Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Hommage à une assistante d'éducation et à deux sapeurs-pompiers volontaires
Questions d'actualité au Gouvernement
surveillante tuée par un collégien (i)
vente d'armes à israël par la france
conditions pour la reconnaissance d'un état palestinien
engagements pris lors de la troisième conférence des nations unies sur l'océan
agences de l'eau et loi assouplissant les compétences « eau et assainissement »
surveillante tuée par un collégien (ii)
exonération de la taxe sur le foncier non bâti pour les communes rurales
rapport du conseil d'orientation des retraites et recul de l'âge de départ
centres communaux d'action sociale
conclusion de l'accord avec les pays du mercosur
participation de taïwan à l'organisation mondiale de la santé
Mise au point au sujet d'un vote
Conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Conclusions de la conférence des présidents
Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales
Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Véronique Guillotin.
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Hommage à une assistante d'éducation et à deux sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons appris avec effroi hier le décès d'une assistante d'éducation, poignardée par un élève du collège Françoise-Dolto de Nogent, en Haute-Marne. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)
Je tiens, au nom du Sénat, à saluer sa mémoire et à témoigner de tout notre soutien à sa famille, à ses proches ainsi qu'à l'ensemble de la communauté éducative, frappée par ce drame.
J'ai une pensée particulière pour nos collègues de Haute-Marne et notamment pour Anne-Marie Nédélec, maire honoraire de Nogent.
Aucune forme de violence n'a sa place au sein de l'école de la République. Face à la multiplication de ces événements tragiques, nous devons agir collectivement pour renforcer la sécurité des élèves et du personnel qui les encadre, afin que de tels drames ne puissent se reproduire.
C'est également avec une vive émotion que nous avons appris le décès de deux sapeurs-pompiers volontaires de l'Aisne, survenu alors qu'ils luttaient contre un incendie à Laon.
La disparition de ces deux pompiers, âgés respectivement de 23 et 22 ans, dans l'exercice de leurs fonctions rappelle le dévouement et l'engagement de tous ceux qui, au péril de leur vie, assurent la protection de nos concitoyens.
Les questeurs et moi-même leur rendrons hommage demain lors d'un déplacement dans le département de l'Aisne.
Au nom du Sénat tout entier, je tiens à saluer leur mémoire, tout en adressant notre profonde sympathie à leurs familles et à leurs proches.
Pour tous trois, je vous propose d'observer une minute de silence. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou du respect du temps de parole.
surveillante tuée par un collégien (i)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon. Hier matin, une jeune femme, surveillante au collège Françoise-Dolto de Nogent, a été assassinée, poignardée par un adolescent de 14 ans. Elle s'appelait Mélanie, avait 31 ans et était mère d'un petit garçon de 4 ans.
En notre nom à tous, M. le président du Sénat a rendu à cette jeune femme un hommage que je tiens à prolonger par cette question.
Le meurtre de Mélanie n'est malheureusement pas un cas isolé. On ne compte plus, hélas ! les homicides à l'arme blanche commis par des adolescents ou par de jeunes adultes. On ne compte plus, hélas ! leurs victimes : Elias, Lorène, Thomas, Sékou, Inès, Mélanie, Enzo… Ma crainte est d'en oublier.
La multiplication de ces homicides montre que nous sommes confrontés, non pas à des faits divers isolés, mais à un fait de société. Nous sommes face à une vague qui n'en finit pas de monter, au point de nous submerger.
Songeons que l'auteur de ce meurtre était inconnu des services de police comme de la justice ; qu'apparemment il n'était pas suivi par les services sociaux ou médicaux ; et qu'il est passé, en l'espace de quelques semaines, d'une violence que l'on pourrait qualifier de classique, ou d'ordinaire, entre adolescents, au meurtre d'un adulte.
Monsieur le Premier ministre, personne ici ne vous dira qu'il est facile de relever le défi auquel nous devons collectivement faire face : celui d'une violence débridée ; d'une violence qui touche une partie de notre jeunesse, pour laquelle le monde virtuel, celui des jeux vidéo et d'internet, se confond avec le monde réel, faisant sauter tous les verrous entre la violence imaginée et le passage à l'acte, entre la violence verbale et une violence physique extrême.
Cela étant, nous ne pouvons rester inactifs. Vous avez, dès hier, annoncé plusieurs mesures. Pourriez-vous revenir cet après-midi sur deux questions que nous sommes nombreux à nous poser dans cet hémicycle : premièrement, peut-on aller jusqu'à limiter, voire interdire, les réseaux sociaux aux plus jeunes ? Deuxièmement, comment responsabiliser davantage les parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Laurent Lafon, le président du Sénat vient de dire à quel point ce drame nous a tous emplis d'effroi.
Mme la ministre d'État Élisabeth Borne était hier auprès des éducateurs et des parents d'élèves de ce collège de Nogent, en Haute-Marne. Nous parlons d'une petite ville de 3 500 habitants et d'un établissement de taille familiale, qui compte 320 élèves. C'est dire si les clichés habituellement répandus, cantonnant ces violences dans certains milieux urbains et sociaux, sont en l'occurrence inopérants.
Vous avez tout à fait raison de parler d'un débordement de violence. Ce phénomène se traduit dans les chiffres : le nombre d'homicides commis par des mineurs a été multiplié par trois ou quatre au cours de la dernière décennie. En outre – je suis évidemment d'accord avec vous –, on ne peut pas éluder ce problème. On ne peut pas se contenter de déplorer.
En la matière, il y a trois directions à suivre.
Premièrement, il faut s'intéresser aux armes. Qu'il s'agisse de la détention ou du port d'armes par des mineurs, en particulier par des adolescents, nous sommes face à une véritable vague. Cette situation n'est pas normale. Nous allons donc interdire la vente de ces armes aux mineurs, même si cette mesure ne suffira pas à empêcher des drames comparables à celui d'hier.
En parallèle, nous allons multiplier les contrôles de port d'arme – je rappelle que l'assassinat survenu hier a précisément eu lieu lors d'un tel contrôle, mené par gendarmerie. Nous en avons conduit 6 500 au cours des trois derniers mois : ils ont permis la saisie de près de 200 couteaux et de plus de 200 autres armes par destination.
Nous allons interdire la vente de ces armes par des procédés assez simples. En particulier – il s'agit, à ce titre, de la mesure la plus importante –, on ne pourra plus livrer via internet des colis contenant ce type d'arme sans la signature d'un adulte. Dès lors, le contrôle de l'achat ne posera plus de difficulté.
Deuxièmement, nous devons nous intéresser aux auteurs de ces actes, car il n'y a pas seulement l'arme : il y a aussi la main qui tient l'arme.
Nous avons un énorme travail à conduire pour la protection de la santé mentale des jeunes, et en particulier des collégiens. (M. Olivier Cigolotti acquiesce.) Le collège peut être un moment où tout dérive, où l'adolescence bascule, parfois, comme vous le disiez, en quelques jours.
Ce garçon était référent harcèlement dans son collège. Cela signifie qu'il était investi de confiance pour lutter contre le harcèlement. Il n'était pas considéré comme un enfant à problème.
À cet égard, tous les signes avant-coureurs doivent être identifiés. Il faut mener un travail de formation de tous les enseignants, et même des élèves, pour que l'on détecte immédiatement les jeunes qui sont en train de basculer. Lorsqu'un élève se referme sur lui-même, lorsqu'il ne parle plus, il y a un risque, il y a un danger.
Troisièmement et enfin, il faut traiter la question des réseaux sociaux.
Comme vous le savez, nous avons réussi à imposer aux sites pornographiques de vérifier l'âge de leurs visiteurs ; mais, en la matière, l'épreuve de force se poursuit entre le Gouvernement français et les responsables de ces sites. Il n'est pas facile de faire respecter la loi.
Peut-on aller plus loin en matière de numérique ? Le Président de la République s'est prononcé à plusieurs reprises pour l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Cette question est certes de la compétence de l'Union européenne, mais le chef de l'État l'a répété hier soir : si l'Union européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.
M. Laurent Lafon. Merci, monsieur le Premier ministre, de votre réponse.
Je tiens également à vous signaler une proposition de loi que notre assemblée a votée à l'unanimité. Par ce texte, nous ne prétendons pas résoudre tous les problèmes ; nous souhaitons simplement envoyer un certain nombre de messages à ceux qui sont les plus affectés par la situation, à savoir le personnel éducatif au sein de nos établissements scolaires.
Cette proposition de loi vise à protéger nos écoles. Elle n'attend que d'être examinée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
vente d'armes à israël par la france
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Ma question s'adresse à M. le ministre des armées. Elle porte sur Israël et sur les ventes d'armes.
Le salon de l'armement du Bourget doit s'ouvrir la semaine prochaine. Il accueillera des membres du Gouvernement ainsi que des sociétés d'armement israéliennes : leur participation a été confirmée dès janvier dernier par M. Netanyahou, qui dit avoir reçu l'assurance du président Macron.
De nombreuses associations ont porté devant les tribunaux des griefs légitimes liés à cette venue : elles et nous ne pouvons accepter que notre pays serve de terrain d'opérations commerciales, de promotion de transferts de matériels militaires ne respectant pas le traité sur le commerce des armes des Nations unies.
J'ajoute que ces matériels militaires sont directement ou indirectement impliqués dans les atrocités commises à Gaza et dans les territoires occupés.
Hier, le tribunal de Bobigny a rejeté l'une de ces demandes – on enjoignait à l'organisateur privé du salon de ne pas autoriser ces exposants. Ce délibéré s'inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle le juge ne peut pas interférer dans « la conduite des affaires internationales de la France » – c'est la théorie de l'acte de gouvernement.
Monsieur le ministre, tel est précisément l'objet de ma question : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de s'assurer que la France respecte ses engagements européens et internationaux relatifs au commerce d'armes avec des États en guerre ?
Votre ministère ira-t-il à l'encontre de ses obligations en autorisant l'importation de matériels militaires mis au service de la guerre et des crimes en cours dans la bande de Gaza ?
Au-delà de la promotion de ces ventes d'armes par Israël en France, la question est celle de nos ventes d'armes à Israël, armes utilisées dans ces crimes de guerre.
À vous entendre, « il n'y a pas d'armes vendues à Israël » ; mais vos dénégations se heurtent de manière brutale aux faits.
La situation à Fos-sur-Mer met au jour la poursuite des exportations d'armes vers Israël. Vous ne pouvez pas affirmer qu'elles ne participent pas aux massacres en cours.
Comptez-vous, une fois pour toutes, respecter le droit international et les engagements de notre pays en arrêtant les exportations d'armes vers Israël ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le sénateur, vous l'avez rappelé, les décisions relatives à l'organisation du salon du Bourget sont des actes de gouvernement. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), sous l'autorité du Premier ministre, y travaille avec les services du ministère des affaires étrangères et les miens. Nous poursuivons nos discussions dans la droite ligne de ce que nous avons fait jusqu'à présent.
J'en viens à une affaire plus grave : la désinformation entretenue perpétuellement quant aux ventes d'armes présumées de la France à Israël.
Je le dis et je le répète, il n'y a aucune vente d'armes françaises à Israël.
M. Fabien Gay. C'est faux !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il faut que cesse cette désinformation.
Premièrement – je le rappelle, même si c'est une évidence –, Israël est l'un des grands concurrents de nos industries de défense françaises et, par définition, Israël n'attend pas les armes françaises.
Deuxièmement, des composants français sont bien utilisés dans le cadre du dôme de fer, à savoir la défense sol-air d'Israël, et nous l'assumons. Ces composants sont destinés à des armes strictement défensives (Exclamations sur les travées du groupe GEST.), protégeant les populations civiles israéliennes…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !
M. Stéphane Ravier. Bravo !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ces populations doivent être protégées. Il s'agit là d'un élément de consensus entre toutes les formations politiques représentées au Sénat, du moins je l'espère.
Troisièmement, s'y ajoutent des pièces détachées, à des fins de réexportation,…
Mme Mathilde Ollivier. Avec quelles garanties ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. … dont la France est souvent le destinataire final.
Monsieur le sénateur, votre question me donne l'occasion de le dire une fois de plus dans l'enceinte d'une des deux assemblées, dans le cadre du contrôle parlementaire, et je vous en remercie.
Le document détaillant ces informations est classé « diffusion restreinte ». Je vais le remettre aux présidents des commissions chargées de la défense, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Ils y trouveront la liste exacte des livraisons de ces composants pour 2024.
Nous aurions dû remettre ce document au Parlement au mois de septembre prochain. Mais, sous l'autorité de François Bayrou, j'ai décidé de le communiquer dès maintenant. J'espère ainsi faire cesser cette désinformation qui nuit à l'intérêt général et à l'intérêt du pays. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, la mise en danger de notre pays dans une possible complicité est une faute historique. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. François Patriat. C'est faux !
M. Guy Benarroche. Le Président de la République réussit un exploit dramatique : il recule face à la nécessité impérieuse de reconnaître maintenant un État palestinien et, en même temps, il ignore le droit international applicable aux ventes d'armes utilisées dans des crimes de guerre.
M. le président. Il faut conclure.
M. Guy Benarroche. Des mandats ont été lancés par la justice internationale. Ces crimes de guerre – je pense à la famine qui sévit à Gaza – et ces crimes contre l'humanité, qu'il s'agisse de meurtres, de persécutions ou d'autres actes inhumains, sont établis, même si les responsabilités des membres du gouvernement israélien ne sont pas encore jugées. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe CRCE-K. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
conditions pour la reconnaissance d'un état palestinien
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question est simple : pouvez-vous nous rappeler les conditions posées par la France pour reconnaître un État palestinien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Roger Karoutchi, j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, la France est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël. Elle l'a démontré en mobilisant par deux fois ses moyens militaires l'année dernière, pour soutenir Israël et lui permettre de parer les attaques balistiques iraniennes. Elle le démontre de nouveau en figurant en première ligne des efforts visant à contrer l'Iran nucléaire, à empêcher l'Iran d'accéder à l'arme atomique.
Nous en sommes convaincus depuis longtemps – c'était la position française bien avant ce gouvernement, et même bien avant l'élection du Président de la République –, à terme, la sécurité des Israéliens ne sera assurée que par une solution politique, reposant sur deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité.
Évidemment, cette solution suppose que l'ensemble des pays de la région consentent, d'une part, à normaliser leurs relations avec Israël et, de l'autre, à apporter des garanties de sécurité à Israël.
Il y a deux ans, nous y étions presque. Comme l'a rappelé M. le Premier ministre hier devant l'Assemblée nationale, l'Arabie saoudite, les États-Unis et Israël s'apprêtaient, dans la logique des accords d'Abraham, à faire aboutir cette perspective. Mais, par le massacre antisémite du 7 octobre, le Hamas a profondément fragilisé le travail accompli.
Soit nous nous résignons à cette fragilisation, mais alors nous prenons le risque que la région ne s'enfonce durablement dans une instabilité qui nuira à la sécurité d'Israël ; soit nous prenons l'initiative de créer un mouvement devant s'appuyer sur la reconnaissance de l'État palestinien par la France et par d'autres pays,…
M. Pascal Savoldelli. Oui, 149 États !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. … ainsi que sur des engagements très fermes de la part de l'Autorité palestinienne et des pays arabes de la région, pour dépasser ce que le Hamas a provoqué en menaçant cette perspective. C'est ainsi que l'on pourra réenclencher un mouvement conduisant vers cette solution politique, qui est la seule soutenable, dans l'intérêt d'Israël et du peuple israélien. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, si j'étais le Président de la République, je vous dirais : « Champion, mon frère ! », à moins que je ne fasse allusion aux brainwashers…
Comme le Président de la République, vous avez vous-même déclaré qu'il y avait quatre conditions : la libération de tous les otages (M. Francis Szpiner applaudit.) ; l'éviction complète du Hamas ; le renouvellement de l'Autorité palestinienne ; et l'accord avec les États arabes. (Mme Valérie Boyer applaudit.)
Il s'agit à mon sens d'une position raisonnable, car c'est une position d'équilibre. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.) Chers collègues, je vous ai écoutés, pas très attentivement, certes, mais je vous ai écoutés… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Aujourd'hui, aucune de ces quatre conditions n'est remplie. Or, le 18 juin prochain, le chef de l'État s'apprêterait à reconnaître l'État de Palestine, sans que l'on sache à quelles conditions, avec quels dirigeants ou avec quel gouvernement.
M. Pascal Savoldelli. En Pologne, en Hongrie, on ne pose pas la question !
M. Roger Karoutchi. Quant aux otages, seront-ils libérés d'ici là ? Évidemment non… (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Bruno Sido. Silence !
M. Roger Karoutchi. Merci de me laisser la parole.
Monsieur le ministre, je vous dis simplement ceci : le 18 juin 1940, le général de Gaulle a dit non à l'horreur nazie. Ne donnez pas le sentiment, le 18 juin 2025, que la France et son chef de l'État se soumettent à l'horreur islamiste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. Thomas Dossus. C'est une honte !
engagements pris lors de la troisième conférence des nations unies sur l'océan
M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Teva Rohfritsch. Monsieur le ministre d'État, je tiens à remercier le Président et le gouvernement de la République d'avoir placé la Polynésie française au cœur du sommet mondial pour l'océan.
Merci d'avoir mis en lumière le lien profond, à la fois culturel et viscéral, qui unit depuis trois mille ans le peuple polynésien à Te Moana nui o Hiva, l'océan Pacifique.
Nous regrettons que certaines annonces du président Brotherson aient été faites sans véritable concertation en Polynésie française, notamment avec les pêcheurs et les élus marquisiens. Mais j'ai vu hier, à Nice, un président de la Polynésie française ravi de clamer au monde sa fierté de protéger l'océan et de participer ainsi, au nom de la France, à l'agenda 2030 des Nations unies.
J'ai aussi entendu à Nice, hier, les chefs d'États indépendants de la région appeler à « plus de France » ; à plus de présence et d'accompagnement de la part de notre pays en matière d'éducation, de santé, de recherche et de développement pour leurs populations.
Mais le même jour, à New York, la représentante de Moetai Brotherson attaquait en son nom la France au Comité spécial des Vingt-Quatre (C24), après le Timor-Leste, il y a dix jours. Et hier encore, à Paris, la députée indépendantiste a cherché à vous entraîner dans la rhétorique de la décolonisation à l'Assemblée nationale. De qui se moque-t-on ?
Vous avez raison : la Polynésie n'est pas la Nouvelle-Calédonie. Quand de nombreux États du Pacifique voient leurs populations s'exiler faute de ressources économiques, nous devons concentrer notre action pour permettre à notre jeunesse de continuer à vivre son océan, son fenua, dans le cadre stable et protégé qu'offre la République.
Pour cela, notre jeunesse a besoin de formation, d'innovation, d'activité et d'emplois. Or ce n'est pas en rouvrant les sempiternels débats sur la décolonisation, ce n'est pas en ressassant le passé que l'on va nourrir nos familles et permettre à nos jeunes de s'épanouir au fenua.
Ne vous laissez pas abuser par ceux qui cultivent le double langage ; par ceux qui vous caressent dans le dos à Nice pour mieux vous tacler à Bakou ou à Genève.
Monsieur le ministre d'État, la priorité n'est-elle pas d'être aux côtés de nos institutions polynésiennes pour bâtir, depuis nos aires marines éducatives jusqu'à l'université, une économie bleue qui accompagne notre jeunesse vers l'excellence, la responsabilité et l'innovation ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Teva Rohfritsch, vous étiez à nos côtés hier à Nice, où se trouvaient réunis le Président de la République et plusieurs chefs d'État et de gouvernement du Pacifique.
La contribution de la Polynésie française à la Conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc) a été capitale et particulièrement remarquée. Le Président de la République a eu l'occasion de le souligner : la Polynésie, citée en exemple, a contribué au succès de ce rendez-vous en nourrissant le discours concret de la France.
L'océan est nécessaire à la vie. C'est notre bien commun, et nous devons le préserver. À cet égard, la Polynésie a joué son rôle, en parfaite coopération avec l'Élysée et le Gouvernement. Vous avez raison de le souligner, il n'y a pas de place pour les doubles discours.
De plus – vous l'avez rappelé –, chaque territoire ultramarin a sa propre histoire. C'est la raison pour laquelle la France a contesté, en 2013, la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes établie par les Nations unies, alors qu'elle l'a acceptée pour la Nouvelle-Calédonie.
Vous le savez, je me rendrai en Polynésie au mois de juillet prochain, afin de mettre en lumière les forces et les réussites de ce territoire. Nous parlerons des prochains jeux du Pacifique. Nous parlerons surtout des dossiers qui intéressent les Polynésiens dans leur vie quotidienne, à savoir l'économie bleue, les problèmes de sécurité, les problèmes relatifs à la pêche, le changement climatique, les questions de santé et les attentes de la jeunesse.
Monsieur le sénateur, j'ai entendu votre déclaration d'amour à la France. Sachez que nous avons tous la Polynésie au cœur et que nous entendons tous réaffirmer, moi le premier, le lien puissant entre la Polynésie et la France. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
agences de l'eau et loi assouplissant les compétences « eau et assainissement »
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Alain Marc. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Monsieur le ministre, j'ai été rapporteur de la proposition de loi sur l'eau et l'assainissement ; grâce au Sénat, qui a livré bataille pendant plusieurs années, ce texte a enfin été adopté. Désormais, les communes ont le choix de donner ou non cette compétence à l'intercommunalité. Elles sont libres, et c'est la marque du Sénat.
Toutefois, nous devons faire face à un nouveau problème, et il est de taille : pour accorder leur aide aux communes, certaines agences de l'eau exigent qu'elles aient transféré cette compétence à l'intercommunalité.
Vous comprendrez que cette façon de faire offusque nombre d'élus locaux et que nous, législateurs, nous sentions particulièrement floués.
En procédant ainsi, ces agences de l'eau entravent la liberté de choix des communes. Elles vont donc à l'encontre de ce texte de loi.
M. Bruno Sido. C'est scandaleux !
M. Alain Marc. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que les agences de l'eau respectent toutes la loi et son esprit ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Alain Marc, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de l'important travail que vous avez accompli lors de l'élaboration de la loi « eau et assainissement ».
Au cours de l'examen de ce texte, le Gouvernement n'a cessé de défendre la même ligne, que j'ai eu l'occasion de rappeler moi-même dans cet hémicycle. Il s'agit de concilier la pérennisation des transferts déjà achevés, par une forme de mutualisation, et la souplesse de gestion que le Parlement et notamment le Sénat, sous votre impulsion, ont demandé à raison, pour que nos territoires disposent d'outils adaptés à leurs spécificités.
C'est tout l'objectif de cette loi, qui supprime l'obligation, pour les communes, de rejoindre à ce titre une intercommunalité. Le texte en question a donc toute son importance.
J'ai confirmé ici même l'engagement pris devant le Sénat par l'ancien Premier ministre : les communes garderont la liberté de déléguer ou non cette compétence.
Pour autant, on ne saurait nier les besoins de mutualisation observés dans de nombreuses communes de France. En outre, l'intercommunalité permet aussi aux communes de participer à l'élaboration des projets de gestion de l'eau.
Vous m'interrogez plus précisément au sujet des agences de l'eau.
L'eau – j'en suis sincèrement convaincu – ne peut se gérer uniquement par commune.
L'eau se gère par bassin. Vous le savez très bien, il y a six bassins hydrographiques en France, auxquels correspondent six agences de l'eau… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Ce n'est pas la question !
M. François Rebsamen, ministre. Ces agences sont des établissements publics à caractère administratif, instances où, par définition, siègent des élus. Elles doivent bien entendu respecter la loi, comme toute organisation à caractère administratif.
M. François Bonhomme. Et donc ?
M. François Rebsamen, ministre. Votre question nous donne l'occasion de rappeler que les agences de l'eau jouent un rôle spécifique ; qu'elles assurent une organisation à l'échelle des bassins ; et que les communes, seules, auront bien du mal (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) à assumer cette compétence, sauf situation particulière.
Cela étant, je tiens à vous féliciter de nouveau pour tout le travail que vous avez accompli. (M. François Patriat applaudit. – Protestations sur les travées du groupe UC. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question.
Nous travaillons, avec Christine Lavarde, sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, dans le cadre d'une commission d'enquête. Or il est inadmissible que, dans un État de droit, les agences ne se comportent pas dans le respect de la loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Viviane Artigalas et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
Étant donné que les présidents d'agence sont nommés par le Président de la République, une mise au pas – je suis navré d'employer cette expression – serait nécessaire. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Vous avez dit que l'eau ne pouvait « se gérer uniquement par commune ». Cependant, certaines d'entre elles peuvent agir seules. L'enjeu n'est donc pas celui-là : il s'agit du respect de la loi. Or comment voulez-vous que les Français respectent les votes du Parlement si les agences de l'eau, qui dépendent de l'État, ne s'y plient pas ? C'est tout simplement inadmissible ! Nous comptons sur vous pour rétablir le droit et faire appliquer ce que nous avons voté. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
« taxe zucman »
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, la semaine dernière, lorsque vous étiez auditionné par la commission des affaires économiques, je vous interrogeais sur la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches. C'est demain que nous examinerons ce texte, qui concerne celles et ceux qui possèdent un patrimoine supérieur à 100 millions d'euros.
Selon les travaux de Gabriel Zucman, que vous qualifiez vous-même de « brillant économiste », ces immenses fortunes échappent au caractère progressif de l'impôt sur le revenu. Vous m'aviez alors répondu, entre autres, craindre l'exil fiscal, relayant ainsi un sempiternel refrain que réfutent pourtant un ensemble d'études scientifiques, à l'instar de la tribune, publiée ce matin même dans Le Monde, cosignée par Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry.
Je pense, au contraire, qu'une telle imposition serait l'occasion, pour ces très grandes fortunes, de faire valoir très concrètement leur fibre patriotique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, comment expliquerons-nous aux près de 40 millions de foyers fiscaux français que les 0,005 % des contribuables les plus fortunés seraient exemptés de l'effort demandé à la Nation ? Comment leur expliquerez-vous que vous vous apprêtez à mettre en œuvre la TVA dite sociale tout en nous privant d'un potentiel de recettes de 20 milliards d'euros ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – M. Franck Dhersin et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Philippe Grosvalet, quel est le défi auquel notre pays doit faire face ? C'est de produire plus !
En effet, le PIB par habitant est maintenant de près de 20 % plus faible en France que chez nos voisins en Europe, alors même que notre niveau de dépense publique est supérieur. Or si nous voulons produire plus, nous avons besoin d'entreprises et d'entrepreneurs. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Voilà pourquoi, sous l'autorité du Premier ministre, nous élaborons des mesures, qui seront dévoilées à la mi-juillet, visant à soutenir les entreprises sans alourdir l'impôt sur les entreprises et sur les personnes. (M. Akli Mellouli s'exclame.)
J'ai lu la tribune que vous avez mentionnée et je confirme mon respect pour Gabriel Zucman. Cependant, si une telle taxe était mise en place, nous nous exposerions à deux risques.
Le premier est que, vu le niveau d'imposition proposé, les entrepreneurs doivent vendre, petit à petit, des parts de leur entreprise. (Protestations renouvelées sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Bien sûr que oui !
Le second risque, qui est le principal, quoi qu'en disent les uns et les autres, est celui de la délocalisation.
M. Rachid Temal. Un peu de sérieux !
M. Mickaël Vallet. Les voilà, les patriotes, les vrais !
M. Éric Lombard, ministre. En effet, tout comme moi, vous avez constaté l'ampleur des délocalisations qui ont eu lieu lorsque, à deux reprises, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était importé dans notre pays, entraînant le départ de nombreux patrimoines. Aujourd'hui, avec la libéralisation de toutes les règles et la concurrence fiscale entre les pays, à n'en pas douter, nous assisterions à l'exil des grandes fortunes, ce qui serait préjudiciable à l'investissement comme à nos ressources fiscales.
Cela étant, nous réfléchissons à la contribution des patrimoines importants à l'effort d'ensemble. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Je vous concède ce point, monsieur le sénateur. C'est pourquoi, avec ma collègue Amélie de Montchalin, je cherche à traiter les niches privilégiant ceux qui ont déjà les avantages de la fortune et des revenus. Nous préférons, dans ce cadre, les mécanismes de lutte contre la suroptimisation aux mesures qui risqueraient de priver notre pays de son avantage en termes d'attractivité, puisqu'il est la première destination pour les investissements en Europe depuis maintenant six ans. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. Patrick Kanner. Il faut un engagement !
M. Hussein Bourgi. Cela fait six mois qu'on attend !
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour la réplique.
M. Philippe Grosvalet. Au début du siècle dernier, mon groupe parlementaire accueillait une figure majeure de l'histoire des réformes fiscales de notre pays : Joseph Caillaux, ministre des finances et longtemps président de la commission des finances, ici même.
M. Emmanuel Capus. Cela n'a rien à voir avec la question !
M. Philippe Grosvalet. Il lui aura fallu batailler pendant de longues années pour convaincre le Sénat du bien-fondé de l'impôt sur le revenu, alors que les députés l'avaient voté cinq ans plus tôt.
M. Emmanuel Capus. Rien à voir !
M. Philippe Grosvalet. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la nuit porte conseil…
M. le président. Il faut conclure : le temps aussi porte conseil !
M. Philippe Grosvalet. Il nous reste vingt-quatre heures : n'attendons pas cinq années de plus, cinq années de trop, pour voter une telle mesure ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes GEST et SER. – Mmes Élisabeth Doineau et Nathalie Goulet applaudissent également.)
crise au proche-orient
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Gisèle Jourda. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, la France coorganisera, avec l'Arabie saoudite, la conférence qui se tiendra aux Nations unies du 17 au 20 juin prochain. Or, selon des sources diplomatiques, le Royaume-Uni et la France insisteront non plus sur la reconnaissance d'un État palestinien, mais plutôt sur la définition des étapes vers la reconnaissance de l'État de Palestine. Celle-ci dépendra d'une série de mesures et de concessions de la part des Palestiniens.
Je rappelle que 149 États ont reconnu, sans condition, l'État palestinien. Ma question est donc simple, monsieur le ministre : quelle position la France entend-elle finalement défendre lors de ce sommet ? Pourquoi tergiverser ? Pourquoi refuser de débattre de vos intentions avec la représentation parlementaire à l'occasion d'une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, qui vous a été maintes fois demandée à l'Assemblée nationale comme au Sénat ?
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, la semaine dernière, qu'il « existe un autre chemin ». À une semaine de ce sommet, ne s'agirait-il pas plutôt d'une impasse ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, en effet, il n'y a que deux chemins possibles : l'état de guerre permanent, d'un côté, et la solution politique, plus exigeante, plus difficile, de l'autre.
C'est cette dernière que la France défend depuis toujours. Comme je l'ai dit précédemment, elle était en passe d'aboutir il y a un peu moins de deux ans, avant que le Hamas ne se rende coupable du plus grand massacre antisémite de notre histoire depuis la Shoah.
Face à cette situation, se présentent donc deux chemins. L'un d'entre eux consisterait à nous résigner. J'ai ainsi cru comprendre que Roger Karoutchi semblait prescrire, lors de son intervention, l'inaction, mais peut-être ai-je mal compris… (M. Roger Karoutchi proteste.) Cette option-là est cependant porteuse de grands risques : en effet, si nous ne faisons rien, la solution politique pourrait être définitivement écartée, alors qu'elle est déjà plus lointaine et fragilisée que jamais depuis les accords d'Oslo, en 1993. (M. Fabien Gay s'exclame.)
L'autre chemin est la solution politique. À un moment où Gaza est quasiment détruite, où la colonisation s'accélère en Cisjordanie, où les États-Unis semblent se désintéresser de la question et où l'on ressent une forme de résignation dans un grand nombre de pays arabes, nous jouons notre rôle, nous sommes à notre place en reprenant l'initiative.
C'est tout l'objectif de cette conférence, que nous avons préparée en affirmant notre détermination à reconnaître l'État de Palestine. Il s'agit ainsi d'enclencher un mouvement qui implique et qui engage la Palestine, du moins l'Autorité palestinienne, ainsi que les pays arabes. Ces derniers doivent, eux aussi, prendre des engagements.
Mme Raymonde Poncet Monge. Et Israël ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Ils doivent formuler des déclarations dénonçant les actes du 7 octobre et désignant le Hamas pour ce qu'il est : un mouvement terroriste. Ils doivent s'engager à contribuer et à concourir à la sécurité d'Israël, au redressement de Gaza et de l'État de Palestine à venir. Sans cela, la reconnaissance de la part d'un pays comme la France sonnerait creux. C'est cette dynamique collective que nous voulons susciter à New York et c'est dans cet esprit que nous travaillons. (MM. François Patriat et Bernard Fialaire applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour la réplique.
Mme Gisèle Jourda. Monsieur le ministre, non, la reconnaissance de la Palestine par France ne sonnerait pas creux. Nous sommes dans un pays où sont nés les droits de l'homme. Alors que, l'année dernière, des États comme l'Espagne ont reconnu la Palestine sans condition, je ne comprends pas votre position. Certes, vous vous référez au 7 octobre, mais les problèmes ne remontent pas à cette date, monsieur le ministre ! (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Eh oui !
Mme Gisèle Jourda. Les Palestiniens meurent depuis longtemps et leur situation est devenue intenable. Le temps de vous retourner, il n'y aura plus aucun Palestinien dans la bande de Gaza. Est-ce là ce que vous voulez ? Moi, non ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
situation en israël et à gaza
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Depuis dix semaines, Gaza étouffe sous un blocus alimentaire meurtrier. Quelques maigres distributions sont certes organisées pour la forme, par une organisation proche d'Israël et des États-Unis. Ces distributions tournent souvent au carnage, l'armée israélienne n'hésitant pas à tirer sur la population affamée.
Gaza agonise, monsieur le ministre, avec deux millions de vies au bord de la famine et plus de 52 000 personnes massacrées, dont 15 000 enfants. Le gouvernement Netanyahou poursuit, quant à lui, son plan de conquête totale de la bande de Gaza, au prix d'une accélération des massacres de civils. Cette opération doit achever la destruction du territoire, commencée il y a deux ans avec, à terme, la déportation de sa population vers des pays tiers.
Pourtant, en 2024, la Cour internationale de justice a publié trois ordonnances dénonçant la situation à Gaza comme un génocide imminent. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, nous assistons à un génocide, mais ces décisions ont été ignorées par le gouvernement israélien.
Dimanche dernier, l'acte de piraterie contre le navire Madleen, avec son arraisonnement, la détention de son équipage, alors qu'il était hors des eaux territoriales d'Israël, constitue un crime supplémentaire commis par l'occupant israélien.
Je salue l'initiative du Madleen, qui est, certes, loin d'être purement humanitaire, ainsi que la détermination de ses membres à naviguer vers Gaza, malgré les menaces israéliennes : ils sont venus constater le génocide en cours. Mes collègues et moi-même appelons à élargir et à poursuivre les mouvements de solidarité afin de briser le siège de Gaza et d'intensifier l'isolement de l'État israélien.
Monsieur le ministre, face à cette horreur, que fait la France ? Quand les otages français, dont une députée de la République, seront-ils libérés ? (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Les otages ne sont pas en Israël !
M. Jean-Pierre Corbisez. Pourquoi le Gouvernement français, alors que la justice ne peut le faire, n'a-t-il pas exclu les exposants militaires israéliens du prochain salon du Bourget ?
Les bavardages, monsieur le ministre, doivent laisser la place à une action ferme et résolue. La France doit parler d'une voix forte pour briser le siège de Gaza et mettre fin à ce génocide. Nous ne pouvons plus détourner les yeux, monsieur le ministre. L'Histoire jugera les nations complices par leur silence ou leur inaction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous réponds parce que je trouve inacceptable qu'un certain nombre de forces politiques utilisent, pour désigner les trois ou quatre personnes détenues depuis deux jours en Israël, le mot d'otage. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Je veux rappeler simplement les faits. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Après l'arraisonnement de ce navire, les six Français à bord se sont vu offrir la possibilité de rentrer dans notre pays immédiatement, ce qu'un certain nombre d'entre eux ont refusé.
Mme Cécile Cukierman. C'est scandaleux !
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le Sénateur, si les vrais otages, ceux qui sont détenus à Gaza, s'étaient vus offrir la possibilité de rentrer dans leur pays immédiatement, je vous assure qu'ils l'auraient fait, et que l'on n'utiliserait plus le mot d'otage pour eux. Il est inacceptable d'instrumentaliser les événements de cette manière ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme Cécile Cukierman. Vous récrivez l'histoire ! (Les membres du groupe CRCE-K se lèvent et quittent l'hémicycle, sous les huées du groupe Les Républicains.)
surveillante tuée par un collégien (ii)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Marie Nédélec. Madame la ministre d'État, hier, le 10 juin, vous étiez à Nogent.
En effet, ce même jour, à huit heures quinze, dans cette petite commune tranquille de Haute-Marne, dont j'ai été l'élue pendant près de trente-cinq ans, l'indicible s'est produit : un collégien de 14 ans a poignardé de sang-froid, à plusieurs reprises, une assistante d'éducation sous les yeux des gendarmes, lors d'un contrôle inopiné des cartables. Elle n'a pas survécu.
Mélanie était la maman d'un petit garçon de 4 ans, appréciée dans son travail, conseillère municipale de son village. Je vous remercie, mes chers collègues, de l'hommage qui vient de lui être rendu. Mes pensées vont à sa famille, à ses collègues, aux élèves, dont beaucoup ont vécu l'agression en direct, mais aussi aux parents de l'agresseur, les deux familles se connaissant.
Ce n'est pas qu'une question de moyens : les forces de l'ordre étaient sur place. Le collège Françoise-Dolto, qui ne compte que 320 élèves, est bien doté, avec une équipe pédagogique stable, soudée et très investie dans de nombreuses actions de prévention, au service des élèves. L'agresseur est décrit comme un élève brillant, bien intégré, ne présentant aucun des signaux faibles qui auraient pu susciter l'alerte.
Nogent a connu, hier, non pas un énième fait divers, mais bien un drame que rien, ni le cadre scolaire ni le cadre familial, ne laissait prévoir.
Comme vous l'avez dit, madame la ministre d'État, « on ne doit légiférer ni à chaud ni dans l'émotion ». Pourtant, lorsque l'on ne nomme pas clairement un problème, on ne peut pas y apporter de solution. Madame la ministre d'État, comment protéger concrètement et rapidement nos enfants de cette violence, de ce poison qui les nourrit quotidiennement et leur fait perdre le sens du réel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDSE. – Mme Corinne Bourcier et M. Rémi Féraud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Avant de vous répondre, madame la sénatrice Anne-Marie Nédélec, je voudrais de nouveau adresser toutes mes condoléances à la famille de la jeune femme assistante d'éducation qui a perdu la vie hier au collège Françoise-Dolto, à Nogent.
J'ai tenu à me rendre sur place, où nous avons pu, madame la sénatrice, exprimer tout notre soutien aux élèves, aux professeurs, aux personnels, aux parents, bouleversés par ce drame.
Cet acte effroyable nous invite à nous interroger sur les moyens d'endiguer la violence chez les jeunes. Cela passe, en premier lieu par une action résolue, comme l'a évoqué M. le Premier ministre, pour interdire l'acquisition d'armes blanches par les mineurs et pour empêcher toute introduction de celles-ci dans les établissements scolaires. Tel est le sens de l'instruction que j'ai signée, avec Bruno Retailleau, au début du mois de mars, tendant à demander aux préfets et aux recteurs d'organiser des fouilles aux abords des établissements scolaires. Ainsi, plus de 6 000 opérations ont été réalisées depuis. Chaque fois qu'une arme est saisie, un conseil de discipline est réuni et un signalement est transmis au procureur.
Ces opérations sont complémentaires de la sensibilisation qui doit être menée, en lien avec les référents police et gendarmerie, sur la dangerosité des armes. Cette démarche s'inscrit, plus globalement, dans l'ensemble des actions d'éducation et de prévention que nous menons, notamment dans le cadre de l'enseignement moral et civique.
Nous agissons aussi sur le plan de la santé mentale, avec le ministre Yannick Neuder, notamment grâce au déploiement de plans de repérage et de prise en charge des élèves en souffrance psychique.
Mme Jocelyne Guidez. Bravo !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Enfin, nous connaissons l'effet néfaste des écrans et des réseaux sociaux. C'est pourquoi j'ai décidé de généraliser la pause numérique dans tous les collèges dès la prochaine rentrée. En outre, comme le Président de la République l'a évoqué, nous devons agir pour interdire l'accès des jeunes de moins de 15 ans aux réseaux sociaux.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Naturellement, sur tous ces sujets, nous avons besoin des familles et de tous les partenaires de l'école. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour la réplique.
Mme Anne-Marie Nédélec. Ne confondons pas causes et conséquences. Pourquoi la santé mentale des jeunes s'est-elle autant dégradée ? Les mesures ponctuelles ne suffiront pas.
Je suis du pays du couteau. Des couteaux, il y en a partout, dans toutes les cuisines, dans tous les ateliers. Mais on ne les utilisait pas comme cela. Le problème de fond, ce n'est pas le couteau !
Bien sûr, il faut renforcer les contrôles et la sévérité des peines. Mais pouvons-nous livrer quotidiennement nos jeunes à des réseaux, à des sites qui diffusent en toute liberté – pis, parfois au nom de la liberté –, des contenus d'une violence inouïe, poussant au meurtre ou au suicide ?
Nous n'avons plus le temps d'attendre un éventuel accord européen. Il s'agit d'un grave problème de société qu'il nous faut traiter comme un tout. Chacun doit prendre sa responsabilité, que ce soit l'État, l'éducation et les familles. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mmes Mireille Jouve, Laurence Rossignol et M. Éric Jeansannetas applaudissent également.)
politique environnementale
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Madame la ministre, depuis Nice, Emmanuel Macron s'érige en grand défenseur des océans, mobilise la communauté internationale et vante son leadership.
Pendant ce temps, en France, le réel tangue : réintroduction des pesticides interdits, suppression des zones à faibles émissions et, désormais, suspension brutale de MaPrimeRénov'. « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas » : l'engagement pris en 2022 à Marseille n'est plus qu'un souvenir dissipé par les courants budgétaires.
Résultat : des millions de ménages modestes vont renoncer à rénover leur logement. Des artisans du bâtiment, déjà fragilisés, vont voir leurs carnets de commandes se vider. Dans les zones les plus polluées, les habitants continueront de respirer un air vicié, faute de politiques de mobilité urbaine. Et nos agriculteurs, eux, doivent composer avec un brouillard réglementaire où l'on autorise d'une main les insecticides que l'on avait interdits de l'autre.
Mais le plus sidérant, c'est que ce même Président de la République, celui-là même qui a dissous l'Assemblée nationale il y a déjà un an, reproche aujourd'hui à son propre gouvernement ainsi qu'aux parlementaires qui sont proches de lui les reculs qu'il a lui-même rendus possibles. Depuis Nice, il fustige la destruction des politiques écologiques, qu'il a pourtant laissées s'éroder dans un silence prolongé. Il appelle à maintenir un cap après avoir sabordé la boussole… À l'international, on sermonne ; à domicile, on détricote.
Ma question est simple : quelles mesures concrètes prendrez-vous, ici et maintenant, pour que les classes les plus modestes ne soient plus les variables d'ajustement de votre renoncement écologique, lequel résulte des plus de 1 000 milliards d'euros de dettes dont vous êtes les comptables ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Pierre-Alain Roiron, je vous remercie de votre interpellation, car elle touche en réalité à l'un des engagements les plus importants du Gouvernement. Non, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne recule pas et n'a pas l'intention de le faire. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Mais cette majorité, oui !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Il s'adapte aux réalités, il ajuste ses politiques publiques, qu'il évalue, mais il avance. Il avance résolument vers un modèle sobre en carbone, plus respectueux de la biodiversité, plus en phase avec les réalités économiques et sociales de notre pays.
Mme Laurence Rossignol. Vraiment ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Tous ensemble, nous avons engagé des transformations profondes dans tous les secteurs. Ainsi, dans le domaine des mobilités, nous avons procédé à des investissements sans précédent dans les transports en commun et nous avons favorisé l'essor de la filière électrique en France, avec un plan Vélo massif.
Pour les océans, dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc), nous avons porté haut la voix de la France pour sanctuariser, par exemple, les aires marines protégées. Grâce à notre action, les zones de protection forte sont passées de 0,1 % à plus de 4 % de notre zone économique exclusive. Et ce n'est qu'un début !
Dans le bâtiment, secteur qui représente 10 % de nos émissions de gaz à effet de serre, l'effort est également massif. Cependant, monsieur le sénateur, il doit être maîtrisé pour être soutenable et pérenne au regard de nos finances publiques. C'est la raison des ajustements opérés sur MaPrimeRénov', qui tendent à en assurer l'efficacité, à éviter les abus et à répondre concrètement aux attentes des Français.
S'adapter aux contraintes des Français, c'est non pas renoncer, mais chercher un chemin pour atteindre notre objectif de façon efficace. L'écologie que nous défendons tous ensemble, nous la voulons positive, nous la voulons concrète, nous la voulons ambitieuse et nous la voulons partagée par les Français. C'est une écologie du quotidien, qui protège les plus vulnérables sans faire peser le poids de la transition sur les épaules de ceux qui ont le moins de marge.
Mme Laurence Rossignol. C'est pour la postérité !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. C'est aussi une écologie compétitive pour nos entreprises, pour nos chercheurs, pour nos territoires qui innovent.
La réduction de l'empreinte carbone est non pas un frein, mais une occasion de consommer mieux, de produire autrement et de créer de l'emploi local. Monsieur le sénateur, ce qui est en jeu, c'est la souveraineté, la santé et la prospérité de notre pays.
Nous ne fermons pas les yeux. Personne ne ferme les yeux, ni le président de la République, ni les membres du Gouvernement, ni, je le sais, ceux de cette assemblée. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Michaël Weber. Nous voilà sauvés !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Nous ne nous résignerons pas et, surtout, nous voulons bâtir avec vous un avenir durable pour les Français. (MM. Bernard Buis et François Patriat applaudissent.)
suspension de maprimerenov'
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le ministre, je souhaite sincèrement que vous puissiez me répondre… (Ah ! et sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les Facéties du sapeur Camember sont-elles votre livre de chevet ? En effet, essayer de boucher un trou en en creusant un autre, c'est ce que vous faites en modifiant, pour la quatorzième ou quinzième fois depuis 2020, les règles de MaPrimeRénov', avec l'annonce, la semaine dernière, de sa suspension : certes, peut-être cela permet-il de réaliser des économies budgétaires immédiatement, mais l'on y perdra beaucoup plus demain en mettant à mal toute une filière économique. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce que vous avez présenté comme étant une simple « pause » pour mieux lutter contre les fraudes, mais aussi pour résorber le nombre de dossiers en souffrance, est en réalité dévastateur pour le soutien à la rénovation énergétique à moyen et à long terme. En effet, sans aide de l'État, comment imaginer que nos concitoyens, plus particulièrement les plus modestes d'entre eux, puissent se lancer dans des travaux de rénovation énergétique ? Sans visibilité, comment encourager des artisans à se former et à obtenir le label « reconnu garant de l'environnement » (RGE) ?
Il y a trop d'instabilité, monsieur le ministre. Ainsi, tous se découragent et vont abandonner. Les stop and go successifs sont catastrophiques. Plus personne n'y comprend rien. Les ménages sont perdus. Quant aux artisans et aux professionnels du bâtiment, ils sont réduits à l'immobilisme et suspendus aux annonces d'un ministère qui raisonne en Ubu roi : « Encore une fois, je veux m'enrichir, je ne lâcherai pas un sou. »
Alors, monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il une stratégie économique, écologique et sociale au-delà du projet de loi de finances ? Nos concitoyens et les entreprises peuvent-ils compter sur sa parole pour entreprendre la rénovation de leur logement ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la présidente Dominique Estrosi Sassone, vous avez tenu des propos forts, à l'image de la réaction d'un secteur où l'on s'interroge et où l'on attend des précisions sur les décisions et la trajectoire souhaitées par le Gouvernement.
Je vais m'efforcer de vous répondre précisément, parce que je sais combien votre parole compte sur un sujet sur lequel vous travaillez, à la tête de votre commission, depuis très longtemps.
Comme l'a rappelé Éric Lombard, nous allons continuer, avec volonté et ambition, à mettre en œuvre MaPrimeRénov'. Il est hors de question de mettre fin à ce dispositif. Ainsi, le montant de 3,6 milliards d'euros est celui qui a été voté et qui sera utilisé. Il sera même complété par quelques centaines de millions d'euros au titre des certificats d'économie d'énergie, afin d'être au rendez-vous de la réactivité et de la dynamique imprimées par nos concitoyens, qui ont déposé énormément de dossiers.
Ensuite, comme vous le savez, ce sujet se décompose en trois volets.
Premièrement, les dossiers sont fort nombreux. Leur quantité a ainsi triplé par rapport à la même période l'année dernière. Cet emballement explique le retard pris dans l'instruction, car le personnel n'est pas trois fois plus nombreux.
Deuxièmement, les remontées de terrain font état du fait que la rénovation globale est sujette à de nombreuses fraudes. La proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, présentée par le député Thomas Cazenave et que le Sénat a adoptée, nous donnera des outils pour y travailler.
Troisièmement, nous avons pris du retard du fait du décalage de deux mois du vote du budget. Cela étant, pour nos concitoyens, tous les dossiers déposés d'ici au 1er juillet seront instruits. S'ils sont complets et sans fraude, ils seront financés.
En outre, la semaine prochaine, nous rencontrons tous les représentants des entreprises du secteur du bâtiment. Nous associerons les parlementaires à ces travaux, afin d'examiner les conditions du ralentissement entre le 1er juillet et le 15 septembre. À cette dernière date, nous reprendrons l'instruction des dossiers et le dépôt des dossiers MaPrimeRénov'. Nous déterminerons les conditions d'une plus grande régularité, d'une vitesse plus élevée et d'une meilleure lutte contre la fraude. Cela fera l'objet d'un travail considérable entre les ministères du budget et du logement, pour être au rendez-vous des exigences.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Valérie Létard, ministre. Madame la présidente, nous serons au rendez-vous de ce sujet, qui vous tient à cœur, à vous comme à nos concitoyens. Nous mettrons tout en œuvre pour que le système fonctionne comme il le devrait, et ce dès la rentrée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)
exonération de la taxe sur le foncier non bâti pour les communes rurales
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, quelle ne fut pas la désagréable surprise de nombreux maires ruraux lorsqu'ils ont reçu la notification de leurs ressources fiscales pour 2025, le fameux état 1259 !
Ils ont découvert une baisse importante de leurs recettes fiscales par rapport à 2024, pouvant aller jusqu'à 6 % de la recette fiscale totale de la commune, alors même que les bases d'imposition ont été revalorisées à hauteur de 1,7 %.
Beaucoup d'entre eux ont saisi la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et plusieurs sénateurs nous ont également alertés sur le sujet. Je veux notamment associer à cette question notre collègue Pierre-Antoine Levi, qui dispose d'exemples édifiants dans son département de Tarn-et-Garonne.
L'explication est simple. Le Gouvernement a inscrit dans la loi de finances pour 2025 une exonération supplémentaire de 10 points de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), sans aucune compensation pour les collectivités – du jamais vu !
Pourtant, les ressources fiscales des plus petites communes rurales dépendent parfois à plus de 50 % des recettes collectées sur le foncier non bâti.
Les exonérations, les dégrèvements ou les suppressions de fiscalité ont toujours été compensés au moment de leur adoption, tous gouvernements confondus.
Nous souhaitons non pas remettre en cause cette exonération – il faut la maintenir, d'autant plus qu'elle profite à nos agriculteurs –, mais dénoncer une perte sèche pour les communes rurales.
C'est là une injustice qu'il convient, à mon sens, de réparer. Avez-vous prévu de la corriger, en faveur des collectivités rurales les plus fragiles, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2026 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. André Reichardt applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, le sujet dont vous me saisissez a été soumis à mon attention par plusieurs sénateurs – je pense notamment à Jean-Baptiste Lemoyne – et je l'ai évoqué il y a quelques jours avec l'un de mes collègues du Gouvernement.
Je commencerai par rappeler que, dans le cadre de la loi de finances pour 2025, beaucoup de mesures ont été prises en faveur des agriculteurs. Même si la loi s'applique à la Nation tout entière, elle profitera en particulier aux agriculteurs de votre beau département, le Cantal.
Parmi ces mesures, on peut citer le maintien de l'exonération fiscale sur le gazole non routier, le renforcement de divers mécanismes de déduction, l'épargne de précaution, la constitution de stocks de vaches, les exonérations sur les mécanismes de succession pour les viticulteurs et l'exonération de la taxe foncière sur le foncier non bâti en faveur du secteur agricole, qui a été portée de 20 % à 30 %.
M. François Patriat. Excellentes mesures !
M. Éric Lombard, ministre. Comme vous l'avez justement rappelé, l'exonération de la TFPNB est le fruit des débats qui ont eu lieu dans les deux hémicycles.
Depuis 2006, elle a fait l'objet de compensations au profit des collectivités territoriales. (M. Jean-Baptiste Lemoyne opine.) Or, lorsqu'elle a été réévaluée à hauteur de 30 %, la compensation n'a pas été ajustée. Cela ne correspond pas à volonté du Gouvernement, nous en prenons acte.
Je prends donc l'engagement devant vous, sous le regard du Premier ministre, de corriger l'injustice que vous décrivez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. Nous nous conformerons ainsi à la volonté initiale du législateur.
La ministre des comptes publics, qui n'a pas pu être présente cet après-midi, sera à votre écoute pour préparer ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Bonhomme. Et 2025 ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.
M. Bernard Delcros. Je vous remercie de cette réponse, qui ouvre des perspectives favorables pour le vote du budget pour 2026. Des mesures correctives sont essentielles, notamment pour les petites communes rurales, qui ont peu d'habitants malgré leur grande superficie.
J'insiste, les 10 points d'exonération supplémentaires de TFPNB n'ont donné lieu à aucune compensation, alors que celle-ci est indispensable pour les communes rurales les plus fragiles. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
M. André Reichardt. Très bien !
rapport du conseil d'orientation des retraites et recul de l'âge de départ
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée pour les jeunes pompiers de mon département décédés en début de semaine et pour leurs proches, ainsi que pour l'ensemble des pompiers de France.
Madame la ministre du travail et de l'emploi, dans son rapport annuel qui paraîtra demain, le Conseil d'orientation des retraites (COR) tire à nouveau la sonnette d'alarme : si rien n'est fait, le déficit de notre système de retraite va continuer de s'aggraver inexorablement.
La réforme de 2023, que certains apprentis sorciers voudraient abroger, permettra tout juste de stabiliser le déficit entre 6 milliards et 7 milliards d'euros jusqu'en 2030, puis il s'envolera à 15 milliards d'euros en 2035 et à 30 milliards d'euros en 2045.
Pour éviter la banqueroute, le COR propose plusieurs scenarii, dont les conséquences sont bien connues.
Le premier consiste à baisser les pensions de retraite. Nous nous y refusons, afin de préserver le pouvoir d'achat des retraités.
Le deuxième implique d'augmenter les cotisations versées par les employeurs et les salariés. Là encore, ce scenario est impossible, car il pénaliserait les Français qui travaillent et fragiliserait nos entreprises.
Le troisième suppose de reculer l'âge de départ à la retraite, comme tous les autres pays européens l'ont fait avant nous.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire clairement si vous êtes favorable au relèvement de l'âge de départ à la retraite au-delà de 64 ans ?
Par ailleurs, êtes-vous favorable à l'introduction d'une dose de capitalisation pour compléter le système par répartition ?
Enfin, comptez-vous explorer d'autres pistes pour équilibrer le système de retraite, comme la lutte contre les fraudes ou la nécessaire stimulation de l'emploi des jeunes et des seniors ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice, chère Pascale Gruny, je me garderai de faire des commentaires et des interprétations sur les projections qui ont pu circuler dans la presse ces derniers jours et sur le projet de rapport du COR, qui se fonde précisément sur ces projections.
Chacun pourra prendre connaissance de ce rapport, qui sera présenté aux partenaires sociaux demain.
Ce qui nous importe ici, ce sont les données consolidées et les constats partagés dans des travaux rendus publics, tels que le rapport de la Cour des comptes paru au début de l'année.
Élaboré à la demande du Premier ministre, ce dernier pose un diagnostic absolument incontesté et décrit une trajectoire déficitaire préoccupante, selon les termes mêmes de la Cour des comptes. Ce rapport a permis de poser les bases d'une démarche inédite, à savoir la constitution d'une délégation paritaire permanente sur les retraites.
Celle-ci se réunit chaque semaine autour de quatre piliers : le rapport de la Cour des comptes, la lettre de mission du Premier ministre, qui formule le souhait d'un retour à l'équilibre en 2030, une modélisation que les partenaires sociaux demandent régulièrement aux administrations, et puis, chose qui n'a peut-être pas été suffisamment soulignée, quatre objectifs partagés par les partenaires sociaux.
Ces objectifs sont les suivants : le retour à l'équilibre, la correction de certaines injustices, notamment en matière de pénibilité et de retraite des femmes, la gouvernance, laquelle peut comprendre la capitalisation, et l'effort partagé par tous.
Ce cadre est stable et connu, il n'a pas changé. La phase de négociations proprement dite commence cet après-midi même.
Je veux le réaffirmer devant vous, nous faisons confiance aux partenaires sociaux.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Le Premier ministre fait, autant que moi, confiance aux partenaires sociaux et à leur capacité à trouver ensemble des voies de passage et des compromis de manière apaisée.
Si un accord est trouvé, il sera examiné par le Parlement, conformément à l'engagement du Premier ministre, comme ce fut le cas des accords négociés par les partenaires sociaux sur des sujets qui constituaient une pierre d'achoppement, soit l'assurance chômage et l'emploi des seniors. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre. Bien entendu, nous faisons, nous aussi, confiance aux partenaires sociaux. Toutefois, il y a urgence à agir, pour nos retraités, bien sûr, mais surtout pour nos jeunes, car ce sont eux qui craignent sans cesse de ne pas avoir de retraite.
Je pense qu'ils ont besoin de perspectives. Il est donc très important d'assurer cet équilibre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
centres communaux d'action sociale
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Karine Daniel. Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, les centres communaux d'action sociale (CCAS) sont des acteurs de proximité essentiels qui incarnent la solidarité concrète, accessible et républicaine. Ils sont en première ligne face à la précarité et à l'isolement.
Au détour d'une proposition de loi, vous aviez prévu de rendre optionnels les CCAS dans les communes. Cependant, face à la mobilisation des élus, que je salue, et à son écho médiatique, le Gouvernement semble reculer.
C'est une décision salutaire, mais nous nous interrogeons tout de même sur la méthode. En effet, des amendements ont été introduits par le Gouvernement au cours de l'examen de propositions de loi, sans concertation préalable ni étude d'impact.
Et, comme un amendement peut en cacher un autre, hier soir, vous avez souhaité fragiliser les caisses des écoles et les conseils citoyens.
La mécanique est toujours la même : sous couvert de simplification, vous opérez un processus de recentralisation rampante du pouvoir, au détriment des acteurs locaux. Chaque fois, vous affaiblissez les structures de gouvernance locale partagée, en écartant les habitants et les citoyens.
Cette manière de procéder fragilise l'action publique. Elle la rend illisible, instable, et démobilise les acteurs économiques, les collectivités et les associations.
Les atermoiements récents du Gouvernement concernant le dispositif MaPrimeRénov' en sont, une fois de plus, l'illustration.
Procéder ainsi, au fil des propositions de loi, sans vision globale ni véritable évaluation, affaiblit profondément notre modèle social, démocratique et républicain.
Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer aujourd'hui, devant le Sénat, que vous renoncez à rendre optionnels les CCAS dans les communes ?
Surtout, êtes-vous prêt à construire avec les élus locaux, les associations et les citoyens, des politiques publiques sociales lisibles et partagées ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, je voudrais rétablir la vérité et vous dire les choses le plus clairement possible. L'article 72 de la Constitution dispose que les collectivités, notamment les communes, s'administrent librement.
Or nous nous inscrivons dans une démarche où, au travers de lois de simplification, nous entendons redonner du pouvoir aux communes en les laissant choisir elles-mêmes ce qu'elles veulent faire. C'est cela, la libre administration des communes.
M. François Patriat. Très bien !
M. François Rebsamen, ministre. Aujourd'hui, il y a environ 32 000 communes dans lesquelles la mise en place d'un CCAS est facultative. Doit-on penser que les communes ne s'occupent pas des affaires sociales ? Pour ma part, je ne le crois pas : il s'agit, au contraire, du cœur de leur action.
Contrairement à ce que vous affirmez, jamais nous n'avons déposé d'amendements aux fins de recentraliser le pouvoir dévolu aux collectivités locales. Nous avons plutôt envisagé, en lien avec les élus, dans le cadre de débats sur la simplification, de redonner aux communes la liberté de choisir leur mode de soutien social.
Face à la mauvaise interprétation de l'action du Gouvernement – à laquelle vous vous êtes d'ailleurs livrée, madame la sénatrice –, j'ai dit clairement les choses hier, devant l'Assemblée nationale.
Il est question non pas de supprimer les CCAS, mais de rendre leur liberté aux communes. De toute évidence, nous n'allons pas prendre de mesures pour interdire aux communes de mettre en place ces centres.
Il est assez curieux de voir que le besoin de simplification se heurte au principe de libre administration des communes.
Nous entendons libérer les communes au moyen de la simplification, contrairement à vous, qui souhaitez les contraindre.
M. David Ros. Mauvaise interprétation !
M. François Rebsamen, ministre. Telle est la voie que le Gouvernement s'est engagé à suivre. (M. François Patriat applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour la réplique.
Mme Karine Daniel. Monsieur le ministre, quand autant de personnes comprennent mal simultanément un message, c'est qu'il a probablement été mal formulé.
Par ailleurs, la liberté laissée aux communes pose, à terme, un vrai problème d'équité dans l'accès des citoyennes et des citoyens aux services publics sur l'ensemble de notre territoire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
conclusion de l'accord avec les pays du mercosur
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, la semaine dernière, lors de sa visite d'État, le président brésilien Lula da Silva a exhorté la France à soutenir l'accord signé en décembre 2024 par la Commission européenne et les pays du Mercosur.
Selon lui, cet accord serait la meilleure réponse face au contexte incertain créé par le retour de l'unilatéralisme et du protectionnisme.
C'est une réalité, la guerre tarifaire lancée au reste du monde par l'administration américaine rebat les cartes du commerce mondial. Mais il est une autre réalité, indépendante des velléités du président Trump, sur laquelle nous vous alertons depuis des mois : l'accord actuel est une menace directe pour notre modèle agricole et alimentaire et pour nos agriculteurs.
Face au différentiel de normes entre les deux rives de l'Atlantique, face au gigantesque potentiel de production sud-américain et face aux faiblesses des différents régimes de contrôle, signer cet accord exposerait davantage le producteur à une concurrence déloyale et le consommateur à un type d'alimentation dont nous ne voulons pas.
À plusieurs reprises, le Sénat a exprimé son opposition à l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, notamment en raison de l'absence de clauses miroirs et de la méthode envisagée par la Commission européenne pour sa ratification.
Monsieur le ministre, il y va de la préservation de notre souveraineté alimentaire et du respect de la représentation nationale.
Dès lors, pouvez-vous nous indiquer si le processus de révision de l'accord contient un protocole additionnel permettant d'avoir des clauses miroirs ou de sauvegarde ?
Du reste, quelles sont les actions entreprises par la France pour que les règles de ratification ne soient pas changées en cours de route ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, il est vrai que le regain de tensions commerciales provoqué par la politique conduite outre-Atlantique justifie la nécessité pour l'Union européenne de se doter d'une politique commerciale ambitieuse.
En aucun cas, les agriculteurs français ne doivent être les variables d'ajustement d'une telle politique.
C'est la raison pour laquelle, comme nous l'avons rappelé à de nombreuses reprises, en nous appuyant sur les orientations très claires du Sénat et de l'Assemblée nationale, le Gouvernement reste opposé à cet accord, en l'état.
Lors de la visite de M. Lula da Silva, le Président de la République a rappelé que cet accord, tel qu'il a été négocié par la Commission européenne, exposait les agriculteurs européens et certaines filières françaises à des risques significatifs.
Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à le dire : d'autres pays européens, tels que l'Autriche et la Hongrie, l'ont affirmé publiquement et certains États n'en pensent pas moins.
Par ailleurs, c'est aux États membres qu'il appartiendra de décider de conclure ou non un accord avec le Mercosur. Le Parlement européen devra, lui aussi, se prononcer sur son adoption.
Aujourd'hui, force est de constater que le compte n'y est pas.
Le Président de la République l'a dit, nous pourrions faire évoluer notre position à condition de signer un protocole additionnel.
Celui-ci permettrait d'intégrer à la fois des clauses de sauvegarde, pour prévenir la déstabilisation de certaines filières en cas de perturbation des marchés, et des clauses miroirs empêchant certains produits qui ne respectent pas nos normes d'entrer sur le marché européen.
C'est en ce sens que, sous l'autorité du Premier ministre, Annie Genevard, Laurent Saint-Martin, Benjamin Haddad et moi-même œuvrons sans relâche. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.
M. Jean-Claude Anglars. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je n'ai qu'un mot à ajouter : il faut tenir bon ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
participation de taïwan à l'organisation mondiale de la santé
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, malgré les demandes répétées et variées, Taïwan reste exclue des assemblées de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), d'Interpol et de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
Cette exclusion est incompréhensible. Elle ne repose sur aucun motif sérieux et crédible, mais seulement sur la loi du plus fort, imposée par un État qui n'en fait qu'à sa convenance.
Cette exclusion est d'autant plus incompréhensible que Taïwan est un partenaire loyal et un pays prometteur. C'est une jeune démocratie avec des alternances et des élections sincères, un pays en pointe dans des technologies qui répondent aux problèmes d'approvisionnement, par exemple en matière de semi-conducteurs.
En outre, Taïwan a brillamment surmonté la crise sanitaire, grâce à son expertise reconnue, et a su sortir élégamment du feuilleton anxiogène qui l'a vue naître.
Visiblement, cela ne suffit pas pour qu'elle soit reconnue comme un partenaire normal, dans le cadre des relations internationales.
La France a pourtant des liens forts avec Taïwan. Le 14 janvier 2024, votre ministère avait ainsi déclaré qu'elle était un partenaire important de l'Europe et de la France, notamment dans les domaines économique, culturel, scientifique et technologique.
Prenant au mot votre gouvernement, je vous demande d'appliquer cette déclaration, que vous n'avez pas reniée et qui correspond à la position de notre pays. D'autant que, à l'heure actuelle, nous nous réjouissons que des entreprises taïwanaises choisissent la France pour réaliser leurs investissements.
Nous sollicitons également l'application de la résolution votée ici même, le 6 mai 2021.
Monsieur le ministre, cessons ces fausses pudeurs et rejetons ces chantages et ces mesquineries qui ne font pas honneur à notre diplomatie ni à notre souveraineté. Taïwan ne doit plus être rejetée des instances internationales pour des raisons obscures.
S'inquiéter pour Taïwan, ce n'est pas se soucier d'une île ou d'une région, c'est se soucier de notre pays, de la liberté des mers et de l'équilibre du monde.
Pourquoi avons-nous tant d'hésitations à intégrer Taïwan aux instances internationales, alors qu'il y va de la sécurité mondiale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, la France soutient, dans le respect de sa politique d'« une seule Chine », la participation de Taïwan aux travaux des organisations internationales, lorsque leur statut le permet et quand il y va de l'intérêt collectif de la communauté internationale.
Le mois dernier, devant l'Assemblée mondiale de la santé, le ministre de la santé a rappelé notre soutien à la participation de Taïwan aux travaux de l'OMS en qualité d'observateur.
La France formule cette demande chaque année aux côtés d'un certain nombre d'États, par une lettre commune adressée au directeur général de l'OMS. Entre 2020 et 2024, le nombre de pays qui l'ont signée est passé de quatorze à vingt-sept.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d'actualité au Gouvernement se tiendra le mercredi 18 juin 2025, à quinze heures.
Au préalable, nous recevrons, à quatorze heures, M. Rouslan Stefantchouk, président de la Rada d'Ukraine, qui prononcera un discours dans notre hémicycle. Je compte sur votre présence en nombre pour cette séance exceptionnelle.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt,
est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Alain Marc.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour une mise au point au sujet d'un vote.
Mme Audrey Linkenheld. Lors du scrutin public n° 303 sur l'ensemble de la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile, mon collègue Serge Mérillou souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.
4
Conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (proposition n° 744 [2023-2024], texte de la commission n° 683, rapport n° 682).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi.
Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par le présent texte, je vous propose de rectifier un oubli.
Un article de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a réformé la composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), d'une part, et des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), d'autre part.
Avant l'adoption de cette loi, la composition de ces conseils était fixée par un décret ministériel – le dernier datait du 4 décembre 2013. La composition de ces conseils dépend désormais du législateur et, partant, de débats parlementaires – notre séance de ce jour en est l'illustration –, ce qui constitue un progrès démocratique.
Si la volonté de mieux prendre en compte les besoins des acteurs locaux a de plus présidé à cette réforme, il faut reconnaître qu'elle ne contribue pas à simplifier de futures évolutions de la composition de ces conseils.
Or aux listes établies par le législateur, il manque le représentant du département, qui est l'un des principaux bailleurs de ces conseils. Cette omission a immédiatement été remarquée par le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, Georges Siffredi – je le salue –, qui m'a fait part de son inquiétude. L'action sociale et la politique de prévention de la délinquance relevant des compétences des départements, son inquiétude était bien légitime. En 2024, le département des Hauts-de-Seine a alloué un budget de 1,1 million d'euros au CLSPD du 92, soutenant ainsi 215 actions.
Je tiens à remercier notre collègue Louis Vogel, qui, en sa qualité de rapporteur, a mené un travail très complet sur cette proposition de loi, ainsi que mes collègues de la commission des lois, qui tous ont reconnu qu'il était nécessaire d'ajouter un représentant du département à la composition des CLSPD.
Institués par décret en 2002, les CLSPD sont les héritiers tant des anciens conseils communaux de prévention de la délinquance que des contrats locaux de sécurité. Leur but est de coordonner localement les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance en réunissant l'ensemble des acteurs locaux concernés – élus, représentants de l'État, professionnels du secteur, associations.
Leur rôle me paraît essentiel, en particulier pour prévenir les actes d'incivilité et de violence qui sont hélas ! de plus en plus fréquents dans notre société.
Ces conseils mènent un travail de repérage et de détection des signaux faibles, lequel est essentiel dans la lutte contre les violences urbaines ; M. le rapporteur y reviendra plus longuement.
Si, pour lutter contre toutes les violences, l'intervention des forces de l'ordre reste toujours nécessaire, il en va de même du travail de prévention. J'ai bien sûr à l'esprit les événements liés à la victoire du PSG, mais également le drame survenu hier aux portes d'un collège de Haute-Marne.
Les CLSPD et les CISPD ont toute leur place parmi les outils de prévention. Il convient de les utiliser et de les développer davantage, en y associant tous les acteurs pertinents. Les départements jouent à ce titre un rôle essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Vogel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enjeux de la proposition de loi ayant été très bien présentés par Isabelle Florennes, je serai bref.
Je rejoins pleinement le constat de notre collègue : les conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance constituent des instances précieuses pour nos territoires.
Avant d'en venir à la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui, permettez-moi de rappeler quelques éléments de contexte.
L'institution d'un CLSPD étant obligatoire dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants, on dénombre à ce jour 1 041 CLSPD, contre seulement 301 CISPD, dont la création est facultative.
Les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui président ces instances fixent respectivement la liste des membres des CLSPD et des CISPD, lesquels comportent des membres de droit et des membres facultatifs. Sont membres de droit le préfet, le procureur de la République et, s'agissant du CISPD, le président de l'EPCI.
Les CLSPD et les CISPD peuvent en outre accueillir des membres facultatifs, afin de prendre en compte des spécificités et des objectifs de politique locale. Peuvent ainsi être désignés membres de ces conseils des représentants des services de l'État, des parlementaires, ainsi que des représentants d'associations ou d'organismes pertinents.
Depuis la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, ces règles de composition sont fixées non plus par décret, mais par la loi. Or, dans la loi, les présidents de conseil départemental ne sont plus membres de droit, comme ils l'étaient auparavant.
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui entend revenir sur cette évolution, mes chers collègues. Au terme des travaux que j'ai menés sur ce texte au nom de la commission des lois, je considère que le rétablissement des présidents de conseil départemental en tant que membres de droit de ces conseils serait une très bonne chose, et cela pour deux raisons principales.
En premier lieu, une telle disposition est cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale. La loi prévoit en effet expressément que les actions conduites par les départements concourent à la prévention de la délinquance.
De fait, les politiques menées par les départements dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance (ASE), de la prévention spécialisée, de l'insertion ou encore de la prévention des violences intrafamiliales apportent un complément précieux aux politiques de prévention de la délinquance.
Pour ne prendre qu'un exemple, plusieurs représentants des communes que j'ai entendus ont évoqué les enjeux liés à la lutte contre la prostitution des mineurs, celle-ci étant elle-même liée à la criminalité organisée, dont l'ampleur ne fait que croître dans de nombreux territoires.
Pour endiguer ce phénomène, le concours des compétences sociales du département, notamment au titre de l'aide sociale à l'enfance, est essentiel. La présente proposition de loi doit donc contribuer à asseoir la reconnaissance du rôle des départements, tout en invitant les départements à se saisir pleinement, s'ils ne l'ont pas déjà fait, de leurs compétences en matière de prévention de la délinquance.
En second lieu, cette disposition favorise le développement d'approches partenariales en matière de lutte contre la délinquance.
Les travaux menés par la commission ont mis en évidence l'importance des bonnes pratiques locales. Les auditions des élus de toutes strates et de toutes étiquettes politiques ont démontré un engagement et une expertise forte pour développer collectivement des stratégies locales qui ne sont pas les mêmes selon le territoire. Les contributions que j'ai reçues de la part des municipalités de Bordeaux, de Vernon, de Montpellier, ainsi que des départements du Cher et de la Seine-et-Marne, ont été très éclairantes.
Le département peut jouer un rôle fort utile d'animation territoriale de ces politiques de sécurité, notamment en orientant ses actions de soutien logistique et financier au bénéfice des communes. À titre d'exemple, certains départements consentent aujourd'hui des efforts substantiels pour financer des équipements de vidéoprotection, au bénéfice notamment de communes rurales qui ne pourraient pas les payer elles-mêmes.
L'admission des départements au tour de table permettra donc de les investir pleinement de ce rôle, tout en assurant une meilleure circulation des informations sensibles, notamment des signaux faibles, comme on dit aujourd'hui, dont les services du département sont les premiers avertis, ce qui contribuera à améliorer l'efficacité de la prévention comme de la répression.
Permettez-moi de conclure par une remarque, mes chers collègues. La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui illustre les difficultés auxquelles se heurte le législateur lorsqu'il inscrit dans la loi des dispositions qui relèvent du domaine réglementaire.
Une telle méthode conduit en effet à rigidifier les textes et explique que nous soyons réunis pour changer la composition d'une instance locale ! Il eût été bien préférable de laisser cette disposition dans le domaine réglementaire, car il serait alors bien plus simple de rectifier une erreur ou de remédier à un oubli.
En tout état de cause, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous propose de réparer cette erreur en adoptant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en 2023, près de 180 000 mineurs ont été mis en cause dans les affaires traitées par les parquets.
Si ces mises en cause sont le plus souvent liées à des vols, à des recels et à des coups et violences volontaires, on observe aussi une forte augmentation du nombre de mineurs mis en cause pour des actes plus violents – je ne reviendrai pas sur le drame qui s'est déroulé hier et que chacun connaît.
En 2023, pas moins de 51 % des mineurs mis en cause étant âgés de moins de 16 ans. Force est de constater que les mineurs sont confrontés à la justice de plus en plus tôt dans leur parcours de vie.
Bien sûr, la réponse à ce fait de société ne peut être seulement sécuritaire. Cette dimension est indispensable, certes, mais elle n'est pas suffisante. La prévention de la délinquance exige une mobilisation de tous les acteurs, chacun dans l'exercice de ses compétences. Elle résulte d'une véritable coproduction de sécurité à l'échelon local, dont la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui constitue le socle des politiques de prévention de la délinquance, a fait du maire le pivot.
C'est également un sursaut moral et politique qu'il nous faut provoquer pour retrouver nos repères et redresser les figures d'autorité, notamment l'autorité parentale.
Cette restauration de l'autorité parentale est la pierre angulaire de la prochaine stratégie nationale de prévention de la délinquance, que nous avons élaborée et qui sera prochainement rendue publique. Grâce à elle, nous souhaitons mieux soutenir les parents défaillants, mieux les préparer aux défis de la parentalité et mieux les aider à trouver leur place et à assumer leur rôle.
Cela suppose toutefois de mieux repérer ces parents. Or les départements jouent un rôle central en ce domaine : ils sont compétents pour la protection maternelle et infantile et pour l'aide sociale à l'enfance ; ils connaissent les familles par le biais de l'accompagnement social et de l'insertion et les soutiennent par des actions éducatives, notamment au collège ; ils concourent au repérage, le plus tôt possible, des jeunes qui commencent à glisser, pour éviter que ceux-ci ne sombrent.
Ce repérage précoce des situations problématiques constitue le mur porteur de notre projet. Pour être efficace, il doit être complet et associer au sein des CLSPD et des CISPD tous les acteurs qui concourent à la vie en société de notre jeunesse : le représentant de l'État et le procureur de la République, membres de droit, mais aussi des représentants des forces de l'ordre et des services de l'État compétents, les chefs d'établissement ou encore les acteurs associatifs du territoire.
Seule une action concertée et interministérielle peut permettre de déceler rapidement les signaux faibles de la délinquance, afin d'élaborer une prise en charge adaptée à chaque individu. Il faut donc impérativement, sous peine de rater l'essentiel, sortir de la logique de silo qui a longtemps été la nôtre en matière de prévention.
Les départements concourent également, au titre de l'aide aux communes, au financement de nombreux dispositifs de prévention. Ils sont présents dans nombre de compagnies de gendarmerie départementales et de commissariats de police, par l'intermédiaire d'infirmières placées au plus près des personnes accueillies dans le cadre des violences intrafamiliales – je l'ai encore constaté récemment à l'occasion de mes déplacements sur le terrain.
Cette action concertée entre l'ensemble des acteurs de terrain doit être animée par les élus locaux, qui, parce qu'ils sont en première ligne, connaissent précisément ces familles qui menacent d'imploser et ces jeunes qui risquent d'exploser. À l'avenir, leur rôle devra être conforté. Telle est l'ambition de la stratégie nationale de prévention de la délinquance.
Telle est aussi l'ambition de la proposition portée par Mme la sénatrice Isabelle Florennes, dont je salue l'initiative.
La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui a en effet pour objet de corriger une anomalie, mesdames, messieurs les sénateurs. Depuis la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, texte que je connais bien, les départements n'ont plus de représentants de droit au sein des CLSPD et des CISPD.
S'il est normal que la composition de ces conseils soit adaptée aux besoins particuliers de chaque commune, au regard des compétences des conseils départementaux en matière d'action sociale et de jeunesse, la présence d'un représentant du département au sein de ces conseils paraît nécessaire, et même essentielle. Je pense bien sûr à l'aide sociale à l'enfance, mais aussi à la prévention spécialisée ou encore à la lutte contre les violences intrafamiliales, que je citais précédemment.
En faisant de nouveau du président du conseil départemental un membre de droit des CLSPD et des CISPD, la proposition de loi de la sénatrice Isabelle Florennes apporte un soutien plus que bienvenu à l'ambition que nous portons : rassembler, au sein d'une même instance, tous ceux qui sont au contact des plus jeunes, notamment des plus vulnérables.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement est tout à fait favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite d'être claire : elle répond à une attente légitime des élus pour une meilleure efficacité de l'action publique dans les territoires.
Au sein d'un calendrier parlementaire parfois encombré d'initiatives qui ont été plus ou moins travaillées et dont les effets ont été plus ou moins étudiés, c'est presque une anomalie, mais une anomalie bienvenue ! (Sourires.)
L'objet de la proposition de loi est simple : il s'agit de corriger des modifications apportées par la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, qui a codifié la composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, laquelle relevait précédemment du décret. La liste des membres de ce conseil comprenait alors le président du conseil départemental ou son représentant.
La présente proposition de loi vise donc simplement à rétablir le siège du président du conseil départemental au sein des CLSPD. Les auditions menées par notre commission ont montré que c'était une demande partagée par les élus de tous bords et de tous niveaux d'exercice local.
Les CLSPD et les CISPD, présidés respectivement par le maire de la commune ou le président de l'EPCI, sont des structures de pilotage et de coordination locale. Ces structures comptent des membres de droit et des membres facultatifs nommés en fonction des spécificités locales.
L'auteure de la proposition de loi l'a rappelé lors de son intervention, dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale, le conseil départemental joue un rôle important en matière de prévention de la délinquance, en apportant des moyens tant humains que budgétaires aux conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Le code de l'action sociale et des familles rappelle que le département a une mission de prévention spécialisée et qu'il participe aux actions visant à « prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles ». Cette compétence n'est pas limitée à la délinquance, mais elle s'y applique également.
Les départements et les services de l'ASE qu'ils dirigent doivent retrouver leur place dans les CLSPD, qui sont des lieux d'échange et, souvent, d'expérimentation de différenciation locale.
Notre groupe s'interroge toutefois sur les capacités financières réelles des départements. Ceux-ci ont-ils les moyens d'exercer correctement ces compétences ? Du fait des contraintes budgétaires, les départements ne sont pas à la hauteur, ni pour la protection de l'enfance, ni pour la prévention des violences intrafamiliales, ni même en matière de lutte contre la prostitution des mineurs, qui fait des ravages dans nos territoires. L'ASE est en crise. Notre commission travaillera d'ailleurs prochainement sur ce sujet.
Le rapport récent de la commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance de l'Assemblée nationale souligne les défaillances de la prévention.
Cette commission préconise, dans sa recommandation n° 11, la généralisation des délégués départementaux à la protection de l'enfance par le réarmement des préfectures en personnel expert en protection de l'enfance, et, dans sa recommandation n° 18, l'amélioration de la communication en direction des professionnels de l'ASE et des personnels associatifs sur les instances locales de gouvernance et leur association renforcée à ces instances.
En matière de narcotrafic, le niveau local est le maillon de réflexion essentiel et l'implication des acteurs locaux n'est plus à démontrer. Au reste, dans son rapport intitulé Un Nécessaire Sursaut : sortir du piège du narcotrafic, la commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier prescrivait, dans sa recommandation n° 17, de « dynamiser les instances locales de coordination ».
Les CLSPD constituent des instances de bon niveau pour appréhender les risques locaux et les phénomènes d'exploitation criminelle des mineurs. Notre groupe soutient donc le retour du département à la table des discussions, tout en alertant, comme nous le faisons souvent, sur les difficultés financières que les départements rencontrent pour exercer pleinement leurs compétences.
Lors de l'examen des derniers projets de loi de finances, le groupe écologiste a défendu plusieurs amendements visant à renforcer les moyens budgétaires des CLSPD, car c'est indispensable.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Guy Benarroche. Aussi, tout en restant attentif aux financements qui seront attribués aux CLSPD, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a un objectif simple, qui renvoie à de vastes enjeux de gouvernance locale et de prévention de la délinquance : réintroduire un représentant du conseil départemental parmi les membres de droit des CLSPD et CISPD.
Depuis leur création il y a vingt-trois ans, les 1 041 conseils locaux et les 301 conseils intercommunaux chargés de piloter et de coordonner la politique locale de prévention de la délinquance ont fait la preuve de leur utilité.
Présidés par les exécutifs du bloc communal, les CLSPD permettent de prendre la température de nos territoires, de voir si et où ça coince et, surtout, d'éviter que des situations ne s'embrasent, grâce au concours de l'autorité judiciaire, des forces de sécurité, des acteurs sociaux, des acteurs éducatifs et d'autres intervenants de terrain.
Je ne reviendrai pas sur le débat relatif à la justice des mineurs, même si certains propos que j'ai entendus m'y invitent !
En tout état de cause, jusqu'à la loi du 21 mars 2024, la composition des CLSPD et des CISPD relevait du décret. En réponse à la demande des maires, qui souhaitaient que la présence du procureur de la République aux réunions de ces conseils devienne obligatoire, leur composition a été relevée au niveau législatif.
Tout en souscrivant aux raisons d'un tel relèvement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait d'emblée alerté sur la rigidification qu'emporterait ce rehaussement législatif. Nous y voilà, mes chers collègues ! Du fait du regrettable oubli des présidents de conseil départemental parmi la liste des membres de droit des CLSPD lors du passage du décret à la loi, un an après, nous sommes contraints de légiférer de nouveau pour corriger une simple erreur matérielle.
Comme cela a été dit, cette erreur ne reflète nullement l'intention du législateur. Chacun ici admet en effet que les départements sont des acteurs essentiels de la prévention de la délinquance.
Le code de la sécurité intérieure indique explicitement que l'action sociale des départements concourt à cette politique. Aide sociale à l'enfance, lutte contre les violences intrafamiliales, prévention spécialisée, insertion : autant de domaines dans lesquels les départements agissent directement et par le biais desquels ils contribuent à identifier de possibles signes de dérapage, voire de délinquance, et, heureusement, à empêcher des passages à l'acte.
L'exclusion formelle des départements ne peut donc que nuire à la cohérence des politiques publiques. Il est opportun que cette proposition de loi se propose de remédier à cette exclusion en réintégrant le président du conseil départemental ou son représentant parmi les membres de droit des CLSPD.
Ayant en tête les observations initiales des maires sur l'organisation des réunions et le quorum qui doit être atteint, notre groupe a déposé un amendement visant à conserver de la souplesse quant à la participation du représentant du département aux réunions du CLSPD. Selon nous, une telle disposition permettrait de concilier de manière pragmatique la reconnaissance du rôle des départements et les contraintes de fonctionnement d'une instance dont les nombreux participants ont des agendas chargés.
Malgré le rejet de notre proposition en commission, nous tenterons à nouveau de vous convaincre en séance publique, en plaidant que la présence des représentants départementaux doit s'inscrire dans une logique non pas de blocage, mais de coopération, mes chers collègues.
Au-delà des compétences légales des départements, nous estimons en effet que leur participation aux CLSPD est d'autant plus intéressante si elle contribue à conforter une approche partenariale de la politique de prévention de la délinquance, partenariat qui sert le bloc communal autant que le bloc départemental.
Plus de prévention partagée en amont, c'est en effet moins de délinquance, mais aussi moins de dépenses sociales associées et, partant, de la ressource financière disponible pour d'autres objectifs sociaux.
En tout état de cause, nous sommes d'accord sur l'essentiel : permettre aux départements de retrouver leur place dans la coordination des politiques locales de prévention de la délinquance et dans les instances qui en sont chargées. Pour cette raison, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen de ce texte, je souhaite attirer votre attention sur l'état sécuritaire actuel de notre pays, lequel ne cesse de se détériorer.
En 2024, dans notre pays, on recensait chaque jour 330 vols avec arme à feu, 600 cambriolages, 3 homicides volontaires et plus d'un millier d'agressions, pour ne citer qu'un échantillon de ce que subissent nos citoyens partout sur le territoire.
Cette inflation des actes de délinquance ne paraît pas près de fléchir. Dans le département dont je suis élu, le Nord, particulièrement touché par l'augmentation de la délinquance, le constat de l'échec de la politique de votre gouvernement est alarmant, monsieur le ministre : avec deux fois plus de tentatives d'homicide et un accroissement de presque huit points des violences sexuelles en seulement un an, la situation n'est plus supportable.
Dernièrement encore, la ville de Denain, dont je suis également l'élu, a fait la une de l'actualité, car l'insécurité, permanente, y est l'œuvre non pas seulement de deux petits voyous, mais de délinquants poussés à l'ultra-violence par un laxisme sécuritaire et judiciaire.
Il est donc nécessaire de redonner à nos collectivités les moyens de réellement agir. Cette proposition de loi, que nous soutiendrons, vise à réparer l'erreur de la réforme de mars 2024, qui, en retirant les présidents de conseil départemental des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance, a affaibli une chaîne de coordination pourtant essentielle.
Les départements agissent au plus près des habitants. Ils sont des piliers des politiques sociales, donc des acteurs centraux pour lutter efficacement contre la délinquance. Leurs compétences en matière de protection de l'enfance, de prévention spécialisée, d'insertion ou encore de lutte contre les violences intrafamiliales sont directement mobilisables dans ce cadre.
Chaque année, les départements gèrent plus de 8 milliards d'euros de dépenses au titre de l'action sociale. Quelque 80 % des départements participent aujourd'hui au financement des dispositifs de vidéoprotection sur leur territoire. C'est dire l'ampleur de leur soutien logistique et financier.
Les présidents de conseil départemental doivent être non pas de simples spectateurs, mais aussi, et surtout, des acteurs à part entière de la stratégie de prévention.
Cette proposition de loi constitue un levier concret pour faire face à l'insécurité croissante, que tous les élus de terrain et tous les habitants ne connaissent que trop bien. Comme Marine Le Pen, qui le dénonce depuis plus de vingt ans, je sais à quel point nos territoires sont gangrenés par une délinquance qui ne connaît pas les frontières de nos communes.
Cette proposition de loi va dans le sens de ce que nous avons toujours défendu : une protection accrue des Français, plus cohérente et plus proche du terrain. Nous voterons donc ce texte, mais nous appelons à aller plus loin, en donnant aux collectivités locales les moyens d'agir réellement, et, surtout, en assurant une plus grande fermeté de la part de la justice.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des objectifs de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux était d'aider les acteurs judiciaires et étatiques à mieux appréhender la réalité des mandats électifs locaux.
À cet effet, il avait été procédé à une modification de la composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance par la réécriture des articles L. 132-4 et L. 132-13 du code de la sécurité intérieure. La composition des CLSPD relevait alors d'un décret, dont le dernier, entré en vigueur le 1er janvier 2014, incluait le président du conseil départemental ou son représentant.
Dans la nouvelle version des articles susvisés, le président du conseil départemental et son représentant ne figurent plus dans la liste des membres de droit, ni des CLSPD ni des CISPD. La présente proposition de loi de notre collègue Isabelle Florennes tend à corriger ces erreurs. Au regard du rôle essentiel des conseils départementaux, chefs de file de l'action sociale, et de leur implication dans la politique de prévention de la délinquance, une telle correction est indispensable.
Dans le prolongement de cette logique d'ouverture, permettez-moi d'attirer votre attention sur l'amendement n° 2 rectifié bis, qui vise à corriger une autre restriction introduite par la loi du 21 mars dernier, laquelle limite aujourd'hui la participation des communes tierces au CLSPD, en conditionnant celle-ci à la population des communes tierces, qui doit se situer en deçà d'un seuil de 5 000 habitants, ainsi qu'à un critère de proximité géographique.
En clair, une commune de 6 000 habitants voisine de celle du CSPD, mais non limitrophe, confrontée aux mêmes questions de délinquance, se retrouve exclue des travaux communs.
Cet amendement tend à permettre aux CSPD d'associer, en tant que de besoin, les communes intéressées. Si leur participation resterait bien entendu facultative, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, elle permettrait de mieux adapter l'action locale aux réalités du terrain.
Enfin, je me réjouis que la commission ait adopté cette proposition de loi sans modification et salue la qualité des travaux du rapporteur Louis Vogel.
Vous l'aurez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Louis Vogel, qui est aussi professeur de droit, je me suis tout d'abord demandé si la mesure dont nous discutons n'aurait pas pu être prise par voie réglementaire. Le débat entre loi et règlement est décidément sans fin. D'un côté, la loi semble devoir tout régler ; de l'autre, on l'accuse d'être bavarde… Quoi qu'il en soit, il nous appartient de légiférer.
L'examen de cette proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance est l'occasion d'évoquer ces instances dont l'importance pour nos territoires est démontrée par l'unanimité qui semble se dessiner sur ce texte.
Ces conseils sont l'une des incarnations du combat que nous menons au Sénat pour faire confiance aux territoires et à leurs élus. Ils représentent un échelon nécessaire de la gestion sécuritaire de notre pays, car ils réunissent autour d'une même table les représentants de l'État, ceux des collectivités et les partenaires concernés, selon des modalités propres au territoire en question.
En effet, qui connaît mieux qu'un élu local les réalités de son territoire ? Qui mieux que le maire sait dans quelle rue ou sur quelle place de sa commune sont régulièrement présents les fauteurs de troubles ?
Voilà pourquoi les CLSPD et les CISPD sont utiles. Au reste, les représentants de l'État saluent régulièrement leur valeur. Ils sont un bel exemple de réussite de notre pays en matière sécuritaire, dont il nous faut nous inspirer pour développer ce type de format.
Les violences qui ont éclaté encore récemment nous rappellent que nous, parlementaires, élus locaux et services de l'État, nous devons poursuivre collectivement nos efforts pour assurer la sécurité de tous sur l'ensemble du territoire.
Puisque tel est l'objet du texte qui nous réunit aujourd'hui, je tiens à rappeler le rôle que jouent les départements dans la prévention de la délinquance. Chacun ici le sait, l'étendue des compétences des départements est trop souvent méconnue de nos concitoyens, alors que celles-ci sont essentielles au fonctionnement de notre pays.
Elles incluent la prévention spécialisée, qui consiste par exemple à financer des postes d'éducateurs de rue. Ces derniers accompagnent des jeunes dans leurs quartiers et constituent un maillon clé de la lutte contre la marginalisation. Ils représentent également une courroie de transmission pour faire remonter les problèmes qu'ils rencontrent dans les quartiers à l'échelon départemental. Ce faisant, ils nous offrent une connaissance plus fine de nos territoires, en complémentarité avec les communes.
Ce rôle auprès de la jeunesse est d'autant plus crucial à l'heure où les épisodes de violences sont, malheureusement, souvent le fait de personnes très jeunes. De plus, les chiffres de plus en plus préoccupants sur la prostitution des mineurs dans notre pays doivent nous pousser à tout mettre en œuvre pour lutter contre ce fléau dont les jeunes sont les premières victimes.
Les compétences des départements recouvrent également la sécurité des collèges, ou encore la lutte contre les violences faites aux femmes.
De fait, les départements participent donc déjà indéniablement à l'élaboration collective des politiques de sécurité et de prévention de la délinquance. Les représentants des départements au sein des CLSPD et des CISPD se réjouissent d'ailleurs bien souvent de leur participation à ces instances, qui permettent aux acteurs locaux de mutualiser leurs forces et d'échanger un certain nombre d'informations.
Pour l'ensemble de ces raisons, il me paraît bien évidemment naturel de soutenir cette proposition de loi, dont l'article unique redonne au conseil départemental une place de membre de droit au sein des CLSPD et des CISPD. En effet, cette disposition est pleinement cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale, notamment l'ASE.
De plus, comme le souligne Louis Vogel dans son rapport, elle renforce le développement d'approches partenariales et territoriales des politiques publiques de prévention de la délinquance. J'en profite, monsieur le rapporteur, pour vous remercier de votre travail.
Je félicite également Mme Isabelle Florennes. En déposant cette proposition de loi, ma chère collègue, vous avez encore une fois rappelé que le Sénat restait présent, jusque dans les moindres détails, aux côtés des collectivités territoriales.
Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, nous soutenons ce texte et voterons en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch.
M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les faits de violence et d'incivilité se multiplient dans nos villes comme dans nos campagnes. En première ligne face à cette insécurité grandissante, nos élus locaux assument un rôle essentiel, dans des conditions de plus en plus difficiles.
La délinquance n'épargne aucun territoire. La lutte contre cette dernière est un combat commun, qui exige la mobilisation de toutes nos forces. Je remercie donc ma collègue Isabelle Florennes de cette initiative législative bienvenue.
Depuis 2002, les conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance jouent un rôle essentiel dans la coordination et le pilotage des actions. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, ces conseils permettent de fédérer les acteurs locaux autour d'une même table, pour construire une réponse adaptée aux réalités du terrain.
Or, depuis l'an dernier, un acteur central de cette lutte en a été écarté : le département. Le président du conseil départemental, qui était depuis 2002 membre de droit des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, a été privé de cette qualité par la réforme de 2024.
Aussi la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a-t-elle pour objet de réintégrer pleinement le président du département dans ces instances, en rétablissant son statut de membre de droit.
Ce texte ne bouleverse pas l'équilibre de ces conseils ; il le restaure en opérant un réajustement tenant compte des compétences des départements en matière d'action sociale. En effet, les travaux de notre rapporteur ont mis en lumière de nombreux exemples locaux illustrant le rôle clé des présidents de département.
Au travers de leurs politiques en matière d'aide sociale à l'enfance, de prévention spécialisée, d'insertion ou encore de lutte contre les violences intrafamiliales, les départements apportent une contribution utile et nécessaire à l'élaboration de stratégies de lutte contre la délinquance. À titre d'exemple, le phénomène préoccupant de la prostitution des mineurs, en nette progression dans plusieurs de nos territoires, est lié à la criminalité organisée.
En ce sens, la proposition de loi ne se contente pas de constater un état de fait ; elle reconnaît formellement le rôle des départements et les encourage à pleinement s'investir dans ce domaine.
L'objectif est également de renforcer les logiques de partenariat qui fondent toute politique efficace en matière de prévention. Au-delà de ses missions sociales, le département peut jouer un rôle moteur, en animant les dynamiques locales, en soutenant les communes du point de vue financier ou matériel et en orientant ses priorités au service de la sécurité.
Ces partenariats offrent déjà des résultats : certains départements cofinancent des équipements de vidéoprotection, notamment au bénéfice des communes rurales.
Enfin, redonner aux départements un siège autour de la table favorise un meilleur partage de l'information. Les politiques de l'aide sociale à l'enfance ou de prévention spécialisée permettent souvent de repérer des signaux faibles, qui, bien analysés, peuvent être déterminants pour les maires et les forces de sécurité, notamment en matière de lutte contre la radicalisation.
Cette proposition de loi a donc un objectif clair : réaffirmer la place du département dans la lutte contre la délinquance et l'insécurité. Nous ne saurions envisager sérieusement une politique locale de sécurité qui n'impliquerait pas tous les acteurs territoriaux. C'est une question d'efficacité, mais aussi de cohérence, au service de la protection de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d'emblée, cette proposition de loi est cohérente et fait consensus. Son examen est l'occasion de rappeler que le département est au cœur des politiques publiques contribuant à la sécurité du quotidien.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nos objectifs en matière de sécurité n'appellent pas seulement une réponse répressive, bien au contraire, car notre droit pénal libéral comme notre modèle de solidarité républicaine plaident pour que priment les solutions sociales.
Je parle de solutions sociales, parce que l'ensemble des membres de la société doit contribuer à sortir les individus du cercle pernicieux de la délinquance, mais également parce que l'on sait l'influence des conditions socioéconomiques sur cette dernière.
Les politiques publiques des collectivités concourent pleinement à la mise en œuvre de ces solutions. C'est pourquoi cette proposition de loi réintègre le président du conseil départemental comme membre de droit au sein des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Le travail du rapporteur Louis Vogel, que je remercie, a mis en lumière une réalité de nos territoires : le département conduit les politiques publiques relatives à l'aide sociale à l'enfance (ASE), à la prévention spécialisée, à l'insertion sociale et professionnelle ou encore à la prévention des violences intrafamiliales. En cela, il constitue un maillon essentiel de la prévention de la délinquance et donc un interlocuteur privilégié en la matière.
Le législateur doit donc refaire ce qu'il a défait il y a quelques mois, car, avouons-le, l'adoption en mars 2024 de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a conduit à une incohérence. En effet, nous avons privé le conseil départemental de sa qualité de membre de droit des conseils mentionnés, alors que le code de la sécurité intérieure dispose expressément que cette institution « concourt aux actions de prévention de la délinquance dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale ».
Aussi, mes chers collègues, je me satisfais que le Sénat se soit saisi de cette question par le biais d'un texte simple, mais concret, répondant aux attentes des acteurs de terrain.
Le groupe RDSE votera cette proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)
Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prévention de la délinquance est une mission essentielle, qui nécessite une approche concertée et inclusive.
Les conseils locaux et intercommunaux jouent un rôle clé dans cette démarche, en réunissant les acteurs locaux autour d'objectifs communs. Ces instances ont été créées en 2002 pour renforcer la coordination et le pilotage des politiques locales de prévention de la délinquance. Depuis lors, elles ont évolué pour s'adapter aux besoins changeants de nos territoires et aux nouvelles formes de délinquance.
La proposition de loi déposée le 25 juillet 2024 par notre collègue Isabelle Florennes, que je remercie de cette bonne initiative, rétablit les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit de ces conseils. Une telle mesure, jugée pleinement opportune par la commission des lois et son rapporteur Louis Vogel, que je salue, est essentielle pour renforcer l'efficacité de ces instances.
Les CLSPD, présidés par les maires, sont obligatoires dans les communes de plus de 5 000 habitants. La loi prévoit également la possibilité d'instituer un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, présidé par le président d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). À l'heure actuelle, il existe 1 041 CLSPD et 301 CISPD. Ces chiffres illustrent l'importance et l'étendue de ces instances sur notre territoire.
Historiquement, la composition de ces conseils a toujours été un sujet de débat et fait l'objet d'adaptations. Initialement fixée par voie réglementaire, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux en a fait une disposition législative. Mais, ce faisant, elle a retiré les présidents de conseil départemental de la liste des membres de droit.
La proposition de loi que nous examinons a pour objet de revenir sur cette évolution. Ce rétablissement est cohérent avec les compétences des départements en matière d'action sociale, ceux-ci concourant directement à la prévention de la délinquance.
En effet, les départements jouent un rôle crucial dans des domaines tels que l'aide sociale à l'enfance, la prévention spécialisée, l'insertion et la prévention des violences intrafamiliales. Leur participation active aux CLSPD et CISPD permet une approche plus complète et intégrée de la prévention de la délinquance. Par exemple, la lutte contre la prostitution de mineurs, un phénomène en hausse lié à la criminalité organisée, nécessite une coordination étroite entre les différents acteurs locaux et départementaux.
De plus, cette mesure favorise le développement des approches partenariales de la politique de prévention de la délinquance.
Les départements peuvent jouer un rôle précieux dans l'animation de cette politique, notamment en orientant leur soutien logistique et financier aux communes. Certains d'entre eux financent déjà des équipements de vidéoprotection, notamment en faveur des communes rurales.
En outre, l'intégration des départements renforce la circulation des informations pertinentes, ce qui est essentiel pour les maires et les forces de sécurité intérieure.
Pour toutes ces raisons, le groupe UC soutient évidemment cette excellente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons rétablit les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance.
Ces instances œuvrent à la coordination et au pilotage des politiques locales de prévention de la délinquance. Sont membres de droit le maire ou le président de l'EPCI, le représentant de l'État et le procureur de la République. En parallèle, des membres facultatifs peuvent également être désignés, tels que des représentants de services de l'État compétents, des parlementaires et des représentants d'associations, d'établissements ou d'organismes divers.
La diversité de ces acteurs favorise la conduite des politiques locales de prévention de la délinquance. C'est pourquoi le groupe CRCE-K estime nécessaire de réintroduire le département au sein de ces conseils. L'en retirer par la loi du 21 mars 2024 était une erreur.
Au regard des compétences qu'ils exercent, nos départements ont en effet un rôle essentiel à jouer en matière de prévention de la délinquance. Je pense notamment aux politiques publiques qu'ils mènent dans le domaine de l'action sociale, sur la question de l'aide sociale à l'enfance, de l'insertion, ou encore de la prévention des violences intrafamiliales.
Je souhaite profiter de cette tribune pour rappeler que nos départements doivent être accompagnés dans leurs missions, notamment celles qui relèvent de l'action sociale. Car, si nous ne luttons pas activement contre la précarité, pour l'insertion et pour protéger les enfants qui nous sont confiés, la lutte contre la délinquance sera vaine.
Pourtant, budget après budget, nos départements sont laissés sur le carreau, et les personnes qu'ils accompagnent sont plongées dans la misère.
À titre d'exemple, en 2024, dans mon département du Nord, 22 826 enfants faisaient l'objet d'une mesure d'aide sociale à l'enfance, dont près de 12 000 placements. Ce sont autant d'enfants confiés que dans la Seine-Saint-Denis et le Pas-de-Calais réunis !
Pourtant, les moyens sont bien loin d'être au rendez-vous : alors que nous accueillions plus de 6 % des enfants placés de France, nous ne recevons que 3,6 millions d'euros des 115 millions d'euros mobilisés par l'État, au lieu des 7,2 millions auxquels nous pourrions prétendre.
Ainsi, mes chers collègues, si nous voterons bien sûr ce texte, nous attendons beaucoup plus. Nous réclamons des moyens substantiels pour que nos départements puissent mener à bien leurs missions et conduire de réelles politiques sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance
Article unique
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après le 2° de l'article L. 132-4, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Le président du conseil départemental ou son représentant ; »
2° Après le 2° du II de l'article L. 132-13, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Le président du conseil départemental ou son représentant. »
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme Lermytte, MM. Wattebled et Laménie, Mme L. Darcos et MM. V. Louault, Grand, Chasseing et Brault, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...°Au treizième alinéa de l'article L. 132-4, les mots : « les maires des communes limitrophes de moins de 5 000 habitants ou leurs représentants » sont remplacés par les mots : « des maires des communes » ;
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Cet amendement tend à modifier les possibilités de participation des communes tierces aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance introduites par l'article 16 de la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024, en supprimant la restriction liée au seuil de 5 000 habitants.
En effet, cette disposition a eu pour effet d'interdire la participation au CLSPD des communes comptant plus de 5 000 habitants ou non limitrophes, ce qui constitue une contrainte potentielle au regard des circonstances locales.
En matière de prévention de la délinquance, il est important de préserver une certaine souplesse d'organisation locale et de favoriser le partage des diagnostics et des bonnes pratiques entre collectivités intéressées.
Selon l'article L. 132-13 du code de la sécurité intérieure, la participation d'une commune tierce à un CLSPD est, en tout état de cause, facultative. Elle s'exerce « en tant que de besoin et selon les particularités locales » et ne peut être imposée en vertu du principe constitutionnel de non-tutelle des collectivités locales entre elles.
Il apparaît donc opportun d'ouvrir à nouveau cette possibilité aux maires dans le pilotage de leur CLSPD.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Vogel, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les possibilités, pour un CLSPD, d'associer les maires de communes tierces à ses travaux, sans limites, ce qui me semble tout à fait justifié.
La loi du 21 mars 2024 a introduit deux restrictions : la commune tierce doit être limitrophe et compter moins de 5 000 habitants. Or aucune raison ne justifie de limiter à certaines communes la possibilité d'être consultées par le président du CLSPD.
La commission émet donc un avis tout à fait favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Cet amendement tend à allier flexibilité et démarche partenariale, ce qui est parfait.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Linkenheld, MM. Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le dernier alinéa de l'article L. 132-4 est complété par les mots : « mentionnés aux 1° et 2° » ;
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Le dernier alinéa du II de l'article L. 132-13 est complété par les mots : « mentionnés aux 1° et 2° ».
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Vogel, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Madame la sénatrice, le Gouvernement ne saurait être favorable à un tel amendement.
Le président du département doit évidemment être membre de droit des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance, à l'instar du procureur de la République. S'il n'était pas en mesure de se rendre à une réunion, son suppléant pourrait l'y représenter.
Pour ne pas vous être désagréable, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat sur cet amendement. (Sourires.)
Mme Michelle Gréaume. C'est gentil !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi.
Je rappelle que le vote sur l'article vaudra vote sur l'ensemble de la proposition de loi.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.
Conclusions de la conférence des présidents
Jeudi 12 juin 2025
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone (texte de la commission n° 687, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 11 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 juin à 15 heures
- Proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par Mme Florence Blatrix Contat et plusieurs de ses collègues (texte n° 421, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 11 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 juin à 15 heures
À l'issue de l'espace réservé au groupe SER et au plus tard de 16 heures à 20 heures
(Ordre du jour réservé au GEST)
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches (texte n° 380, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 11 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 juin à 15 heures
- Proposition de loi visant à mieux protéger les écosystèmes marins, présentée par Mme Mathilde Ollivier et plusieurs de ses collègues (texte n° 492, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 11 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 juin à 15 heures
À l'issue de l'espace réservé au GEST et le soir
- Suite de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, présentée par M. Jean-François Husson et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 696, 2024-2025) (demande de la commission des finances)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 17 juin 2025
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de simplification du droit de l'urbanisme et du logement (texte de la commission n° 694, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 30 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 12 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 juin en début d'après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 juin à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation (texte de la commission n° 713, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 10 juin après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 juin après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 juin à 15 heures
Mercredi 18 juin 2025
À 14 heures
- Allocution de M. Rouslan Stefantchouk, Président de la Rada d'Ukraine
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 18 juin à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation (texte de la commission n° 713, 2024-2025)
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé (texte de la commission n° 639, 2024-2025)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu'un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 17 juin à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles (texte de la commission n° 732, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 juin à 15 heures
- Proposition de loi élargissant la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports, présentée par Mme Nadège Havet, MM. Michel Canévet et Yves Bleunven (procédure accélérée ; texte de la commission n° 722, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 juin à 15 heures
Jeudi 19 juin 2025
À 10 h 30 et l'après-midi
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur (texte de la commission n° 657, 2024-2025)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu'un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 18 juin à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers (texte de la commission n° 726, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 juin à 15 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi sur la profession d'infirmier (texte de la commission n° 680, 2024-2025)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu'un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 18 juin à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail (texte de la commission n° 717, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 10 juin après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 juin à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 23 juin 2025
À 16 heures et le soir
- trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname (procédure accélérée ; texte n° 553, 2024-2025)
=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre sur la coopération lors des opérations d'évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre dans le cadre d'une situation de crise (procédure accélérée ; texte de la commission n° 728, 2024-2025)
=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 28 mai 1996 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Brésil (procédure accéléré ; texte n° 629, 2024-2025)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : jeudi 19 juin à 15 heures
- Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 (texte n° 718, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 18 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 23 juin à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 23 juin en début d'après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 20 juin à 15 heures
- Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024 (texte n° 729, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 18 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 23 juin à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 23 juin après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 20 juin à 15 heures
Mardi 24 juin 2025
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 734, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires sociales et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 19 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 24 juin en début d'après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 23 juin à 15 heures
Mercredi 25 juin 2025
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 25 juin à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2025
• Intervention liminaire du Gouvernement
• 4 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur des commissions et des groupes pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l'orateur de répliquer pendant 1 minute
• Conclusion par la commission des affaires européennes : 4 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 24 juin à 15 heures
- Suite du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 (procédure accélérée ; texte n° 630, 2024-2025)
Éventuellement, jeudi 26 juin 2025
À 10 h 30 et l'après-midi
- Suite du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 (procédure accélérée ; texte n° 630, 2024-2025)
SESSION EXTRAORDINAIRE 2024-2025
ORDRE DU JOUR CONDITIONNEL ET PRÉVISIONNEL DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE JUILLET 2025
(sous réserve de la publication du décret du Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire)
Mardi 1er juillet 2025
À 14 h 30 et le soir
- Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière (texte n° 681, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 26 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 1er juillet après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 juin à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme (texte n° 519, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 1er juillet après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 juin à 15 heures
Mercredi 2 juillet 2025
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 2 juillet à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme (texte n° 519, 2024-2025)
- Proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (texte n° 300, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 2 juillet matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 1er juillet à 15 heures
Jeudi 3 juillet 2025
À 10 h 30 et l'après-midi
- Éventuellement, suite de la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (texte n° 300, 2024-2025)
- Proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai, présentée par Mme Annick Billon, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée ; texte n° 550, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 2 juillet matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 2 juillet à 15 heures
- Proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental, présentée par Mme Nadège Havet (procédure accélérée ; texte n° 475, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 2 juillet matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 2 juillet à 15 heures
Mardi 8 juillet 2025
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive (texte A.N. n° 1148)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 juillet matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 8 juillet après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 7 juillet à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie (texte A.N. n° 463)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 juillet matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 8 juillet après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 7 juillet à 15 heures
Mercredi 9 juillet 2025
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 9 juillet à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie (texte A.N., n° 463)
Jeudi 10 juillet 2025
À 10 h 30 et l'après-midi
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte
Ces textes feront l'objet d'explications de vote communes.
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu'un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 9 juillet à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie (texte A.N., n° 463)
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Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), présentée par Mme Anne Chain-Larché, M. Pierre Cuypers et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 416, texte de la commission n° 664, rapport n° 663, avis n° 659).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne Chain-Larché, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à représenter des territoires qui ont été durement frappés, parfois à plusieurs reprises, par des inondations.
Ces épisodes météorologiques de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses ont des conséquences humaines, économiques et environnementales chaque fois plus lourdes. Mon département de Seine-et-Marne en offre un exemple, mais je pourrais aussi citer le Var, les Bouches-du-Rhône, le Pas-de-Calais, les Landes ou le Gers, pour ne citer que les cas les plus récents.
Ces catastrophes ne sont plus exceptionnelles : elles sont devenues structurelles. Elles bouleversent la vie de nos concitoyens, détruisent des infrastructures, paralysent l'activité locale et mettent à rude épreuve nos territoires et les élus locaux, qui restent désemparés.
L'État, les régions et les départements volent régulièrement au secours des collectivités en cas de sinistre. Aujourd'hui, il est l'heure de s'attaquer aux causes, plutôt qu'aux conséquences.
Force est de constater que l'organisation actuelle de la gestion des risques d'inondations a atteint ses limites. La répartition de la compétence Gemapi a été une avancée, mais elle reste encore aujourd'hui mal comprise et inégalement exercée. Elle peut être vécue comme une contrainte par des collectivités qui attendent plus de solidarité.
Les élus de terrain nous le disent : face à ce fléau, ils se sentent seuls et bien démunis devant de telles responsabilités, qui sont lourdes sur les plans tant technique que juridique, alors même qu'ils ne disposent pas des moyens humains, financiers et logistiques nécessaires. Ils demandent plus de clarté, de cohérence et de souplesse pour adapter les réponses à la réalité de leur territoire. C'est pourquoi il nous a semblé utile de faire évoluer la législation en vigueur.
Avec mon collègue Pierre Cuypers, je présente aujourd'hui une proposition de loi composée de quatre articles.
L'article 1er donne la possibilité aux intercommunalités de déléguer, avec l'accord des communes membres, tout ou partie de la compétence Gemapi aux conseils départementaux, redonnant ainsi une capacité d'action directe aux départements en matière de Gemapi, capacité supprimée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam.
Cet article ne bouleverse pas l'architecture des compétences ; il ouvre simplement une nouvelle porte vers une meilleure coopération, une plus grande subsidiarité et une mobilisation plus efficace des moyens et des expertises. Une porte que les collectivités concernées ne seront pas obligées d'ouvrir, et c'est là la force de cet article : ni contrainte ni obligation !
L'article 2, dont Pierre Cuypers vous parlera plus en détail, mes chers collègues, a pour objet d'ajuster le périmètre de la gestion des eaux pluviales urbaines, en y plaçant de manière explicite le ruissellement et l'érosion des sols, dès lors qu'il existe un lien avec la prévention des inondations. Là encore, il s'agit d'une demande forte des élus locaux.
L'article 2 bis permet aux communes de conventionner avec les départements pour obtenir une assistance technique dans la lutte contre le ruissellement.
Enfin, l'article 3 prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport sur la taxe Gemapi contenant des propositions en vue de la constitution d'un fonds de péréquation pour réduire les inégalités entre intercommunalités à l'échelle des bassins versants. C'est bien là que se situe l'enjeu : donner davantage de moyens aux territoires les plus touchés sans augmenter encore la pression fiscale des ménages qui y résident.
Avec mon collègue Pierre Cuypers, j'ai conscience que cette proposition de loi est une première étape. C'est ce qui a été rappelé en commission.
Le moment est venu pour moi de saluer le travail du rapporteur de la commission des lois, Hervé Reynaud, et du rapporteur pour avis de la commission des finances, Laurent Somon.
Ce texte est une première pierre que nous posons aujourd'hui ensemble pour bâtir, dans les mois à venir, une politique de prévention des inondations plus opérationnelle et mieux adaptée aux réalités locales. Tel est l'objet de la mission d'information flash relative à la compétence de gestion de l'eau et des milieux aquatiques, conduite depuis plus d'un an par nos collègues Rémy Pointereau, Hervé Gillé et Jean-Yves Roux, dont je salue le travail, qui devrait aboutir, à l'automne prochain, à un texte complémentaire.
Cette proposition de loi est un texte de liberté et de confiance envers nos élus locaux, que nous rendons maîtres de leurs choix. Elle est l'occasion d'ouvrir un débat sur la nécessaire solidarité des territoires pour mener une politique ambitieuse en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord saluer le travail mené en commission et remercier tout particulièrement nos rapporteurs, Hervé Reynaud et Laurent Somon, de leur implication constante dans cette proposition de loi.
Je souhaite également souligner l'apport crucial de notre collègue Mathieu Darnaud, rapporteur du texte fondateur de la Gemapi, qui a permis de créer cette compétence.
Je tiens aussi à saluer Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, auteurs d'un précieux rapport d'information sur la prévention des inondations, qui a largement contribué à documenter les enjeux actuels.
Enfin, à la suite d'Anne Chain-Larché, j'adresse un mot de reconnaissance à notre collègue Rémy Pointereau, dont la mission d'information flash en cours sur la compétence Gema produira des conclusions riches en recommandations, pour continuer à faire évoluer cette compétence plus que nécessaire.
Ma collègue et moi-même avons souhaité, ensemble, proposer une réponse pragmatique et efficace à une urgence territoriale bien évidente, que nous constatons sur le terrain : les inondations par ruissellement, qui frappent désormais bien au-delà des seules zones classiquement inondables.
Le ruissellement, ce sont ces pluies intenses qui ne pénètrent plus les sols, saturés, compactés ou imperméabilisés. Ce sont des coulées d'eau mêlée de boue qui descendent les pentes, inondent les caves, détruisent les habitations, créent des embâcles, emportent les cultures, bloquent les routes, détruisent les équipements publics d'eau et d'assainissement, détériorent nos monuments et dégradent le patrimoine. Ce sont des crues éclair, brutales, répétées et parfois plus destructrices que les crues fluviales elles-mêmes.
En Seine-et-Marne, nous avons connu cela. Des épisodes d'une intensité exceptionnelle ont semé la désolation chez les riverains. Je pense aux coulées de boue de septembre 2024, qui ont touché de nombreuses communes. Je pense également à la crue du Grand Morin, en octobre dernier, qui a dépassé, par son ampleur, celle de 2016, qui était déjà d'un niveau record.
Nos territoires ruraux sont en première ligne et sont en grand danger. Pourtant, les élus locaux nous le disent : ils n'ont pas toujours les outils, le personnel ou les dispositifs adaptés pour y répondre efficacement. C'est pourquoi cette proposition de loi ouvre des perspectives nouvelles et concrètes.
L'article 2 clarifie le périmètre de la compétence Gemapi, en y intégrant explicitement la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols dans les zonages des eaux pluviales. Cette précision est capitale : elle permettra aux intercommunalités d'agir de manière ciblée, juridiquement sûre, sur les zones sensibles – implantation de haies, bassins de rétention, fascines, fossés ou bandes enherbées. Oui, des solutions existent ! Encore faut-il pouvoir les mettre en œuvre.
L'article 2 bis vient en appui des communes, souvent isolées, quelle que soit leur taille, en leur permettant de bénéficier de l'assistance technique des départements pour définir et mettre en place ces actions.
C'est une mesure de bon sens, fondée sur la réalité de terrain. Elle ne crée pas de contrainte ; elle ouvre une possibilité. Et cette dernière donnera des moyens et des marges de manœuvre aux maires, notamment dans les communes rurales.
Mes chers collègues, ce texte n'est pas une réforme d'affichage. Il n'ajoute pas de strates, il n'alourdit pas les dispositifs : il rend simplement possible l'action, il clarifie, il soutient, il accompagne, il sécurise. Oui, ce n'est là que du bon sens !
C'est une étape, une nouvelle pierre à cet édifice que nous devons continuer à bâtir ensemble, pour mieux prévenir, mieux protéger et mieux préserver, pour armer nos territoires face à ces phénomènes météorologiques qui – et c'est regrettable – ne feront probablement que s'intensifier.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Reynaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient donc de vous présenter le fruit des travaux que Laurent Somon, au nom de la commission des finances, et moi-même avons menés conjointement sur cette proposition de loi relative à la Gemapi de nos collègues de Seine-et-Marne Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers.
Comme l'ont établi l'année dernière nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, les inondations sont aujourd'hui le premier risque naturel en France. Elles recouvrent une pluralité de phénomènes aussi violents et intenses que soudains et fréquents.
Depuis le 1er janvier 2018, les intercommunalités à fiscalité propre disposent principalement de la compétence Gemapi.
Pour mémoire, la loi Maptam a attribué aux communes une compétence ciblée et obligatoire relative à la Gemapi, avec un transfert obligatoire à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre auquel chacune d'entre elles appartient.
Par la suite, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a fixé au 1er janvier 2018 la date d'effet de ce transfert. Depuis lors, cette compétence est une compétence obligatoire et exclusive des EPCI à fiscalité propre.
Toutefois, face aux difficultés de mise en œuvre concrète du transfert de cette compétence, le législateur a introduit plusieurs ajustements à ce principe de transfert obligatoire et d'un exercice exclusif de la compétence Gemapi par les intercommunalités.
Tel était l'objet de la loi du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite loi Fesneau-Ferrand, dont notre collègue le président Darnaud était rapporteur.
En effet, les départements, les régions, les groupements et autres personnes morales de droit public qui assuraient des missions relevant de la Gemapi à la date d'entrée en vigueur de la loi peuvent continuer à les exercer, sans limite de durée, sous réserve de l'accord de l'EPCI, par le biais d'une convention conclue pour une durée de cinq ans renouvelables.
Selon la même logique, la loi de 2017 a autorisé les départements et régions qui le souhaitent à demeurer membres des structures syndicales exclusivement compétentes en matière de Gemapi auxquelles ils adhéraient avant le transfert.
La compétence Gemapi s'exerce également au niveau des bassins versants. C'est pourquoi de nombreux syndicats de communes et syndicats mixtes ont été constitués de longue date pour exercer ces missions à l'échelon pertinent : syndicat de rivière, établissement public de bassin, etc. Le législateur n'a pas voulu remettre en cause leur existence.
Enfin, le financement de la compétence Gemapi est assuré par une taxe, facultative, plafonnée et affectée, qui doit être assumée par les communes et les EPCI à fiscalité propre compétents.
Dans le même esprit d'adaptation, la proposition de loi qui vous est soumise a pour objet de répondre aux fortes demandes exprimées par les élus locaux, qui souhaitent bénéficier de nouvelles souplesses dans l'exercice de cette compétence.
Partant du constat de « réalités territoriales souvent complexes, [de] la diversité des acteurs concernés et [de] la nécessité d'une coordination accrue », les auteurs de ce texte, dont deux des articles entrent dans le champ de compétence de la commission des lois, proposent une évolution du cadre législatif de la Gemapi.
Ils souhaitent, à titre principal, instituer une nouvelle faculté de délégation de tout ou partie de la compétence Gemapi des EPCI à fiscalité propre aux départements, afin de « permettre une meilleure coordination et [de] tirer parti des expertises techniques et logistiques des acteurs départementaux ».
À titre plus subsidiaire, ils ambitionnent de clarifier la « répartition des responsabilités, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de ruissellement », en permettant d'introduire dans le zonage communal ou intercommunal d'assainissement des mesures relatives au ruissellement.
Au travers des auditions que nous avons menées, et comme le soulignent les différents travaux conduits par le Sénat en la matière, nous avons pu relever que, près d'une décennie après sa création, la compétence Gemapi ne satisfait pas complètement les élus locaux et mérite des correctifs, pour être adaptée aux réalités locales.
En particulier, nous avons pu mesurer le caractère parfois poreux des frontières entre la compétence Gemapi et la compétence gestion des eaux pluviales urbaines (Gepu). En effet, le ruissellement peut, suivant son ampleur et en fonction des caractéristiques du territoire concerné, relever de la gestion des eaux pluviales urbaines ou de la prévention des inondations.
Tout en approuvant l'économie générale de la proposition de loi, la commission des lois a souhaité clarifier et compléter les dispositions qui nous sont soumises.
Ainsi, nous avons aligné la procédure de délégation de la compétence Gemapi des EPCI aux départements sur la procédure de délégation de droit commun, en prévoyant l'accord de l'ensemble des communes membres de l'EPCI.
Par ailleurs, à l'article 2, nous avons explicité le lien entre les mesures de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols qui pourraient, à titre facultatif et en fonction des réalités territoriales de chaque intercommunalité, être intégrées dans les zonages relatifs à l'assainissement.
Enfin, nous avons souhaité compléter cette proposition de loi par un article additionnel visant à ajouter la lutte contre le ruissellement à la liste des domaines pour lesquels le département peut mettre à disposition des communes ou des EPCI, qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences, une assistance technique.
Moyennant ces modifications destinées à enrichir cette proposition de loi, la commission des lois a adopté cette dernière.
Mes chers collègues, je vous propose d'ajouter une nouvelle pierre à l'édifice des libertés locales et des souplesses offertes aux élus locaux en matière de Gemapi en adoptant ce texte, même si je n'ignore pas que ces travaux ont vocation à être poursuivis et complétés par ceux que mènent nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales, Jean-Yves Roux et Rémy Pointereau.
Je conclurai en m'adressant plus particulièrement à vous, madame la ministre, pour déplorer que le Gouvernement ne se soit pas saisi de ce texte pour faire évoluer l'exercice de la compétence Gemapi et pour accompagner les élus locaux, qui se trouvent souvent particulièrement démunis face à des risques naturels sans précédent, comme ils nous l'ont dit en auditions.
Ces élus réclament du législateur qu'il leur permette d'exercer plus efficacement la compétence Gemapi, avec une approche aussi pragmatique que possible, ainsi que des financements à la hauteur des enjeux de sécurité publique, reposant sur la solidarité nationale.
Sans vouloir empiéter sur les compétences de mon collègue Laurent Somon, nous pouvons profiter de ce débat pour interroger le Gouvernement sur la taxe Gemapi, qui n'apparaît pas comme un instrument à la hauteur des enjeux pour les collectivités, en raison de l'insuffisance des montants en jeu, mais aussi parce qu'aucune solidarité financière nationale ne s'y attache. De fait, le Gouvernement devra évidemment donner suite à l'article 3 de cette proposition de loi.
Je forme donc de nouveau le vœu que le Gouvernement prenne réellement en compte les aspirations des élus des collectivités territoriales en écoutant, ce soir, la voix du Sénat. (M. Pierre Cuypers applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (MM. Pierre Cuypers et Emmanuel Capus applaudissent.)
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin du mois de mai dernier, trois personnes sont mortes dans le Var à la suite d'un épisode orageux ayant causé d'importantes inondations. Au-delà des pertes humaines, irréparables, les territoires touchés déplorent des dommages importants, qu'ils soient matériels, financiers ou psychologiques.
Ce drame récent dans le Var s'inscrit dans une tendance à la récurrence et à l'intensification d'événements météorologiques extrêmes, tels que le Pas-de-Calais et la Somme en avaient connu à la fin de 2023 et au début de 2024, avec des conséquences terribles. J'ai également en tête l'épisode tragique de 2001, qui a duré plusieurs mois, dans mon département de la Somme.
Face à ces risques, les collectivités territoriales sont en première ligne. C'est le cas des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, qui exercent la compétence Gemapi. La création de cette compétence, en 2014, s'est accompagnée de la création d'un nouvel impôt local facultatif, une taxe dite Gemapi, codifiée à l'article 1530 bis du code général des impôts.
Bien que cette taxe constitue une ressource en croissance pour les collectivités, de nombreux élus indiquent qu'elle n'est pas suffisante. Les territoires fortement exposés aux inondations mobilisent bien souvent la taxe Gemapi à un niveau proche du plafond de 40 euros par habitant, tandis que des marges existent dans les EPCI moins exposés. L'insuffisance de la taxe Gemapi serait donc surtout liée à son inégale répartition sur le territoire.
L'examen de la présente proposition de loi a été renvoyé à la commission des lois, qui a traité les articles 1er et 2, cependant que l'examen au fond des articles 3 et 4 a été délégué à la commission des finances – il s'agit du volet fiscal de la proposition de loi, qui porte sur la taxe Gemapi.
L'article 3 prévoit la remise d'un rapport au Parlement par le Gouvernement sur la mise en œuvre de la taxe Gemapi, sur les modalités d'organisation d'une répartition plus équitable de son produit sur le territoire, ainsi que sur l'opportunité d'instaurer un fonds de péréquation de cette taxe.
Certes, le Sénat est généralement méfiant vis-à-vis des rapports demandés au Gouvernement : la dernière enquête de Sylvie Vermeillet sur l'application des lois a ainsi relevé que seuls 20 % des rapports demandés sont effectivement remis.
Il nous a toutefois semblé que ce rapport pouvait permettre d'engager une réflexion partenariale avec le Gouvernement, et, surtout, d'affirmer qu'il revient en priorité à celui-ci de prendre ses responsabilités en matière de solidarité nationale.
La commission des finances a donc décidé d'adopter cet article sans modification. Je vous invite, mes chers collègues, de faire de même en séance.
L'article 4, quant à lui, prévoyait que les recettes de la taxe Gemapi puissent désormais financer les actions menées dans le cadre de la compétence maîtrise des eaux pluviales en zone non urbaine, qui ne fait pas partie de la compétence Gemapi. Il permettait ainsi à l'EPCI ou, à défaut, au syndicat ou au département auquel la compétence Gemapi a été transférée de reverser la taxe, en partie ou en totalité, aux communes, afin de prendre en charge la compétence maîtrise des eaux pluviales en zone non urbaine.
Surtout, cet article me semble superflu pour ce qui concerne les départements. En effet, l'article 1er de la proposition de loi prévoit la possibilité d'une délégation, et non pas d'un transfert de la compétence aux départements.
Or il est déjà possible de reverser les financements aux communes dans le cadre d'une délégation – nous évoquerons peut-être la possibilité de procéder à un tel reversement lors d'un transfert de compétence, dans des cas très particuliers.
La commission des finances a donc supprimé cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le président, monsieur le rapporteur Hervé Reynaud, monsieur le rapporteur pour avis Laurent Somon, madame la sénatrice Anne Chain-Larché, monsieur le sénateur Pierre Cuypers, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi discutée ce jour dans cet hémicycle s'inscrit dans la réflexion que la Nation a engagée depuis plusieurs années déjà, par la voix de son Parlement, au sujet de la répartition de la compétence Gemapi entre les différents niveaux de collectivités.
Rappelons qu'il s'agit d'un sujet de première importance pour nos concitoyens. C'est en effet à la suite de la catastrophe Xynthia, qui avait causé la mort de 53 personnes, que cette compétence était entrée en vigueur le 1er janvier 2018, afin de mener une action publique de prévention plus efficace contre les risques d'inondation.
En raison du réchauffement climatique, ce sujet devient chaque année d'une actualité hélas ! de plus en plus dramatique, à mesure que les inondations gagnent en fréquence et en intensité et que les catastrophes naturelles s'aggravent.
Nous devons travailler ensemble pour apporter des réponses et réagir plus efficacement.
Les Français voient certains de leurs concitoyens, toujours plus nombreux, souffrir matériellement et humainement de ces dramatiques événements. Ces images catastrophiques, qui inspirent empathie et inquiétude dans tout le pays, nourrissent un besoin de réponses concrètes et rapides de la part des pouvoirs publics, couvrant un large faisceau d'interventions.
La loi du 30 décembre 2017 de Marc Fesneau et de Richard Ferrand a déjà permis aux EPCI à fiscalité propre, dits gémapiens, de se saisir de ces enjeux dans des conditions adaptées. Il existe déjà des possibilités de transfert ou de délégation à des structures regroupant les intercommunalités d'un même bassin versant, afin de mutualiser davantage les actions de lutte contre les inondations et de les rendre plus efficaces. Je détaillerai ce point tout particulièrement.
Il est également possible, pour un département historiquement impliqué dans ces actions, de les poursuivre par convention avec les gémapiens, pour éviter des ruptures préjudiciables à l'efficacité de l'action publique.
Aucune des deux chambres n'a remis en question ces modalités d'exercice de la compétence Gemapi, non plus que l'échéance du 1er janvier 2018.
En ce qui concerne la question du bon échelon d'intervention, et parce que les inondations peuvent franchir les limites administratives, la loi a déjà prévu, comme je l'ai souligné, des outils de coopération intercommunale avec la possibilité de regroupement des gémapiens au sein de syndicats mixtes spécialisés dans l'exercice des missions de la compétence Gemapi, et ce au niveau des bassins versants, considérés par les spécialistes comme le meilleur échelon pour agir.
Si les élus le décident, ces syndicats peuvent également prévoir dans leurs statuts des règles de partage des coûts assurant une solidarité notamment amont-aval.
Ces dispositifs nous paraissent souples et équilibrés. Cela ne réduit néanmoins pas la pertinence de la question du financement des dépenses d'investissement et de fonctionnement qui sont à la charge des gémapiens, ou du moins de certains d'entre eux.
Le Gouvernement comprend cependant, cela va de soi, la volonté du groupe Les Républicains d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour pour améliorer encore les outils juridiques que je viens d'évoquer, en particulier pour mieux articuler cette compétence avec l'autre compétence exercée à l'échelle intercommunale – mais elle peut l'être aussi directement par les communes –, à savoir la gestion des eaux pluviales urbaines.
Il y va d'un souci légitime de préservation matérielle de notre pays et de prévention des dégâts de toutes sortes, comme je le disais à l'instant ; il y va, de surcroît, d'une inquiétude de plus en plus partagée par les Français dans le contexte du changement climatique. Est en effet en jeu lors de ces catastrophes le destin des familles et des personnes frappées, celui des territoires concernés, ainsi que la crédibilité de la puissance publique.
Ces enjeux de mise en œuvre opérationnelle et de cohérence des compétences sont abordés aux articles 1er, 2 et 2 bis. Il est évident que le Gouvernement, comme par le passé, est ouvert à la discussion sur ces dispositions qui donnent lieu par ailleurs, rappelons-le, à des travaux d'information de la part des sénateurs Rémy Pointereau, Hervé Gillé et Jean-Yves Roux.
Si nous comprenons donc l'intention du texte, nous ne pensons pas que la délégation de compétence à l'échelon départemental, prévue à l'article 1er, permette d'en simplifier l'exercice, cet échelon n'étant pas le plus adapté à la gestion de l'eau.
Si le travail effectué en commission a permis de préciser opportunément cet article, la position du Gouvernement reste fidèle à l'idée selon laquelle, d'une part, l'EPCI à fiscalité propre demeure le bon échelon, et, d'autre part, la strate supérieure adéquate est davantage celle du bassin versant que celle du département.
Nous pensons que la flexibilité recherchée dans la présente proposition de loi, par nature ponctuelle, n'atteindra pas son but : elle ne permettra ni de réelles économies d'échelle ni une meilleure lisibilité de la compétence.
Le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse du Sénat sur cet article 1er.
Concernant l'article 2, nous partageons la volonté de cohérence dans la gestion des phénomènes de ruissellement, qu'ils soient diffus et gérés via la compétence de gestion des eaux pluviales urbaines, ou intenses, générateurs d'inondation et gérés via la compétence Gemapi. La rédaction proposée nous semble néanmoins nécessiter une adaptation pour atteindre pleinement cet objectif. Nous proposerons en ce sens un amendement rédactionnel à l'article 2.
Il en va de même pour l'article additionnel 2 bis.
Concernant l'article 4, sa suppression est à nos yeux une bonne chose, pour des raisons que je souhaite vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs. Cet article permettait à un EPCI à fiscalité propre ou, à défaut, au syndicat ou au département à qui la compétence a été transférée, de reverser une partie du produit de la taxe Gemapi à une commune membre pour le financement des charges de fonctionnement et d'investissement.
Or une taxe doit nécessairement être affectée au financement de la compétence pour laquelle elle a été créée. Aussi semble-t-il peu pertinent de déconnecter le produit de la taxe Gemapi de la compétence correspondante.
Globalement, le Gouvernement adopte une position prudente sur ce texte : comme je l'ai dit voilà quelques instants, pour légitime que soit l'intention, il convient de poursuivre l'accompagnement et la montée en compétences de nos territoires en ces matières en optimisant les outils qui sont déjà à disposition, sans remettre en cause les équilibres trouvés dans la loi Fesneau-Ferrand et, surtout, sans ajouter de complexité.
Prenant la mesure des enjeux, le Gouvernement travaille sur ce sujet et attend beaucoup tant de la concertation menée dans le cadre des conférences L'Eau dans nos territoires, pilotées par ma collègue Agnès Pannier-Runacher, que des propositions qui seront émises par la mission d'information évoquée précédemment.
Nous pourrions alors, en concertation avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, réviser ensemble le dispositif pour le parfaire dans l'intérêt de tous.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Nord, comme d'autres territoires des Hauts-de-France, a été frappé récemment par de violentes inondations, dont les conséquences sont dramatiques tant pour les personnes que pour les territoires.
Ces épisodes ne sont pas isolés et la France entière se révèle particulièrement vulnérable au risque d'inondation et de submersion marine. Le changement climatique, on le sait, accroît encore ce risque, par son effet à la hausse sur la fréquence et l'intensité de ces aléas naturels devant lesquels nos collectivités locales sont en première ligne.
C'est pourquoi il est indispensable de bien structurer et coordonner les actions en matière de politique de l'eau.
Après des années d'émiettement, les lois Maptam et NOTRe ont créé une compétence unique, dite Gemapi, et l'ont attribuée de manière obligatoire aux intercommunalités à fiscalité propre.
Ce faisant, notre législation a acté le besoin d'efficacité et de cohérence entre gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, mais aussi le lien étroit des politiques de l'eau avec les politiques d'aménagement et les documents d'urbanisme.
Au regard des initiatives prises par certains territoires pionniers et parce que les périmètres administratifs, on l'a dit, ne coïncident pas toujours avec ceux des bassins versants, des souplesses ont toutefois été prévues dans la gestion intercommunale de cette compétence ; elles ont même été renforcées en 2017 par la loi Fesneau-Ferrand.
La compétence Gemapi est donc sécable fonctionnellement, dans ses quatre composantes, et géographiquement – les régions ou départements déjà acteurs en matière de Gemapi peuvent continuer de l'être par convention ou par participation à l'un des 450 syndicats mixtes existants.
Le texte que nous examinons aujourd'hui propose, par ses articles 1er, 2 et 2 bis, de nouvelles évolutions associées à la compétence Gemapi.
L'article 1er prévoit ainsi une nouvelle faculté de délégation de tout ou partie de la compétence Gemapi des EPCI à fiscalité propre vers les départements.
Dans sa rédaction initiale, cet article permettait une délégation de compétence vers les départements après simple délibération communautaire, c'est-à-dire sans sollicitation du consentement des communes membres de l'EPCI, lequel exerce pourtant pour leur compte et sous leur contrôle cette compétence Gemapi : ni un transfert, donc, ni tout à fait une délégation…
La commission des lois a corrigé cette curiosité en associant mieux les maires via un alignement de la procédure sur le droit commun de la délégation de compétence.
Néanmoins, si l'on revient au droit commun, pourquoi légiférer à nouveaux frais, la compétence Gemapi étant déjà sécable et les départements déjà associés là où c'est pertinent ?
Telle est notre interrogation et la raison pour laquelle nous ne souscrivons en définitive à aucune des écritures proposées.
C'est en vertu de la même logique que nous émettons des réserves sur l'article 2, qui tend à articuler la compétence Gemapi du bloc communal avec la compétence, communale également, de gestion des eaux pluviales.
Intégrer la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols dans le cadre des zonages en matière d'eau et d'assainissement, cela fait sens ! Et même tellement, d'ailleurs, que le code général des collectivités territoriales le prévoit déjà : les zonages actuels peuvent couvrir les mesures visant à limiter l'imperméabilisation des sols et à assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement, de même qu'ils peuvent imposer des installations de traitement des eaux pluviales et de ruissellement.
Il est vrai que la frontière est ténue entre, d'une part, la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols et, d'autre part, la compétence de prévention des inondations. Mais les EPCI ne sont pas compétents qu'en matière de Gemapi : ils le sont aussi en matière d'urbanisme, de climat ou d'agriculture. À ce titre, le bloc communal peut tout à fait intervenir librement sur l'ensemble de la chaîne de l'eau.
Il n'y a en réalité pas véritablement de limite ou d'obstacle lié aux compétences. Le seul intérêt d'inclure explicitement et directement le ruissellement dans la compétence Gemapi serait d'ordre financier, étant admis que, le cas échéant, le produit de la taxe associée à la Gemapi permettrait demain de financer aussi de nouvelles actions liées au ruissellement.
C'est néanmoins faire abstraction d'un élément : de l'avis général, les financements disponibles ne sont déjà pas adaptés aux besoins actuels. Et l'article 4, relatif à la taxation Gemapi, n'y changerait rien, comme l'a souligné la commission des finances et comme le dira tout à l'heure ma collègue Frédérique Espagnac.
Nous ne sommes donc pas non plus favorables à l'article 2, qui ne serait qu'une solution de façade fragilisant la lisibilité du droit applicable au lieu de l'améliorer.
Nous raisonnons de même à propos de l'article 2 bis, introduit en commission, qui élargit les domaines dans lesquels les départements peuvent apporter une assistance technique en y incluant la lutte contre le ruissellement.
Soit la lutte contre le ruissellement relève de la Gemapi et les départements peuvent déjà agir par voie de convention en application de la loi Fesneau-Ferrand, soit elle relève de l'aménagement, et les départements peuvent agir par la même voie conventionnelle en application de la loi NOTRe. Le recours à leurs prestations d'ingénierie, rémunérées et délivrées au titre de la solidarité territoriale, est déjà possible pour les collectivités éligibles, notamment rurales.
Aussi, par souci de préserver la clarté des responsabilités locales, mais aussi par volonté de souligner le besoin de solutions bien plus structurantes dans la lutte contre le changement climatique, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne soutiendra pas cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois », déclarait Donald Trump avant sa première élection… Pourtant, en dépit de cette affirmation, le dérèglement climatique est bien plus qu'un concept, comme le constatent quotidiennement nos concitoyens, hélas !
Un quart de nos concitoyens sont ainsi exposés au risque d'inondation, devenu le premier risque naturel auquel nous sommes confrontés. Nos collègues Marie-Claude Lermytte et Dany Wattebled ont constaté l'ampleur des dégâts dans le Nord lors de l'hiver 2023-2024.
Ces inondations ont persisté, actant la nécessité non seulement de lutter contre la montée des eaux, mais aussi de travailler à faciliter leur évacuation.
L'augmentation de la fréquence de ces phénomènes a justifié le déploiement de politiques publiques spécifiques. À la suite de l'adoption de la loi Maptam, puis de la loi NOTRe, cette compétence a été confiée aux EPCI à fiscalité propre. La gestion de ces risques implique de prendre en compte l'échelle du bassin versant.
Près de dix ans plus tard, les auteurs de la présente proposition de loi nous invitent à adapter quelque peu le régime existant, afin de lui conférer davantage de souplesse. Originaires de Seine-et-Marne, tout comme notre collègue Louis Vogel, ils savent combien les inondations peuvent nuire fortement au réseau de mobilité d'un territoire : celles du mois d'octobre dernier y ont affecté pas moins de 132 communes.
L'objet du texte est de permettre aux EPCI chargés de la compétence Gemapi de la déléguer en tout ou partie aux départements.
En ce qui concerne les questions relatives aux collectivités territoriales, le Sénat a la bonne habitude d'ouvrir des facultés en évitant d'imposer des obligations à nos élus locaux. Ces derniers sont en effet les mieux placés pour résoudre les difficultés de leurs territoires.
En l'occurrence, à la compétence Gemapi s'attachent deux problématiques majeures.
Premièrement, l'hydrographie obéit non pas au découpage des circonscriptions administratives, mais à la géographie : la question de l'aval et de l'amont est incontournable.
Deuxièmement, un problème de moyens se pose : pour être exercée, une compétence doit être financée. La taxe Gemapi est parfois décrite comme un impôt facultatif, non au sens où elle serait optionnelle pour les contribuables – c'est rare –, mais au sens où les collectivités locales sont libres de l'instituer ou non. Elle prend la forme d'une contribution par habitant.
Un tel financement paraît problématique, dans la mesure où les territoires qui doivent supporter les investissements les plus importants ne sont pas nécessairement les plus peuplés. C'est pourquoi la question du fonds de péréquation se pose.
Le caractère facultatif nous semble également problématique. Il est en effet extrêmement difficile pour les élus de décider seuls de la mise en œuvre de la taxe Gemapi, mais aussi de déterminer le montant de cette contribution.
Il ne fait aucun doute que les effets du dérèglement climatique se feront davantage sentir dans le futur. Dans ce domaine comme dans d'autres, nos territoires ne sont pas sur un pied d'égalité. Inondations, sécheresses, mais aussi incendies : certains seront plus affectés que d'autres.
Dans ce contexte, nous devons veiller à ce qu'aucun territoire de la République ne soit livré à lui-même. L'assouplissement prévu par ce texte est donc une bonne chose : les collectivités territoriales sont les plus légitimes pour déterminer le bon niveau d'exercice de la compétence Gemapi.
Le groupe Les Indépendants soutient également la possibilité ouverte aux départements d'apporter aux communes et aux EPCI de leur territoire une assistance technique en matière de lutte contre le ruissellement.
Assouplir est une bonne chose, mais il serait encore mieux de voter des dispositifs qui n'ont pas besoin d'être assouplis… Il y a dans la pièce un éléphant qu'il ne faudrait pas manquer de voir : au gré des textes correctifs, chacun d'entre nous a eu l'occasion de se convaincre que c'était toute l'architecture des compétences des collectivités locales qu'il conviendrait de revoir.
À cet égard, ne faudrait-il pas un projet de loi ambitieux, qui remette en ordre les règles de la décentralisation ? Bien sûr, nous savons que des sujets plus urgents occupent le Gouvernement. Cependant, en matière de procédure pénale comme de décentralisation, combien de temps pourrons-nous encore fonctionner en nous contentant de pastilles législatives ?
Mes chers collègues, le groupe Les Indépendants, vous l'aurez compris, partage les objectifs de cette proposition de loi. Nous la voterons donc, en espérant que le Gouvernement lancera les réformes de fond dont notre pays a de plus en plus besoin. (Mme Anne Chain-Larché et M. Pierre Cuypers applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
M. Laurent Burgoa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord remercier mes collègues auteurs de cette proposition de loi, Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers. En effet, les difficultés concrètes que rencontrent les élus locaux dans la mise en œuvre de la compétence Gemapi nécessitent une telle loi, et je souhaite partager ici mon ressenti.
Depuis l'entrée en vigueur des lois Maptam et NOTRe, cette compétence a été transférée aux EPCI. Si cette structuration visait à lutter contre le morcellement des responsabilités, force est de constater que ce transfert ne s'est pas toujours fait à l'échelle où se posent les enjeux.
Je pense à mon département du Gard, en particulier au territoire de Terre de Camargue, qui illustre assez bien cette inadéquation, les bassins versants faisant fi de toute considération administrative.
Ainsi cette proposition de loi, enrichie en commission – je salue nos rapporteurs –, mérite-t-elle notre approbation, car elle répond à un constat partagé : la recrudescence des risques d'inondation et leur forte différenciation selon les territoires appellent des réponses souples et sur mesure.
L'article 1er institue une faculté – il s'agit bien d'une faculté, j'y insiste – de délégation de la compétence Gemapi des EPCI à fiscalité propre vers les départements.
Cette délégation, strictement volontaire, permettra de mobiliser les expertises techniques et logistiques des départements, souvent mieux armés pour intervenir à l'échelle des réalités hydrographiques. Ce cadre favorise une gestion cohérente et intégrée de l'eau, tout en rassurant les élus locaux quant à leur pouvoir de décision.
L'article 2, quant à lui, vise à clarifier la répartition des responsabilités, notamment en intégrant la gestion des eaux pluviales et du ruissellement dans les documents de zonage d'assainissement. Cette disposition permettra une action plus lisible et mieux articulée avec la prévention des inondations.
Sur l'initiative du rapporteur, la commission a veillé à préserver le caractère volontaire de la délégation et à l'aligner sur les règles de droit commun.
Elle a aussi introduit un article 2 bis, qui étend le champ de l'assistance technique obligatoire des départements aux communes et EPCI ruraux à la lutte contre le ruissellement dès lors que ce phénomène est lié au risque d'inondation.
Ces précisions témoignent d'une volonté claire : donner aux élus locaux, sans les contraindre, les outils dont ils ont besoin pour adapter l'action publique à la diversité territoriale.
Cependant, nous devrons bien sûr rester vigilants, car il importera que la solidarité nationale s'exprime pleinement. Le changement climatique multiplie les risques et les dégâts humains et matériels s'aggravent ; ils nécessitent et nécessiteront des moyens accrus, quoi qu'il en soit de l'organisation territoriale retenue pour exercer la responsabilité dont il est question.
Dans tous les cas, ce texte m'apparaît équilibré. Il traduit une philosophie que nous devons encourager : celle de la subsidiarité, de la confiance dans les territoires et de l'intelligence collective.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi, qui marque une avancée concrète. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat s'est pleinement emparé du sujet de la prévention des inondations.
Cela s'est vérifié voilà peu avec la mission conjointe de contrôle, confiée à la commission des finances et à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, relative aux violentes inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, dont les rapporteurs, nos collègues Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, ont formulé vingt recommandations très utiles.
Je citerai également l'adoption, consécutive à ce travail, d'une proposition de loi de nos mêmes collègues visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations.
Enfin, voilà que nous examinons la présente proposition de loi de nos collègues Pierre Cuypers et Anne Chain-Larché, qui sont aussi mes voisins de Seine-et-Marne, portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, ou Gemapi.
Je me félicite de ces travaux successifs, sur un sujet si important. Que nous soyons issus de territoires ruraux ou urbains, de métropoles ou des outre-mer, il est vrai que nous sommes de plus en plus soumis au risque de catastrophe naturelle, les territoires ultramarins, je le précise, y étant surexposés – vous savez combien le groupe RDPI est attaché à la défense de ces territoires.
Le risque d'inondation est désormais le premier aléa naturel en France : un quart des Français sont exposés aux risques de crues ou de submersion. Ce risque, de surcroît, va s'accroissant, avec une augmentation de la pluviométrie extrême. On l'a vu dans l'Yonne, au printemps de l'année dernière, avec les crues du Serein et de l'Armançon.
Le groupe RDPI se réjouit de l'occasion de débat offerte par l'examen de cette proposition de loi qui porte sur des sujets importants ayant trait à la Gemapi : gouvernance, financement, périmètre. Force est de constater néanmoins que nous légiférons de façon quelque peu parcellaire.
Si ce texte apporte des libertés – c'est Anne Chain-Larché qui parlait d'un « texte de liberté » –, ainsi que des souplesses, certains articles soulèvent des questions auxquelles nous n'avons pas encore toutes les réponses. Et pour cause, car le travail en la matière se poursuit. Notre assemblée s'est d'ailleurs saisie du sujet en créant une mission d'information sur la Gemapi, qui aura notamment pour objet d'évaluer les lois NOTRe et Maptam et dont les rapporteurs sont nos collègues Jean-Yves Roux, Rémy Pointereau et Hervé Gillé.
Le groupe RDPI dit « oui » au débat, en posant quelques « mais » sur certaines dispositions présentées.
Le débat est essentiel ; il a lieu chez les élus locaux comme dans la population, grâce à un certain nombre de manifestations. Je salue à cet égard l'organisation des Récid'Eau, dont la première édition s'est tenue à Auxerre tout récemment sur l'initiative du syndicat mixte Yonne Médian – notamment de son président, Yves Vecten, et de son premier vice-président, Marcel Milachon –, avec l'aide de nombreux partenaires, au premier rang desquels l'agence de l'eau Seine-Normandie (AESN).
Cet événement a donné lieu à des débats très intéressants ; à cette occasion, j'ai pu échanger avec nombre d'élus locaux et je souhaite vous faire part de quelques remontées de terrain.
Pour ce qui est de la gouvernance, tout d'abord, l'article 1er institue une nouvelle faculté de délégation totale ou partielle de la compétence Gemapi aux départements. Il s'agit d'une extension d'une disposition de la loi Fesneau-Ferrand du 30 décembre 2017, qui avait permis aux départements déjà engagés en matière de compétence Gemapi au moment de l'entrée en vigueur du texte de poursuivre leur action en la matière au-delà de 2020.
Prenons garde néanmoins que le département ne devienne pas l'unique collectivité qui, à terme, interviendra en ce domaine. Une telle crainte est exprimée par les élus comme par les syndicats ; je tenais à la relayer à cette tribune.
On sait ce que sont parfois les rapports de force politiques dans les territoires. C'est pourquoi, me semble-t-il, il faut plutôt réfléchir à une organisation par bassin versant, en chaussant d'autres lunettes que celles des collectivités territoriales existantes. Ainsi pourrons-nous mieux appréhender les enjeux hydrographiques.
Je veux à cet égard rendre hommage aux syndicats, qui, dans nos territoires, œuvrent de concert avec les EPCI.
Pour ce qui est du financement, ensuite, j'évoquais ce sujet clé avec Patrick Mercuzot, président du syndicat du bassin du Serein.
La péréquation, une question chère au rapporteur Somon, a été au centre de nos discussions. Il arrive que les territoires situés en amont du bassin versant soient peu peuplés : leur capacité à lever des fonds est alors très faible. Pourtant, ils doivent conduire des travaux de grande ampleur. Il faut donc œuvrer à cette péréquation.
L'article 3 de la proposition de loi prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur le sujet ; je m'en félicite. Il est question d'identifier les conditions d'instauration d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi « à l'échelle des bassins versants ». Faut-il retenir cette échelle-là ? Faut-il réduire encore l'échelle, jusqu'à envisager une péréquation nationale ? Je pose la question sans avoir la réponse… Quoi qu'il en soit, la péréquation est indispensable.
Quant à l'article 4, nous aurons l'occasion d'y revenir, le groupe RDPI ayant déposé un amendement afin d'en débattre ; ainsi certains éléments pourront-ils être précisés à cette occasion.
Pour ce qui est du périmètre, dernier point d'importance, l'article 2 donne aux communes et aux EPCI la faculté d'instituer des mesures relatives au ruissellement dans le zonage en matière d'assainissement. Le ruissellement n'était pas inclus dans le périmètre de la Gemapi. Or la frontière est particulièrement ténue et poreuse entre ces deux compétences, ce qui pose un certain nombre de problèmes dans la vie quotidienne des collectivités et des instances qui agissent en ce domaine.
Au total, le Parlement n'a pas fini de débattre de ce sujet. Gemapi, c'est un sigle – six lettres – qu'il nous faut rendre toujours plus intelligible, et c'est surtout une compétence que les collectivités doivent avoir la capacité effective d'exercer. Il nous revient d'y veiller. (Mme Anne Chain-Larché applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l'entrée en vigueur des lois Maptam et NOTRe, la structuration de la compétence Gemapi incarne une ambition louable : doter nos territoires d'un cadre d'action cohérent face aux risques d'inondation et en matière de gestion des milieux aquatiques.
Concrètement, le législateur a transféré cette compétence aux intercommunalités, afin de remédier à l'émiettement d'une gouvernance jusqu'alors communale. Mais cette ambition s'est heurtée, sur le terrain, à des contraintes lourdes, souvent sous-estimées, et parfois à une certaine solitude institutionnelle des élus locaux, confrontés à la gravité des enjeux.
Notre pays est exposé à l'aléa inondation dans toute sa diversité : débordements de cours d'eau, crues torrentielles, submersions marines, ruissellement urbain, remontées de nappes. Si les causes en sont avant tout météorologiques, les effets en sont souvent aggravés par des facteurs humains : artificialisation des sols, destruction d'espaces naturels, mauvaise gestion ou mauvais entretien des cours d'eau.
Plus d'un habitant sur quatre vit dans une zone exposée aux débordements fluviaux ou marins. Voilà qui fait de cet aléa un risque majeur pour notre pays, du point de vue tant de la sécurité que de la cohésion territoriale.
Aussi la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui procède-t-elle d'un constat lucide : il est nécessaire d'introduire dans notre droit des assouplissements pour adapter l'exercice de la compétence Gemapi à la diversité des territoires et pour mieux mobiliser les expertises existantes, notamment celles des départements.
À cet égard, ouvrir pour les intercommunalités la possibilité de déléguer cette compétence aux départements peut constituer une avancée utile, non parce qu'il s'agirait de remettre en cause le rôle de l'intercommunalité, mais parce que la réalité impose parfois, localement, de recomposer intelligemment les niveaux d'action.
Dans de nombreux territoires, les départements disposent d'une ingénierie structurée, d'une expérience éprouvée dans la prévention des inondations et d'une connaissance fine des cours d'eau et des ouvrages. Ils sont parfois les seuls à même de porter, techniquement et juridiquement, des projets complexes à l'échelle de plusieurs bassins versants.
Il n'est pas certain pour autant que l'échelon départemental soit toujours le plus pertinent.
D'une part, l'Assemblée des départements de France n'a pas manqué de nous alerter sur la grave et dangereuse dégradation de la situation financière des départements depuis plusieurs années. Il est douteux qu'une nouvelle compétence déléguée soit bien accueillie dans ces conditions.
D'autre part, la prévention des inondations appelle une approche à l'échelle du bassin versant, souvent interrégionale. Ainsi les intercommunalités les plus exposées ne sont-elles pas toujours celles qui doivent réaliser les investissements les plus lourds.
Cette tension est particulièrement nette dans les zones de montagne, où les communes d'amont, souvent petites et peu dotées, doivent engager des travaux coûteux dont bénéficieront en aval des métropoles à fort potentiel fiscal, qui perçoivent une taxe Gemapi substantielle tout en ayant peu à financer elles-mêmes. Il faut donc du temps et de la méthode pour construire un modèle plus juste.
La taxe Gemapi pourrait rapporter jusqu'à 3 milliards d'euros si elle atteignait son plafond légal de 40 euros par habitant. Seulement, dans les faits, la moyenne nationale tourne autour de 8 euros et le produit total de la taxe en 2023 n'était que de 536 millions d'euros.
Que dire également des disparités territoriales ? Les collectivités rurales, souvent situées en amont, subissent de plein fouet les conséquences du ruissellement et du débordement des cours d'eau. Mais ce sont les intercommunalités urbaines ou littorales, plus densément peuplées, qui disposent des marges fiscales les plus importantes.
Dans ce système, on confie la charge à ceux qui ont le moins de moyens, tout en s'en remettant à la solidarité de ceux qui, bien souvent, se sentent moins concernés par le risque.
Il faut, à terme, avoir le courage d'ouvrir le débat sur l'institution d'un véritable mécanisme de péréquation à l'échelle des bassins versants ou, à défaut, d'un fonds national de solidarité. Cela implique un débat parlementaire de fond sur les ressources et non seulement sur l'architecture institutionnelle.
Plus largement, il devient urgent de sortir de la logique des ajustements successifs. La compétence Gemapi, comme d'autres, pâtit d'un empilement de réformes, de dérogations, de corrections ponctuelles, qui finissent par créer plus d'opacité que de lisibilité.
Je rappelle, du reste, que notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a lancé, l'an dernier, une mission d'information relative à la compétence de gestion de l'eau et des milieux aquatiques, dont les rapporteurs sont nos collègues Jean-Yves Roux, Rémy Pointereau et Hervé Gillé. Il aurait été judicieux d'attendre le résultat de ses travaux avant de légiférer. (M. Philippe Grosvalet applaudit.)
Dans ces conditions, la position de notre groupe ne peut qu'être réservée : chacun restera libre d'exprimer sa position à l'issue de nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où les inondations constituent le principal aléa naturel auquel sont confrontées nos collectivités et au vu de l'amplification des dégâts qu'elles entraînent, nous examinons avec intérêt la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).
Je tiens, avant toute chose, à féliciter le rapporteur Hervé Reynaud de la qualité du travail réalisé.
Entre novembre 2023 et juin 2024, quelque 53 % des départements français ont été touchés par des inondations. Dans les seuls départements du Nord et du Pas-de-Calais, les dégâts sur les biens assurables se sont élevés à 640 millions d'euros. Aujourd'hui, plus d'un habitant sur quatre est exposé aux débordements de cours d'eau ou aux submersions marines.
Face au dérèglement climatique et aux risques de catastrophes naturelles, nous nous devons de faciliter le travail des collectivités, qui peinent déjà à trouver les fonds nécessaires à la réparation des dégâts et aux travaux d'aménagement indispensables à la protection des biens, des personnes et des environnements.
En 2014, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) a attribué une compétence exclusive et obligatoire relative à la Gemapi aux intercommunalités. Avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) de 2015, le transfert obligatoire de la compétence Gemapi aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) était censé assurer la cohérence et l'unité de la gouvernance en la matière.
Pourtant, ces objectifs louables ne sont toujours pas pleinement remplis. Une grande partie des élus locaux rencontre des difficultés majeures pour prévenir le risque d'inondation. Qu'elles soient liées à l'augmentation des risques, au manque de moyens financiers ou à la fragmentation des acteurs concernés, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la compétence Gemapi affectent durement tous les territoires.
L'article 1er de cette proposition de loi vise à rendre possible la délégation de tout ou partie de la compétence Gemapi aux départements qui disposent de ressources techniques en matière de gestion et d'aménagement hydrologique. Il tend à renforcer la capacité d'action et de coordination des collectivités en assurant la cohérence de la gouvernance territoriale et l'assouplissement de la gestion des risques d'inondations.
Cette procédure de délégation s'alignera sur la procédure de délégation de droit commun, afin de mettre entre les mains des élus des outils dont ils seront libres d'envisager l'utilisation, comme le propose M. le rapporteur dans son amendement. Bien qu'elle soit facultative, cette délégation pourra ponctuellement s'avérer pertinente dans certains territoires, mais elle ne saurait constituer une solution universelle – je pense, notamment, aux territoires de montagne, qui disposent de moyens financiers restreints.
L'article 2 vise à clarifier la répartition des responsabilités en matière de Gemapi, d'une part, et de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols, d'autre part. Dès lors qu'elles présenteront un lien avec les inondations, les mesures relatives à la gestion des eaux pluviales pourront être introduites dans le zonage communal ou intercommunal d'assainissement.
L'article 2 bis vise à ajouter au champ de l'assistance technique du département la lutte contre le ruissellement. Je m'interroge, à titre personnel, sur la manière dont les départements dans leur diversité pourront mobiliser ce type de compétences, car ils ne disposent pas forcément à ce jour des moyens nécessaires pour les mettre en œuvre efficacement.
Quant à l'article 3, il vise à prévoir la remise par le Gouvernement d'un rapport sur les modalités d'application de la taxe pour la Gemapi – vaste chantier !
Cette réflexion pourra, je l'espère, évoluer avec les conclusions de la mission d'information conduite par nos collègues Jean-Yves Roux, Hervé Gillé et Rémy Pointereau. Les territoires ruraux et de montagne, à la densité de population nettement plus faible, disposent d'un potentiel fiscal limité, alors même qu'ils ont une exposition aux risques parfois plus élevée.
Dans un département que je connais bien, les Hautes-Alpes, 56 communes sur 162 ont été reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite des intempéries de 2023. Je pense, notamment, aux communes de Vallouise-Pelvoux, de Risoul ou de Guillestre. Ces noms, qui évoquent pour vous des stations de sports d'hiver, mes chers collègues, sont pour moi ceux de communes en grande difficulté. La fréquence des crues et leurs conséquences financières, sociales et économiques ont frappé les populations avec force.
Pour faire face aux inondations à répétition, il faut impérativement réformer la taxe Gemapi en la déplafonnant. La régionalisation de ladite taxe ne me semble pas illégitime, quand on sait que les mesures prises autour des bassins versants protègent aussi l'ensemble du réseau en aval.
Quoi qu'il en soit, il faut une plus grande solidarité fiscale dans une logique de bassin : dans ma région, Provence-Alpes-Côte d'Azur, les habitants des Hautes-Alpes payent seuls pour l'entretien d'un cours d'eau comme la Durance, qui assure pourtant en totalité l'alimentation de la ville de Marseille.
Soyons concrets, comme savent le faire les élus locaux. Prenons l'exemple de la communauté de communes du Guillestrois-Queyras : 8 000 habitants, 15 communes de montagne. Côté Guil, 25 millions d'euros de travaux Gemapi sont nécessaires ; côté Durance, ce sont 20 millions d'euros.
La recette de la taxe Gemapi, portée à son maximum, s'élève à 800 000 euros par an, dont la moitié est consacrée au fonctionnement de la structure et à la surveillance annuelle des digues. Il reste donc 400 000 euros disponibles pour investir chaque année, à comparer aux 45 millions d'euros de travaux qui doivent être réalisés, j'y insiste, sur l'ensemble du bassin versant jusqu'à Marseille.
Vous l'aurez compris, le groupe Union Centrise votera sans enthousiasme cette proposition de loi, qui permet de marquer une nouvelle étape, certes modeste, mais nécessaire, vers la mère des réformes et des batailles : la modification de l'assiette de mobilisation de la taxe Gemapi.
Je souhaite que son périmètre soit, au minimum, la région, voire la Nation. Nous avons une exigence d'efficacité. Il faudra rassembler les nombreux textes, parfois inféconds, sur ce sujet de la Gemapi, pour aboutir à une grande loi ambitieuse permettant de traiter toutes les situations en solidarité active.
La procrastination n'est jamais féconde. Elle coûtera encore plus cher demain si nous ne faisons rien. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faudra bien, un jour, conjurer ce que l'on pourrait appeler la décrue centennale des moyens financiers accordés aux collectivités territoriales.
Depuis trop longtemps, nous sommes enfermés dans une logique de décentralisation à moyens constants, voire décroissants, qui finit par rendre inopérants les principes mêmes de proximité, de responsabilité et de justice territoriale.
Mme Audrey Linkenheld. Bien dit !
M. Jean-Pierre Corbisez. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui s'inscrit dans cette tension. Il vise à renforcer la subsidiarité et à introduire davantage de souplesse dans l'organisation de la compétence Gemapi. Mais il met surtout en lumière un angle mort persistant : la difficulté à agir sur le ruissellement et l'érosion des sols.
Ces phénomènes sont pourtant au cœur des désordres hydrauliques que subissent nombre de nos territoires. Pourtant, ils ne relèvent d'aucune compétence clairement identifiée. C'est un vide et une vraie difficulté.
Ce texte vise à répondre partiellement à ce problème, en redonnant aux communes, dans le cadre de la gestion des eaux pluviales urbaines (Gepu), des leviers d'intervention. À ce titre, nous saluons la précision introduite par le rapporteur : ces actions doivent être strictement liées à la prévention des inondations, pour éviter tout dévoiement ou conflit d'usage.
C'est une clarification utile au moment de la création des futurs établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), car certains territoires pourraient en prendre le contrôle pour d'autres usages.
Elle est utile, aussi, car depuis près de dix ans, ce sont les élus locaux qui portent cette compétence à bout de bras avec volontarisme, inventivité, mais trop souvent sans moyens ni ingénierie ou lisibilité.
Il est donc légitime et nécessaire de reconnaître la diversité des réalités locales et d'ouvrir la voie à des organisations plus cohérentes. À ce titre, l'ouverture à une délégation volontaire de la compétence Gemapi aux départements constitue un progrès, voire un retour en arrière bienvenu, puisque, avant la loi Maptam, c'étaient les conseils départementaux qui géraient les rivières et les ruisseaux, et qui les géraient bien.
C'est une avancée attendue, cohérente avec les enseignements du terrain et fidèle à l'esprit du rapport sénatorial Rallier les citoyens, relier les territoires : le rôle incontournable des départements. Ce document rappelait le rôle structurant des départements comme piliers de la solidarité sociale et territoriale.
Le présent texte contribue donc à redonner une consistance politique à l'échelon départemental, ce qui n'est pas rien à l'heure où certains rêvent encore de sa dilution ou de sa disparition.
Quant à la demande de rapport sur la péréquation de la taxe Gemapi, elle répond à une exigence simple et juste : corriger les inégalités criantes entre des territoires inégalement armés pour faire face à une compétence aussi coûteuse que nécessaire dans le contexte du dérèglement climatique.
En effet, la gestion hydraulique – c'est là tout l'esprit de la Gemapi – ne peut être pensée à l'échelle restreinte d'un EPCI. Les dynamiques hydrauliques ignorent superbement nos découpages administratifs et nos logiques fiscales. Elles obéissent à la géographie des bassins versants, à la temporalité du cycle de l'eau et à la solidarité amont aval.
Si nous ne sommes pas a priori défavorables à une péréquation de la taxe, nous affirmons ici avec force que le recours à l'impôt national demeure, dans le moment que nous traversons, le levier le plus juste, le plus efficace et le plus pertinent. D'une part, parce que « l'aquataxe » poursuit sa montée en puissance, avec une multiplication par onze de son produit entre 2017 et 2021. D'autre part, parce que l'État ne peut éternellement se contenter de déléguer sans assumer.
La solidarité nationale ne peut se résumer à des appels à projets ni à des dispositifs contractuels parcellaires. Elle appelle un engagement budgétaire clair, durable, structuré et une capacité de pilotage à l'échelle des bassins versants.
La clarification engagée à l'échelle locale devra donc impérativement trouver son pendant à l'échelle nationale, en lien avec l'ensemble des acteurs : agences de l'eau, régions, départements, syndicats mixtes, EPCI et communes.
Dans mon département du Pas-de-Calais, terre des « gueules noires », nous savons ce que l'eau peut cacher.
Les eaux d'exhaure, qui remontent lentement dans les galeries effondrées des anciennes mines, doivent être pompées sans relâche pour prévenir les inondations, des décennies après la fin de l'exploitation charbonnière. C'est encore l'État qui en assume aujourd'hui la charge. Il y a là tout un symbole : celui d'un engagement constant. C'est aussi cet esprit qu'il nous faut retrouver. Je rappelle que, lors de la première loi Gemapi, l'État voulait se désengager sur les collectivités de ce pompage des eaux d'exhaure…
Mes chers collègues, ce texte en appelle d'autres. Parce que la protection des habitants passe par un renforcement des services publics, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
M. Grégory Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis pose le problème des insuffisances de la Gemapi et, en définitive, de la résilience de nos territoires face à la dégradation importante du cycle de l'eau.
Disons-le franchement, cette proposition de loi présente deux mérites.
Le premier est d'intégrer la problématique du ruissellement à la réflexion sur le cycle de l'eau, afin d'aboutir à une politique hydraulique plus cohérente. Aujourd'hui, le ruissellement est traité exclusivement au travers des politiques d'urbanisme. Or il s'agit non pas simplement d'une affaire de caniveaux et de zones d'habitat, mais bien de l'addition de mesures complémentaires, entre la gestion des zones humides, celle des ouvrages hydrauliques et la désimperméabilisation des sols.
Le second mérite de ce texte est de poser le problème de la taxe Gemapi. Celle-ci est levée principalement en aval, là où le risque est le plus coûteux pour les habitants, alors que les difficultés viennent essentiellement du non-traitement des eaux de ruissellement en amont, là où la taxe est peu ou pas prélevée.
Nous avons besoin de la mise en œuvre d'une solidarité nationale. Faire contribuer l'amont pour protéger l'aval, c'est reconnaître une réalité physique autant que politique. Cela suppose que nous construisions enfin une véritable péréquation, qui tienne compte des déséquilibres de peuplement et de ressources fiscales.
L'article 3, en se contentant de prévoir une demande de rapport, pose le problème, mais n'apporte pas de réponse solide. Pour agir, il faut renforcer le poids des bassins et des agences de l'eau. Ce sont elles qui sont à même de garantir une politique globale et cette péréquation.
De ce point de vue, chers collègues de la majorité sénatoriale, il y a un paradoxe assez étonnant : ceux qui portent ce texte ont voté, il y a quelques semaines à peine, la réduction drastique des crédits des agences de l'eau, qui sont pourtant les premières à financer les programmes de lutte contre le ruissellement et qui sont les garantes du principe de solidarité entre les bassins.
Comment espérer de réelles avancées si l'on affaiblit les instruments qui permettent de les mettre en œuvre ? Je rappelle qu'il s'agit d'une ponction de 150 millions d'euros.
Le ruissellement, les inondations et la protection des littoraux exigent une approche systémique, une stratégie nationale de l'eau, et non de simples mesures locales comme tend à le prévoir cette proposition de loi.
Ce texte illustre le mal plus large qui ronge notre vie publique : l'absence d'initiatives gouvernementales, de projets de loi structurants permettant de traiter les grands problèmes dans leur globalité.
Actuellement, sur des sujets aussi graves, on bricole, on crée de l'instabilité juridique. Or le troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC3) chiffre à 143 milliards d'euros d'ici à 2050 l'impact des catastrophes climatiques.
Cette proposition de loi peut permettre d'avancer faiblement, de manière temporaire, dans l'attente d'un projet plus structurant, si, et seulement si, l'on s'en donne les moyens.
Or les territoires concernés par l'érosion du trait de côte ou qui entretiennent des digues le long des fleuves n'ont plus de marge de manœuvre. Ces EPCI doivent déjà assumer leurs compétences. Ils n'ont donc pas les moyens de transférer aux communes des fonds pour désartificialiser ou reconstituer les mares ou les zones humides, là où elles sont nécessaires afin d'éviter ensuite les problèmes en milieu urbain.
Dans sa version initiale, l'article 4 visait à permettre aux EPCI situés en amont, ceux qui ne prélèvent pas ou peu la taxe Gemapi, de le faire davantage, afin de transférer des fonds aux communes qui engagent des travaux de traitement des phénomènes de ruissellement. C'était là la petite avancée de ce texte.
À nos yeux, s'il n'y a plus d'article 4 dans sa version initiale, il n'y a plus de loi, sauf à transférer une charge supplémentaire aux départements, ce dont ils ne veulent pas, comme l'a souligné tout à l'heure notre collègue du RDSE.
