Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Monsieur Salmon, on ne vous a pas attendu !
M. Daniel Salmon. Tant mieux !
M. Vincent Louault. Je fais venir 1 000 tonnes de fiente de volailles. Elles n’arrivent pas jusque dans l’est de la France, parce qu’elles s’arrêtent en Touraine, pour nos terres céréalières ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
S’il y a une spécialisation en Bretagne, c’est aussi qu’il faut prévoir des abattoirs à proximité des lieux d’élevage. Les agriculteurs ne sont pas bêtes : ils réfléchissent !
Mme la présidente. L’amendement n° 415 rectifié ter, présenté par Mme Bélim, MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Après le mot :
notamment
insérer les mots :
des départements et régions d’outre-mer,
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. On le sait, nos climats, nos topographies et nos sols sont singuliers, que l’on soit dans l’hémisphère nord, près de l’équateur ou dans l’hémisphère sud.
Ces particularités ont finalement façonné les modèles agricoles de chacun : tantôt des terres de grandes cultures dans l’Hexagone, tantôt un modèle familial sur nos territoires ultramarins.
D’ailleurs, dans nos outre-mer, nous observons uniquement des exploitations de petite dimension, avec une surface moyenne de 5 hectares, contre 69 hectares pour la moyenne des exploitations hexagonales.
Ces exploitations sont, chez nous, évidemment structurées autour d’un équilibre parfois fragile entre les filières de diversification et les filières historiques d’exportation, à savoir la canne à sucre.
Il nous faut aujourd’hui admettre la singularité des réalités locales, notamment dans les politiques publiques. Ne pas prendre en compte les évidentes particularités géographiques et climatiques des territoires ultramarins, c’est empêcher le développement de modèles économiques agricoles. Alors même qu’il s’agit ici d’un programme non pas hexagonal, mais bien national, il est indispensable de mentionner spécifiquement dans le texte, à l’alinéa 33, aux côtés des zones de montagne et des zones dites « intermédiaires », nos départements et régions d’outre-mer.
Je vous invite donc, au travers de cet amendement, à consacrer les singularités et la diversité de l’ensemble de notre beau territoire national.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par les dispositions en vigueur du code rural et de la pêche maritime. Au V de l’article L. 1, entièrement consacré aux territoires ultramarins, il est bien précisé : « La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tient compte des spécificités des outre-mer ainsi que de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ces territoires. »
L’article L. 3 du même code est également consacré aux spécificités du développement agricole ultramarin. Cet article donne comme finalité aux politiques publiques « d’assurer, à l’échelle des territoires, la définition et la cohérence des politiques de développement agricole, en concertation avec les chambres consulaires, les organismes professionnels, les collectivités territoriales et l’État ».
En conclusion, ma chère collègue, votre amendement est pleinement satisfait ; je vous invite donc à le retirer, faute de quoi l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. C’est aussi une demande de retrait, pour les raisons exposées par M. le rapporteur.
Mme la présidente. Madame Bélim, l’amendement n° 415 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Audrey Bélim. Une piqûre de rappel est toujours nécessaire lorsqu’il s’agit de nos outre-mer : je le maintiens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 415 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 667 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bleunven et Canévet, Mme Havet, MM. Longeot, Lafon, Courtial et J.M. Arnaud, Mmes Perrot et Romagny, M. Levi et Mme Gacquerre, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Après le mot :
montagne
insérer les mots :
et des communes insulaires métropolitaines
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Les rapporteurs ont proposé en commission une nouvelle rédaction pour cet article 1er. Ils ont notamment inscrit dans le texte que les politiques agricoles doivent intégrer les spécificités de chaque région, l’objectif étant de permettre un développement équilibré et durable des territoires.
Dans cette perspective, les zones dites « intermédiaires » et les zones de montagne sont directement nommées à l’alinéa 33 et leurs particularités sont mises en avant. Mais qu’en est-il de nos îles métropolitaines ? L’article 3 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, dispose que la spécificité des communes insulaires métropolitaines doit être prise en compte dans la mise en œuvre des politiques publiques locales et nationales.
Au regard de cette disposition, nous proposons, par cet amendement, d’inscrire la spécificité des îles métropolitaines au sein de ce projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez également déposé un amendement visant à rétablir l’article 1er bis A, à l’objet similaire, article que nous avions supprimé en commission. Nous avons décidé d’émettre un avis favorable sur ce second amendement.
Je vous invite donc à retirer cet amendement-ci au profit de votre autre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. C’est également une demande de retrait, puisque j’apprends avec bonheur qu’un de nos amendements – le Gouvernement a en effet déposé un amendement identique à celui de Mme Billon pour rétablir l’article 1er bis A – recevra généreusement un avis favorable de la commission, ce dont je me réjouis. C’est un plaisir rare, qu’il faut savoir apprécier… (Sourires.)
Mme Annick Billon. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 667 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 312 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Remplacer les mots :
des productions
par les mots :
des labels de production agricole et de toutes productions
La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à préciser la rédaction de l’alinéa 33, qui dispose dans sa version actuelle que les politiques agricoles doivent prendre en considération les spécificités de nos territoires et de nos productions ; nous proposons que soit spécifiquement encouragé le développement des labels agricoles, qui sont l’une des clés de la recherche de la souveraineté alimentaire.
Ces labels participent à la diversification et à la valorisation de nos productions et de nos territoires. À ce titre, ils sont indispensables à une production agricole harmonieuse et de qualité.
Une telle disposition était présente dans la rédaction retenue par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, mais elle a été supprimée par les députés en séance publique. La rédaction retenue par la commission des affaires économiques du Sénat n’y fait pas non plus expressément référence, évoquant plutôt toutes les productions sous signes de qualité et d’origine.
Nous proposons donc de remédier à cet oubli regrettable et de reconnaître spécifiquement les labels de production agricole au sein de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est une demande de retrait. En effet, cette question sera abordée à l’article 1er quater, qui est en partie consacré à ces sujets.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. L’alinéa 33 prévoit déjà « le développement des productions sous signes d’identification de la qualité et de l’origine ». C’est donc également une demande de retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Stanzione, l’amendement n° 312 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Lucien Stanzione. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 312 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 878, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Après le mot :
sous
insérer le mot :
des
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 568, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Remplacer les mots :
De veiller à une juste rémunération des exploitants, salariés et non-salariés agricoles et de l’agroalimentaire ainsi que leurs conditions de travail, leur protection sociale et leur qualité de vie,
par les mots :
De veiller à assurer l’attractivité du métier d’agriculteur, via l’amélioration du revenu, de la protection sociale, des conditions de travail, et via la lutte contre le mal-être au travail et l’exposition aux risques professionnels,
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à renforcer la définition de la souveraineté alimentaire en insistant sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail, les revenus et la protection sociale des agriculteurs, ainsi qu’en luttant contre le mal-être au travail dans le monde agricole. Il sera difficile d’atteindre la souveraineté alimentaire si les agriculteurs ne sont pas en bonne santé !
La souveraineté alimentaire suppose en effet un renouvellement des générations et une attractivité des métiers agricoles, comme le précise déjà le présent alinéa, mais la rédaction du texte de la commission reste insuffisante.
Il convient en effet d’afficher plus clairement que les politiques publiques en matière de souveraineté alimentaire doivent contribuer à améliorer la rémunération des agriculteurs, les mobilisations de ces derniers mois ayant montré de façon criante les difficultés en la matière.
Il convient également d’améliorer la protection sociale, dans un contexte où les retraites agricoles sont extrêmement faibles, en particulier pour les femmes, et où les agriculteurs rencontrent des difficultés à accéder au remplacement en cas d’arrêt maladie ou de congé de maternité ou de paternité. Il convient notamment d’agir, à ce titre, sur la prise en charge des maladies professionnelles.
Par ailleurs, il faut améliorer les conditions de travail des agriculteurs, notamment face aux risques d’épuisement professionnel et d’isolement. En particulier, il convient de lutter contre les risques professionnels, alors que les agriculteurs sont exposés à la fois à une pénibilité physique de leur travail, à une charge mentale élevée et aux produits phytosanitaires.
Enfin, il convient de mettre fin au mal-être au travail. Chez les exploitants agricoles, le risque de mortalité par suicide restait en 2020 supérieur de 77,3 % à celui des assurés tous régimes confondus. Un rapport sur ce sujet avait été remis au Sénat en 2021 par Henri Cabanel et Françoise Férat.
Tous ces éléments doivent donc nous amener à apporter une attention particulière à la santé des agriculteurs.
Mme la présidente. L’amendement n° 313 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Après les mots :
à une juste
insérer les mots :
et digne
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à affiner la rédaction de l’alinéa 34 de l’article 1er, qui dispose que les politiques publiques ont pour finalité de veiller à une juste rémunération des exploitants : nous proposons d’inscrire dans la loi que l’objectif est également de leur assurer une rémunération digne.
Cette précision sémantique est certes davantage symbolique que juridique, mais elle enverrait un message fort en réponse à une demande de reconnaissance compréhensible et totalement légitime de la part du monde agricole : les exploitants souhaitent pouvoir vivre dignement de leur métier.
Une nouvelle fois, nous regrettons que ce texte n’aborde pas la question du revenu agricole et des relations commerciales. Nous avons appris il y a quelques jours qu’un groupe de travail a été constitué à l’Assemblée nationale en vue d’un nouveau texte législatif, une sorte d’Égalim 5.
