Présidence de M. Pierre Ouzoulias
vice-président
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Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-François Humbert, qui fut sénateur du Doubs de 1998 à 2014.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2026
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2026 (projet n° 122, rapport n° 131, avis n° 126).
Dans la discussion des articles, nous en revenons, au sein du titre Ier de la deuxième partie, à l'article 6 bis précédemment réservé.
DEUXIÈME PARTIE (SUITE)
Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'exercice 2026
TITRE Ier (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Article 6 bis (nouveau) (précédemment réservé)
Au 2° du I de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 10,6 % ».
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l'article.
Mme Christine Lavarde. Nous abordons la discussion de l'article 6 bis, introduit à l'Assemblée nationale pour compenser la suspension de la réforme des retraites.
Le groupe Les Républicains est du même avis que Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, qui a déposé un amendement de suppression : cet article n'a pas lieu d'être, puisqu'il n'y a pas lieu de suspendre la réforme des retraites.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Exactement !
Mme Christine Lavarde. Cependant, je souhaite appeler l'attention de chacun sur le fait que, en application des règles légistiques qui organisent nos débats, les autres amendements qui visent à modifier cet article tomberaient avant même d'être débattus si les amendements de suppression étaient adoptés.
Pourtant, certains de ces amendements ont été adoptés par le Sénat l'année dernière. C'est par exemple le cas de mon amendement n° 1627 rectifié bis qui a pour objet de revenir à l'esprit du législateur en matière de fiscalité des revenus du patrimoine pour les travailleurs transfrontaliers.
Historiquement, la fiscalité appliquée aux transfrontaliers pour leurs revenus du capital était identique à celle de leurs voisins travaillant en France, mais certains d'entre eux ont engagé des recours qui ont débouché sur un très long contentieux. Finalement, la Cour de justice de l'Union européenne a donné tort à la France, si bien que, depuis 2017, cette fiscalité est moins élevée pour les transfrontaliers.
L'amendement n° 1627 rectifié bis, associé à un amendement miroir dans le projet de loi de finances pour 2026 visant à compenser la perte pour la sécurité sociale par un transfert de TVA, permet, selon nos calculs, de rapporter à terme 1 milliard d'euros à l'État français.
Il s'agit, en revenant au régime antérieur à 2017, d'appliquer la même fiscalité sur le patrimoine, quel que soit l'endroit où l'on travaille.
Je rappelle que l'État soutient les transfrontaliers en prenant notamment en charge leur assurance chômage lorsqu'ils travaillent dans un pays avec lequel la France n'a pas signé de convention fiscale.
Certes, il est nécessaire de revenir sur la hausse de la fiscalité du capital prévue à l'article 6 bis, mais nous devons être attentifs à la manière dont nous organisons nos débats. J'aimerais donc connaître la position de Mme la ministre, en particulier sur les amendements de réécriture de cet article.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, sur l'article.
M. Vincent Delahaye. Je rejoins Christine Lavarde au sujet de l'ordre de discussion des amendements. J'ai moi-même déposé un amendement de rédaction globale et je voudrais comprendre pourquoi les amendements de suppression sont systématiquement discutés en premier. Est-ce en application du règlement du Sénat ? La logique n'est-elle pas d'aller du général au particulier ? (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)
Je comprends qu'il soit plus aisé, pour accélérer la séance, de discuter prioritairement des amendements de suppression, mais j'aurais préféré que nous examinions les amendements de rédaction globale en premier.
Je profite donc de cette prise de parole pour présenter mon amendement n° 139 rectifié quater, qui risque de ne pas être appelé en discussion.
De même, il serait bon d'étudier l'amendement de Christine Lavarde, dont l'adoption aurait pour effet de rapporter 1 milliard d'euros à l'État.
Si les amendements de rédaction globale devaient ne pas être adoptés, nous pourrions voter ensuite sur les amendements identiques de suppression.
Pour ma part, j'ai cherché à rédiger un amendement allant dans le sens de la valorisation du travail, un objectif que nous affichons tous dans nos déclarations.
Je ne comprends pas bien pourquoi les pensions de retraite comme les revenus de remplacement se voient appliquer des taux de contribution sociale généralisée (CSG) moins élevés que les revenus du travail.
C'est la raison pour laquelle mon amendement tend à réduire le taux de CSG sur les revenus du travail de 9,2 % à 8,3 %, ce qui l'alignerait sur celui des pensions de retraite les plus élevées.
En contrepartie, le taux de CSG sur les revenus de remplacement et sur les revenus des jeux, respectivement de 6,2 % et de 7,2 % – je ne comprends pas non plus pourquoi les revenus des jeux sont moins taxés que les revenus du travail – serait relevé à 8,3 %.
Cette harmonisation irait dans le sens de la valorisation du travail.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l'article.
Mme Annie Le Houerou. Nous sommes favorables au maintien de l'article 6 bis, menacé de suppression par la droite sénatoriale.
Jusqu'en 2018, la CSG sur les revenus du capital était supérieure d'un point à la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement. Depuis lors, plus de 24 milliards d'euros ont manqué à l'État du fait de la baisse de ce taux.
La politique dite de l'offre menée par les gouvernements macronistes successifs a entraîné une perte sèche de 450 milliards d'euros entre 2014 et 2023.
Le montant total des niches qui grèvent le budget de la sécurité sociale s'élève à plus de 100 milliards d'euros, dont environ 35 milliards ne sont pas compensés, selon les estimations de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).
L'augmentation du taux de CSG sur les revenus du capital prévue à l'article 6 bis est donc importante pour les comptes sociaux.
Par ailleurs, l'impact individuel de cette mesure reste faible. Ainsi, pour un plan d'épargne-logement (PEL) dont l'encours serait de 50 000 euros et le taux d'intérêt de 2 %, le rendement annuel passerait de 700 euros à 686 euros, soit une perte de 14 euros.
Pour un contrat d'assurance vie investi dans un fonds en euros de 10 000 euros, le rendement annuel passerait de 248 euros à 244 euros, soit une baisse de 4 euros.
L'affaiblissement et la perte de qualité des services publics, dus à leur sous-financement, minent le consentement à l'impôt.
À l'inverse, une fiscalité juste, condition d'une protection sociale fonctionnelle et de qualité, est la base du bon fonctionnement de notre contrat social.
L'Assemblée nationale a souhaité corriger les inégalités de rente, qui cassent le consentement à l'impôt et la cohésion sociale et qui ne contribuent que faiblement à la croissance. C'est pourquoi elle a adopté l'article 6 bis, qui relève le taux de CSG sur les revenus du capital de 9,2 % à 10,6 %, ce qui représente un gain de 2,66 milliards d'euros pour la sécurité sociale.
Supprimer cet article, c'est ponctionner le pouvoir d'achat de la majorité des Français sans viser les revenus des plus riches. Alors que vous voulez exonérer de cotisations les heures supplémentaires et que vous refusez de mettre à contribution les plus hauts revenus, la proposition adoptée par l'Assemblée nationale est juste et responsable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l'article.
Mme Laurence Rossignol. Il faut prendre très au sérieux les interventions de nos collègues Lavarde et Delahaye. D'abord, parce qu'ils sont connus dans cet hémicycle pour être de bons fiscalistes et des spécialistes des finances publiques, y compris de celles de la sécurité sociale ; ensuite, parce que l'adoption de leurs amendements contribuerait incontestablement à abonder les recettes de la protection sociale.
Vincent Delahaye, ancien vice-président de notre assemblée, sait bien, même s'il fait mine de s'interroger, que les amendements de suppression sont toujours examinés en premier.
Pour ma part, je proposerai à nos collègues une solution pour que leurs amendements soient discutés et, le cas échéant, votés : il suffit de ne pas adopter l'amendement de Mme Doineau et les trois autres amendements de suppression. J'ajoute que, selon toute vraisemblance, ces amendements ne devraient pas survivre à la navette parlementaire. (Très bien ! sur des travées du groupe SER.)
Mes chers collègues, rejetez l'amendement Doineau, défendez vos amendements et nous pourrons travailler ensemble ! (Murmures.)
M. Claude Raynal. Très bien !
M. Martin Lévrier. Exactement !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Bien vu ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, sur l'article.
M. Daniel Fargeot. Remettons l'église au centre du village !
Mme Laurence Rossignol. La mairie plutôt !
M. Daniel Fargeot. Aujourd'hui, les revenus d'activité sont assujettis à la CSG au taux de 9,2 %. Je voudrais que l'on m'explique pourquoi, alors que nous cherchons des recettes supplémentaires, les revenus de remplacement – indemnités d'allocation chômage, de sécurité sociale ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles – ne sont taxés qu'à 6,2 %.