Voilà pourquoi nous proposons le rétablissement de l'article 4. Si cet article n'était pas rétabli, il serait de bon ton d'éviter l'encombrement législatif : nous jugerions raisonnable le retrait de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis sa création, la compétence Gemapi fait couler beaucoup d'eau – c'est le cas de le dire – et bien sûr beaucoup d'encre. (Sourires.)
Cette compétence, bien qu'elle soit nécessaire, soulève de nombreuses interrogations et ne parvient toujours pas à relever les défis auxquels nos territoires sont confrontés. Un point est aujourd'hui largement partagé : la taxe Gemapi, censée financer cette compétence, est notoirement insuffisante. Si son potentiel est évalué à 2,9 milliards d'euros, ce plafond est encore très loin d'être atteint.
C'est le cas, par exemple, chez moi, dans les Pyrénées-Atlantiques, où la vallée d'Aspe a été récemment touchée par un épisode pluvio-orageux intense, qui a causé des inondations et des glissements de terrain, endommageant notamment la RN 134. Comme ailleurs, la taxe Gemapi ne peut à elle seule financer la réparation des dégâts causés.
Surtout, cette insuffisance est aggravée par une inégalité flagrante entre territoires. Les collectivités de montagne, particulièrement exposées aux crues torrentielles et aux inondations, mobilisent déjà cette taxe à son plafond légal, soit 40 euros par habitant.
Pendant ce temps, d'autres territoires, moins exposés, ne l'activent pas ou peu. C'est donc une répartition profondément inéquitable de l'effort fiscal qui prévaut aujourd'hui, avec des conséquences lourdes sur la capacité d'action locale. Dans ce contexte, nous aurions pu espérer que ce texte apporte des solutions structurelles, qu'il affronte de front la question du financement de la Gemapi.
L'article 4, qui tendait à imposer de nouvelles missions financées grâce à une taxe déjà aujourd'hui insuffisante pour soutenir la prévention des inondations, a été heureusement supprimé en commission.
Le texte issu des travaux de nos deux commissions saisies n'apporte donc aucune réponse concrète au grand défi identifié depuis le début : comment permettre à toutes les collectivités, quelles que soient leurs ressources, de faire face efficacement aux risques de crues torrentielles et d'inondations ?
L'article 3, qui subsiste, vise à prévoir la remise d'un énième rapport par le Gouvernement. Mais soyons lucides : seuls 20 % des rapports demandés sont effectivement remis. Quand bien même celui-ci verrait le jour, pourquoi se contenter d'une étude quand l'urgence impose une décision politique ? Pourquoi ne pas avoir proposé directement la création d'un fonds de péréquation pour la taxe Gemapi, afin de déclencher un véritable débat et de forcer le Gouvernement à se positionner ?
Derrière ce texte, il y a une intention que je ne veux pas balayer d'un revers de main. Il s'agit, je le comprends, de simplifier les procédures, de rendre la tâche des collectivités plus fluide face aux inondations et à la gestion de l'eau. Mais en tentant d'assouplir le cadre juridique, ne risque-t-on pas, paradoxalement, d'en accentuer encore la complexité ? Car supprimer des dispositifs sans proposer de mécanismes de substitution robustes, c'est fragiliser l'édifice au lieu de le consolider.
Par ailleurs, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est opposé à la délégation de la compétence Gemapi aux départements. Celle-ci doit rester aux mains des communes ou des EPCI. Mes chers collègues, il faut que le législateur cesse, à chaque contrainte, de complexifier la répartition des compétences entre les échelons territoriaux. Les élus nous le demandent ; ils veulent de la stabilité.
C'est pourquoi, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous voterons contre cette proposition de loi. Non par esprit de contradiction, mais parce que ce texte, vidé de sa substance, ne résout rien et reporte encore une fois les décisions essentielles à demain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la compétence Gemapi a été instituée par la loi Maptam de 2014, défendue par l'ancienne sénatrice de l'Aveyron, Anne-Marie Escoffier, alors ministre déléguée chargée de la décentralisation – ce n'est pas ce qu'elle a fait de mieux !
Cette compétence a ensuite été précisée par la loi NOTRe en 2015, avant d'être rendue obligatoire pour tous les EPCI à fiscalité propre à compter du 1er janvier 2018.
Cette compétence se voulait un levier de modernisation de l'action publique locale, en concentrant au sein du bloc intercommunal des responsabilités autrefois dispersées entre communes, syndicats de rivière, départements, voire propriétaires privés. Elle visait également à organiser la gestion par bassin versant, conformément à une logique plus hydraulique que strictement administrative.
Sept ans après son transfert obligatoire aux intercommunalités, force est de constater que le dispositif, dans sa forme actuelle, rencontre de nombreuses limites clairement identifiées : manque d'agilité qui résulte de la complexité des procédures – notamment liées à la loi sur l'eau –, difficultés de coordination et, surtout, inégalités de ressources entre territoires.
Les EPCI se retrouvent en première ligne face à des enjeux complexes, sans toujours disposer de moyens techniques et financiers à la hauteur de leurs missions, particulièrement en zone rurale. La taxe Gemapi, si elle constitue un levier utile, montre ses limites : elle est inégalement répartie, plafonnée et souvent insuffisante pour couvrir les besoins d'investissement et d'entretien.
Cette situation suscite une double tension : d'une part, entre les capacités d'action concrètes du bloc local et la montée des risques, notamment avec la recrudescence d'épisodes de pluies intenses, provoquant ruissellements soudains et débordements ; d'autre part, entre la responsabilité juridique des élus et la faiblesse des outils dont ils disposent pour y répondre.
C'est pourquoi cette proposition de loi, qui vise à apporter certains ajustements pragmatiques, attendus de longue date par les acteurs de terrain, est positive. Je rends hommage à ses auteurs, Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers.
En permettant aux intercommunalités de déléguer tout ou partie de la compétence Gemapi au département, elle tire parti de l'expertise de ces derniers, qui ont historiquement développé un savoir-faire reconnu en matière de gestion de l'eau et d'aménagement. Dans de nombreux territoires, ce partenariat renforcé permettra de sortir d'une impasse technique ou financière.
Le texte vise également à clarifier utilement l'articulation entre Gemapi et gestion des eaux pluviales. Il intègre explicitement les phénomènes de ruissellement et d'érosion des sols, qui constituent désormais un enjeu majeur dans l'ensemble des bassins versants.
Enfin, le volet financier n'est pas oublié. La demande d'un rapport au Gouvernement sur la mise en œuvre de la taxe Gemapi, en vue d'instaurer un fonds de péréquation, va dans le bon sens. Il faudra que le Gouvernement remette ce rapport, car il n'est pas acceptable qu'un territoire peu dense, mais exposé, ne puisse protéger ses habitants face au risque d'inondation, faute de potentiel fiscal.
L'équité devant le risque doit être garantie, par exemple avec la possibilité, qui reste à préciser, de reverser une part de la taxe aux communes, ce qui permettrait de reconnaître leur rôle opérationnel et leurs charges effectives.
Je veux, enfin, rappeler le travail en cours conduit par la délégation aux collectivités territoriales, en particulier par notre collègue Rémy Pointereau. La mission d'information dont il est le corapporteur permettra d'aller plus loin, notamment pour proposer une refonte plus large du cadre de financement de la Gemapi et pour renforcer la solidarité amont aval.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce texte est non pas une réforme de fond, mais une étape utile. Il vise à apporter de la souplesse et à améliorer la lisibilité, répondant ainsi à certaines alertes et demandes des élus locaux. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dès 2014, la loi Maptam instituait, par amendement et sans étude d'impact, une compétence exclusive et obligatoire au bénéfice du bloc communal pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, que la loi NOTRe a ensuite rendue effective au 1er janvier 2018.
Si cette compétence visait à unifier les initiatives locales en la matière, ce transfert mal préparé a causé un flou juridique, des attentes contradictoires et une surcharge administrative importante dans nos territoires.
La réforme s'est progressivement mise en place grâce au pragmatisme local et aux actions pré-Gemapi déjà engagées par les acteurs locaux.
Face aux difficultés concrètes liées au transfert de la compétence Gemapi, la loi du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite Fesneau-Ferrand, a permis aux régions et aux départements déjà investis de poursuivre leur engagement. Voilà désormais près de dix ans que nos communes assument ces compétences.
Cependant, le transfert opéré par l'État, à la fin du mois de janvier 2024, de la gestion des digues domaniales destinées à prévenir les inondations est largement perçu comme forcé et inadéquat. Il a entraîné de nombreuses difficultés pour les élus locaux, en raison de l'ampleur des travaux à réaliser sur bon nombre de sites.
C'est le cas dans mon département, où les travaux, pour l'un des syndicats gestionnaires, sont estimés à 110 millions d'euros hors taxes. Les élus ont le sentiment d'un transfert ubuesque d'ouvrages dégradés et transmis sans mise en conformité préalable.
Sur le terrain, la traduction en est une impasse technique et économique : des normes irréalistes, inadaptées aux digues anciennes ; une saturation du marché, avec une surcharge des bureaux d'études et des services instructeurs ; un impact financier insoutenable et la menace à venir de la perte du financement.
Aussi, je salue cette proposition de loi de mes collègues Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers, dont l'article 1er permettrait aux départements d'exercer tout ou partie de la compétence Gemapi, à condition qu'ils aient l'expertise technique nécessaire et les moyens budgétaires et que leur territoire s'y prête sur le plan hydrographique.
Cette évolution allégerait la charge des élus locaux, particulièrement dans les petites communes, en leur permettant de s'appuyer sur les ressources humaines et logistiques des départements. La prise de la compétence resterait facultative et volontaire, offrant ainsi la souplesse requise pour s'adapter aux réalités locales.
Ce texte soulève également la question de la taxe Gemapi, un outil qui est aujourd'hui perçu comme inéquitable et qu'il convient d'harmoniser à travers des mécanismes de péréquation. Jamais réévaluée depuis 2014, cette taxe ne reflète plus les réalités actuelles des territoires ni les charges supportées et se révèle largement insuffisante dans certains secteurs, notamment de montagne.
La grande diversité des situations locales rend impossible l'établissement de critères véritablement équitables. À cet égard, la présente proposition de loi constitue une chance pour repenser les modalités de financement de la Gemapi, en veillant à préserver leur lisibilité et leur adaptabilité aux charges réelles des territoires.
Je ne doute pas que la mission d'information, rapportée notamment par Rémy Pointereau, viendra compléter utilement notre réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume, je vais vous parler des territoires littoraux, petits bénéficiaires du produit de la taxe Gemapi.
Le littoral normand, plus particulièrement celui de la Manche, est en première ligne face aux effets du changement climatique : recul du trait de côte, érosion accélérée, submersions marines…
Sur nos côtes, il y aura certes des infrastructures à relocaliser, mais aussi des digues à renforcer, des plages et des habitations à protéger. Ces enjeux très concrets se traduisent par des investissements lourds, souvent de plusieurs millions d'euros, à la charge des collectivités locales. Pourtant, les leviers de financement restent dramatiquement limités.
Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui aurait pu constituer une avancée. Son article 4 prévoyait, à juste titre, que la taxe Gemapi puisse également financer la lutte contre l'érosion des sols et la maîtrise des eaux pluviales, avec la possibilité pour les EPCI de reverser une partie de cette taxe aux communes concernées.
Toutefois, cette disposition a été supprimée en commission des finances, au motif que les recettes actuelles ne suffisent déjà pas à couvrir les missions Gemapi. Dont acte. Mais que propose-t-on à la place ? Rien ! La réalité, c'est que la pression financière continue de s'alourdir sur les communes littorales et que la solidarité territoriale reste largement théorique.
On ne peut pas, d'un côté, reconnaître que les collectivités sont au front et, de l'autre, leur refuser les moyens d'agir !
Le Comité interministériel de la mer (CIMer), réuni le 26 mai dernier à Saint-Nazaire sous l'égide du Premier ministre François Bayrou, a réaffirmé le principe selon lequel « le littoral doit financer le littoral ». Ce postulat pose question, car il s'agit de demander toujours plus aux communes, sans péréquation, sans accompagnement. Nous faisons naître une nouvelle inégalité territoriale, profondément injuste.
Je soutiens la demande de rapport prévue à l'article 3, mais il faudra aller plus loin. Le prochain projet de loi de finances devra impérativement intégrer un fonds dédié à l'adaptation du littoral, notamment au recul du trait de côte. Et si des contributions nouvelles sont envisagées, comme celles qui ont été évoquées lors du CIMer, elles devront reposer sur les usages réels du littoral, avec un retour concret et traçable pour les territoires concernés.
Sensibles au dérèglement climatique, les départements littoraux, comme celui de la Manche, ont besoin de lisibilité pour envisager sereinement l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (gemapi)
Article 1er
L'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre substitués à leurs communes membres pour l'exercice de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations mentionnée au I bis de l'article L. 211-7 du code de l'environnement peuvent déléguer au département, avec l'accord de leurs communes membres exprimé par délibérations concordantes de l'ensemble des conseils municipaux, tout ou partie des missions relevant de cette compétence. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « de l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « des premier et deuxième alinéas ».
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, sur l'article.
M. Michel Masset. En l'état, je ne voterai pas ce texte, pour les raisons que je vais vous expliquer, mes chers collègues.
Pour connaître un peu la compétence Gemapi, je trouve heureux que nous en débattions aujourd'hui. C'est une bonne chose.
Voilà encore très peu de temps, j'étais président d'une intercommunalité dans mon département de Lot-et-Garonne. Dans ce territoire, où le Lot se jette dans la Garonne, les inondations sont monnaie courante : nous sommes inondés entre deux et quatre fois par an.
On nous a imposé la compétence Gemapi, dont nous ne voulions vraiment pas, sans compensation financière. Or il a fallu créer un service. Il a fallu structurer les choses. On nous a dit, dans une immense générosité, que ce n'était pas très grave et que nous n'avions qu'à prélever un nouvel impôt – comme vous vous en doutez, celui-ci a été extraordinairement populaire…
De fait, nous avons prélevé à peu près 21 euros par habitat, ce qui a suscité un produit de 450 000 euros, sur un budget d'environ 10 millions d'euros.
On nous a dit que nous devions prioritairement réaliser une étude de dangers du système d'endiguement, chose que l'État n'avait jamais faite auparavant. Or l'étude coûtait, en elle-même, 500 000 euros. Une brèche de 100 mètres linéaires s'est ensuite créée, nous obligeant à débourser 300 000 euros. Des brèches sont tombées dans la communauté voisine, entraînant cette fois un coût de 22 millions d'euros.
On nous propose que la compétence puisse être transférée au département, mais certains départements, comme le nôtre, sont pauvres ! Les mariages entre pauvres sont rarement facteurs d'enrichissement…
S'il n'y a pas une vraie vision amont aval, qui va bien plus loin que le département et intègre aussi les régions, s'il n'y a pas un financement partagé sur l'ensemble du territoire, fondé sur une solidarité et une péréquation, ce transfert n'est pas acceptable en l'état.
En outre, plusieurs textes sont en cours d'examen. Sur le terrain, il est très compliqué d'expliquer cette façon d'avancer par à-coups.
Telles sont les raisons de mon scepticisme.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, sur l'article.
M. Hervé Gillé. Mes propos s'inscriront dans la lignée de ceux de Michel Masset.
Comme cela a été souligné, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation mène actuellement une mission d'information sur le sujet, dont Rémi Pointereau, Jean-Yves Roux et moi-même avons le plaisir d'être les corapporteurs. Nous essayons d'avoir une approche à la fois beaucoup plus globale et la plus fine et la plus technique possible sur un certain nombre de points.
Comme Michel Masset l'a souligné, l'un des enjeux est de caractériser justement les événements et les aléas.
Des aléas normaux peuvent être pris en charge par un EPCI gémapien.
Des aléas plus importants nécessitent la mise en œuvre de principes de solidarité. Ces derniers doivent reposer sur des moyens, qui doivent être levés à l'échelle d'un sous-bassin ou d'un bassin, et non pas forcément d'un département. En réalité, dans certains cas, les établissements publics de bassin sont bien mieux placés que les départements pour bénéficier de la délégation de la compétence gémapienne.
À cet égard, la proposition de loi suscite une forme de doute, voire d'inquiétude au sein des collectivités, parce qu'elle se situe à la croisée des chemins entre des logiques de bassins et des logiques de collectivités territoriales.
Cette approche n'est pas suffisamment structurée dans le texte, tel qu'il est rédigé aujourd'hui – c'est notamment vrai de l'article 1er.
Je souhaite aussi préciser que la gestion du pluvial dépend justement d'une stratégie menée à l'échelle de la collectivité, qui peut participer à la prévention des inondations ; nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir.
Toutefois, cela nécessitera aussi une clarification, notamment avec la direction générale des finances publiques (DGFiP), de ce qui relève d'un syndicat d'eau et d'assainissement et de ce qui peut relever d'une gestion gémapienne.
Tous ces aspects, aujourd'hui, ne sont pas traités. C'est pourquoi mon groupe votera contre la proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, sur l'article.
Mme Anne Chain-Larché. Nous entendons les arguments avancés et admettons volontiers que le texte ne soit pas abouti.
Cependant, les départements ne sont pas le bassin versant ! Ils ne le sont pas plus que les EPCI ou que les syndicats de communes. Or, aujourd'hui, les frontières doivent être compatibles avec les bassins versants.
Je prends l'exemple de notre département de la Seine-et-Marne, qui, comme vous le savez, protège Paris : ses limites sont déjà trop étroites pour régler le problème dans sa totalité ! Malgré tout, ce que nous constatons, et ce que nous avons noté à quatre reprises en 2024, c'est que les communes et les syndicats de communes sont désemparés.
Aussi, nous avons ressenti le besoin d'adresser aujourd'hui un signal fort face à une forme d'immobilisme, de la part de l'État, mais aussi, je tiens à le dire, du Sénat, même si je veux bien entendre qu'un travail approfondi est mené par ailleurs. Ce signal d'un soutien possible devait être envoyé depuis le Sénat.
Le texte ne prévoit pas d'obligation, contrairement à ce qu'avaient malheureusement fait les lois NOTRe et Maptam : il offre aux territoires la possibilité de confier la compétence Gemapi à un département, dont les moyens logistiques et le poids dans les débats sont accrus. Cette évolution nous paraît indispensable.
Je souscris sans réserve à ce qui a été dit sur la taxe, et c'est la raison pour laquelle l'article 3 renvoie la balle dans le camp du Gouvernement. Il faut que nous ayons une vision claire de cette taxe, dont on sait qu'elle peut varier, selon les territoires, entre zéro euro et 40 euros dans certains cas.
Il y a là un véritable enjeu de solidarité. Il faut que nous fassions preuve de solidarité, faute de quoi nous devrons, à terme, créer des impôts inondation, comme nous avons jadis créé des impôts sécheresse. Il faut responsabiliser les territoires et leur permettre de disposer d'une logistique plus importante.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Romagny et Nadille, M. Canévet, Mmes Patru et Aeschlimann, M. Naturel, Mmes Lermytte et Hybert, MM. Chasseing, Genet, Menonville, J.-P. Vogel et Wattebled et Mme Gacquerre, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le III de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … - Les collectivités et leurs groupements compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations dérogent au calendrier d'entretien inséré dans leur déclaration d'utilité publique en cas de circonstances météorologiques et hydrauliques mettant en péril la prévention contre les inondations. Celles-ci doivent être dûment motivées un mois avant les travaux auprès du préfet du département et de l'Office français de la biodiversité. »
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. Cet amendement vise à autoriser les dérogations au calendrier annuel d'entretien des cours d'eau, afin de permettre des mesures de prévention contre les inondations.
Il s'agit de permettre que les collectivités et leurs syndicats gémapiens, et eux seuls, puissent déroger de droit, si je puis dire, au calendrier, afin de procéder à des travaux de prévention des inondations, en faisant confiance au sens des responsabilités des élus locaux.
Les précipitations et les crues de ces dernières années ne permettent pas l'entretien des berges : les cours d'eau sont chargés et les berges immergées, ce qui rend les interventions impossibles. Plus exactement, celles-ci sont possibles techniquement au printemps et à l'été, quand l'eau recule, mais impossibles juridiquement à ce moment, puisque le calendrier d'entretien des rivières permet les interventions entre octobre et mars, lorsque l'eau est à son niveau le plus haut – donc lorsque les interventions sont impossibles techniquement… Le calendrier est ainsi devenu une norme contraignante.
De plus, les entreprises compétentes en matière de travaux de rivière, qui se font de plus en plus rares, sont obligées d'allonger leurs délais d'intervention. Un nombre croissant d'interventions doivent donc être réalisées en un temps restreint.
Il se trouve que j'ai évoqué le problème hier, à l'occasion d'une question orale. La ministre m'a répondu que la taille des haies par les agriculteurs était encadrée pour la nidification des oiseaux, avant de se reprendre et de me parler cette fois du calendrier des rivières, en me disant que des adaptations étaient possibles. Mais que faire lorsque le préfet du département ne donne pas de réponse ?
La situation actuelle est complexe. Il faut de la souplesse réglementaire pour s'adapter aux conditions météorologiques et hydrauliques des rivières.
J'ai confiance en la responsabilité des élus. À cet égard, je pense que la transmission d'une information motivée à l'Office français de la biodiversité (OFB) et au préfet un mois avant les travaux nous permettra de trouver, ensemble, des axes d'intervention intéressants pour la biodiversité. Bien évidemment, il nous faut des garde-fous, mais il ne faut pas non plus que l'on se contraigne et que l'on se tire une balle dans le pied !
Je pense, par exemple, dans mon département, à des installations de vannage qui sont sur le point de céder depuis deux ans. Il est temps de procéder aux travaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Hervé Reynaud, rapporteur. Le constat de notre collègue Anne-Sophie Romagny est tout à fait juste. De nombreuses collectivités connaissent de véritables difficultés concernant l'entretien de ces cours d'eau.
Cependant, je pense que la rédaction de l'amendement aurait peut-être gagné à coller un peu plus à la réalité. En effet, l'amendement tend à prévoir des dérogations systématiques, alors que la possibilité d'adaptations au cas par cas existe déjà. De ce point de vue, on pourrait considérer que l'amendement est satisfait.
Par ailleurs, une information préalable de M. le préfet et de l'Office français de la biodiversité un mois avant la réalisation des travaux paraît peu pertinente compte tenu de la soudaineté des inondations et des intempéries visées.
Néanmoins, je sais que notre collègue est tenace dans sa recherche de réponses ! (Sourires.) Elle ne les a obtenues ni hier, lors de la séance de questions orales, de la part de la ministre Clara Chappaz, qui lui a d'ailleurs répondu alors que le sujet ne relevait pas de son périmètre d'intervention, ni de la part des ministres qu'elle a interrogés via des questions écrites.
Nous aurons peut-être l'occasion aujourd'hui de connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet… J'émets donc un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Madame la sénatrice Romagny, vous signalez que les intempéries pluvieuses, qui s'étalent de plus en plus de la fin de l'hiver jusqu'au printemps, empêchent les syndicats chargés de l'entretien des cours d'eau de bien respecter les dates d'intervention sur les ripisylves préconisées dans leurs arrêtés de déclaration d'intérêt général.
Je vous confirme tout mon soutien à la facilitation de la réalisation des interventions d'entretien de cours d'eau et, plus largement, de restauration des fonctionnalités de nos cours d'eau menées par ces syndicats de rivière.
Je comprends votre souhait que les périodes d'intervention puissent être adaptées au cas par cas, en fonction de la situation pluviométrique et hydrologique.
Vous l'avez rappelé, dans les arrêtés de déclaration d'intérêt général, des dates étaient souvent préconisées pour la réalisation de ces interventions. Elles sont rarement obligatoires. Elles sont parfois relativement souples : aucun jour précis n'est fixé. Il est donc déjà possible de ne pas strictement respecter ces périodes et de s'adapter aux conditions de l'année en cours.
Enfin, ces prescriptions peuvent très bien faire l'objet de modifications et d'adaptations, à la demande du bénéficiaire ou sur l'initiative du préfet.
Tous les syndicats de rivière peuvent donc déjà demander au préfet de fixer des modalités d'adaptation du respect de ces préconisations en cas d'intempéries et de situations défavorables à des interventions indispensables sur les ripisylves.
J'insiste néanmoins sur l'importance du respect de la période de nidification, qui vaut encore plus pour les espèces protégées potentielles : les adaptations devront rester encadrées et précautionneuses pour sécuriser la réalisation des travaux.
Il me semble, madame la sénatrice, que votre amendement est satisfait et qu'il n'est pas nécessaire d'ouvrir dans la loi la possibilité de déroger largement aux prescriptions des arrêtés préfectoraux.
Je vous invite donc à bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j'y serais défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. J'entends bien vos arguments, madame la ministre, mais il s'agit de faire confiance aux élus !
Aujourd'hui, le calendrier doit être respecté par les entreprises, les collectivités et les syndicats, qui s'exposent à un risque d'amende et de sanctions pénales. Il n'est qu'une recommandation pour les particuliers, ce qui est quelque peu différent.
J'entends que l'on peut déjà déroger, mais que fait-on quand le préfet ne donne pas de réponse ?
Étant quelqu'un de très ouvert, je comprends bien qu'il faille protéger notre biodiversité et veiller à la nidification… Mais, le jour où le vannage cédera, comme dans ma commune – un vannage, qui date de 1901, est prêt à céder depuis deux ans, sans que l'on puisse faire les travaux nécessaires ! –, ce sont toutes les populations en aval qui seront inondées. Dira-t-on alors qu'il fallait protéger les oiseaux ?
Bien évidemment, j'entends que des garde-fous sont nécessaires, mais je pense que nous devons faire confiance aux élus locaux. Il ne s'agit pas d'ouvrir les vannes pour le plaisir ! Il ne s'agit pas d'accorder automatiquement une dérogation à chaque demande. Il s'agit de faire une exception uniquement quand les collectivités le demandent.
Les élus locaux ne sont tout de même pas complètement inconscients ! Il est de la responsabilité des maires de protéger leur population. Je souhaite bon courage à ceux qui devront leur expliquer que leur population a été inondée parce que l'on ne pouvait pas déroger au calendrier, ou parce qu'il fallait attendre une réponse du préfet, qui n'est jamais venue… Je pense que nous prenons aujourd'hui un risque inconsidéré.
C'est pourquoi je maintiens mon amendement, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je voterai l'amendement de bon sens de ma collègue Romagny.
Je vous pardonne, madame la ministre : vous êtes ministre de la ville, et chacun sait qu'il y a peu de cours d'eau dans les quartiers populaires… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Toutefois, que Paris écoute un peu le bon sens des territoires ! Ils ont l'habitude des cours d'eau.
Madame la ministre, n'écoutez pas vos administrations centrales, qui sont parfois bien déconnectées. Écoutez plutôt les élus locaux si vous voulez aller dans le bon sens !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Sagesse ?…
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. La loi est conçue précisément pour permettre aux élus locaux d'interpeller les préfets et d'obtenir une adaptation, donc une dérogation au texte. Mais le préfet doit évidemment vous répondre, madame la sénatrice !
Mme Anne-Sophie Romagny. Ce n'est pas le cas !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Si ce n'est pas le cas, écrivez-nous ! Nous nous en occuperons. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que la commission s'en remet à la sagesse du Sénat et que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 309 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 260 |
Pour l'adoption | 241 |
Contre | 19 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Merci, mes chers collègues !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Article 2
Le deuxième alinéa de l'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des mesures visant à lutter contre le ruissellement et l'érosion des sols peuvent également être prévues dans le cadre du zonage mentionné au même article L. 2224-10, dès lors qu'elles présentent un lien avec la prévention des inondations. – (Adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
Aux premier et troisième alinéas de l'article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « inondations, », sont insérés les mots : « y compris la lutte contre le ruissellement, » – (Adopté.)
Article 3
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités d'application de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations prévue à l'article 1530 bis du code général des impôts.
Ce rapport identifie les pistes d'évolution réglementaire permettant une répartition plus équitable de son produit et une harmonisation entre territoires, ainsi que les conditions d'instauration d'un fonds de péréquation de cette taxe à l'échelle des bassins versants – (Adopté.)
Article 4
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. G. Blanc, Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L'amendement n° 3 est présenté par MM. Lemoyne, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le II de l'article 1530 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , ou de la mission mentionnée au 4° du I du même article L. 211-7 » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « au même I bis » sont remplacés par les mots : « au I bis dudit article L. 211-7, ou de la mission mentionnée au 4° du I du même article L. 211-7 » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, à défaut, le syndicat ou le département à qui la compétence a été transférée, peut reverser tout ou partie du produit de cette imposition à une ou plusieurs communes membres, aux fins de financer les charges de fonctionnement et d'investissement, y compris celles constituées par le coût de renouvellement des installations ainsi que par le remboursement des annuités des emprunts, résultant de l'exercice de la mission mentionnée au même 4°. »
La parole est à M. Grégory Blanc, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Grégory Blanc. En commission, le rapporteur pour avis de la commission des finances a proposé de supprimer l'article 4, au regard des enjeux de péréquation et de financement de la politique à l'échelle nationale.
Il nous semble que ce n'est pas suffisant. L'ambition de la proposition de loi est d'abord de prendre en compte les enjeux de ruissellement.
S'il y a un élargissement de la compétence Gemapi, il faut qu'il y ait des moyens, notamment dans certains territoires où la taxe est peu levée – j'en ai parlé lors de la discussion générale. Il faut que les EPCI qui lèveraient la taxe Gemapi puissent effectivement financer un certain nombre de programmes utiles pour prévenir les conséquences du ruissellement.
Cet amendement de rétablissement vise précisément à affirmer que les besoins financiers sont extrêmement importants en la matière.
J'ai entendu, au début de notre discussion, que la loi le permettait déjà ce reversement. Il nous semble que la loi ne permet pas aussi ouvertement que la version initiale du texte de transférer aux communes une partie des financements pour certains travaux.
C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi. Si on le nie, retirons plutôt ce texte pour éviter d'encombrer la navette législative !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J'ai déposé cet amendement par égard pour l'intention initiale des auteurs de la proposition de loi, qui me semblaient avoir puisé à bonne source, si je puis dire. (Sourires.)
Je voudrais mieux comprendre les motivations de la commission des finances, qui a supprimé l'article 4. Cette disposition était pourtant intéressante, en ce qu'elle prévoyait qu'une partie du produit de la Gemapi puisse – c'est une faculté, non une obligation – être reversée à l'une des communes membres du syndicat ou de l'EPCI pour un certain nombre de travaux visés dans le code de l'environnement.
Je me suis reporté à ce code : ces travaux ont trait à la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou à la lutte contre l'érosion des sols, autant de sujets dont nous avons tous constaté, lors de la discussion générale, qu'ils étaient interstitiels, souvent mal couverts, qu'ils donnaient lieu à des problèmes de compétences et que les élus avaient du mal à s'en emparer.
La possibilité d'un reversement s'inscrit dans une logique de fonds de concours, comme le font nombre de communautés de communes ou d'agglomération.
L'intention de M. Cuypers et de Mme Chain-Larché me semblait intéressante, raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement de rétablissement, au nom du groupe RDPI.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. On le voit bien, il y a un problème de financement, et plus le champ de la Gemapi sera étendu, plus les moyens seront insuffisants.
Ouvrir la possibilité de recourir à la taxe Gemapi pour financer des travaux qui ne relèvent pas aujourd'hui des items retenus pour cette compétence est problématique pour les intercommunalités dont le plafond de la taxe atteint ou approche déjà le maximum, c'est-à-dire 40 euros par habitant.
Même si le dispositif est facultatif, nous savons que, dans la pratique, il fera porter une responsabilité nouvelle aux intercommunalités concernées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle même le Sénat a refusé, à l'unanimité, la suppression du plafond de la taxe Gemapi.
La perspective de voir la taxe Gemapi financer une nouvelle compétence avait d'ailleurs suscité des craintes – je parle sous le contrôle de mon corapporteur, Hervé Reynaud – de la part des élus locaux que nous avons auditionnés. En particulier, l'Association nationale des élus du littoral (Anel) a fait valoir que cette mesure ne permettra pas d'améliorer le partage de la prévision du risque, alors que certaines communes doivent débourser jusqu'à 1 million d'euros pour subvenir aux frais de fonctionnement de différentes structures, lorsqu'elles se situent à l'embouchure de plusieurs rivières ou fleuves.
En outre, vous l'avez souligné, monsieur Lemoyne, les communes sont parfois peu denses : aussi, elles ont beau appliquer le taux maximum de taxe Gemapi, les recettes qu'elles en tirent restent insuffisantes. Quant aux communes situées en aval, certes, elles pourraient en obtenir davantage en fixant le taux de taxe au plafond, mais cela ne bénéficierait pas, pour autant, à la Gemapi.
Les communes du littoral craignent que cette taxe ne finance la gestion des eaux pluviales et du ruissellement, en amont, alors que, sur le littoral, les besoins sont extrêmement importants. Les collectivités situées en amont sont peu enclines à utiliser les parts d'un gâteau toujours plus restreint pour des travaux sur le littoral, tandis que les collectivités littorales se montrent dubitatives quant à la perspective de travaux très importants en amont ou en zone de montagne.
L'article 1er précise bien qu'il sera possible de déléguer certaines compétences aux départements : il ne s'agit pas d'un transfert.
En cas de délégation de compétences, il sera ainsi possible à la collectivité dotée de la compétence Gemapi, via la convention, de reverser tout ou partie de la taxe à un département, à la seule condition que cela serve à financer des travaux relatifs à la Gemapi. Et puisque les missions de la taxe Gemapi ont été étendues, son produit pourrait, dans cette situation, être employé à la maîtrise du ruissellement et à la lutte contre l'érosion des sols.
Dans le cadre d'un transfert de compétences, l'extension des missions est théoriquement impossible, s'agissant d'une taxe affectée. En effet, dès lors qu'une compétence a été transférée, la collectivité qui en est dotée a l'obligation d'assurer le financement des charges de fonctionnement et d'investissement.
M. le président. Cher collègue, je vous autorise à dépasser le temps de parole imparti pour présenter l'avis de la commission, car le sujet est important, et votre propos est très pédagogique.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cela permet de clarifier les choses !
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. J'essaie d'être pédagogue, monsieur le président. Je connais en effet parfaitement le sujet, pour y avoir été souvent confronté dans mon département et dans ma communauté de communes.
En cas de transfert de compétences, il est donc impossible de reverser tout ou partie du produit de la taxe Gemapi aux communes, sauf en cas de délégation de maîtrise d'ouvrage ou de travaux d'intérêt communautaire, considérant qu'il s'agit d'un périmètre pour lequel il est nécessaire de faire des travaux en un lieu précis qui bénéficieront à tout un territoire.
Enfin, il faut évoquer la possibilité du fonds de concours : il n'est pas interdit à un EPCI et à un département, par exemple, de conclure une convention pour un fonds de concours. Si le prélèvement se fait sur la taxe Gemapi, la seule condition est que les travaux financés concernent la prévention des inondations.
C'est la raison pour laquelle l'article 4 a été supprimé. Dans l'article 1er, il est bien question de délégation et non de transfert ; or, dans le cas d'un transfert, la loi permet déjà de répondre à cette nécessité.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Il nous semble assez périlleux de permettre à un EPCI de reverser une partie de la taxe Gemapi à une commune membre pour lutter contre le ruissellement et l'érosion des sols.
L'article 4 prévoyait de déroger à la logique initiale en permettant de recourir au produit de la taxe pour financer les missions mentionnées à l'article L. 211-7 du code de l'environnement, lorsqu'elles sont mises en œuvre par l'EPCI compétent en matière de Gemapi.
Cependant, il semble assez peu pertinent de déconnecter le produit de la taxe de la compétence pour laquelle elle a été créée. En outre, le système de reversement du produit de la taxe, tel qu'il est prévu par la proposition de loi, ne pourrait pas fonctionner.
Tout d'abord, parce que ce mécanisme prévoit de reverser aux communes le produit de la taxe perçu par un syndicat ou par le département. Or seuls les EPCI compétents en matière de Gemapi peuvent percevoir la taxe : ce n'est pas le cas des syndicats mixtes, à qui la compétence a été transférée, ni des départements, à qui elle peut être déléguée.
Ensuite, dans le cas où l'EPCI à fiscalité propre qui a perçu la taxe Gemapi souhaiterait en reverser une partie à une commune qui réalise directement une mission mentionnée au fameux alinéa 4 de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, celui-ci ne disposerait pas des crédits nécessaires pour y procéder. En effet, l'EPCI à fiscalité propre prélève seulement les montants de taxe Gemapi correspondant à ses prévisions de charges propres.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Dès que l'on approfondit ce sujet, on réalise combien il est technique.
M. Hervé Gillé. Je veux d'abord faire une remarque sur un point qui méritera, à l'avenir, d'être précisé.
Le produit de la taxe Gemapi peut être affecté au budget général ou à un budget annexe. Une clarification sera donc sans doute nécessaire.
Si nous souhaitons œuvrer pour la transparence des coûts mobilisés, il sera préférable de privilégier un fonctionnement sur un budget annexe plutôt que sur le budget général, même si la comptabilité analytique permet de démontrer l'affectation. C'est une question à laquelle il faudra apporter une réponse.
De même, le travail ne me semble pas suffisamment approfondi sur la question de la maîtrise des eaux pluviales.
Cette maîtrise relève, pour partie, d'une gestion classique qui dépend d'affectations particulières, gérées par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Mais une autre part de la gestion des eaux pluviales, plus stratégique, bénéficie quant à elle à la prévention des inondations. Les lignes d'affectation sont donc différentes. Une clarification de la DGFiP est nécessaire pour comprendre ce qui peut intervenir dans le champ classique du pluvial et dans celui de la prévention des inondations. Le sujet mérite d'être creusé davantage.
Par ailleurs, la taxe Gemapi, même si elle est appliquée au taux plafond, ne suffira pas à répondre à des aléas majeurs. Il faudra donc réfléchir à une fiscalité complémentaire, dite de solidarité, qui pourra prendre la forme d'une redevance ou d'une taxe pour compléter le modèle actuel.
Enfin, la dernière brique de l'édifice reste le fonds Barnier, pour les situations d'importance relevant de la solidarité nationale, en complément de celle qu'il faut instaurer entre l'amont et l'aval.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous l'avez compris, c'était un amendement d'appel. Je souhaitais surtout obtenir des explications de la commission des finances sur la suppression pure et simple d'un article du texte initial.
Notre débat l'a montré : toutes les actions liées à la maîtrise des eaux pluviales et du ruissellement et à la lutte contre l'érosion des sols soulèvent une question de périmètre.
Pour l'heure, ce dernier est mal appréhendé. Ces compétences demeurent interstitielles. Dans mon département de l'Yonne, des communes me font fréquemment part d'un manque de moyens pour agir sur le ruissellement. Or l'article 4 permettait justement d'apporter des financements à cette fin.
J'entends cependant la logique, également défendue par la ministre, selon laquelle la taxe a un objet précis et qu'il n'est pas possible, en conséquence, d'élargir son affectation à d'autres missions.
Pour autant, par cet amendement, nous souhaitions pointer du doigt l'enjeu de la maîtrise du ruissellement. Cette question devra être traitée, notamment au travers du prisme du périmètre. Plusieurs options s'offriront à nous pour ce faire
En outre, nous devons travailler sur le financement des actions. C'est ainsi que nous améliorerons la prévention des inondations.
Au bénéfice de cette explication, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. J'ai entendu les propos du rapporteur de la commission des finances.
Ce débat n'oppose pas les communes de montagne et les territoires du littoral, qui rencontrent les problématiques fiscales qui ont été évoquées.
Dans de nombreux territoires français, les territoires en amont sont plus riches que ceux qui sont situés en aval. Or dans ces territoires plus aisés, la taxe Gemapi n'est pas toujours levée. Je pense, par exemple, à des territoires densément peuplés, comprenant des zones d'activité, où le produit de la CFE est important. Prenons ainsi la commune de Cholet, dans mon département : l'agglomération du Choletais s'illustre tout de même par un certain dynamisme économique, alors que la taxe n'y est pas levée à plein.
Selon moi, l'intérêt de ce texte était qu'il permettait, dans certains territoires où la taxe Gemapi n'est pas complètement levée, d'affecter une partie de son produit à l'accompagnement des communes dans une logique de fonds de concours, comme le suggérait notre collègue Lemoyne. Or je n'ai pas très bien saisi la réponse du rapporteur par rapport à cette situation spécifique.
Madame la ministre, soit cette possibilité n'existe pas, et l'article 4 mérite d'être maintenu ; soit cette possibilité existe, et l'ensemble de cette loi vise à fragiliser un édifice, qui, même s'il est imparfait, est déjà construit. Dès lors, il nous faut une loi de plus grande ampleur.
Je ne peux poser l'équation autrement…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. Monsieur Blanc, les auteurs de ce texte n'ont pas choisi d'imposer à toutes les collectivités d'instaurer la taxe Gemapi au taux plafond, précisément pour leur laisser de la liberté – comme cela a été dit, il s'agit d'un texte de liberté.
Je vous renvoie au principe de libre administration des communes. La Gemapi est une compétence obligatoire, qui repose sur une taxe affectée facultative. Notre volonté n'était pas d'imposer le prélèvement de cette taxe aux collectivités. Il appartient à celles-ci de choisir, en toute liberté, de lever cette taxe et d'en fixer le taux.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, du reste, sur le fait que l'inégalité entre les capacités financières des territoires, selon qu'ils lèvent ou non cette taxe, et à quel taux, a trait à un problème de financement et de péréquation.
Pour autant, nous n'avons pas souhaité instaurer de mécanisme de péréquation horizontale. J'ai assisté à une telle tentative à l'Assemblée des départements de France (ADF) : je vous laisse le soin d'essayer d'appliquer une péréquation horizontale sur la Gemapi – bon courage !
M. le président. Monsieur Blanc, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Grégory Blanc. Oui, il est maintenu.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. La commission des lois et la commission des finances ont été saisies, respectivement au fond et pour avis, sur ce texte ; à titre personnel, j'aurais aimé que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable soit au moins consultée pour avis sur les questions de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
Voilà qui aurait été plutôt pertinent dans la mesure où nous travaillons précisément, au sein de notre commission, sur la gestion du risque, notamment avec Pascal Martin et Jean-Yves Roux. Il est dommage que ce texte relatif à la Gemapi ne soit pas empreint de cette transversalité. Je vous redonne donc rendez-vous pour aborder ce sujet à l'avenir.
Je sais que le rapport qui sera rendu par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sera à la fois transpartisan et suffisamment global pour nous permettre d'avancer, à la rentrée, sur le sujet.
M. le président. Les rapports du Sénat sont toujours d'excellente qualité, vous le savez ! (Sourires.)
La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Nous sommes parfaitement conscients que ce texte est un premier pas : il faut un début à tout.
Nous avions d'ailleurs proposé à notre collègue Rémy Pointereau de travailler sur la rédaction d'un texte commun. Nous avons compris que votre démarche est très approfondie, bien qu'elle ne soit pas encore arrivée à terme. Nous y souscrirons pleinement.
J'ai d'ailleurs évoqué précédemment un texte complémentaire à cette proposition de loi. En attendant, je remercie l'ensemble des sénateurs pour la qualité de ce débat. La démarche est lancée et le Sénat en sortira certainement grandi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 310 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l'adoption | 224 |
Contre | 82 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Annick Billon applaudit également.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante-six.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales
Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des finances, de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, présentée par M. Jean-François Husson et plusieurs de ses collègues (proposition n° 542, texte de la commission n° 696, rapport n° 695).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, il n'est pas si fréquent que le rapporteur général de la commission des finances monte à cette tribune pour présenter un texte qui rencontre, a priori, un soutien aussi large au sein de cet hémicycle.
La proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales a en effet été largement cosignée, à la fois par les membres de la commission des finances et par une majorité de groupes politiques. Je les en remercie.