Madame la ministre, loin de nous l’idée d’affirmer que ces questions sont faciles à régler, mais comprenez la lassitude des parlementaires ! Nous alertons le Gouvernement depuis des années sur le manque d’efficacité des lois Égalim, qui ne vont pas assez loin dans la coercition pour imposer à certains acteurs économiques de changer leurs pratiques, destructrices pour les agriculteurs.
Mme la présidente. L’amendement n° 879, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Remplacer les mots :
agricoles et de l’agroalimentaire
par les mots :
des secteurs agricole et agroalimentaire
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 568 et 313 rectifié ter ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?
Mme Annie Genevard, ministre. Il est également défavorable sur les amendements nos 568 et 313 rectifié ter. L’avis est en revanche favorable sur l’amendement n° 879 de la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 313 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 708 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 34
Après le mot :
vie,
insérer les mots :
de préserver un modèle d’exploitation agricole familial ainsi que la possibilité pour les agriculteurs de choisir leurs systèmes de production dans un cadre clair et loyal et dans le respect de la liberté d’entreprendre,
II. – Alinéa 36
Compléter cet alinéa par les mots :
et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, en assurant le développement de la prévention sanitaire des actifs agricoles, de veiller à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Le présent amendement vise à inscrire dans le texte des objectifs de prévention des risques en matière de santé des agriculteurs.
Nous savons tous que les agriculteurs sont particulièrement exposés aux risques sanitaires. Une documentation scientifique assez abondante, produite notamment par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), semble indiquer que les risques de maladie sont patents. Il serait utile que nos politiques publiques s’attachent à les prendre en considération.
Mme la présidente. L’amendement n° 808, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Après les mots :
leur qualité de vie,
insérer les mots :
de préserver un modèle d’exploitation agricole familiale,
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement propose de réintroduire à l’alinéa 34 une formulation pertinente adoptée par l’Assemblée nationale, aux termes de laquelle les politiques publiques doivent s’attacher à préserver un modèle d’exploitation agricole familiale.
Mme la présidente. L’amendement n° 810, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Compléter cet alinéa par les mots :
et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, en assurant le développement de la prévention sanitaire des actifs agricoles, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses en prenant en compte l’approche « une seule santé »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Nous proposons par cet amendement de compléter l’alinéa 36 de manière à y intégrer une rédaction, plus proche de celle qu’avait adoptée l’Assemblée nationale, qui intègre la notion de santé globale et l’approche « une seule santé ».
À un moment où nous enregistrons des exemples de franchissement de barrière des espèces entre l’animal et l’humain – cela a été le cas récemment en Grande-Bretagne pour ce qui est de l’influenza aviaire –, il nous semble important de réaffirmer la nécessité d’une approche globale et systémique de la santé, d’ailleurs à l’œuvre à l’échelle de l’Union européenne. Lorsque les animaux sont malades, les éleveurs et tous ceux qui approchent les animaux peuvent l’être aussi. Il nous paraît donc important de prendre cette précaution.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 881, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 810, dernier alinéa
Supprimer les mots :
en prenant en compte l’approche « une seule santé »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guillaume Gontard. C’est mieux !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 881 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse de notre assemblée sur l’amendement n° 808 du Gouvernement visant à préserver le modèle agricole familial.
Ayant retiré le sous-amendement n° 881, j’émets un avis de sagesse, voire favorable, sur l’amendement n° 810 du Gouvernement.
Quant à l’amendement n° 708 rectifié, la commission lui est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 708 rectifié ?
Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il lui sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je voterai les amendements du Gouvernement, ce qui n’est pas si fréquent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Champagne ! (Sourires.)
M. Daniel Salmon. Nous sommes évidemment favorables à la préservation des exploitations familiales. C’est un beau vœu, mais c’est un vœu pieux : tout ce que nous votons ici ce soir dans ce projet de loi mènera à l’industrialisation de l’agriculture et signera la fin, d’ici à quelques décennies, de l’agriculture familiale et paysanne. Quoi qu’il en soit, nous voterons ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Pardonnez-moi, mais je ne peux pas laisser passer de tels propos ! Ce n’est pas possible ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Je viens de dire que nous allions voter les amendements !
Mme Laure Darcos. Il est gentil pour une fois ! (Sourires sur les travées du groupe INDEP.)
M. Laurent Duplomb, rapporteur. D’accord, mais dire que l’agriculture s’industrialise, ce n’est plus supportable. Il faut arrêter avec ça ! (M. Daniel Salmon s’exclame.)
Laissez-moi vous expliquer, par l’exemple, comment notre agriculture a évolué en trente ans : moi-même, dans les années 1990, je me suis installé, avec trois associés, sur une exploitation qui produisait 312 000 litres de lait. Depuis le 1er janvier dernier, nous sommes de nouveau quatre associés, mais, pour percevoir le même revenu qu’à l’époque, il nous faut désormais traire 1,1 million de litres de lait, soit trois fois plus !
