Mme Anne Souyris. Les opérateurs de jeux d'argent, vous le savez certainement, réalisent des profits colossaux sur le dos des plus fragiles. C'est pourquoi nous proposons de renforcer la fiscalité comportementale sur ce secteur et de faire porter la charge sur ceux qui profitent de la maladie de l'argent.
Rappelons que les paris sportifs et les jeux en ligne ciblent massivement les jeunes : trois quarts des parieurs ont moins de 34 ans. Pour les paris sportifs, la part de joueurs à risque modéré est trois fois plus importante que pour les jeux de loterie ; la part de joueurs excessifs, six fois plus.
Cette addiction a des conséquences dramatiques. Selon l'hôpital Marmottan, les tentatives de suicide sont quinze fois supérieures à la moyenne chez les personnes dépendantes. En outre, l'addiction aggrave l'isolement social. Tout cela ne vise qu'à engranger des profits : pas moins de 40 % du chiffre d'affaires des acteurs du secteur provient des joueurs à pratique excessive. Il s'agit d'un modèle économique littéralement prédateur.
Nous proposons donc d'augmenter de trois points, de 7,2 % à 10,2 %, le taux de CSG sur les paris sportifs et les jeux de hasard, et d'affecter ce rendement supplémentaire à l'assurance maladie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, je voudrais avant tout vous donner des chiffres relatifs à l'effet des dispositions que nous avions adoptées l'an dernier, quand ce sujet avait déjà été mis au débat, et qui sont donc entrées en vigueur tout récemment.
Le rendement global de la fiscalité sur les jeux pour l'année 2025 est estimé à 1,3 milliard d'euros. La grande majorité de cette somme a été affectée au régime de base de la sécurité sociale ; 80 millions d'euros ont notamment été affectés au financement des mesures nouvelles de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 entrées en vigueur le 1er juillet dernier.
Nous avons donc bien fait, l'an dernier, d'alourdir la taxation sur les jeux de hasard et de loterie ; cela produit de bons résultats.
Est-il pour autant nécessaire d'augmenter encore les taux cette année ? Il faudrait peut-être attendre deux ou trois ans pour voir comment évolue le rendement de cette nouvelle fiscalité et déterminer s'il convient d'y apporter des corrections.
Nous sommes bien d'accord, l'addiction aux jeux est un fléau. Seulement, votre proposition ferait augmenter de façon disproportionnée la fiscalité sur une assiette réduite, puisque seuls les jeux de loterie sont visés par le dispositif de votre amendement.
Si je partage votre combat contre les pratiques addictives, le levier fiscal ne peut constituer à lui seul une politique publique. Nous l'avons dit l'an dernier, il convient également de mieux accompagner les personnes, souvent très fragiles et dans une situation difficile, qui se livrent aux jeux de hasard comme d'autres tombent dans la drogue ou d'autres addictions encore.
En tout cas, sachez qu'à titre personnel je suis tout à fait sensible aux difficultés que vous mettez en avant et opposée à ce fléau – car c'en est un –, mais nous avons déjà pris des décisions l'année dernière, qui portent vraiment leur fruit – nous ne nous attendions pas à un tel rendement.
Reparlons-en donc un peu plus tard et voyons comment prospèrent les décisions prises l'année dernière. C'est dans cette perspective que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. En tant que ministre des comptes publics, je suis entre autres choses chargée de la tutelle de l'Autorité nationale des jeux (ANJ), autorité administrative indépendante chargée de la régulation de ce secteur, mais aussi de structures comme la Française des jeux, entreprise certes privatisée, mais dont l'État reste actionnaire, ou encore le groupement d'intérêt économique (GIE) qu'est le PMU. Je suis donc ce sujet avec beaucoup d'attention.
L'addiction aux jeux est indéniablement un très grand fléau. C'est pourquoi la présidente de l'ANJ, Mme Falque-Pierrotin, en a fait son premier sujet d'action, en œuvrant notamment à ce que les paramètres des jeux ne contribuent pas eux-mêmes à renforcer l'addiction.
Je rappellerai cependant que vous avez beaucoup renforcé la fiscalité sur les jeux l'année dernière. Aujourd'hui, 69 % du produit brut des jeux de loterie – la différence entre la mise et les gains – est fiscalisé ; la fiscalité est donc déjà importante.
Votre amendement suscite en outre une petite difficulté légistique : son dispositif ne vise que les jeux de loterie. Je peux comprendre votre proposition dans son principe, même si j'estime que nous devons être très précautionneux en matière de fiscalité. Toutefois, ce dispositif affecterait surtout la Française des jeux et susciterait un report mécanique vers d'autres formes de jeu, comme les paris sportifs et hippiques ou les jeux hors loterie.
Dès lors, même si vous avez raison de soulever ce sujet de société, et que la limitation des effets dramatiques de l'addiction sur les personnes qui en souffrent, leur situation financière et leur entourage – j'ai évidemment connaissance de ces très grandes difficultés – doit clairement être une priorité collective, je ne peux que vous demander de retirer l'amendement : tel qu'il est rédigé, son dispositif aurait des effets de bord contre-productifs pour la cause même que vous défendez.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Merci de votre réponse, madame la ministre, mais ce n'est pas parce qu'une proposition est insuffisante qu'il faut la rejeter. Quant aux effets de bord, j'aimerais être convaincue de leur réalité. Surtout, la taxation que nous proposons pèserait sur les opérateurs de ces jeux et non sur les personnes qui jouent ; c'est toute la différence entre nos approches.
Madame la rapporteure générale, tant mieux si ce que nous avons adopté l'an dernier fonctionne ; alors, continuons ! Vous savez comme moi que, pour le tabac, on a continué à augmenter la fiscalité ; c'est ainsi qu'on a réussi à faire baisser cette addiction. Les taxes comportementales sont extrêmement importantes et effectives.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je veux remercier Mme la ministre et Mme la rapporteure générale de leurs explications. J'envisageais de voter cet amendement, car il porte sur une forme d'addiction et que, en la matière, je suis très inquiet pour notre jeunesse. C'est pourquoi, madame la rapporteure générale, j'ai du mal à entendre qu'il faudrait attendre deux ou trois ans. Notre jeunesse ne peut pas attendre si longtemps !
À ce propos, j'avais déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable au titre de l'article 41 de la Constitution. Nous n'aurons donc pas ce débat aujourd'hui, mais sachez que je proposais d'aller plus loin. En effet, derrière ces addictions, il y a le smartphone, qui est devenu une arme, un outil terrible. C'est pourquoi je demandais que soit interdite la vente de smartphones aux jeunes de moins de 16 ans, ainsi que leur possession. Il faudra en venir là, car le combat contre les applications est perdu d'avance : quoi que nous décidions, quelque fiscalité que nous instaurions, nous perdrons, car les acteurs concernés se replieront à l'étranger. Il faut donc réfléchir en amont et aller très vite, car c'est notre jeunesse qui est en jeu.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 347 rectifié, présenté par M. Chantrel et Mme Conway-Mouret, est ainsi libellé : Après l'article 6 bis Insérer un article additionnel ainsi rédigé : I. Le 3° bis de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié : 1° Au a, le taux : « 6,67 % » est remplacé par le taux : « 6,66 % » ; 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : « …) À la Caisse des Français de l'étranger, mentionnée à l'article L. 766-4-1, pour la contribution mentionnée à l'article L. 136-1, pour la part correspondant à un taux de 0,01 % ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement a pour objet la Caisse des Français de l'étranger (CFE). Cet organisme de sécurité sociale, certes de droit privé, est chargé d'une mission de service public. Pourtant, la caisse ne touche presque pas d'argent public à ce titre : seulement 380 000 euros, alors que l'offre destinée à la catégorie aidée lui coûte à elle seule 5 millions d'euros.
Cette catégorie de contrats lui est imposée au titre de cette mission de service public. La réforme de 2018 a fixé des montants maximaux au-delà desquels la CFE ne peut pas augmenter les prix de ces contrats ; ces niveaux ont été atteints.
En outre, contrairement aux caisses privées, la CFE accueille tous nos compatriotes expatriés, sans distinction d'âge ni d'état de santé.
Cette mission de service public honore la CFE, mais il ne faudrait pas que cet effort repose sur les contributeurs à cette caisse : l'État devrait être au rendez-vous.
L'objet de cet amendement est donc de permettre à l'État de jouer son rôle en finançant cette mission de service public, dont le coût a été évalué à quelque 25 millions d'euros, soit un peu moins que ce que je propose de lui allouer.
L'enjeu est d'autant plus important que nos compatriotes résidant hors d'Europe sont assujettis – nous en reparlerons tout à l'heure – à la CSG et à la CRDS. Rappelons que cela a été jugé contraire au droit de l'Union européenne pour les Français résidant dans d'autres pays de l'Espace économique européen.
Dès lors, comme nos compatriotes extra-européens contribuent à nos finances sociales par ce biais, il paraît pertinent qu'une petite partie – pas même un dixième – de cet argent permette à cette caisse de voir sa mission de service public pleinement financée par l'État. Soutenir ainsi nos compatriotes les plus démunis hors de France, en votant aujourd'hui ce financement, honorerait la représentation nationale.
M. le président. L'amendement n° 1303 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 348, présenté par M. Chantrel et Mme Conway-Mouret, est ainsi libellé : Après l'article 6 bis Insérer un article additionnel ainsi rédigé : I. Le 3° bis de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié : 1° Au b, le taux : « 0,45 % » est remplacé par le taux : « 0,44 % » ; 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : « …) À la Caisse des Français de l'étranger, mentionnée à l'article L. 766-4-1, pour la contribution mentionnée à l'article L. 136-1, pour la part correspondant à un taux de 0,01 ; » II. La perte de recettes pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des contributions mentionnées à l'article 19 de l'ordonnance n° 90-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Il s'agit d'un amendement de repli, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1518 rectifié quater, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Bourgi et P. Joly, Mme Narassiguin, MM. Temal, M. Weber et Tissot, Mmes Bélim et Monier et MM. Stanzione et Ziane, est ainsi libellé : Après l'article 6 bis Insérer un article additionnel ainsi rédigé : I. Le 3° bis de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié : 1° À la fin du b, le taux : « 0,45 % » est remplacé par le taux : « 0,447 % » ; 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : « …) À la Caisse des Français de l'étranger, mentionnée à l'article L. 766-4-1, pour la contribution mentionnée à l'article L. 136-1, pour la part correspondant à un taux de 0,003 %. » II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Par cet amendement de repli, ma collègue Hélène Conway-Mouret propose également d'assurer un financement de la mission de service public de la CFE, au moins pour la catégorie aidée de contrats, qui permet à nos compatriotes de l'étranger au revenu le plus faible d'avoir accès à la CFE.
Rappelons que cette offre, imposée par l'État, coûte chaque année quelque 5 millions d'euros à la caisse, mais que l'État ne compense ce coût qu'à hauteur de 348 000 euros. Certes, nous avons réussi à augmenter progressivement ce montant au fil des ans, mais il reste absolument insuffisant, ce qui met la CFE structurellement en péril et fait peser cet effort financier sur l'ensemble de ses cotisants.
Je le précise bien, aux termes de cet amendement de repli, l'État financerait entièrement la catégorie aidée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont des objets similaires, mais leurs dispositifs diffèrent quelque peu.
Par l'amendement n° 347 rectifié, M. Chantrel propose de transférer de la branche vieillesse vers la CFE 0,01 point de CSG, ce qui paraît infime, mais représente tout de même 150 millions d'euros. Nous avons déjà eu cette discussion en 2023 et en 2024, et notre position n'a pas beaucoup changé : il ne convient pas de réduire les ressources de la branche vieillesse dans le contexte actuel.
Aux termes des amendements nos 348 et 1518 rectifié quater, le transfert profitant à la CFE se ferait depuis la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et non depuis la branche vieillesse, toujours à hauteur de 150 millions d'euros pour le premier d'entre eux.
Toutefois, il ne convient pas à l'heure actuelle de réduire les ressources de la Cades, dont nous aurons l'occasion de débattre dans la suite de l'examen de ce texte. Surtout, seule une loi organique pourrait modifier la destination des sommes dévolues à la Cades ou issues de cette caisse. Celle-ci doit normalement voir sa mission s'achever en 2033. Certes, la Cour des comptes a estimé que son amortissement pourrait être accompli plus tôt, auquel cas l'on pourrait peut-être profiter d'une porte de 20 milliards d'euros.
