Mme la présidente. L'amendement n° 179 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Buis, Rambaud et Lévrier, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section III du chapitre II du titre III de la deuxième partie du code général des impôts est complétée par un article 1613... ainsi rédigé :
« Art. 1613.... – I. – Pour l'application du présent article, sont considérés comme produits alimentaires ultratransformés les produits solides ou semi-solides destinés à la consommation humaine constitués de formulations industrielles d'ingrédients issus du fractionnement, de la recombinaison ou de la transformation poussée d'aliments, comportant un ou plusieurs additifs non utilisés dans la cuisine domestique, notamment des agents de saveur, de couleur, d'émulsion, d'édulcoration, d'épaississement ou de conservation autres que le sel.
« Ces produits se caractérisent par le recours à des procédés industriels tels que l'hydrogénation, l'hydrolyse, l'extrusion ou le prétraitement par friture et par une finalité de transformation visant la création de produits prêts à consommer, hyper-appétents, stables à l'étagère et à longue durée de conservation, plutôt que la seule préservation de la denrée d'origine.
« La liste des produits et catégories d'aliments entrant dans le champ de la présente contribution ainsi que les seuils, les modalités et les critères techniques d'identification sont déterminés par un décret pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
« Sont exclus du champ de la présente contribution les produits fabriqués et vendus directement au consommateur final par des artisans et par les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions d'euros par an.
« Est instituée une contribution perçue sur les produits définis au présent article comme étant des produits alimentaires ultratransformés destinés à la consommation humaine et contenant des sucres ajoutés.
« II. – La contribution est due par la personne qui réalise la première livraison des produits mentionnés au I, à titre gratuit ou onéreux, en France, en dehors des collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, de la Nouvelle-Calédonie, des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton, à raison de cette première livraison.
« Est assimilée à une livraison la consommation de ces produits dans le cadre d'une activité économique. La contribution est exigible lors de cette livraison.
« III. – Le tarif de la contribution mentionnée au I est le suivant :
«
Quantité de sucre (en kg de sucre ajoutés par quintal de produits transformés) |
Tarif applicable (en euros par quintal de produits transformés) |
Inférieur à 23 |
0 |
Entre 23 et 30 |
21 |
Au-delà de 30 |
35 |
« Les tarifs mentionnés dans le tableau du présent paragraphe sont relevés au 1er janvier de chaque année, à compter du 1er janvier 2026, dans une proportion égale au taux de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'avant-dernière année.
« Ces montants sont exprimés avec deux chiffres après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d'une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq.
« IV. – La contribution est établie et recouvrée selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.
« V. – Le produit de cette contribution est affecté à la branche mentionnée au 1° de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »
« VI. – La contribution ne s'applique pas aux boissons et préparations liquides pour boissons faisant l'objet de la contribution définie à l'article 1613 ter du code général des impôts ainsi qu'aux alcools et boissons alcooliques relevant des dispositions du chapitre III du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de repli.
Avec l'amendement n° 857 rectifié, j'ai proposé une taxe organisée en quinze tranches, dans une logique très incitative – celle que nous appliquions précédemment via la taxe soda.
Avec l'amendement n° 179 rectifié, je suggère à présent de se caler sur la nouvelle taxe soda, qui se limite à trois paliers. Un tel choix est beaucoup moins incitatif. Il est beaucoup plus contraignant pour les industriels, car il complique nettement la reformulation des produits. Mais peut-être est-il plus efficace pour réduire la teneur en sucre.
Je rappelle que, dans un cas comme dans l'autre, les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions d'euros sont exclues du champ de la taxe. Il s'agit notamment de préserver nos productions artisanales.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, si vous le voulez bien, je vous apporterai une réponse globale.
Certains de ces amendements visent les produits ultratransformés en général ; d'autres les produits transformés trop sucrés, trop gras ou trop salés ; d'autres encore les produits contenant des additifs.
La taxation des produits alimentaires transformés est un sujet que nous devons regarder de plus près. Nous en avons d'ailleurs beaucoup parlé l'an dernier. Cathy Apourceau-Poly et moi-même avons, en outre, consacré à la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé un rapport dans lequel nous abordions cette question.
Du fait de leur variété, ces produits sont beaucoup plus difficiles à taxer que les boissons sucrées. C'est ce qui explique que ce type de taxes soit très peu répandu dans le monde – il faut le dire –, en comparaison des taxes sur les boissons sucrées.
Certains pays ont essayé de mettre en œuvre des taxes sur les aliments solides, mais rares sont ceux qui les ont maintenues. C'est le cas du Danemark, qui est rapidement revenu sur cette initiative en raison d'effets négatifs et non maîtrisés. Je pense notamment à la pénalisation du consommateur pour l'achat de produits de première nécessité, comme le beurre ou l'huile.
Ce sujet exige donc une réflexion plus poussée. Les initiatives prises en la matière ne sauraient peser excessivement sur le pouvoir d'achat des consommateurs. Il faut aussi veiller à ne pas pénaliser les petits producteurs locaux ou les produits de l'artisanat, comme ceux qui sont vendus en boulangerie.
À cet égard, nous avons pu auditionner les fabricants de viennoiseries, qui accomplissent un travail considérable en ce moment. À l'évidence, ils sont bien conscients du problème. Les boulangers ont déjà beaucoup réduit la quantité de sel dans le pain, et la qualité gustative des produits n'en a été nullement altérée. De tels efforts, qui sont ceux de toute une filière, méritent d'être soulignés.
Les boulangers-pâtissiers se penchent actuellement sur la viennoiserie, qui contient de fortes proportions de graisses et de sucres. Je tiens à saluer ceux qui font des efforts et qui, par leur exemple, vont sans doute montrer le chemin. Nous devons les encourager.
J'y insiste, la taxation des produits alimentaires autres que les boissons est un sujet trop peu mature techniquement. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces différents amendements.
Bien sûr, la taxation reste une piste. Mais, avant tout, il convient selon moi d'éduquer au bien-manger dès le plus jeune âge, notamment dans nos écoles.
En procédant ainsi, nous avons obtenu de grands succès pour le tri des déchets : aujourd'hui, les tout-petits savent très bien dans quelle poubelle jeter une bouteille en plastique ou tel ou tel autre déchet. Dans la même logique, il faut développer l'éducation des jeunes enfants à l'alimentation. C'est dans ce sens qu'il faut travailler.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. J'approuve complètement ce que vient de dire Mme la rapporteure générale.
Premièrement, il faut favoriser le travail collectif, en étant aux côtés des acteurs économiques. Pour la viennoiserie, qui vient d'être évoquée, une diminution de 5 % à 10 % de la quantité de sucre est programmée selon les produits. Pour les nectars, les acteurs ont engagé un travail similaire – je pourrais citer d'autres exemples encore.
Mieux vaut encourager ces efforts, qui promettent d'être efficaces, que de voter des taxes très difficiles à mettre en œuvre. Souvent, le taux de sucre ajouté n'est pas précisé sur le produit ; on se contente de mentionner le taux de sucre global…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Stéphanie Rist, ministre. Faute d'une telle information, ces taxes ne pourraient pas être appliquées.
Je passe sur le fait qu'en procédant ainsi l'on risquerait d'augmenter le prix d'un certain nombre de produits, donc de réduire le pouvoir d'achat de nos concitoyens, notamment des plus modestes d'entre eux.
Deuxièmement, l'éducation à la santé en général et à l'alimentation en particulier est absolument essentielle. D'ailleurs, beaucoup de parlementaires travaillent sur ce sujet. Je pense notamment à Olivia Grégoire, qui a lancé les États généraux de l'éducation à l'alimentation et au bien-manger. Il faut poursuivre ces initiatives et les encourager.
Aussi, le Gouvernement émet à son tour un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Madame la ministre, il y a deux ans, dans cet hémicycle, nous avons voté la taxe que je propose de nouveau aujourd'hui, le Sénat, dans sa sagesse, ayant estimé que le taux de sucre des produits ultratransformés posait bel et bien problème. Par ce geste, il a voulu inciter l'industrie agroalimentaire à faire de réels efforts pour réduire l'usage du sucre.
Le 49.3 est passé par là : ces dispositions ont été supprimées, et pour cause, le Gouvernement y était défavorable. Or, deux ans après, quel est le résultat ? Il n'y a aucune avancée.
Vous me répondrez que l'industrie agroalimentaire s'engage à réduire de 5 % en dix ans le taux de sucre d'un certain nombre de produits ultratransformés particulièrement riches.
Je pense à une marque de gâteau dont je tairai le nom – j'ai auditionné cette semaine les représentants de l'entreprise dont il s'agit – et qui contient 32 grammes de sucre pour 100 grammes : le fait de retirer 5 % de ces 32 grammes en dix ans ne changera pas grand-chose… Prendre de telles mesures revient, en somme, à se faire plaisir.
Avec de tels produits, nous continuerons d'empoisonner nos enfants quotidiennement et l'assurance maladie continuera de payer les pots cassés : elle dépense chaque année 125 milliards d'euros pour faire face aux maladies cardiovasculaires, au diabète, à l'obésité et au surpoids en général.
Vous nous dites : « On va travailler, on va négocier. » Soit : c'est ce que l'on nous répond tous les ans lors de l'examen du PLFSS.
Madame la rapporteure générale, vous avez raison d'insister sur l'éducation et sur la prévention. Mais quand on gagne le Smic, on regarde moins le Nutri-score que l'étiquette du prix. Or, aujourd'hui, les produits les plus nocifs pour la santé sont également les moins chers : c'est bien là qu'est le problème.
Travaillons à l'amélioration des produits alimentaires. Taxons les plus mauvais d'entre eux, ne serait-ce que pour les rendre moins accessibles. En parallèle, étudions la possibilité d'appliquer une TVA réduite aux bons produits, examinons les moyens de baisser les taxes dont ils font l'objet : faisons en sorte que ceux qui ont le moins de moyens puissent eux aussi bien se nourrir.
M. Pascal Savoldelli. Commencez par augmenter les salaires !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur Iacovelli, je ne connais pas de taxe qui ne finit pas par être répercutée sur le consommateur. Vous visez à ce titre les produits les moins chers : ce sont les gens qui consomment les produits de base qui feront les frais de cette taxe.
M. Aymeric Durox. Eh oui !
Mme Nadia Sollogoub. J'ai été alertée par un groupe agroalimentaire qui, dans mon département de la Nièvre, possède une usine de production de pain de mie. Notre territoire ne compte pas beaucoup d'entreprises, et ce site emploie 130 salariés, ce qui n'est pas négligeable. Pour ce groupe, une telle taxe entraînerait un surcoût de 13 millions d'euros.
Je précise que le Nutri-score a eu un effet très positif sur le pain de mie industriel : il a entraîné des changements de recettes, au bénéfice du consommateur. De grands progrès ont été accomplis, mais désormais les recettes ne peuvent plus évoluer. Ces 13 millions d'euros de surcoût seraient donc répercutés sur le consommateur.
En outre, en prenant pour point de comparaison ce qui se passe dans d'autres secteurs agroalimentaires, je m'interroge : comment pourra-t-on contrôler les produits d'importation ?
On contrôle aisément ce qui est produit en France, mais, dans le cas des produits importés, ce travail est beaucoup plus difficile. Je ne voudrais pas que l'on fasse ce qui se fait dans d'autres domaines, que l'on torpille la production française et qu'on laisse entrer de la crotte aux dépens de nos consommateurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour explication de vote.
Mme Chantal Deseyne. Mes chers collègues, je fais miennes vos préoccupations. Je soutiens le combat que vous menez contre l'obésité, le surpoids en général et toutes les maladies chroniques qui y sont associées. Mais je ne pense pas que la taxation soit une politique de prévention.
Depuis la reprise de la séance, nous ne parlons que de taxes – sur le vin, les autres alcools, le sucre, le gras et les produits ultratransformés. On ne propose que d'instaurer de nouvelles taxes qui pénalisent les plus modestes.
Certains orateurs l'ont déjà dit, ces consommateurs s'intéressent davantage au prix qu'à la composition du produit. Je vous invite donc à mettre en œuvre une véritable politique de prévention, fondée sur l'incitation à la pratique sportive et la promotion d'une alimentation saine.
À cet égard, il faut que chacun se remette à cuisiner. Non seulement les produits ultratransformés ne sont pas très bons, mais ils coûtent très cher. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Xavier Iacovelli. En résumé, s'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Je suis d'accord avec Pascal Savoldelli : il faut augmenter les salaires. Si les gens gagnaient mieux leur vie, s'ils avaient de meilleurs salaires, ils accéderaient plus facilement aux produits non transformés.
Aujourd'hui, on assiste à une recrudescence des produits transformés, et pour cause : les personnes en situation de précarité se tournent vers ces aliments, qui ont l'apparence de bons produits.
Enfin, j'insiste à mon tour sur l'effort de prévention et d'éducation. Autrefois, des sessions d'apprentissage au goût se tenaient dans les écoles. À cette occasion, les enfants étaient initiés à d'autres produits. Ils apprenaient même à les cuisiner. Or ces cours ont disparu faute de personnel suffisant, qu'il s'agisse des enseignants ou des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
On le voit bien, ces différents sujets forment un tout. Si nous voulons enclencher un cercle vertueux, il faut agir dès le plus jeune âge en misant sur l'éducation et la prévention. Nos concitoyens doivent s'écarter le plus possible des produits transformés, qui expliquent tout de même pour 30 % les problèmes d'obésité que l'on connaît en France.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je ne reviendrai pas sur les méfaits du sucre pour la santé de nos concitoyens : ils sont évidents et, dans cet hémicycle, un certain nombre de médecins sont mieux placés que moi pour en parler. Je pense en particulier à M. Khalifé, qui pourrait décrire plus en détail l'influence du sucre sur les maladies cardiovasculaires.
J'estime moi aussi que, face à de tels enjeux, la taxation n'est pas la solution.
Monsieur Iacovelli, l'an passé, nous étions convenus de travailler ensemble pour définir des planchers et des plafonds de sucre applicables à tel ou tel produit. Je pense en particulier aux petits pots pour bébés : il est très important d'interdire le sucre ajouté dans ces aliments spécifiques…
M. Xavier Iacovelli. C'est l'objet de mon prochain amendement !
Mme Nadia Sollogoub. Très bien !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Retravaillons ce sujet plutôt que de créer de nouvelles taxes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Naturellement, nous voterons ces amendements.
Mes chers collègues, un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a mené récemment une expérience tout à fait éclairante. Il a rendu des rats accros à la cocaïne et au sucre, puis il a entrepris de les sevrer. Or, quand ils l'ont pu, la première chose sur laquelle ces rats se sont rués, c'est le sucre.
Nous avons parlé de l'obésité, des maladies cardiovasculaires et, plus largement, des problèmes de santé provoqués par la consommation excessive de sucre, qui est par nature addictif. C'est plus fort que nous : le sucre nous rend vraiment accros, qui que l'on soit, quels que soient les produits.
Nous parlerons plus particulièrement des petits pots pour bébés dans la suite de cette discussion. Dans l'ensemble, s'il y a trop de sucre dans notre alimentation, c'est parce que le sucre nous pousse à consommer encore et encore.
Je le répète, nous sommes face à un véritable problème d'addiction. Il ne s'agit pas seulement de lutter contre l'obésité et les maladies cardiovasculaires évoquées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Amendement après amendement, j'entends répéter comme un mantra que les taxes comportementales ne servent à rien. Or ce n'est pas vrai !
Mes chers collègues, ce n'est pas parce que vous l'affirmez tous les uns après les autres que ces taxes ne servent à rien que c'est vrai. Beaucoup de pays ont pris de telles mesures. Beaucoup d'études ont été consacrées à cette question. Le Sénat lui-même y a consacré un rapport.
Peu après mon arrivée au Sénat, j'ai entendu Mme Doineau nous parler avec intérêt des taxes comportementales. J'ai également assisté à de nombreuses auditions tendant à démontrer qu'elles fonctionnent.
Nous disposons d'ailleurs d'un exemple : le tabac. C'est le seul produit pour lequel on a sérieusement entrepris cet effort, et c'est le seul pour lequel on a obtenu des résultats. Les quelques mesures prises, à ce titre, pour réduire la consommation de sucre ont aussi porté leurs fruits. C'est un fait. On peut estimer que cela dérange certaines filières…
Mme Sophie Primas. Ce n'est pas l'objet de ces amendements !
Mme Anne Souyris. On revient toujours à ces considérations. Mais, même si tel est le cas, les taxes comportementales donnent des résultats en matière de santé publique.
Il y a sans doute d'autres enjeux, que nous ne manquerons pas d'étudier. En tout cas, avec de tels dispositifs, on répond bien aux problèmes de santé publique.
Madame Deseyne, vous faites valoir que ce sont les pauvres qui en pâtiront : on nous a opposé le même argument au sujet du tabac ! Mais les pauvres pâtissent d'abord des méfaits du sucre, du tabac et de l'alcool. Ce sont eux qui en sont les plus malades et qui en meurent le plus. (Mme Sophie Primas proteste.) Ils ne seront pas les victimes d'une telle taxe : bien au contraire, cette dernière nous permettra de les protéger.
Enfin, chers collègues de la droite sénatoriale, vous ne cessez de répéter le grand mot de prévention : formidable ! Mais avec quel argent mettrez-vous en œuvre cette politique, puisque vous ne voulez aucune des recettes que l'on vous propose ? Je ne vois pas quand et comment l'on pourra mener des actions de prévention.
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Je ne reviendrai pas sur les problèmes de pouvoir d'achat et de vie chère qui frappent mon territoire. Je pose simplement cette question : pourquoi les industriels de l'agroalimentaire mettent-ils tant de sucre dans leurs produits ? Parce que le sucre permet de conserver les aliments à moindres frais – il coûte moins cher que les conservateurs – et, surtout, parce qu'il nous rend accros. C'est pourquoi tant de consommateurs continuent d'acheter des produits trop sucrés.
Les taxes comportementales ont pour but d'infléchir à la fois les choix des consommateurs et ceux des industriels. C'est une manière de dire aux fabricants qu'il est temps de revoir la composition de leurs produits ; qu'ils doivent arrêter de faire des profits en les sucrant outre mesure.
Mme Sophie Primas. Il y a le Nutri-score !
Mme Audrey Bélim. Il s'agit donc d'un premier pas. En créant ce type de taxes, nous aurons peut-être gagné une première bataille historique.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je précise que les produits fabriqués directement par les artisans de bouche, ainsi que les productions bénéficiant d'une AOP ou d'une IGP, sont exclus du champ de l'amendement n° 814 rectifié.
En outre, ne seraient taxées que les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 10 millions d'euros. On éviterait ainsi de fragiliser les acteurs locaux, notamment les PME.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1574 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 562 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1526 rectifié et 1703.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu'à minuit et demi.
Il n'y a pas d'observation ?...
Il en est ainsi décidé.
L'amendement n° 1702, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section III du chapitre II du titre III de la deuxième partie du code général des impôts est complétée par un article 1613... ainsi rédigé :
« Art. 1613.... – I. – Est instituée une contribution perçue sur les produits alimentaires transformés destinés à la consommation humaine contenant des additifs alimentaires à risques.
« II. – La contribution est due par la personne qui réalise la première livraison des produits mentionnés au I, à titre gratuit ou onéreux, en France, en dehors des collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, de la Nouvelle-Calédonie, des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton, à raison de cette première livraison.
« Est assimilée à une livraison la consommation de ces produits dans le cadre d'une activité économique. La contribution est exigible lors de cette livraison.
« III. – Le montant de la taxe est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2026, dans une proportion égale au taux de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'avant-dernière année. Ce montant est exprimé avec deux chiffres après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d'une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est constaté par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel.
« IV. – Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu'en matière de contributions indirectes.
« V. – Le produit de cette taxe est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
« VI. – Le tarif de la taxe mentionnée au I et ses modalités d'acquittement sont déterminés par décret. Ce tarif est d'au moins 1 euro par gramme d'additifs alimentaires à risques ajouté pour chaque kilogramme vendu des produits mentionnés au I. »
« VII. – Un décret établit la liste des additifs alimentaires qui, malgré leur autorisation par l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, présentent selon la communauté scientifique des risques pour la santé.
« Cette liste est mise à jour tous les ans à compter du 1er janvier 2026.
« Au 1er janvier 2026, elle contient au moins les vingt additifs alimentaires les plus à risques. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Par cet amendement, nous proposons de nouveau une taxe sur les aliments transformés contenant des additifs. Pour parler des problèmes que posent ces aliments, qui relèvent indéniablement du PLFSS, nous n'avons pas d'autre choix que de défendre de tels dispositifs, sachant que les demandes Madamede rapport sont systématiquement rejetées. En outre, la taxe est un des leviers permettant d'agir sur les modes de production.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a analysé, entre 2008 et 2016, un grand nombre de produits transformés : 78 % d'entre eux contenaient au moins un additif. De son côté, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) souligne dans une étude de 2025 que certaines combinaisons, ou certains cocktails d'additifs, trouvées dans des produits ultratransformés pourraient être associées à un risque accru de diabète de type 2.
L'Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) fournit des éléments scientifiques à la Commission européenne et aux États membres pour statuer sur l'autorisation des différents additifs et leur niveau d'usage. Mais, pour de nombreux additifs autorisés, la controverse scientifique perdure, d'autant que, de l'aveu même de l'EFSA, l'évaluation reste trop souvent dépendante des données fournies par les industriels.
Ainsi, les tests demandés ne couvrent que partiellement les toxicités possibles. Les effets cumulatifs à long terme sont sous-estimés, de même que l'effet cocktail résultant de l'exposition à de multiples additifs. Quant aux toxicités plus complexes, comme l'effet perturbateur endocrinien ou l'effet sur le microbiote, elles ne sont pas suffisamment prises en compte ; et, quand elles le sont, c'est souvent de manière inadaptée. Enfin, je rappelle que 30 % des 315 additifs autorisés avant 2019 restent à réévaluer.
Selon un sondage Eurobaromètre 2025 commandé par l'EFSA, 35 % des citoyens de l'Union européenne déclarent que les additifs comptent parmi leurs principales préoccupations en matière de sécurité alimentaire.
Mes chers collègues, vous pouvez le constater : par cet amendement, nous entendons répondre à une demande majeure, dans la droite ligne du rapport d'information que nos collègues Mmes Deseyne et Devesa ont consacré au surpoids et à l'obésité, avec notre ancienne collègue Michelle Meunier.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, avec cet amendement, vous appelez notre attention sur les additifs à risque. Mais les produits dangereux pour le consommateur n'ont pas lieu d'être taxés : ils doivent être interdits …