Je remercie également le président de la commission des finances, Claude Raynal, qui a demandé l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de notre assemblée.
Avant de présenter les apports de ce texte, je veux revenir sur les travaux qui ont nourri sa rédaction.
Le 27 mars 2024, la mission d'information de notre commission des finances remettait au Sénat un rapport intitulé Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales. Ce travail a mis au jour les difficultés croissantes des collectivités territoriales face à leurs assureurs en s'appuyant notamment sur une consultation en ligne des élus locaux.
Je ne citerai que quelques chiffres marquants issus des plus de 700 réponses qui ont été reçues.
Près de 95 % des collectivités répondantes ont indiqué avoir subi une hausse de leur prime d'assurance et environ 30 % ont souligné que leur assureur leur avait imposé une hausse de leur franchise. En outre, de nombreuses collectivités faisaient état de leurs difficultés à conserver, voire à trouver un assureur. Ainsi, 20 % d'entre elles avaient vu leur contrat résilié unilatéralement, parmi lesquelles 41 % avaient reçu un préavis inférieur à quatre mois. Enfin, un quart des collectivités répondantes avaient été confrontées à un appel d'offres infructueux.
Le rapport de notre mission a bien identifié les raisons d'une telle situation : le marché de l'assurance des collectivités, à la suite d'une guerre presque fratricide des prix, a été déserté par la quasi-totalité des assureurs. Il est aujourd'hui fortement duopolistique, Groupama et Smacl Assurances SA se partageant une grande partie du marché.
Ces dysfonctionnements, à propos desquels notre commission a d'ailleurs saisi l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article L. 462-1 du code de commerce, expliquent en grande partie les difficultés actuelles des collectivités en matière d'assurance.
Ces difficultés ont été révélées au grand jour du fait de la hausse de la sinistralité.
En premier lieu, de nombreux territoires ont été affectés par des phénomènes climatiques extrêmes. Cette tendance devrait malheureusement se poursuivre. Entre 1989 et 2019, l'ensemble des événements climatiques a généré des indemnisations à hauteur de 74 milliards d'euros pour les collectivités, les particuliers et les entreprises. D'après des études fondées sur des projections sociodémographiques et climatiques, pour la période 2020-2050, le total devrait atteindre 143 milliards d'euros, soit quasiment le double par rapport aux trente dernières années.
En second lieu, les collectivités sont plus particulièrement exposées aux épisodes d'émeutes et de mouvements populaires. Notre pays a vu se multiplier ce type d'événements au cours des dernières années, avec une intensification préoccupante des dégâts engendrés. Les violences de 2023 ont ainsi causé des dommages quatre fois plus importants que les violences urbaines de 2005. Cela soulève une difficulté majeure qui pourrait se traduire, à terme, par l'absence de couverture assurantielle de ce risque.
L'ensemble de ces constats a été confirmé dans le rapport, publié en septembre 2024, de la mission d'évaluation sur l'assurabilité des collectivités territoriales confiée par le Gouvernement à Jean-Yves Dagès, ancien directeur général de Groupama et Alain Chrétien, maire de Vesoul.
Les travaux du Sénat, en particulier ceux de notre commission des finances, ont permis des avancées.
J'ai présenté, au sein du projet de loi de simplification de la vie économique, un amendement visant à imposer un préavis d'au moins six mois pour la résiliation unilatérale d'un contrat d'assurance d'une collectivité territoriale, qui devrait être conservé dans le texte final.
En octobre, nous avons également adopté la proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime des catastrophes naturelles de notre collègue Christine Lavarde.
Pour autant, une réponse spécifique aux difficultés des collectivités territoriales se fait encore attendre. Je reconnais que le Gouvernement a fait un premier pas sur le sujet en organisant le 14 avril 2025 un Roquelaure de l'assurabilité des territoires et en présentant, à cette occasion, son plan d'action.
Toutefois, pour bien des élus, les annonces du Roquelaure, pour bienvenues qu'elles soient, les laissent un peu sur leur faim. Les mesures annoncées doivent soit être mises en œuvre par voie réglementaire, soit faire encore l'objet de groupes de travail.
Dans ce contexte, le présent texte entend apporter une traduction concrète aux recommandations de nos travaux relevant du domaine législatif.
Tout d'abord, le texte prévoit d'améliorer les dispositifs de suivi du marché de l'assurance des collectivités territoriales, afin de prévenir toute nouvelle dérive.
L'article 1er précise les compétences de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Il nous a semblé nécessaire que l'Autorité prenne en compte, dans l'exercice de ses missions, des spécificités du marché de l'assurance des collectivités territoriales, ce qui n'est pas le cas actuellement, puisque les collectivités ne sont pas différenciées des entreprises.
Dans le même sens, il est prévu, à l'article 2, que le comité consultatif du secteur financier assure un suivi des pratiques tarifaires des entreprises d'assurance pour les services offerts aux personnes publiques. Un tel suivi permettra d'anticiper toute nouvelle guerre des prix sur ce marché.
Nous avons également entendu rééquilibrer les relations contractuelles et précontractuelles entre les collectivités et leurs assureurs.
L'article 3 de la proposition de loi élargit le recours au médiateur de l'assurance aux collectivités qui ne parviennent pas à s'assurer.
L'article 4 quant à lui systématise les franchises dans les contrats d'assurance des collectivités, partant du principe que celles-ci permettent de recentrer le contrat sur les risques principaux pour en réduire le coût, tout en incitant les collectivités à conduire des politiques de prévention. Cette disposition vise à les responsabiliser, en les encourageant à bien informer leurs équipes.
Enfin, la problématique des émeutes rend nécessaire une extension des modalités d'intervention de l'État.
C'est pourquoi il est proposé, à l'article 5, d'étendre le champ de la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques (DSECG) afin de couvrir les biens des collectivités territoriales endommagés à la suite d'émeutes ou de mouvements populaires violents. L'idée est d'éviter, comme ce fut le cas en juillet 2023, de devoir recourir à un projet de loi d'urgence pour régler les problèmes des collectivités. Il s'agit, au contraire, d'offrir de la visibilité aux collectivités.
L'article 6 prévoit enfin la création d'un régime d'assurance des émeutes et des mouvements populaires. Comme dans le cadre du régime des catastrophes naturelles, il introduit une garantie obligatoire des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires dans les contrats d'assurance « dommages aux biens ». Un fonds prudentiel abondé par une surprime, dont l'intervention serait limitée aux dommages dépassant certains seuils, permettrait la mutualisation de ce risque.
Sans revenir dans le détail sur ce régime de mutualisation, j'invite le Gouvernement à se saisir de cet article et à le faire prospérer au cours des travaux parlementaires.
J'ai pu échanger, conjointement avec Mme la rapporteure et les ministres, pour établir un calendrier de travail sur ce point. Je comprends que le Gouvernement mène en parallèle des travaux techniques sur un régime d'assurance émeutes, mais je l'encourage à travailler à nos côtés pour améliorer la rédaction initiale.
Le Sénat rend une première copie. Charge au Gouvernement d'y prendre sa part, car il me paraît indispensable d'apporter, au plus vite, des solutions concrètes aux difficultés assurantielles rencontrées par nos collectivités.
Pour terminer, permettez-moi de saluer le travail de notre rapporteure, Marie-Carole Ciuntu : j'ai eu l'occasion de mesurer combien son expérience de maire a été un avantage sur un tel sujet.
Je remercie enfin les membres de la commission des finances pour le soutien unanime qu'ils ont apporté à cette proposition de loi, que je défends également au nom de cette commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Isabelle Briquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qu'il nous est donné d'examiner a été déposée par notre collègue Jean-François Husson. Elle vise à offrir une traduction législative à certaines des recommandations de son rapport.
Je ne reviens pas sur les constats de la mission d'information menée par notre commission des finances, qui ont été rappelés par le rapporteur général à l'instant. Je me concentrerai sur les travaux de la commission et sur les raisons qui l'ont conduite à adopter le texte qui constitue aujourd'hui la base de notre discussion.
Je commence par les dispositions relatives au suivi et au contrôle du marché de l'assurance.
Les articles 1er et 2 visent à confier à deux institutions une mission de suivi spécifique du marché de l'assurance des collectivités territoriales.
L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution serait chargée, dans l'exercice de ses missions actuelles, du suivi de l'assurabilité des collectivités. Quant au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), il serait responsable d'une mission de suivi des tarifs assurantiels dans le secteur public.
Ces deux missions ont été jugées tout à fait réalisables par le médiateur de l'assurance ; elles sont également nécessaires pour clarifier l'action de l'ACPR, qui juge actuellement que l'exercice de son pouvoir de contrôle ne s'étend pas à l'assurance du secteur public.
Il faut également évoquer les articles qui visent à rééquilibrer les relations entre collectivités et assureurs.
L'article 3 comporte deux dispositions.
La première permet à toute collectivité territoriale de recourir à la médiation de l'assurance dans les litiges l'opposant à son assureur. Pour mémoire, les collectivités avaient été autorisées à saisir le médiateur de l'assurance à l'été 2024. Cependant, le ministre de l'économie de l'époque avait restreint cette faculté au seul cadre d'un sinistre, en l'annonçant au demeurant uniquement dans la presse, sans autre formalité.
La rédaction proposée est bien plus solide, puisqu'elle inscrit ce dispositif dans le marbre de la loi. Elle est également bien plus adaptée à la réalité des difficultés des collectivités territoriales, qui dépassent de loin le cas des seuls sinistres. C'est pourquoi l'emploi du terme « litige » a reçu l'approbation du médiateur lui-même.
La seconde disposition permettait initialement aux collectivités de saisir le médiateur de l'assurance pour bénéficier d'un accompagnement dans leur recherche d'assurance.
Sur ce point, il faut saluer une avancée permise par le Gouvernement : la création, annoncée lors du Roquelaure de l'assurabilité des territoires, d'une cellule d'accompagnement ad hoc dénommée Collectiv'Assur. Cette cellule, qui devrait être opérationnelle durant l'été 2025, serait toutefois rattachée à M. Arnaud Chneiweiss intuitu personae, et non en sa qualité de médiateur.
Soucieuse de coordonner ses travaux avec ceux du Gouvernement, la commission des finances a retenu une rédaction plus large que celle qui était initialement proposée, pour permettre à Collectiv'Assur de mener à bien la mission fixée par la loi.
Sur cet article, la commission des finances a déposé un seul amendement, qui vise à préciser que les établissements publics de coopération à fiscalité propre ont également accès à la médiation de l'assurance et à la cellule Collectiv'Assur.
La commission n'a pas modifié l'article 4, qui tend à systématiser les franchises dans les contrats d'assurance conclus par les collectivités territoriales et leurs groupements pour garantir les dommages à leurs biens. Comme le rapporteur général l'a indiqué, cette mesure vise à encourager la prévention pour la gestion des petits risques.
La rédaction retenue, que la commission a voulu la plus souple possible, laisse au pouvoir réglementaire le soin de définir les caractéristiques de cette franchise et de déterminer notamment si son montant minimum doit être forfaitaire ou calculé en fonction de la valeur des biens assurés. La commission propose simplement de rallonger le délai d'application de six à douze mois pour permettre aux assureurs de modifier leurs contrats en conséquence.
J'en viens enfin aux articles visant la couverture des risques liés aux émeutes.
L'article 5 élargit l'éligibilité à la DSECG pour que celle-ci puisse désormais également couvrir les risques liés aux émeutes et aux mouvements populaires. Ce dispositif, qui constitue une référence en matière de risque climatique, permettra d'apporter aux collectivités une indemnisation rapide de leurs biens non assurables, sans dépendre de la constitution d'un dispositif ad hoc par le Gouvernement. Il s'agissait d'une recommandation du rapport de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales que la commission des finances a mené ; elle y a donc souscrit sans réserve.
Enfin, l'article 6 constitue sans doute la principale disposition de la présente proposition de loi. Comme l'a indiqué le rapporteur général, cet article introduit un régime d'indemnisation du risque d'émeute inspiré du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime CatNat.
La commission a procédé à plusieurs modifications de cet article.
D'abord, nous avons souhaité préciser la définition des termes « émeutes » et « mouvements populaires », qui sont issus du droit des assurances. Nos travaux nous ont amenés à considérer qu'une émeute est définie par trois critères : un critère de masse, qui implique un rassemblement de personnes accompagné de violences ; un aspect contestataire ; et un caractère revendicatif. La définition proposée par la commission reprend ces critères, issus de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Toutefois, si cette définition permet bien de couvrir les premières émeutes de 2023, elle ne permet pas d'inclure les violences aveugles qui ont pu se produire à l'occasion de ces émeutes ou, plus récemment, dans des contextes sportifs.
C'est pourquoi nous proposons de définir la notion de « mouvements populaires », plus large, comme un « rassemblement de personnes accompagné de violences et visant à troubler l'ordre public. » Ce critère de finalité traduit la volonté de la commission de couvrir les cas de violences aveugles.
Il convient enfin d'exclure certains agissements de la définition des émeutes et des mouvements populaires. Nous pensons aux actes de guerre, étrangère ou civile, qui resteraient exclus par principe des contrats d'assurance, ainsi qu'aux actes de terrorisme, couverts par le régime Gareat de gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme.
La commission a déposé un amendement visant à exclure également les attentats qui ne sont pas nécessairement terroristes. Nous avons en outre souhaité écarter les actions de commandos, qui constituent à nos yeux des groupements et non des rassemblements. Enfin, nous avons également exclu les cas de pillages opportunistes motivés par l'appât du gain et non par le trouble à l'ordre public en lui-même.
La commission a également entendu rendre effectif le caractère obligatoire de la garantie émeute attachée aux contrats d'assurance couvrant les dommages aux biens. En cas de refus d'assurance par un assureur, les assurés peuvent saisir le bureau central de tarification (BCT), qui fixe lui-même les termes du contrat.
Pour assurer une meilleure opérationnalité de ce mécanisme, la commission a précisé les conditions dans lesquels le BCT peut intervenir. Saisi d'un refus en raison du risque émeute, il doit néanmoins tenir compte de l'équilibre du contrat dans sa globalité.
Le risque « émeutes et mouvements populaires » serait couvert par une surprime, comme dans le régime CatNat. En l'état du texte, cette surprime serait intégralement affectée à un mécanisme de mutualisation du risque.
Toutefois, la commission a considéré que, dès lors que le système proposé repose sur un partage du risque entre l'assurance privée et la réassurance publique-privée, il convient également de partager la surprime. C'est du reste le cas dans le régime CatNat.
Il faut enfin aborder le mécanisme de mutualisation proposé. Afin de respecter l'article 40 de la Constitution, les auteurs de la proposition de loi n'ont pas fait intervenir la Caisse centrale de réassurance dans la gestion de ce fonds. Toutefois, nous estimons que l'intervention de la Caisse est indispensable, quel que soit le schéma de mutualisation proposé.
Pour contourner cet obstacle, l'article 6 crée un fonds pour l'indemnisation des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires d'intensité exceptionnelle, sur le modèle du fonds de garantie des opérateurs de voyages et de séjours (FGOVS) créé pendant la crise sanitaire.
D'autres modèles sont également possibles, comme celui du régime CatNat, qui prévoit une intervention de la Caisse centrale de réassurance au premier euro sous forme de quote-part, ou celui du régime Gareat, qui n'intervient que pour indemniser les dommages au-delà d'un certain seuil.
La commission est ouverte à toutes les discussions. Il revient au Gouvernement d'intervenir pour surmonter l'obstacle de l'article 40.
Toujours est-il que l'intervention du fonds serait limitée à 1 milliard d'euros ; au-delà, la prise en charge reposerait sur une garantie de l'État. Ce plafond ayant été jugé trop bas lors de plusieurs auditions, la commission a souhaité le rehausser à 1,5 milliard d'euros.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous propose d'adopter la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP. – Mme Isabelle Briquet applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix,
est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l'assurabilité des collectivités territoriales est un objectif prioritaire pour le Premier ministre François Bayrou. C'est d'ailleurs l'un des premiers sujets que j'ai abordés avec lui lors de ma prise de fonctions.
Le chef du Gouvernement a réitéré cet engagement devant les élus, les assureurs et l'État. Nous avons ainsi annoncé une série de mesures lors du Roquelaure de l'assurabilité des territoires, le 14 avril dernier, que nous pouvons résumer avec la formule suivante : les collectivités qui le souhaitent doivent pouvoir souscrire une assurance.
Le sujet est fondamental non seulement pour le Gouvernement, mais également pour le Sénat, qui a eu la sagesse de s'en saisir très tôt. Je pense notamment à l'excellent rapport de M. le rapporteur général publié en 2024 sur les problèmes assurantiels des collectivités locales, intitulé Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales.
C'est en ce sens qu'à la fin de 2023, à la demande de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, les ministres de l'économie, de la cohésion sociale et des collectivités ont mandaté Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès, dont les travaux ont été mentionnés plus tôt par M. le rapporteur général.
Le gouvernement de François Bayrou s'est évidemment saisi de ce sujet. Le plan d'action présenté au Roquelaure a été construit en concertation avec les associations d'élus et les assureurs, qui se sont chacun engagés à prendre leur part de l'effort nécessaire au bon rétablissement de ce marché. Monsieur le rapporteur général, je n'oublie pas votre rôle dans la préparation de cette journée d'échanges.
Moins de deux mois après leur annonce, les engagements du Roquelaure sont tenus. Monsieur le rapporteur général, je tiens à vous le garantir, Collectiv'Assur, la cellule financée par les assureurs pour orienter les collectivités les plus en difficulté dans leur recherche d'assurance, sera opérationnelle dès la fin de ce mois-ci.
Un nouveau guide des bonnes pratiques pour la souscription d'assurance par les collectivités territoriales, préparé en concertation avec les collectivités, les intermédiaires d'assurance et les assureurs, sera publié également d'ici à la fin du mois. Je me suis d'ailleurs permis de suggérer aux assureurs de le diffuser lors du prochain congrès de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité.
La réforme de la franchise applicable pour les catastrophes naturelles entrera en vigueur dans les prochains jours. Elle sera particulièrement protectrice pour les petites communes de moins de 2 000 habitants.
Enfin, mes services travaillent actuellement avec les assureurs et les réassureurs pour proposer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, une solution d'assurance en cas de dommages consécutifs aux émeutes. Je le sais, les troubles sociaux de grande ampleur peuvent particulièrement affecter nos territoires, ainsi que le passé récent l'a malheureusement démontré.
Sur ce sujet majeur, nous voulons explorer toutes les possibilités avant de proposer une solution au Parlement. Les échanges au sein du groupe de travail sont extrêmement riches, les grands équilibres de ce dispositif faisant notamment l'objet de débats de fond.
Nous travaillons également sur une extension du dispositif aux territoires ultra-marins, dans lesquels l'État n'est parfois pas compétent en matière d'assurance.
Naturellement, ces premières mesures pourront être étayées. Je sais la frustration que le législateur peut ressentir lorsque certaines mesures ne passent pas par la loi. Le Premier ministre l'a clairement rappelé : le Gouvernement sera prêt à étudier toutes les modalités d'intervention nécessaires, qu'elles soient législatives ou réglementaires.
À la lecture de la proposition de loi, je constate une très large convergence de vues entre l'esprit de ce texte et le sens des mesures annoncées jusqu'à présent par le Gouvernement.
Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de nouveau d'avoir contribué puissamment à la préparation du Roquelaure de l'assurance. Je remercie également Mme la rapporteure Marie-Carole Ciuntu de ses travaux préparatoires à l'examen de ce texte. Nous gagnerons à unir nos efforts. Le Gouvernement souhaite que nous puissions travailler dans cet esprit durant les prochains mois, puisque, comme vous l'avez souligné, madame la rapporteure, il reste plusieurs étapes à franchir.
Je profite de ce propos liminaire pour apporter quelques observations sur le contenu de la proposition de loi.
À l'article 1er, nous partageons l'objectif d'améliorer le suivi du marché de l'assurance des collectivités. Néanmoins, nous sommes réservés sur le fait de confier ce rôle à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dont la mission est non pas d'assurer le suivi particulier de certains marchés, mais de surveiller les équilibres techniques de chaque assureur.
Du reste, cette institution n'a pas les moyens nécessaires pour conduire cette nouvelle mission. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez l'attention que le Gouvernement porte à la stabilité de la dépense publique, objectif que nous partageons avec beaucoup d'entre vous.
Pour opérer ce suivi, qui nous apparaît également nécessaire – monsieur le rapporteur général, je partage votre préoccupation –, il serait peut-être plus pertinent de demander à France Assureurs de s'en charger.
À l'article 3, nous partageons la volonté d'inscrire dans la loi la possibilité pour les collectivités de saisir le médiateur de l'assurance. Par ailleurs, la cellule Collectiv'Assur sera opérationnelle dans les prochains jours pour épauler les collectivités dans leur recherche d'assurance. Confiants dans la responsabilité des assureurs qui financent et opèrent cette structure, nous préférons ne pas contraindre dès à présent son fonctionnement.
Vous proposez à l'article 4 d'exiger que les garanties souscrites par les collectivités soient assorties de franchises. Nous en avons discuté lors de la préparation de ce texte, la franchise a de nombreuses vertus sur le plan macroéconomique : elle responsabilise l'assuré dans sa gestion du risque et diminue également le coût de l'assurance. Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cette initiative.
L'article 5 étend le champ de la DSECG en y rendant éligibles les dommages causés par les émeutes ou les mouvements populaires. Dans le contexte budgétaire, il est clair que ceci ne pourra se faire qu'au détriment de l'indemnisation des événements climatiques ou géologiques extrêmes, par vases communicants.
Nous préférons instaurer un mécanisme d'assurance privée, que nous étudions dans le cadre des travaux en cours sur le financement de cette garantie. Si cela était nécessaire, nous inscririons ensuite ces précisions dans la loi.
Enfin, l'article 6 introduit une extension de garantie obligatoire pour la couverture des troubles sociaux majeurs. J'ai déjà dit un mot de nos travaux à ce sujet et je souligne une nouvelle fois la convergence de vues entre le Gouvernement et le Sénat.
Je tiens toutefois à insister sur un point important pour le fonctionnement de ce dispositif. Si les assureurs étaient forcés d'assurer la couverture de ce risque sans pouvoir le céder aux réassureurs privés, il serait nécessaire d'accorder en contrepartie une nouvelle garantie de l'État à la Caisse centrale de réassurance, pour couvrir les événements extrêmes en dernier recours.
Madame la rapporteure, vous faisiez référence à ce point en mentionnant l'article 40 de la Constitution. Si une telle garantie n'était pas accordée, la restauration du marché de l'assurance des collectivités territoriales serait entravée, avec le risque de ruiner tous les efforts entrepris jusqu'à présent.
Pour cette raison, sur la base de ces travaux, le Gouvernement a l'objectif de présenter au Parlement l'octroi d'une garantie de l'État en ce sens lors du projet de loi de finances (PLF), qui permettrait de régler le problème soulevé par Mme la rapporteure.
Toutefois, je crains que la disposition proposée à ce stade ne préempte une partie des discussions techniques en cours et ne suscite des incompréhensions. Notre débat permettra d'éclairer ce sujet.
Je prends personnellement l'engagement, au nom du Gouvernement, de faire atterrir ces travaux d'ici à l'examen du prochain projet de loi de finances. Vous serez évidemment associés à toutes les discussions et aux réflexions nécessaires à la préparation du PLF. Je le reconnais bien volontiers, ces propos ne sont qu'une promesse, mais je formule celle-ci à la tribune du Sénat. Je sais que vous serez attentifs au respect de celle-ci, comme je le serai moi-même.
M. Laurent Burgoa. Nous verrons !
M. Éric Lombard, ministre. Ces quelques réserves n'altèrent en rien notre volonté d'avancer sur ce dossier essentiel, avec méthode et transparence, exercice auquel je m'astreins. Aussi nos débats seront-ils très utiles pour les travaux que nous conduisons à la suite du Roquelaure des assurances.
Puisque nous en sommes aux engagements, fixons-nous également un calendrier : nous avons l'ambition de présenter un dispositif d'assurabilité des collectivités complet avant l'examen du prochain projet de loi de finances. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous mettrons tous les moyens en œuvre pour tenir cet engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Indep. – Mme Isabelle Briquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales est le fruit de plusieurs mois de travail au sein de la commission des finances du Sénat et dans le débat public.
Cette réflexion était devenue nécessaire, car nos élus nous ont fait part de leurs difficultés à assurer leurs collectivités et d'augmentations subites de leurs primes d'assurance.
Depuis une dizaine d'années, en raison de la multiplication des aléas climatiques, nos collectivités font face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain. Plus récemment, le mouvement des gilets jaunes, puis les émeutes de l'été 2023 et les mouvements sociaux ont occasionné de nouveaux dégâts sur les biens de nos collectivités.
Face à ces épisodes, de nombreux élus de toutes les strates dénoncent les difficultés grandissantes qu'ils rencontrent pour assurer leur collectivité.
Pour cette raison, la commission des finances a créé en son sein une mission d'information relative aux problèmes assurantiels des collectivités territoriales en janvier 2024. Jean-François Husson, notre rapporteur général, a remis ses travaux en seulement deux mois. Le texte qui nous est aujourd'hui présenté est inspiré des conclusions de son rapport.
Depuis, de nombreux travaux complémentaires ont été menés, comme l'excellent rapport qu'Alain Chrétien a remis en septembre dernier sur l'assurabilité des biens des collectivités locales et de leur groupement.
Enfin, s'il n'y a pas d'assurabilité des collectivités sans participation des assureurs, le marché de l'assurance des collectivités présente des dysfonctionnements et se révèle peu attirant pour les assureurs. Les règles de la commande publique sont très contraignantes, ce qui conduit souvent les assureurs à ne pas répondre aux appels d'offres.
Par ailleurs, les sinistres que je mentionnais accroissent le coût et fragilisent le modèle économique des contrats d'assurance couvrant les dommages aux biens. Les assureurs auraient pu essayer de se retirer de ce marché – une partie d'entre eux l'a d'ailleurs fait. Toutefois, face à la détermination du Gouvernement, des élus locaux et des sénateurs, ils se sont rendu compte qu'il valait mieux coopérer.
Le Gouvernement et France Assureurs, organisation représentant les assureurs, ont ainsi tenu en avril dernier le Roquelaure de l'assurabilité des territoires. Ils ont décidé de créer les conditions nécessaires pour améliorer le recours de toutes les collectivités à l'assurance privée, afin qu'aucune collectivité territoriale en France ne puisse se trouver involontairement en défaut d'assurance.
La proposition de loi permet plusieurs avancées notables. Le texte renforce l'implication des nombreuses structures publiques ou parapubliques telles que le médiateur de l'assurance dans les relations entre assureurs et collectivités territoriales.
Il étend également aux biens des collectivités endommagés à la suite d'émeutes ou de mouvements populaires violents le bénéfice de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques.
Pour ce qui concerne les contrats d'assurance, la proposition de loi étend leur couverture aux dommages aux biens résultant d'émeutes et de mouvements populaires. Tous les contrats d'assurance seront concernés, y compris ceux qui couvrent les véhicules terrestres.
La création de ce nouveau risque relatif aux émeutes et aux mouvements populaires était nécessaire pour veiller à l'assurabilité de nos collectivités. Toutefois, nous devons nous interroger sur le fait que nous traitons les conséquences des émeutes et mouvements populaires. Peut-être, avant tout le reste, faudrait-il d'abord traiter les causes des dégradations et des émeutes.
La mutualisation de ce risque le rend assurable. Tant mieux, mais ne nous y trompons pas : la mutualisation veut dire que nous paierons collectivement les dégâts et dégradations.
Notre groupe appelle ainsi à une prise de conscience collective rapide. Les dégradations qui ont suivi la récente victoire du Paris Saint-Germain (PSG) doivent nous alerter. Il est intolérable de laisser une infime partie de la population dégrader régulièrement les biens d'autrui, qu'ils soient publics ou privés.
Mes chers collègues, les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront cette proposition de loi, qu'ils ont d'ailleurs largement cosignée, pour venir en aide aux collectivités et à leurs élus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Michel Masset et Laurent Burgoa applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes et après les émeutes de juin 2023, de nombreux élus locaux nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent pour s'assurer auprès des compagnies – hausse du coût des contrats et des franchises, baisse des montants indemnisés, absence de réponse aux appels d'offres, etc.
L'année dernière, la commission des finances a décidé de lancer une mission d'information sur les difficultés assurantielles des collectivités pour dresser un état des lieux et proposer des solutions à même de garantir des conditions d'assurance tant acceptables pour toutes les collectivités que soutenables financièrement pour l'ensemble des acteurs concernés.
Nous avons mené une vingtaine d'auditions et effectué trois déplacements. Nous nous sommes en outre appuyés sur une consultation en ligne des élus locaux, en recueillant plus de 700 contributions.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 60 % des collectivités territoriales rencontrent des difficultés avec leurs assureurs. Ce taux grimpe à 90 % pour les communes de plus de 10 000 habitants. De plus, 94 % des collectivités ont été confrontées à une hausse de leurs primes, lesquelles ont augmenté de 40 % ces quatre dernières années, et 27 % des collectivités ont subi une hausse de leur franchise.
Dans le même temps, la France, toujours à la pointe du progrès social, se distingue avec brio : nous avons hébergé trois des dix mouvements sociaux les plus ruineux pour les assurances depuis 2018, dont deux rien que sur le territoire métropolitain.
Les causes des difficultés à s'assurer sont donc multiples : hausse des sinistres climatiques, judiciarisation croissante, durcissement des critères de souscription… En résultent des contrats plus coûteux, assortis de franchises élevées ou d'exclusions problématiques.
Cette situation menace la capacité des collectivités à protéger leur patrimoine et à remplir leurs missions de service public.
Ce texte, cosigné par près de 200 sénateurs, répond donc à une urgence républicaine : assurer la continuité des services publics locaux face à la montée des risques et aux tensions croissantes du marché de l'assurance.
L'un de nos problèmes majeurs réside dans le déséquilibre structurel de la tarification, accentué par un marché peu concurrentiel. Pour y remédier, la proposition de loi renforce le rôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et crée un observatoire national des tarifs assurantiels, chargé d'analyser les données du secteur, de garantir de la transparence sur les prix et de favoriser la concurrence. Notre objectif est clair : permettre à chaque collectivité, quelle que soit sa taille, d'accéder à une offre d'assurance équitable en mettant fin aux pratiques tarifaires opaques et à la surenchère des primes.
Autre point de tension : la question des franchises. Jusqu'à présent, l'existence et le montant de celles-ci étaient librement négociés, ce qui a conduit à des inégalités entre collectivités. Nous souhaitons systématiser l'inscription d'une franchise négociable dans les contrats d'assurance dommages aux biens. Cette mesure vise à responsabiliser les collectivités en encourageant la prévention, tout en centrant la couverture sur les sinistres les plus significatifs.
Enfin, ce texte innove en créant un fonds national de solidarité pour l'assurabilité des collectivités territoriales, afin de soutenir les collectivités qui, du fait de leur exposition accrue aux risques sociaux, ne trouvent aucune solution sur le marché. Il s'agit d'assurer ainsi la continuité du service public en garantissant qu'aucune commune ne soit laissée sans couverture, notamment en cas de risque majeur lié aux émeutes.
Ce mécanisme de solidarité est essentiel pour faire en sorte que les collectivités, en particulier les plus petites, ne soient pas pénalisées par des franchises élevées, qui pourraient compromettre leur fonctionnement.
Mes chers collègues, cette proposition de loi constitue une réponse pragmatique et ambitieuse à une crise silencieuse qui fragilise nos collectivités. En l'adoptant, nous ferons le choix de la justice, de la transparence et de la solidarité territoriale, afin que chaque collectivité puisse continuer d'assurer – au sens propre comme au sens figuré – le service public auquel nos concitoyens ont droit.
Mes chers collègues, je vous l'assure, cette proposition de loi rassure ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI, INDEP et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je devais retenir un texte illustrant parfaitement la mission principale du Sénat – protéger les collectivités et les élus locaux –, je choisirais celui-ci.
Je le choisirais d'abord parce qu'il est transpartisan et parce qu'il reprend les recommandations de la mission d'information créée par la commission des finances et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je le choisirais ensuite parce qu'il traite d'un sujet particulièrement complexe, qui inquiète de nombreux élus locaux de notre pays : les difficultés croissantes que ces derniers éprouvent pour obtenir des contrats d'assurance.
Depuis quelques années, les collectivités territoriales sont confrontées à la multiplication des risques pesant sur les biens municipaux, notamment sur les bâtiments publics.
D'une part, les dégâts provoqués par les phénomènes météorologiques s'intensifient à cause du dérèglement climatique. Selon les projections de plusieurs groupes d'assurance, les dommages liés à ces sinistres pourraient atteindre environ 134 milliards d'euros sur la période 2020-2050, soit près du double de ce que l'on a connu au cours des trois dernières décennies.
D'autre part, l'émergence de nouveaux mouvements sociaux violents entraîne de nombreuses dégradations, quand il ne s'agit pas de destructions. Par exemple, les dommages aux biens subis par les collectivités territoriales occasionnés par les émeutes urbaines de l'été 2023 se sont élevés à près de 187 millions d'euros.
Selon l'Association des petites villes de France (APVF), plus de 1 500 communes rencontrent des difficultés pour s'assurer, notamment lorsque leur contrat arrive à échéance. Je pense, par exemple, à la communauté de communes du Val de Drôme en Biovallée ou encore à la commune ardéchoise de Guilherand-Granges, dont les bâtiments sont restés sans assurance pendant cinq mois, au début de l'année 2024.
Pis encore, les collectivités subissent parfois la résiliation unilatérale de leurs contrats d'assurance. C'est exactement ce qui est arrivé à la commune de Nyons, dans le sud de la Drôme. En 2023, la société d'assurance de cette commune a résilié de façon unilatérale ses contrats d'assurance et les appels d'offres de la municipalité sont restés dans un premier temps infructueux, faute de proposition. Finalement, l'administration municipale a reçu deux réponses : un contrat avec une prime de 90 000 euros et des franchises importantes, et une proposition moins onéreuse, pour laquelle la commune de Nyons a opté. Ce contrat permettait d'assurer les bâtiments pour 50 000 euros par an, avec une franchise de 5 000 euros environ, soit des montants beaucoup plus élevés que le contrat précédent, qui représentait une dépense de 15 000 euros. La prime a donc été multipliée par plus de trois…
Cette véritable explosion des tarifs s'explique également par l'existence d'un duopole entre Groupama et Smalc Assurances, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, qui bénéficient de l'atrophie du marché de l'assurance pour les collectivités.
N'oublions pas non plus la récente arnaque dont ont été victimes plusieurs communes de France, dont celle de Die. Selon France Bleu, pendant un mois et demi, les véhicules de cette commune ont circulé sans assurance valide. En effet, la mairie avait signé à la fin de l'année 2024 un contrat avec une assurance, par l'intermédiaire d'un courtier qui ne disposait pas des agréments nécessaires.
Au regard de toutes ces difficultés, je tiens à souligner l'importance de ce texte transpartisan, que j'ai cosigné, qui comporte des solutions utiles et adaptées aux collectivités : d'abord, il renforce la concurrence sur le marché de l'assurance ; ensuite, il rééquilibre les relations contractuelles entre assureurs et collectivités ; enfin, il crée une garantie obligatoire contre les émeutes et les mouvements populaires dans les contrats d'assurance destinés à couvrir les dommages subis par les biens.
L'objectif d'assurabilité des collectivités territoriales sera officiellement inscrit dans les missions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; c'est l'objet de l'article 1er. En outre, les collectivités pourront recourir à la médiation de l'assurance, y compris en l'absence de contrat, pour faciliter la recherche d'un assureur.
De plus, ce texte protégera davantage les collectivités en modifiant les règles relatives aux contrats d'assurance destinés à couvrir les dommages subis par les biens. Aux termes de l'article 4, tous les contrats souscrits par les collectivités devront obligatoirement comporter une franchise, dont les caractéristiques seront définies par décret.
Enfin, je tiens à m'arrêter quelques instants sur l'article 6, modifié en commission, qui instaure un mécanisme de garantie obligatoire contre les émeutes et les mouvements populaires. Si nous souhaitons protéger au mieux les collectivités, je crois que nous devons trouver la rédaction juridique la plus claire et la plus précise possible, afin d'éviter la multiplication des contentieux avec les compagnies d'assurance. Je défendrai donc un amendement au nom du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, afin de clarifier les notions d'émeute et de mouvement populaire.
Mes chers collègues, je suis convaincu que cette proposition de loi, particulièrement attendue des élus locaux, portera ses fruits. Le travail mené permet aujourd'hui de présenter un texte utile et protecteur. En ce sens, je me réjouis que les syndicats mixtes puissent entrer dans le champ d'application du texte, au travers de la notion de groupement de collectivités territoriales au sens de l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales.
Je conclus en soulignant de nouveau l'importance de ce texte, au regard des attentes qu'il suscite. Le groupe RDPI votera bien évidemment pour cette proposition de loi, en espérant son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, y compris, s'il le faut, monsieur le ministre, au cours d'une semaine gouvernementale.
M. Jean-François Husson. Absolument !
M. Bernard Buis. Il y a urgence, car tous les risques que je mentionnais au début de mon propos vont malheureusement s'accentuer, peut-être même dès cet été, ce que je ne souhaite bien sûr pas. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trop longtemps, s'assurer est devenu un véritable casse-tête, voire un cauchemar, pour nos collectivités locales ; c'est ce que nous disent, avec colère et inquiétude, les maires et les élus que nous rencontrons sur le terrain.
Pourquoi cet état de fait ? Parce que le marché de l'assurance des collectivités est défaillant. Par conséquent, les tarifs explosent, de même que les franchises. Les procédures sont rigides et lourdes, et les assureurs se dérobent. Résultat : plus de 1 500 communes peinent aujourd'hui à trouver un assureur ou paient leur assurance au prix fort. En outre, les résiliations brutales se multiplient, mettant en péril le mutualisme et la prévoyance collective sur lesquels repose le système assurantiel.
Les risques climatiques ont accentué la pression sur les collectivités territoriales, avec les dépenses liées à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) et les importants dommages causés par les catastrophes naturelles. Je pense notamment aux conséquences du retrait-gonflement des argiles.
Je souhaite à ce propos mentionner un point méthodologique : chaque compétence transférée aux collectivités ou étendue, qui ne fait d'ailleurs pas toujours l'objet d'une compensation, devrait être assurable. Nos maires, qui sont déjà en première ligne sur tous les sujets, se retrouvent seuls et démunis en cas de dommage. Alors, oui, mes chers collègues, il est urgent d'agir.
Comment en est-on arrivé là ? Surtout, que faire pour améliorer les choses ?
À la première question, je répondrais que cette situation est la conséquence d'un marché dérégulé, fruit d'une myopie collective, qui nous a conduits à ne pas nous rendre compte que la baisse des franchises et des primes n'était pas cohérente avec l'élargissement du patrimoine des collectivités et avec l'accroissement des risques.
Que peut-on faire pour améliorer les choses ? En priorité, il faut reprendre la main. Il est temps que les collectivités ne soient plus à la merci des assureurs. Cela passe par une régulation plus ferme des pratiques commerciales. Si la rentabilité du marché est faible, elle demeure réelle. Les assureurs doivent prendre leurs responsabilités.
C'est pourquoi je suis favorable au renforcement des prérogatives du régulateur public et à la création d'un dispositif de suivi de l'évolution des tarifs des contrats appliqués à nos collectivités. Sur les relations entre les assureurs et les collectivités, le texte que nous examinons repose sur une vision équilibrée : en échange de la généralisation des franchises, il fixe un délai de préavis minimal de six mois en cas de résiliation unilatérale et renforce le rôle du médiateur de l'assurance.
Ensuite, j'estime que nous devons inciter les assureurs à couvrir les risques auxquels toutes nos collectivités sont aujourd'hui exposées. Ainsi, je soutiens la couverture des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires par les contrats d'assurance dommages aux biens. Je pense d'ailleurs que les définitions proposées par la commission des finances vont dans le bon sens, mais qu'elles doivent être encore précisées, afin de sécuriser juridiquement nos collectivités.
Cela étant, je pense que nous devons élargir cette garantie obligatoire aux dégâts provoqués par les cyberattaques. En effet, chaque mois, dix-huit cyberattaques touchent nos collectivités et ce nombre risque d'augmenter demain. Leurs conséquences sont lourdes : interruption d'activité et de service, destruction ou vol de données, perte financière ou encore atteinte à la réputation. J'avais d'ailleurs soutenu, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, le renforcement des moyens de la transition numérique des collectivités.
En la matière, la prévention doit être renforcée. Il nous incombe, en tant que législateur, d'anticiper ces risques nouveaux et croissants, afin de protéger les élus. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen défendra des amendements visant à rendre obligatoires certaines garanties dans les contrats d'assurance dommages aux biens.
Ce texte nous paraît urgent pour nos collectivités locales. Il apporte une réponse pragmatique et de bon sens aux problèmes que celles-ci rencontrent, il traite un problème croissant, bien connu des élus. J'espère que ses dispositions seront efficaces, car il y a urgence.
Le groupe RDSE le votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les nombreuses alertes de maires qui nous parviennent font état d'une aggravation préoccupante des difficultés des collectivités locales à s'assurer.
Les témoignages que nous avons recueillis lors des auditions conjointes de la commission des finances et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sont édifiants : marchés publics infructueux de plus en plus nombreux, hausse considérable du montant des primes – notre collègue Bernard Buis a donné quelques exemples illustrant parfaitement les difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités et, selon l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, le coût de l'assurance dommages aux biens aurait augmenté de 147 % en cinq ans –, explosion du niveau des franchises – des maires nous ont fait part de franchises de 500 000 ou 1 million d'euros, voire de 2,5 millions d'euros pour la commune de Rive-de-Gier, dans la Loire –, imposition en cours de contrat d'avenants portant sur les tarifs ou les franchises ou visant à exclure certains risques, voire résiliation unilatérale pure et simple des contrats, laissant les collectivités concernées dépourvues de toute couverture de leurs risques.
En conséquence, des collectivités sont contraintes de se tourner vers des assureurs suisses, américains ou japonais, comme les communes de Saverne – 12 000 habitants, dans le Bas-Rhin – ou de Dinan, dans les Côtes-d'Armor, ou, pis encore, elles se retrouvent sans aucune couverture.
Voilà la réalité qui touche toutes les catégories de collectivités, les petites comme les grandes. Le marché de l'assurance des collectivités est en crise et il est de notre responsabilité d'apporter des solutions.
Plusieurs initiatives ont été prises. En mars dernier, M. Husson a présenté à la commission des finances son rapport d'information sur le sujet. De son côté, la délégation aux collectivités territoriales, saisie par le président du Sénat, s'est emparée de cette question et a mené un travail commun avec la commission des finances, notamment une série d'auditions ayant démontré l'urgence à agir. En outre, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi déposée par notre collègue Jean-François Husson. Enfin, à toutes ces initiatives parlementaires se sont ajoutées des actions gouvernementales issues du Roquelaure de l'assurabilité, notamment la signature de la charte d'engagement pour l'assurabilité des collectivités et la circulaire du 2 mai dernier, qui mobilise les préfets autour de ces enjeux.
Le texte qui nous est présenté a plusieurs objectifs : redonner aux collectivités des leviers de négociation, rendre le marché plus lisible et plus équitable, permettre le suivi des pratiques commerciales pour identifier et recadrer les comportements abusifs, mieux accompagner les collectivités en difficulté. En outre, cette proposition de loi crée une possibilité de recours, une médiation spécifique, qui constitue un point d'entrée officiel pour des situations extrêmes.
Bien évidemment, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte.