Néanmoins, faire amortir ces 20 milliards d'euros supplémentaires par la Cades requerrait une loi organique, mais surtout deux conditions de fond : d'une part, il faudrait ramener la courbe vers l'équilibre, avec des déficits de moins en moins importants, pour véritablement rassurer les marchés financiers ; d'autre part, il faudrait des recettes supplémentaires, comme l'impose la loi organique à l'origine de la Cades, donc augmenter la CSG ou la CRDS. Un débat sur ces contributions pourra avoir lieu à cette occasion ; cela s'imposera même si l'on veut transférer à la Cades de nouvelles dettes sociales.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La Caisse des Français de l'étranger est un organisme de nature hybride : d'un côté, c'est une institution de droit privé, qui offre aux Français de l'étranger la possibilité, s'ils le souhaitent, de cotiser pour bénéficier d'une couverture de leurs soins, en particulier quand ils viennent en France ; de l'autre, elle assure un certain nombre de missions de service public, pour lesquelles elle reçoit une subvention du ministère des affaires étrangères.
Puisqu'il s'agit d'une organisation privée, à laquelle l'affiliation est volontaire, la CFE s'inscrit dans un champ concurrentiel, aux côtés d'autres structures privées auprès desquelles certains Français de l'étranger choisissent de s'assurer pour leurs besoins, notamment de couverture santé.
Il en découle une restriction de principe : il n'est pas possible d'affecter un impôt, en l'occurrence une part de la CSG, à une organisation privée, telle que la CFE. À moins d'en faire une caisse obligatoire en disant à tous les Français de l'étranger : « Quand vous habitez hors de France, vous cotisez obligatoirement à la CFE. » En revanche, le débat que vous soulevez est très légitime, car la CFE connaît des difficultés financières indéniables. J'ai beaucoup travaillé sur ce sujet avec Laurent Saint-Martin, qui a été successivement un très bon ministre des comptes publics et un très bon ministre des Français de l'étranger. Le rapport qui nous a été remis, à la suite des débats de l'année dernière, par l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (Igas) propose un certain nombre d'évolutions, certaines de nature législative, d'autres de nature financière, notamment pour adapter aux risques la tarification des contrats. Il est également proposé de faire évoluer l'organisation et le fonctionnement de la caisse.
Je vous redis donc ce que j'avais répondu aux députés qui faisaient des propositions similaires, tout en m'en remettant à la sagesse de l'Assemblée nationale : la solution proposée ne fonctionne pas, elle sera retoquée à moins d'une évolution majeure, voire existentielle, de cette caisse. J'entends néanmoins, aujourd'hui encore, la demande très forte des parlementaires quant au besoin de redonner à cette caisse une trajectoire de viabilité, faute de quoi l'on priverait nombre de nos concitoyens d'une couverture maladie abordable.
Nous souhaitons également promouvoir l'offre de contrats collectifs par la CFE. En effet, il existe des entreprises françaises à l'étranger qui, si nous réformions quelque peu le fonctionnement de la caisse, trouveraient intéressant de disposer de tels contrats pour leurs salariés, en particulier ceux qui effectuent des allers-retours fréquents dans notre pays, afin de garantir leur couverture et celle de leurs familles.
Il y a donc de nombreuses pistes de réforme. J'entends vos préoccupations, j'y travaille, mais je vous le répète : affecter une part de la CSG à une caisse de droit privé et d'affiliation volontaire serait censuré par le Conseil constitutionnel ou nous imposerait de transformer la CFE en caisse obligatoire.
C'est pourquoi je suis très réservée sur l'ensemble de ces amendements et je vous invite à les retirer. Le message est bien passé, mais il nous faudra employer d'autres leviers pour atteindre les objectifs que vous défendez tout à fait légitimement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je ne soutiendrai pas ces amendements, et ce pour quatre raisons.
Premièrement, la CFE est en pleine restructuration. L'Igas et l'IGF ont proposé plusieurs scénarios susceptibles d'en modifier les missions, le périmètre et le financement. Faire reposer ce dernier sur un prélèvement national serait prématuré et déconnecté du chantier actuellement en cours.
Deuxièmement, un tel fléchage rendrait impossible toute exonération future de CSG et de CRDS pour les Français établis hors d'Europe. Le Gouvernement nous dirait aussitôt : « Ces prélèvements financent votre couverture de sécurité sociale, vous ne pouvez donc pas en être exonérés. » Ce serait par conséquent une erreur stratégique pour les Français vivant en dehors de l'Europe.
Troisièmement, cela créerait une confusion juridique au regard du droit européen. La jurisprudence établit que la CSG et la CRDS financent la sécurité sociale française, ce qui justifie l'exonération des non-résidents européens affiliés à une autre caisse. Si, demain, ces prélèvements finançaient la CFE, qui n'est pas un régime obligatoire ni coordonné, cet équilibre serait remis en cause.
Enfin, ce fléchage compliquerait considérablement la gestion budgétaire de la CFE comme de la sécurité sociale. La CFE dépendrait d'une ressource instable et la sécurité sociale perdrait des recettes, alors qu'elle est déjà en déficit. Ce n'est ni soutenable ni cohérent.
Mme Frédérique Puissat. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je souhaite intervenir au nom de notre collègue Mélanie Vogel, qui n'a pu défendre l'amendement qu'elle avait déposé. Nous soutiendrons donc les amendements présentés par notre collègue Yan Chantrel, car il importe d'assurer un financement pérenne à la Caisse des Français de l'étranger, qui est confrontée depuis plusieurs années à des difficultés financières structurelles.
La CFE, cela a été rappelé, est un organisme de sécurité sociale de droit privé chargé d'une mission de service public, qui offre aux Françaises et aux Français établis hors de France une assurance maladie et des couvertures maternité et retraite, ainsi qu'une assurance face aux risques professionnels. À ce titre, elle apporte une protection essentielle à nos concitoyens qui perdent leur affiliation à la sécurité sociale française lors de leur départ à l'étranger.
Dans des pays aux systèmes de santé défaillants ou incomplets, l'accès à la CFE constitue à l'évidence le seul moyen d'obtenir une protection sociale fiable et continue.
Pourtant, contrairement aux caisses primaires d'assurance maladie, elle ne bénéficie d'aucune taxe affectée. La participation de l'État se réduit à une subvention résiduelle couvrant moins de 10 % du coût de la seule catégorie aidée, soit 380 000 euros.
Ainsi, malgré une obligation d'accueil universel, la CFE est soumise à des charges de mission de service public qui ne sont pas compensées. Cette situation est d'autant plus anormale que les Français hors de France s'acquittent de la CSG sur leurs revenus français, sans qu'aucune part de cette contribution soit affectée à la caisse qui leur est destinée.
Les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) ont adopté plusieurs résolutions pour appeler un financement stable, de même que les Assises de la protection sociale des Français de l'étranger ont apporté un soutien franc à cette proposition. Les taux retenus qui abondent la CFE de 174 millions d'euros correspondent à ceux de la proposition de loi déposée à l'Assemblée par Karim Ben Cheikh et Eléonore Caroit avant la nomination de cette dernière comme ministre déléguée, laissant entendre un soutien du Gouvernement à ce dispositif de bon sens attendu par les élus des Français de l'étranger.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Je note votre ouverture sur ce sujet, madame la ministre.
Depuis que je suis sénateur, je reviens chaque année à la charge. Je continuerai de le faire.
Lors des Assises de la protection sociale des Français de l'étranger, qui ont eu lieu dans tous les consulats et ont concerné tous nos compatriotes, cette mesure a été approuvée à l'unanimité par les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, quel que soit leur bord politique. Voilà qui montre bien qu'il s'agit là d'un dispositif central pour la pérennité de la CFE.
La disposition que je dépose chaque année par voie d'amendement a le mérite de mettre au débat ce sujet. Dans la mesure où nos compatriotes établis hors de France contribuent à la CSG-CRDS – nous en discuterons à l'occasion d'autres amendements –, il serait pertinent et légitime de permettre ce financement, notamment pour justifier cette cotisation. En effet, si celle-ci est injuste pour ceux qui résident au sein de l'Union européenne, pourquoi ne le serait-elle pas non plus pour les résidents extracommunautaires ? Je découvre que ma collègue Évelyne Renaud-Garabedian est contre le financement de la Caisse des Français de l'étranger, qui est pourtant chargée d'une mission de service public.
Vous avez évoqué une piste de solution, madame la ministre. Le problème, c'est que le rapport de l'Igas-IGF analyse une situation à moyens constants ; par conséquent, il contraint la réflexion. En l'espèce, c'est une décision politique qu'il faut prendre : que souhaitons-nous faire de cette caisse, qui n'est pas privée et à qui l'État confie une mission de service public ? À un moment donné, il faut être au rendez-vous.
D'autres pistes existent, sur lesquelles il nous faudra également réfléchir. Le Gouvernement pourrait par exemple décider que tous les agents de droit local français, qui n'ont pas de protection sociale et qui travaillent dans nos consulats et ambassades, soient affiliés à la CFE. Cela augmenterait les cotisations versées à cette caisse et enverrait un message positif à ceux de nos compatriotes établis hors de France qui ont des contrats précaires. Ce serait une bonne décision.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je peux entendre les objections de Mme la ministre et de certains de mes collègues.
Cela fait trois ans que nos collègues Mélanie Vogel et Mathilde Ollivier soulèvent ce problème. Certes, l'Igas et l'IGF ont remis un rapport, mais il y a urgence à agir ! Il ne faudrait pas attendre que la CFE devienne déficitaire au point de cesser de fonctionner pour en suivre les préconisations, d'autant que celles-ci peuvent lever certaines objections, qui sont légitimes.
Il n'est pas normal que, depuis trois ans, nos demandes se voient opposer un refus et que l'on réponde à ce problème avec lenteur, même si je ne pense pas qu'il s'agisse de mesures dilatoires. Rendons par exemple obligatoire l'adhésion à la CFE, puisque celle-ci est encore facultative ! On peut dépasser les obstacles.
L'inaction est véritablement préjudiciable. Si le Gouvernement ne fait rien, nous représenterons les mêmes amendements l'année prochaine.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote sur l'amendement n° 348.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Ce n'est pas un problème financier, c'est d'abord un problème de gestion. La gestion de la CFE ne convient pas.
Il faudrait trouver une solution pour que les membres du conseil d'administration gèrent cette caisse comme une entreprise privée (Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.),…
M. Grégory Blanc. Pas comme une entreprise privée !
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. … ce qui n'est pas le cas, tout en tenant compte des catégories aidées et en soutenant nos compatriotes de l'étranger dans les difficultés qu'ils rencontrent.
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1518 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1172, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 7° du II de l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. La question des apprentis et de leur rémunération, comme celle de la survie de ce mode de transmission et de l'acquisition des savoirs professionnels, ont été dans toutes les têtes ces dernières années.
Il y va de l'avenir de très nombreux métiers qui s'apprennent sur le terrain, au contact des travailleurs et par la pratique.
Il y va de l'avenir de notre industrie, du secteur de la construction et de tout ce qui concourt à la réindustrialisation, en particulier celle de notre pays. Alors que la formation professionnelle prend l'eau de toutes parts, que les centres de formation ferment faute de moyens, que l'enseignement professionnel tire la langue, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 est une nouvelle attaque contre ce mode de formation. En effet, la baisse des exonérations de cotisations payées par l'apprenti se traduira par une perte de 100 à 180 euros par mois, ce qui représente jusqu'à 20 % du salaire d'un jeune de 16 ans en première année d'apprentissage.
Cette attaque contre la formation des travailleurs, des jeunes en particulier, n'est pas nouvelle. Elle s'inscrit dans une longue succession de reculs sociaux pour ce qui n'est rien d'autre que des économies de bout de chandelle. Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a assujetti à la CSG-CRDS la tranche des revenus des apprentis au-delà de 50 % du Smic. En d'autres termes, non contents d'être la fraction du monde du travail la moins bien payée, les apprentis se voient prélever depuis le mois de mars 2025 une cotisation supplémentaire sur la fraction de leur rémunération supérieure à 900 euros brut.
Pour notre part, nous défendons l'apprentissage et considérons la CSG-CRDS comme un impôt injuste, vous le savez, mes chers collègues. Autant de raisons qui nous conduisent à refuser cette disposition.