M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cette disposition a été adoptée l'année dernière et le débat a eu lieu à cette occasion. Vous comprendrez par conséquent que la commission des affaires sociales ne souhaite pas y revenir et émette un avis défavorable sur cet amendement.

Tout le monde ici défend l'apprentissage. Nous aurons l'occasion de débattre de ces questions lors de l'examen de l'article 9, comme vous le savez. Les annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et de celui pour 2026 contiennent de nombreux éléments d'appréciation sur l'ensemble des aides dont bénéficient les apprentis. Certes, je sais que ce n'est pas ce que vise cet amendement, mais il faut appréhender le sujet dans sa globalité.

Il me semble que nous devons tendre à rapprocher les droits des apprentis de ceux des stagiaires, des intérimaires, voire de l'ensemble des salariés, même ceux qui sont à temps partiel. Dans ces conditions, il est bien normal que les cotisations soient corrélées aux droits sociaux dont les apprentis bénéficient.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je formulerai deux remarques.

Sur la forme, cet amendement est rédigé de telle sorte que son adoption entraînerait l'effet inverse de celui que recherchent leurs auteurs. En effet, 100 % du revenu des apprentis serait assujetti à la CSG-CRDS.

Sur le fond, l'année dernière, à la suite d'un travail collectif, nous avons décidé d'assujettir à la CSG-CRDS 50 % du revenu. Désormais, le débat porte sur les cotisations, comme l'a rappelé la rapporteure générale. Je vous propose que l'on s'en tienne à l'existant.

Au regard de l'erreur de rédaction que j'ai signalée, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1172.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1673, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa du I de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « une ».

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à plafonner l'abattement forfaitaire de 1,75 % sur l'assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels à une fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass), et non à quatre fois, comme c'est actuellement le cas. Au 1er janvier 2026, cela représenterait plus de 16 000 euros brut mensuels.

Un abattement sur de tels niveaux de revenus paraît excessif et inefficace. S'agit-il vraiment d'une mesure de soutien au pouvoir d'achat ?

Nous ne remettons pas en cause l'abattement de 1,75 %. Nous demandons en revanche le réajustement du plafond d'application à une fois le Pass, lequel sera fixé à 48 060 euros annuels au 1er janvier 2026. Cela permet de garantir que l'abattement demeure un avantage pour les salariés sans pour autant profiter de manière disproportionnée aux revenus les plus élevés.

Cette mesure n'est pas seulement technique, elle est de fraternité et de justice. La sécurité sociale n'est pas une simple institution administrative, elle est un pacte collectif, un engagement entre tous ceux qui participent au financement de la solidarité et ceux qui en bénéficient. Pour que ce pacte perdure, chacun doit contribuer à la hauteur de ses moyens.

Le plafonnement de l'abattement permet ainsi de dégager les ressources supplémentaires pour la branche autonomie, conformément à ce que propose le rapport Vachey, et d'assurer 150 millions d'euros pour soutenir cette branche essentielle. Dans un contexte de déficit persistant, nous pensons que chaque contribution compte pour maintenir nos services sociaux et garantir l'accès à la santé et à la protection sociale pour tous.

Cet amendement a donc pour objet de rééquilibrer un avantage fiscal et de faire en sorte que chacun participe de manière juste au financement de notre système de protection, tout en préservant les revenus modestes et moyens.

M. le président. L'amendement n° 928, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa du I de l'article L. 136-2 du code de la sécurité́ sociale, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à plafonner l'abattement de 1,75 % sur l'assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels à deux fois le plafond du Pass, contre quatre fois aujourd'hui. Nous sommes donc plus raisonnables que les auteurs de l'amendement n° 1673 !

Toutefois, ma collègue a raison, le rapport Vachey intitulé La Branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement préconise un abattement limité à un Pass. Je rappelle que ce rapport a pour objet de fournir des pistes de financement pour la branche autonomie, qui entre en déficit faute de mesures de ce type : « Le plafonnement à quatre Pass de cet abattement pour frais professionnels conduit à offrir un avantage en réduction de la CSG et de la CRDS pour des salariés ayant des rémunérations élevées. »

Comme nous sommes soucieux de fournir des leviers de financement à la branche autonomie et aux comptes sociaux, nous tenons compte de la préconisation du rapport Vachey tout en limitant l'effet en plafonnant l'abattement à deux fois le Pass. En ce sens, il s'agit presque d'un amendement de repli par rapport à celui qui vient d'être défendu.

Cette disposition me semble raisonnable. Il est temps de retenir les pistes de financement contenues dans le rapport Vachey.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce débat est loin d'être inintéressant, puisqu'il s'agit de savoir comment la CSG, qui n'est pas progressive, pourrait notamment encourager le travail des personnes aux revenus les plus moyens, voire modestes.

Toutefois, ne faire que baisser le plafond ne serait pas un très bon signal à envoyer aux travailleurs. On aurait pu proposer de baisser le plafond, tout en augmentant le taux pour les ménages qui ont un moindre revenu. Une telle réforme permet une bascule intéressante, car elle crée plus de justice sociale, dans la logique de l'abattement tel qu'il existe, et donne un plus grand gain aux ménages les moins rémunérés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis l'ouverture de nos travaux ce matin, nous esquissons les pistes d'une réforme assez profonde du financement de la sécurité sociale ; la disposition dont nous débattons en fait partie. Toutefois, il me semble qu'elles auront davantage leur place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2027 que dans celui que nous examinons aujourd'hui.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Tout de même, madame la ministre !

Le plafonnement à quatre Pass n'a pas toujours existé. Il a été introduit dans la loi de finances pour 2011. Aujourd'hui, la situation n'est plus la même !

Les mesures que nous proposons, nous qui siégeons à la gauche de cet hémicycle, visent à préserver les revenus bas ou moyens. Une mesure prévoyant un abattement jusqu'à deux fois le Pass concernera une grande majorité des salariés, même si je n'ai pas de statistiques à produire. Nous cherchons donc à ce que cette mesure soit la plus redistributive possible.

À l'inverse, le gel des pensions de retraite concerne tout le monde ! Il n'a aucun effet redistributif – on en reparlera, notamment en abordant ses effets sur le revenu des ménages, puisque c'est plus pénalisant pour certains déciles.

Parce que la solidarité participe de l'esprit de la sécurité sociale, les mesures que nous votons doivent viser à réduire les inégalités, à lutter contre la pauvreté et à avoir des effets redistributifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1673.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 928.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1648, présenté par M. Chantrel, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon et Chaillou, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre 6 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le I ter de l'article L. 136-6, il est inséré un quater ainsi rédigé :

« I quater. – Par dérogation aux I et I bis du présent article, ne sont pas redevables de la contribution les personnes, fiscalement domiciliées dans un pays autre que ceux mentionnés au premier alinéa du I ter, qui relèvent en matière d'assurance maladie d'une législation d'un pays étranger et qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire de sécurité sociale français.

« Pour l'application du premier alinéa du présent I quater aux gains mentionnés à l'article 150-0 B bis du code général des impôts et aux plus-values mentionnées au I de l'article 150-0 B ter du même code, la condition d'affiliation à un autre régime obligatoire de sécurité sociale s'apprécie à la date de réalisation de ces gains ou plus-values. » ;

2° Après le I ter de l'article L. 136-7, il est inséré un I quater ainsi rédigé :

« I quater. – Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes, fiscalement domiciliées dans un pays autre que ceux mentionnés au premier alinéa du I ter, qui relèvent en matière d'assurance maladie d'une législation d'un pays étranger et qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire de sécurité sociale français.

« L'établissement payeur mentionné au 1 du IV ne prélève pas la contribution assise sur les revenus de placement dès lors que les personnes titulaires de ces revenus justifient, selon des modalités définies par décret, des conditions définies au premier alinéa du présent I quater.

« En cas de prélèvement indu par l'établissement payeur, ce dernier peut restituer le trop-perçu à la personne concernée et régulariser l'opération sur sa déclaration ou la personne concernée peut solliciter auprès de l'administration fiscale la restitution de la contribution prélevée par l'établissement payeur.

« La contribution assise sur les plus-values mentionnées au 2° du I n'est pas due dès lors que les personnes titulaires de ces plus-values justifient, selon des modalités définies par décret, des conditions définies au premier alinéa du présent I quater. »

II. – À la première phrase du I de l'article 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, les mots : « au I ter » sont remplacés par les mots : « aux I ter et I quater ».

III. – Le présent article s'applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2022 et aux plus-values réalisées au titre de cessions intervenues à compter de cette même date.

IV. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Yan Chantrel.

M. Yan Chantrel. Cet amendement a un objectif simple : rétablir l'équité fiscale entre les Français établis hors de France.

En 2019, à la suite d'une jurisprudence européenne, le Gouvernement s'est trouvé dans l'obligation d'exonérer de CSG-CRDS les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'un État de l'Espace économique européen et de la Suisse. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé anormal que ces concitoyens établis hors de France payent la CSG-CRDS alors qu'en vertu du principe de territorialité ils ne peuvent bénéficier de la sécurité sociale.

Depuis lors, l'assujettissement à la CSG-CRDS est vécu comme une profonde injustice par nos compatriotes installés dans le reste du monde, d'autant plus que certains d'entre eux sont, par ailleurs, contraints de cotiser à des régimes de sécurité sociale obligatoire à l'étranger ou de cotiser à la Caisse des Français de l'étranger. Ils ne comprennent pas pourquoi ils continuent à supporter un impôt qui ne concerne qu'une partie des non-résidents uniquement en fonction de leur lieu de résidence. Cela va à l'encontre du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.

C'est pourquoi cet amendement vise, par souci de justice, à étendre la suppression de la CSG-CRDS sur les revenus du capital à l'ensemble des non-résidents.

Je défends d'autant plus volontiers cette mesure de justice que j'ai proposé une solution à l'occasion d'un amendement précédent, à savoir flécher une partie de cette taxe vers la mission de service public de la CFE. Je suis donc cohérent. À partir du moment où le Gouvernement ne prend pas cette décision, il faut supprimer cette mesure d'injustice. Ce qui est injuste au sein de l'Espace économique européen l'est tout autant en dehors.

M. le président. L'amendement n° 345 rectifié bis, présenté par Mmes Renaud-Garabedian et Briante Guillemont et MM. Ruelle, D. Laurent, H. Leroy et Séné, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre 6 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le I bis de l'article L. 136-6 est complété par les mots : « et qui ne justifient pas d'avoir déjà été domiciliées fiscalement en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts pendant une durée cumulée d'au moins cinq années, que ces années soient consécutives ou non » ;

2° Le I bis de l'article L. 136-7 est complété par les mots : « et qui ne justifient pas d'avoir déjà été domiciliées fiscalement en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts pendant une durée cumulée d'au moins cinq années, que ces années soient consécutives ou non ».

II. – Le 1° du I s'applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2026.

III. – Le 2° du I s'applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2026.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

L'amendement n° 344 rectifié bis, présenté par Mmes Renaud-Garabedian et Briante Guillemont et MM. Ruelle, D. Laurent, H. Leroy et Séné, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre 6 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le I bis de l'article L. 136-6 est complété par les mots : « et qui ne justifient pas d'avoir été assujetties, pendant une durée cumulée d'au moins cinq années, à la contribution sociale généralisée prévue au présent article ou à la contribution pour le remboursement de la dette sociale prévue à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, lorsqu'elles étaient fiscalement domiciliées en France, que ces années soient consécutives ou non. » ;

2° Le I bis de l'article L. 136-7 est complété par les mots : « qui ne justifient pas d'avoir été assujetties, pendant une durée cumulée d'au moins cinq années, à la contribution sociale généralisée prévue au présent article ou à la contribution pour le remboursement de la dette sociale prévue à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, lorsqu'elles étaient fiscalement domiciliées en France, que ces années soient consécutives ou non. »

II. – Le 1° du I s'applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2026.

III. – Le 2° du I s'applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2026.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour présenter ces deux amendements.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Madame la ministre, pourquoi les Français établis dans les pays extracommunautaires restent-ils soumis à la CSG et à la CRDS, alors que les Français résidant au sein de l'Espace économique européen en sont exonérés ?

Vous me répondrez que la CSG-CRDS est un impôt. Pourtant, socialement, économiquement et fonctionnellement, il s'agit bien d'un prélèvement social. La France défend donc la thèse qu'un prélèvement social n'en est pas un.

Vous me répondrez également que cette exonération coûte 300 millions d'euros. Les conditions d'application de la mesure que je propose – soit avoir été assujetti à la CSG et à la CRDS pendant cinq ans, soit avoir été domicilié fiscalement en France pendant cinq ans – réduiront drastiquement le nombre de contribuables concernés, tout en écartant les profils des investisseurs et des spéculateurs.

Vous répondrez évidemment défavorablement à mes amendements, bien qu'ils soient mesurés, équilibrés, sécurisés et raisonnables.

Madame la ministre, à défaut d'émettre un avis favorable, seriez-vous prête à envisager une étude d'impact pour que l'on connaisse le coût exact de ce que je propose, en fonction des deux versions que j'ai retenues ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces amendements visent à exonérer l'ensemble des non-résidents, qu'ils soient Français ou non, du paiement de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine qu'ils perçoivent en France.

L'objet de l'amendement n° 1648 ne fixe pas de conditions particulières ; celui de l'amendement n° 345 rectifié bis soumet la mesure à une domiciliation fiscale en France d'au moins cinq ans ; celui de l'amendement n° 344 rectifié bis la soumet à un assujettissement à la CSG-CRDS d'au moins cinq ans.

Une telle mesure est régulièrement présentée à l'Assemblée nationale et au Sénat – très souvent d'ailleurs, la position de la commission n'est pas suivie. (Sourires.)

Les partisans de ces amendements mettent en avant le fait que les Français résidant hors de France paient la CSG et la CRDS s'ils vivent hors de l'Union européenne, alors que ce n'est pas le cas s'ils vivent en son sein. Ce traitement différent, alors que les situations sont voisines, suscite un sentiment d'injustice que je partage.

Toutefois, il faut rappeler que cette différence n'est évidemment pas voulue par les pouvoirs publics. Elle vient du fait que, selon un arrêt de 2015 de la Cour de justice de l'Union européenne, la France doit appliquer une telle exonération dans le cas des Français vivant dans l'Union européenne.

Dans ces conditions, pourquoi n'avoir pas décidé d'exonérer aussi les Français vivant en dehors de l'Union européenne ?

Trois raisons l'expliquent.

Premièrement, la CSG et la CRDS ne sont pas des cotisations qui créent des droits : ce sont des impôts qui ne créent pas de droits. Où s'arrêtera-t-on si l'on commence à exonérer de CSG et de CRDS les Français vivant hors de l'Union européenne ? Pourquoi ne pas les exonérer aussi de l'impôt sur le revenu ? Après tout, ils utilisent moins les routes ou les écoles françaises !

Je sais que, pas plus que les années précédentes, je ne convaincrai les auteurs de ces amendements avec cet argument.

Deuxièmement, il n'est pas du tout évident qu'il soit juridiquement possible d'exonérer les Français sans exonérer aussi les étrangers. Par exemple, on peut subordonner l'exonération à l'assujettissement à un régime français obligatoire d'assurance maladie. Reste que le lien avec l'exonération de CSG ou de CRDS n'est pas évident. Pour cette raison, il est douteux qu'il survive à un recours devant le juge constitutionnel. Pourra-t-on vraiment expliquer à nos compatriotes que tel ou tel étranger fortuné, voire très fortuné – il en existe –, est exonéré de CSG et de CRDS sur ses investissements en France ?

Troisièmement, j'avancerai un argument financier, essentiel dans le contexte actuel. Comme vous le savez, le coût de cette mesure est estimé à environ 300 millions d'euros. La situation des finances sociales est dramatique. Personnellement, je ne peux pas défendre une telle baisse des recettes de la sécurité sociale.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je partage les arguments tout à fait clairs avancés par Mme la rapporteure générale.

Je rappelle le droit.

Toute personne qui reçoit des revenus du capital de source française est soumise aux prélèvements sociaux, quel que soit son domicile. Voilà pour le principe.

La CJUE a décidé que l'on ne pouvait pas payer pour deux régimes obligatoires de sécurité sociale. Par conséquent, dès lors que l'on réside dans l'Union européenne, comme on est couvert par un régime de sécurité sociale, on ne paye pas deux fois. Aussi, dans le strict périmètre de l'Union européenne, de l'Espace économique européen et de la Suisse, cette exonération existe.

