions d'apprentissage seront améliorées. Le nombre moyen d'élèves par classe, c'est-à-dire le taux d'encadrement, atteindra un niveau historiquement bas, inégalé depuis que cet indicateur est mesuré : il y aura en moyenne 21,1 élèves par classe, contre 23,2 en 2017.

M. Michel Savin. Il y a juste moins d'élèves !

M. Philippe Baptiste, ministre. Cette stabilisation des emplois nous permettra de consolider les brigades de remplacement.

Pour ce qui est de la situation particulière de Paris, la rentrée sera marquée par une baisse des effectifs scolaires de près de 3 000 élèves dans le premier degré. Le taux d'encadrement est à Paris l'un des plus bas de France ; il passera sous la barre des 20 élèves par classe à la rentrée 2025. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.

Mme Colombe Brossel. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, mais il semble que vous n'avez compris ni ma question ni mon interpellation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Stéphane Sautarel applaudit également.)

compétence eau et assainissement

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Joyandet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Monsieur le ministre, le 17 octobre dernier, dans sa grande sagesse, le Sénat a voté à une très large majorité pour que la gestion des compétences eau et assainissement ne soit plus obligatoirement transférée aux intercommunalités le 1er janvier 2026.

Ce vote a été acquis avec l'avis favorable du gouvernement de Michel Barnier.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Alain Joyandet. Ma question est très simple : le gouvernement de François Bayrou est-il du même avis, sur la même ligne ? Si oui, monsieur le ministre, quel est votre calendrier ? Il y a vraiment urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. Michel Savin. Une réponse claire, s'il vous plaît !

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Alain Joyandet, je vois que la question vous taraude ! (« Eh oui ! » sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vous répondrai donc très précisément.

M. Mathieu Darnaud. Quel calendrier ?

M. François Rebsamen, ministre. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure au sénateur Jean-Yves Roux, je suis favorable à la différenciation territoriale, donc à la fin de l'obligation de transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les EPCI. C'est clair ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. François Rebsamen, ministre. Pour autant, je le redis, je suis défavorable à tout retour en arrière qui viendrait percuter les transferts déjà réalisés. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman proteste également.)

J'ajoute qu'en tant qu'élu local et connaisseur de ces sujets je suis persuadé des bénéfices de la mutualisation de cette compétence, quand bien même elle ne s'opérerait pas au niveau de l'EPCI. Cette compétence – vous le savez très bien, mesdames, messieurs les sénateurs – peut être en effet exercée à l'échelon infracommunautaire du syndicat de communes, voire du syndicat mixte.

M. Olivier Paccaud. Chaque cas est particulier.

M. François Rebsamen, ministre. Je vois d'ailleurs dans cette possibilité de mutualiser un gage de la préservation de la ressource en eau et de la capacité à faire des investissements importants dans les années à venir, ainsi qu'une garantie de la cohésion territoriale. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette ambition ne saurait subir aucun recul ; et je suis sûr que vous partagez cette position.

Enfin, en ce qui concerne le véhicule législatif, il nous faut trouver ensemble la meilleure méthode.

M. Mathieu Darnaud. Elle est toute trouvée !

Peut-être qu'elle a dit « il n'y a pas photo ! »…

Mme Cécile Cukierman. « Y a qu'à, faut qu'on » !

M. François Rebsamen, ministre. La proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » a été transmise à l'Assemblée nationale, où elle sera examinée. L'objectif est clair : l'adoption d'une réponse législative dès que possible. (M. Bernard Buis applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Il y a urgence !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour la réplique.

M. Alain Joyandet. J'accueille favorablement la réponse claire du ministre François Rebsamen.

Le texte que le Sénat a adopté contient la restriction que vous indiquez. Vous n'y trouverez nul retour en arrière ; il ne s'applique qu'aux communes qui n'ont pas encore transféré ces compétences à l'échelon intercommunal.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous n'avons pas beaucoup d'argent pour nos collectivités locales. Au moins, donnons-leur la liberté ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. André Guiol et Vincent Louault applaudissent également.)

M. Hussein Bourgi. Eh oui !

M. Alain Joyandet. Faisons confiance à nos élus locaux, qui, eux, gèrent leurs collectivités locales en bons pères de famille ! (Mêmes mouvements.)

Cela fera faire beaucoup d'économies, et cela ne coûtera rien à l'État ! Faisons confiance à nos élus : ils font souvent beaucoup avec très peu.

Songez, monsieur le ministre, que j'ai déposé une première proposition de loi sur ce sujet, avec plusieurs de mes collègues, en 2017 ! Si nous arrivons, dans les semaines à venir, à cette solution qu'attendent des milliers de communes, nous mettrons un terme à huit ans de galère !

Mme Cécile Cukierman. Cela fait dix ans que nous avons voté la loi NOTRe !

