M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oui, bien sûr !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur Delcros, j'aime beaucoup votre question, car la réponse y trouve ! (Sourires.)

Permettez-moi de vous exposer l'origine de cette proposition, qui consiste à regrouper les dotations que vous avez citées dans un fonds d'intervention territoriale, ou FIT – c'est ainsi que nous l'avons nommé.

Il est envisagé de créer ce fonds, sans diminution des enveloppes financières concernées – c'est important –, pour répondre aux demandes de simplification des élus et des préfets.

Vous avez raison : la DETR vise une certaine catégorie de communes, et ses modalités de calcul sont bien définies. Il en est de même pour la DSIL, que tout le monde connaît dans cet hémicycle, et pour la DPV.

Vous savez comme moi, parce que vous siégez à la commission d'élus de la DETR de votre département, que les préfets, qui font toujours preuve d'une agilité et d'une grande écoute des territoires, parviennent à soutenir certains projets des communes grâce à la DETR ou à la DSIL, quelquefois même en combinant les deux ou en ayant en plus recours à des crédits provenant du fonds vert.

Lorsque nous avons proposé de créer le FIT tel qu'il figure dans le projet de loi de finances, notre idée était de faire en sorte que tous les crédits soient consommés à la fin de l'année, ce qui n'est jamais le cas.

Je ne préjuge pas des discussions qui auront lieu au Sénat sur ce point.

Je vous assure toutefois, et vous le savez très bien, qu'au sein de cette enveloppe globale de dotations nous avons isolé la DETR. Nous avons d'ailleurs pris soin de préciser que, si le FIT était mis en place, les critères d'éligibilité à cette dotation ne changeraient pas. Les communes qui y étaient éligibles le seront donc toujours, de la même manière.

Je sais qu'il faut tenir compte du poids des mots et que ces derniers sont parfois des symboles. C'est pourquoi vous pouvez avoir l'impression que la DETR, parce qu'elle n'est plus mentionnée de manière isolée, a disparu. Je tiens à vous rassurer : ce n'est pas du tout le cas !

Nous aurons certainement l'occasion de débattre de ce sujet durant l'examen du projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, je vous remercie de cette ouverture – c'est en tout cas ainsi que je comprends vos propos !

Toutefois, je suis persuadé, et je ne suis pas le seul à le penser, que toutes les explications du monde ne suffiront à justifier la suppression de la DETR. Le Sénat mènera le combat pour la sauver de façon déterminée ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et SER, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos collectivités ont du talent, ce talent même qui, trop souvent, manque à l'État. Quand elles ne sont pas maltraitées, elles font systématiquement les bons choix budgétaires.

Cette bonne gestion, si on la compare à celle de l'État, peut se mesurer à une seule aune : l'investissement.

La dynamique d'investissement du bloc communal a ainsi continué de croître l'an dernier, et ce à un rythme accéléré. Après une année 2023 où les investissements ont progressé de 8 %,  en2024, les communes ont augmenté de 10 % leurs dépenses en la matière. C'est cela, le bon sens communal, madame la ministre !

De même, les dépenses réelles d'investissement des régions ont progressé de 6,6 %, en 2024, comme en 2023.

Parlons enfin de nos départements, dont les finances et la liberté d'action sont malmenées depuis si longtemps. Nous connaissons bien les conséquences de cette situation sur le terrain : les départements n'ont d'autre choix que de réduire leur dynamique d'investissement, qui s'établit, en moyenne, à 3,7 % en 2024.

Voici donc la leçon que nous devons apprendre de nos collectivités : quand nous leur laissons suffisamment de liberté et de marge de manœuvre, elles privilégient les dépenses d'investissement plutôt que celles de fonctionnement.

Madame la ministre, comment l'État compte-t-il s'inspirer des élus locaux pour donner la priorité aux dépenses d'investissement sur ses dépenses de fonctionnement ? Comment, par ailleurs, allez-vous diminuer la facture que le projet de loi de finances fait peser sur nos collectivités, afin de les laisser continuer à investir, c'est-à-dire à préparer l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Paoli-Gagin, votre question est intéressante, car les dépenses d'investissement sont des dépenses qui visent à préparer l'avenir. Comme je l'ai déjà indiqué, les collectivités réalisent à peu près 70 % de l'investissement public.

Toutefois, nous savons que les collectivités ne peuvent investir que si elles dégagent des excédents de fonctionnement : ce n'est que si leur budget de fonctionnement est équilibré qu'elles peuvent ensuite investir.

Dans le projet de loi de finances que vous aurez à examiner, le Gouvernement propose de préserver la capacité de fonctionnement des collectivités territoriales. Nous prévoyons ainsi d'augmenter les crédits de la DSR de 150 millions d'euros et ceux de la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 140 millions d'euros.

Il a également maintenu une enveloppe de crédits pour accompagner les collectivités qui investissent, tout en prenant en compte le fait que, comme l'a souligné le rapporteur général de manière pertinente, dans les cycles électoraux, l'année du scrutin est en général une année de baisse de l'investissement.

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la ministre, nous comptons vraiment sur vous, car, comme vous le savez, les bons gestionnaires se trouvent plutôt parmi les collectivités. L'État devrait s'inspirer de leurs méthodes de saine gestion. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la fiscalité locale doit servir à financer les services publics locaux. Voilà une évidence qui se heurte aujourd'hui à une réalité plus complexe.

Depuis la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, les communes sont en effet privées d'un outil crucial de fiscalité directe locale, dont elles avaient la maîtrise.

Pour neutraliser la perte de ressources communales, l'État a mis en place un outil de compensation, le coefficient correcteur, dit Coco. (Sourires.) Entré en vigueur en 2021, il vise à ce que le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) perçu par une commune – composé désormais de l'ancienne part départementale de TFPB, désormais transférée, et de la part communale – corresponde à l'euro près à ce que la commune percevait auparavant au titre de sa part de la taxe d'habitation et de sa part de la TFPB.

Les communes pour lesquelles le montant du reversement de la part départementale de TFPB est supérieur à la perte des ressources de la taxe d'habitation sont dites surcompensées et se voient alors prélevées au bénéfice des communes dites, à l'inverse, sous-compensées.

Ce dispositif a été vivement critiqué, car il désavantage les communes rurales, qui sont souvent plus contributrices que les communes urbaines, et il supprime le lien entre l'impôt local et le territoire concerné.

Son mécanisme est désormais encore plus contestable : en raison de l'effet du Coco sur la dynamique des assiettes, les communes rurales se voient infliger une double peine, tandis que leurs contribuables sont trompés.

Dans la mesure où le coefficient correcteur est figé dans le temps, son effet multiplicateur sur le produit de la TFPB est constant et cela s'ajoute désormais à la dynamique des bases. En d'autres termes, les collectivités qui investissent pour leur attractivité, l'accueil de la population et le développement économique de leur territoire sont conduites à partager, à cause du Coco, la croissance du produit de la TFPB obtenue grâce à la construction de nouveaux logements ou aux résultats des entreprises. Le Coco apparaît donc dès lors comme un mécanisme non plus compensatoire, mais confiscatoire.

Madame la ministre, n'est-il pas temps de revenir aux fondamentaux ? Comment envisagez-vous de corriger et de neutraliser l'impact du Coco sur la dynamique de l'assiette foncière des communes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, j'apprécie que la gravité du sujet ne vous empêche pas de faire preuve d'humour ! (Sourires.)

Vous me posez en fait deux questions.

La première question porte sur la pertinence – ou l'absence de pertinence – de la suppression de la taxe d'habitation, qui a fait disparaître le lien entre les habitants, les citoyens et la commune. Il s'agit là d'un sujet de fond qui, à mon avis, ne sera pas traité dans le projet de loi de finances.

La seconde question concerne la pertinence de ce que vous appelez le Coco, à savoir le coefficient correcteur qui a été créé pour compenser la perte de recettes, pour les communes, provoquée par la suppression de la taxe d'habitation.

Nous serons sans doute, monsieur le sénateur, en désaccord sur l'appréciation de ce mécanisme. Ce système est fiable, car il est stable dans le temps. Il est contrôlé chaque année et l'État en demeure le garant, car il prend à sa charge tout écart éventuel entre les versements et les prélèvements.

En 2023, l'État a ainsi pris à sa charge 728 millions d'euros, ce qui était nécessaire pour garantir la compensation à l'euro près des communes sous-compensées. En 2021, l'abondement de l'État a été de 581 millions d'euros, pour équilibrer le dispositif et rattraper les effets du fameux coefficient correcteur.

Ce dispositif ne crée donc ni perdants structurels ni situations de fragilisation durable d'une collectivité. Ce principe de neutralité entre collectivités est le garant de la pertinence du coefficient correcteur. En outre, le Conseil constitutionnel a validé le mécanisme, estimant que sa création est conforme à l'objectif d'équité territoriale.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis des années, le Sénat plaide pour que les élus locaux se voient octroyer davantage d'autonomie fiscale. Force est pourtant de constater que cette autonomie se réduit comme peau de chagrin.

Il va de soi que j'assume mon soutien à la réforme visant à supprimer la taxe d'habitation. J'estimais alors que, pour diverses raisons, cette réforme renforcerait le pouvoir d'achat de nombreux foyers. C'est toujours le cas.

Néanmoins, je dois reconnaître qu'en dépit d'une compensation de la part de l'État la suppression de la taxe d'habitation a suscité beaucoup d'inquiétudes et entraîné des conséquences parfois contre-productives.

Dans un moment crucial pour notre pays, qui a besoin de décentralisation – le débat qui nous occupera après celui-là portera d'ailleurs sur ce sujet –, le temps est venu de réformer le schéma de nos finances locales.

Au lendemain des élections sénatoriales de 2023, mon collègue Didier Rambaud a soulevé à plusieurs reprises la question du lien fiscal entre un habitant et sa commune.

Sous réserve d'une réforme globale du schéma des finances locales, pour que chaque strate de collectivités dispose d'un impôt clairement identifié, que pense le Gouvernement de l'organisation d'une réflexion portant sur la création d'un nouveau lien fiscal entre un habitant et sa commune ?

Il s'agirait non pas d'ajouter une taxe à la taxe foncière, mais bien de repenser tout le système. Beaucoup de foyers, en effet, ne comprennent plus où vont leurs impôts, où ils sont décidés, ni même où ils sont votés.

Il devient donc urgent de recréer de la lisibilité à cet égard. Ce serait dans l'intérêt des élus locaux, mais cela permettrait aussi, plus largement, de préserver le consentement à l'impôt dans notre pays. (Mme Mireille Jouve applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, votre question, comme un grand nombre de celles qui m'ont déjà été posées, dépasse le strict cadre du projet de loi de finances.

Vous posez une question de fond, si je puis dire, que l'on peut reformuler ainsi : à quel moment allons-nous entreprendre la mise à jour du système de financement des collectivités locales ?

Pour avoir longtemps siégé sur les travées de cette assemblée, je sais que nous appelions régulièrement à cette réforme, qui n'est pas un petit chantier.

Lorsque nous réformons, nous ne cessons de le faire de manière partielle, impôt par impôt, dotation par dotation, en prévoyant des compensations. Nous avons ainsi construit un système de rustines, qui est unique au monde ! En dehors de quelques spécialistes des finances locales présents dans cet hémicycle, nous sommes tous parfois un peu perdus et incapables de comprendre comment le système fonctionne.

C'est pourquoi, comme vous, monsieur le sénateur, je considère qu'il est nécessaire d'entreprendre avec sérieux une véritable réforme des finances locales.

Voilà qui nécessite beaucoup de courage et beaucoup d'endurance. En effet, les tentatives de réforme n'ont jamais abouti.

Nous devrions commencer par la question : qui fait quoi ? En fonction de ce que chaque collectivité devra faire – c'est le « quoi » –, il nous faudra définir les recettes nécessaires, en créant, comme cela se fait dans certains grands pays européens, en Allemagne par exemple, des dotations à partir d'impôts nationaux. Si chaque collectivité est dans une situation particulière, elles ont toutes les mêmes obligations. Chacune doit donc jouir d'une capacité de financement assurée par l'État et, sans doute, disposer aussi d'un levier fiscal, comme le souhaitent certains d'entre vous, pour lui permettre de mener ses propres politiques, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Ce chantier est très important. Je ne prendrai qu'un exemple, qui a été avancé par M. Éric Woerth. Il estime que les départements dont les dépenses sont essentiellement d'ordre social et les recettes constituées de DMTO se trouvent dans une situation d'incohérence entre compétences et ressources. Dès lors, il demande que les départements bénéficient d'une part de la contribution sociale généralisée (CSG) nationale.

Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui constitue aussi une ouverture pour mener une réflexion sur certains dossiers sur lesquels il convient d'avancer.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation financière des départements devient critique. Il y a trois ans, quinze d'entre eux étaient en difficulté ; ils sont désormais trente-cinq à être dans cette situation. Certains d'entre eux affichent une épargne nette, voire brute, négative.

Cette dégradation est le fruit non pas d'une mauvaise gestion, mais d'un effet ciseaux : alors que leurs dépenses sociales progressent fortement, leurs recettes sont figées depuis la suppression de la part départementale de la taxe foncière départementale, qui a été remplacée par l'octroi d'une fraction de la TVA, qui ne compense ni la volatilité des droits de mutation ni la hausse structurelle des charges sociales.

Les départements supportent les conséquences sociales des difficultés économiques de notre pays. Ils ne peuvent plus être la variable d'ajustement d'une politique d'austérité qui les prive de moyens, tout en leur transférant toujours plus de charges.

Il avait pourtant été annoncé que leur situation particulière serait prise en compte. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Aucune mesure structurelle n'a été engagée. Pis encore, de nouvelles ponctions sont prévues dans le projet de loi de finances pour 2026, par exemple 280 millions d'euros au titre du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico).

La création d'un fonds de sauvegarde allait dans le bon sens, mais son enveloppe demeure insuffisante. Madame la ministre, comptez-vous pérenniser et renforcer ce fonds, et mieux le cibler pour aider les départements les plus en difficulté ?

C'est une question de cohérence républicaine. L'État ne peut pas, d'un côté, confier aux départements des missions toujours plus lourdes, de l'autre, les laisser affronter seuls la tempête sociale.

Oui, le redressement des finances publiques est nécessaire, mais il doit être proportionné. Les départements ne demandent pas de faveur. Ils souhaitent seulement que l'État tienne ses engagements et compense intégralement les charges qu'il décide d'instaurer. À défaut, la décentralisation elle-même perdra son sens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Je vous remercie, madame la sénatrice Briquet, de cette question, qui porte sur les collectivités sans doute actuellement le plus en difficulté.

Je vous remercie, en même temps, d'avoir rappelé que la France a un déficit budgétaire et que cela a des effets sur l'ensemble des services publics, y compris sur ceux qui sont assurés par les collectivités.

D'une manière générale, lorsqu'un transfert de compétences intervient, dont le coût est calculé au moment du transfert, une clause de revoyure doit être prévue – le Sénat a d'ailleurs beaucoup insisté sur ce point. En effet, quand les collectivités se voient imposer, par l'État ou par la loi, de nouvelles normes et dépenses obligatoires qu'elles ne peuvent pas refuser, une révision des conditions financières du transfert s'impose.

Par ailleurs, on en parle peu, même si je l'ai évoqué dans mon propos liminaire : nous devons être très attentifs aux normes. Nous sommes en effet confrontés à une surenchère en la matière. Je souhaite que nous soyons plus frugaux en ce qui concerne le flux de normes et que nous travaillions sur le stock.

Madame la sénatrice, nous serons en léger désaccord sur ce point : le budget 2026est un budget non pas d'austérité, mais frugal, qui permet d'envisager un redressement de nos comptes. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

Le projet de loi de finances, tel qu'il vous sera soumis à votre examen, prend en compte la particularité des départements. Nous proposons en effet d'alimenter le fonds de sauvegarde, comme cela a été le cas non pas en 2025, mais en 2024, à hauteur de 100 millions d'euros. En 2026, nous le ferons à hauteur de 300 millions d'euros, afin d'aider la trentaine de départements en difficulté.

Le fonds de sauvegarde a vocation à être conjoncturel. En effet, si le produit des DMTO a beaucoup baissé, nous assistons depuis quelques mois à un frémissement à la hausse, même si la situation varie fortement selon les territoires.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, je vous écoute attentivement, mais votre gouvernement ne réduit pas seulement les budgets des communes, il réduit aussi la démocratie vécue. Il faut le dire !

À quelques mois des élections municipales, ce n'est pas qu'une affaire de chiffres, c'est aussi un signal politique. On bride l'action locale, on conditionne l'engagement, on place les scrutins sous tutelle budgétaire.

Après un prélèvement de 5,7 milliards d'euros en 2025, le budget 2026 – le vôtre, madame la ministre – prévoit encore près de 8 milliards supplémentaires de contributions, directes ou indirectes, imposées aux collectivités territoriales. C'est colossal ! Cela représente l'équivalent d'un quart de leur épargne brute, alors que celle-ci est déjà en recul de 7 % cette année et est fragilisée par le désengagement continu de l'État.

Au-delà de ces montants se dévoile une philosophie de Gouvernement, une manière de penser la décentralisation non plus comme un partage de responsabilités publiques, mais comme une chaîne hiérarchique de la rigueur.

Le meilleur exemple est le Dilico 2, dont le montant double, pour s'élever à 2 milliards d'euros – 1,2 milliard pour le bloc communal. Il concernera trois fois plus de municipalités que l'an dernier. C'est l'esprit du dispositif qui inquiète surtout les élus : si la croissance des dépenses locales est supérieure à 1 %, soit le taux de croissance du PIB, les sommes mises en réserve ne seront pas restituées.

La réalité contredit ce soupçon : les collectivités sont à l'origine de 70 % de l'investissement public, pour une dette équivalant à 9 % du PIB. Nous le savons tous.

Madame la ministre, si les collectivités doivent à ce point se plier à la trajectoire de l'État, quelle place leur reste-t-il pour l'initiative ?

Plus profondément, peut-on encore parler de décentralisation quand la libre administration devient à ce point conditionnelle ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur Savoldelli, vous ne serez pas surpris si je vous dis que je ne partage pas tout à fait votre analyse.

M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas un scoop !

Mme Françoise Gatel, ministre. Non, mais nous allons confirmer ce constat dans l'allégresse et le respect. (Sourires.)

Vous parlez du Gouvernement. Il s'agit du gouvernement de la France, qui présente une proposition de budget, laquelle est discutée de manière très démocratique dans les assemblées. Quand vous affirmez qu'il briderait l'action locale, permettez-moi non pas d'être offusquée – entre nous, ce mot ne conviendrait pas –, mais d'exprimer mon désaccord.

J'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer en répondant aux précédentes questions, le budget proposé par le Gouvernement préserve les recettes de fonctionnement des collectivités. Ainsi, la dotation de solidarité rurale (DSR) est augmentée de 150 millions d'euros et la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 140 millions d'euros. Ne me dites pas que nous bridons l'action locale !

En tout cas, monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas déduire de budgets qui sont des budgets de transition – la France n'a pas eu de budget équilibré depuis cinquante ans – que nous serions dans un moment de recentralisation. Je vous rappelle que le premier acte du Premier ministre, Sébastien Lecornu, a été d'écrire à tous les maires de France pour leur exprimer toute sa reconnaissance, puis de solliciter l'ensemble des collectivités pour recueillir des suggestions et des propositions sur la décentralisation.

Monsieur le sénateur, il ne vous a pas échappé que ce budget est un budget de redressement. Quand, à l'issue de ce débat, nous multiplierons les quelques heures passées ensemble – pour le plus grand plaisir de chacun d'entre nous – par 12 millions d'euros, ce qui correspond à l'augmentation de la dette par heure, nous aurons une idée de l'urgence à stopper l'aggravation de l'endettement. C'est ce que nous nous efforçons de faire, pour une promesse d'avenir.

Enfin, monsieur le sénateur, vous le savez comme moi, des pays comme la Grèce ou le Portugal, parce qu'ils n'ont pas su redresser leurs finances, ont vu à un moment donné les services publics assurés par l'État ou par les collectivités considérablement diminuer.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !

Mme Françoise Gatel, ministre. C'est la dette qui est l'ennemie de la démocratie !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Je vais peut-être surprendre mes collègues, mais je pense à cet instant à Jacques Chirac, qui disait : on ne change pas la société par décret !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce n'est pas Jacques Chirac !

M. Pascal Savoldelli. C'est pourtant bien un décret que vous êtes en train de préparer. C'est une hiérarchie inversée !

Je reformule ma question : allez-vous laisser aux collectivités territoriales, particulièrement aux communes, une autonomie fiscale ?

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Madame la ministre, je concentrerai mon propos sur la dotation globale de fonctionnement (DGF).

La DGF reste la première ressource versée aux collectivités territoriales. Elle est un dû : elle compense les transferts de charges de l'État vers les collectivités territoriales. À périmètre constant, son montant sera le même en 2026 qu'en 2025, soit 27,3 milliards d'euros. Sa non-indexation dans la durée asphyxie les communes et fragilise directement leur capacité d'action. Parallèlement, les collectivités voient s'éroder, voire disparaître, la part de fiscalité sur laquelle elles exerçaient un pouvoir de taux par le passé.

Dans nos territoires, de nombreux maires nous alertent. Les évolutions dans le temps du versement de la DGF par commune ne sont pas comprises et les critères d'attribution de ses composantes, que ce soit la dotation forfaitaire ou la dotation de solidarité urbaine (DSU), produisent des écarts incompréhensibles entre des communes pourtant comparables. Le critère de richesse semble, par exemple, assez obsolète aujourd'hui. Je relaie ici l'alerte d'un maire de mon département : une commune qui construit des logements sociaux et qui est en dynamique démographique voit sa dotation forfaitaire décroître, alors même que de nouvelles charges, notamment scolaires, s'ajoutent.

L'opacité des attributions nourrit le sentiment d'injustice entre collectivités et complique la programmation budgétaire, alors que chaque euro non couvert en fonctionnement se traduit par des investissements différés ou annulés, notamment au détriment de la transition écologique, qui exige des moyens massifs et immédiats. Cette situation interroge le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, dont l'autonomie fiscale est le fondement.

Madame la ministre, que répondez-vous aux demandes d'indexation de la DGF que vous exprimiez comme sénatrice ? Que répondez-vous aux demandes de clarté et d'équité des critères d'attribution de cette dotation ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, oui, j'ai apporté ici même un soutien constant à l'augmentation de la DGF, mais nous n'étions pas dans une période où le montant de la dette était si grave, au point qu'elle menace aujourd'hui notre pays et les services publics. Je l'ai dit, nous sommes dans un effort de redressement et de frugalité.

Sur la DGF, j'ai déjà répondu. Elle donne lieu à de nombreux commentaires. Par exemple, les écarts de dotation entre les territoires ruraux et les territoires urbains ne paraissent pas justifiés. À l'intérieur de l'enveloppe, certaines répartitions interrogent. La question que vous posez est légitime, mais ce n'est pas dans un projet de loi de finances que nous devons corriger, comme on l'a fait souvent, ou « rustiner » le problème des finances des collectivités locales. Il faut entreprendre une réforme plus globale.

Les modalités de répartition de la DSU ont fait l'objet d'une réforme dans la loi de finances pour 2017. Il n'est pas souhaitable de décider de manière conjoncturelle, dans la loi de finances pour 2026, de modifier ces critères sans analyse d'impact sur l'ensemble des dotations.

J'entends vos préoccupations, mais je le répète, il est nécessaire de réfléchir à une réforme globale. En même temps, je vous rappelle que la DSU augmentera cette année de 140 millions d'euros.

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour la réplique.

Mme Ghislaine Senée. Oui, il faut entreprendre une réforme globale, mais je m'interroge : dans la mesure où il n'est pas possible de redonner de l'autonomie fiscale, comment le Gouvernement peut-il souhaiter lancer un nouvel acte de décentralisation ? Il y a là une contradiction qu'il faudra régler une bonne fois pour toutes.