Trois points supplémentaires sur ces revenus permettraient à la sécurité sociale de retrouver des ressources budgétaires. Je suis donc très favorable à ce que nous discutions ensemble de l'harmonisation du taux de CSG sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l'article.
M. Patrick Kanner. En écho aux propos très pertinents de Laurence Rossignol, qui propose de rejeter les amendements de suppression de l'article 6 bis, je tiens à souligner l'importance de cet article qui a été, vous le savez bien, un élément très important du débat sur la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale. Je salue d'ailleurs à cette occasion le travail de Jérôme Guedj, qui a réussi à convaincre ses collègues députés de l'adopter.
On peut comprendre qu'il soit un peu compliqué, pour un sénateur qui a cosigné un amendement, de voter contre. Pour éviter cela, vous pourriez, mes chers collègues, retirer ces amendements de suppression. Cela nous permettrait d'examiner les autres amendements comme celui de Mme Lavarde.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, sur l'article.
M. Martin Lévrier. Je remercie Laurence Rossignol et Patrick Kanner, puisqu'ils m'ont en partie devancé... (Sourires et exclamations amusées sur des travées des groupes SER et CRCE-K.) Le moyen le plus simple de débattre des autres amendements est en effet de rejeter les amendements de suppression.
Hier, nous avons passé une grande partie de la journée à demander des efforts, souvent aux plus fragiles d'entre nous, notamment en gelant les prestations et les retraites. Cela ne me choque pas dans l'absolu, mais seulement à partir du moment où nous sommes exemplaires.
Ensuite, nous nous sommes permis – pardonnez-moi, je ne l'ai pas digéré ! – de décider que les tickets pour assister à des matchs de football ne devaient pas être considérés comme des avantages en nature. Ce petit jeu me fait honte et il devrait faire honte au Sénat !
Enfin, quand on demande des efforts aux Français, en particulier aux plus fragiles, on se doit aussi d'en demander aux revenus du capital. Je ne suis donc absolument pas choqué par cet article. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
Mme Laurence Rossignol. La magie du PLFSS…
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l'article.
Mme Raymonde Poncet Monge. De nombreuses dispositions ont été supprimées lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale et c'était bien nécessaire.
À l'exception de cet article, la bataille des recettes a néanmoins été perdue pour la gauche et, en fin de compte, si le déficit s'accroît, c'est bien parce les concessions qui ont été faites, notamment sur le gel des prestations, n'ont pas été compensées par des recettes correspondantes. Lorsque l'on augmente les dépenses, il faut prévoir en retour de nouvelles recettes ; sinon, on alimente la politique de la caisse vide.
Faisons ensemble le constat que l'adoption d'une seule petite mesure – les écologistes la réclament depuis cinq ans, c'est donc tout de même une bonne nouvelle – n'est aucunement à la hauteur pour compenser les concessions que le Gouvernement a dû faire.
En supprimant cet article, vous allez de facto accroître le déficit. Or le véritable enjeu, c'est la baisse régulée et efficiente des dépenses.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l'article.
Mme Corinne Féret. J'ai beaucoup de mal à suivre nos collègues de la majorité sénatoriale !
Hier, à l'occasion de l'examen de l'article 6 que vous avez proposé de rétablir, vous nous disiez : « Écoutez, nous sommes obligés de le faire. Il faut trouver de l'argent. Ce n'est pas de notre faute. Nous aurions bien voulu nous en passer. Nous comprenons que les plus faibles ne devraient pas être mis ainsi à contribution… »
Votre choix politique n'est pas le nôtre, dont acte, mais affirmez au moins votre logique !
L'article 6 bis, dont vous demandez purement et simplement la suppression, permet d'abonder le budget de la sécurité sociale, qui est en déficit, par de nouvelles recettes. Et vous nous dites : « Non, cela ne va pas ! »
Je ne vous comprends plus et j'espère que vos explications nous permettront d'y voir plus clair.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l'article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La majorité sénatoriale propose donc de supprimer l'article 6 bis.
Mes chers collègues, quelques rappels s'imposent. Depuis hier, nous cherchons de nouvelles recettes et, lorsque, finalement, nous vous en proposons, vous les rejetez.
Comme cela a été dit, vous préférez de toute évidence faire les poches des petites gens, ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois, plutôt que de vous attaquer au capital ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Eh oui, c'est la réalité ! Gel des retraites, gel des prestations, etc. Martin Lévrier a lui-même souligné les efforts que vous demandez aux plus fragiles pendant que vous épargnez les autres.
La CSG sur le capital et les revenus du patrimoine rapporte 18 milliards d'euros chaque année, mais elle ne représente – c'est là que le bât blesse – que 10 % des recettes totales de CSG quand les revenus du capital représentent 12 % des revenus des ménages.
Sans doute nous rétorquera-t-on que le taux total des prélèvements sociaux sur le capital est déjà de 17,2 %, du fait de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et du prélèvement de solidarité.
Très bien, faisons preuve néanmoins d'un peu de rigueur analytique. La CRDS finance le remboursement de la dette et le prélèvement de solidarité alimente diverses politiques publiques. Ce dont il est question ici, c'est du financement de la sécurité sociale. Or 84 % du produit de la CSG y est directement affecté.
Mes chers collègues, parlons chiffres : 1 % des ménages capte 96 % des dividendes distribués et 100 milliards d'euros – si l'on considère les rachats d'actions – ont ainsi été versés en 2024 par les entreprises du CAC 40.
Faites donc un petit geste et attaquez-vous à celles et ceux qui ont beaucoup d'argent !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule, je veux évoquer, puisque ce sujet a été soulevé, la procédure d'examen du texte.
Sachez que les députés se posent les mêmes questions que vous, l'ordre de classement des amendements étant devenu un sujet majeur d'interrogations à l'Assemblée nationale. Il faut bien reconnaître que la procédure actuelle ne facilite pas le compromis, puisque vous êtes amenés à voter d'abord sur des amendements de suppression globale.
Or, lorsqu'on essaye de bâtir un compromis dans une démarche de dialogue et de débat, celui-ci peut n'émerger que dans le quatrième ou le cinquième amendement en discussion, amendement qui ne sera en fait jamais débattu, puisqu'un amendement de suppression aura été voté avant.
Peut-être avez-vous pris connaissance de l'entretien que la présidente de l'Assemblée nationale a accordé hier au journal Le Monde. Elle évoque notamment le fait que, sur de nombreux sujets, par exemple le logement ou les collectivités locales, la distinction entre les recettes et les dépenses est au fond assez artificielle – cela fait écho à ce que certains disent également ici. D'ailleurs, lorsqu'on veut mettre en œuvre une politique publique, on mobilise souvent des subventions, de la fiscalité, voire les deux à la fois.
C'est pourquoi la présidente de l'Assemblée nationale propose, à la lumière de l'expérience novatrice que nous vivons, de réfléchir dans les prochains mois à faire évoluer le mode d'examen des textes financiers.
C'est un peu ce que nous avons fait, hier, au sujet de la présentation des documents prévus par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf). Le moment que nous vivons ce matin est à cet égard représentatif d'un tel besoin d'évolution.
J'en viens au fond. Même si l'exposé des motifs de l'amendement qui a abouti à cet article évoque le sujet des retraites, les montants concernés n'ont rien à voir avec les conséquences de la suspension de la réforme.
Si l'on appliquait le taux de CSG proposé, un taux qui pourrait évidemment évoluer au cours de la navette, le rendement serait de 2,8 milliards d'euros. Or, comme vous le savez, la suspension de la réforme des retraites coûtera au maximum 300 millions d'euros l'an prochain, si l'ensemble des personnes concernées choisissaient de partir à la retraite plus tôt.
J'insiste sur ce point : les ordres de grandeur sont tout à fait différents et cette mesure n'a pas comme objectif de financer la suspension de la réforme des retraites.
Alors, pourquoi cet article a-t-il été inséré dans le PLFSS ? Il se trouve que les propositions du Gouvernement qui prévoyaient des recettes supplémentaires pour la sécurité sociale de l'ordre de 5 milliards d'euros n'ont pas recueilli de majorité. Je pense notamment à nos propositions sur les compléments de salaire ou à celles sur l'évolution des dispositifs de la loi de 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom).
Par esprit de responsabilité à l'égard des comptes de la sécurité sociale, les députés ont alors proposé comme alternative une augmentation du taux de la CSG sur les revenus du capital.
Pourquoi le Gouvernement s'en est-il remis à la sagesse de l'Assemblée nationale sur cet amendement – j'ai même parlé d'un « avis favorable de méthode » ?
Parce que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2026 qui sera discuté au Sénat dans quelques jours et qui a donné lieu à de nombreux échanges sur la fiscalité des entreprises, le Gouvernement a voulu fixer un principe fort : ne pas toucher au stock de capital, à l'outil productif.
En revanche, nous nous sommes montrés disposés à débattre des flux. À ce titre, la CSG sur les revenus du capital nous semblait constituer, bien que n'ayant pas notre préférence, un outil plus pertinent économiquement que la taxation des biens professionnels ou de l'outil productif.
Je souhaitais retracer l'historique de cet article pour éviter qu'on lui donne un sens qui n'était pas le sien lors de son adoption à l'Assemblée nationale.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement voit tout de même dans l'augmentation de la CSG sur les revenus du capital un outil à ne pas négliger dès lors que le Parlement ne retient pas les mesures de recettes qu'il propose.
En effet, il nous faut bien trouver des solutions pour financer le budget de la sécurité sociale, dont le déficit doit être maintenu, à transferts constants, j'y insiste, sous les 20 milliards d'euros. Tel est le point d'entrée du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. Madame la ministre, je me permets de vous rappeler que seul le Sénat est compétent, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, pour adopter son règlement, c'est-à-dire son mode d'organisation. (Mme la ministre marque son approbation.)
En l'occurrence, monsieur Delahaye, c'est l'article 46 bis de notre règlement qui fixe l'ordre de mise aux voix des amendements, les amendements de suppression venant en premier.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 523 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Malhuret et Chasseing, Mmes Bourcier, Lermytte et Bessin-Guérin, MM. Brault et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Grand, Laménie, V. Louault et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. Pellevat, Rochette, Verzelen, L. Vogel, Wattebled, Dhersin et Maurey, Mmes Guidez, Canayer et Romagny et M. Levi.
L'amendement n° 595 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1093 rectifié bis est présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub, MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville, Kern et J.M. Arnaud, Mme Patru et MM. Duffourg, Chauvet, Bleunven, Longeot et Delahaye.
L'amendement n° 1506 rectifié ter est présenté par M. Le Rudulier, Mme Dumont, MM. Khalifé, Sido, Naturel et Séné, Mme Lopez et MM. H. Leroy, Ravier et Panunzi.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour présenter l'amendement n° 523 rectifié bis.
Mme Marie-Claude Lermytte. Cet amendement proposé par notre collègue Emmanuel Capus vise à supprimer la hausse de CSG sur les revenus du capital de 1,4 point votée par l'Assemblée nationale.
Pour aborder sereinement les défis de la transition écologique, de la réindustrialisation et de la robotisation, notre pays a besoin de plus de capital-investissement, certainement pas de moins.
La hausse de la CSG sur les revenus du capital votée à l'Assemblée nationale est une mesure idéologique (Protestations sur les travées du groupe SER.), qui désincitera les foyers français à investir dans notre économie.
Afin de ne pas créer d'obstacle aux investissements dont notre pays a besoin, le présent amendement vise à supprimer cette hausse de CSG, qui est anti-économique.
M. Vincent Louault. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 595.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Permettez-moi tout d'abord de préciser que le présent amendement n'est pas l'amendement « Doineau », c'est celui de la commission. Il exprime le choix de la majorité sénatoriale.
Pour notre part, nous ne sommes pas perdus. Depuis le mois de mai, la majorité sénatoriale cherche, sur l'initiative du président Gérard Larcher, des solutions.
M. Patrick Kanner. Sur le dos de qui ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes ainsi parvenus à élaborer une épure avec un déficit de 18 milliards d'euros.
Cette épure ne retient pas la mesure qui est prévue dans l'article 6 bis. C'est pourquoi la commission a décidé de proposer de supprimer cet article, lorsqu'elle a examiné le texte qui nous a été transmis de l'Assemblée nationale et qui, je le rappelle, prévoit, lui, un déficit de 24 milliards d'euros – on imagine donc bien que cet article pouvait être utile…
Cet amendement vise ainsi à supprimer cette disposition, tout simplement parce qu'elle ne fait pas partie des mesures que la majorité sénatoriale défend depuis le mois de juillet, lorsque François Bayrou était Premier ministre. (Protestations sur les travées du groupe SER)
M. Patrick Kanner. Le Premier ministre a changé !
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour présenter l'amendement n° 1093 rectifié bis.
M. Daniel Fargeot. Cet amendement, identique à celui de la commission, est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l'amendement n° 1506 rectifié ter.
M. Khalifé Khalifé. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le président, je tiens d'abord à préciser que je ne souhaite absolument pas m'immiscer dans le fonctionnement des assemblées.
J'observe simplement, comme l'ont fait les députés et certains sénateurs, que les règlements des assemblées, sur lesquels le Gouvernement n'a, par définition, pas à se prononcer, peuvent conduire à ce que des amendements dits de compromis, susceptibles de recueillir les votes d'une majorité, ne peuvent pas être examinés à cause de leur place dans l'ordre de discussion.
La logique de ce classement – partir du plus large pour aller vers le plus précis – est tout à fait compréhensible. Toutefois, cela soulève des interrogations.
En tout cas, j'y insiste, mon propos était uniquement de me faire la porte-parole des parlementaires, puisque, par définition, le Gouvernement est au service du Parlement (Sourires.) et n'a pas vocation à s'immiscer pas dans l'élaboration des règlements des assemblées.
En ce qui concerne ces amendements de suppression, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
À l'Assemblée nationale, j'ai émis, je l'ai dit, un « avis favorable de méthode » sur l'amendement dont l'adoption a abouti à cet article.
D'un côté, les députés étaient en train de modifier les équilibres du projet de loi de financement de la sécurité sociale. De l'autre, le Gouvernement souhaitait absolument que le déficit reste in fine en dessous de 20 milliards d'euros. Il fallait donc bien adopter des mesures alternatives à ce que nous proposions ; sans cela, l'Assemblée nationale aurait continué de creuser toujours davantage, à mesure qu'elle examinait le texte, le déficit et cela ne me semblait pas responsable.
De son côté, le Sénat entend formuler d'autres propositions ; je le constate, madame la rapporteure générale, au vu des travaux de la commission.
Dans ces conditions, mon avis repose sur une question : comment voulons-nous construire un compromis ?
En ce qui concerne la méthode, il ne me semble pas inintéressant de conserver l'outil de la CSG sur les revenus du capital. Est-ce que ce sera au taux de 10,6 % comme prévu par l'Assemblée nationale ? Aurons-nous besoin, à la fin, de 2,8 milliards d'euros pour équilibrer les comptes ? J'espère que ce ne sera pas le cas et que nous aurons, collectivement, d'autres idées, y compris en matière d'économies, pour faire en sorte que notre sécurité sociale ne s'enfonce pas dans un gouffre financier encore plus profond.
En tout cas, d'un point de vue méthodologique, il ne serait pas inintéressant que cet outil demeure dans le texte, mais je m'en remets sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, à votre sagesse.
Par ailleurs, je tiens à souligner que certains amendements qui viennent ensuite sont intéressants. Certes, leur rédaction n'est pas toujours aboutie, mais les propositions de M. Delahaye et de Mme Lavarde mériteraient, à mes yeux, d'être débattues.
Naturellement, il appartient au Sénat de décider de la manière de faire.
M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Madame Doineau nous a dit que cette hausse de la CSG n'était pas prévue dans le projet de budget « Les Républicains » (LR). Nous ne vivons donc pas un moment ordinaire ! Si le Sénat se contente d'appuyer simultanément sur les touches Ctrl, Alt et Suppr pour plaquer le budget LR, il ne servira à rien : il y aura une commission mixte paritaire, dans laquelle aucun accord ne sera trouvé, et le texte retournera à l'Assemblée nationale pour être examiné en nouvelle lecture. (M. Vincent Delahaye s'exclame.)
Ce qui se joue dans cette discussion, c'est donc de savoir si nous allons essayer, dans le moment que nous vivons, de consolider les compromis qui ont été trouvés à l'Assemblée nationale – en l'occurrence, il s'agit d'une mesure introduite dans le texte par l'adoption d'un amendement de notre collègue Jérôme Guedj – pour faire en sorte que l'on puisse adopter un budget pour la sécurité sociale.
Hier, je le rappelle, lorsque nous avons débattu du gel du barème de la CSG – rassurez-vous, je ne veux pas refaire le film Retour vers le futur –, vous avez soumis à l'impôt 300 000 nouvelles personnes – des invalides, des retraités touchant de petites pensions, des chômeurs, etc. Cela a été souligné par M. Lévrier.
Or voilà que, ce matin, vous nous dites qu'il serait impossible de mettre à contribution les revenus du patrimoine, dont on connaît pourtant la dynamique depuis des années. C'est irresponsable.
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à faire preuve de décence : on ne peut pas demander tout à ceux qui ont peu et rien à ceux qui ont tout ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER.)
Madame Doineau, il est nécessaire que vous retiriez votre amendement, afin que nous puissions construire le compromis républicain dont notre pays a besoin.


