Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Bravo !
Mme Véronique Guillotin. Le groupe RDSE considère qu'il est indispensable de maîtriser de nouveau nos comptes sociaux, sans jamais renoncer à la protection des plus vulnérables.
Ces bonnes intentions ne suffisent toutefois pas : il est clair que réduire les dépenses, créer des recettes nouvelles, sans porter atteinte au pouvoir d'achat des Français, sans fragiliser nos entreprises et sans renoncer à des soins de qualité, ne peut se faire sans réformes structurelles.
Nous devons augmenter nos recettes par le travail, mieux lutter contre les fraudes, renforcer l'efficience des soins, sortir d'une vision annualisée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour programmer à long terme. En effet, la santé et la protection sociale ne se pilotent pas sur douze mois.
Nous devons simplifier, décentraliser et mettre un terme à la suradministration, en privilégiant la prévention, l'incitation plutôt que la punition et, surtout, la confiance envers les professionnels de santé, qui aiment leur métier et connaissent leur environnement. De beaux exemples en témoignent comme les hôpitaux de Valenciennes ou le Centre hospitalier régional Metz-Thionville qui parviennent à maintenir l'équilibre financier. Il serait bon de s'en inspirer.
Fidèles à notre exigence de simplification, nous ne soutiendrons pas l'ajout de nouvelles strates, notamment la création du réseau France Santé. Plus qu'une labellisation précipitée dont on voit mal l'utilité, consolidons l'existant, par exemple en s'appuyant sur le dernier rapport de la Cour des comptes sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Certaines structures fonctionnent, qui sont encore récentes. Il serait plus utile d'abonder et d'organiser ce qui existe déjà, plutôt que d'en créer de nouvelles.
Nous sommes également assez critiques en ce qui concerne les nouvelles équipes de soins traitantes, qui, selon nous, complexifient le parcours de soins. Nous le sommes tout autant s'agissant du contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, auquel nous préférons la proposition de la rapporteure générale visant à moduler la rémunération des médecins exerçant en zone sous-dense : une mesure simple, lisible et incitative.
En matière l'accès aux soins, nous défendons la liberté de créer soit une nouvelle officine, soit une antenne de pharmacie dans les petites communes. Aux professionnels de choisir la solution la plus adaptée.
Malgré les difficultés budgétaires, le groupe RDSE salue l'instauration d'un nouveau droit, le congé de naissance, qui contribuera au bien-être des familles. J'espère qu'il viendra soutenir la natalité.
En matière de bien-être, nous soutiendrons la reconduction en 2026 de la santé mentale comme grande cause nationale, portée par ma collègue Nathalie Delattre. Ce sujet reste majeur et n'a pu bénéficier en 2025 du niveau d'engagement nécessaire pour prendre toute sa portée.
Nous sommes convaincus que l'indispensable accélération du virage préventif est bonne à la fois pour la santé de nos concitoyens et pour les finances publiques. Nous proposerons, par nos amendements, d'aller plus loin en matière de vaccination antigrippale et d'ouvrir aux laboratoires la possibilité de remettre des kits de dépistage du cancer colorectal : ce test, neuf fois sur dix, sauve la vie lorsqu'il est réalisé à temps, mais moins de 35 % des personnes éligibles y recourent aujourd'hui.
Enfin, je soutiendrai, comme chaque année, plusieurs amendements visant à réorienter la consommation par des taxes comportementales. La santé passe aussi par l'alimentation, et je me réjouis que l'obligation de recourir au Nutri-score soit enfin inscrite dans la loi, après de nombreuses tentatives infructueuses – certains ici ont partagé le combat que nous avons mené pendant des années…
À l'heure où nous célébrons les 80 ans de la sécurité sociale, notre groupe rappelle l'héritage profondément radical du solidarisme de Léon Bourgeois. Cette troisième voie, refusant tout à la fois l'individualisme et le collectivisme, repose sur un quasi-contrat entre les générations : chacun contribue selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins. C'est cette idée qui a présidé à la naissance de la sécurité sociale.
Néanmoins, pour rester vivante, cette ambition fondatrice doit s'adapter aux réalités démographiques et économiques. La France de l'après-guerre n'est plus la France d'aujourd'hui. La natalité s'est affaiblie, voire s'effondre ; la population a vieilli et le rapport entre actifs et retraités s'est profondément déséquilibré.
Dans ce contexte, notre modèle social, largement financé par le travail, ne pourra être préservé qu'en travaillant davantage et en travaillant mieux. Cela implique de redonner du sens au travail, d'offrir plus de souplesse et de liberté dans les parcours et de permettre à chacun de contribuer selon ses capacités tout au long de la vie.
La France n'a pas besoin d'opposer effort et qualité de vie. Elle a besoin d'un modèle qui concilie performance économique, responsabilité individuelle et bien-être. Le progrès, c'est quand chacun peut avancer à son rythme.
Il en va de même pour nos retraites. Nous devons regarder la réalité en face : ceux qui laissent croire que la France pourrait durablement s'éloigner des choix faits par l'ensemble de ses voisins européens trompent nos concitoyens et fragilisent notre modèle. Et comme toujours, ce sont les plus vulnérables qui en paieront le prix.
Le groupe du RDSE, dans sa majorité, s'abstiendra sur l'amendement tendant à revenir sur la suspension de la réforme des retraites, par souci de stabilité. Si cette parenthèse a un coût, elle peut aussi être l'occasion d'ouvrir d'autres voies : ne pas se bloquer sur la limite d'âge, rendre le système plus lisible, en introduisant une comptabilité par points, par exemple, ce qui est le projet soutenu par la majorité de notre groupe, ou encore introduire, sans tabou, une part de capitalisation régulée et solidaire. Cela mérite d'être débattu. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mes chers collègues, le solidarisme ne nous promet pas la facilité. Il nous impose la responsabilité : responsabilité de préserver la soutenabilité de nos comptes, responsabilité de protéger les plus fragiles, responsabilité de moderniser en profondeur notre système de santé.
Le groupe RDSE abordera ce texte sans postures, avec la volonté de contribuer à une trajectoire de redressement crédible et socialement juste. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
Mme Brigitte Bourguignon. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le PLFSS, dans un moment de vérité pour notre modèle social.
Les comptes de la sécurité sociale restent profondément déficitaires. Dès lors, notre mission est double : assurer la pérennité de notre protection sociale et redresser les finances publiques. Ce sont là deux objectifs complémentaires. Le texte venu de l'Assemblée nationale traduit des préoccupations légitimes, mais aussi des débats heurtés. Il reste, en l'état, très perfectible.
Le rôle du Sénat est non pas de vouer nos collègues aux gémonies, mais d'éclairer et d'améliorer leurs travaux. La commission des affaires sociales a commencé ce travail en ramenant le déficit à un niveau plus soutenable, en rétablissant des économies cohérentes. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail de Mme la rapporteure générale et des rapporteurs des différentes branches. Dans la recherche du juste équilibre et du compromis utiles au pays, le rôle du Sénat prend tout son sens.
Notre responsabilité est grande, tout d'abord vis-à-vis de la sécurité sociale elle-même, qui fête cette année ses 80 ans. Elle doit pouvoir continuer à protéger les Français tout au long de leur vie. La laisser dériver dans un déficit permanent fragilise cet héritage. S'il veut rester universel, le système de solidarité a besoin de bases financières solides. Autrement, c'est la promesse sociale qui vacille.
Nous avons aussi une responsabilité vis-à-vis des plus fragiles. Le texte prévoit des efforts, notamment pour certaines prestations. Ce sont des mesures difficiles, mais nécessaires, à condition d'être ciblées et équitablement réparties : protéger d'abord les petites pensions et les plus modestes, puis faire contribuer chacun à sa juste mesure. Voilà de quoi financer des avancées concrètes pour la vie quotidienne.
Je pense tout d'abord au congé supplémentaire de naissance, qui constituera une respiration bienvenue pour les familles et un moyen de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale – d'autant plus s'il s'agit, enfin, d'envisager un partage plus équitable des responsabilités parentales. Je pense aussi au réseau France santé, qui est plus qu'attendu par nos concitoyens. Ce qui compte ici, ce n'est pas seulement le droit théorique à l'assurance, mais bien la possibilité de trouver un médecin, un centre de santé ou une pharmacie, et que ceux-ci répondent présent.
Tenir les comptes et corriger les inégalités, nous partageons cette volonté. S'agissant des comptes, parlons retraites, pour changer.
Le Gouvernement a choisi de suspendre une partie de la réforme de 2023. S'il s'agit d'apaiser le pays, nous pouvons l'entendre, tant l'âge de départ cristallise les tensions. Mais ce geste, au demeurant coûteux, n'a d'intérêt que s'il devient le point de départ d'une véritable conférence sociale sur l'avenir de notre système de retraites. Autrement, nous ne ferions qu'entretenir de l'instabilité. Les règles ne peuvent pas changer chaque automne, au gré des majorités et des calendriers électoraux.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Brigitte Bourguignon. L'exemple de l'Agirc-Arrco montre qu'un pilotage paritaire, et pluriannuel, produit des résultats solides. Si nous croyons au dialogue social, faisons confiance aux partenaires sociaux, pourquoi pas sur le régime général.
Pour avancer sur ce chemin, nous avons aussi un devoir de franchise. Quand un retraité me dit : « J'ai travaillé, j'ai cotisé, j'ai des droits », il a raison. Mais ces pensions sont financées chaque mois par les cotisations et la CSG des actifs. Nous ne pouvons pas tout promettre aux uns, si cela revient à demander toujours plus aux autres.
La justice entre les âges, ce n'est pas opposer les générations, c'est respecter les droits des retraités tout en offrant une perspective claire aux actifs. À ceux-ci, il faut une autre perspective que de leur dire : « Travaillez plus, cotisez plus pour des pensions moindres et, surtout, débrouillez-vous ! » Sans cela, nous affaiblissons le consentement à la solidarité et nous abîmons le lien intergénérationnel, pourtant essentiel à notre modèle social.
Au fond, ce débat n'est pas seulement celui des retraites. C'est aussi celui du vieillissement de la société. Dix ans après la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, le chemin est encore long pour ces personnes qui veulent bien vieillir à domicile, pour ces aidants qui s'épuisent, pour ces familles sans solution. Le grand âge ne saurait être une variable d'ajustement budgétaire. Pour notre groupe, c'est l'un des fils directeurs de ce budget de la sécurité sociale.
Je terminerai par un rappel simple, mais nécessaire : la sécurité sociale vit de l'activité, des cotisations et des prélèvements sur les actifs. Ses ressources dépendent d'abord de la France qui travaille. Défendre la protection sociale, c'est donc aussi défendre la valeur travail. Aussi, nous soutiendrons les mesures qui rendent le travail plus attractif que l'inactivité, qui favorisent l'emploi des seniors et simplifient la vie des employeurs, sans renoncer aux protections essentielles.
Mes chers collègues, à partir de là, deux chemins s'offrent à nous. Le premier est celui des facilités, qui consiste à promettre beaucoup en reportant toujours l'addition sur les prochaines générations. Et celui, plus étroit et plus exigeant, qui consiste à dire la vérité chiffrée, à cibler les efforts, à protéger les plus fragiles.
Notre groupe a choisi ce second chemin, dans un souci permanent d'équilibre. Si le texte issu de nos débats reste fidèle à cet esprit, alors nous prendrons nos responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un PLFSS qui s'inscrit dans un contexte d'une gravité exceptionnelle.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 23 milliards d'euros de déficit en 2025, après 15 milliards d'euros en 2024 et 11 milliards d'euros en 2023. Autrement dit, notre modèle social se finance désormais structurellement par la dette, alors même que la crise de la covid et le choc inflationniste ne peuvent plus servir d'alibi.
La branche maladie dérive dangereusement, avec 17,2 milliards d'euros de déficit. La branche vieillesse demeure dans le rouge, et ses comptes seront encore détériorés par la suspension de la réforme. Quant à la branche famille, son excédent apparent masque une réalité alarmante : la natalité, tombée à son plus bas niveau depuis 1946, s'effondre.
Dans ce contexte, l'Ondam progresserait de seulement 2 %, loin des 4 % nécessaires pour simplement maintenir le niveau actuel de soins. Cet écart colossal, on voudrait le combler sur le dos des assurés et des professionnels libéraux.
Je veux dire les choses simplement : le PLFSS, tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, maltraite la médecine libérale. Il ne la corrige pas, il ne l'accompagne pas, il l'asphyxie ! Alors même que la médecine libérale constitue, comme l'hôpital, l'une des deux jambes de notre système de santé, le texte multiplie les mesures punitives et suspicieuses.
L'article 24 ouvre la voie à des baisses unilatérales de tarifs en cas d'absence d'accord conventionnel. C'est un mécanisme de contrainte inédit, qui brise la logique même du conventionnement. L'article 31 entend sanctionner les professionnels n'alimentant pas le dossier médical partagé (DMP), alors même que les outils numériques manquent de fiabilité et que la priorité devrait être la simplification, pas la pénalisation.
Ces propositions initiales sur les arrêts de travail, la limitation du remboursement des prescriptions ou encore les pénalités liées au DMP sont autant de mesures qui traduisent un climat de méfiance inédit envers nos médecins.
M. Laurent Somon. Bravo !
Mme Florence Lassarade. Mes chers collègues, il faut dire les choses : la médecine libérale n'a jamais été autant fragilisée.
Et lorsque la médecine libérale s'effondre, c'est tout le système médical français qui tombe. Rentabilité excessive : de quoi parle-t-on ? On nous dit que certaines spécialités seraient rentables. Mais de quelle rentabilité parle-t-on lorsqu'un médecin de secteur 1, aujourd'hui, n'arrive parfois plus à couvrir ses charges ? De quelle rentabilité parle-t-on lorsqu'un généraliste travaille dix à douze heures par jour, à 30 euros la consultation ? De quelle rentabilité parle-t-on quand la jeune génération hésite, renonce, se détourne vers l'hôpital ou quitte tout simplement la France ?
La vraie question est non pas la rentabilité des médecins libéraux, mais la soutenabilité de notre système. Ce n'est pas en humiliant la médecine de ville que l'on comblera 23 milliards d'euros de déficit. Ce n'est pas en pressurant les praticiens que l'on réglera la crise démographique médicale. Ce n'est pas en imposant toujours plus de contraintes administratives que l'on redonnera envie d'exercer.
M. Jean Sol. Bravo !
Mme Florence Lassarade. C'est pourquoi le Sénat prend ses responsabilités et va corriger ce texte déséquilibré. Nous allons supprimer ou réécrire plusieurs dispositions qui, si elles étaient maintenues, risqueraient de rompre définitivement le contrat de confiance entre l'État et les médecins libéraux.
C'est ainsi que nous comptons supprimer la limitation à quinze jours des arrêts de travail en ville, ainsi que les pénalités liées au DMP. Nous supprimerons aussi le désengagement des prescriptions des médecins non conventionnés, non pas pour défendre une corporation, mais parce que ces mesures constituent in fine un danger pour les patients, pour l'accès aux soins, et pour l'ensemble de notre système de santé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la situation délicate de la radiothérapie dans les centres de lutte contre le cancer. Cette discipline concerne plus de 60 % des patients atteints de cancer et représente un pilier essentiel de leur parcours de soins.
Or, alors même que ces centres assurent un quart de l'activité nationale et prennent en charge 87 % des enfants traités par radiothérapie, ils se voient aujourd'hui fragilisés par une baisse tarifaire injustifiée. Malgré leur engagement constant dans la réforme de la radiothérapie et leurs investissements largement autofinancés, cette décision menace directement leur équilibre financier, leur capacité d'innover et leur mission d'assurer un accès équitable aux traitements sur tout le territoire.
Affaiblir ces centres, c'est affaiblir la radiothérapie de précision, la recherche clinique et l'accès des patients aux technologies les plus avancées. C'est aussi creuser davantage les inégalités entre secteur public, secteur privé et privé non lucratif.
Pour 2026, les décisions tarifaires doivent être à la hauteur des enjeux, en soutenant pleinement les centres de lutte contre le cancer, d'autant plus que ceux-ci reposent, plus que les autres établissements, principalement sur cette activité. L'exigence d'efforts demeure, mais elle ne doit pas se déployer au détriment des patients et de la médecine.
La Cour des comptes a été claire : sans mesures nouvelles, le déficit atteindra 28,7 milliards d'euros en 2026. Les économies proposées par le Gouvernement ont été balayées par l'Assemblée nationale. Nous devons donc trouver un chemin. Mais celui-ci ne peut pas être celui de la punition de la médecine libérale. Il doit être celui de la responsabilité, de la confiance et de l'efficacité.
Il en va de même pour la branche autonomie. Alors que 500 000 postes en Ehpad devront être créés d'ici à 2030, seuls 4 500 pourront être financés en 2026. Alors que l'habitat intermédiaire doit créer 500 000 places d'ici 2050, les moyens actuels permettent à peine d'engager le mouvement.
Nous entrons dans un véritable défi civilisationnel. Or face à celui-ci, nous avons besoin d'un système de santé solide, d'un hôpital fort et, plus que jamais, d'une médecine libérale respectée, soutenue et attractive. Défendre la médecine libérale, c'est défendre notre modèle social.
Mes chers collègues, la médecine libérale n'est pas un luxe. Elle n'est pas une rente. Elle n'est pas un problème. Elle est une solution. Elle est un pilier de notre modèle social. Elle est un maillon essentiel de l'accès aux soins, notamment dans les territoires où l'hôpital ne peut pas tout. Lui tourner le dos, c'est affaiblir notre modèle social. La soutenir, c'est préparer l'avenir.
En corrigeant ce texte, en réaffirmant le rôle indispensable des médecins de ville, en refusant la spirale des mesures coercitives, le Sénat rappelle une évidence : sans médecine libérale, il n'y aura pas de médecine tout court ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la question n'est pas nouvelle. Elle se pose chaque année à nous, et, cette année, avec plus d'acuité encore. Comment maintenir un haut niveau de protection sociale dans un contexte de hausse constante des dépenses, et de recettes désormais limitées ?
Nous devons tous participer à cet effort, en examinant chaque dépense au prisme de son utilité et de son efficacité. Il ne peut se faire au détriment de notre modèle de sécurité sociale, garant de l'égalité d'accès aux soins, où que l'on vive.
C'est particulièrement vrai dans les territoires ultramarins, où l'insularité, l'éloignement et la rareté de certaines spécialités participent à la désertification médicale. L'effort doit se porter sur le premier recours, en remettant la permanence et la continuité des soins au centre de nos préoccupations. Une maternité, un service de pédiatrie, un psychiatre de liaison ne sont pas des options. Ce sont des garanties d'égalité.
Je pense également à la santé mentale et au mal-être des jeunes, qui demeure plus élevé que dans l'Hexagone. La crise que nous traversons est accentuée dans les outre-mer par un manque cruel de moyens et de suivi. C'est une bombe à retardement si nous ne faisons rien. La faiblesse de l'offre amplifie le renoncement aux soins et allonge les délais, alors que la prévention et l'accès rapide à un professionnel de santé doivent redevenir la règle.
Le texte que nous examinons doit prendre en compte les réalités de terrain. Cela vaut pour l'accès aux soins. Cela vaut aussi pour le monde économique. La loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) est un amortisseur des surcoûts structurels et un pilier de l'emploi local, qui conditionne la viabilité des entreprises. La fragiliser, c'est fragiliser le tissu économique de nos territoires.
Si son dispositif doit être simplifié et mieux encadré, pour éviter les erreurs comme les abus, il ne peut faire l'objet d'une réforme contre-productive et menée sans évaluation, territoire par territoire. Surtout, cette réforme ne doit pas entraîner une érosion silencieuse des moyens correspondants. Je vous sais sensible, monsieur le ministre du travail, à cette question.
Puisqu'il sera ici question des retraites, j'ajouterai quelques mots, enfin, pour alerter sur l'accès aux pensions dans les territoires ultramarins. Garantir le versement d'une pension dès la date d'effet de la retraite doit être une formalité, à condition bien sûr que les démarches aient été réalisées dans les temps. Or trop de néo-retraités connaissent un trou de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, entre le versement de leur dernier salaire et leur première pension. Ce problème doit être traité.
L'adoption de ce texte est un préalable à toute politique publique ambitieuse et efficace au service de nos concitoyens. Il doit tenir ses promesses. Le groupe RDPI y veillera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous avons au moins un point d'accord avec la majorité sénatoriale : depuis des années, nous affirmons qu'il faut ramener la branche maladie à l'équilibre.
Nous convenons donc qu'il n'est pas possible de conserver un déficit de 24 milliards d'euros et qu'il faut plutôt le ramener autour de 15 milliards d'euros cette année. Mais nous ne reprochons pas cet état de fait à l'Assemblée nationale, puisque celle-ci n'est pas allée au bout de l'examen du PLFSS ; on ne peut donc pas lui imputer le déséquilibre. En revanche, nous devons, nous, nous donner les moyens de revenir à l'équilibre.
Nos pistes sont très claires et n'ont pas changé.
Premièrement, nous ne voulons pas de déremboursements. Car derrière la novlangue des forfaits de responsabilité ou des franchises médicales, c'est bien de cela qu'il s'agit. Ce sont les assurés sociaux qui sont visés, ce sont eux qui paient la facture. Il faudra m'expliquer en quoi un patient épileptique serait responsable du fait qu'il doit prendre des médicaments contre sa maladie.
M. Patrick Kanner. Exactement !
M. Bernard Jomier. Ces forfaits de responsabilité constituent une atteinte à la sécurité sociale.
Deuxièmement, nous voulons traquer plus efficacement les dépenses inutiles, car il en existe. Et je reconnais qu'il y a, dans ce texte, une esquisse en ce sens. Mais celle-ci, qui vise les rentes, est mal calibrée. Elle l'est parce qu'elle ne sélectionne pas les acteurs et risque ainsi de viser des structures qui dégagent certes des bénéfices importants, mais qui ne sont ni des acteurs financiers, ni des acteurs frauduleux, ni des acteurs abusant de la sécurité sociale.
L'intention du Gouvernement devrait nous conduire à une lutte plus efficace contre les acteurs financiers, qui, eux, considèrent la sécurité sociale comme un open bar, et que nous appelons à combattre – je salue, sur ce point, les propos du vice-président de la commission des affaires sociales. Or le texte reste embryonnaire sur la question.
Troisièmement, oui, nous voulons majorer les recettes, et cela de plusieurs façons.
Tout d'abord, en rétablissant progressivement, sur quelques années, les sources de financement de la sécurité sociale qui ont été pillées par l'État. Je salue la position de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales sur l'article 12 : en effet, il n'est pas acceptable que l'État transfère encore 3 milliards d'euros vers son budget, au détriment de la sécurité sociale. Mais il n'y a pas que cela.
Ensuite, il nous faut également solliciter les plus fortunés et les revenus du capital. À cet égard, la hausse d'un point de CSG que nous avons proposée n'a rien d'excessif. Je regrette que la majorité sénatoriale tire un trait sur cette recette.
Par ailleurs, quelles réformes structurelles nous proposez-vous dans ce PLFSS ? Bien sûr, nous débattons de finances, mais il faut aussi discuter de la manière dont nous transformons notre système de santé. S'agissant de la territorialisation, le dispositif France santé est, à tout le moins, un cafouillage total. Nous souscrivons aux propos de la rapporteure Corinne Imbert, qui estime que, en l'état, cet article ne doit pas être maintenu dans le projet de loi.
Que veut faire le Gouvernement avec les départements, avec l'État ? Nous n'y comprenons rien, je vous le dis clairement ! Les propos du Premier ministre indiquant que l'on va confier la santé aux préfets nous interrogent fortement : les préfets, c'est la centralisation sans la compétence sanitaire ! Une telle réforme n'apporterait aucun progrès par rapport aux agences régionales de santé (ARS). Je vous invite d'ailleurs à lire attentivement la tribune publiée par onze anciens ministres de la santé appelant le Gouvernement à ne pas s'engager dans cette voie.
En matière de prévention, d'ordinaire, les ministres de la santé arrivent devant le Parlement après des arbitrages interministériels qui leur permettent d'obtenir des avancées, que ce soit sur l'alcool, le tabac ou l'alimentation. Ici, rien ! Rien, rien et encore rien !
Pis, nous apprenons que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui est une agence fondamentale de prévention, est délibérément décapitée par le Gouvernement. Son directeur général n'a pas été autorisé à exercer l'intérim, contrairement à la tradition. Il n'y a donc plus de directeur général, et la directrice générale adjointe est renvoyée à son corps d'origine. Le Gouvernement punit clairement l'Anses, qui a été en pointe pour défendre les Français contre un certain nombre de pollutions.
M. Patrick Kanner. C'est scandaleux !
M. Bernard Jomier. Voilà qui montre, décidément, que vous êtes fâchés avec la prévention, chers collègues de la droite sénatoriale. Ce n'est pas ainsi que nous remettrons notre système de santé sur de bons rails. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, « Attendre fait mal. Oublier fait mal. Mais ne pas savoir quelle décision prendre est la pire des souffrances. » Cette phrase du romancier Paulo Coelho résume parfaitement le diagnostic sur les budgets de la sécurité sociale que nous examinons année après année.
Chaque fois, les mêmes débats reviennent. Chaque fois, nous temporisons, nous ajustons à la marge. Et pendant ce temps, le rouleau compresseur de la dépense publique poursuit inexorablement sa trajectoire.
Le déficit social est passé de 15,3 milliards d'euros en 2024 à 23 milliards d'euros en 2025, soit une hausse de 50 % en un an. Nous ne pouvons plus, nous ne devons plus voter des budgets en déficit, sauf à accepter la mort programmée de notre modèle social. Voilà où nous ont menés le statu quo et les renoncements.
Le temps presse, et il est devenu notre pire ennemi. Car si nous ne choisissons pas aujourd'hui de dépenser moins, mais de dépenser mieux, nous n'aurons plus demain les moyens de financer la santé, les retraites, la politique familiale, l'autonomie, bref tout ce qui fonde notre pacte social. Notre première responsabilité est donc de retrouver la maîtrise de nos dépenses, de rationaliser chaque euro dépensé.
En ce qui concerne la branche maladie, tout d'abord, le PLFSS fixe pour 2026 l'Ondam à 270 milliards d'euros, en hausse de 1,6 %. C'est un effort important, même si cette progression est plus faible que la croissance naturelle des dépenses de santé, estimée à plus de 4 %.
Nous notons des économies, avec l'extension des participations forfaitaires et des franchises, le recentrage vers les soins les plus efficients, la maîtrise des arrêts de travail, la régulation des secteurs financiarisés – notamment les soins dentaires et l'imagerie –, la lutte contre les rentes médicales et la maîtrise des dépassements d'honoraires.
L'efficience passe aussi par une simplification du financement hospitalier. L'article 22 engage quelques évolutions bienvenues, pour contenir des déficits hospitaliers, qui atteindraient près de 3 milliards d'euros en 2025.
Tout cela va dans le bon sens, mais l'équilibre budgétaire ne pourra être retrouvé sans réforme structurelle. Il faut soigner le système, pas seulement les symptômes. Nos hôpitaux publics demeurent par exemple suradministrés, avec 34 % de personnels non soignants, contre 20 % en Allemagne.
Dépenser moins, c'est aussi prévenir davantage. Le PLFSS 2026 comporte quelques mesures, encore timides, pour renforcer la prévention.
Ainsi, l'article 19 crée des parcours pour les personnes à risque d'affections de longue durée (ALD) et prolonge l'expérimentation des haltes soins addictions (HSA). L'article 21 quinquies autorise le remboursement de séances de guidance parentale pour les familles d'enfants présentant des troubles du neurodéveloppement.
Une politique de prévention ambitieuse permettrait pourtant d'économiser plusieurs milliards d'euros à long terme. En matière sanitaire, la prévention devrait être l'une des rares sources d'endettement acceptables. Nous pouvons à ce titre regretter que la santé mentale, grande cause nationale, n'ait pas vu ses moyens suffisamment renforcés.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles, longtemps excédentaire, basculerait, elle aussi, dans le rouge, avec près de 1 milliard d'euros de déficit en 2026. Cette dérive s'explique principalement par la hausse structurelle des indemnités journalières. L'article 28 répond à cette évolution en limitant à quatre ans la durée maximale de versement de ces indemnités. Cette mesure mettra fin à des situations d'arrêts très longs, durant parfois plus de dix ans.
Le second défi est démographique : comment maintenir des solidarités durables ? Les fondamentaux de notre modèle de protection sociale reposent sur le temps long, marqué par le vieillissement, la natalité, la dépendance. Or une solidarité non financée aujourd'hui, c'est une solidarité sacrifiée demain. Un euro de dette aujourd'hui, c'est deux euros payés par nos enfants demain.
La branche vieillesse restera déficitaire en 2026, à hauteur de 6,5 milliards d'euros. Dans ce contexte, le gel des pensions dans le cadre d'une année blanche, initialement proposé par le Gouvernement, serait un acte de responsabilité, pour une économie de 2,7 milliards d'euros. Sur ce point, nous pourrons nous accorder sur le compromis proposé par la commission.
Par ailleurs, l'article 43 clarifie un dispositif du cumul emploi-retraite devenu illisible et source d'effets d'aubaine. Celui-ci sera désormais plafonné avant 67 ans, avec un écrêtement des pensions au-delà d'un certain seuil. Cette simplification doit inciter à prolonger l'activité, et non encourager les départs anticipés.
Dans la même logique, la suspension de la réforme des retraites devra être annulée. En effet, travailler plus longtemps, lorsque c'est possible, contribue à la survie de notre système par répartition.
Un autre choc démographique dont on parle peu est le déclin de la natalité. La baisse du taux de fécondité, tombé à 1,6 enfant par femme, son plus bas niveau depuis la guerre, constitue une véritable bombe à retardement. Moins de naissances, c'est moins de cotisations pour demain.
Le PLFSS remédierait prétendument à cette situation par la création d'un congé supplémentaire de naissance, à son article 42. Or cette mesure essentiellement symbolique ne traite pas les causes profondes du recul des naissances, souvent éthiques ou existentielles. De surcroît, ce symbole coûte 300 millions d'euros, qui auraient sans doute été mieux investis dans le mode de garde que dans quelques jours de congé supplémentaires.
Par ailleurs, le désir de fonder une famille ne saurait être encouragé que si l'on prend également soin des personnes dépendantes. Nous nous réjouissons, pour la branche autonomie, que la commission partage notre souhait de rejeter l'article 38, qui instaure un principe de subsidiarité entre l'indemnisation civile du préjudice et les prestations de compensation.
Nous saluons également les mesures contenues dans l'article 36, qui concerne le financement des établissements accueillant des enfants et des jeunes en situation de handicap, ainsi que dans l'article 37, qui permet à la CNSA de compenser le surcoût de la prime Ségur pour les départements, apportant une réponse à une impasse budgétaire qui fragilisait le secteur médico-social.
Mes chers collègues, le budget transmis par l'Assemblée nationale n'est pas acceptable en l'état. Il revient à la Haute Assemblée de faire le ménage, ce pour quoi certains sortiront le balai, d'autres la tronçonneuse. Le groupe Union Centriste défendra la baisse de la dépense et pourra soutenir un budget proche de celui que propose notre commission. Nous privilégions donc le balai…
Nos trois points-clés de vigilance concerneront les amendements nos 126 rectifié quinquies, 128 rectifié septies et 572 rectifié septies. Le premier a pour objet de rétablir le gel de toutes les prestations sociales, à l'exception de l'allocation aux adultes handicapés et des pensions inférieures à 1 400 euros. Le deuxième tend à supprimer la suspension de la réforme des retraites. Enfin, le troisième vise à accroître de douze heures la durée annuelle de travail, sans effet sur la durée hebdomadaire, afin de dégager un rendement supérieur à 10 milliards d'euros.
En effet, l'équilibre de notre régime assurantiel est l'unique garantie donnée aux Français de pouvoir conserver durablement leurs droits.
Chaque jour d'inaction creuse le déficit : le temps est notre ennemi. Utilisons celui qui nous est imparti pour rationaliser les dépenses d'aujourd'hui et préserver la solidarité de demain. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)