M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 a été déposé à l'Assemblée nationale par le Gouvernement Lecornu 2. Il s'agit là de la copie presque conforme à la version de son prédécesseur le gouvernement Bayrou, élaborée par l'ex-ministre Yannick Neuder qui l'a lui-même qualifiée de déséquilibrée, « sans cap ni cohérence » et de « rabotage budgétaire ».

Ce projet de budget est en effet un désastre pour nos concitoyens, même s'il a été en partie amélioré à l'Assemblée nationale, notamment grâce à la détermination de nos collègues socialistes. Je salue ici leur travail remarquable et rappelle que c'est cette mouture que le Sénat examine.

Le projet de budget initial du Gouvernement ne répond qu'à un impératif comptable. Il met à contribution les malades, les retraités, c'est-à-dire les plus vulnérables d'entre nous, tout en épargnant totalement ceux qui ont engrangé bénéfices et dividendes ces dernières années !

Par ce choix, Mme la ministre de l'action et des comptes publics affirme vouloir préserver l'économie et la croissance du pays, alors même que ce budget va à l'encontre de son objectif. Le risque récessif est réel.

Tout l'enjeu des politiques publiques réside dans leur capacité à appréhender simultanément la production de richesses et la gestion d'un système de solidarité nationale durable. Une loi de programmation pluriannuelle des dépenses de sécurité sociale s'impose pour y parvenir.

Nous concédons tous que l'efficience des dépenses peut et doit être améliorée. Toutefois, le déficit actuel s'explique par des coupes de recettes et des dépenses exceptionnelles non financées. Je pense au Ségur de la santé ou aux niches sociales non compensées.

Il faut revoir les exonérations de cotisations massives des années Macron, alors qu'elles ont démontré leur inefficacité sur l'emploi et sur la compétitivité de nos entreprises. Il faut soumettre à cotisations les rachats d'actions et les primes de partage de la valeur. Il faut augmenter la CSG sur les patrimoines élevés. Il faut instaurer des taxes comportementales.

Ces mesures, que de nombreux rapports relaient, relèvent de l'équité, de la justice sociale, comme de la bonne gestion. Ces recettes justes sont une réponse en contrepoint à votre proposition de mettre à contribution les malades et les assurés, alors même que vous ne parvenez ni à réduire le déficit sur le long terme ni à améliorer l'offre de soins.

Par ailleurs, vous effectuez ces exercices de tuyauterie sans concertation avec les contributeurs que sont les usagers, les mutuelles et les professionnels de santé.

Vous culpabilisez les Français d'avoir excessivement recours à la protection sociale, comme si un arrêt de maladie ou le médicament étaient des choix de confort pour les travailleurs. Vous contrevenez ainsi au contrat de confiance entre le patient et son médecin, au contrat social qui lie chaque assuré et ayant droit à la sécurité sociale.

Nous défendons une autre vision de notre société. Les scandales répétés dénoncés sur les structures à but lucratif gérant les crèches, les Ehpad ou les centres de santé à pratiques douteuses nous y encouragent.

La financiarisation de notre système de soins vers laquelle vous nous avez engagés depuis huit ans est une impasse pour les assurés et pour les comptes sociaux. Nous nous éloignons toujours plus du principe hérité du Conseil national de la Résistance selon lequel chacun participe selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins.

Nos collègues députés se sont mobilisés pour ramener plus d'équité dans ce texte. Ils ont porté une trajectoire de retour à l'équilibre, sans la panoplie d'horreurs réduisant les droits des assurés.

Nous poursuivrons ce combat, alors même que la commission des affaires sociales du Sénat a d'ores et déjà donné le ton en proposant de supprimer à peu près tous les articles de progrès pour les assurés sociaux votés à l'Assemblée nationale.

La droite sénatoriale a « nettoyé au karcher » le texte remanié par nos collègues députés. Quel mépris ! La sagesse du Sénat est réputée, mais elle s'écorne aujourd'hui.

Chers collègues situés au centre et à la droite de cet hémicycle, j'en appelle à votre responsabilité pour ne pas détricoter systématiquement les avancées votées à l'Assemblée nationale, car elles sont conformes aux volontés majoritairement exprimées par les Français. Nous devons à nos concitoyens un budget juste, fût-il de compromis pour tous, dans l'attente de l'échéance présidentielle de 2027.

J'en appelle également à la responsabilité du Premier ministre, qui dirige l'action du Gouvernement. Il doit fixer un cap, alors que, à ce stade il navigue à vue ! À tout le moins, un grain nous sépare.

Madame la ministre de la santé, tenir un Ondam à 1,6 % est impossible, et vous le savez. Cette hausse couvre à peine l'inflation et la hausse 2026 des cotisations de retraites de la CNRACL. Ce budget n'est pas à la hauteur et vous l'avez consenti en accordant un milliard d'euros supplémentaires à des établissements déjà exsangues.

Vous agitez l'alarme d'une hausse effrénée des dépenses, mais le mur démographique qui se présente à nous est à affronter et non à redouter. La croissance des dépenses est naturelle. Pour s'y adapter, sans dramatisation, nous devons investir le champ de la prévention, pour transformer notre modèle de santé fondé sur le curatif et assurer un digne accompagnement de nos aînés et de tous nos concitoyens dès l'enfance.

Nous proposons de maîtriser les dépenses sans rogner sur les prestations des assurés.

Nous refusons l'augmentation des franchises médicales, et la limitation des affections de longue durée.

Nous refusons le gel des prestations, des minima sociaux et des retraites qui pèserait sur les plus vulnérables déjà en difficulté pour payer l'Ehpad ou les services à domicile.

Nous refusons la suppression de la suspension de la réforme des retraites, que défend la rapporteure générale de la commission des affaires sociales.

Nous militons pour lisser l'effort de retour à l'équilibre sur cinq ans, par la répartition suivante : deux tiers de l'effort grâce à la mobilisation de recettes équitables sur les plus aisés à hauteur de 10 milliards d'euros, un tiers par la réduction de dépenses à 5 milliards d'euros. Tout cela se ferait en réorganisant les parcours de soins, en rendant plus efficients les circuits du médicament, en relevant le défi de la prévention et du service public de santé.

Cet effort sur les recettes que vous décriez est très relatif au regard de ce budget de presque 677 milliards d'euros. Un équilibre est atteignable, évitant que la sécurité sociale ne se trouve en péril.

Nous voulons augmenter les recettes sans imposer les ménages aux revenus les plus modestes pour assurer des dépenses nouvelles pour les retraites, nos hôpitaux, Ehpad et crèches. Les objets de nos amendements sont guidés par cet objectif.

Nous voulons fêter les 80 ans de la sécurité sociale, pilier du contrat social qui nous lie ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 devrait répondre aux préoccupations principales de nos concitoyens.

Dans cette perspective, il faudrait se doter de nouvelles ressources pour assurer l'accès de tous aux soins, pour répondre au refus, qui reste majoritaire dans notre pays, de la retraite à 64 ans (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.), pour relever le défi du grand âge, pour mener une politique familiale qui prenne en compte la diminution de la natalité, pour mieux accompagner nos concitoyens en situation de handicap ou pour corriger notre retard en matière d'accidents du travail, puisque la France est l'un des pays européens où les morts au travail sont malheureusement les plus nombreux.

Cependant, la priorité partagée du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, c'est économies, économies, économies !

Personne ici n'est insensible à la situation financière de notre système de protection sociale, mais croyez-vous que ce soit en amplifiant les logiques qui ont conduit aux déficits que l'on résorbera ces derniers ?

Faire travailler les Français plus longtemps ? Déjà essayé. Augmenter les franchises médicales ? Déjà essayé. Demander à nos hôpitaux et nos Ehpad plus d'efficience, de rationaliser leurs dépenses ? Déjà essayé. « Responsabiliser » les professionnels de santé et surveiller la pertinence de leurs prescriptions ? Déjà essayé aussi. Pourquoi cela fonctionnerait-il mieux cette fois-ci ? Parce que la cure d'austérité sera plus drastique encore que les précédentes ? Vous ne ferez croire cela à personne !

Pour notre part, nous considérons qu'il y a des ressources à aller chercher, notamment du côté des exonérations de cotisations sociales, qui atteignent désormais quatre fois le déficit prévu de la sécurité sociale !

Or la seule remise en cause à laquelle le Gouvernement et la majorité sénatoriale consentent, c'est sur celle qui s'applique aux apprentis, que vous voulez priver de 100 euros par mois !

De la mise à contribution les entreprises françaises qui ont distribué près de 69 milliards d'euros de dividendes, en hausse de 8 % sur un an, il n'est pas question. Pourtant, l'argument du coût du travail ne tient pas. Le rapport sénatorial qui a chiffré à 211 milliards d'euros les aides publiques versées aux entreprises, montre que celles-ci, en particulier les plus importantes d'entre elles, sont massivement aidées.

Nous considérons comme une mesure très grave votre volonté de réaliser une année blanche en matière de pensions de retraite et de prestations sociales.

Avec un certain cynisme, vous considérez qu'avec une pension supérieure à 1 400 euros – même pas le Smic ! – les retraités sont riches et doivent être mis à contribution, et ce le jour même où l'Insee révèle que, en vingt ans, les revenus des 0,1 % des Français les plus riches ont augmenté 2,5 fois plus vite que pour les autres.

Par ailleurs, la taxe d'un milliard d'euros sur les complémentaires santé se répercutera sur tous, en particulier les retraités, puisqu'elles pèsent plus lourd sur nos concitoyens les plus âgés.

Pour notre part, nous considérons que les nouvelles ressources à aller chercher ne se trouvent ni dans les poches des malades ni dans celles des bénéficiaires de prestations sociales, pas plus que dans celles des retraités. Nous formulerons des propositions en ce sens au travers de nos amendements.

Un Ondam en hausse de 1,6 %, comme c'était initialement prévu, est intenable. Il le serait tout autant s'il était porté à 2 %. Cette trop faible hausse sera d'ailleurs totalement absorbée par l'inflation et la hausse des cotisations de la CNRACL imposée l'an dernier avec le soutien de la majorité sénatoriale.

Selon le collectif Inter-Hôpitaux, plus de deux tiers des hôpitaux publics ont des recettes inférieures aux coûts nécessaires à leur fonctionnement. Le déficit de ces établissements est passé de 415 millions d'euros en 2019 à 2,8 milliards d'euros en 2024.

C'est le résultat d'un sous-financement chronique, d'une inadéquation entre les tarifs et le coût réel des soins, du non-financement des revalorisations salariales du Ségur de la santé et de l'inflation.

Les conséquences sont connues. Les soignants et les usagers les subissent depuis des années : dégradation des conditions de travail, fuite des personnels, fermetures de lits.

Au CHU (centre hospitalier universitaire) de Rouen, une femme âgée de 99 ans a passé 64 heures sur un brancard des urgences, avant de pouvoir être hospitalisée. Le CHU de Caen, comme celui de Toulouse, ne pourra plus accueillir d'internes aux urgences au prochain semestre. Ailleurs, les urgences fonctionnent par intermittence.

Nous examinons quasiment tous les mois des propositions de loi parcellaires sur la santé. Mais le Gouvernement est incapable de bâtir une loi de programmation de la santé, comme le demande la Fédération hospitalière de France. Quant à la création d'un réseau France Santé, je crains qu'il s'agisse davantage d'une opération de communication que de la mise en place d'un véritable maillage de l'accès au soin.

Le Gouvernement ferait mieux d'inscrire la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d'initiative transpartisane à l'ordre du jour des travaux du Sénat pour réguler l'installation et rétablir la permanence des soins, les soirs et les week-ends.

Il ferait mieux de renoncer, définitivement, à une nouvelle augmentation des franchises médicales et des participations forfaitaires. Les quadrupler en trois ans, revoir les prestations remboursées pour les malades en ALD, voilà ce dont il a été question, au motif de « responsabiliser les patients ».

Qui doit l'être lorsque la France est l'un des pays développés où les inégalités sociales de santé sont les plus élevées, où 6,5 millions d'euros de nos concitoyens n'ont pas de médecin traitant, où le renoncement aux soins pour raisons financières est très élevé ?

Fixer un objectif de dépenses pour l'assurance maladie si bas n'est-il d'ailleurs pas le moyen que le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie déclenche l'alerte sur un dépassement au printemps prochain ? Voilà qui permettrait que le Gouvernement décide seul, par voie réglementaire, donc sans débat démocratique, de nouveaux mauvais coups, alors qu'il jure la main sur le cœur ne pas vouloir recourir au 49.3.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est très inquiétant, mais quelques snipers de cette assemblée (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) proposent encore d'en rajouter, qui en imposant deux jours de travail supplémentaires, sur le modèle du gouvernement Bayrou qui souhaitait, on s'en souvient, supprimer deux jours fériés, qui en introduisant le système de retraite par capitalisation, qui en déremboursant les soins se réclamant de la psychanalyse, comme le proposent les auteurs du désormais célèbre amendement n° 159 rectifié quinquies.

Je suis d'autant plus surprise par cette proposition que, au mois de juin dernier, Daniel Chasseing, Jean Sol et moi-même avons présenté un rapport d'information sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19, dans lequel nous préconisions de renforcer les moyens des centres médico-psychologiques (CMP). Je précise qu'il a été adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales, sans que ce sujet vienne sur la table.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 n'apportera aucune réponse aux besoins des assurés sociaux, et les modifications proposées par le Sénat risquent malheureusement d'aggraver encore la situation. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, dans cette pénombre, nous mesurons le poids des temps qui viennent.

L'Europe est agressée aux portes de notre Union. L'ordre mondial est déstabilisé par des puissances autocratiques. Le changement climatique menace nos sociétés, poussées dans un nouveau régime climatique auquel nous ne nous sommes pas encore adaptés. Dans ce contexte, notre pays vit des heures incertaines.

Nous sommes au bord d'une crise économique. La défiance démocratique s'installe, nourrie par une extrême droite à l'affût et par l'instabilité qui ébranle nos institutions. La cohésion sociale est fragilisée par des inégalités qui s'accroissent, la pauvreté, le vieillissement et la solitude.

Les risques sont grands, et chacun constate les tourments dans lesquels ils peuvent nous entraîner. Face à eux, nous bénéficions de cette incroyable promesse républicaine, inscrite il y a quatre-vingts ans, celle d'assurer les travailleurs, les travailleuses et leurs familles contre tous les risques qui les guettent, celle de prodiguer soins et assistance aux malades, celle d'accompagner les plus âgées dans la retraite.

Oui, la sécurité sociale nous protège des accidents, de la maladie, de la vieillesse, de la perte d'autonomie. Elle révèle notre confiance collective dans la solidarité, l'égalité et la fraternité. Elle garantit que, face aux malheurs du monde, la vie continue.

Pourtant, à l'orée de ce débat, une crainte nous assaille. La sécurité sociale serait-elle en danger ? Elle est menacée aujourd'hui par trois problèmes qu'il nous faut résoudre.

Tout d'abord, la sécurité sociale est menacée par une inadéquation budgétaire entre ses ambitions et les moyens que nous lui donnons pour y répondre. Preuve en est le déficit social pour 2025, estimé à 17 milliards d'euros.

Le retour à l'équilibre n'est prévu ni dans les copies qui nous sont présentées pour 2026 ni d'ici à 2029. Se trouvent en cause, d'une part, l'augmentation des besoins de la population face à l'explosion des maladies chroniques, au vieillissement et à la détérioration des déterminants environnementaux de notre santé, d'autre part, une politique d'assèchement des recettes qui a montré ses défauts et ses limites.

Ensuite, la sécurité sociale est menacée par le risque d'une crise de liquidité. La trésorerie de la sécurité sociale, grevée par l'accumulation de déficits, pourra-t-elle assumer un choc économique, sans la reprise des 40 milliards d'euros de dette qu'elle soutient ?

Enfin, la sécurité sociale est menacée par l'insuffisance des financements accordés à notre système de santé. Affaibli et incapable d'investir face aux 30 milliards d'euros de dette qu'il accumule, l'hôpital public ne tient plus que par l'engagement des femmes et des hommes qui le font tenir à bout de bras. Là encore, le projet que nous examinons n'apporte pas de solution.

Malgré l'augmentation de 2 % des dépenses de santé, il manque encore au moins 2,5 milliards d'euros, ne serait-ce que pour maintenir l'assurance maladie à flot.

L'avenir est sombre. Samedi dernier, en commission, j'entendais même certains collègues se demander : pouvons-nous encore sauver la sécurité sociale ? À eux aujourd'hui, je veux dire : rien n'est joué. Tant que nous nous battrons, il y aura un espoir.

Au fond, nous sommes face à un choix cornélien, qui pourrait se résumer ainsi, sur le modèle de « L'utopie ou la mort ! » de René Dumont : « La sécurité sociale ou la mort ! » Telle est la devise qui devrait être au fronton de ce débat sénatorial.

Oui, l'enjeu de ce budget n'est pas la victoire d'un camp ou d'un autre. C'est bien la survie de la sécurité sociale. Oui, nous y sommes prêts. C'est à notre tour de vous appeler à la responsabilité, mes chers collègues : battons-nous ensemble pour la sécurité sociale.

Fort de cette résolution, le groupe GEST inscrit au débat trois propositions.

Premièrement, il s'agit de rétablir l'équilibre de la protection sociale.

À l'Assemblée nationale, nous avons défendu 25 milliards d'euros de nouvelles recettes, qui permettraient de couvrir le déficit actuel. Au Sénat, avec les groupes SER et CRCE-K, nous identifions 20 milliards d'euros qui pourraient abonder les comptes sociaux. Alors que les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres, nous proposons de faire contribuer les revenus du capital, en portant la CSG à 12 %, pour un rendement supplémentaire de 3 milliards d'euros.

Nous suggérons aussi de nous attaquer aux structures financiarisées qui pillent la sécurité sociale pour leurs propres profits et alourdissent les dépenses.

Deuxièmement, il faut promouvoir enfin la prévention et la santé environnementale, sources d'économies.

Nous vous invitons ainsi à renforcer la fiscalité environnementale et comportementale, à mettre à contribution les pollueurs, responsables du réchauffement climatique, à en finir avec la malbouffe, les sucres ajoutés, l'opacité des produits sans Nutriscore, les cadeaux fiscaux faits aux alcooliers, aux vins, aux bières sucrées et aromatisées, au détriment de la santé publique, à soutenir les dispositifs préventifs qui ont fait leurs preuves, à l'instar des haltes soins addictions (HSA), des centres de santé publics et solidaires et des séances MonSoutienPsy.

Troisièmement, il convient de continuer de protéger les plus vulnérables.

Nous nous opposons ainsi non seulement à ce que les malades paient des franchises doublées et étendues et pâtissent d'un Ondam dont nous demandons la revalorisation à au moins 3 %, mais aussi à ce que les bénéficiaires de prestations sociales et de pensions subissent une année blanche qui les précariserait.

Nous nous opposons enfin à ce que les 3,5 millions de Français qui pourraient partir à la retraite cette année avec le décalage de la réforme de 2023 soient pénalisés.

Oui, nous voulons abroger cette réforme pour les générations présentes et à venir. Il va falloir s'y atteler. Voilà le chemin que nous défendons pour sauver la sécurité sociale. Deux possibilités s'offrent à nous : soit continuer, dans un esprit constructif, à travailler le texte, certes imparfait, issu des travaux de l'Assemblée nationale, soit tout effacer, à l'instar de ce qu'a proposé samedi dernier la commission des affaires sociales.

Mes chers collègues, chercher à sauver la sécurité sociale suppose un signal fort. Pour défendre au moins notre hôpital, il faut un Ondam à 3 % et des recettes réalistes et justes. Mesdames, monsieur les ministres, c'est absolument essentiel et il n'y a que vous qui pouvez le faire ! Vous pouvez sinon préférer garder la tête dans le sable et inscrire l'insincérité dangereuse à l'ordre du jour.

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, vous comprendrez que vos choix seront déterminants au cours de cet examen. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, à première vue, nous pourrions croire que l'ouverture de la discussion générale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 s'inscrit dans la routine parlementaire : le traditionnel marathon budgétaire de l'automne, les navettes entre nos deux chambres et les équilibres déjà fragilisés de nos comptes sociaux.

Pourtant, vous le savez tous, rien, absolument rien, dans ce débat n'a aujourd'hui un caractère ordinaire.

Cette discussion est extraordinaire, non seulement parce que nous abordons le budget le plus massif et le plus structurant de la Nation, mais surtout parce que ce texte est devenu, bien malgré lui, le théâtre de toutes les manœuvres politiciennes, instrumentalisées pour servir un objectif unique : empêcher coûte que coûte le retour aux urnes et la victoire annoncée de la majorité nationale. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

En 2024 déjà, souvenez-vous, des accords électoraux de couloirs, opaques et honteux, avaient privé les Français de la stabilité politique à laquelle ils avaient droit.

Les mêmes méthodes sont aujourd'hui réactivées avec les mêmes acteurs. Voilà que, trop anxieux à l'idée de perdre leurs sièges, les députés des groupes socialiste et Les Républicains s'entendent dans une alliance de circonstance (Murmures sur les travées du groupe SER.), au mépris de nos institutions, au mépris du redressement urgent de nos comptes sociaux, au fond, au mépris des Français eux-mêmes.

Trop heureux de l'occasion, les macronistes se sont précipités dans la brèche.

Mme Frédérique Puissat. Il y en a pour tout le monde !

M. Christopher Szczurek. Pour surseoir de quelques mois à leur disparition électorale, ils ont tout bradé : leurs engagements, leur cohérence et leurs dernières prétentions à gouverner.

