Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. L’expérience montre que les menaces évoluent vite.

Je terminerai en disant quelques mots de la menace qui me paraît la plus fondamentale, celle qui pèse sur les publics les plus vulnérables. Je veux faire de la protection des mineurs en ligne une priorité. Il nous faut en effet protéger nos jeunes de certains contenus et lutter fermement contre les mécanismes addictifs des algorithmes. En la matière, j’estime qu’il ne faut pas nous interdire d’interdire aux mineurs de moins de 15 ans l’accès aux réseaux sociaux. J’en ferai une priorité.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Madame la ministre, je tiens tout d’abord à vous remercier de vos réponses, ainsi que vous, mes chers collègues, de votre contribution.

Nous partageons la même lucidité, l’essentiel des constats et le souci de préserver les mêmes grands équilibres pour garantir la pérennité de notre débat public. Nous avons besoin aujourd’hui de la détermination sans faille de chacun, de l’Europe et du Gouvernement, pour garantir la vitalité de ce dernier.

J’ai bien entendu que le DSA et le DMA ne feront pas l’objet de marchandages, madame la ministre. C’est heureux, et nous comptons sur vous pour tenir bon.

Je vous remercie d’avoir rappelé qu’il ne doit pas y avoir d’impunité en ligne et que l’anonymat, en réalité, n’existe pas. Dotons donc les brigades concernées de moyens d’enquête.

Votre soutien à la proposition d’un Viginum européen est par ailleurs précieux.

Je suis enfin impatient de voir aboutir les enquêtes européennes sur les plateformes. Elles démontreront la robustesse ou, au contraire, les défaillances de nos outils de régulation.

Oui, c’est le rôle de la France que d’en être le fer de lance, face à des pays, adversaires ou anciens alliés, dont l’objectif est de faire la guerre à nos sociétés multiculturelles, à nos valeurs démocratiques et à nos libertés publiques.

Toutefois, la France doit aussi se prémunir d’une forme de dérive. Nous voyons en effet se mettre en place à bas bruit une société d’algorithmes, où des décisions lourdes de conséquences – qu’il s’agisse d’allocations, de contrôles ou de sanctions – sont prises sans transparence, sans recours et sans humanité.

Dans nos services publics, des algorithmes sont déjà utilisés pour détecter les fraudes, traquer les chômeurs, hiérarchiser les urgences, le tout dans une logique comptable, punitive et parfois déshumanisée.

Par exemple, quelque dix associations, dont le Secours catholique et Emmaüs, ont annoncé avoir saisi le Conseil d’État pour dénoncer les dysfonctionnements de la plateforme de demande de titres de séjour de l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef). Selon ces associations, il s’agit non pas de simples problèmes techniques, mais d’une volonté politique d’ajouter des obstacles dans le parcours des immigrés. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

Ne laissons pas notre pays dériver, à l’image de ce qu’Elon Musk accomplit aujourd’hui au sein de son empire nommé Doge, où règnent l’arbitraire, la démagogie et les provocations permanentes. Nous voyons bien à quoi mène une technologie sans régulation, sans garde-fou et sans vision collective.

Si nous n’agissons pas, le projet politique d’une société régie par les algorithmes se fera au détriment de nos libertés. C’est cette vision du numérique qu’il nous faut refuser avec force. Or tel est précisément le rôle de la représentation nationale, mes chers collègues.

Il nous faut aujourd’hui réguler le monde numérique par le contrôle démocratique. Transparence, débat public et règles collectives doivent être les maîtres mots.

Nos grandes lois sur la liberté de la presse, l’organisation des campagnes électorales et leur financement ont instauré des dispositifs du même type. Il est temps d’en faire autant pour les réseaux sociaux, leurs algorithmes et l’intelligence artificielle.

C’est une condition de survie démocratique. À défaut, notre capacité à faire société elle-même serait menacée d’effritement et notre avenir se jouerait entre les mains d’intérêts privés, financiers ou géopolitiques qui, par définition, ne défendent jamais l’intérêt général.

Comme ma collègue Catherine Morin-Desailly l’a indiqué, il nous faut construire nos propres infrastructures, développer des outils publics et éthiques, financés, distribués et gouvernés de manière plus démocratique. La solution ne tient pas à un rejet pur et simple, qui s’apparenterait à de la technophobie. La solution, politique, passe par un écosystème numérique européen plus proche de nos valeurs communes. Mon collègue Guillaume Gontard en a esquissé les contours.

Je le disais en introduction de ce débat : nous sommes face à un risque de grande bascule. Pour être mortelles, nos démocraties n’en sont pas moins résilientes. Nous devons renforcer leur robustesse, non pas en nous emparant des armes de nos ennemis, mais en faisant la lumière sur les ingérences et les manipulations, ainsi qu’en garantissant la transparence et la modération.

Pour conclure, je reprendrai l’injonction du chercheur Hugo Micheron, qui estime que, dans un monde où les attributs de la puissance sont redistribués par la nouvelle donne technologique, il est temps que, aux ingénieurs du chaos, l’Europe puisse opposer les ingénieurs de la démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Pour garantir la sincérité du débat public, quelle mise en œuvre des politiques françaises et européennes de régulation des plateformes en ligne ? »

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 28 avril 2025 :

À quinze heures :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (texte de la commission n° 535, 2024-2025) et conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République anticriminalité organisée (texte de la commission n° 536, 2024-2025) ;

Explications de vote puis vote sur la proposition de loi relative à la restitution d’un bien culturel à la République de Côte d’Ivoire, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 530, 2024-2025) ;

Débat sur l’intelligence artificielle ;

Débat sur le thème « Comment relancer le fret ferroviaire ? ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER