M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Madame la ministre, par cohérence, vous auriez plutôt dû demander le retrait de ces amendements de suppression afin de permettre un compromis.

Ce débat est particulièrement éclairant. Lors des discussions que nous avons eues hier, il est apparu – assumez-le, mes chers collègues ! – que vous souhaitiez faire porter l'effort de redressement des comptes publics sur les plus fragiles, ainsi que sur les travailleurs.

Alors que vous êtes censés défendre les travailleurs, vous défendez de fait et de manière entêtée les profits et le capital. Pourtant, les revenus du capital ont explosé ces dix dernières années. Ce sont eux qui ont le plus augmenté ! Vous ne souhaitez pas y toucher, vous êtes cohérents.

Par cohérence toujours, vous soutenez la politique économique qui est menée depuis huit ans : la politique de l'offre. D'ailleurs, cette politique a été conduite par l'un des vôtres au ministère de l'économie et vous ne souhaitez pas la remettre en cause. Voilà qui me semble très éclairant !

Finalement, vous ne souhaitez pas remettre en cause l'augmentation de la dette – l'explosion, devrais-je dire ! –, qui s'explique par des décisions de baisses massives d'impôts au bénéfice des plus riches. Vous devez endosser la responsabilité de cette politique à laquelle vous avez participé. Aujourd'hui, vous proposez toujours les mêmes solutions, qui ont pourtant conduit le pays dans les difficultés budgétaires que nous connaissons.

Pour notre part, nous souhaitons rétablir les comptes publics, mais dans un esprit de justice. Ceux qui ont le plus bénéficié de ces évolutions au cours des dernières années doivent contribuer le plus.

Il faut être honnête : il est question d'augmenter de 1,4 point le taux de la CSG, alors que, ces dernières années, les taux de rendement ont dépassé les 10 % pour le capital. La hausse ne serait que de 1,4 point et, pourtant, vous la refusez !

C'est une forme de déni, c'est même un contresens économique et cela alimente l'injustice fiscale. Tant que vous défendrez un budget injuste, le pays ne pourra pas vous approuver !

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. L'intervention de notre collègue Martin Lévrier est, à mon sens, symptomatique et significative. Voilà un membre de la majorité présidentielle qui reconnaît, d'une certaine façon, qu'il y a eu des injustices et qu'il est peut-être temps de les corriger.

Dans les arguments qui ont été avancés ce matin, certains ont parlé d'idéologie. Mais, mes chers collègues, en matière d'idéologie, nous n'avons de leçons à recevoir de personne !

Madame la rapporteure générale, je vous ai écoutée attentivement, mais je n'ai rien entendu qui justifierait de taxer les revenus modestes, comme la majorité sénatoriale l'a décidé hier, et de ne pas taxer un tout petit peu le capital. Vous nous dites simplement que cela ne correspond pas à vos idées politiques – je ne parle pas d'idéologie –, mais quels sont vos arguments de fond ?

Et d'ailleurs, êtes-vous vraiment à l'écoute du pays ? De la gauche aux extrêmes, chacun se rejoint sur l'idée que tout le monde doit participer à l'effort, surtout les plus aisés et ceux qui perçoivent des revenus du capital. Il existe une poche de résistance : la majorité sénatoriale.

Certes, au Sénat, mes chers collègues, vous êtes largement majoritaires, mais vous ne l'êtes pas dans le pays ! Le projet que vous défendez aujourd'hui est l'antithèse de ce que veulent 75 % des Français. J'aimerais donc avoir un peu plus d'explications.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. J'ai lu, dans un grand journal du matin, Le Figaro pour ne pas le citer, des mots qui peuvent surprendre dans la bouche de membres de la majorité sénatoriale, y compris dans celle du Président du Sénat. Il est question d'« hystérie fiscale », de « karchérisation » du travail de l'Assemblée nationale…

Manifestement, nous allons assister au deuxième acte de cette karchérisation, à moins que nous ne puissions vous convaincre. En tout cas, c'est vous qui faites preuve d'une hystérie et elle est tournée contre la justice fiscale. C'est clair ! Et la suite de la discussion sur cette partie du PLFSS le démontrera encore.

Je ne sais pas si je parviendrai à vous convaincre, mais je voudrais vous donner des éléments qui figurent dans un rapport de l'Insee qui est paru le 18 novembre dernier. Celui-ci révèle que, en 2022, les 0,1 % de Français les plus aisés gagnent en moyenne 167 fois plus que le quart des foyers les plus modestes. Oui, mes chers collègues, vous avez bien entendu ! Cette strate regroupe 40 700 foyers, des personnes très aisées qui ont gagné au moins 463 000 euros et en moyenne 1 million d'euros.

Mais il est encore plus intéressant de comprendre d'où vient leur argent : il provient pour moitié des dividendes et des recettes tirées des actifs financiers – c'est-à-dire les revenus visés par l'article 6 bis adopté à l'Assemblée nationale – et pour 38 % seulement des traitements, des salaires et des retraites.

Doit-on en déduire, mes chers collègues, que vous préférez la rente au travail ? (MM. Daniel Fargeot et Vincent Delahaye protestent.) Vos amendements de suppression traduisent une préférence claire pour la rente par rapport au travail.

Nous, au contraire, nous préférerons toujours défendre les plus modestes face à l'incurie budgétaire qui est celle des gouvernements successifs depuis huit ans.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. À titre personnel, je serai obligée, une fois n'est pas coutume, de voter contre l'amendement de la commission, car je souhaiterais que nous discutions ensuite de la réécriture de l'article. (M. Martin Lévrier apprécie.)

Toutefois, je souhaiterais avoir des précisions qui peuvent être utiles pour la suite de nos débats. Imaginons que nous ne votions pas les amendements de suppression, que la discussion se poursuive, mais que nous n'adoptions pas non plus les amendements de réécriture et que nous rejetions finalement l'article : que se passerait-il ?

N'étant pas une experte en légistique, j'aimerais savoir s'il existe une différence entre voter un amendement de suppression et voter contre l'article à la fin de son examen ?

M. Daniel Fargeot. Bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il existe une différence, qui apparaîtrait seulement dans le cas où, pour des raisons de délais d'examen, le Gouvernement devait utiliser l'article 47-1 de la Constitution et transmettre à l'Assemblée nationale le texte sans qu'il ait pu être adopté par le Sénat.

Dans cette situation, puisque nous nous sommes engagés à transmettre le texte avec les amendements adoptés, un article supprimé par amendement ne figurerait pas dans la navette, tandis qu'un article rejeté par un vote à l'issue de son examen y figurerait.

Ainsi, le texte qui vous a été transmis contient des articles qui n'ont pas été adoptés ; c'est parce qu'ils n'ont pas été supprimés par voie d'amendement.

Toutefois, comme il n'est pas prévu, me semble-t-il, que le Sénat ne travaille pas dans les temps, il ne devrait pas y avoir de différence.

C'est une petite subtilité qui est apparue dans le contexte que nous connaissons et qui découle de la procédure parlementaire. À l'Assemblée nationale, certains députés se sont posé la même question. C'est pourquoi j'ai souhaité, en toute transparence, vous apporter cette réponse.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, la CSG n'a jamais été le meilleur vecteur de financement de la sécurité sociale. Malgré tout, nous voterons bien évidemment contre ces amendements de suppression.

Je voulais, moi aussi, évoquer l'étude de l'Insee parue cette semaine, qui fait suite à de très nombreuses autres études qui montrent que les Français les plus riches se portent de mieux en mieux dans notre pays. Le chiffre a été évoqué : les 0,1 % des Français les plus aisés gagnent en moyenne 167 fois plus que le quart des foyers les plus modestes !

Il me semble que cela constitue un problème pour notre pacte républicain. Quand un pays a pour devise « Liberté, Égalité, Fraternité » et est bâti sur ces valeurs, un tel niveau d'inégalité pose un problème profond. Je m'adresse particulièrement à tous ceux qui sont prompts à convoquer la République dans leurs discours, mais qui, peut-être, n'en mesurent pas tous les fondements.

Que révèle également cette étude de l'Insee ? On entend parfois dire, dans cet hémicycle, qu'il existerait une immense pression fiscale qui empêcherait l'investissement, que l'on a besoin des plus fortunés parce que leur richesse est destinée à ruisseler sur la société, etc. Vous connaissez tous ce discours, mes chers collègues, même s'il est quelque peu éculé.

Les conclusions de l'Insee sont très éloignées de ce discours : l'étude montre en effet que les réformes mises en œuvre depuis qu'Emmanuel Macron est Président de la République ont fait baisser le taux d'imposition des plus riches.

Par conséquent, lorsque vous proposez d'aggraver les choses pour les Français les plus modestes, cela me semble insupportable, car, dans le même temps, pour les plus riches, on adoucit tout !

Enfin, la rapporteure générale nous a expliqué que la majorité sénatoriale souhaitait supprimer cet article simplement parce qu'il ne correspond pas aux propositions présentées par la majorité au Premier ministre. Avec tout le respect que je vous porte, vous auriez aussi bien pu nous dire : on n'est pas d'accord parce qu'on n'est pas d'accord ! Cela aurait été du même acabit. Ce débat est nécessaire et il faut que chacun argumente avec sérieux.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je suis étonné à double titre.

Tout d'abord, étant plutôt un libéral social, mais avant tout un libéral, je suis étonné quand la majorité sénatoriale, après avoir expliqué, dans cet hémicycle, que son objectif était d'atteindre un déficit de 18 milliards, refuse un amendement qui permet de le réduire à 15 milliards. Il faudrait en rester à 18 milliards… Voilà qui m'épate !

Si j'étais un élu de droite, je viserais évidemment le déficit le plus bas possible ! Or, voilà qu'on vous propose, mes chers collègues, de réduire le déficit, et vous refusez. « Surtout pas ! », vous entend-on dire. Vous prétendez être de bons gestionnaires, mais il ne faudrait surtout pas adopter une telle mesure… Je ne comprends pas ! (M. Alexandre Ouizille applaudit.)

Ensuite, dans la discussion générale, tous les orateurs ont évoqué la solidarité. Or c'est un mot que je n'ai pas entendu aujourd'hui, et cela me pose un problème, car la sécurité sociale constitue le fondement même de la solidarité dans notre pays.

Je ne veux ni taper sur les riches ni agonir les pauvres. Je veux simplement que tout le monde soit solidaire. Le patron de TotalEnergies, qui gagne très bien sa vie, a dit, il y a quelques jours, qu'il était prêt à faire davantage d'efforts. J'ai entendu nombre de gens qui gagnent beaucoup d'argent dire qu'ils étaient prêts à faire des efforts. Saisissons cette main tendue, car il est très important d'équilibrer les efforts que nous demandons. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Je souscris aux propos de la ministre : l'ordonnancement du débat ne permet pas, dans la mesure où les amendements de suppression sont examinés en premier, de parvenir à un compromis ou à un équilibre, que nous essayons les uns et les autres d'atteindre, comme ce fut le cas à l'Assemblée nationale. Cela permettrait pourtant d'avancer un petit peu.

Nos collègues de l'Assemblée nationale ont proposé, dans cet article 6 bis, d'augmenter de 1,4 point la CSG. Il ne s'agit nullement, comme l'a dit Mme la ministre, de toucher à l'outil de travail. Cette mesure ne devrait donc pas provoquer les frayeurs qu'a suscitées la taxe Zucman.

On comprend bien que la ligne de la majorité de la commission consiste à appliquer les propositions du budget LR, sans que nous puissions en discuter. Je sais que les Républicains sont, dans cette assemblée, extrêmement majoritaires, mais le rôle du Sénat n'est pas d'approuver purement et simplement le budget qu'ils proposent, ni de suivre leur dogme.

Ils ne cessent d'évoquer la responsabilité, le partage des efforts. Or c'est ce que nous vous proposons ! Il ne faut pas toujours frapper sur les plus vulnérables et les plus faibles. Les efforts doivent être partagés avec ceux qui sont un peu plus aisés. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)

Comme Monique Lubin l'a rappelé, vous allez à l'encontre de ce que souhaite une très large majorité de Français, qui réclame justice fiscale et sociale. L'adoption de ces amendements de suppression couperait la voie à cette aspiration.

M. Lévrier a eu raison de parler de solidarité. C'est bien l'enjeu de notre débat ce matin.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Nous avons beaucoup entendu parler de responsabilité ; j'ai donc un petit peu de mal à comprendre la position du groupe Les Républicains.

Nous comprenons bien ce que vous souhaitez faire. Vous avez employé des mots parfois assez durs : « karcher », « nettoyage » et d'autres termes que je ne citerai pas. Vous souhaitez faire adopter le budget LR, alors que votre groupe ne dispose que d'une quarantaine de députés à l'Assemblée nationale. Il me semble que, dans la séquence politique dans laquelle nous nous trouvons, ce n'est pas responsable.

Oui, nous avons besoin de faire des compromis, mais nous avons surtout besoin de justice fiscale. Chacun le perçoit, mais peut-être, mes chers collègues, ne vivons-nous pas dans le même pays… Je ne sais pas si vous les entendez, mais les Françaises et les Français ne demandent qu'une chose : de la solidarité, de la justice fiscale et un partage des efforts.

Or vous leur proposez totalement l'inverse ! Les idéologues, en fait, c'est vous ! Vous restez campés sur vos positions. Vous ne souhaitez pas faire de pas vers des propositions visant à renforcer la solidarité. Vous avez toujours le même refrain : taxer les pauvres pour aider les pauvres riches ! (Mme Anne-Marie Nédélec proteste.) Voilà qui est un peu court et il va certainement falloir évoluer.

Que demandons-nous ? Une hausse de 1,4 point du taux de la fiscalité sur les revenus du capital.

Écoutez notre collègue Martin Lévrier qui, lui, a été capable de changer, de prendre la mesure de la transformation de notre pays et de comprendre pourquoi il était nécessaire d'évoluer. (M. Martin Lévrier se récrie.). C'est, pour reprendre des mots que vous utilisez très souvent, de la sagesse, du bon sens.

Par conséquent, je vous invite à revenir sur votre position. Soyez responsables !

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Il y a quelque chose d'un peu agaçant dans nos travaux. Ils ont été organisés de manière très simple. Un vote, ou plutôt un non-vote, a eu lieu à l'Assemblée nationale et un texte nous a été transmis avec un certain nombre de mesures de recettes.

Au Sénat, l'idée est d'aller très vite pour faire adopter le budget du groupe Les Républicains. Certains seraient même heureux de réunir une commission mixte paritaire dans l'heure qui suit la fin de nos travaux, voire même avant… (Sourires.) Voilà, il est vrai, qui serait encore mieux ! Ce serait plus expéditif et l'on n'en parlerait plus.

Tout cela aboutit quand même à mettre en cause l'utilité de nos débats. Je crois qu'il faut sortir des postures. Il est extraordinaire d'entendre certains qualifier l'article 6 bis de mesure idéologique, car s'il existe des positions qui sont purement idéologiques, ce sont bien celles que la majorité sénatoriale défend aujourd'hui. C'est affiché et extrêmement clair !

Lorsque, en guise de réponse, on entend : « on a élaboré un budget avec un déficit de 18 milliards d'euros, et pas moins », les bras nous en tombent ! Il est quand même invraisemblable de refuser de descendre le déficit à 15 milliards au motif qu'on a prévu 18 ! Chacun sait bien que, dans les années qui viennent, il faudra continuer à faire des efforts, si l'on veut atteindre l'équilibre budgétaire.

J'ose espérer, madame la rapporteure générale, que vous avez été prise de court par la question, mais, de grâce, reprenez-vous et acceptez cette proposition.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Claude Raynal. Enfin, en ce qui concerne l'assurance vie, on peut se dire, quand on connaît le fonctionnement de ce secteur, que cette hausse n'aura, sans doute, même pas d'impact pour les détenteurs de contrats, vu les rendements qui sont servis.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Je conçois que l'on puisse avoir des désaccords sur la façon d'envisager l'effort, la contribution, la justice fiscale ou la justice sociale, mais je ne comprends pas l'argumentation économique développée par la droite.

D'abord, j'entends très souvent dire, par des personnes de droite, qu'un bon impôt doit avoir une assiette large et un taux faible. C'est le cas, en l'occurrence !

Ensuite, les auteurs de ces amendements craignent que les entreprises soient fragilisées. Mais, de quoi parlons-nous ? On parle principalement de la fiscalisation des revenus de l'épargne.

Je rappelle que l'encours moyen des livrets A est de 7 000 euros. Le niveau moyen d'épargne des contribuables du neuvième décile s'élève à 750 000 euros, il est à 2 millions pour les Français du dernier décile. Or cette épargne-là n'est pas placée sur un livret A ou sur un livret de développement durable et solidaire, sur lesquels les Français mettent leur argent.

Cette épargne est notamment investie, comme le disait le président de la commission des finances, dans des contrats d'assurance vie. Un tiers de l'épargne des Européens sert à acheter de la dette américaine. Taxer davantage ce qui finance la dette américaine, n'est-ce pas une bonne politique économique ? Pour ma part, j'estime que si.

En revanche, lors de l'examen du projet de loi de finances, nous déposerons des amendements afin notamment de renforcer l'épargne productive, celle qui vise à soutenir l'activité des entreprises.

Lorsque l'on refuse de taxer davantage l'épargne qui dort ou qui sert à financer les économies de pays étrangers, je suis sincèrement scotché – permettez-moi d'employer ce terme ! Une hausse de 1,4 point du taux de la CSG ne me paraît pas être de nature à empêcher les mouvements sur les marchés financiers.

Soyons, mes chers collègues, raisonnables et crédibles !

M. le président. Il reste plusieurs orateurs inscrits. Je vous invite, mes chers collègues, à respecter le temps de parole qui vous est imparti.

Mme Laurence Rossignol. C'est un débat sérieux, prenons le temps nécessaire ! Ne nous mettez pas la pression ! (Mme Catherine Di Folco s'en agace.)

M. Stéphane Piednoir. Il faut respecter le règlement !

M. le président. Tous ceux qui le souhaitent pourront évidemment s'exprimer, mais chacun doit respecter le règlement du Sénat.

La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris.

« Il est terrible

« Le petit bruit de l'œuf dur cassé sur un comptoir d'étain

« Il est terrible ce bruit

« Quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim. »

Merci, monsieur Lévrier, d'avoir parlé de solidarité. Il était temps ! J'aimerais bien que le Gouvernement en parle aussi et peut-être assisterons-nous alors à une petite révolution.

Au terme d'un long débat, l'Assemblée nationale, éclairée par un avis « de responsabilité » du Gouvernement, a introduit la mesure que vous proposez de supprimer. Il s'agit – cela a déjà été évoqué à de nombreuses reprises, mais il convient de le rappeler – de porter le taux de la CSG sur les revenus du capital de 9,2 % à 10,6 %.

À entendre certains, nous défendrions la collectivisation de l'ensemble des moyens de production. Mais réveillez-vous ! Nous ne demandons qu'un effort supplémentaire de 1,4 point. Je vous rappelle par ailleurs qu'une telle augmentation a été soutenue, voilà près de vingt ans, par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, sous la présidence de Jacques Chirac.

Mes chers collègues de la droite de cet hémicycle, seriez-vous toutes et tous ralliés à la politique de l'offre ? Où sont les tenants de la droite sociale ?

Supprimer cet article, c'est creuser le déficit de la sécurité sociale de près de 3 milliards d'euros. Est-ce votre objectif ? Évidemment, le groupe écologiste votera contre ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Si nous votons ces amendements de suppression, nous rayons d'un trait de plume 2,6 milliards d'euros, ce qui a de quoi inquiéter pour la suite de nos débats.

Mme la ministre a dit tout à l'heure que la majoration avait été intégrée à l'Assemblée nationale pour compenser la suspension de la réforme des retraites, …

Mme Laurence Rossignol. Pas seulement !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je n'ai pas dit cela !

Mme Marion Canalès. … une suspension dont le coût prévisionnel doit être pris en compte autrement si cet article est supprimé.

Nous avons besoin de cet argent pour rétablir l'équilibre de nos comptes sociaux. Ce rééquilibrage doit se faire par différentes voies. Comme M. Jomier l'a dit lors de la discussion générale, l'accent doit être mis sur la prévention, ce qui n'est pas au cœur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et nous l'avons regretté à différentes reprises.

Ce rééquilibrage passe également par la perception de recettes nouvelles. Or, lorsque nous proposons certaines recettes, notamment via la fiscalité comportementale, vous dénoncez une prétendue hystérie fiscale.

Enfin, il passe par la réduction des dépenses. C'est ce point, évidemment, qui est privilégié ici, dans cet hémicycle.

Aujourd'hui, je le répète, rayer d'un trait de plume ces 2,6 milliards d'euros me paraît insupportable pour la suite de nos débats.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Il y a deux sujets dans notre discussion : un sujet de responsabilité ou plutôt d'irresponsabilité politique, que tout le monde a bien en tête – ceux qui choisissent l'irresponsabilité savent parfaitement ce qu'ils font – ; et un sujet de politique sociale et fiscale.

Essayons de nous émanciper des questions idéologiques et prenons les chiffres. L'Insee a publié hier son analyse. Le constat est simple : le versement des dividendes et la baisse du taux d'imposition ont dopé les hauts revenus.

Si cette augmentation des hauts revenus avait entraîné une augmentation des revenus de tous, à la limite, nous ne nous en émouvrions pas. Nous nous en féliciterions même. Le problème est qu'elle s'est en même temps accompagnée d'une baisse des revenus des plus défavorisés et des plus pauvres. C'est bien l'objet de notre discussion d'aujourd'hui.

Nous vous proposons, par la fiscalité du capital, de corriger ce que l'Insee constate, à savoir que c'est l'augmentation des dividendes et la baisse du taux d'imposition des plus riches qui entraînent cet accroissement des inégalités au détriment des plus pauvres.

Madame la rapporteure générale, soyez sincère, au moins dans l'objet de votre amendement. Qu'écrivez-vous ? « La commission considère que la réduction du déficit doit porter sur la maîtrise des dépenses. » Cette formule – la maîtrise des dépenses –, c'est comme les « techniciens de surface » pour désigner les gens qui font le ménage. Ce n'est pas de la maîtrise des dépenses. Soyez courageuse, écrivez plutôt : « La baisse des prestations versées aux assurés sociaux et aux allocataires ne doit pas s'interrompre, parce que nous préférons privilégier le maintien des revenus des catégories les plus aisées de ce pays, au détriment des autres. » (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

C'est ainsi qu'il faut rédiger votre objet : cette précision sera utile, dans le futur, lorsque les historiens chercheront à comprendre comment nous avons pu prendre de telles décisions politiquement et socialement indéfendables. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis d'accord avec Mme la ministre, cela n'a rien à voir avec le décalage de la réforme des retraites ; nous en reparlerons.

Pour notre part, nous faisons la même proposition depuis cinq ans. Il s'agit tout simplement de justice fiscale.

Je tiens à dire, pour rassurer la droite, que le rendement du capital a augmenté largement plus vite que la richesse nationale mesurée par le PIB. C'est un problème.

On nous a dit que, si les dépenses de santé augmentaient plus vite que le PIB, elles allaient absorber tout le gain de croissance.

Là, c'est la même chose : le rendement du capital augmente beaucoup plus vite depuis l'arrivée de M. Macron, ce qui tend à transformer les plus riches en rentiers et à obérer l'avenir. Jamais dans ce pays les inégalités de patrimoine n'ont tant explosé. La France est dorénavant un pays de rentiers, ce n'est un pays productif. Non, cette mesure ne touchera pas ceux qui investissent, elle touchera ceux qui touchent des dividendes.

Madame la rapporteure générale, le Gouvernement vous a écoutée. Sur 11 milliards d'euros d'efforts, 9 milliards portent sur les dépenses et 2 milliards sur les recettes.

Toutefois, par le passé, vous le savez, la sécurité sociale n'a jamais été équilibrée de cette manière. Jusqu'en 2014, date de l'arrivée de M. Macron à la tête du ministère de l'économie, il y a toujours eu des efforts équilibrés entre les recettes et les dépenses. Or M. Macron, non seulement n'a pas augmenté les recettes, mais il les a même baissées par des cadeaux fiscaux.

Enfin, de quelle maîtrise des dépenses parlons-nous ? Certaines mesures de ce type ont le même effet qu'une augmentation de recettes. Pour une bonne maîtrise, il faut encourager des baisses durables et non transférer des dépenses vers les ménages.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Madame Rossignol, il n'y a pas la responsabilité d'un côté et l'irresponsabilité de l'autre. Vos leçons de responsabilité, gardez-les pour vous ! Nous vous en serons reconnaissants. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

Seconde mise au point : il s'agit non pas d'une proposition « LR », mais d'une proposition de la majorité sénatoriale, qui a été exprimée par Gérard Larcher lors d'une rencontre avec François Bayrou cet été.

Quel a été notre raisonnement ? Le mal dont souffre le pays est avant tout un excès de dépenses et un excès d'endettement. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Et d'un déficit de recettes !

M. Olivier Henno. Il est légitime de poser la question de la justice fiscale. Vous avez d'ailleurs parfaitement réussi à le faire, puisque vous avez inversé les termes du débat et mis cette question au cœur de nos discussions.

Cependant, j'y insiste, les maux de notre pays résident dans le niveau de dépenses et de dette. Par conséquent, la priorité est de faire des économies et de réguler la dépense publique. Voilà l'architecture de notre réflexion. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Patrick Kanner. Sur le dos de qui ?

M. Olivier Henno. À chaque instant, nous devons avoir cette obsession.

Pourquoi la France en est-elle là ? Parce qu'à chaque fois que nous avons eu des débats sur les finances publiques, la variable d'ajustement a été l'augmentation des impôts.