Revenons au principe : tout revenu du capital de source française est soumis à la CSG et aux prestations sociales.

C'est parce qu'il existe des régimes obligatoires de sécurité sociale européens que cette exonération a été prévue pour le seul périmètre européen. Vous souhaitez qu'il en soit de même pour les Français établis à Singapour, aux États-Unis ou au Canada. Voilà un raisonnement qui me paraît difficile à défendre.

Comme l'a expliqué la rapporteure générale, la CSG est un impôt – c'est la position du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il faudrait logiquement supprimer l'imposition de tous les autres types de revenus.

Imaginons que, cette année, ces amendements soient adoptés et que les revenus du capital d'un résident extra-européen ne soient plus assujettis à la CSG. L'année prochaine, vous réclamerez qu'il n'y ait plus d'impôts sur le revenu, éventuellement qu'il n'y ait plus d'impôts fonciers, puis plus d'impôts sur les loyers ?

Vous le voyez, tout cela provoque un effet domino qui ne tient qu'à cet état de fait : en Europe, ce qui compte, ce n'est pas la domiciliation, c'est le fait d'être contributeur à un régime obligatoire de sécurité sociale.

Je vous mets en garde contre les effets en chaîne de ces amendements, dont l'objet semble à première vue évident et plein de bon sens, mais dont l'adoption ferait qu'un Français établi hors de France qui aurait des revenus de source française ne paierait plus aucun impôt.

Je sais que je ne convaincrai pas les auteurs de ces amendements. En revanche, je cherche à convaincre tous les autres que, l'année prochaine, légitimement, avec une logique implacable, il faudrait exonérer d'impôt tous les revenus de source française des Français non-résidents. Voilà qui me paraît bien dangereux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1648.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 345 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 344 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1490, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.– Les IV et IV bis de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale sont rétablis dans la rédaction suivante :

« IV.– Par dérogation au I, sont assujettis à la contribution sociale :

« 1° Au taux de 6,6 % les revenus mentionnés au II de l'article L. 136-1-1 du présent code perçus par les personnes dont les revenus de l'avant-dernière année, définis au IV de l'article 1417 du code général des impôts sont inférieurs à 30 271 € pour la première part de quotient familial, majorés de 6 028 € pour chaque demi-part supplémentaire.

« 2° Au taux de 10,6 % les revenus mentionnés au II de l'article L. 136-1-1 du présent code perçus par les personnes dont les revenus de l'avant-dernière année, définis au IV de l'article 1417 du code général des impôts excèdent 72 560 € pour la première part de quotient familial, majorés de 6 028 € pour chaque demi-part supplémentaire.

« IV bis.– Les seuils mentionnés aux IV sont revalorisés au 1er janvier de chaque année, conformément à l'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, constatée pour l'avant-dernière année et arrondis à l'euro le plus proche, la fraction d'euro égale à 0,50 étant comptée pour 1. »

II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Il s'agit d'ouvrir le débat sur la progressivité de la CSG sur les revenus d'activité.

En ce sens, nous proposons un taux réduit de CSG de 6,6 % pour les personnes dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 30 271 euros, soit environ 1,4 Smic annuel, et un taux majoré de 10,6 % pour les hauts revenus supérieurs à l'équivalent du neuvième décile du niveau de vie moyen, soit 72 560 euros, selon l'étude Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA.

Rappelons que la CSG est déjà progressive sur les revenus de remplacement, notamment les retraites, avec quatre seuils : exonération, taux réduit, taux médian, taux plein.

Aujourd'hui, un salarié au Smic et un salarié percevant un très haut revenu payent le même taux de CSG. Une progressivité permettrait d'aligner la contribution sur le niveau de vie comme pour l'impôt sur le revenu.

Par ailleurs, une telle progressivité permettrait aussi de réduire les prélèvements obligatoires sur les bas salaires, comme certains le proposent ici.

Au fond, c'est une mesure de justice sociale que nous portons. S'il s'agit, évidemment, d'un amendement d'appel, madame la ministre, j'espère qu'il nous permettra, d'une part, d'obtenir des indications chiffrées sur l'éventuel rendement qu'entraînerait la progressivité, d'autre part, d'ouvrir un chantier avec les partenaires sociaux sur une distribution plus juste via la CSG.