M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, il existe une différence importante entre la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes rurales et celle des communes urbaines. En 2025, la part attribuée aux communes de 500 habitants est environ deux fois et demie inférieure à celle des communes de 170 000 à 350 000 habitants.

À plusieurs reprises, le Sénat a adopté des amendements visant à corriger cette disparité. Les gouvernements successifs ont toujours fait en sorte que cette disposition soit retirée des textes budgétaires définitivement adoptés, en promettant, en contrepartie, des travaux visant à remettre à plat le mode de calcul de la DGF. Ces annonces et ces promesses n'ont jamais été suivies d'effet et cette injustifiable différence perdure.

Madame la ministre, ma question est donc très simple : que comptez-vous faire pour remédier à cette situation tout à fait inacceptable ?

M. Stéphane Sautarel. Excellente question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Maurey, vous avez raison de souligner l'attachement du Sénat à cette question. Bruno Belin a d'ailleurs interrogé le Gouvernement à ce sujet lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement voilà quinze jours.

Il existe en effet un écart de dotation entre les territoires ruraux et les territoires dits urbains. C'est un motif d'interrogation, comme l'est également la répartition au sein de l'enveloppe dédiée aux villes. C'était d'ailleurs l'objet de la précédente question.

J'y insiste, il est nécessaire d'entreprendre une réforme globale sur l'initiative du Parlement et des associations d'élus. Il faudra à cet effet dire qui fait quoi. Je connais les besoins des territoires ruraux, mais je sais également qu'il existe des fonctions de centralité, y compris dans de petites villes de 15 000 ou 20 000 habitants, qui permettent à des territoires ruraux de se maintenir.

Je rappelle les efforts de l'État. Ainsi, la dotation de solidarité rurale augmentera de 150 millions d'euros, la DSCAR, dotation à destination des seules communes rurales, est passée de près de 42 millions d'euros lors de sa création en 2023 à 110 millions d'euros en 2025.

Il conviendrait de justifier l'écart que vous évoquez, monsieur le sénateur, mais en ayant une approche globale de tous les concours de l'État en faveur tant des territoires ruraux que des territoires urbains.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.

M. Hervé Maurey. Madame la ministre, je connais votre attachement à ce sujet. Vous avez d'ailleurs été la première cosignataire d'un amendement que j'ai déposé en ce sens dans le cadre d'un projet de loi de finances et déclaré à cette occasion en séance publique qu'il fallait « prendre l'engagement de regarder avec courage, au Comité des finances locales (CFL) comme au Sénat, ce sujet ». « Cessons de mettre des rustines et d'inventer des usines à gaz ! », avez-vous ajouté. Vous avez même affirmé, et nous en attestons : « Le sénateur est endurant, persévérant et conséquent. »

Vous le voyez, nous continuons ce combat. Puisque vous n'avez a priori pas changé d'avis sur le sujet – ce qui est déjà une bonne chose, madame la ministre –, j'aimerais que vous passiez de la parole aux actes, maintenant que vous êtes aux responsabilités, et que ce vrai débat annoncé par tous les gouvernements successifs ait, grâce à vous, enfin lieu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu.

Mme Marie-Carole Ciuntu. Madame la ministre, l'État est en manque de recettes, mais jamais à court d'inventions pour s'en procurer. Depuis l'année dernière, un dispositif a été inventé afin de retirer aux collectivités locales des recettes fiscales qui leur sont totalement dues, qu'elles perçoivent légalement en application des textes, et ce non pas en fonction de leur bonne ou mauvaise gestion financière, mais à partir d'un calcul basé sur leur potentiel financier par habitant et leur revenu par habitant.

Le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités locales (Dilico), puisque tel est son nom, est désormais bien identifié par les élus locaux. Et pour cause : la ponction était déjà considérable en 2025, voici qu'elle est doublée dans le projet de loi de finances pour 2026 pour atteindre 2 milliards d'euros. Il est prévu que davantage de communes contribuent et pour des montants beaucoup plus importants.

Ainsi, dans le département du Val-de-Marne, dont je suis élu, trente et une communes sur quarante-sept devront contribuer et la contribution passera de 7,5 millions d'euros à 27,5 millions d'euros. Vous le constatez, nous sommes plus près d'un quadruplement que d'un doublement.

De surcroît, le Dilico, mesure principale d'économie demandée aux collectivités, est loin d'être la seule, puisque l'effort total s'élève à plus de 5 milliards d'euros d'après le Gouvernement. Ce montant serait même supérieur à 7 milliards d'euros d'après d'autres estimations, une fois cumulées toutes les mesures.

Que chacun doive participer à l'effort national, nous pouvons vous rejoindre sur ce point, madame la ministre. Reste que tout est une question de proportion et d'équité. Comme le souligne le rapporteur général, les administrations locales ne sont responsables que de 3 % de la progression de la dette depuis 2019. L'effort demandé par le Gouvernement aux collectivités locales dans ce projet de loi de finances pour 2026 pèse, quant à lui, pour 13 %.

Notre pays tient debout aujourd'hui en grande partie grâce aux administrations locales, qui entretiennent très largement l'espace public, alimentent l'investissement, font vivre les services publics. Pourquoi s'en prendre à ce qui marche encore ?

Madame la ministre, comptez-vous renoncer au doublement du Dilico pour 2026 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, je souhaite rendre à César ce qui appartient à César, mais que César a partagé avec l'ensemble des Romains… Le Dilico est une création intelligente et pertinente du Sénat, à qui je rends hommage pour cet ouvrage en réalité coconstruit.

Madame la sénatrice, le sénateur Maurey a rappelé mes propos et je n'ai pas changé d'avis : je sais l'importance du travail conduit par les collectivités pour préserver la cohésion sociale et fournir des services publics. C'est d'ailleurs pour pérenniser ce modèle qu'il nous appartient d'entreprendre, à regret sans doute, un budget de redressement auquel nous devons, à regret également, tous contribuer.

Le Dilico a été créé l'an dernier. En soi, c'est une innovation intéressante, car elle permet de diminuer la dépense des collectivités, non pas en confisquant leurs recettes, mais en retenant une partie de leur capacité de dépense, étant précisé que l'État rendra cette année 30 % de ces sommes. C'est ce que l'on a appelé le Dilico 1 – un intitulé appelant sans doute un Dilico 2. C'est en tout cas ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2026, dont vous aurez à débattre très prochainement.

Il appartiendra à l'Assemblée nationale et au Sénat de discuter de l'ensemble des dispositions de ce texte, y compris du Dilico, en ayant toujours en ligne de mire le redressement global de nos finances publiques et le ralentissement de notre niveau de déficit.

Travaillons sur des propositions, comme nous l'avons fait d'une manière très positive sur le Dilico 1.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.

Mme Marie-Carole Ciuntu. Le Dilico 1 devait être unique ; or il y a un Dilico 2. C'est ce qui nous pose problème, mais nous travaillerons ensemble pour qu'il ne reste pas en l'état, ce qui serait un trop mauvais coup porté aux collectivités. (M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Frédérique Espagnac. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la création du fonds d'investissement pour les territoires (FIT), qui fusionnerait la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation politique de la ville (DPV).

Présentée comme une simplification, cette réforme suscite pourtant beaucoup d'inquiétudes chez les élus, car, nous le savons bien, ces fusions s'accompagnent trop souvent de baisses de crédits. De fait, il est regrettable de constater qu'à cette fusion s'ajoute une réduction des dotations de 200 millions d'euros. Cette contraction budgétaire fait craindre, au-delà de la simplification annoncée, une dilution des moyens et des priorités. On note par exemple une priorité accordée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville sur les territoires ruraux et la DETR.

Ce nouveau fonds envoie un mauvais signal aux élus locaux. Il limitera leurs moyens d'action en plafonnant les sommes allouées, en plus de fusionner les dotations.

Dans la période que nous traversons, nos collectivités ont besoin de stabilité et de visibilité sur les moyens de soutien à l'investissement dont elles peuvent bénéficier.

En privant les collectivités de leur autonomie et en multipliant les fusions de dotations, vous mettez à mal l'esprit même de la décentralisation, cette décentralisation que votre gouvernement promet pourtant d'accélérer.

Comment nos maires peuvent-ils bâtir une stratégie d'investissement solide si les règles changent tous les deux ans, au gré des contraintes budgétaires ?

Madame la ministre, entendez leur appel ! Allez-vous sanctuariser un socle de dotations d'investissement pour garantir enfin aux collectivités la visibilité nécessaire à la conduite des projets dont nos territoires ont besoin ?

De leur côté, les sénateurs du groupe SER resteront pleinement mobilisés pour défendre le maintien de la DSIL, de la DETR et de la DPV sans diminution de moyens ni plafonnement des aides aux projets, dans le respect des principes de la décentralisation et de la confiance envers les élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Guislain Cambier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Espagnac, votre interpellation rappelle celle du sénateur Delcros.

J'entends ce qui se dit sur la création du FIT. Je rappelle l'origine de cette proposition : vous le savez comme moi, les commissions d'élus de la DETR examinent des projets pouvant bénéficier à la fois de la DETR et de la DSIL et, quand il n'y a plus assez de DETR, ils prennent sur la DSIL, etc. Vous voyez donc l'intérêt de mutualiser les enveloppes, …

Mme Frédérique Espagnac. Si on ne les plafonne pas !

Mme Françoise Gatel, ministre. … car tous les territoires, y compris les territoires ruraux, en bénéficient. Nous faisons donc une proposition d'officialisation de la mutualisation et de simplification.

Néanmoins, je vous invite à regarder tout ce que mon ministère a produit. Nous avons sacralisé, si je puis dire, la DETR.

M. Patrick Kanner. Sanctuarisé !

Mme Françoise Gatel, ministre. Nous avons fait les deux, me semble-t-il.

Connaissant l'attachement très justifié des territoires ruraux à la DETR, j'ai souhaité faire en sorte que celle-ci ne bouge pas en montant et que les conditions d'attribution, donc les territoires éligibles, n'évoluent pas.

Maintenant, je le répète, je connais le poids des mots. Supprimer le mot consiste à supprimer l'argent, selon vous, mais nous aurions pu – mon humeur ne vous plaira pas – supprimer et le mot et l'argent ; nous n'avons pas fait cela. Nous avons préservé l'argent, et il vous appartiendra d'en discuter.

Je rappelle simplement que, comme moi, vous avez dû participer à de nombreuses inaugurations. J'y rencontre des maires très heureux d'annoncer qu'ils ont obtenu 100 de DETR, 100 de DSIL, 50 du fonds vert. Je rappelle que c'est bien de l'argent de l'État. Je devine bien que nous aurons l'occasion d'en rediscuter.

M. Patrick Kanner. Rétablissons la réserve parlementaire… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour la réplique.

Mme Frédérique Espagnac. En effet, nous allons en rediscuter, madame la ministre.

Je le répète, une baisse de crédits de 200 millions d'euros aujourd'hui n'est pas acceptable dans le cadre de cette fusion.

Dans les commissions d'élus de la DETR, les préfets imposent aujourd'hui des plafonds. Ainsi, contrairement à ce que vous prétendez dans votre exemple, les collectivités n'auront pas 100 plus 100 plus 50, mais seulement 100. C'est gravissime au moment où nos collectivités, notamment les plus petites, ont besoin de continuer à investir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – M. Guislain Cambier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, je ne vous cache pas qu'année après année, ici même, dans la chambre des territoires, quand on demeure un élu local avant d'être un parlementaire, si les formes ne sont pas mises, l'examen du rapport sur la situation des finances publiques locales peut être perçu comme une véritable provocation.

En effet, durant sept ans, nous avons dû supporter un ministre des finances, véritable Schubert de la banqueroute (M. le rapporteur général de la commission des finances rit.), osant se présenter devant nous et nous expliquer avec aplomb que les collectivités étaient responsables de la dérive des comptes publics.

Eh oui, mes chers collègues, il a fallu supporter cela !

Madame la ministre, rassurez-vous, puisque vous fûtes l'une des nôtres et que vous avez vocation à le redevenir (Exclamations amusées. – Mme la ministre acquiesce en souriant.), je suis parvenu, non sans mal, à trouver une vertu à ce rapport.

Il a en effet l'avantage de mettre en lumière deux mondes qui ne se comprennent plus, mais alors plus du tout !

D'un côté, un État protéiforme et suradministré – songez aux administrations publiques centrales (Apuc), aux administrations de sécurité sociale (Asso) et autres administrations publiques locales (Apul) –, toujours plus éloigné des réalités de terrain et noyé dans un sabir technocratique dont le Dilico est le dernier avatar.

De l'autre, des élus locaux hagards, qui, au contact quotidien des populations qu'ils représentent, essayent, tant bien que mal, de mener à bien de plus en plus de politiques publiques, dont au passage l'État se défausse joyeusement sur eux, avec de moins en moins de ressources.

Il est plus que temps de faire œuvre de réconciliation, me semble-t-il. Il y va de notre démocratie et, je le crois profondément, de l'essence même de notre République.

Croyez-vous sérieusement, madame la ministre, que cela soit encore possible ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Hugonet, je vous remercie d'avance de l'accueil que vous me réserverez à mon retour, un jour prochain ... (Sourires.)

Plus sérieusement, vous exprimez en des termes très justes ce que les élus disent et ce que les sénateurs et les ministres, parfois, ressentent.

En effet, nous sommes face à un véritable enjeu d'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre et de simplicité. Aujourd'hui, l'État s'est alourdi au point de s'ankyloser et d'être totalement hémiplégique, parce qu'il s'occupe de tout et qu'aucune des réformes territoriales entreprises depuis plus de dix ans n'a jamais défini ce qui était de son ressort.

Par conséquent, la volonté du Premier ministre d'avancer sur ce que l'on appelle la décentralisation consiste à définir qui fait quoi, quelles sont les responsabilités et comment les choses sont organisées. Je l'ai souvent dit, l'État doit se détendre, c'est-à-dire qu'il doit faire confiance aux élus locaux, qui sont aussi responsables que des ministres : ils ont des projets à mener à terme et ils vivent au milieu de leurs concitoyens, qui sont leurs principaux interlocuteurs. L'efficacité de l'action publique à l'échelon local est avérée.

Il nous faut donc entreprendre ce travail, être dans une relation de confiance avec les élus locaux et redonner, comme l'a fait le Premier ministre François Bayrou, du pouvoir au préfet de département, qui doit être le chef d'orchestre de tous les services de l'État et des agences.

Ici, au Sénat, vous vous êtes beaucoup intéressés à l'efficacité de l'action publique et aux agences. Je ne dis pas qu'il faut supprimer les agences. Elles rendent des services ; il faut réfléchir à la manière dont nous devons optimiser leur organisation. Toutefois, nous souffrons d'un manque de clarté sur le « qui fait quoi » : il y a trop d'intervenants.

Au-delà des dotations qu'il nous faut préserver – je rappelle qu'aujourd'hui nous sommes dans un budget de redressement –, il faut travailler sur le désengorgement des normes et sur la décentralisation.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre. Un budget de redressement, je l'ai dit, n'est pas un budget sans horizon : nous voulons nous redresser pour améliorer les services et redonner des moyens aux collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Je bois vos paroles, madame la ministre.

En ce qui concerne les agences, la difficulté réside dans le tri, nous l'avons bien compris.

Pour ce qui vous concerne, nous sommes partagés entre le désir de vous voir rentrer au bercail et le fait rassurant de vous savoir là où vous êtes. (Exclamations amusées. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit. – Mme la ministre sourit.)

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, l'une des questions posées par ce débat est celle de la valeur de la parole de l'État. En effet, pour 2025 était annoncé un effort pour les collectivités à hauteur de 2,2 milliards d'euros ; en réalité, il sera supérieur à 7 milliards d'euros. A priori, à regarder de près le texte budgétaire que vous nous proposez, ce sera le même niveau pour 2026.