M. Daniel Salmon. Oui, c’est justement le problème !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Les agriculteurs ne sont pas les fautifs !
Ce qu’on oublie aussi de dire, c’est qu’il y a dix ans, pour changer un tracteur, il fallait payer 80 000 euros de soulte, tandis qu’aujourd’hui, pour changer le même tracteur, on doit verser 240 000 euros. C’est ça la réalité ! Vous pensez vraiment que vous allez résoudre les problèmes des agriculteurs avec vos propositions ?
M. Ronan Dantec. Oui !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. En disant que l’agriculture actuelle est une agriculture industrielle, vous pensez vraiment que vous faites plaisir aux paysans ?
M. Daniel Salmon. Certainement pas !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sachez-le, les agriculteurs ont été obligés d’augmenter leurs rendements, leurs productions, pour maintenir leurs revenus. Vous ne pensez pas que l’excès de dogmatisme va finir par emporter l’agriculture française ? (Vives protestations sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir garder votre calme quand le rapporteur s’exprime.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est ça la réalité ! Écoutez-vous, écoutez donc ce que vous dites ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Je te remercie, mon cher Laurent, d’avoir réveillé la salle ! (Sourires.)
Moi-même, j’ai 50 ans. Pour acheter une 2CV en 1970, il fallait vingt tonnes de blé ; aujourd’hui, essayez d’acheter la voiture la moins chère du marché avec vingt tonnes de blé, vous n’y arriverez pas ! Et ce alors même que le prix de la tonne de blé est de 180 euros – je vous laisse faire le compte… C’est ça la réalité !
Le monde agricole ne dispose pas du tout du même pouvoir d’achat qu’autrefois. C’est cela aussi le problème : nous, agriculteurs, donnons accès à une alimentation dont le coût a baissé. Je vous rappelle qu’à une époque pas si lointaine chaque Français dépensait en moyenne 30 % de son pouvoir d’achat pour se nourrir ; désormais, cette part est inférieure à 6 %.
M. Daniel Salmon. Eh oui !
M. Vincent Louault. Madame la ministre, pour en revenir à vos amendements, vous nous avez reproché tout à l’heure le manque de précision de nos définitions. Je vous laisserai donc le soin de définir le concept d’exploitation agricole familiale, tout comme celui de One Health – en français : « une seule santé ». Tout cela manque un peu de clarté.
Chacun y va de sa propre définition. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) donne sa définition de l’agriculture familiale. Si elle doit s’appliquer à notre pays, je vous invite donc à en prendre connaissance. Le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) a également la sienne. Bref, il y a des définitions partout, sauf dans le code rural !
Pardonnez-moi, mais, à un moment donné, il nous faudra trouver des juristes un tant soit peu responsables dans ce pays pour parvenir à une définition correcte des choses, ce qui nous permettra d’avancer et d’éviter des litiges que la jurisprudence met quinze ans à régler.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne me suis pas encore exprimé sur ce texte, au point que certains s’en inquiètent… (Rires et applaudissements.)
M. Daniel Salmon. On vous prête notre micro ! (Sourires.)
M. Marc Laménie. Je resterai très modeste et très sobre. Ce projet de loi est, de mon point de vue, vraiment important. Je ne l’ai pas encore dit, mais je tiens à remercier nos collègues agriculteurs de profession qui siègent au Sénat, car ils parlent de ce qu’ils connaissent vraiment. Moi-même, je ne suis pas agriculteur, mais, dans un passé lointain, j’ai travaillé quatre ans dans une direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF), un service déconcentré que je regrette, car il n’existe plus du tout sous cette forme : les DDAF ont toutes été remplacées et ce qui leur a succédé donne une tout autre image de l’action de l’État.
Pour en revenir aux amendements du Gouvernement, je suivrai, comme je le fais la plupart du temps, l’avis de la commission, tout en exprimant ma sympathie à nos amis du groupe GEST, parce qu’il m’arrive, je le reconnais – je tiens même à le dire ! –, d’être d’accord avec eux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. André Reichardt. C’est le fameux « en même temps » ! (Sourires.)
M. Marc Laménie. L’amendement du Gouvernement vise à inscrire dans le texte la notion d’agriculture familiale, ou, plus exactement, celle d’exploitation agricole familiale. C’est un sujet sensible, un véritable sujet d’actualité. Il importe de soutenir la ruralité, parce que les agriculteurs ont un rôle incontestable à jouer en matière d’aménagement du territoire. C’est, je crois, le message que chacun, ici, souhaite envoyer.
Beaucoup d’amendements ont été déposés à l’article 1er, ce qui prouve l’intérêt que nous portons à notre agriculture. Par conséquent, je le redis, je voterai les deux amendements du Gouvernement ; je profite de cette occasion pour saluer le travail des rapporteurs, ainsi que celui de la présidente et de l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)