M. Xavier Iacovelli. Il est vrai que vous faites preuve de cohérence à l'Assemblée nationale !

M. Christopher Szczurek. La seule réforme qu'ils avaient engagée dans le second quinquennat, la réforme des retraites – injuste, brutale, massivement rejetée dans le pays et défendue envers et contre tout –, la voilà aujourd'hui abandonnée – pardon, suspendue. Elle est en effet suspendue pour quelques millions d'euros, suspendue pour quelques centaines de milliers de bénéficiaires, suspendue pour sauver quelques positions fragiles dans l'hémicycle. (M. Xavier Iacovelli s'exclame.)

Le Rassemblement national, quant à lui, a été cohérent du début à la fin. À l'Assemblée nationale comme au Sénat, nous avons voté et nous voterons la suspension de cette réforme, mais c'est bien sa suppression qui est à souhaiter et qui serait une victoire.

M. Christopher Szczurek. Il faut l'admettre, cette suspension n'est qu'anecdotique et précaire. Notre système de retraite ne pourra être sauvé que par une véritable politique nataliste et par une politique de production ambitieuse,…

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. On peut compter sur vous !

M. Christopher Szczurek. … capable de permettre aux Français de travailler et de redonner vigueur à nos équilibres démographiques.

Il me faut maintenant en venir à la majorité sénatoriale. Mes chers collègues, si je sais que le retour aux ors des ministères, en dépit de toute logique électorale, a satisfait quelques égos, il ne faudrait pas ici se tromper de combat. Voilà trois ans que vous participez au socle commun. Qu'avez-vous gagné ?

M. Xavier Iacovelli. Et vous, à l'Assemblée nationale ?

M. Christopher Szczurek. En quelques semaines, les socialistes affichent de fausses victoires, Les Républicains, eux, n'auront récolté que la déception de leurs militants après être encore allés jouer aux supplétifs du macronisme et en invoquant le fameux principe de responsabilité. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Mme Émilienne Poumirol. Quel rapport avec la sécurité sociale ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il n'est pas beaucoup question de la sécurité sociale !

M. Christopher Szczurek. Mes chers collègues, certes, j'aurais pu évoquer l'explosion de la dette sociale et l'absence de réformes structurelles permettant de limiter la bureaucratie, d'éteindre les pompes aspirantes de l'immigration… (Ah ! sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Il fallait bien que j'y vienne, mes chers collègues ! Je vous aurais déçus sinon !

Mme Catherine Conconne. On attendait !

M. Christopher Szczurek. J'aurais pu évoquer également l'absence de réformes susceptibles de redonner enfin au personnel médical et aux Français le système de santé auquel ils ont droit.

Toutefois, nous le savons, nos débats risquent d'être vains, tant on entend déjà la rumeur des ordonnances qui feront bientôt tomber le couperet et affaibliront encore un peu un parlementarisme déjà bien attaqué.

M. Xavier Iacovelli. Surtout par vous : on ne vous voit jamais !

M. Christopher Szczurek. Ainsi, devant les manœuvres, devant les mensonges et, en définitive, devant le mépris, nous ne faisons ici que traduire le sentiment profond d'un grand nombre de nos compatriotes… (Marques d'impatience sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Christopher Szczurek. … à savoir une profonde colère, l'incompréhension et, surtout, l'envie de passer définitivement à autre chose.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous entamons l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 dans un contexte d'une gravité particulière.

La gravité est tout d'abord de nature financière : le déficit de la sécurité sociale atteindra 23 milliards d'euros en 2025, proche des 22,1 milliards d'euros prévus initialement. Sans pour autant se réjouir d'une situation déjà insoutenable qui pourrait très vite devenir incontrôlable, saluons ici l'effort de sincérité et le quasi-respect des prévisions cette année.

La gravité est ensuite de nature politique. L'absence de majorité claire renforce le poids et, surtout, la responsabilité des parlementaires, sous la surveillance inquiète de l'Union européenne et des marchés financiers. Sans surprise, le groupe RDSE, attaché au débat et à la recherche du compromis, n'a pas voté les motions préalables, préférant amender, améliorer et non bloquer.

Le texte issu de l'Assemblée nationale aggrave la situation des comptes sociaux, faisant passer le déficit de 17,5 milliards d'euros à 24 milliards d'euros. Cette dérive résulte à la fois d'un recul sur les mesures d'économies et de nouvelles dépenses non financées.

À l'inverse, la commission des affaires sociales du Sénat défend une trajectoire responsable et maîtrisée, qui ramènerait le déficit à un niveau plus soutenable, même s'il reste très ambitieux, autour de 15 milliards d'euros. À l'Assemblée nationale, l'impasse ; au Sénat, la responsabilité.