Sur l'autonomie fiscale, j'ai bien entendu certaines des réponses que vous avez apportées. Toutefois, lorsque nous observons que les transferts financiers de l'État représentent près de 80 % des recettes réelles de fonctionnement et d'investissement pour les départements ou pour les régions, la question demeure.

Le débat, nous le voyons aujourd'hui, est bien celui de la crise des recettes, pour l'État comme pour les collectivités. La suppression de la taxe d'habitation a été financée par de l'endettement, madame la ministre, au prix d'une perte de pouvoir d'agir pour les collectivités.

Sur les ressources de financement d'investissement des collectivités territoriales, notamment rurales, vous apportez des garanties sur le fonds d'investissement pour les territoires (FIT), mais, encore une fois, la parole de l'État peut être très largement mise en doute. En effet, depuis le début de l'automne 2025, les acomptes de DSIL, jusqu'à présent autorisés à hauteur de 30 %, ne le sont plus par les préfectures. De même, nous pouvons constater la quasi-disparition du fonds vert, divisé par quatre en deux ans.

Enfin, madame la ministre, pour les régions, nous redisons notre opposition à la transformation de la part de TVA en DGF. Dans votre rapport, vous évoquez une situation financière solide pour les régions, mais la Cour des comptes tient un autre discours. Pour elle, ce sont les régions dont la situation financière s'érode qui sont les plus mises à contribution. Il faut les aider. Êtes-vous prête, notamment sur le financement des mobilités, à envisager une taxe de séjour additionnelle en lieu et place du versement mobilité régional et rural (VMRR) ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Uzenat, je ne voudrais pas, par des réponses rapides, priver le Sénat de débattre du projet de loi de finances et d'apporter lui-même ses réponses. Le Gouvernement présente sa copie et je pense que nous ne nous contredisons pas forcément, même si nous ne disons pas la même chose.

J'ai dit que les départements étaient les collectivités les plus fragiles, et c'est une réalité. J'ai dit que les régions, proportionnellement, reprenaient un peu de couleur après la crise sanitaire, ce qui est vrai. Pour autant, vos chiffres sont exacts.

En même temps, à mon sens, nous ne connaissons pas seulement une crise de recettes : c'est surtout une crise de dépenses. (M. Laurent Somon exprime son désaccord.)

En effet, je cite souvent cet exemple, depuis cinquante ans, nous avons conjugué la fable de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi, en étant essentiellement des cigales, sans doute, à chaque fois, pour des motifs justes et à bon escient – sauf qu'à un moment l'ardoise arrive. Et nous y sommes !

Quand on a une ambition, comme vous l'avez tous ici, et que l'on veut préserver l'avenir et les services publics, il faut se ressaisir et redresser la situation. C'est désagréable, mais nous proposons de le faire ensemble.

Vous m'interrogez sur deux points.

L'État a maintenu ses engagements, à la fois sur la tenue du déficit 2025 – sauf dérapage au mois de décembre, nous serons au niveau de déficit annoncé – et sur le remboursement du Dilico tel que cela est prévu. Si la baisse de dotation aux investissements existe, je l'ai dit, vous ne pouvez nier que, dans un cycle électoral communal normal, l'année des élections est une année où l'investissement diminue.

Ensuite, vous appelez à une visibilité accrue et à une véritable pluriannualité. Je suis d'accord avec vous ! Je me satisferais de voir l'État capable de contractualiser avec des collectivités sur tel ou tel projet, comme il le peut aujourd'hui avec les régions seulement.

Quant au regret que vous exprimez vis-à-vis du non-versement de certains crédits de paiement, certes, je ne crois pas au père Noël, mais il me semble que certains de ces problèmes seront réglés prochainement.

Pour ce qui est de la situation des régions, je ne puis aujourd'hui me prononcer pour ou contre telle ou telle mesure.