M. Alain Joyandet. Je ne reviens pas sur l'intérêt que présente l'intercommunalité, mais, par pitié, laissons la liberté aux communes ! Il n'y a pas deux territoires qui se ressemblent. Simplifions, simplifions ! Et arrêtons avec les décisions qui, venant de Paris, sont les mêmes pour tous les territoires, alors que ceux-ci sont tous différents ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE et sur des travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.)

situation de l'hôpital et des agences régionales de santé face à la baisse des crédits de certaines spécialités

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

Mme Laurence Muller-Bronn. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Monsieur le ministre, j'ai été alertée par les équipes médicales des centres hospitaliers universitaires (CHU) de Strasbourg et de Colmar, dans le Bas-Rhin, ainsi que par l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est, sur la suppression des financements spéciaux destinés aux centres de recensement et de prise en charge des covid longs.

Pourtant, la Haute Autorité de santé (HAS) a confirmé que plus de 2 millions de personnes, tout particulièrement de jeunes actifs, sont touchées par cette pathologie en France.

Le covid long est devenu une maladie chronique fréquente, marquée par des symptômes lourds tels que, parmi tant d'autres, de graves dysfonctionnements cognitifs, des troubles cardiovasculaires, de l'épuisement, des dysfonctionnements musculaires, des anomalies immunologiques, des inflammations diffuses.

La loi du 24 janvier 2022 prévoyait la création d'une plateforme dédiée au recensement et à la prise en charge des malades chroniques de la covid-19. Près de deux ans plus tard, les décrets d'application de cette loi n'ont toujours pas été publiés et la plateforme n'a pas encore vu le jour.

M. Laurent Somon. Absolument !

Mme Laurence Muller-Bronn. En janvier 2025, on nous annonce que les centres « covid long » n'ont plus de financement. Dans le Grand Est, quatre centres risquent d'être supprimés, les patients étant condamnés à l'errance médicale.

Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire à propos de ces financements ? (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Nadia Sollogoub applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Muller-Bronn, c'est pas à pas que nous avançons au sujet de l'affection qu'est le covid long, dont le mécanisme physiopathologique n'est pas encore totalement décrit ni confirmé.

Nous avons progressivement avancé, disais-je : une première étude publiée dans The Lancet en 2021, des critères édictés par la Haute Autorité de santé (HAS), une définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Face au syndrome du covid long, encore mal étiqueté et mal connu, des fonds d'amorçage ont été attribués à toutes les agences régionales de santé pour permettre le déploiement de filières spécifiques de prise en charge des patients concernés.

Vous l'avez dit, les symptômes sont nombreux – plus de 200 ont été recensés – et parfois lourds. Au fur et à mesure que les choses se précisent, les patients ont été intégrés dans des circuits de prise en charge, de consultation, de soutien psychologique, d'hospitalisation et d'accueil dans des centres de soins médicaux et de réadaptation, qui les font basculer, à terme, dans des dispositifs de financement de droit commun.

Pour cette raison, le Gouvernement a préféré augmenter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), afin qu'aucune économie ne soit faite sur les soins et que ces patients, comme les autres, puissent être pris en charge.

Pour ce qui est des décrets manquants, il se trouve simplement qu'une autre voie a été tracée, celle de l'efficacité. Sur le site santé.fr, chaque médecin traitant peut trouver le centre de référence de proximité, au niveau départemental ou au niveau régional, où adresser les patients. Il a donc été institué une prise en charge coordonnée plutôt qu'un fonds dédié.

En ce qui concerne l'ARS Grand Est, elle a bénéficié de 1 million d'euros de fonds d'amorçage. La ministre Catherine Vautrin et moi-même avons de nouveau rencontré sa directrice générale la semaine dernière ; nous n'avons été saisis d'aucune situation spécifique.

Aucun patient ne sera laissé pour compte ; chacun bénéficiera d'une prise en charge, à l'hôpital ou en ville, appropriée à sa pathologie. (Mmes Martine Berthet et Agnès Evren et M. Mathieu Darnaud applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour la réplique.

Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le ministre, je suis désolée, mais les retours du terrain ne sont pas ceux que vous indiquez. J'ai moi-même échangé hier encore avec l'ARS Grand Est. En 2022, quelque 700 000 euros avaient été accordés aux quatre centres de recensement et de prise en charge que j'ai évoqués. En 2024, l'enveloppe n'était plus que de 278 000 euros, et les centres ont dû financer le second semestre sur leurs fonds propres.

Ce sont les médecins qui m'ont alertée quant à la disparition des financements dédiés au fonctionnement de ces plateformes de soins. Plus de 450 malades sont traités pour cette affection dans les CHU de Colmar et de Strasbourg ; ils ne peuvent plus être pris en charge. Et je ne parle pas de Nancy, de Reims ou de Metz…

Monsieur le ministre, je vous invite à venir rencontrer les médecins du Bas-Rhin et à échanger avec eux. Il y a urgence ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Sonia de La Provôté et Christine Herzog applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 5 février, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt,

(À suivre)