2

Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a le temps des crises. Et il y a aussi celui du rebond.

De la division naît le débat. Du débat naît le compromis. Le temps du compromis est indispensable, car la France a besoin de stabilité. Et il n'y a pas de compromis sans bicamérisme.

Vous connaissez et représentez dans notre République les collectivités territoriales, au sein desquelles il faut pouvoir s'entendre – avec les oppositions, parfois même au sein de sa majorité, d'autres fois encore avec les maires des communes voisines.

Tous ne pensent pas comme vous, mais tous veulent servir. De ce qui semble une contrainte naît une intelligence locale. Et il faut que cette dernière nous inspire nationalement. Le Gouvernement, en mêlant les expériences et les profils, souhaite porter cette ambition.

Il nous faut sortir de cette crise par le haut, dans le respect des convictions de toutes et tous et de la parole de chacun, y compris celle de nos oppositions. Or, il faut bien le reconnaître, nous ne l'avons sans doute pas suffisamment fait par le passé.

M. Jean-François Husson. Ce n'est rien de le dire !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Le Gouvernement a une première mission, d'urgence : donner un budget sérieux et fiable à la France. Un budget utile pour les Français. Un budget adopté avant la fin de l'année, donc.

Pour réussir cette mission, nous aurons ensemble à redonner du sens à la politique et à la vie parlementaire, par des paroles, sans doute, pour apaiser un débat qui s'est trop envenimé ; par des actes, surtout, par une nouvelle pratique du pouvoir qui doit amener plus de progrès et des résultats pour nos concitoyens.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Cette nouvelle pratique du pouvoir doit nous permettre de porter quelques dossiers – j'en vois huit – que le Gouvernement estime urgents. En complément de ma déclaration de politique générale, qui vous a été lue hier, permettez-moi de vous présenter ces différents dossiers.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la priorité absolue du Gouvernement est le budget, celui de l'État comme celui de la sécurité sociale. Les Français n'en attendent pas moins de leurs représentants. Au Gouvernement de le proposer, à nous d'en débattre, à vous de le voter.

J'admets que, au regard des circonstances, le projet de budget est plus que perfectible. À l'instar de mon prédécesseur Michel Barnier, qui était il y a un an dans une situation semblable à la mienne, j'ai choisi de déposer ces textes en respectant les délais constitutionnels, après avoir fait évoluer la copie sur les points les plus saillants, à la suite des nombreuses consultations que j'ai menées.

Toutefois, il reste encore beaucoup de choses à améliorer. Je sais que le Sénat y prendra toute sa part, en responsabilité. J'aurai l'occasion de vous présenter plus en détail ce projet de budget, mais comme vous l'aurez compris, celui-ci repose sur le principe simple d'une maîtrise des comptes publics, puisque, dans sa version initiale, le déficit se voit réduit à 4,7 % du PIB. Et dans tous les cas de figure, à la fin de la discussion budgétaire, il devra s'établir en dessous de 5 % du PIB.

L'impératif de souveraineté s'impose à tous. Je sais que vous y veillerez. La trop forte dépendance à des prêteurs étrangers n'est pas acceptable. Dès 2025, nous aurons respecté les 5,4 % de déficit prévus. Cela ne constitue qu'une étape, mais elle est clé.

Certains questionnent, à juste titre, notre capacité collective à réaliser de réelles économies. C'est pour moi une priorité dans la relation à nos concitoyens comme pour le consentement à l'impôt.

Le Président de la République a fait le choix de ne pas transiger avec notre souveraineté et notre sécurité. C'est pourquoi les crédits consacrés aux armées connaîtront une augmentation inédite, conformément au respect de la loi de programmation militaire actuelle, mais aussi à l'accélération annoncée le 14 juillet dernier. Il y va de notre indépendance.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. De même, les moyens des ministères de l'intérieur et de la justice seront en progression.

Mais les moyens dont dispose le reste des ministères baisseront en euros constants. Cet effort est inédit. Et s'il est encore insuffisant, il n'en sera pas indolore pour autant. Il se traduira par une baisse, en euros constants, des moyens alloués aux administrations pour conduire les politiques publiques. À titre d'exemple, j'ai décidé que, l'an prochain, les dépenses de communication de l'État et de ses opérateurs baisseraient de 20 %.

Cela n'étant toutefois pas suffisant, j'ai installé, dès mon arrivée à Matignon, la mission « État efficace » pour faire en continu des propositions de rationalisation des dépenses publiques, à commencer par la suppression ou la fusion d'administrations ou d'organismes, en s'appuyant notamment sur les travaux que vous avez menés, mesdames, messieurs les sénateurs.

Il nous faut enfin engager un mouvement continu d'amélioration de l'efficacité de l'État dans un cadre pluriannuel crédible, en revoyant le format de l'État central, qui, malgré les mouvements de décentralisation et de déconcentration, demeure pléthorique.

Ce chantier sera mené au bénéfice de l'État déconcentré, qui, pour sa part, s'est trop souvent paupérisé au cours des vingt dernières années.

Nous avons par ailleurs décidé de présenter un projet de loi – le plus ambitieux depuis plusieurs décennies – de lutte contre la fraude fiscale et sociale.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Je sais que, dans cet hémicycle, les pistes d'économies proposées par ce texte réuniront une majorité. Je sais aussi que des propositions seront formulées pour le renforcer. Le Gouvernement y est très ouvert. (Mme Nathalie Goulet se frotte les mains.)

De la même manière, l'allocation, par l'État, de soutiens financiers dans ses nombreux domaines d'intervention ne doit donner lieu à aucune opacité ni à aucune situation de rente que l'on ne saurait expliquer.

En matière d'énergies renouvelables et de sobriété énergétique, par exemple, s'il est hors de question de baisser nos ambitions environnementales, il est tout aussi exclu que ces dernières pèsent anormalement sur le contribuable.

Les prix pratiqués doivent être maîtrisés, les structures de coûts doivent être transparentes et ces secteurs doivent supporter la concurrence : il y a un marché et des consommateurs. Il ne faut avoir aucun tabou dans les solutions à adopter pour lutter contre les effets de rente, y compris en matière de police des prix.

Je sais que le Sénat a proposé des mesures d'économies : certaines sont consensuelles dans cet hémicycle, d'autres non. Toutes seront examinées et débattues. Aucune ne doit être repoussée a priori par dogmatisme : seul le résultat compte, dès lors que ces mesures sont sincères, documentées et justes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en matière fiscale, certaines formations politiques réclament des hausses d'impôts, d'autres souhaitent une autre répartition des efforts entre les ménages, en mettant notamment l'accent sur les très grandes fortunes ou sur les entreprises.

Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, le Gouvernement considère qu'il ne faut pas augmenter la masse globale des prélèvements obligatoires. Mes prédécesseurs, qui ont eu la lourde tâche de faire voter le budget 2025 dans les conditions que vous connaissez, ont déjà dû recourir à la fiscalité, en augmentant les prélèvements obligatoires en 2025. Je considère par principe que cet effort fiscal doit être le plus limité possible.

La poursuite de l'effort de redressement des comptes publics emportera une augmentation contenue et moins importante que l'année dernière. Afin de situer cet effort dans le temps long, j'indiquerai toutefois que la pression fiscale s'établira à 36 milliards d'euros de moins qu'en 2017.

Je sais que cette question fera débat, mesdames, messieurs les sénateurs. Lorsque ce débat se tiendra, il ne faudra jamais perdre de vue la croissance, l'emploi et l'attractivité économique. Je suis également ouvert aux discussions relatives à la répartition de ces impôts.

Le budget 2025 ne prévoyait aucune diminution. Ce projet de budget prévoit une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au profit des petites et moyennes entreprises. Encore une fois, il s'agit d'une proposition ; il vous appartiendra de trancher.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, ce budget demandera un effort aux collectivités locales, comme à tous les acteurs de la République, à commencer par l'État, qui doit être exemplaire.

Étant élu local, j'ai conscience que cet effort est difficile et parfois incompris. Aussi ai-je souhaité, en reprenant cette copie – j'y reviendrai, car c'est au fondement de la confiance nécessaire à la réussite de l'acte de décentralisation –, que la trajectoire des moyens alloués aux collectivités demeure en hausse en 2026.

Il faudra par ailleurs veiller à adapter ces mesures au cas par cas. Comment ne pas voir la situation préoccupante des conseils départementaux ? L'État sera au rendez-vous, au travers d'un fonds de sauvegarde des départements pour 2026. Au-delà de ces mesures d'urgence, il faut enfin se mettre au travail pour adopter des mesures structurelles en faveur des départements. C'est ce que j'ai demandé à la ministre chargée des collectivités locales. Nous y reviendrons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une autre conviction anime ce gouvernement : la décentralisation qu'il convient d'opérer n'est possible qu'en réformant l'État et en repartant de la définition de ce dernier. C'est une conviction forte que je partage avec le Sénat, en particulier, je le sais, avec son président.

Il n'y aura d'ailleurs pas de débat sur le rôle des collectivités sans débat préalable sur le rôle de l'État. Un projet de loi – je l'avais annoncé dès ma prise de fonction – sera soumis en ce sens au Parlement avant les élections municipales. Je souhaite ici en préciser les grands principes et les domaines d'application dans la vie de nos concitoyens.

Après les grandes réformes de décentralisation, le projet de loi qui vous sera présenté par le Gouvernement se proposera de réformer l'action publique de manière globale, non pas, comme on peut le lire ici ou là, pour faire plaisir aux élus locaux, mais pour rendre le fonctionnement de tous nos services publics plus efficace, dans une logique de modernisation, de responsabilité et plus encore de proximité.

Nos débats devront tout d'abord se concentrer sur une question centrale : qu'est-ce que l'on attend de l'État ? La police, la justice, la sécurité, la défense, les relations internationales sont les missions qui font le cœur même de l'État, d'une part parce que celui-ci ne peut pas s'y soustraire, et, d'autre part, parce que nos compatriotes attendent plus de lui, et rien, ni les bouleversements géopolitiques ni la situation intérieure du pays, ne laisse présager que les attentes des Français en la matière iront en s'atténuant.

C'est pourquoi, comme je l'indiquais, les budgets des missions régaliennes de l'État, en hausse depuis 2017, continueront d'augmenter cette année encore. L'État régalien s'est renforcé, et il ne faut pour rien au monde revenir sur cette évolution.

Pour le reste, il faudra se réorganiser. Des missions aujourd'hui assumées par l'État pourront être assurées au niveau local. L'inverse pourra aussi être vrai. Mais il s'agira – c'est le cœur de ce texte – d'identifier une fois pour toutes qui est responsable de quoi.

Je proposerai un principe simple, celui de l'identification d'un seul responsable – ministre, préfet ou élu au suffrage universel – par politique publique. Il s'agira de décentraliser non pas seulement des compétences, mais aussi des responsabilités, assorties de moyens budgétaires et fiscaux, ainsi que de libertés, y compris normatives.

Ce principe fait écho à un autre principe démocratique et, donc, de bon sens : celui qui décide est responsable devant les électeurs. Il faut donner aux élus les moyens d'exercer leur responsabilité. Beaucoup l'ont dit, peu l'ont fait. Nous le ferons, car c'est une conviction qui m'anime personnellement.

Un nouveau grand acte de décentralisation peut-il être engagé par le Gouvernement dans les trois mois ? On m'a beaucoup dit que cela prendra du temps. On m'a beaucoup dit que le Parlement était trop divisé pour s'entendre sur ce sujet, notamment à l'Assemblée nationale. Je pense tout le contraire. C'est précisément parce que cela prendra du temps qu'il faut engager cette réforme tout de suite. Sinon, elle sera reportée une fois de plus. Et jusqu'à quand ? Nous n'attendrons pas.

D'autres textes issus du Sénat avancent. Vous venez d'examiner en deuxième lecture la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local.

Apportant des réponses à des problèmes anciens, ce texte simplifie l'engagement des élus locaux, améliore la reconnaissance et la sécurité juridique de leur action et facilite l'engagement de tous les profils par une meilleure conciliation du mandat avec la vie professionnelle. Cela se traduira notamment par une amélioration du régime indemnitaire des élus locaux.

Le Gouvernement soutient cette proposition de loi et s'engage à faciliter son adoption aussi tôt que possible, car celle-ci est essentielle pour notre démocratie locale, en particulier dans la perspective des prochaines élections municipales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la troisième priorité que je souhaite évoquer devant vous a évidemment trait à la santé et aux comptes de la sécurité sociale.

La question des franchises médicales fera débat. J'ai été attentif à ce que les femmes enceintes, les enfants mineurs et nos concitoyens les plus pauvres – soit 18 millions de Françaises et de Français – soient exclus du dispositif. Il faudra toutefois débattre de cette mesure qui ne peut être balayée d'un revers de main, en particulier parce qu'elle renvoie au débat relatif à la justice fiscale et sociale.

Il nous faudra également débattre de l'accès aux soins, de nos hôpitaux et de la médecine de ville. Je n'imagine personne oser dire à nos compatriotes que, pour lutter contre les déserts médicaux, on devra attendre la prochaine élection présidentielle.

Il est possible d'ouvrir des maisons France Santé partout sur notre territoire ou de garantir à nos compatriotes un rendez-vous avec un médecin en moins de quarante-huit heures et à moins de trente minutes de chez eux, dès lors que l'on accepte de réfléchir et de travailler tout à fait différemment, en cassant les logiques et les oppositions actuelles.

Une première ébauche est prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. La ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées vous présentera ce texte très prochainement.

D'autres mesures rendront l'accès aux soins plus simple dans nos territoires : la facilitation de l'ouverture d'officines dans les communes de moins de 2 500 habitants, l'installation de jeunes médecins dans les territoires sous-dotés et celle de 3 700 docteurs juniors dans le cadre de leur dernière année de diplôme d'études spécialisées de médecine générale.

Il n'y aura aucune fermeture d'hôpital en 2026. Comme je l'ai déjà indiqué, il est en effet possible de réaliser des économies sans tomber dans l'austérité. Nous continuerons même à investir dans les hôpitaux, à hauteur de 2,3 milliards d'euros. Quelque 5 milliards d'euros de plus seront alloués à la santé dans le prochain budget de la sécurité sociale, dans lequel l'effort en faveur de la santé mentale est par ailleurs maintenu, à hauteur de 300 millions d'euros, comme l'un de mes prédécesseurs s'y était engagé.

Plus globalement, on ne peut pas ne pas voir que l'organisation de notre politique de santé doit être réinterrogée. Trop d'acteurs interviennent dans la mise en œuvre d'une même politique publique. On accumule les initiatives et, donc, les dépenses. Une grande clarification des responsabilités s'impose. Vous la réclamez, je le sais, depuis longtemps.

Le projet de loi sur la décentralisation et la réforme de l'État doit nous permettre d'engager sereinement ce débat. Qu'est-ce que l'État doit prendre en charge plus directement ? Quelle réflexion devons-nous mener sur le fonctionnement actuel des agences régionales de santé ? Les élus doivent-ils participer à leur gouvernance ? Que faut-il décentraliser ou, au contraire, mieux assumer au niveau de l'État ? Qu'attend-on des élus locaux qui siègent dans les conseils d'administration des hôpitaux ?

Il n'y a pas de réponse magique. Je ne sais qu'une chose : le statu quo et le surplace ne sont plus possibles, car il faut d'urgence améliorer l'accès aux soins, ce qui – nous le savons tous – n'est pas qu'une affaire d'argent. Il nous faudra donc réformer en respectant les femmes et les hommes qui rendent ce beau service public.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement porte aussi l'ambition de protéger notre environnement et de lutter contre le réchauffement climatique. (M. Yannick Jadot s'en réjouit.)

La France entend continuer à mener ce combat, qui relève aussi bien de l'international que du niveau local, comme elle le fait depuis 2017. Le bilan de la nouvelle ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature prouve ses compétences en la matière.

Nous devons avancer efficacement, sans dogmatisme et en adoptant une approche locale, car l'écologie relève de l'aménagement du territoire.

Décentraliser les compétences, les responsabilités et les moyens, c'est aussi une formidable occasion de repenser complètement notre planification écologique et énergétique. Nous ferons en la matière des propositions précises.

Certains travaux du Sénat pourront nous guider le long de ce chemin. Je pense en particulier à ceux qui sont relatifs à la gestion de l'eau, laquelle, comme vous le savez, relève non pas de périmètres administratifs, mais de réalités géographiques de terrain.

L'écologie suppose aussi de pouvoir se déplacer en polluant moins. Sans mobilité, les Français seraient privés d'accès à l'emploi, à la santé, à l'éducation, aux loisirs et donc à leurs besoins essentiels. Il n'est de même pas de croissance sans transports. La question de la desserte des territoires est à ce titre capitale pour enrayer la progression du sentiment de relégation qu'éprouvent des millions de nos concitoyens.

Le ministre des transports vous proposera un projet de loi-cadre prévoyant d'allouer les recettes des futures concessions autoroutières au développement de nouvelles mobilités et de nouvelles infrastructures, notamment ferroviaires. La discussion de ce projet de loi devra avancer en miroir des travaux de décentralisation que j'évoquais.

Puisque l'écologie relève de l'aménagement du territoire, elle inclut aussi le logement.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. En la matière, il faut le reconnaître, si beaucoup a été entrepris depuis 2017, avec sincérité et volontarisme, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous.

M. Jean-François Husson. C'est le vide sidéral !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. La panne de la construction affecte toute l'économie. Je salue à ce titre les premières décisions prises récemment par la ministre Valérie Létard. (Exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. L'ancienne ministre !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Trop nombreux sont nos compatriotes qui ont du mal à se loger. La part des dépenses de logement dans le revenu des ménages a atteint un niveau excessif et constitue l'une des principales causes des difficultés de pouvoir d'achat des Français.

Le reste à vivre, ce qu'il reste à un ménage lorsqu'il a payé toutes ses factures, se réduit. Des solutions existent pourtant : réduire le millefeuille des documents de planification, de sorte que ces derniers soient plus durables, moins coûteux pour les collectivités et plus efficaces, ou simplifier les procédures d'urbanisme, pour baisser les coûts de construction.

La proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement, dite proposition de loi Huwart, était un premier pas. Il faudra continuer. Les ministres sont à votre disposition.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la cinquième priorité est confiée à la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, accompagnée du ministre délégué chargé de la ruralité. Tous deux portent des convictions fortes et une feuille de route claire pour nos territoires.

Il y a urgence pour nos campagnes et pour notre ruralité. Près de 80 % de nos territoires sont ruraux. Je vous le dis comme je le pense : ce sont des territoires d'avenir. Quelque 22 millions de Français y vivent et y travaillent, y compris dans notre industrie, et, bien sûr, dans notre agriculture, laquelle garantit à la France sa souveraineté alimentaire. Il est temps de faire confiance aux agriculteurs comme aux habitants de ces villages.

Le ministre Michel Fournier, qui porte la voix de la ruralité, familière dans cette assemblée, aura pour mission de développer toutes les formules itinérantes de services publics et de commerces de proximité, sur le modèle des maisons France Services. Il aura aussi pour mission de garantir un accompagnement adapté des collectivités rurales les plus fragiles, selon la méthode du programme Villages d'avenir. Je tiens à le remercier de son engagement. Sa voix singulière pèsera au sein du Gouvernement.

Le Gouvernement poursuivra l'action menée il y a quelques années par Jacqueline Gourault au travers des plans Action cœur de ville et Petites Villes de demain, afin de sauver et, surtout, de développer le commerce de centre-ville. Je compte pour ce faire sur le nouveau ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat, qui entre au service de l'État avec une solide expérience et des idées qu'il aura l'occasion de vous présenter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la sixième priorité du Gouvernement est de répondre aux attentes immenses de nos concitoyens, qui demandent plus de justice et de sécurité dans leur vie quotidienne.

La loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, que vous avez largement enrichie et votée, sera respectée à l'euro près. Les moyens de nos tribunaux et de nos prisons seront donc considérablement renforcés, au bénéfice du service public de la justice.

La loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, issue du travail mené sur vos travées par Muriel Jourda et Étienne Blanc, mais aussi par vos anciens collègues François-Noël Buffet et Jérôme Durain, sera intégralement appliquée.

Le parquet national anticriminalité organisée sera installé le 5 janvier prochain. Grâce à l'action du garde des sceaux, les prisons de haute sécurité sont déjà une réalité et contribuent à la sécurité des Français et au retour de l'autorité de l'État. Dans les tout prochains jours, j'annoncerai avec le garde des sceaux de nouvelles mesures de fermeté et, surtout, de respect des règles de détention.

Appliquons les textes en vigueur ! Si cela paraît une évidence, nous savons que tel n'est pas toujours le cas.

Le garde des sceaux se tient aussi à la disposition des groupes parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale pour coconstruire un projet de loi pénale prévoyant notamment la réforme de l'ordonnance de protection des mineurs et la simplification de nos procédures. Nous le proposerons, vous en débattrez, vous le voterez.

Le ministre de l'intérieur a, quant à lui, reçu pour mission d'obtenir des résultats contre la délinquance. Il disposera des moyens nécessaires, puisque les budgets alloués à l'intérieur sont en augmentation constante.

Je souhaite aussi que le projet de loi relatif aux polices municipales et aux gardes champêtres, fruit du travail du Sénat et des ministres du gouvernement précédent pour la sécurité des Français au quotidien, soit rapidement examiné.

L'immigration constitue pour l'Europe un défi majeur, aujourd'hui comme pour les décennies à venir, en raison des effets liés au réchauffement climatique, aux évolutions démographiques et au contexte géopolitique et sécuritaire dans certaines régions du monde, du Proche-Orient au Sahel. (Mme Agnès Evren et M. Marc-Philippe Daubresse s'exclament.)

Nous devons affronter ce défi avec sérieux et responsabilité, c'est-à-dire en cherchant non pas la popularité dans nos paroles, mais l'efficacité dans nos actes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. C'est lyrique !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Cette question, à la fois régalienne et humaine, est complexe et technique.

Il nous faut construire une politique migratoire claire, stable et conforme à nos valeurs. La France doit savoir accueillir, mais elle doit aussi savoir dire non. Le défi est non pas seulement juridique ou administratif, mais aussi social et républicain. L'intégration n'est pas une option, c'est une responsabilité partagée de l'État, des collectivités, des entreprises et du monde associatif. Or nous n'en parlons plus assez dans le débat public.

Notre boussole doit être l'efficacité dans le respect du droit et l'équilibre évident entre humanité et autorité.

M. Mickaël Vallet. Très bien !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. La République est forte quand elle est juste. Et la République est forte quand elle maîtrise ses propres choix. Il faudra continuer, au niveau tant français qu'européen, à améliorer les contrôles à l'entrée des frontières européennes.

L'exécution effective des obligations de quitter le territoire français est à ce titre une priorité absolue. Mais le bon sens commande de traiter le problème à la racine, avec calme, méthode et discernement, comme pour le narcotrafic.

Mme Laurence Rossignol. Avec calme ?...

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Je souhaite que l'on cible plus durement et plus efficacement les réseaux de passeurs et de trafiquants d'êtres humains. Ils ne sont d'ailleurs pas sans lien avec la grande criminalité, voire, dans certaines régions du monde, avec les réseaux terroristes.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Demain, l'instrumentalisation des flux migratoires sera un élément de la guerre hybride que nous mènent certains compétiteurs – les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat le savent. Nous aurons l'occasion, avec les ministres, d'y revenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, agir pour nos territoires, c'est aussi agir pour nos outre-mer. La vie chère y est l'urgence des urgences. La ministre des outre-mer a reçu pour mission d'en faire sa priorité. Elle sera la ministre de la lutte contre les abus et les ententes qui pèsent sur le portefeuille de nos compatriotes ultramarins. Elle connaît ce sujet. Un projet de loi est prêt : elle le portera avec conviction.

La concertation avec les parlementaires ultramarins a en effet permis l'élaboration d'un texte de départ, que la ministre vous présentera. Il vous reviendra de débattre des nombreux sujets abordés dans ce texte et d'en introduire d'autres. Cela pourra se faire dès les débats budgétaires. La copie est imparfaite, mais nous la reverrons lors des débats avec les parlementaires, notamment ultramarins, au Sénat comme à l'Assemblée nationale.

Dans les trois océans, nos compatriotes attendent que les prix baissent. Cela suppose de mieux faire jouer la concurrence, de rendre plus transparentes des transactions qui comptent des intermédiaires trop nombreux, en particulier dans la grande distribution, et de ne refuser aucune réflexion par principe, y compris en matière d'outils fiscaux. Le Gouvernement est ouvert. N'ayant pas pu me saisir de ce dossier lorsque j'étais ministre des outre-mer à cause de la covid-19, j'en fais aujourd'hui une priorité.

La reconstruction de Mayotte, dévastée par le cyclone Chido, est une autre urgence. L'État a pris des engagements ; ils seront tenus.

Il y a également urgence en Nouvelle-Calédonie, où la fin des accords de Nouméa a créé un vide. Il fallait trouver un nouveau cadre institutionnel. L'accord de Bougival l'a fait. Le Conseil des ministres a adopté hier le projet de loi constitutionnelle nécessaire pour le mettre en œuvre. Il sera soumis au vote des Calédoniens au début du printemps.

Je veux saluer les travaux du Sénat, qui ont guidé l'État dans la poursuite de cet accord. J'ai la conviction que le Sénat – en particulier son Président – sera le meilleur acteur pour assurer le suivi de cet accord dans la durée, lorsque les deux chambres se seront prononcées.

Je souhaite néanmoins que nous allions plus loin, notamment sur le traitement des difficultés économiques et sociales du Caillou. Une paix sociale durable en Nouvelle-Calédonie n'est pas possible sans un plan de développement économique du territoire et de lutte contre les inégalités sociales.

La Nouvelle-Calédonie a besoin d'un choc de confiance. Les Calédoniens ont besoin d'un emploi, et non que l'État leur paie le chômage indéfiniment. La ministre proposera des solutions en concertation avec les acteurs du territoire. C'est une priorité.

Enfin, une demande d'évolution institutionnelle est formulée par certains acteurs ultramarins, qui souhaitent s'en emparer. Le 30 septembre dernier, le Président de la République a annoncé confier au Gouvernement le soin de constituer des groupes de travail avec les territoires ayant des projets précis sur la table. C'est le cas de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe.

Ce travail a été largement entamé par le Sénat. Nous devons l'organiser au mieux en en définissant les principes et le calendrier.

Quant à la Corse, un projet de loi a été présenté au conseil des ministres. Le Sénat et l'Assemblée nationale seront donc amenés à se prononcer, comme je l'ai confirmé hier à l'Assemblée nationale.