M. le président. Il faudrait conclure, madame la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre. L'Assemblée nationale a été saisie de plusieurs amendements sur ce sujet. Les services rendus par les régions doivent être financés à la fois par l'impôt et par les dotations. Nous verrons quelle position le Sénat adoptera sur ces dispositions.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, je reprends vos propres mots : « L'ardoise est là. » Oui, l'ardoise du macronisme depuis huit ans ! (Mme la ministre s'exclame.) Soixante milliards d'euros d'impôts n'ont pas été prélevés ; nous en voyons les effets aujourd'hui. Si cet argent avait été effectivement perçu, nous ne connaîtrions pas la crise actuelle. Oui, c'est bien une crise des recettes ! (Mme Ghislaine Senée acquiesce.)

Enfin, madame la ministre, l'arrêt des acomptes de DSIL est une décision de l'État.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Simon Uzenat. Au moment où nous nous parlons, les collectivités ne peuvent plus percevoir les 30 % d'acompte permis jusqu'à présent. Vous en portez la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, ma question sera assez courte et rapide. Chacun ici connaît cette antienne, désormais célèbre : « Le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. »

Toutefois, pour qu'il en soit ainsi, il faudrait que le Parlement dispose de la bonne information. En ce qui concerne les collectivités, une fois que j'aurai dressé la liste des documents pertinents à cette fin, nous reconnaîtrons tous que l'exercice est extrêmement difficile.

En effet, afin de recenser et de retracer les 315 milliards d'euros de recettes des administrations publiques locales, il est nécessaire de se référer à sept types de recettes, relevant d'au moins autant de documents différents, que je veux vous énumérer : les prélèvements sur recettes (PSR), qui figurent dans la première partie du projet de loi de finances ; les comptes de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », que l'on trouve dans la deuxième partie ; le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution » ; la fiscalité transférée et les taxes affectées, recensées dans le tome I de l'annexe Évaluation des voies et moyens ; les dégrèvements et subventions, disséminés entre les différentes missions ministérielles ; les transferts entre administrations de sécurité sociale et administrations publiques locales inscrits au seul projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à l'instar du versement mobilité ; toutes les recettes locales et subventions européennes, dont le montant est précisé dans le seul rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).

Que pouvez-vous nous proposer pour que le Parlement puisse, enfin, disposer pour les débats budgétaires d'une vision claire des recettes des collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, le sujet que vous évoquez est réel et revient dans le débat chaque année.

Rappelons qu'une proposition de simplification a été examinée par le Sénat. Elle n'a pas abouti, car elle présentait des risques. Disons-le franchement : une bonne idée avait émergé des groupes de travail créés sous la houlette du président Larcher, celle d'une loi de financement des collectivités locales et de leurs groupements. Un tel texte nous aurait offert de la clarté, car nous y aurions retrouvé l'ensemble des éléments relatifs aux collectivités.

Toutefois, cette idée, nous y avons renoncé ! Le Sénat a mesuré les risques de cette proposition et a craint que l'on n'aboutisse à des textes similaires aux lois de financement de la sécurité sociale, où l'on aurait chaque année inventé l'équivalent de l'Ondam (objectif national de dépenses d'assurance maladie) pour les collectivités. De fait, l'ultra-simplification et l'ultra-clarté nécessitent des garanties.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, vous m'avez répondu sur la prévisibilité. C'est indéniablement une qualité à laquelle les collectivités sont attachées. Je me souviens que, lors de ma campagne pour les élections sénatoriales de 2017, les élus locaux m'interrogeaient déjà sur cette loi de financement, dont l'idée avait été évoquée pendant la campagne présidentielle. Nous sommes en 2025 et elle ne s'est toujours pas concrétisée…

À vrai dire, je vous interrogeais plutôt sur la lisibilité de la maquette budgétaire. Mes collègues de la commission des finances savent que c'est un modeste combat que j'ai commencé à mener auprès de la ministre des comptes publics – je compte bien revenir à la charge régulièrement…

En effet, si nous avions une telle lisibilité, peut-être ne passerions-nous pas des dizaines d'heures à débattre des 5 milliards d'euros de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » dans cet hémicycle, sur 315 milliards d'euros, puisque les enjeux réels des collectivités se trouvent ailleurs ! Malheureusement, nous ne pouvons en avoir pleinement conscience, parce que nous ne disposons pas de cette vision globale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)