Toutefois, je veux le dire dès maintenant et avec la plus grande détermination, si, à la suite de ces initiatives parlementaires et gouvernementales, les difficultés des collectivités à s'assurer devaient perdurer, nous devrions aller plus loin. Nous ne pouvons laisser les collectivités sans solution, en particulier les plus petites, qui sont souvent démunies, car elles ne disposent pas de service juridique et n'ont qu'un service administratif très réduit. Nous avons donc à cet égard une responsabilité collective.
Ne l'oublions pas, assurer une collectivité, c'est assurer sa mairie, son école, sa bibliothèque, sa crèche, son église, ses équipements sportifs, ses bâtiments publics, parfois même sa gendarmerie, qui accueille des agents de l'État. Ainsi, assurer une collectivité, c'est permettre à son maire de remplir ses missions de service public – dont certaines pour le compte de l'État – sans craindre qu'un sinistre ne le plonge dans une impasse financière.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre engagement à présenter un dispositif complet d'assurabilité des collectivités avant l'examen du projet de loi de finances. Toutefois, si d'aventure l'ensemble de ces mesures, y compris le présent texte, ne permettaient pas d'apporter des garanties concrètes sur le terrain pour toutes les collectivités de France, nous pourrions alors envisager d'instaurer un droit à l'assurance pour toutes les collectivités, sur le modèle du droit au compte pour les particuliers. Ce droit garantirait à toutes les collectivités l'accès à une couverture minimale. Il s'agirait de poser enfin ce principe simple : toute collectivité doit pouvoir être assurée à un tarif compatible avec ses capacités financières. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDPI, INDEP et SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d'accord au sein de la Haute Assemblée pour affirmer l'urgence à garantir à chaque collectivité territoriale la possibilité d'assurer ses biens publics. Seulement, il ne suffit pas d'intituler un texte « proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales » pour que cela devienne une réalité.
Mme Silvana Silvani. Exactement.
M. Pierre Barros. Or, au travers de ce texte, on nous propose seulement l'illusion d'une réponse concrète. On affiche une intention, mais on écarte d'emblée la seule piste structurellement crédible : la création d'un opérateur public d'assurance consacré aux collectivités. Non seulement cette hypothèse est absente du texte, mais elle est même contrecarrée par le choix de raviver la concurrence dans un marché qui s'est justement effondré par excès de logique concurrentielle.
Soyons clairs, les acteurs se sont retirés du marché et, à ce jour, ce sont presque uniquement les assurances mutualistes qui résistent, certainement par sens du service public. Les grands groupes, eux, se sont recentrés sur les segments du risque les plus rentables, comme le secteur de l'assurance vie, laissant les collectivités seules face à leurs risques. Le résultat, c'est que le marché des contrats dommages aux biens est devenu duopolistique, avec Groupama et la Smacl.
Que propose-t-on avec ce texte ? On se contente d'activer des franchises, non pour faciliter l'accès à l'assurance, mais pour « dérisquer » les petits sinistres et reconstituer des marges de rentabilité pour les compagnies d'assurance. L'intégration du risque émeutes dans les contrats dommages aux biens passe dès lors par la création d'une nouvelle base de prime, donc par l'élargissement de l'assiette. C'est ainsi que le texte semble plus conçu pour relancer la rentabilité d'un marché sinistré, en dopant les marges des assureurs, que pour garantir l'accès des collectivités à l'assurance. C'est tout de même le comble !
Le constat est sans appel : les collectivités sont de plus en plus démunies face à la prise en charge des risques. Je le rappelle, on a enregistré 28 000 contrats en moins entre 2016 et 2022 selon le rapport d'information du Sénat. C'est donc non pas d'un choc concurrentiel, mais d'un socle universel de couverture que les collectivités ont besoin.
Je parle ici d'expérience. J'ai été maire d'une commune de 10 000 habitants, située en grande couronne parisienne, une ville populaire, qui a connu à la fois des dégradations liées aux émeutes de 2023 et, un an après, une catastrophe naturelle. Je le dis très clairement : beaucoup d'équipements publics – parkings, stades, cimetières – ne sont pas couverts par les contrats dommages aux biens. Seule la responsabilité civile liée à ces équipements est couverte.
Or le problème est que le décret qui encadre la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques exclut une large part de ces biens du périmètre indemnisable.
M. Jean-François Husson. Cela relève du régime des CatNat !
M. Pierre Barros. Résultat : entre ce que les assureurs ne prennent pas en charge et ce que le Gouvernement exclut par décret, des pans entiers du patrimoine communal restent sans protection effective face aux risques. Voilà le vrai sujet et ce texte ne l'aborde même pas.
Notons ensuite, mes chers collègues, qu'une part disproportionnée du texte est consacrée à ce qu'il dénomme « mouvements populaires ». Je le dis en passant, le choix de ces termes nous pose problème : même si cette expression reprend la rédaction du code des assurances, cette répétition introduit une confusion préjudiciable entre le caractère populaire d'une mobilisation et des actes de dégradation ou de violence,…
Mme Silvana Silvani. Exactement !
M. Pierre Barros. … un mouvement populaire n'étant pas obligatoirement accompagné de violences et de dégradations.
M. Pascal Savoldelli. Tout à fait !
M. Pierre Barros. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement visant à y substituer une formulation plus juste et qui complète avantageusement celle du code des assurances.
Surtout, au-delà du vocabulaire, cette focalisation suscite des interrogations lorsque l'on examine la réalité des sinistres. Le risque lié aux émeutes, aussi épouvantable et destructif soit-il, représente une sinistralité cinq fois moindre que le risque climatique. Or nous entrons dans un monde où les aléas climatiques massifs rendent une grande partie des territoires inassurables. C'est d'ailleurs ce qu'a confirmé le directeur général d'AXA, qui, dès 2015 à la COP21, parlait d'un monde inassurable à +4 degrés.
Au regard de l'intention des auteurs la proposition de loi, cette manière de porter son attention sur les mouvements populaires plutôt que sur les catastrophes naturelles doit nous inciter à la réflexion et illustre à quel point ce texte rate volontairement sa cible.
Pour terminer sur une note positive, je précise que nous apprécions la création d'un fonds prudentiel potentiellement confié à la Caisse centrale de réassurance (CCR) : c'est le seul levier constructif du texte. Toutefois, là aussi, soyons lucides, ce fonds repose exclusivement sur une surprime prélevée sur les collectivités elles-mêmes, c'est-à-dire, encore une fois, sur les victimes directes du retrait du marché privé.
M. Pascal Savoldelli. Qui va payer ?
M. Pierre Barros. Vous admettrez, mes chers collègues, que l'on est tout de même bien loin de régler les problèmes assurantiels des collectivités. C'est néanmoins grâce à cette petite avancée que nous nous abstiendrons sur ce texte plutôt que de voter contre. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Grégory Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de plus en plus de bâtiments et d'équipements publics ne peuvent être assurés, laissant les collectivités face à elles-mêmes et les élus seuls face au risque. Le choix se fait souvent entre s'assurer en payant des primes de plus en plus lourdes et ne plus s'assurer. Les élus de nos territoires se retrouvent trop souvent démunis…
Les difficultés actuelles sont d'abord le fait de la concurrence non régulée. Il n'y a plus que deux acteurs, Groupama et la Smacl, qui tiennent l'essentiel du marché. Pourquoi ? Parce qu'une politique de prix agressive, au cours des années 2010, a affaibli le modèle économique. Par conséquent, la plupart des assureurs se sont retirés avec, comme corollaire, l'établissement d'un duopole et l'augmentation des prix.
M. Michel Masset. Parce que ce n'est pas rentable !
M. Grégory Blanc. Or cette situation apparaît au moment même où notre système assurantiel est sous tension du fait, d'une part, du changement climatique et, d'autre part, de la récurrence des émeutes, dans une société qui se polarise et où les inégalités de revenus se conjuguent avec les inégalités spatiales, les riches se parquant dans des zones cossues, les pauvres étant assignés à des quartiers d'habitat social ou dans le rural reculé et les travailleurs habitant de plus en plus loin, en zone périurbaine. Nos mondes ne se croisent plus et, lorsqu'il y a des émeutes, on casse chez le voisin.
D'un côté, il n'y a plus d'offre assurantielle ; de l'autre, la sinistralité augmente. Résultat, une société à deux vitesses s'instaure : il y a ceux qui parviennent à s'assurer, selon l'endroit où ils résident, la réalité de leurs risques et le niveau de leurs revenus, et ceux qui n'y parviennent plus. Et cette spirale accroît encore les inégalités…
Il faut donc réguler ; le législateur doit intervenir. La commission des finances s'est saisie du sujet et cette proposition de loi fait suite aux travaux conduits sous l'égide du rapporteur général, M. Jean-François Husson, et de Marie-Carole Ciuntu.
Ce travail est utile. Ce texte posera, de manière temporaire, une rustine sur des problèmes structurants, qui ne feront que s'amplifier. C'est pourquoi nous devons le dire clairement : ce travail, s'il est utile, sera, nous le savons d'avance, insuffisant. Il répond certes à l'urgence, mais sans traiter les causes profondes.
Nous en sommes déjà à +1,7 degré de réchauffement ; nous en serons à +2 degrés dès 2030 et, hélas ! à +2,7 degrés en 2050.
M. Pascal Savoldelli. Ça, c'est autre chose que les « mouvements populaires » !
M. Grégory Blanc. En conséquence, le coût des sinistres climatiques doublera d'ici à 2050, pour atteindre 143 milliards d'euros sur trente ans, selon l'État et le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc 3). Quelque 50 % des forêts françaises seront exposées aux incendies et 13 millions de personnes seront directement ou indirectement concernées par le risque de ruissellement ; les submersions marines coûteront, à l'horizon de 2050, 2 milliards d'euros par an.
Face à cela, notre système assurantiel est en train de se fissurer.
Ce texte apporte des réponses attendues de tous : création d'une mission de suivi spécifique pour l'assurabilité des collectivités auprès de l'ACPR, création d'un observatoire des tarifs, encouragement du recours à la médiation, extension de la dotation de solidarité aux violences urbaines, obligation de la couverture contre les émeutes.
Toutefois, ces avancées restent à la surface du problème, car ce texte, s'il répond aux besoins immédiats, ne règle pas les problèmes de demain et donc ne contribue pas à faire de l'assurance un pilier de la résilience territoriale plutôt qu'un produit financier. Il faudrait imaginer un cadre public de dernier recours, favoriser la réouverture du marché et garantir une protection minimale pour tous.
J'en viens au fond du texte.
L'article 4 systématise le principe de la franchise. Il ne s'agit pas selon nous d'une responsabilisation, c'est un transfert de charge dans un marché peu concurrentiel. Cette mesure ne fera qu'aggraver les déséquilibres. Nous défendrons un amendement visant à le compléter.
Nous ferons de même à l'article 6. La surprime destinée à abonder le fonds de garantie contre les émeutes s'appliquerait également aux personnes physiques, donc aux particuliers, via leur assurance habitation ou automobile.
De notre point de vue, ce mécanisme est clairement un impôt déguisé. Il fait peser sur les citoyens une responsabilité qui, dans l'absolu, ne relève pas d'eux, mais bien de la solidarité nationale. Aussi, nous demanderons que les particuliers soient exclus du périmètre de la surprime.
En définitive, ce qui touche les collectivités territoriales aujourd'hui affectera, demain, les entreprises et les particuliers. Il faut avoir conscience de l'ampleur du problème. L'extension du régime des catastrophes naturelles au risque d'émeute entraînera mécaniquement une hausse des cotisations pour tous. C'est pourquoi nous devons sans tarder reprendre nos travaux pour voir plus loin, plus large et plus juste.
Nous voterons cette proposition de loi, mais – j'y insiste – nous souhaitons dès à présent engager ce travail pour répondre aux véritables enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre système assurantiel est en crise, incapable de garantir à toutes les collectivités territoriales un accès équitable, soutenable et pérenne à une couverture assurantielle digne de ce nom.
Le problème assurantiel des collectivités territoriales n'est pas nouveau. Il ne surgit pas par surprise.
Depuis plusieurs années, les alertes se multiplient. Du Sénat à l'Assemblée nationale, des associations d'élus aux maires de terrain, tous disent la même chose : qu'elles soient grandes ou petites, urbaines ou rurales, les collectivités territoriales ont de plus en plus de difficulté à s'assurer, et le phénomène, loin de se tasser, ne cesse de s'aggraver.
Face à de tels problèmes, le rôle du Sénat, chambre des territoires, est à la fois d'alerter et de proposer des solutions.
Les élus du groupe socialiste ont pris leur part aux travaux de la mission d'information relative aux problèmes assurantiels des collectivités territoriales. Nous avons documenté le sujet, mené des auditions et débattu.
Cette proposition de loi de M. le rapporteur général, que je salue, est une étape pour sortir de la crise.
Désormais, certaines collectivités territoriales renoncent à couvrir leurs biens ; d'autres basculent dans une forme d'auto-assurance forcée, différant des recrutements, gelant des investissements ou renonçant à entretenir leur patrimoine.
À l'origine de cette crise de l'assurabilité des collectivités territoriales se trouve une défaillance structurelle du marché assurantiel lui-même.
Cette défaillance n'est pas uniquement conjoncturelle ou liée à un emballement temporaire des risques. Elle touche le secteur en son cœur même, affectant ainsi son fonctionnement. On déplore à la fois sa concentration, son opacité, son retrait progressif de certaines zones et sa logique d'optimisation financière, incompatible avec les principes fondamentaux du service public.
Le premier élément est la concentration excessive de l'offre. Aujourd'hui – je le relève à mon tour –, deux opérateurs couvrent plus de 40 % du marché. Cette situation n'est pas le fruit du hasard : elle résulte de la politique tarifaire agressive menée par un opérateur et du retrait progressif de nombreux assureurs généralistes. Dès lors, la mise en concurrence, censée modérer les hausses de tarifs et améliorer les conditions contractuelles, ne joue plus.
Ce déséquilibre de marché a des effets directs. Il limite l'accès à l'assurance pour de nombreuses collectivités territoriales, réduit le choix, augmente la volatilité tarifaire et accroît le pouvoir unilatéral des assureurs sur les clauses des contrats. Bref, ce n'est plus l'acheteur public qui fixe les conditions, mais le fournisseur qui dicte sa loi.
Les raisons de cette crise sont évidemment plurielles.
Tout d'abord, la situation actuelle tient à la hausse de la sinistralité liée aux catastrophes naturelles – sécheresses à répétition, inondations, tempêtes, feux de forêt, etc. Le coût moyen des sinistres climatiques a doublé entre 2010 et 2020 et, en 2022, la facture a atteint 10,6 milliards d'euros.
Ensuite, les mouvements sociaux, difficiles à modéliser et concentrés dans certains territoires, constituent un facteur déterminant. Les émeutes de 2023 ont représenté près de 200 millions d'euros de dommages sur les biens publics, soit 27 % du total national des dégradations.
Enfin, on note un manque de compétence assurantielle dans de nombreuses collectivités territoriales. Beaucoup n'ont pas les services nécessaires et mériteraient d'être accompagnées, tant pour l'évaluation de leurs risques que pour la constitution des appels d'offres.
Le résultat est clair : un quart des collectivités territoriales n'obtiennent plus aucune réponse à leurs appels d'offres.
Mes chers collègues, cette défaillance du marché entraîne une véritable insécurité juridique et budgétaire pour les collectivités territoriales. Leur capacité à planifier, à investir et à protéger leurs agents comme leurs équipements s'en trouve compromise.
Commençons par l'impact budgétaire. L'assurance, jadis considérée comme une dépense stable et marginale des budgets communaux, est devenue une ligne incertaine, inflationniste, parfois ingérable. Dans de nombreuses villes, les primes d'assurance ont été multipliées par deux, voire par trois, en cinq ans. À Poitiers, la dernière enveloppe demandée dépasse 500 000 euros, en augmentation de 330 %. Dans ma propre commune, le Palais-sur-Vienne, qui compte quelque 6 000 habitants, les coûts se sont envolés, les franchises ayant bondi de 100 %.
Pour les communes, ces hausses signifient plusieurs recrutements gelés, des projets d'investissements différés ou des subventions associatives supprimées. Elles provoquent un effet d'éviction massif, direct et silencieux ; une forme de contrainte financière imposée par le marché privé à des acteurs publics.
Toutefois, la contrainte n'est pas seulement budgétaire : elle est aussi juridique, car, lorsqu'une collectivité territoriale ne parvient plus à s'assurer ou ne peut plus s'assurer que partiellement, elle entre dans une zone grise de responsabilité. En cas de sinistre non couvert, elle doit assumer sur ses fonds propres la réparation, la reconstruction, voire l'indemnisation de tiers ; et, si elle est jugée négligente dans la protection de ses biens ou de ses personnels, la responsabilité de son exécutif peut être engagée.
Bien sûr, le présent texte ne résoudra pas tous les problèmes, mais il apporte une première réponse à cette insécurité croissante. Il donne aux collectivités territoriales les moyens de reprendre le contrôle de leurs contrats en préparant les bases d'un cadre juridique plus équilibré, plus stable et plus protecteur.
L'article 1er formalise une mission spécifique de suivi du marché de l'assurance des collectivités territoriales, confiée à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Permettant de détecter des dérives comparables à celles qui ont été constatées jusqu'à ce jour, cette disposition répond à une recommandation ancienne, et largement consensuelle, figurant dans le rapport Chrétien-Dagès.
L'article 2 confie une mission d'observation des tarifs assurantiels au comité consultatif du secteur financier. Il renforcera non seulement le suivi des contrats d'assurance dans le secteur public, mais aussi la prévention des dysfonctionnements.
Les deux articles suivants rééquilibrent les relations entre assureurs et collectivités territoriales. L'élargissement des compétences du médiateur, en lien avec le nouveau dispositif de l'État, Collectiv'Assur, dont a parlé M. le ministre, va naturellement dans le bon sens. Mais nous devrons veiller à ce que la systématisation des franchises ne soit pas un obstacle à l'assurabilité des biens.
Grâce à l'article 5, la dotation de solidarité en cas de catastrophe pourra être mobilisée pour venir en aide aux collectivités territoriales ayant subi des dommages importants du fait d'émeutes ou de mouvements populaires violents.
Dans la même logique, l'article 6 introduit un mécanisme de mutualisation inspiré du régime CatNat. L'objectif est double : garantir une couverture minimale à toutes les collectivités territoriales et éviter que le coût des sinistres liés aux violences ne pèse uniquement sur les communes les plus exposées. Ce dispositif va dans le bon sens, mais il pourrait être encore amélioré : nous défendrons deux amendements en ce sens.
Nous, membres du groupe socialiste, avons depuis longtemps pris la mesure de cette crise assurantielle. C'est pourquoi nous saluons le présent texte, qui témoigne de cet esprit transpartisan auquel nous sommes attachés.
Cette proposition de loi répond à une réalité que nous observons chaque semaine dans nos territoires. Il est heureux que le Gouvernement se soit enfin emparé du sujet, en s'appuyant notamment sur le travail sérieux réalisé par la commission des finances du Sénat l'an passé.
Nous serons donc particulièrement attentifs à la mise en œuvre du plan d'action annoncé par le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Nous nous devons d'apporter des réponses concrètes aux élus. Cette proposition de loi est l'une d'elles : nous la soutenons et nous la voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains. – M. Grégory Blanc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les collectivités territoriales font face à une crise silencieuse, mais profonde : celle de leur assurabilité.
Ce terme technique recouvre une réalité simple, à laquelle sont confrontés les maires et, plus largement, les élus locaux : de nombreuses communes ne parviennent plus à se couvrir, ou bien doivent s'assurer à des conditions telles que la protection n'est plus tenable. Les précédents orateurs l'ont rappelé.
La mission d'information conduite par notre collègue Jean-François Husson, que je salue, s'est fondée sur une large consultation d'élus. Elle a mis au jour un marché déséquilibré, dominé par deux opérateurs et au sein duquel les collectivités territoriales subissent une asymétrie de pouvoir.
S'y ajoute une sinistralité croissante liée aux événements climatiques et, surtout, aux émeutes de 2023. Ces dernières ont causé des dommages d'une ampleur inédite dans bon nombre de collectivités territoriales, pour certaines particulièrement exposées et mal couvertes.
C'est dans ce contexte que nous examinons cette proposition de loi, dont l'objectif est triple : premièrement, renforcer la transparence du marché ; deuxièmement, rééquilibrer les relations contractuelles ; et, troisièmement, sécuriser la couverture des risques majeurs.
Il s'agit non pas d'un texte de circonstance, mais de l'aboutissement de travaux rigoureux, fondés sur des constats partagés, énoncés notamment dans le rapport Chrétien-Dagès et par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité.
Tout d'abord, ce texte renforce la transparence du marché assurantiel, avec des outils permettant de suivre plus objectivement les évolutions tarifaires, les pratiques commerciales et les tensions sectorielles.
Ensuite, il vise à rééquilibrer les relations entre assureurs et collectivités territoriales, notamment en élargissant les possibilités de médiation sans les limiter au cadre des sinistres. La systématisation des franchises dans les contrats « dommages aux biens » introduit une logique de prévention et de responsabilisation.
Cela étant, l'innovation principale du texte réside dans la création d'un régime d'indemnisation du risque d'émeute. Ce régime s'applique non seulement aux collectivités territoriales, mais aussi aux particuliers et aux entreprises. Il repose sur une garantie obligatoire, sur une surprime affectée à un fonds mutualisé et sur l'intervention possible du bureau central de tarification.
Ce dispositif ne sera toutefois pleinement opérationnel que si le Gouvernement agit. En effet, pour que la Caisse centrale de réassurance puisse jouer son rôle, une garantie de l'État est nécessaire, et cette dernière ne peut être instaurée que par une loi de finances. Mais M. le ministre nous a rassurés à cet égard : le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 devrait contenir cette autorisation.
L'État doit être au rendez-vous. Il a, dans ce domaine, une obligation de résultat. Le patrimoine des collectivités territoriales ne peut être abandonné.
Les élus du groupe Les Républicains voteront ce texte avec conviction, parce qu'il offre des solutions aux élus confrontés à l'impossibilité d'assurer leurs équipements ; parce qu'il témoigne, si besoin était, de l'utilité du Sénat ; et parce qu'il trace une voie pour redonner aux collectivités territoriales les moyens d'assumer leurs responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Michel Masset et Bernard Buis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, garantir une solution d'assurance à nos communes : tel est l'objet de cette proposition de loi de notre collègue Jean-François Husson, que nous examinons ce 11 juin et qui fait suite à la mission d'information relative aux problèmes assurantiels des collectivités territoriales.
Il s'agit d'un texte très attendu par les élus locaux, et je salue d'ores et déjà le travail de notre rapporteure, Marie-Carole Ciuntu.
Dans mon département des Alpes-Maritimes comme partout en France, de plus en plus de communes se heurtent à des difficultés pour assurer leurs biens. Pis, certaines d'entre elles, comme Breil-sur-Roya, dévastée après les tempêtes Alex et Aline, se retrouvent sans assurance. Et, cerise sur le gâteau, quand le bureau central de tarification oblige des assureurs à se partager les risques d'une commune, le montant de la cotisation est multiplié par huit et 99 % des sinistres habituels cessent d'être pris en charge.
En réaction à cette situation ubuesque, le maire de Breil-sur-Roya avait pris un arrêté pour interdire les catastrophes naturelles sur sa commune. Par ce geste purement symbolique, il souhaitait mettre en lumière l'impuissance des communes face au système français des assurances.
Dans un très bon rapport, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité dresse quant à elle un état des lieux précis et formule des propositions pertinentes sur ce sujet crucial pour nos territoires, dans un contexte marqué notamment par la multiplication des événements climatiques.
Je me réjouis que le Sénat prenne ses responsabilités et mesure pleinement la gravité de la situation, ainsi que la nécessité d'accompagner nos maires au quotidien.
Forte de ces travaux empiriques, notre chambre a su identifier les failles du système assurantiel et avancer des solutions concrètes.
Cette proposition de loi vise ainsi à conforter la concurrence sur le marché de l'assurance privée des collectivités territoriales. Elle tend aussi à rééquilibrer les relations entre les assureurs et les collectivités. Enfin, elle ambitionne d'assurer une couverture de l'ensemble des risques, en particulier des risques liés aux émeutes.
Il s'agit de mesures de bon sens, documentées grâce au travail de fond qui a été mené, reposant en particulier sur la consultation des élus locaux.
Cette proposition de loi représente une première étape pour simplifier les procédures et renforcer la sécurité des biens et des personnes. Les membres du groupe Les Républicains voteront bien sûr en faveur de cette avancée législative. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collectivités locales font face à des difficultés croissantes dans leurs relations avec les compagnies d'assurance : résiliations unilatérales, hausses brutales des cotisations en cours de contrat, absence de réponse aux appels d'offres, attente d'indemnisation, etc.
Cette situation inacceptable suscite une inquiétude légitime chez nos élus locaux, qui nous interpellent. Sans assurance, une commune est paralysée : elle ne peut avoir d'école ; elle ne peut seulement pas disposer d'une salle ; toute vie locale est dès lors impossible.
Assurer une collectivité territoriale, ce n'est pas simplement signer un contrat : c'est garantir qu'un maire peut décider et agir.
Cette proposition de loi vise à soutenir nos élus locaux en réaffirmant un principe essentiel : la libre administration des collectivités territoriales, rendue possible par un cadre assurant une plus grande stabilité financière. C'est un texte sérieux et nécessaire, qui répond à une réalité que nous connaissons tous – je l'observe tout particulièrement dans mon département de la Mayenne.
Je tiens donc à saluer les auteurs de cette proposition de loi.
Le désengagement des assureurs n'est pas un phénomène nouveau, mais il s'est aggravé au cours des dernières années, accentué par la hausse de la sinistralité et les émeutes de 2023.
L'enquête menée en 2024 par la mission d'information de la commission des finances du Sénat est édifiante : au total, 60 % des collectivités territoriales déclarent au moins un problème majeur avec leur assureur, et le chiffre grimpe à 90 % pour les collectivités territoriales de plus de 10 000 habitants.
Les compagnies d'assurance, elles, invoquent l'effet cumulé des crises sanitaire, climatique, bien sûr, et sécuritaire pour expliquer leurs décisions. Mais les événements récents, notamment les émeutes, ne sauraient à eux seuls justifier une remise en cause du droit des collectivités territoriales à être assurées.
En réalité, ces crises ont surtout mis en lumière un mal bien plus ancien : le marché est atrophié, verrouillé et dysfonctionnel. Dans les années 2010, la guerre des prix lancée par des assureurs européens venus casser les tarifs avant de se retirer a profondément déséquilibré le secteur.
En résulte une situation de quasi-monopole. Aujourd'hui, deux acteurs tiennent l'essentiel du marché, et nos communes, elles, se trouvent pieds et poings liés. Ce n'est pas acceptable.
Nos élus n'ont plus de marge de négociation. Or ce n'est pas aux collectivités territoriales de subir les conséquences d'un marché défaillant, qu'aucune autorité n'a su réguler.
Face à cette situation, le présent texte apporte des réponses concrètes : encadrement des résiliations, création d'un fonds prudentiel mutualisé, accompagnement des collectivités territoriales par un médiateur ou encore effort de responsabilisation, avec la généralisation des franchises. Ce sont là des mesures pragmatiques et équilibrées, qui, sans ajouter de la complexité, apportent de la prévisibilité et de la sécurité. Ce texte ne contraint pas : il protège.
Garantir l'accès à l'assurance, c'est garantir à nos communes une véritable capacité d'agir. En conséquence, les membres du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi avec conviction. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales
Chapitre Ier
Conforter la concurrence sur le marché de l'assurance des collectivités territoriales
Article 1er
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après le III de l'article L. 612-1, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Dans l'accomplissement de ses missions, pour le secteur de l'assurance, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution prend en compte l'objectif d'assurabilité des collectivités territoriales. » ;
2° À l'article L. 612-30, après le mot : « bénéficiaires, », sont insérés les mots : « qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales, y compris les collectivités territoriales, ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Avant le dernier alinéa de l'article L. 614-1 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité est également chargé de suivre l'évolution des pratiques des entreprises d'assurance en matière de tarifs pour les services offerts à leurs clients personnes morales de droit public, notamment les collectivités territoriales. – (Adopté.)
Chapitre II
Rééquilibrer les relations entre les assureurs et les collectivités territoriales
Article 3
I. – Le code des assurances est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le chapitre Ier du titre II du livre Ier est complété par un article L. 121-18 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-18. – Une collectivité territoriale peut avoir recours au dispositif de médiation mentionné à l'article L. 612-1 du code la consommation en vue de la résolution amiable d'un litige qui l'oppose à son assureur.
« Après deux procédures infructueuses, une collectivité territoriale peut bénéficier d'un accompagnement dans sa recherche d'assurance, dans des conditions précisées par décret. »
II. – (Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mme Ciuntu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Après le mot :
territoriale
insérer les mots :
ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. Cet amendement vise simplement à étendre le dispositif de médiation aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I. – Après l'article L. 121-1 du code des assurances, il est inséré un article L. 121-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-1-1. – Les contrats d'assurance souscrits par les collectivités territoriales et leurs groupements et garantissant les dommages à leurs biens prévoient que les indemnisations résultant de cette garantie sont soumises à une franchise dont les caractéristiques sont définies par décret. »
II. – Le I s'applique aux contrats souscrits six mois à compter de la publication de la présente loi et, pour les autres contrats, lors de la conclusion du premier avenant consécutif à l'échéance de ce même délai.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. En imposant une participation minimale à l'assuré, la franchise vise à décourager les réclamations de faible montant, dont le traitement engendre des coûts de gestion.
Ce mécanisme permet ainsi, dans une certaine mesure, d'optimiser la rentabilité économique des contrats d'assurance, en réduisant la sinistralité apparente et en améliorant la maîtrise des charges pour les compagnies.
Toutefois, cette forme de rationalité économique soulève à nos yeux de sérieuses interrogations, dès lors qu'elle est appliquée de manière uniforme aux collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, à vous entendre, la franchise responsabilise l'assuré. Mais les collectivités territoriales ne sont pas des acteurs comme les autres : elles sont investies d'une mission d'intérêt général et soumises à des contraintes budgétaires.
L'imposition systématique d'une franchise revient à faire peser sur les budgets locaux une part croissante des charges liées aux petits sinistres – notre collègue Bernard Delcros a d'ailleurs évoqué ce point parmi ses réserves de vigilance. Ces dépenses contraintes en fonds propres entrent nécessairement en concurrence avec d'autres priorités, parmi lesquelles l'entretien du patrimoine, les services publics de proximité ainsi que les politiques sociales et environnementales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. À condition d'être bien calibrée par les textes réglementaires, une telle franchise est de nature à responsabiliser les collectivités territoriales tout en améliorant l'indemnisation. Ce point n'a pas été contesté lors des travaux menés par la commission des finances.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. Monsieur le sénateur, j'abonde dans le sens de Mme la rapporteure.
Selon moi, la franchise est un bon outil d'assurance. En effet, elle responsabilise l'assuré, qui, de ce fait, renonce à déclarer tous les petits sinistres survenant et le montant de la prime baisse en conséquence.
La franchise nous apparaît, au total, comme un élément tout à fait sain du nouvel équilibre que nous voulons instaurer. Le Gouvernement est donc lui aussi défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Si je comprends bien, le Sénat s'apprête à voter une franchise obligatoire applicable aux collectivités territoriales, ce qui revient à dire que certaines d'entre elles ont une gestion irresponsable ! Chacun se prononcera en connaissance de cause…
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. G. Blanc, Mme Senée, MM. Dossus, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le décret mentionné au premier alinéa fixe également un plafond au-delà duquel la franchise ne peut être portée. »
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Pour notre part, nous proposons tout simplement de plafonner les franchises, afin de préserver une certaine équité entre les territoires tout en garantissant un équilibre entre couverture assurantielle et soutenabilité financière pour les collectivités territoriales.
Ce constat a été rappelé lors de la discussion générale : pour un certain nombre de petites collectivités, le risque de sortie du système assurantiel est désormais réel, compte tenu de l'atrophie du marché.
Nous devons avoir à l'esprit les différents termes du débat. Selon Mme la rapporteure et M. le ministre, la franchise doit devenir consubstantielle de l'assurance des collectivités territoriales : pourquoi pas ? Mais, en parallèle, nous devons être en mesure de mieux réguler le marché. C'est le travail non seulement du Parlement, mais aussi du Gouvernement et de l'administration.
C'est pourquoi, au travers de cet amendement, nous souhaitons instaurer un plafond en demandant au Gouvernement de prendre les mesures réglementaires qui s'imposent.
Dans ce domaine, on ne peut pas laisser les assureurs jouer au yoyo – passez-moi l'expression. Il est trop facile de proposer de faibles franchises afin de décrocher des contrats, puis, deux ou trois ans plus tard, de les relever fortement afin de maximiser les profits. Une compagnie d'assurance est une entreprise à but lucratif, et c'est tout à fait normal ; mais, de notre côté, nous devons être capables de réguler ce marché afin de garantir une véritable équité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. Notre intention n'est pas de rigidifier davantage encore le marché de l'assurance privée des collectivités territoriales. En ce sens, nous ne sommes pas favorables à un plafonnement systématique des franchises : nous optons volontairement pour une rédaction ouverte afin de laisser des marges de manœuvre au Gouvernement.
M. Jean-François Husson. Quelle élégance ! (Sourires.)
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. Monsieur le sénateur, au sujet des catastrophes naturelles, je tiens à vous rassurer : un décret et un arrêté fixant un plafond pour les petites collectivités territoriales sont sur le point d'être signés.
Cela étant, nous ne sommes pas favorables à la systématisation de cette démarche. Ce constat a été rappelé à plusieurs reprises au cours de la discussion générale : du fait de tarifs sans doute trop bas au regard des risques encourus, ce secteur est actuellement en situation de duopole. Il faut donc faire revenir d'autres assureurs pour que la concurrence puisse jouer. Or le plafonnement des franchises prive les assureurs d'un outil de gestion leur permettant de proposer des offres intéressantes, d'autant que les collectivités territoriales sont protégées par le code des marchés publics.
Plus la concurrence sera réactivée dans ce domaine, grâce aux travaux que nous sommes en train de mener ensemble, plus les offres, demain, seront nombreuses. Dès lors, les collectivités territoriales pourront plus facilement refuser l'offre d'un assureur proposant selon elle une franchise trop élevée. Elles pourraient, de même, refuser tel ou tel avenant soumis en cours de contrat.
Il faut avant tout laisser la concurrence se développer dans le secteur. Aussi, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Madame la rapporteure, monsieur le ministre, j'ai entendu vos arguments. Nous avons là, manifestement, un désaccord idéologique.
De notre point de vue, la « main invisible » ne suffira pas à revivifier le marché. Bien sûr, il y faudrait une dizaine, une quinzaine, voire une vingtaine d'acteurs pour que les prix soient mieux ajustés. Mais, à cette fin, il faut que la puissance publique intervienne massivement.
Ces dispositions valent pour la décennie à venir, du fait de l'augmentation prévue des températures : nous n'avons pas le temps de laisser le marché revenir de lui-même à une situation normale, reposant sur une forme d'autorégulation. Sans une action résolue de la puissance publique, nous n'y arriverons pas. Nous aboutirons donc à un marché à plusieurs vitesses selon les territoires, ce qui n'est pas acceptable.
Mes chers collègues, je maintiens mon amendement et je vous invite à le voter massivement.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Briquet. Les franchises peuvent effectivement poser difficulté – je l'ai souligné lors de la discussion générale – et M. Blanc a le mérite de proposer une solution face aux risques de dérive. Pour notre part, nous voterons son amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je ne partage pas le point de vue de Grégory Blanc sur cet amendement, soutenu par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et certainement par d'autres encore.
Je le dis d'emblée, je ne suis pas un adepte de la franchise. Toutefois, la franchise à l'entrée, c'est-à-dire la part restant supportée par les assurés, quels qu'ils soient, a le mérite d'éviter des déclarations parfois intempestives, jamais suivies d'effet.
Un assureur est attentif à la fréquence, au montant et à l'origine des sinistres. Or la fréquence est bien plus déterminante pour le coût qu'on ne l'imagine, même lorsqu'il n'y a aucune déclaration. Les assureurs mutualisent les coûts, contrairement à l'État, qui peut tout reporter à demain. Ils doivent équilibrer leurs comptes.
Les collectivités comprennent bien cette mécanique. En réponse à mon questionnaire, celles de mon département de Meurthe-et-Moselle m'ont indiqué avoir subi des hausses de tarifs comprises entre 30 % et 250 %.
Les seuils de franchise ont un effet bloquant. Je ne sais pas comment chacun, ici, le négocierait. Dans le Val-de-Marne ou ailleurs, quand les assureurs fixent un plancher à 2,5 millions d'euros et un plafond à 5 millions d'euros, la collectivité est paralysée et n'a plus le choix.
Selon moi, le marché va retrouver un équilibre. D'ailleurs, certains assureurs reviennent déjà, même s'ils se méfient encore des plus grandes collectivités. En effet, il n'est que de voir la manière dont les services de ces dernières s'organisent…
Dans ce contexte, il faut non pas dénoncer la main invisible du marché, mais se tenir aux côtés des opérateurs, avec les collectivités, pour voir comment le marché va se réorganiser et surtout se rééquilibrer.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous vivons un moment de clarification, ce qui est tout à fait légitime.
Comme il le reconnaît lui-même, toute l'argumentation du rapporteur général de la commission des finances, qui pilote cette proposition de loi, c'est : le marché, le marché, rien que le marché. Voilà qui est clair et respectable.
Cela étant, monsieur le ministre, vous avez mentionné des décrets et arrêtés, qui ont tout de même trait à un texte législatif, sur le plafond concernant les petites collectivités en matière de catastrophes naturelles. Nous aurions aimé être informés en amont plutôt qu'au cours de l'examen du texte…
Nous ne doutons pas de la sincérité et de la véracité de vos propos. Mais pourquoi seulement les petites collectivités ? Votre approche est sûrement basée sur leurs capacités financières. Cependant, il y a un écueil sur les catastrophes naturelles comme sur le reste : une très petite collectivité, au budget très faible, peut être confrontée à une catastrophe naturelle énorme, tout comme une collectivité dotée, à vos yeux, d'importantes capacités financières…
M. Grégory Blanc. Comme les départements !
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vous propose de suivre un autre raisonnement, raison pour laquelle nous allons le soutenir : le plafond est possible à tous les niveaux, même s'il doit être progressif.
On ne peut se contenter d'un plafond pour les seules petites collectivités en cas de catastrophe naturelle. Toutes n'ont pas le même patrimoine, toutes ne rencontrent pas les mêmes problèmes : coulées de boue, incendies, émeutes, etc. Attention à ne pas trop prendre le sujet par le bas, car cela conduirait à créer des discriminations territoriales.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Chaque amendement a son importance et que l'on peut comprendre, voire faire siens les avis de nos collègues sur celui que nous examinons.
Les franchises, objet de l'article 4, ont été abordées au cours des travaux de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales. Ainsi, les travaux de la commission retiennent le fait que 27 % des collectivités territoriales ont vu leurs franchises augmenter.
L'article 4 concerne, en outre, les petits risques : comment cette notion est-elle interprétée ?
Madame la rapporteure, monsieur Husson, monsieur le ministre, vous avez rappelé vos arguments : je m'y rallierai. Pour autant, il convient de respecter les auteurs de ces amendements, alors que les sujets dont nous parlons sont extrêmement compliqués d'une collectivité territoriale à l'autre, y compris pour les villages, soumis à des risques de différentes natures.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Lombard, ministre. Je voudrais répondre à M. le sénateur Savoldelli, qui m'a piqué au vif. (Sourires.)
J'en viens parfois à me demander si M. le Premier ministre ne m'a pas nommé à ces responsabilités parce que je suis un ancien assureur – je confesse ce péché…
L'assurance, c'est d'abord la mutualisation du risque, quel que soit le type de société qui en est chargée. La base du métier d'assureur est ainsi de veiller à ce que les primes couvrent, en premier lieu, les sinistres, qui représentent la majeure partie de leur montant et, en second lieu, dans des proportions diverses, les frais de gestion et le profit revenant aux mutualistes ou aux actionnaires.
Dans cet exercice, ce qui est pris d'un côté – à savoir la franchise – se retrouve nécessaire dans l'autre, que cela se traduise par la nature de la couverture des risques, catastrophes naturelles ou émeutes, dont nous parlerons ultérieurement, ou par l'ajustement du tarif.
Nous en avons discuté avec Jean-François Husson en préparant ce débat : la franchise a un rôle de protection de l'ensemble des assurés, même si, pour préserver les petites collectivités et par solidarité envers celles-ci, nous avons entendu fixer un plafond.
Pour conclure, le marché est aujourd'hui tenu par deux mutuelles, Groupama et la SMACL, qui a été reprise par la Maif. Il serait bon pour le marché que des sociétés anonymes d'assurance les rejoignent, de sorte qu'une concurrence plus large bénéficie aux assurés.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme Ciuntu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
six
par le mot :
douze
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. Cet amendement vise à repousser le délai d'application de l'article 4 de six à douze mois.
Une durée de six mois apparaît en effet insuffisante pour publier le décret prévu par cet article et permettre aux assureurs de vérifier que l'intégralité des contrats passés avec les collectivités satisfont aux conditions de l'encadrement qui aura été décidé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8 rectifié ter, présenté par M. Bilhac, Mme Briante Guillemont et M. Masset, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation aux articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique, le marché public de l'assurance des collectivités territoriales doit faire l'objet d'un marché unique pour les contrats d'assurance responsabilité civile, les contrats d'assurance dommages aux biens, les contrats d'assurance civile automobile et les contrats mentionnés à l'article L. 827-4 du code de la fonction publique.
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Cet amendement est semblable à l'amendement n° 7 rectifié ter, auquel il ajoute l'assurance du risque statutaire, domaine dans lequel un grand nombre de collectivités locales peinent à se couvrir.
Or c'est cette assurance statutaire qui permet à la collectivité de percevoir, de la part de sa compagnie d'assurances, les salaires des agents en situation d'arrêt maladie ou d'accident du travail, ainsi que de remplacer les agents absents. En effet, ces remplacements statutaires sont particulièrement difficiles à mettre en œuvre pour les collectivités les plus petites, qui n'en ont pas les moyens hors assurance.
Cet amendement vise donc à supprimer la possibilité d'allotissement et à prévoir l'assurance statutaire dans l'offre d'assurance proposée aux collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par M. Bilhac, Mme Briante Guillemont et M. Masset, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation aux articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique, le marché public de l'assurance des collectivités territoriales doit faire l'objet d'un marché unique pour les contrats d'assurance responsabilité civile, les contrats d'assurance dommages aux biens et les contrats d'assurance civile automobile.
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Le problème assurantiel des collectivités locales concerne essentiellement les dommages aux biens. Actuellement, celles-ci procèdent à des allotissements en séparant les assurances pour responsabilité civile de celles qui concernent la flotte automobile et les dommages aux biens.
Cet amendement tend donc à supprimer la possibilité d'allotissement et à la remplacer par une assurance unique englobant ces trois risques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. Même si l'on comprend bien que ces amendements ont pour objet d'empêcher une sélection des risques par les assureurs, le danger serait grand que des assureurs préfèrent se retirer du marché plutôt que d'assurer l'ensemble des risques des collectivités.
Nous craignons les effets pervers d'une telle mesure et émettons un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. Au cours des derniers mois, monsieur le sénateur Masset, nous avons mené un travail de concertation avec les assureurs, les courtiers et les collectivités territoriales, à la suite du Roquelaure de l'assurabilité des territoires. Nous entendons rédiger un guide de bonnes pratiques, qui paraîtra bientôt.
Au cours des discussions, l'allotissement a spécifiquement été identifié comme une bonne pratique, même s'il est insuffisamment répandu, parce qu'il permet à plus d'assureurs de répondre aux appels d'offres des collectivités.
Ne pas allotir le marché supposerait de ne retenir que des candidats capables de couvrir une très large gamme de risques. De fait, les petits assureurs, souvent des assureurs de spécialité, se trouveraient exclus. À l'inverse, l'existence d'un risque exceptionnel dans le marché pourrait entraîner l'absence des généralistes.
Ainsi, permettre la réponse de spécialistes à certaines catégories de risques est une manière de protéger la capacité des collectivités à être assurées.
Le Gouvernement émet en conséquence un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre III
Assurer une couverture de l'ensemble des risques
Article 5
I. – L'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Il est institué une dotation budgétaire, intitulée dotation d'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements face aux risques majeurs. Cette dotation contribue à réparer les dégâts causés à leurs biens par :
« 1° Les événements climatiques ou géologiques graves ;
« 2° Les émeutes et les mouvements populaires. » ;
2° À la seconde phrase du III, les mots : « climatiques ou géologiques graves en cause » sont remplacés par les mots : « mentionnés aux 1° et 2° du I ».
II. – Le I entre en vigueur au 1er janvier 2026.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Barros et Savoldelli, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Il est institué une dotation budgétaire, intitulée dotation d'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements face aux risques majeurs. Cette dotation contribue à réparer les dégâts causés à leurs biens par :
« 1° Les événements climatiques ou géologiques graves ;
« 2° Les émeutes et les dégradations volontaires en réunion. »
2° Au II après le mot : « dotation », sont insérés les mots : « sans qu'aucun plancher budgétaire d'éligibilité ne puisse leur être opposé. »
3° Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Sont éligibles à l'indemnisation mentionnée au présent article, dans les conditions prévues au III, les biens suivants :
« 1° Les infrastructures routières et les ouvrages d'art ;
« 2° Les biens annexes à la voirie nécessaires à la sécurisation de la circulation ;
« 3° Les digues ;
« 4° Les réseaux de distribution et d'assainissement de l'eau ;
« 5° Les stations d'épuration et de relevage des eaux ;
« 6° Les pistes de défense des forêts contre l'incendie ;
« 7° Les parcs, jardins et espaces boisés appartenant au domaine public des collectivités territoriales ou de leurs groupements ;
« 8° Les stades de sport et équipements sportifs municipaux ;
« 9° Les parkings municipaux ;
« 10° Les cimetières. »
4° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment les conditions de détermination des événements mentionnés aux 1° et 2° du I, les règles relatives à la nature et aux montants des dégâts éligibles ainsi que les règles de détermination de la dotation pour chaque collectivité territoriale et groupement en fonction du montant des dégâts éligibles. »
II. – Le I entre en vigueur au 1er janvier 2026.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle au droit visé à l'article 403 du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Cet amendement tend à élargir le périmètre des biens éligibles à la DSECG en y intégrant des équipements qui en sont actuellement exclus, notamment les cimetières, les stades et les parkings municipaux, aujourd'hui systématiquement écartés de l'indemnisation en cas de sinistre.
Cette situation est une forme de zone grise assurantielle, dans laquelle les collectivités sont à la fois non assurables sur les contrats de dommages aux biens et non couvertes par la solidarité nationale, ce qui constitue une double défaillance du système.
Au travers de cet amendement, nous proposons également de supprimer le seuil d'éligibilité, fixé par décret à 1 % du budget de fonctionnement, qui introduit une inégalité entre les collectivités.
Enfin, certains pourraient s'interroger sur la compatibilité organique entre cet amendement et l'article 40 de la Constitution. Or ces dispositions ne créent aucune charge nouvelle, puisqu'elles n'augmentent ni le périmètre financier ni le plafond annuel de la DSECG. Il s'agit simplement de réorienter les modalités de répartition des crédits existants de façon à garantir une répartition plus conforme à la réalité des sinistres subis par les collectivités.
À une certaine époque, il n'était peut-être pas très intéressant d'assurer un terrain de football en herbe, avec quelques équipements, qui pouvait être restauré assez facilement en cas de dégradation. Aujourd'hui, un terrain en synthétique vaut 1 million d'euros. Dès lors, après une coulée de boue, par exemple, on comprend qu'il peut être nécessaire d'intégrer cet équipement, dont la remise en état est à la fois coûteuse et très technique, dans la DSECG.
La prise en compte des émeutes dans cette même dotation a en quelque sorte ouvert une brèche que nous proposons d'élargir encore.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. Le travail de la commission n'a pas porté sur cet élargissement à des biens non assurables. Nous avons entendu nous en tenir à la prise en compte du risque émeute, que vous venez de mentionner, mon cher collègue : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. Cette proposition de loi élargit en effet le champ de la DSECG au risque émeute. Toutefois, soumettre, en parallèle, d'autres risques à l'indemnisation par l'État, donc par le contribuable, modifierait l'équilibre même de la couverture assurantielle.
Les infrastructures que vous évoquez, monsieur le sénateur, comme les stades et les parkings, ont vocation à être couvertes par l'assurance privée. Ces biens ne sont pas non assurables par nature, contrairement aux émeutes, par exemple. Ainsi, la DSECG étant un outil budgétaire de solidarité nationale, elle n'a pas vocation à se substituer au marché de l'assurance.
Le Gouvernement rejoint donc la rapporteure. L'adoption de votre amendement ferait peser sur l'assureur public de mauvais risques, alors même qu'ils pourraient être pris en compte par l'assureur privé. Nous entendons limiter le champ de la DSECG aux infrastructures manifestement inassurables : avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Masset et Bilhac, Mme Briante Guillemont et MM. Fialaire et Roux, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les travaux de reconstruction poursuivant des objectifs d'adaptation et de résilience peuvent bénéficier de cette dotation. Par exception, les travaux de reconstruction à l'identique peuvent en percevoir le bénéfice, sous réserve que la reconstruction de l'ouvrage endommagé ne puisse poursuivre les objectifs énumérés à la précédente phrase, en raison de contraintes techniques, patrimoniales ou économiques. Un décret précise ces conditions. » ;
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Actuellement, le principe d'indemnisation repose avant tout sur la reconstruction à l'identique ou à neuf.
Les membres de mon groupe estiment qu'il est temps de faire évoluer cette logique, afin de privilégier des reconstructions plus résilientes et mieux adaptées aux enjeux climatiques et sociaux de demain.
Nous nous interrogeons sur l'incohérence persistante entre, d'une part, des dispositifs législatifs incitant à la reconstruction à l'identique et, d'autre part, les objectifs de résilience et d'adaptation sous-tendant nos politiques publiques, en particulier en matière de transition écologique.
En somme, nous estimons que la reconstruction à l'identique perpétue une vulnérabilité structurelle face à des risques désormais récurrents et croissants et ne répond pas à l'objectif de résilience de nos territoires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. J'observe qu'il est déjà possible de financer des travaux d'amélioration, à la condition que ceux-ci ne soient pas plus coûteux qu'une reconstruction à l'identique – je reconnais que c'est une limite significative.
Pour y remédier, le Gouvernement a annoncé, lors du Roquelaure de l'assurabilité des territoires, qu'il travaillait sur une réforme intégrant, entre autres avancées, le développement de la reconstruction favorisant la résilience, lorsque cela est pertinent, dans le cadre de la réforme de la DSECG. Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur l'avancement de ces travaux, monsieur le ministre ?
La commission demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement, même si le sujet est d'importance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. Je saisis au bond la balle lancée par Mme la rapporteure.
Je confirme que nous menons un travail de fond, au niveau interministériel, mais aussi avec les assureurs et les opérateurs, afin que les bâtiments endommagés lors de catastrophes naturelles soient reconstruits en prenant mieux en compte la nécessaire adaptation au changement climatique.
Toutefois, comme nous l'avions annoncé lors du Roquelaure, et comme pour l'assurance-risque émeute, il faut laisser le temps à ces discussions, très techniques, de se dérouler. En effet, le coût du sinistre est parfois bien plus élevé que celui de la reconstruction ayant servi de base au tarif initial de la garantie.
S'il était adopté en l'état, cet amendement conduirait à accroître la pression sur la DSECG et à restreindre, in fine, la capacité de l'État à soutenir les collectivités locales. Nous souhaitons encourager cette réflexion, mais il faut en mesurer les implications techniques, ce que nous nous efforçons de faire dans les meilleurs délais, de manière à en intégrer les conséquences dans la rédaction.
Pour ces raisons le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Masset, l'amendement n° 15 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Masset. Compte tenu de ces propos encourageants, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Le code des assurances est ainsi modifié :
1° L'article L. 121-8 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « , soit par des émeutes ou par des mouvements populaires » sont supprimés ;
b) À la fin du second alinéa, les mots : « , d'émeutes ou de mouvements populaires » sont supprimés ;
2° Le titre II du livre Ier est complété par un chapitre XI ainsi rédigé :
« CHAPITRE XI
« L'assurance des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires
« Art. L. 12-11-1. – Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'État et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les dommages résultant d'une émeute ou d'un mouvement populaire.
« Constitue une émeute tout rassemblement de personnes accompagné de violences et dirigé contre l'autorité en vue d'obtenir la satisfaction de revendications politiques, économiques ou sociales.
« Constitue un mouvement populaire tout rassemblement de personnes accompagné de violences et visant à troubler l'ordre public.
« Ne constituent pas une émeute ou un mouvement populaire les actions relevant de la guerre étrangère ou de la guerre civile ainsi que les actes de terrorisme au sens de l'article 421-1 du code pénal.
« Art. L. 12-11-2. – Les entreprises d'assurance insèrent dans les contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 12-11-1 une clause étendant leur garantie aux dommages mentionnés au même premier alinéa. Ces contrats sont réputés, nonobstant toute disposition contraire, contenir une clause étendant leur garantie aux dommages mentionnés à cet article.
« Toute clause contraire aux dispositions du présent chapitre est réputée non écrite.
« Des clauses types réputées écrites dans ces contrats sont déterminées par arrêté du ministre chargé de l'économie.
« Art. L. 12-11-3. – La garantie des dommages mentionnés à l'article L. 12-11-1 est couverte par une prime ou cotisation additionnelle, individualisée dans l'avis d'échéance des contrats mentionnés au premier alinéa du même article L. 12-11-1 et calculée à partir d'un taux unique défini par arrêté pour chaque catégorie de contrat. Ce taux est appliqué au montant de la prime ou de la cotisation principale ou au montant des capitaux assurés, selon la catégorie de contrat.
« La garantie ne peut excepter aucun des biens mentionnés au contrat ni opérer d'autre abattement que ceux fixés dans les clauses types prévues au dernier alinéa de l'article L. 12-11-2.
« Si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, cette garantie est étendue aux dommages causés par les émeutes et les mouvements populaires, dans les conditions prévues au contrat.
« Les indemnisations résultant de cette garantie sont soumises à une franchise. Elle ne s'applique qu'une seule fois lors de la succession d'évènements garantis sur une période courte. Cette franchise est également mentionnée dans chaque document fourni par l'assureur et décrivant les conditions d'indemnisation. Ces conditions doivent être rappelées chaque année à l'assuré.
« Un décret définit les caractéristiques de la franchise et ses modalités d'application.
« Art. L. 12-11-4. – Sans préjudice de stipulations plus favorables, une provision sur l'indemnisation due au titre du présent chapitre est versée à l'assuré dans les deux mois qui suivent la date de remise de l'état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies, ou la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, de la décision administrative constatant l'émeute ou le mouvement populaire d'intensité exceptionnelle.
« Lorsque l'assureur ne respecte pas le délai mentionné au premier alinéa du présent article ou verse dans le délai imparti un montant inférieur à celui auquel il est tenu, la somme à verser à l'assuré est, jusqu'à son versement, majorée de plein droit du taux de l'intérêt légal.
« Art. L. 12-11-5. – Lorsqu'un assuré s'est vu refuser par une entreprise d'assurance l'application des dispositions du présent chapitre en raison de l'importance du risque d'émeutes et de mouvements populaires auquel il est soumis, il peut saisir le bureau central de tarification, qui impose à l'entreprise d'assurance concernée de le garantir contre les dommages mentionnés au premier alinéa de l'article L. 12-11-1, en appréciant la tarification du contrat dans sa globalité. Lorsque le risque présente une importance ou des caractéristiques particulières, le bureau central de tarification peut demander à l'assuré de lui présenter, dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres assureurs afin de répartir le risque entre eux.
« Toute entreprise d'assurance ayant maintenu son refus de garantir un assuré dans les conditions fixées par le bureau central de tarification est considérée comme ne fonctionnant plus conformément à la réglementation en vigueur et encourt le retrait de l'agrément administratif prévu aux articles L. 321-1 ou L. 321-7.
« Est nulle toute clause des traités de réassurance tendant à exclure le risque objet du présent chapitre de la garantie de réassurance en raison des conditions d'assurance fixées par le bureau central de tarification.
« Art. L. 12-11-6. – Une fraction de la prime ou de la cotisation additionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 12-11-3 abonde un fonds de gestion des risques d'émeutes et de mouvements populaires. Ce fonds, géré par une association à laquelle adhèrent les entreprises d'assurance proposant les contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 12-11-1, intervient pour l'indemnisation des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires d'intensité exceptionnelle, dans la limite de 1,5 milliard d'euros par année civile, revalorisée chaque année en fonction de l'indice des prix à la consommation par arrêté du ministre chargé des finances.
« L'émeute ou le mouvement populaire d'intensité exceptionnelle est constaté par arrêté interministériel. L'intensité exceptionnelle d'une émeute ou d'un mouvement populaire s'apprécie notamment à l'aune du montant des dommages qui en résultent.
« L'arrêté détermine les zones et les périodes où s'est situé cette émeute ou ce mouvement populaire ainsi que la nature des dommages résultant de ceux-ci qui peuvent faire l'objet d'une indemnisation par le fonds mentionné au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'émeute ou du mouvement populaire, la décision des ministres, qui est motivée et mentionne les voies et délais de recours ainsi que les règles de communication des documents administratifs. Cette décision est notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département. L'arrêté est publié au Journal officiel dans un délai de deux mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture.
« Aucune demande communale de reconnaissance d'émeute ou de mouvement populaire d'intensité exceptionnelle ne peut donner lieu à une décision favorable lorsqu'elle intervient douze mois après le début de l'émeute ou du mouvement populaire.
« Art. L. 12-11-7. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis du comité consultatif du secteur financier, fixe les modalités d'application du présent chapitre, notamment :
« 1° Les conditions de mise en œuvre de la garantie mentionnée au premier alinéa de l'article L. 12-11-1, notamment la nature des dommages couverts et les modalités d'indemnisation ;
« 2° Le montant minimal des dommages caractérisant l'intensité exceptionnelle, au sens de l'article L. 12-11-6, d'une émeute ou d'un mouvement populaire ;
« 3° Les dérogations ou les exclusions éventuellement applicables aux contrats concernant les grands risques définis à l'article L. 111-6 au regard de l'assurabilité de ces risques ;
« 4° Les conditions d'affectation d'une fraction de la prime mentionnée au premier alinéa de l'article L. 12-11-3 au fonds mentionné au premier alinéa de l'article L. 12-11-6. »
II. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi. Il est applicable aux contrats en cours à compter de cette date.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 7, 17, 22 première phrase, 25 (deux fois)
Remplacer les mots :
mouvements populaires
par les mots :
dégradations volontaires en réunion
II. – Alinéas 8, 10, 11, 20 et 26 (deux fois), 27 (deux fois), 28 (deux fois) et 31
Remplacer les mots :
mouvement populaire
par les mots :
dégradation volontaire en réunion
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Aucun groupe politique ne votera contre cette proposition de loi, mais aucun des amendements, si j'ai bien compris, ne recueillera un avis favorable. C'est un choix…
Par cet amendement, nous proposons une substitution terminologique. Au sein de l'article 6, la notion de « mouvements populaires » serait donc remplacée par celle de « dégradations volontaires en réunion ». En effet, tel qu'il est actuellement rédigé et malgré une amélioration notable apportée en commission, le texte laisse subsister une confusion très regrettable.
Ainsi, d'un côté, on trouve des formes d'expression collective et des mobilisations populaires, au cœur de toute démocratie vivante, qui ne sauraient en aucun cas être mécaniquement assimilées à des actes de violence ou à des comportements délictueux. De l'autre, il existe des actes matériels, volontaires et collectifs qui relèvent clairement de la dégradation, de la destruction ou de la violence contre les biens, publics ou privés, et qui tombent sous le coup du code pénal. Ces actes doivent être reconnus comme tels, sans pour autant être amalgamés à la notion de mouvement populaire.
Je vous prie d'excuser cette pointe d'humour : un certain parti politique s'appelait voilà peu l'Union pour un mouvement populaire… Je ne suis vraiment pas certain que vous ayez intérêt à associer ce terme à des dégradations urbaines !
M. Jean-François Husson. Il fallait oser !
M. Pascal Savoldelli. Il fallait oser ? Eh bien, c'est fait ! Les mots ont un sens, mon cher collègue, et celui-ci ne peut varier en fonction du moment !
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter au moins cet amendement. Retirez du texte cette notion de mouvement populaire. Franchement, comment pouvez-vous adosser cette expression à celle de dégradations volontaires ?
Cette discussion est très sérieuse. Elle laissera des traces au-delà de la question de l'assurance des collectivités territoriales. Une telle avancée permettrait de mieux percevoir la lecture du mouvement populaire et d'éviter toute confusion avec des dégradations volontaires.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Masset et Bilhac, Mme Briante Guillemont et MM. Fialaire et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 7 et 22
Remplacer les mots :
et de mouvements populaires
par les mots :
, de mouvements populaires et de cyberattaques
II. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
ou d'un mouvement populaire
par les mots :
, d'un mouvement populaire ou d'une cyberattaque
III. – Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Constitue une cyberattaque un ensemble coordonné d'actions menées de façon répétée ou ponctuelle dans le cyberespace qui visent des informations ou les systèmes qui les traitent, en portant atteinte à leur disponibilité, à leur intégrité ou à leur confidentialité
IV. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
et les mouvements populaires
par les mots :
, les mouvements populaires et les cyberattaques
V. – Alinéa 20
Remplacer les mots :
ou le mouvement populaire
par les mots :
, le mouvement populaire ou la cyberattaque
VI. – Alinéa 26
1° Première phrase
Remplacer les mots :
ou le mouvement populaire
par les mots :
, le mouvement populaire ou la cyberattaque
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
ou d'un mouvement populaire
par les mots :
, d'un mouvement populaire ou d'une cyberattaque
VII. – Alinéa 27
1° Première phrase
Remplacer les mots :
ou ce mouvement populaire
par les mots :
, ce mouvement populaire ou cette cyberattaque
2° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
ou du mouvement populaire
par les mots
, du mouvement populaire ou de la cyberattaque
VIII. – Alinéa 28
Remplacer les mots :
ou de mouvement populaire
par les mots :
, de mouvement populaire ou de cyberattaque
et les mots :
ou du mouvement populaire
par les mots :
, du mouvement populaire ou de la cyberattaque
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Comme je l'ai évoqué au cours de la discussion générale, les cyberattaques se multiplient. Or la médiatisation croissante de ces attaques pousse nos élus locaux à se demander, non plus si leur collectivité sera visée, mais bien quand.
En outre, les conséquences financières de ces attaques sont souvent lourdes, les collectivités touchées peinant à assurer la continuité de leur fonctionnement, et ce alors que les citoyens en subissent directement les effets, notamment au travers des services publics.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. En ce qui concerne l'amendement n° 11 rectifié, en effet, monsieur Savoldelli, les mots ont du sens, mais le droit est exigeant.
Ainsi, ce n'est pas la volonté d'associer le mouvement populaire à la casse qui nous a conduits à faire ces choix. Comme vous le savez, le code des assurances consacre ces termes. Ce choix n'aura aucune incidence sur la manière de percevoir les mouvements populaires, puisqu'il s'agit d'un débat de techniciens. (Mme Silvana Silvani proteste.)
En revanche, ne pas employer les bons termes serait lourd de conséquences. En outre, nous tenons absolument à éviter les références à des notions issues du droit pénal, puisque le champ de l'indemnisation s'en trouverait restreint.
Comme nous l'avons explicité en commission, nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement, quel que soit le sérieux de l'intervention de notre collègue Pascal Savoldelli, que nous ne prenons pas à la légère : nous nous opposons non pas pour nous opposer, mais pas nécessité juridique.
En ce qui concerne l'amendement n° 14 rectifié, les cyberattaques ne peuvent être rattachées aux émeutes, alors que certains textes permettent déjà aux collectivités de s'assurer contre celles-ci : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. Sur l'amendement n° 11 rectifié, je ne puis qu'avoir respect et sympathie à l'égard de vos propos, monsieur Savoldelli. Cependant, ici, nous faisons du droit, notamment du droit de l'assurance. Et la jurisprudence, depuis 1930, a consacré le terme de mouvement populaire, de même que le droit des assurances. Sauf à se hasarder à modifier cet édifice ancien et solide, mieux vaut ne pas opérer le changement que vous proposez : avis défavorable.
Le Gouvernent est également défavorable, mais pour des raisons différentes, à l'extension de la garantie aux cyberattaques telle qu'elle est proposée au travers de l'amendement n° 14 rectifié.
Le raisonnement est semblable à celui qui était le mien lors de l'examen d'un article précédent : j'étais assureur lorsque les premières cyberattaques ont eu lieu et nous nous étions alors creusé la tête pour déterminer la manière de tarifer ce risque et de protéger les entreprises. Aujourd'hui, nous savons mieux faire les deux et ce risque et devenu assez commun et assurable.
D'ailleurs, le fait même d'assurer ce risque est une protection, puisque les assureurs contribuent à la défense de l'ensemble des opérateurs du pays. Malheureusement, les opérateurs publics ont quelque peu tardé, par rapport à d'autres, à se protéger – je pense notamment aux hôpitaux…
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. G. Blanc, Mme Senée, MM. Dossus, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, cette garantie ne s'applique pas aux contrats couvrant les locaux à usage d'habitation.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Il s'agit d'un amendement de bon sens.
Nous avons du mal à comprendre comment, il peut être faire appel aux contrats d'assurance habitation des particuliers pour faire face aux dégradations liées aux émeutes. Celles-ci doivent relever de la solidarité nationale.
Il faut appeler un chat un chat. Comme je le disais lors de la discussion générale, ce qui est proposé à l'article 6 n'est ni plus ni moins qu'un impôt supplémentaire pour les personnes qui ont une résidence.
Ce n'est pas aux habitants de payer, c'est la solidarité nationale qu'il faut actionner. Et nous devons avoir un vrai débat pour savoir qui paie quoi en matière de solidarité nationale. En l'occurrence, ce sont les particuliers, tous ceux qui doivent assurer leur maison, qui paieront. Ce n'est pas ainsi, selon nous, que nous arriverons à relever les défis assurantiels de demain.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. La commission demande le retrait de cet amendement.
Comme nous l'avons déjà dit, nous défendons le principe de la mutualisation maximale. Nous ne pouvons donc exclure ni les entreprises ni les particuliers. D'ailleurs, ces derniers, même s'ils sont moins touchés, trouveront un intérêt dans le fait de bénéficier de cette assurance.
J'insiste, en outre, sur le caractère très modéré de la surprime, comme nous l'avons évoqué en commission. Ainsi, il est intéressant de mettre en œuvre un tel dispositif tout en aboutissant à des surprimes très faibles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Il est vrai que les collectivités territoriales, monsieur le sénateur Grégory Blanc, sont les premières victimes des émeutes et qu'elles doivent donc être les premières bénéficiaires de la garantie.
Cependant, les entreprises et les particuliers peuvent aussi en subir les conséquences. Or les travaux en cours montrent que, comme souvent dans l'assurance, plus la base de tarification est largue, plus la hausse des tarifs est modeste. En outre, cela permet d'associer toutes les personnes couvertes par ces assurances.
J'ajoute que le Gouvernement souhaite, avant de prendre une décision définitive, laisser le temps aux travaux techniques d'aboutir. Il se trouve que, sur plusieurs sujets, nous avons encore du temps devant nous.
En attendant, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Je maintiens mon amendement, surtout après avoir entendu votre avis, monsieur le ministre. Vous expliquez que plus l'assiette est large, plus il est facile d'abonder les recettes fiscales. Sur ce point, nous avons un désaccord idéologique total.
Au travers de la taxe Zucman, dont nous débattrons demain, un faible nombre de personnes pourraient être mises à contribution, pour un rendement garanti.
Votre propos est extrêmement clair : plus on fait payer de monde, plus on assure de rentrées fiscales. Mais ne pensez-vous pas que nous pourrions aussi nous attaquer à ceux qui possèdent davantage, au moyen d'une imposition plus juste ?
Selon nous, cette imposition – il s'agit bien, en l'espèce, d'un impôt déguisé – relève de la solidarité nationale. Elle doit donc être proportionnée aux revenus des uns et des autres. C'est la raison pour laquelle nous devons éviter tout prélèvement sur les contrats d'assurance habitation.
Vous prétendez, madame la rapporteure, qu'il ne sera pas possible de distinguer les particuliers des entreprises. De grâce, épargnez-nous ce discours ! Nous savons que des décrets d'application seront pris et qu'il sera possible, à ce stade, de veiller à la faisabilité du dispositif.
On m'explique qu'il n'est pas possible pour les assureurs de distinguer les entreprises de ceux qui paient les contrats d'assurance d'habitation. À un moment donné, il faut savoir raison garder !
Si votre argumentation se fonde sur ce seul principe, elle en dit long sur notre capacité à réguler l'économie et sur la façon dont fonctionnent les systèmes assurantiels dans le pays.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous comptions déjà soutenir cet amendement ; compte tenu des avis que nous venons d'entendre, nous sommes encore plus confortés dans notre position.
On nous dit que l'assurance habitation n'est pas couverte par la solidarité nationale, ce qui se répercutera sur les locataires. Cette question nous renvoie au débat que nous avons eu tout à l'heure, à pas feutrés. Encore une fois, les collectivités territoriales vont souffrir de cette proposition de loi, à cause des franchises.
Depuis le début, le ministre nous dit que nous n'allons pas en rester là, car les entreprises seront aussi concernées – on peut au moins reconnaître la sincérité de ses propos.
J'appelle tous mes collègues à réfléchir à leur vote final, car cette proposition de loi est le cheval de Troie des assureurs privés. Elle ferme ainsi la porte à toute intervention de l'opérateur public. Ce dernier pourrait pourtant être mis à contribution pour l'assurance des locataires.
On voit bien toute l'importance politique de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je souhaite apporter quelques précisions. Vous avez assisté aux auditions de la commission des finances, monsieur Savoldelli ; vous savez donc que l'opérateur public, soit la Société mutuelle d'assurance des collectivités, a son rôle à jouer.
Lorsque nous nous sommes déplacés dans le Val-de-Marne – vous étiez alors à mes côtés, cher collègue –, la directrice générale des services d'une ville de 30 000 à 40 000 habitants avait évoqué le fait que certains assureurs versaient de meilleurs dividendes aux actionnaires. Nous lui avions indiqué que la Smacl, qui repose sur une logique mutualiste, ne versait aucun dividende.
M. Pascal Savoldelli. Quel est le rapport avec l'amendement ?
M. Jean-François Husson. Par ailleurs, au début des auditions que nous avons menées, vous nous alertiez sur le fait que les assureurs du marché pourraient se détourner des mauvais risques, qui seraient couverts uniquement par l'assureur public. C'est ce que l'on appelle l'antisélection.
En faisant peser les risques sur la totalité des assurés, on met en place une mutualisation. Je vous renvoie à l'initiative prise par le Sénat de mutualiser la garantie d'assurance emprunteur, quel que soit l'état de santé des individus. Aujourd'hui, tout le monde paie la même cotisation : les bien portants, comme les personnes souffrant d'affections préexistantes qui auraient entraîné des exclusions ou des majorations.
Voilà en quoi consiste la mutualisation du risque, qui n'existe que grâce au système assurantiel.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Lombard, ministre. Le sénateur Husson a tout dit. L'assurance, même mutualiste, n'a rien à voir avec l'impôt. En effet, elle ne dépend ni des revenus ni du patrimoine et est seulement proportionnelle au risque.
M. Grégory Blanc. Et la sécurité sociale ? C'est une assurance !
M. Éric Lombard, ministre. La tarification en fonction des risques et les primes mutualisées constituent la base de l'assurance, dans le secteur mutualiste comme dans le secteur privé.
Dans l'assurance des dommages causés à l'occasion d'émeutes, on retrouve l'impôt et la progressivité. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, dont vous aurez l'occasion de débattre demain.
Comme l'ont dit la rapporteure et M. Husson, il faudra une extension de la garantie de l'État pour que la réassurance publique des émeutes fonctionne. À ce moment-là, c'est la mutualisation du risque pour l'ensemble de la société, basée sur l'impôt, qui prévaudra.
Cela ne réglera pas notre désaccord idéologique qui s'est exprimé ce soir, mais le problème est sans doute plus complexe que vous ne le dites, si vous me permettez à mon tour de vous taquiner.
M. Pascal Savoldelli. Décidément, personne n'a répondu sur le fond !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par MM. Buis, Fouassin, Patriat, Rambaud, Patient et Buval, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mmes Nadille, Phinera-Horth et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Après le mot :
rassemblement
insérer les mots :
, spontané ou concerté,
et après le mot :
violences
insérer les mots :
, causant des dommages
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Les collectivités territoriales sont aujourd'hui en première ligne face à des événements parfois violents ou imprévus. Ainsi, elles ont besoin de sécurité juridique, en particulier dans le cadre des contrats d'assurance.
Si nous souhaitons protéger au mieux les collectivités, nous devons trouver la rédaction juridique la plus claire et la plus précise possible, afin d'éviter une multiplication du contentieux avec les assurances.
Le groupe RDPI vous propose donc d'adopter cet amendement, qui tend à modifier les alinéas 9 et 10 de l'article 6 afin de clarifier les notions d' « émeutes » et de « mouvements populaires ».
Ces dernières sont centrales dans la reconnaissance des droits à indemnisation. Pourtant, elles ne bénéficient à ce jour d'aucune définition législative. Ce flou ouvre la porte à des divergences d'interprétation entre assureurs, préfectures et collectivités.
C'est la raison pour laquelle nous vous suggérons de nous inspirer de la jurisprudence de la Cour de cassation. Au fil des années, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français a dégagé des critères constants pour distinguer les émeutes et les mouvements populaires. Je pense au caractère spontané ou concerté, à la dimension collective ou encore à l'intention perturbatrice ou violente.
Intégrons ces éléments dans la loi, afin que nul ne puisse les ignorer ou les interpréter de matière arbitraire.
Nous suggérons également d'inscrire clairement la notion de « dommages causés », pour que les sinistres puissent être financièrement pris en compte de façon homogène, dans tous les territoires. Il s'agit d'éviter que certaines collectivités ne soient injustement exclues des mécanismes d'indemnisation.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Briquet, MM. Cozic, Raynal et Kanner, Mme Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Après le mot :
violences
insérer le mot :
intentionnelles
II. – Alinéa 10
Remplacer le mot :
violences
par le mot :
dégradations
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Dans le même sens, nous souhaitons préciser, sur le plan juridique, la distinction entre les notions d' « émeutes » et de « mouvements populaires ». Nous sommes nombreux à être contrariés par l'utilisation qu'en fait le présent texte.
Concernant la notion de « mouvements populaires », le texte adopté en commission est incontestablement plus précis que le code des assurances. Nous pensons toutefois qu'il serait profitable d'y ajouter un caractère d'intentionnalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. Si le dispositif est ainsi rédigé, c'est en raison des motifs juridiques que l'auteur de la proposition de loi a tenu à respecter et force est de constater que les amendements adoptés en commission se sont conformés à son intention.
Si nous ne précisons pas que les mouvements populaires peuvent être spontanés ou concertés, c'est que nous admettons qu'ils peuvent l'être. Nous avons veillé à ne pas ajouter trop de précisions qui risqueraient d'alourdir le texte et de le rendre flou sur le plan juridique.
De la même manière, s'il n'y a pas de dommages créés par une émeute ou un mouvement populaire, on sort du champ des assurances. Ainsi, le préciser n'apporterait pas grand-chose.
Ces amendements nous semblent satisfaits, les précisions rédactionnelles proposées étant superflues. En conséquence, la commission demande à leurs auteurs de les retirer ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. Les dispositions de ces amendements clarifient le sujet, mais des discussions techniques sont en cours. En conséquence, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Buis, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Bernard Buis. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Je suis assez sceptique vis-à-vis des arguments de Mme la rapporteure. Je pense au contraire que le dispositif n'est pas satisfaisant et qu'il est nécessaire de le clarifier.
M. le président. Madame Briquet, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
Mme Isabelle Briquet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mme Ciuntu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
les actes de terrorisme au sens de l'article 421-1 du code pénal
par les mots :
les attentats ou les actes de terrorisme mentionnés à l'article L. 126-2
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. Cet amendement vise à exclure expressément certains actes des notions d' « émeutes » et de « mouvements populaires », précisément les attentats.
Ces derniers sont définis à l'article 412-1 du code pénal comme « le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l'intégrité du territoire national ».
Plutôt que de renvoyer aux articles du code pénal, nous proposons de renvoyer au régime de gestion de l'assurance et de la réassurance des attentats et des actes de terrorisme, afin de garantir une meilleure articulation des dispositifs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Lombard, ministre. L'articulation avec le dispositif Gareat clarifie le périmètre des risques couverts.
Toutefois, comme je le disais encore à l'instant, des discussions techniques sont en cours. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, une fois de plus, s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mme Briquet, MM. Cozic, Raynal et Kanner, Mme Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 6 est présenté par M. G. Blanc, Mme Senée, MM. Dossus, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 25
Remplacer les mots :
Une fraction de la prime ou de
par les mots :
La prime ou
La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l'amendement n° 2.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement vise à reverser l'intégralité de la surprime au fonds de gestion des risques d'émeutes et de mouvements populaires.
Nous estimons qu'il n'est pas opportun de renforcer de manière exagérée la rentabilité des sociétés d'assurance, dont les problématiques financières sont déjà traitées par le texte.
Afin de renforcer les capacités financières du fonds précité, il serait souhaitable de revenir sur le fractionnement intégré au texte par la commission des finances, ce qui limiterait d'autant la part d'indemnisation restant à la charge des assureurs.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Grégory Blanc. La sinistralité va-t-elle augmenter ? Voilà la question de fond que nous devons nous poser.
La présente proposition de loi servira de rustine, elle fluidifiera quelque peu les choses pendant cinq ou six ans. Eu égard à la société dans laquelle nous vivons, nous savons qu'au-delà de ce terme nous serons mécaniquement contraints de remettre l'ouvrage sur le métier tant la sinistralité aura augmenté.
Est-on dans une spirale favorable qui favorise la mixité ou le vivre-ensemble – cette expression est un peu galvaudée, mais elle me semble juste – ou doit-on se résoudre à vivre dans une société qui se polarise progressivement au quotidien, avec des risques d'émeutes de plus en plus importants ? Il semble que nous soyons engagés sur la mauvaise pente ; c'est en tout cas ce que je crois.
J'y insiste, la sinistralité va augmenter, d'où la nécessité de s'assurer contre les risques.
Partant de là, quel système de prise en charge doit-on organiser ? Tout au long de nos échanges, j'ai entendu que le système assurantiel, qu'il soit mutualiste ou privé, est un système dans lequel chacun, par le biais de ses cotisations, met de l'argent dans un pot commun.
Or il existe plusieurs façons d'assurer les risques. Encore une fois, la sinistralité va augmenter en raison des évolutions environnementales et de la multiplication des émeutes.
L'assurance des biens publics supposera donc de changer de paradigme et peut-être de se rapprocher du modèle qui prévaut en matière de santé. En d'autres termes, il faudra définir un système de prise en charge qui dépend non seulement de la capacité contributive des uns et des autres, mais aussi des complémentaires, lorsque des situations particulières se présentent.
Pour faire face aux évolutions de l'environnement, nous ne pourrons nous passer de ce type système. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Merci de conclure !
M. Grégory Blanc. On s'appuie déjà sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles pour faire face aux conséquences du réchauffement climatique. De toute évidence, nous devrons appliquer la même logique à l'assurance des biens publics endommagés à la suite d'émeutes.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Pierre Barros. Cet amendement s'inscrit dans un effort de cohérence politique et budgétaire que nous jugeons essentiel.
Il me semble utile, à ce stade de la discussion, de revenir rapidement sur la trajectoire d'ensemble de la présente proposition de loi.
Celle-ci laisse apparaître en filigrane un choix assumé, celui de refermer progressivement, mais sûrement, la voie d'une solution publique à la question de la couverture assurantielle des collectivités pour stimuler, en miroir, le retour d'une concurrence élargie sur le marché assurantiel.
Autrement dit, il s'agit de créer de nouvelles conditions d'attractivité pour des acteurs privés, au-delà des seuls assureurs mutualistes aujourd'hui engagés.
Ce choix se structure au travers de trois vérités.
Première vérité, il s'agit de créer un marché ou, plus exactement, une obligation d'intégration de couverture du risque d'émeutes dans les contrats. Cela constitue une forme de stimulation législative de l'offre : un produit qui couvre plus est mécaniquement plus profitable, ce qui rend le marché plus attractif.
Deuxième vérité, ce texte organise une série d'ajustements dont la cohérence, si elle est rarement explicitée, apparaît tout de même lisible. Je pense à l'élargissement des franchises et, surtout, à la possibilité offerte aux assureurs de conserver une part de la surprime acquittée par les collectivités. Autrement dit, les ressources collectées sur des bases solidaires ne sont plus intégralement mutualisées, une partie pouvant désormais être captée par les assureurs eux-mêmes.
Troisième vérité, il est question non pas simplement d'encadrer un marché existant, mais bien de le refonder, dans l'espoir de faire revenir des opérateurs jusqu'alors désengagés. Ce pari ne manque pas de cohérence, mais ce n'est pas celui que nous souhaitons faire. Nous considérons, au contraire, que les risques climatiques, structurels et sociaux auxquels sont confrontées les collectivités appellent des réponses de nature solidaire et non des montages qui organisent en creux la rémunération du capital assurantiel.
À l'inverse de la logique de rente ainsi esquissée, nous proposons de réaffirmer un principe simple : toute ressource issue d'une cotisation collective doit être intégralement affectée à un fonds mutualisé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. Ces amendements visent à rétablir l'affectation de la totalité de la surprime au fonds de gestion des risques d'émeutes et de mouvements populaires. Je vous rappelle que la commission avait adopté un amendement dont l'objet était exactement inverse.
Notre choix s'est fondé sur un principe simple : dès lors que le régime proposé organise un partage du risque entre les assureurs privés et un mécanisme de mutualisation du risque, il est logique de prévoir un partage de la surprime.
C'est d'ailleurs le cas du régime CatNat, dans la mesure où les assureurs et la Caisse centrale de réassurance prennent chacun en charge 50 % de l'indemnisation et perçoivent chacun 50 % du montant de la surprime.
Dans le cadre d'autres régimes qui fonctionnent sans surprime, un partage du produit des primes est organisé entre les assureurs et le dispositif de mutualisation.
Si tel n'était pas le cas, les assureurs risqueraient fortement de se rémunérer en augmentant les primes des assurés les plus exposés, en dégradant les conditions de couverture, voire en abandonnant certaines zones jugées trop exposées.
L'affectation uniforme d'une partie de la surprime aux assureurs, quel que soit le risque, vise à prévenir les comportements d'antisélection.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 6 et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Masset, Fialaire et Roux, Mme Briante Guillemont et M. Bilhac, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article L. 111-15 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :
1° La seconde occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
2° Sont ajoutés les mots : « ou que les occupants seraient exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité ».
II. – Les contrats d'assurance couvrant les dommages aux biens doivent prévoir, par principe, que l'indemnisation est acquise lorsque la reconstruction ou la réhabilitation des biens sinistrés intègre des objectifs d'adaptation aux changements climatiques ou de contribution à la cohésion des territoires.
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Je propose que la reconstruction des biens endommagés ne soit pas systématiquement réalisée sur le même site.
Ayant bien compris les avis qui ont été émis tout à l'heure sur un sujet similaire, je retire mon amendement par anticipation, monsieur le président ! (Sourires et applaudissements.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous abstiendrons sur ce texte.
N'y voyez le signe ni d'un soutien ni d'une neutralité. Il s'agit simplement d'envoyer un signal politique. Si cette proposition de loi se pare des atours rassurants de la garantie, elle n'en assume ni la logique ni les moyens. Elle affiche une promesse, garantir une solution d'assurance, mais tout dans son architecture vise à retarder ce qui devient inéluctable : l'urgence de recourir à un opérateur public.
Le cœur de ce texte est un tour de passe-passe. Il prétend sécuriser les collectivités en leur imposant des franchises plus lourdes, via un transfert de la charge d'une surprime sur un fonds prudentiel, mais en réorganisant en catimini les conditions de rentabilité pour les assureurs.
C'est un marché sinistré que l'on cherche à réanimer en dopant artificiellement les marges. C'est bien là l'intention implicite des auteurs de cette proposition de loi, qui ne fait que retarder l'échéance de la création d'un opérateur public d'assurance.
Il faut être clair : ni le Roquelaure de l'assurabilité des territoires, c'est-à-dire les annonces ministérielles, ni cette proposition de loi ne traitent le sujet à la bonne échelle. Le titre même du texte, « garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », ne peut amener qu'à une déception.
En effet, la garantie proposée repose intégralement sur les épaules des victimes du retrait du marché, c'est-à-dire, comme l'a illustré notre débat, à la fois les collectivités et les citoyens, via leur contrat d'assurance habitation. Le ministre a même précisé que les entreprises seraient affectées.
L'amorce d'un fonds prudentiel est le seul point d'appui possible pour continuer notre travail en matière assurantielle. Je vous le dis clairement, en l'absence d'un tel fonds, nous aurions voté contre la proposition de loi. Si ce fonds, qui aura le mérite d'exister, est réformé demain, il pourra devenir l'embryon d'une solution plus solidaire. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Il n'empêche que nous continuerons à faire preuve de vigilance et à vous interpeller sur ces sujets de manière offensive. Soyez-en certains, nous n'en resterons pas là sur le plan législatif.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pas suivi de très près cette proposition de loi. Tout ce que je peux en dire, c'est qu'elle traduit un constat d'échec.
En effet, nous sommes en train de voir comment nous pourrions assurer des maux qui sont liés à des défauts de politique depuis des décennies, notamment en matière de réchauffement climatique, contre lequel nous n'avons pas su lutter.
En outre, les mobilisations populaires sont désormais le théâtre d'une certaine violence qui s'installe dans la société, faute d'avoir conduit des politiques permettant d'assurer la cohésion sociale.
Les dégâts sont déjà bel et bien visibles. Mais plutôt que de traiter les problèmes à la source, nous traitons les symptômes, ce qui est assez regrettable.
Cela étant, l'attente des collectivités locales est forte puisque ce sont elles qui subissent l'ensemble des difficultés évoquées. Ainsi, malgré toutes les insuffisances qui ont été relevées durant ce débat, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, comme nous l'avions annoncé lors de la discussion générale.
Clairement, nous n'allons pas pouvoir nous arrêter là, car toutes les assurances ne suffiront pas à couvrir les dégâts à venir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 311 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 323 |
Le Sénat a adopté.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 12 juin 2025 :
De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone (texte de la commission n° 687, 2024-2025) ;
Proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par Mme Florence Blatrix Contat et plusieurs de ses collègues (texte n° 421, 2024-2025).
À l'issue de l'espace réservé au groupe SER et au plus tard de seize heures à vingt heures :
(Ordre du jour réservé au GEST)
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches (texte n° 380, 2024-2025) ;
Proposition de loi visant à mieux protéger les écosystèmes marins, présentée par Mme Mathilde Ollivier et plusieurs de ses collègues (texte n° 492, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER