Sommaire

Présidence de M. Xavier Iacovelli

vice-président

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

Article 11 quinquies (nouveau)

Article 11 sexies (nouveau)

Article 11 septies (nouveau)

Après l'article 11 septies

Mise au point au sujet de votes

Organisation des travaux

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mise au point au sujet de votes

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

Article 12

Après l'article 12

Article 12 bis (nouveau)

Après l'article 12 bis

Demande de réserve

Après l'article 12 bis (suite)

Article 12 ter (nouveau)

Article 12 quater (nouveau)

Article 12 quinquies (nouveau)

Article 12 sexies (nouveau)

Article 12 septies (nouveau)

Article 12 octies (nouveau)

Article 12 nonies (nouveau)

Article 12 decies (nouveau)

Article 12 undecies (nouveau)

Après l'article 11 septies (amendements précédemment réservés)

Article 13

Article 14 (réservé)

Article 15

Après l'article 15

Article 16

Article 16 bis (nouveau)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

Article 14 (précédemment réservé)

Article 17

Rappel au règlement

Article 17 (supprimé)(suite)

Vote sur l'ensemble de la deuxième partie

Article 18

Après l'article 18

Ordre du jour

Présidence de M. Xavier Iacovelli

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinquante.)

1

Article 11 ter (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 11 quinquies (nouveau)

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2026 (projet n° 122, rapport n° 131, avis n° 126).

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus, au sein du titre Ier de la deuxième partie, à l'article 11 quinquies.

DEUXIÈME PARTIE (SUITE)

Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'exercice 2026

TITRE Ier (SUITE)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 11 sexies (nouveau)

Article 11 quinquies (nouveau)

I. – Au a de l'article L. 138-2 du code de la sécurité sociale, le taux : « 1,5 % » est remplacé par le taux : « 1,3 % ».

II. – Le I s'applique à la contribution prévue à l'article L. 138-1 du même code due à compter de l'exercice 2026.

III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)

Article 11 quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 11 septies (nouveau)

Article 11 sexies (nouveau)

I. – L'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 138-9. – I. – Les remises, les ristournes et les avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature, y compris les rémunérations de services prévues à l'article L. 441-3 du code de commerce, consentis par les fournisseurs des officines en spécialités pharmaceutiques remboursables ne peuvent excéder, par année civile et par ligne de produits, pour chaque officine, un plafond fixé à 2,5 % du prix fabricant hors taxes de ces spécialités.

« II. – A. – Le plafond mentionné au I du présent article est porté à 40 % du prix fabricant hors taxes :

« 1° Pour les spécialités génériques définies au a du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique et pour les spécialités de référence définies au même a dont le prix de vente au public est identique à celui des autres spécialités du groupe générique auquel elles appartiennent ;

« 2° Pour les spécialités inscrites au répertoire des groupes génériques en application des deux dernières phrases du b du même 5° ;

« 3° Pour les spécialités hybrides substituables figurant au registre mentionné au dernier alinéa de l'article L. 5121-10 du même code et pour les spécialités de référence substituables figurant au registre mentionné au même dernier alinéa dont le prix de vente est identique à celui des autres spécialités du registre des groupes hybrides auquel elles appartiennent.

« B. – Pour les spécialités de référence soumises à un tarif forfaitaire de responsabilité en application du II de l'article L. 162-16 du présent code, le plafond est fixé à 40 % du prix fabricant hors taxes correspondant au tarif forfaitaire de responsabilité.

« III. – Le plafond mentionné au I du présent article est porté à 20 % du prix fabricant hors taxes :

« 1° Pour les médicaments biologiques similaires substituables dans les conditions prévues à l'article L. 5125-23- 2 du code de la santé publique ;

« 2° Pour les spécialités de référence dont le prix de vente est identique à celui des médicaments biologiques similaires substituables dans les conditions prévues au même article L. 5125-23- 2.

« IV. – Pour l'application des plafonds mentionnés aux II et III du présent article, il n'est pas tenu compte du montant de la marge prévue à l'article L. 162-38 que le fournisseur rétrocède le cas échéant à l'officine.

« V. – Les infractions au présent article sont passibles des sanctions pénales applicables aux infractions mentionnées à l'article L. 162-38. Ces infractions sont constatées et poursuivies dans les conditions prévues au titre V du livre IV du code de commerce.

« Toutefois, ce plafonnement ne s'applique pas pendant la durée de validité d'un accord de bonnes pratiques commerciales, agréé par le ministre chargé de la sécurité sociale, conclu entre les organisations représentatives des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et celles des pharmaciens d'officine. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026. Il est applicable aux contrats de fourniture de spécialités pharmaceutiques remboursables conclus ou renouvelés après cette date et, s'agissant des contrats en cours d'exécution, à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de leur prise d'effet.

III. – Avant le 1er octobre 2027 et à l'issue d'une concertation avec la Caisse nationale de l'assurance maladie, le Comité économique des produits de santé et les organisations syndicales représentatives des exploitants et des distributeurs de spécialités pharmaceutiques remboursables, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant l'incidence des plafonds de remise applicables à compter du 1er janvier 2026 sur les taux effectifs de remise pratiqués et sur les niveaux de pénétration du marché par les spécialités pharmaceutiques concernées ainsi que des hypothèses d'évolution du modèle de rémunération de la substitution des médicaments génériques, hybrides et biosimilaires par les pharmaciens d'officine.

IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I du présent article est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L'amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Les remises, ristournes, avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature, y compris les rémunérations de services prévues à l'article L. 441-3 du code de commerce, consentis par tout fournisseur aux officines sur les spécialités pharmaceutiques remboursables, sont plafonnés dans les conditions suivantes :

1° Le plafond annuel de remise par ligne de produit est fixé à 2,5 % du prix fabricant hors taxes ;

2° Ce plafond est porté à 40 % du prix fabricant hors taxes pour :

a) Les spécialités génériques et leurs références ;

b) Les spécialités inscrites au répertoire des groupes génériques ;

c) Les spécialités hybrides substituables et leurs références à prix identique ;

3° Ce plafond est porté à 20 % du prix fabricant hors taxes pour :

a) Les médicaments biologiques similaires substituables dans les conditions de l'article L. 5125-23- 2 du code de la santé publique ;

b) Les spécialités de référence à prix identique à ces médicaments.

II. – Pour l'application des plafonds mentionnés au I, il n'est pas tenu compte du montant de la marge prévue à l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale que le fournisseur rétrocède, le cas échéant, à l'officine.

III. – Les infractions aux dispositions du présent article sont constatées et poursuivies dans les conditions prévues au titre V du livre IV du code de commerce et sont passibles des sanctions mentionnées à l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale.

IV. – Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment la définition des lignes de produits concernées et les conditions de suivi par le comité économique des produits de santé.

V. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2027, un rapport évaluant l'impact du dispositif sur les taux effectifs de remises pratiqués et sur les niveaux de pénétration du marché par les spécialités concernées.

VI. – Le présent article s'applique aux contrats de fourniture conclus ou renouvelés à compter du 1er janvier 2026.

VII. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Les officines de pharmacie constituent un maillon essentiel de la santé de proximité, en particulier dans les territoires ruraux et semi-urbains. Or, depuis plusieurs années, les politiques successives de réduction de marges et de plafonnement des remises fragilisent gravement ce réseau, déjà confronté à la fermeture de plus de 200 pharmacies par an.

L'arrêté du 4 août 2025, qui abaisse les plafonds de remises commerciales de 40 % à 30 % pour les médicaments génériques et à 15 % pour les biosimilaires, puis à 20 % toutes catégories confondues à compter de 2027, accentue cette pression économique.

Ces décisions, prises sans négociation réelle avec la profession, menacent directement la viabilité financière des officines indépendantes et la dispensation de proximité dans de nombreux territoires déjà marqués par la désertification médicale.

Les remises commerciales ne sont pas un avantage injustifié : elles représentent le socle économique du modèle officinal français et permettent de maintenir l'équilibre entre les laboratoires, les pharmaciens et l'assurance maladie, tout en contribuant à la régulation des prix des génériques.

Réduire ces marges, c'est fragiliser toute la chaîne du médicament et rendre la substitution, pourtant encouragée par les pouvoirs publics, économiquement dissuasive.

Cet amendement vise donc à rétablir des plafonds de remises réalistes et soutenables, en redonnant au Parlement sa compétence pleine et entière pour les fixer, chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Votre amendement concerne les grossistes-répartiteurs. Nous le savons tous, car nous le répétons depuis plusieurs années : les répartiteurs font face à un problème structurel, qui ne sera pas réglé par une baisse du taux de la première part de la contribution sur les ventes en gros.

Les grossistes-répartiteurs assurent le service public de la distribution du médicament.

Néanmoins, l'esprit de votre amendement est assez proche de celui de l'article 11 sexies. Je vous demande donc de le retirer : nous reconnaissons tous qu'il faut agir, mais la réponse à apporter est d'ordre structurel. Or vous proposez seulement réduire le taux de la première part de la contribution.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne suis pas favorable à l'article 11 sexies. Je comprends bien les raisons qui en sont à l'origine : ce sont celles qui ont motivé la suspension de l'arrêté prévoyant une diminution des remises. En outre, je vous informe du lancement d'une mission sur l'ensemble du modèle économique des pharmacies.

Cet article vise à plafonner les remises. Le travail sur ce sujet débute : il me paraît délicat d'en fixer dès à présent les conclusions dans la loi !

Je suis donc défavorable à l'article 11 sexies et à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L'article 11 sexies tend à fixer le niveau des plafonds de remise dans la loi et à le relever, comme nous étions nombreux à le réclamer, aux côtés des pharmaciens d'officine, dès cet été. En effet, ces remises constituent une ressource indispensable au fonctionnement du réseau officinal et participent au dynamisme de l'économie du médicament générique.

Pourtant, l'arrêté du 4 août 2025 avait abaissé les plafonds de ces remises à 30 % pour les médicaments génériques, contre 40 % auparavant, et à 15 % pour les médicaments biosimilaires depuis le 1er septembre dernier. Ils seront réduits à 20 %, toutes catégories de médicaments confondues, à partir du 1er juillet 2027.

Alors que les maternités et les hôpitaux de proximité ferment et que les généralistes qui partent en retraite ne sont pas remplacés, la présence d'une pharmacie est devenue indispensable pour garantir à nos concitoyens l'accès aux soins. Les pharmaciens sont ainsi amenés à accomplir toujours plus d'actes médicaux, comme la vaccination, les dépistages rapides ou les conseils aux patients. Malheureusement, le rythme de fermetures de pharmacies atteint près de 300 cessations d'activité par an.

Il faut donc conserver cette disposition, tout en menant une étude sur le niveau des remises commerciales pratiquées, en lien avec l'assurance maladie, afin d'en évaluer l'impact sur le marché des médicaments concernés.

Il y a aussi urgence à améliorer la lisibilité des études de pharmacie avant que les pénuries de pharmacies ne se transforment en pénurie de pharmaciens. Or, comme nous aurons l'occasion de le constater lors de l'examen du budget, rien n'est prévu en la matière.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11 sexies.

(L'article 11 sexies est adopté.)

Article 11 sexies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Après l'article 11 septies (début)

Article 11 septies (nouveau)

I. – L'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Toutes les entreprises qui produisent, vendent ou importent du n-hexane à partir du 1er janvier 2026 sont assujetties à une contribution, quel que soit leur chiffre d'affaires. Le taux de la contribution est fixé à 0,3 centime d'euro par litre. » ;

2° Sont ajoutés des III et IV ainsi rédigés :

« III. – Pour les produits mentionnés au I bis, les sommes collectées permettent, pour 50 %, d'accompagner les industriels dans la conversion de leur outil à des solutions ne requérant pas l'utilisation de la substance mentionnée au même I bis et, pour 50 %, de financer des actions de prévention.

« IV. – Le produit de la contribution est affecté à la Caisse nationale de l'assurance maladie. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 135 rectifié est présenté par M. Cuypers, Mmes Chain-Larché et Lassarade, M. Sido, Mme Evren, MM. de Nicolaÿ, D. Laurent et Burgoa, Mme Gosselin, M. Séné, Mme Pluchet, MM. Genet et Bruyen, Mmes Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Canayer, MM. Bacci et Saury, Mmes Joseph, P. Martin et Bellamy, M. Reynaud, Mme Gruny, MM. Pointereau, Piednoir, Panunzi, Brisson et Rietmann, Mme Dumont, M. Lefèvre, Mme Garnier et M. Sol.

L'amendement n° 621 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 1508 rectifié ter est présenté par MM. Le Rudulier, Khalifé, Rochette et H. Leroy.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l'amendement n° 135 rectifié.

M. Pierre Cuypers. L'article 11 septies est un contresens industriel, économique et juridique. Nous parlons ici d'une taxe qui ne protège ni la santé ni l'environnement, mais qui pénalise uniquement les producteurs français.

Une fois encore, ce texte nous entraîne vers un véritable suicide par la vertu : au nom d'une intention affichée comme vertueuse, nous ne faisons qu'affaiblir notre propre industrie ! Permettez-moi quelques explications techniques.

L'hexane n'est pas un additif : c'est un auxiliaire technologique utilisé pour extraire l'huile résiduelle après la première pression, sans laisser aucune trace ni résidu, puisqu'il n'est pas présent dans le produit final.

De plus, son usage est strictement encadré et surveillé par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et par la Commission européenne, qui confirment qu'il n'existe pas de risque sanitaire avéré. Laissons donc la science faire son travail et respectons le cadre européen.

Sur le plan juridique, l'article 11 septies viole frontalement la directive 2009/32/CE, qui autorise et encadre strictement l'usage de l'hexane comme auxiliaire technologique.

La France ne peut pas interdire de facto un produit légalement fabriqué et commercialisé dans le marché intérieur et mondial. Une telle mesure serait contraire aux règles européennes et nous exposerait à un contentieux certain.

D'un point de vue économique, cette taxe ne frapperait qu'un seul pays : la France. Aucun autre producteur européen ou mondial ne serait concerné. C'est une distorsion de concurrence assumée, au détriment de notre propre industrie et de notre pays.

À l'heure où nous parlons d'autonomie alimentaire, taxer un outil de production autorisé en Europe et dans le monde est un contresens évident. Face à la concurrence européenne et mondiale, qui n'est pas soumise au même niveau de contraintes réglementaires, préservons la compétitivité de nos entreprises.

Cet article est une surtransposition de plus du droit européen.

M. le président. Cher collègue, il faut conclure.

M. Pierre Cuypers. Aussi, pour éviter une concurrence déloyale et dommageable, ainsi qu'une violation du droit européen, je vous propose de supprimer cet article. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 621.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je n'ai rien à ajouter à l'excellent plaidoyer de notre collègue. Il s'agit également d'un amendement de suppression.

Nous ne sommes pas sans nous inquiéter de ce produit : en témoigne cet article, ajouté par l'Assemblée nationale. Cependant, nous faisons confiance aux autorités sanitaires : s'il faut durcir la réglementation, c'est à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) de le faire.

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l'amendement n° 1508 rectifié ter.

M. Khalifé Khalifé. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Comme je l'avais fait devant les députés, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. J'entends l'argument de la rapporteure générale. Cependant, dès 2014, l'Anses recommandait aux femmes enceintes d'éviter toute exposition à l'hexane. Si nous devons en effet attendre que cette agence formule de nouvelles préconisations, il est déjà établi que l'hexane pourrait être un perturbateur endocrinien et constituer un risque pour le fœtus.

Laissons l'Anses faire son travail, sans ignorer cette première recommandation.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. La rapporteure générale propose de supprimer l'article 11 septies, ajouté par l'Assemblée nationale, au motif qu'une taxe ne serait pas le meilleur moyen de parvenir à un abandon progressif de l'hexane. Nous avons déjà longuement échangé hier sur le rôle et la place des taxes dans une logique de prévention.

Nous pouvons débattre du meilleur moyen de lutter contre l'utilisation de cette substance chimique, dérivée du pétrole ou du gaz naturel et utilisée dans l'industrie comme solvant d'extraction.

Cependant, la dangerosité de cette substance présente dans nombre de produits alimentaires, y compris dans des préparations pour bébés, devrait rendre légitimes des mesures plus fortes de la part des pouvoirs publics. Nous pourrions interdire, a minima, l'ensemble des produits présentant une trace d'hexane.

La taxe prévue à l'article 11 septies a l'avantage de s'inscrire dans une logique de pollueur-payeur, susceptible de modifier les comportements des entreprises.

J'en profite pour regretter l'irrecevabilité ayant frappé un amendement déposé par notre collègue Michelle Gréaume sur cet article.

L'article 11 septies vise à instaurer une contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises qui persistent à produire, importer ou commercialiser de l'hexane.

Pour rappel, l'hexane est classé parmi les substances cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), et des travaux récents ont démontré qu'il était un facteur de risque de cancer de la prostate. Ainsi, Michelle Gréaume proposait, entre autres, une prise en charge par l'assurance maladie d'une analyse de sang tous les deux ans à partir de 50 ans grâce aux recettes de cette contribution.

Cet amendement s'inscrivait dans une logique de prévention. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de parler des perspectives de prévention offertes par ce projet de budget ! Mais j'entends que la compétitivité passe avant les questions de santé…

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 135 rectifié, 621 et 1508 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 11 septies est supprimé.

Article 11 septies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Après l'article 11 septies (interruption de la discussion)

Après l'article 11 septies

M. le président. Je rappelle que les amendements identiques nos 1396 rectifié et 1774 rectifié bis, ainsi que les amendements nos°1103 rectifié bis et 795 rectifié bis, déposés sur cet article, ont été réservés jusqu'après l'examen de l'article 12 undecies.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1462 rectifié, présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub et MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville, Kern, Duffourg, Bleunven, Longeot et Delahaye, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les II, III, IV et VI de la section I du chapitre premier du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts sont abrogés.

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les chapitres 6 et 7 du titre 3 du livre I sont abrogés ;

2° Le titre IV du livre II est ainsi rédigé :

« Titre IV

« Ressources

« Chapitre unique

« Art. L. 241-1. – I. – La couverture de l'ensemble des dépenses prises en charge par les organismes mentionnées au titre III du présent livre est assurée par une microtaxe sociale sur les mouvements des paiements scripturaux, collectée et perçue intégralement par ces organismes.

« II. – L'assiette de cette microtaxe sociale inclut les paiements scripturaux et électroniques ;

« III. – Le taux de la microtaxe sociale est fixé à 1,8 %. »

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à la microtaxe sociale instituée par le présent amendement.

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Michel Canévet propose la création d'une microtaxe sociale sur la base d'un taux de prélèvement de 1,8 % sur l'ensemble des paiements scripturaux, qui remplacerait, en volume et en valeur, les sommes prélevées au titre des cotisations sociales, salariales et patronales.

En effet, nous sommes tous attachés à garantir une sécurité sociale protectrice à nos concitoyens, mais celle-ci doit être financée. Alors que le déficit de la sécurité sociale atteint 23 milliards d'euros cette année, la situation devient intenable, notamment pour ce qui concerne les dépenses de fonctionnement. Or il est inacceptable de reporter ce problème sur les générations futures en finançant notre déficit par l'emprunt.

Cette situation révèle un véritable problème d'assiette pour des cotisations sociales de plus en plus élevées, qui doivent financer des besoins plus importants, en raison de l'allongement – fort heureux – de l'espérance de vie.

Nous devons également prendre en compte la réduction progressive du nombre de cotisants au regard des bénéficiaires. Sauf à altérer la compétitivité des entreprises françaises par l'accroissement continu des prélèvements sociaux, notre système doit impérativement évoluer.

Tel est le sens de cet amendement, présenté pour la quatrième année consécutive, qui vise à changer l'assiette du financement de notre protection sociale.

Beaucoup dénoncent la financiarisation excessive de notre économie : mettons-la donc à contribution pour financer l'intégralité de notre protection sociale et redonner de la compétitivité à nos entreprises.

M. le président. L'amendement n° 1447 rectifié, présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub et MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville, Kern, Duffourg, Bleunven, Longeot et Delahaye, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié

1° Après l'article L. 137-2, il est inséré un article L. 137-2-… ainsi rédigé :

« Art. L. 137-2-… Les contributions mentionnées au présent chapitre ne concernent pas la branche mentionnée au 1° de l'article L. 200-2. » ;

2° Le titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Titre IV

« Ressources

« Chapitre unique

« Art. L. 240-1.- I. – La couverture de l'ensemble des dépenses prises en charge par l'organisme mentionné au chapitre 1er du titre II du présent livre est assurée par une micro-taxe sociale sur les mouvements des paiements scripturaux, collectée et perçue intégralement par cet organisme.

« II – L'assiette de cette micro-taxe sociale inclut les paiements scripturaux et électroniques.

« III – Le taux de la micro-taxe sociale est fixé à 0,25 %. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à la micro-taxe sociale instituée par le présent article.

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. L'amendement n° 1447 rectifié est proche de l'amendement n° 1462 rectifié, puisqu'il tend simplement à supprimer les cotisations à l'assurance maladie en les remplaçant par une taxe sur les paiements scripturaux de 0,25 %.

Une telle mesure permettrait aux entreprises de réduire le coût du travail et les rendrait plus compétitives. Les augmentations de salaire seraient ainsi moins onéreuses, ce qui aurait un effet bénéfique sur le pouvoir d'achat.

Les défis que nous devons relever sont nombreux. Je pense en particulier à la baisse du nombre de cotisants au regard des bénéficiaires. En outre, l'arrivée de l'intelligence artificielle (IA), alliée à une robotisation accrue pour améliorer la productivité, risque d'avoir un impact sur l'emploi.

Il importe donc de trouver rapidement une autre source de financement de l'assurance maladie, plutôt que d'augmenter le taux des cotisations, déjà très élevé dans notre pays.

M. le président. L'amendement n° 1448 rectifié, présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub et MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville, Kern, Longeot, Duffourg et Delahaye, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Le titre IV du livre II du code de la sécurité́ sociale est ainsi modifié :

« TITRE IV

« RESSOURCES

« CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 240-1. – I. – La couverture de l'ensemble des dépenses afférentes aux prestations des branches famille et maladie mentionnées au titre III du présent livre est assurée par une micro-taxe sociale sur les mouvements des paiements scripturaux, collectée et perçue intégralement par les organismes mentionnés à l'article L. 225-1.

« II. – L'assiette de cette micro-taxe sociale inclut les paiements scripturaux et électroniques ;

« III. – Le taux de la micro-taxe sociale est fixé à 0,35 %. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité́ sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à la micro-taxe sociale instituée par le présent article.

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. L'amendement n° 1448 rectifié va dans le sens des deux précédents. Il vise à créer une taxe de 0,35 % sur les paiements scripturaux.

Une telle mesure permettrait de supprimer les cotisations sociales, patronales et salariales administrées aux branches assurance maladie, accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) et famille.

Ainsi, les entreprises retrouveraient des marges de manœuvre pour offrir des évolutions salariales et mieux répondre aux enjeux de pouvoir d'achat.

Cette proposition vise également à permettre aux entreprises employeuses de main-d'œuvre de retrouver de la compétitivité, notamment face à leurs concurrents internationaux.

Michel Canévet insiste sur l'ensemble de ces éléments, y compris sur les évolutions technologiques évoquées précédemment, qui menacent l'emploi et nous obligent à réfléchir à une autre manière de financer notre protection sociale.

Il nous engage finalement à être audacieux pour sortir notre pays d'un système de charges salariales trop élevées, tout en nous donnant les moyens de conserver une protection sociale couvrant nos besoins, en particulier pour la branche famille qui nécessite, au vu de la natalité actuelle, des mesures nouvelles d'accompagnement qu'il faudra bien financer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Notre collègue Michel Canévet pose les bonnes questions : comment financer la sécurité sociale ? Sommes-nous satisfaits du modèle actuel ?

Nous le disons tous : ce modèle est sans doute obsolète.

Cependant, devons-nous le réformer au détour d'un amendement ? Non, sans doute ! Cela impliquerait de supprimer tout ce que nous avons voté dans ce PLFSS et toutes les modifications à venir.

En effet, cette microtaxe rapporterait tout de même 400 milliards d'euros ! Nous ne serions donc plus en déficit : cela serait formidable. Cette proposition, plus qu'audacieuse, est finalement miraculeuse !

Cependant, Michel Canévet pose une question pertinente. Devons-nous encore faire reposer le financement de la sécurité sociale sur le travail ?

C'est un débat que nous devons inscrire à l'ordre du jour. Pour autant, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements : cela ne surprendra sans doute pas leur auteur, qui avait déjà proposé d'inscrire ce modèle de financement dans le PLFSS l'an dernier.

Par ailleurs, si nous mettions en place un tel système, nous signerions le retour de l'argent liquide ! En effet, que feraient les gens pour éviter cette microtaxe ? Ils paieraient en espèces ! Une telle mesure me paraît donc difficile à mettre en œuvre. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je rejoins les propos de la rapporteure générale. Je remercie M. Canévet d'avoir déposé ces amendements, car ils contribuent à lancer le débat public. Les mois à venir seront marqués par l'approche d'échéances importantes. J'espère que le débat sur le financement de notre modèle de protection sociale y aura pleinement sa place.

Toutefois, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Ces amendements sont en effet prospectifs.

Cependant, le ministre du travail ne pourrait-il pas solliciter certains des nombreux hauts fonctionnaires de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) ou de l'inspection générale des finances (IGF) pour commencer à travailler sur cette question ?

C'est en effet un sujet de fond qui mérite que nous nous y consacrions à un moment plus propice que lors des débats sur le PLFSS !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Posons-nous les bonnes questions ! Si celle-ci en est une, la réponse est assez effarante…

Je le rappelle une fois encore, les cotisations sociales sont du salaire ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Le jour où vous l'aurez compris…

Vous appelez à retirer des cotisations sociales. Mais les supprimer, en particulier les cotisations salariales, qui sont finalement du salaire socialisé, cela revient à réduire le salaire total !

Autrefois, vous appeliez à une telle mesure au nom du coût du travail – c'est une justification que je relativise, car on ne parle jamais du coût du capital. Vous nous avez rabâché cet argument, pour justifier l'exonération des employeurs de cotisations sociales patronales, à hauteur de 70 milliards d'euros. Ce montant est donc pris en charge par l'État, au nom de ce fameux coût du travail !

Et désormais, c'est un problème, car le rapport entre les exonérations de cotisations fiscales et le total des recettes des régimes ne peut excéder 14 %. C'est inscrit dans la loi de programmation des finances publiques de 2021.

Désormais, on s'attaque aux cotisations salariales, au nom, cette fois, du pouvoir d'achat ! Pourtant, les cotisations salariales financent la sécurité sociale, et sont donc bien une forme de salaire socialisé !

Je ne sais pas ce que vous déciderez, mais n'invoquez pas le pouvoir d'achat pour le justifier. Votre seul motif possible, c'est la déflation salariale : les employeurs ne veulent pas modifier le partage de la valeur ajoutée entre capital et travail. Alors, ce qu'ils réclament, c'est la suppression des cotisations.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Je dois reconnaître qu'il est surprenant de proposer, au détour d'un amendement, une révolution de notre système de protection sociale, qui date tout de même de 1945 et dont le principe est d'être essentiellement financé par les cotisations.

Ces cotisations étaient l'unique source de financement de la sécurité sociale dans les années qui ont suivi sa création. Aujourd'hui, elles n'en représentent qu'à peine un peu plus de la moitié. Cependant, dans son principe, notre système est financé par les cotisations salariales et patronales.

Certes, notre sécurité sociale est aujourd'hui en déficit et chacun cherche des solutions. Mais Raymonde Poncet Monge l'a rappelé, et la Cour des comptes le confirme : nos difficultés sont, pour beaucoup, liées aux niches sociales et aux exonérations qui ont été accordées, ainsi qu'au Ségur, qui n'a pas été financé correctement. Sans toutes ces exonérations, il serait facile de retrouver les milliards d'euros qui manquent à l'équilibre du budget ! (Mme Pascale Gruny s'exclame.)

Aussi, avant de provoquer une révolution des fondements mêmes de notre sécurité sociale, qui reposent sur les principes du Conseil national de la Résistance (CNR) de 1945, nous devons d'abord revoir ces exonérations et ces niches.

Nous devrions approfondir le travail qu'ont élaboré Élisabeth Doineau et Raymonde Poncet Monge pour recenser l'ensemble des solutions susceptibles de remettre le financement de la sécurité sociale sur les bons rails.

Madame la ministre, vous avez annoncé un travail allant dans ce sens. Des échéances importantes arrivent dans quinze mois. C'est le moment de se poser la question du financement de notre protection sociale.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je veux simplement apporter une précision.

Depuis hier, ma collègue Raymonde Poncet Monge nous explique que le salaire net social doit tenir compte de l'ensemble des cotisations.

Je suis en désaccord avec elle sur un point : parmi toutes les cotisations, qu'elles soient patronales ou salariales, ce sont celles finançant les retraites qui occupent la place la plus importante. Or celles-ci ne peuvent pas être comptées dans notre salaire ou dans notre propre retraite, puisqu'elles financent la pension des retraités actuels. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme un salaire. (Mme Raymonde Poncet Monge le conteste.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Madame Poumirol, vous parlez de révolution, mais Michel Canévet est tout sauf révolutionnaire.

Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est sûr ! (Sourires.)

Mme Nadia Sollogoub. L'objet de cet amendement n'est pas de faire la lutte des classes. Le fait est que nous sommes dans une situation difficile – tout le monde le constate. Les paramètres sociaux changent, avec la baisse de la natalité, le vieillissement de la population, la mécanisation. Il s'agit tout simplement de trouver une solution pour donner un avenir à notre système social. (Mme. Cathy Apourceau-Poly proteste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1462 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1447 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1448 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avançons actuellement à une vitesse moyenne de quinze amendements par heure, contre vingt et un amendements par heure l'an dernier. Si nous voulons tenir les délais impartis, nous devons accélérer un peu. Je laisse bien sûr chacun d'entre vous prendre la parole, mais il serait appréciable que vous veilliez à raccourcir la durée de vos interventions.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous devons avoir le débat !

Mme Frédérique Puissat. Merci, monsieur le président !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 923, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section… ainsi rédigée :

« Section…

« Contribution exceptionnelle sur les fonds de pension

« Art. L. … – Les entreprises proposant à la vente les plans d'épargne retraite mentionnés à l'article L. 224-8 du code monétaire et financier sont redevables d'une contribution exceptionnelle.

« Son taux est fixé à 10 %. Elle est assise sur l'ensemble des bénéfices réalisés en France par les entreprises mentionnées au premier alinéa ainsi que sur les bénéfices dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

« La contribution exceptionnelle sur les fonds de pension est affectée à la caisse mentionnée à l'article L. 222-1 du présent code. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir fait ce rappel sur la durée des débats juste avant l'une de mes prises de parole...

Le présent amendement a pour objet la création d'une contribution exceptionnelle de 10 % sur les fonds de pension. Puisque tout le financement de notre système ne peut pas reposer sur le travail, nous proposons d'instaurer un prélèvement sur les fonds de pension, dont le produit serait affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav).

À la fin de 2023, l'encours de l'épargne retraite est de presque 300 milliards d'euros, quand les « cotisations » qu'elle permet s'élèvent à près de 20 milliards. Malgré son faible poids par rapport au total de l'épargne financière, qu'il faudrait taxer d'ailleurs, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) lui a donné un essor.

L'épargne retraite continue de s'accroître, en dépit des vives critiques formulées par la Cour des comptes. Celle-ci souligne le coût élevé du dispositif pour les finances publiques : sans tenir compte de l'épargne retraite collective obligatoire, les déductions fiscales et sociales dont bénéficie l'épargne retraite sont estimées à plus de 1,8 milliard d'euros en 2022 – voilà une solution !

Ainsi, l'épargne retraite constitue une niche sociale et fiscale qui contribue à grever les comptes sociaux et les finances publiques, alors même que les fonds gérant les plans d'épargne retraite (PER) contribuent très peu au financement de l'économie, toujours selon la Cour des comptes – celle-ci n'est pourtant pas connue pour faire la lutte des classes. (Mme Cathy Apourceau-Poly approuve.)

Le présent amendement vise à corriger une telle distorsion, en instaurant une contribution de 10 % assise sur les bénéfices des entreprises proposant des plans d'épargne retraite.

M. le président. L'amendement n° 1148, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section… ainsi rédigée :

« Section …

« Contribution exceptionnelle sur les fonds de pension

« Art. L. … – Les entreprises proposant à la vente les plans d'épargne retraite mentionnés à l'article L. 224-8 du code monétaire et financier sont redevables d'une contribution exceptionnelle.

« Son taux est fixé à 5 %. Elle est assise sur l'ensemble des bénéfices réalisés en France par les entreprises mentionnées au premier alinéa ainsi que sur les bénéfices dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

« La contribution exceptionnelle sur les fonds de pension est affectée à la caisse mentionnée à l'article L. 222-1 du présent code. »

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Ce qui est intéressant, mes chers collègues, c'est qu'en voulant toujours faire payer les travailleuses et les travailleurs, vous reconnaissez que ce sont eux qui créent de la richesse.

Nous avançons que la richesse est aussi captée ailleurs, sans travail, en particulier par les rentes spéculatives. Tel est le cas des fonds de pension : ces placements produisent des rémunérations pour leurs détenteurs, mais aussi pour les sociétés qui les gèrent. Cet argent constitue une solution pour renflouer la Caisse nationale d'assurance vieillesse et mieux équilibrer notre régime de retraite.

Nous proposons donc de créer une contribution exceptionnelle sur les fonds de pension, qui permettrait de ne pas devoir mettre en œuvre un système de retraite par capitalisation, lequel nuirait à la solidarité nationale en individualisant encore davantage la retraite et en précarisant les retraités.

Nous ne voulons pas d'une France où celles et ceux qui ont subi l'existence d'un marché de l'emploi fragmenté, dégradé et dégradant, qui ont été mal payés, finissent leurs jours dans la misère tout en devant continuer de travailler, parce qu'ils n'ont rien pu capitaliser.

Vous allez dire à des personnes qui n'ont plus d'argent le 10 du mois qu'ils vont devoir capitaliser et mettre de côté pour leurs vieux jours ? Cela n'a pas de sens ! Une telle réforme reviendrait à détruire la sécurité sociale, qui continue de constituer l'un des ciments de notre République.

La contribution de 5 % sur les fonds de pension que nous proposons apporte une partie de la réponse à l'enjeu d'équilibrer le système sans pour autant réformer notre modèle de retraite. Une telle solution, audacieuse, est réellement miraculeuse, voire révolutionnaire. (Exclamations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avec l'examen de ces amendements, nous commençons à aborder le sujet des retraites. Doit-il y avoir une part de capitalisation ? A priori, mes chers collègues, vous n'y êtes pas favorables, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Pour les agents du secteur public, le PER Préfon-Retraite existe, et je n'ai pas le sentiment qu'ils s'en plaignent.

Mme Monique Lubin. Cela n'a rien à voir !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n'est pas cela qui les aide !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. À titre personnel, je trouve le système plutôt vertueux. Nous aurons ce débat plus tard, mais en attendant, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le PER est très populaire : 11 millions de personnes en détiennent, pour un encours total de 119 milliards d'euros. La moitié des titulaires d'un PER sont imposables ; ils représentent 16 % des ménages. L'outil est donc très apprécié de nos concitoyens.

Pour les mêmes éléments que ceux que Mme la rapporteure générale a avancés, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le problème du système par capitalisation, c'est qu'il ne résout pas le rapport démographique : quel que soit le système de retraite, ce seront toujours les actifs qui paieront pour les pensionnés. La situation ne changera pas, quel que soit le système retenu.

Le problème, mes chers collègues, c'est qu'alors que vous ne voulez pas augmenter les cotisations retraite – effectivement, c'est ce que je propose –, vous voulez laisser aux employeurs la possibilité de recourir à la capitalisation. Or il faut bien que ces sommes soient soumises à une cotisation : le grand problème, c'est qu'elles en sont aujourd'hui exonérées. L'État perd chaque année 2 milliards d'euros en raison de cette niche sociale !

Non seulement les retraites par capitalisation se superposent aux retraites par répartition, sous prétexte que celles-ci sont insuffisantes, mais l'État soutient ces fonds, au détriment du système par répartition. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste.)

Mme Anne-Marie Nédélec. Cela n'est pas lié !

Mme Raymonde Poncet Monge. En effet, le marché de la retraite intéresse les marchés financiers. Mais la capitalisation fait perdre de l'argent à l'État et à la sécurité sociale – et cela coûte 2 milliards, lisez le rapport de la Cour des comptes !

Ne demandons pas à l'État et à la sécurité sociale de payer le coût de la capitalisation. Que ces sommes soient plutôt soumises à une juste contribution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 923.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1025, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section… ainsi rédigée :

« Section…

« Contribution exceptionnelle sur les dividendes

« Art. L. 137-… – Est instituée une contribution exceptionnelle sur les dividendes définis aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce.

« Son taux est fixé à 10 %. Elle est assise sur l'ensemble des bénéfices réalisés en France par les entreprises mentionnées au premier alinéa ainsi que sur les bénéfices dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

« La contribution exceptionnelle sur les dividendes est affectée à la caisse mentionnée à l'article L. 222-1 du présent code. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Tout ne peut pas reposer sur le salaire : pour préserver le pouvoir d'achat, il faut trouver d'autres sources de cotisation.

En voici une : les entreprises du CAC40 ont réalisé près de 135 milliards d'euros de bénéfice, ce qui a permis la distribution de 72 milliards d'euros de dividendes et de 26 milliards d'euros en rachats d'action – je n'y reviens pas.

Dans le même temps, les comptes publics, grevés par une attrition des recettes, affichent un déficit public de 5,8 % du PIB ; mes chers collègues, vous connaissez déjà le montant du déficit des comptes sociaux.

Or le point est documenté : ce sont les baisses de prélèvements obligatoires des entreprises qui expliquent en partie l'augmentation du déficit. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la politique de l'offre en cours depuis 2017 a « conduit à une diminution de 2,5 points de PIB du niveau de prélèvement obligatoire ».

Cette baisse a principalement favorisé les entreprises puisque, en ce qui concerne les comptes sociaux, si la baisse des cotisations salariales, qui représente 0,6 point de PIB, a été compensée par une hausse parallèle de 0,9 point de la contribution sociale généralisée (CSG), rien n'a contrebalancé la baisse des cotisations patronales, pesant 1,1 point de PIB.

Par cette baisse des recettes, la France se distingue d'autres pays d'Europe où l'augmentation des dépenses à la suite de la crise du covid est compensée par une hausse des recettes – celle-là même, mes chers collègues, que vous vous refusez d'entreprendre.

Ainsi, dans un souci de correction de la trajectoire des recettes et d'équité dans l'effort de rétablissement des comptes publics, le présent amendement vise à instaurer une taxation des 100 milliards d'euros de dividendes distribués, dont le produit serait affecté à la branche vieillesse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge. Pour les riches !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1025.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1749 rectifié, présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé une cotisation sur les dividendes des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des établissements et services mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique. Le taux de cette contribution est fixé à 15 %. Elle est reversée intégralement à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

La contribution est assise sur l'ensemble des dividendes réalisés dans les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

Un décret fixe la date et les modalités d'application du présent article.

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Hier, la majorité sénatoriale a souhaité supprimer l'augmentation de 1,4 point de la CSG sur le capital proposée par l'Assemblée nationale, qui apportait pourtant 2,8 milliards d'euros de recettes.

Cet amendement a pour objet de proposer une recette qui soit, à la fois, juste socialement et efficace économiquement. Nous proposons d'instaurer une cotisation de 15 % sur les dividendes versés par les établissements privés à but lucratif qui accueillent les publics vulnérables dans notre pays – Ehpad, crèches, établissements d'accueil de personnes en situation de handicap.

Certains groupes surfinanciarisés, qui ont recours à des fonds de pension – je ne parle pas de tous les groupes privés – ont fait de la fragilité humaine un terrain de rentabilité. Leur demander une surcotisation semble d'autant moins hallucinant que ces établissements bénéficient de financements publics de la part de l'État comme des collectivités, ainsi que de financements des familles, qui contribuent à leur fonctionnement par les sommes – parfois plusieurs milliers d'euros par mois – qu'elles versent aux établissements pour l'accueil de leurs enfants ou de leurs personnes âgées.

Nous demandons à ces groupes de contribuer à la solidarité nationale, en prélevant 15 % des dividendes – du gras ! – qu'ils reversent à leurs actionnaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous le disons tous, les dérives doivent être dénoncées.

Toutefois, tous les établissements, et non pas les seuls établissements médicosociaux à but lucratif, peuvent connaître des dérives aboutissant à de possibles maltraitances. Il faut faire attention à ne pas stigmatiser un secteur.

Vous proposez de créer une nouvelle cotisation. Or la situation est actuellement très difficile pour tous les établissements médicosociaux. Faisons attention à ne pas les étrangler en créant de nouvelles taxes ! De nombreuses communes sont bien heureuses de disposer de tels établissements sur leur territoire.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Madame la sénatrice, il faut en effet être attentif au risque de financiarisation des établissements médicosociaux.

Le Gouvernement a renforcé la transparence en la matière, en publiant un décret demandant aux Ehpad de tenir une comptabilité analytique, ce qui permet de mieux étudier leurs financements.

En outre, un décret du 8 septembre dernier impose aux crèches de transmettre aux caisses d'allocation familiales (CAF) tous leurs documents comptables, ce qui permettra d'être bien plus vigilants.

Le Gouvernement surveille la question, mais il émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Est-il besoin de rappeler le scandale d'Orpea, ou celui des crèches, dénoncés dans les livres de Victor Castanet ? Le constat est clair : nous ne disons pas que tous les établissements privés sont des fraudeurs, mais il y a tout de même une financiarisation extrême des Ehpad et des crèches.

Des fonds de pension étrangers financent ces groupes d'établissements d'accueil des personnes vulnérables, sans autre but que d'y trouver matière à rendement. Les premières phrases du rapport de l'Igas sur Orpea en témoignent, ces fonds de pension n'ont qu'un but lucratif et de rendement.

Ces scandales, nous les connaissons. Plusieurs travaux ont été réalisés depuis : le Sénat a notamment mené une mission d'information sur le contrôle des crèches et ses éventuelles défaillances, qui a conclu à la nécessité de renforcer ce contrôle. Nous avons en particulier recommandé de permettre à la Cour des comptes de vérifier plus facilement le financement de ces groupes bien souvent multisite, ce qui implique des procédures juridiques souvent très complexes. La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) surveille du mieux qu'elle peut des groupes tels que La Maison bleue et People&Baby.

Nous proposons de taxer ceux qui font des profits sur les plus vulnérables, les enfants et les personnes âgées. Certes, madame la rapporteure générale, les maltraitances n'ont pas lieu dans les seuls établissements privés à but très lucratif, malheureusement. Mais certains groupes les érigent en système ! Cela mérite d'instaurer une cotisation sur les profits qu'ils réalisent au détriment de nos enfants et de nos personnes âgées.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne me souviens plus qui – il n'était pas de notre bord – avait avancé que si la rentabilité des investissements dans les Ehpad et les crèches n'était pas forte, les grands groupes privés lucratifs n'investiraient pas le secteur.

La preuve de la rentabilité financière importante du secteur, c'est l'arrivée du privé lucratif. Depuis que les Ehpad sont un peu régulés – après la mise au jour de ce grand scandale, merci de la réactivité ! –, ces groupes investissent les cliniques psychiatriques, où la rentabilité de l'investissement atteint 8 %. On attend un grand scandale sur la situation dans les cliniques psychiatriques, duquel certains s'étonneront avant d'envoyer les contrôleurs de l'Igas.

Je tiens à le dire : s'il n'y a pas d'offre publique en la matière, c'est que les collectivités territoriales ont été asséchées.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les collectivités territoriales n'ont plus les moyens d'ouvrir des berceaux ou de construire des Ehpad – à Lyon, nous pouvons encore le faire, mais toutes les collectivités n'y parviennent pas. Le privé arrive comme un sauveur, mais c'est uniquement parce que le public n'a plus les moyens d'offrir ces services !

Il devrait pourtant y avoir un service public de la petite enfance : on ne devrait pas pouvoir faire de profit dans les crèches ou dans les Ehpad.

Mme Raymonde Poncet Monge. Voilà la réalité ! On ne devrait pas non plus priver de ressources les collectivités qui rempliraient ces services au travers de structures publiques ou associatives à but non lucratif.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Durant les auditions menées par la commission des affaires sociales, nous nous sommes tous émus, à juste titre, des situations décrites dans les livres de Victor Castanet sur les Ehpad et sur les crèches. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste.)

À droite comme à gauche de cet hémicycle, nous avons tous été profondément émus par ses propos, notamment sur les Ehpad privés lucratifs et les crèches privées lucratives. N'opposons donc pas ceux qui auraient du cœur et ceux qui n'en auraient pas.

Le constat, aujourd'hui, c'est que tout continue comme avant. Certes, quelques contrôles ont été renforcés, mais cela ne suffit pas.

Nous militons pour la création d'un service public de la petite enfance. Si celui-ci ne peut pas voir le jour, c'est parce que, comme notre collègue vient de le préciser, dans nos municipalités, on a peu de moyens pour investir ! Les entreprises sont d'ailleurs mises en difficulté, car leur fonctionnement repose aussi sur l'investissement public.

Les municipalités ne peuvent qu'entretenir l'existant, sans avoir les moyens de développer des politiques publiques, parce que l'État assèche les collectivités. Je ne suis pas la seule à le dire : lors du congrès des maires, tous les maires ont regretté que l'État assèche les collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je ne peux pas laisser dire que les entreprises privées seraient mauvaises. Sincèrement, mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez visité des Ehpad publics, mais la situation n'y est pas franchement terrible !

Mme Émilienne Poumirol. On sait pourquoi !

Mme Pascale Gruny. Bien sûr que c'est parce qu'ils manquent d'argent, mais il y a aussi des questions de personnes.

Pourquoi les Ehpad adossés aux hôpitaux n'ont-ils pas d'argent ? La principale raison, chers collègues, je vous l'indique droit dans les yeux : ce sont les 35 heures ! (M. Francis Szpiner applaudit. – Protestations sur les travées du groupe SER.) Allez questionner les médecins, c'est ce qu'ils vous diront.

Cessez donc d'avancer que l'on n'a pas besoin de l'argent du privé, car cela n'est pas vrai.

Le sujet, ce n'est pas d'opposer le privé au public ; c'est plutôt de vraiment s'occuper des personnes vulnérables, qu'il s'agisse d'enfants, de personnes âgées ou de personnes handicapées. Malheureusement, lorsque ces personnes vulnérables sont maltraitées, c'est non pas par ceux qui touchent des dividendes, mais bien par le personnel ! Ma chère collègue, l'amendement que vous avez déposé n'a rien à voir avec votre propos en sa défense.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Mes chers collègues, instaurer une cotisation sur les dividendes touchés par les groupes des établissements médico-sociaux n'empêchera pas la moindre maltraitance.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n'est pas le but !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Taxer n'est pas la réponse aux abus qui ont été constatés et aux situations de maltraitance ; il faut prendre en compte les tarifs et procéder à des contrôles.

En réalité, il n'y aurait pas de raison de restreindre la nouvelle contribution que vous proposez aux établissements médico-sociaux. Une telle contribution pourrait concerner tout le secteur de la santé ; vous pourriez tout aussi bien avancer qu'il n'est pas juste que certains médecins libéraux exercent dans des cliniques privées.

Le projet de société que vous défendez, c'est la nationalisation du secteur sanitaire et médico-social. Prétendre que la création d'un impôt nouveau sur des sociétés privées permettrait de faire reculer la maltraitance, ce n'est pas réaliste, et vous le savez bien !

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Mes chers collègues, notre débat s'éloigne de l'objet de l'amendement en tant que tel, mais je vous invite à faire davantage attention : derrière le sujet de la maltraitance, il y a surtout énormément de femmes et d'hommes qui travaillent au service des autres.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Et qui n'y peuvent rien !

M. Martin Lévrier. À force de dire que, d'un côté, il y a le privé lucratif et que, de l'autre, le public n'est pas mieux, on en oublie que 99 % des personnes qui travaillent dans ce secteur sont dévouées et qu'elles rendent service à la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Qui a dit le contraire ?

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Que les choses soient claires : cet amendement concerne non pas les personnels qui travaillent dans ces structures, tant privées que publiques, mais les bénéfices reçus par les actionnaires de structures privées lucratives à la suite de leurs investissements.

Nous proposons de faire payer à ces actionnaires une cotisation de 15 % sur leurs bénéfices, pour réinjecter ces sommes dans le financement du secteur, d'autant plus que ces structures privées bénéficient de multiples financements et aides publics.

M. Jean-François Rapin. Ces établissements paient déjà des impôts !

Mme Pascale Gruny. Exactement ! Soyez honnêtes !

Mme Marion Canalès. Personne ne conteste que nous avons besoin de crèches privées en complément des crèches publiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Avec cette contribution, nous demandons simplement aux groupes qui tirent des bénéfices d'une activité à but lucratif une petite participation, au service du collectif.

Mme Frédérique Puissat. Pourquoi discriminer aussi systématiquement le privé ?

Mme Marion Canalès. Par ailleurs, Mme Poncet Monge a mentionné les établissements psychiatriques, nouveau champ d'investissements privés. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance insiste sur l'extrême difficulté dans laquelle les départements sont plongés. Des sociétés privées à but lucratif font irruption dans le secteur et s'apprêtent à gérer des pans entiers de la protection de l'enfance, parce que les pouvoirs publics ne parviennent plus à affronter les difficultés !

Nous proposons simplement qu'une petite partie des bénéfices réalisés soit réinjectée dans le budget de la sécurité sociale, pour que ces sommes puissent être allouées à d'autres politiques publiques, par exemple pour accompagner les Ehpad publics en difficulté.

Mme Annie Le Houerou. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je remercie M. Lévrier de ses propos sur les soignants qui s'occupent des personnes fragiles. Nous devons d'ailleurs mieux valoriser ces métiers.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il faut mieux les payer !

Mme Stéphanie Rist, ministre. Lors du congrès des maires, j'ai eu l'occasion de signer une charte avec les associations concernées et France Travail, pour favoriser l'évolution de ces métiers tout au long de la vie.

Madame la sénatrice, le service public de la petite enfance est mis en place depuis le 1er janvier 2025 ; ce PLFSS prévoit 87,4 millions d'euros pour poursuivre son développement. Notre objectif est d'améliorer la qualité de l'accueil des enfants, quel que soit le mode de garde choisi. La compétence ayant été transférée aux communes, il s'agit également d'aider celles-ci à mieux recenser l'accueil des enfants, d'améliorer l'information et de financer les investissements permettant d'augmenter le nombre de places.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1749 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1027, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :

« Section…

« Contribution exceptionnelle sur les successions et donations

« Art. L. 137-… – Est créée une contribution exceptionnelle sur les successions et les donations.

« Son taux est fixé, dès le premier euro, à 1 % sur l'actif net taxable. Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l'article 750 ter du code général des impôts.

« La contribution sur les successions et les donations est affectée à la caisse mentionnée à l'article L. 222-1 du présent code. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent amendement vise à créer une contribution de 1 % sur les successions, qui serait affectée à la branche autonomie.

Actuellement, les rendements de la taxation sur les successions sont très faibles, car seule une petite minorité d'entre elles occasionne un prélèvement. Selon la direction générale du Trésor, les droits de succession rapportent moins de 13 milliards d'euros par an.

L'idée d'une taxation des successions n'est pas nouvelle. Elle vient non pas de nous, mais du Conseil d'analyse économique (CAE), qui propose une « réforme en profondeur de la taxation de l'héritage », qui permettrait de « réduire les droits de succession pour 99 % de la population tout en apportant un surplus de recettes fiscales substantiel » – mes chers collègues, ce n'est pas la peine de défendre l'héritage comme « fruit de toute une vie de travail »...

Permettez-moi de poursuivre la citation du rapport du CAE : « La part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60 % contre 35 % au début des années 1970. Ce retour de l'héritage, extrêmement concentré, nourrit une dynamique de renforcement des inégalités patrimoniales fondées sur la naissance et dont l'ampleur est beaucoup plus élevée que les inégalités observées pour les revenus du travail. »

L'OCDE en dit autant, et dans le prolongement de ces études, le rapport Vachey avait préconisé la mise en place d'un prélèvement obligatoire sur les successions, d'un rendement estimé de 500 millions d'euros en 2020, qui serait affecté à la branche autonomie, ce qui me semble avoir beaucoup de sens.

En plus de constituer une très petite mesure de redistribution du patrimoine, ce financement ne touchant pas 99 % de la population pourrait ainsi financer les besoins de la branche autonomie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1027.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 920, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section… ainsi rédigée :

« Section…

« Contribution patrimoniale de solidarité aux régimes de retraite.

« Art. L. … – Est instituée une contribution dénommée contribution patrimoniale exceptionnelle de solidarité aux régimes de retraite.

« Son taux est fixé à 0,2 % sur les encours financiers existant au titre de l'assurance vie. Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l'article 750 ter du code général des impôts.

« La contribution patrimoniale exceptionnelle de solidarité aux régimes de retraite est affectée à la Caisse d'assurance retraite mentionnée à l'article L. 215-1 du présent code.

« Les dispositions du présent article prennent fin au 31 décembre 2030. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je constate que, quand on propose des recettes qui sont assises non pas sur le travail mais sur le patrimoine, ouh là là…

J'en viens à mon amendement.

Dans son rapport de 2021 intitulé Repenser l'héritage, le CAE indique : « Il faut noter que l'assurance vie dispose d'une taxation totalement séparée. En effet, les assurances vie sont soit totalement exonérées, soit taxées avec un barème ad hoc et une plus grande exonération. »

Depuis la publication de ce rapport, les assurances vie se sont largement développées, au gré notamment de la baisse du taux de rendement des autres formes d'épargne, atteignant, selon France Assureurs un niveau de collecte record de 15 milliards d'euros en 2025, ce qui représente une hausse de près de 20 % en un an. Ainsi, l'encours global de l'assurance vie dépasse désormais 2 000 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 5 % sur un an, poussée par un taux d'épargne des ménages toujours plus important du fait de la dégradation du contexte macroéconomique.

S'il est vrai que l'assurance vie est une épargne en partie populaire et qu'elle constitue le deuxième placement financier détenu par les ménages selon l'Insee, la répartition n'est pas égale au sein de la population, puisque 65 % des cadres retraités possèdent un contrat d'assurance vie contre seulement 23,5 % des ouvriers.

Ainsi, suivant les recommandations du rapport des trois Hauts Conseils – Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) et Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) –, je propose, au travers de cet amendement, de contribuer au rétablissement des comptes sociaux par la création d'une contribution exceptionnelle de 0,2 % – ne soyons pas radicaux… – sur le stock d'assurance vie, pendant cinq ans.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Les amendements que défend Raymonde Poncet Monge présentent un intérêt majeur : ils permettent de soulever une véritable question, celle de l'héritage.

On le sait, c'est parfaitement documenté, la génération des baby-boomers est en train de léguer et va continuer de léguer au cours des dix prochaines années un patrimoine d'une valeur inédite en France.

Un sénateur du groupe Les Républicains. C'est le fruit du travail !

Mme Monique Lubin. Contrairement aux caricatures que l'on nous fait, nous ne sommes absolument pas contre les héritages (Mme Anne-Sophie Romagny s'exclame.), ni contre, d'ailleurs, les assurances vie. Simplement, il faut refondre tout cela. Ce qui est paradoxal, c'est qu'une grande majorité des Français refuse que l'on touche à l'héritage, alors même qu'elle n'est pas concernée. Il y a donc une confusion dans la tête des gens, qu'il faut absolument combattre.

Alors, oui, nous allons devoir regarder cette question en face à brève échéance.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. J'entends dire sur certaines travées que l'héritage est le fruit du travail.

Eh bien, non, ce n'est pas le fruit que du travail, car certains économistes viennent de démontrer que 50 % de la valeur des actifs mobiliers et immobiliers qui vont être transmis est due à la spéculation.

À la limite, les 50 % de ce patrimoine qui proviennent du travail, on peut en discuter, mais, je le répète, 50 % de la valeur nominale du patrimoine qui va être transmis est due à l'explosion de la valeur des actifs immobiliers et du CAC 40.

Aussi, une contribution de 0,5 % assise sur ce patrimoine, dont 50 % de la valeur est le fruit de cette spéculation, ne paraît pas démesurée, car en l'espèce c'est l'argent qui a « travaillé » et non le détenteur du patrimoine. Ou alors, si vous ne voulez pas que la branche autonomie soit financée par le patrimoine, arrêtons de dire qu'elle ne doit pas peser sur le travail…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 920.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1152, présenté par M. Savoldelli, Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section 10 du chapitre VII du titre III du livre I du code de la sécurité sociale, est insérée une section… ainsi rédigée :

« Section…

« Contribution sur les plateformes de mise en relation par voie électronique

« Art. L. 137-18-1. – Il est institué une contribution sociale au taux de 10 % assise sur l'ensemble des bénéfices réalisés en France ainsi que sur ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

« Elle est affectée aux caisses de retraite du régime de base obligatoire.

« Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.

« Un décret en Conseil d'État fixe la date d'application du présent article. »

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement de mon collègue Pascal Savoldelli vise à cibler les plateformes de mise en relation entre des travailleurs ubérisés et leurs clients.

Les plateformes comme Uber, Bolt, Deliveroo, et j'en passe, misent toutes sur un modèle de contournement du droit du travail – cela a déjà été amplement évoqué ici – en s'appuyant sur le statut d'auto-entrepreneur de salariés déguisés. Ce modèle se développe notamment en raison de ses aspects pratiques pour les usagers des plateformes, mais cela n'est pas sans conséquence sur les conditions de travail des travailleurs ubérisés ni pour le financement de notre modèle social.

Or des recettes très importantes sont engrangées par ces plateformes, qui ont un quasi-monopole sur leur secteur. Pourtant, elles ne participent pas au financement de la sécurité sociale, même si les travailleurs qui les font vivre peuvent, eux aussi, tomber malades. Il s'agit là d'une concurrence déloyale par rapport aux autres entreprises des secteurs concernés, qui s'évertuent à respecter le code du travail et à payer leurs cotisations.

Afin de rétablir une forme de justice fiscale, et même de justice tout court, et pour contribuer à l'équilibre budgétaire, nous proposons donc une contribution sociale de 10 % assise sur les bénéfices de ces plateformes réalisés en France ou dont l'imposition est attribuable à la France. Cette proposition nous paraît juste et équilibrée, car elle favorise la participation de tous les acteurs de notre économie en fonction de leurs moyens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous nous sommes beaucoup penchés sur ces plateformes de mise en relation par voie électronique.

Instaurer une nouvelle contribution, est-ce la bonne solution ? En tout cas, l'année dernière, la commission avait estimé que non ; aussi a-t-elle émis cette année encore, en cohérence, un avis défavorable sur cet amendement.

En effet, non seulement il ne nous semble pas pertinent d'augmenter la fiscalité des entreprises, mais il s'agit en outre d'un moyen détourné de punir, par l'impôt, un modèle économique spécifique. Nous sommes d'accord, il y a des dérives, mais ce mode d'organisation du travail existe et il faut faire avec.

Au passage, je remarque que le mode de financement que vous proposez consiste à fiscaliser davantage le financement de la protection sociale et conduit donc à renforcer la place de l'État dans la gestion de la protection sociale, au détriment des partenaires sociaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous proposez, madame la sénatrice, d'instituer un nouvel impôt sur les sociétés.

Toutefois, je vous rappelle que nous avons souhaité améliorer la garantie de la participation de ces entreprises en privilégiant une réforme qui vise à rendre obligatoires la déclaration et le prélèvement direct par les opérateurs de plateforme des cotisations et contributions sociales dues par leurs utilisateurs exerçant sous le régime de la micro-entreprise. La mise en œuvre de cette réforme, issue de la loi de financement de la sécurité sociale pou  2024, sera généralisée à compter du 1er janvier 2027.

Enfin, votre amendement tend à cibler un secteur d'activité spécifique alors que nous avons intérêt à élargir la base des prélèvements. C'est pourquoi j'y suis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1658, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section 16 ainsi rédigée :

« Section 16

« Contribution sociale exceptionnelle des sociétés réalisant des superprofits

« Art. L. 137-… – I. – A. – Est instituée une contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés redevables de l'impôt sur les sociétés au sens de l'article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 000 000 €.

« B. – La contribution est due lorsque le résultat imposable de la société pour l'exercice considéré au titre de l'impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable sur les trois derniers exercices.

« C. – La contribution est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :

« 1° 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« 2° 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« 3° 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.

« II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution est due par la société mère. Cette contribution est assise sur le résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.

« B. – Le chiffre d'affaires mentionné au I du présent article s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

« C. – Les réductions et crédits d'impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution.

« D. – Sont exonérées de la contribution prévue au I du présent article, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des trois derniers exercices résulte d'opérations de cession ou d'acquisition d'actifs, pour la fraction du résultat imposable de l'exercice concernée.

« E. – La contribution additionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt. La contribution additionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés. »

II. – Le présent article entre en vigueur à compter de la promulgation de la présente loi et est applicable jusqu'au 31 décembre 2030. Il s'applique également à l'exercice fiscal de l'année de son entrée en vigueur.

III. – Les produits de la contribution sociale exceptionnelle créée par le présent article sont affectées sans rang de priorité aux branches mentionnées à l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Nous vous proposons, mes chers collègues, d'instaurer une taxe sur les superprofits des très grandes entreprises, dont le chiffre d'affaires dépasse 750 millions d'euros.

Le produit de cette contribution serait affecté à la sécurité sociale, notamment au financement de notre système de retraite, afin de compenser l'abrogation des mesures, adoptées via le recours au 49.3 en avril 2023, de report de l'âge légal et d'accélération de l'allongement de la durée de cotisation.

Depuis 2021, les entreprises françaises ont vu leur « facture fiscale » s'alléger de 10 milliards d'euros en la matière et quinze très grandes entreprises, qui réalisent plusieurs centaines de millions d'euros de chiffre d'affaires, ont bénéficié de cette baisse d'impôts.

Légalement, toutes les entreprises sont soumises au même taux d'impôt sur les sociétés – 25 % depuis 2021 –, mais de nombreux outils permettent de réduire ce taux sur certains revenus ou de déduire certaines charges du bénéfice. Les grandes entreprises exploitent ces outils et toutes les failles possibles ; le taux réel d'imposition sur les bénéfices serait ainsi de 14 % pour les grands groupes, contre 25 % pour les PME. Les grandes entreprises françaises continuent de payer moins d'impôt que les PME ; ce n'est pas acceptable.

Ainsi, non seulement les grandes entreprises bénéficient davantage des baisses d'impôt, mais ce sont aussi elles qui concentrent les superprofits dépassant 750 millions d'euros, atteignant parfois plusieurs milliards.

Pourtant, de l'autre côté, nos besoins sociaux sont immenses. Les 10 milliards d'euros que rapporterait cette taxe pourraient financer l'augmentation des salaires dans le secteur sanitaire, social et médico-social, qui en a besoin, et permettraient d'ouvrir de nouvelles places de crèche, d'accroître les capacités d'accueil des personnes en situation de handicap, d'améliorer les prestations compensatoires ou encore d'engager un large plan de recrutement pour rendre à nouveau attractifs les métiers du « prendre soin », aujourd'hui dramatiquement défavorisés ; et je ne parle même pas de notre hôpital public…

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Même avis

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Nous venons de défendre l'instauration d'une contribution des très, très grandes entreprises, dont les dividendes ont explosé depuis la crise du covid et qui, d'ailleurs, ont particulièrement bien profité de la pandémie, en 2020 et 2021, puisque c'est à ce moment-là que leurs bénéfices ont explosé.

Plusieurs amendements ont été défendus, au cours des dernières minutes, portant sur les successions, les plateformes ou encore les grandes entreprises, mais ils ont été systématiquement rejetés, ce qui prouve bien que nous n'avons pas la même vision du partage de l'effort.

Depuis le début de nos débats, on parle beaucoup de responsabiliser les patients, les médecins... Bref, on doit responsabiliser tout le monde, sauf ceux qui ont de l'argent. Pour vous, mes chers collègues, le partage de l'effort, cela signifie que les plus vulnérables, les classes les plus défavorisées, doivent participer à l'effort, mais non les plus riches. Cela prouve bien que nous sommes sur deux planètes différentes.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Nous sommes d'accord, je pense, sur un constat : le déficit actuel est intenable et nous devons le réduire.

J'ai donc du mal à comprendre, car j'ai souvent entendu que l'effort devait être « partagé ». Or, en réalité, il est partagé toujours par les mêmes !

Mme Monique Lubin. Vous considérez, mes chers collègues, qu'un certain nombre de grandes fortunes, de très grandes entreprises, qui, certes, sont des éléments constitutifs de l'économie française – nous ne le contestons pas – mais qui engrangent des bénéfices importants, ne devraient pas participer à cet effort.

Or, depuis 2017, elles ont quand même bénéficié de réductions diverses et variées que la majorité sénatoriale a toutes approuvées : même si elle a râlé, elle a toujours fini par voter les budgets proposés. Ainsi, à ces structures ou à ces fortunes, qui, en plus d'avoir bénéficié d'un essor économique certain, ont reçu tous ces cadeaux, il ne faudrait rien demander !

Mme Monique Lubin. Aussi, je m'interroge : comment peut-on, en conscience, voter certaines mesures, comme le gel des pensions, le gel des prestations sociales ou le retour sur les indemnités journalières, tout en ne demandant rien, absolument rien, à ces très grandes entreprises, alors que le pays en a besoin ? Et que l'on ne me parle pas du risque de fuite ou d'optimisation, parce que, soit on est français, soit on ne l'est pas, soit on est citoyen, soit on ne l'est pas ! (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.) Cela vous fait rire, monsieur Karoutchi ?

M. Roger Karoutchi. Cet argument est débile !

Mme Monique Lubin. Sans doute, vous détenez la vérité, vous avez raison !...

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Ce débat aura lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances ; il a d'ailleurs eu lieu à l'Assemblée nationale. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Vous affirmez que rien n'a été fait pour améliorer la justice fiscale et sociale. Or l'année dernière a été mise en place la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises. Après discussion, l'Assemblée nationale l'a prolongé ; nous verrons ce qu'il en advient dans la version finale du texte, mais on ne peut pas laisser dire aux citoyens qui nous écoutent que rien n'est fait en la matière.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1658.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1561, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre VII du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :

« Section …

« Contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières

« Art. L. 137-… – I. – A. – Est instituée une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les activités domestiques d'exploration et d'exploitation de gisements d'hydrocarbures et de raffinage des sociétés productrices de pétrole redevables de l'impôt sur les sociétés prévu à l'article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 000 000 euros.

« B. – La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l'exercice considéré au titre de l'impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.

« C. – La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :

« 1° 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« 2° 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« 3° 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.

« II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d'ensemble et la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminés avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.

« B. – Le chiffre d'affaires mentionné au I du présent article s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

« C. – Les réductions et crédits d'impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.

« D. – Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d'opérations de cession ou d'acquisition d'actifs, pour la fraction du résultat imposable de l'exercice concernée.

« E. – La contribution additionnelle est reversée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale ».

II. – Le présent article entre en vigueur à compter de la publication de la présente loi et est applicable jusqu'au 31 décembre 2026.

III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation provisoire de l'application du I du présent article avant le 31 juillet 2026 et un rapport d'évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2027.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les bénéfices des grandes compagnies pétrolières – les majors – explosent, tandis que les ménages et la sécurité sociale subissent la crise.

Prenons l'exemple de TotalEnergies, que nous connaissons bien, au Sénat, grâce à l'excellent travail de notre collègue Yannick Jadot. Le bénéfice de cette entreprise s'élevait à 19,8 milliards d'euros en 2023, de quoi renflouer largement le déficit de la sécurité sociale ! Pourtant, loin de contribuer à notre santé, l'industrie pétrolière mine notre santé, elle est une source majeure de pollution.

Au-delà même de l'hexane, que nous avons évoqué précédemment – quel dommage que nous ayons raté une occasion d'agir dans ce domaine ! –, elle est responsable de la pollution de l'air, de l'émission de perturbateurs endocriniens, pour un coût sanitaire annuel estimé entre 70 milliards à 100 milliards d'euros, et elle est l'un des premiers responsables du changement climatique, qui menace gravement notre système public de santé.

Pour cette raison, nous proposons de renforcer le principe du pollueur-payeur en faisant contribuer ces sociétés. Toutefois, là encore, nous ne ciblons que les vrais responsables, les grands pollueurs, c'est-à-dire les sociétés qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros et des bénéfices supérieurs à 1,25 fois leur profit moyen entre 2017 et 2019.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1561.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1159, présenté par Mmes Silvani, Brulin, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une contribution spécifique est prélevée sur les revenus générés par les établissements d'accueil de jeunes enfants privés à but lucratif, dont le taux et l'assiette sont définis par décret. Les recettes sont directement affectées à la Caisse nationale d'allocations familiales.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. La publication, par le journaliste Victor Castanet, du livre Les Ogres, que l'on a déjà évoqué, a mis en lumière les dysfonctionnements de la gestion des crèches par des établissements privés à but lucratif.

Vingt ans après la fin du monopole public sur le secteur, quatre grands groupes se partagent le marché, estimé à 1,7 milliard d'euros. Un rapport de l'Igas de 2021 a estimé que le niveau de rentabilité des micro-crèches était excessif, puisque leur taux de profit atteignait 25 %, voire, pour certaines, 65 % ! L'Igas souligne également que l'évolution du secteur au cours des dernières années a conduit à la dégradation progressive de la qualité de l'accueil au profit de logiques financières. L'Inspection établit donc un lien de cause à effet entre la moindre qualité de l'accueil et l'augmentation du profit.

Le fait que des entreprises privées réalisent des profits sur la gestion de l'accueil de nos tout-petits et sur le détournement des subventions des CAF, au détriment de la qualité de l'accueil des nourrissons, suscite donc un débat.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de mettre à contribution les revenus des crèches privées à but lucratif, afin de renforcer les crèches publiques et privées non lucratives.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le décret de septembre dernier, que j'évoquais précédemment, impose à ces crèches de transmettre leurs comptes aux caisses d'allocations familiales ; vous proposez une plus grande transparence, nous l'aurons. En revanche, cette contribution ne me semble pas constituer un moyen efficace.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Deux points.

D'abord, dans le rapport d'information rédigé sur le sujet par plusieurs de nos collègues – Pour un contrôle des crèches au service de la qualité de l'accueil des enfants – figure une information très importante, à savoir que les établissements médico-sociaux peuvent être contrôlés par la Cour des comptes, mais non les crèches. Le décret évoqué par Mme la ministre permettra certes de contrôler un peu mieux les comptes de ces structures, mais il conviendrait d'aller plus loin en donnant cette prérogative à la Cour des comptes.

Ensuite, pour prolonger les propos de Mme Silvani, il y a également un véritable enjeu autour des intermédiaires de réservation des berceaux. Ces entreprises, qui sont d'ailleurs des filiales des grands groupes dont parlait notre collègue, se sont constitué une nouvelle petite activité et captent ainsi une partie du crédit d'impôt famille, non pas pour mettre à disposition des berceaux pour les salariés des entreprises mais pour rémunérer la réservation d'un berceau ; voilà une nouvelle activité lucrative !

Il faudra rapidement se pencher sur cette question, en prenant le temps nécessaire, car elle est importante. D'un côté, il y a la question de la contribution de ces entreprises – c'est l'objet de cet amendement –, mais, de l'autre, il y a aussi toutes les activités masquées de ces grands groupes, qui sont très inventifs pour capter une partie des financements publics et la mettre, si j'ose dire, dans la poche de leurs actionnaires. Avançons sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.

M. Pierre-Alain Roiron. C'est une vraie question, la prise en charge de la petite enfance.

M. Pierre-Alain Roiron. Plusieurs d'entre nous avons été élus locaux et nous avons bien vu les problèmes qui se posaient quand les crèches étaient attribuées au secteur privé. Souvent, les entreprises prenaient beaucoup moins cher, ce qui aurait déjà dû susciter notre intérêt. Puis, on a vu que, malheureusement, les conditions d'accueil des jeunes enfants n'étaient pas acceptables.

Je suis, pour ma part, tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit. Il n'est pas normal que de l'argent public revienne à des groupes privés. Je n'ai rien contre les actionnaires en tant que tels, dans certains cas il en faut, mais pas, selon moi, dans ce secteur. D'ailleurs, le Président de la République lui-même parle du service public de la petite enfance, en évoquant un service public pour tous, non pas un service qui devrait rapporter à certains.

Nous soutiendrons donc cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Je souhaite insister sur un point. Ce que nous mettons en cause, c'est le fait de réaliser des profits extrêmement importants en bénéficiant d'aides publiques et au détriment de l'accueil, qui se dégrade.

En outre, ces profits ne sont en rien redistribués pour améliorer les conditions de travail des salariés de ces crèches ni réinvestis dans l'accueil. À la limite, si c'était le cas, on pourrait discuter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1159.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 850 rectifié bis, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile et Fouassin, Mme Nadille, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 242-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 242-1-… – I. Il est institué un Plan d'Épargne Association, dispositif d'épargne salariale permettant aux salariés des associations soumises aux dispositions du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail, et qui dégagent un excédent net comptable positif au cours des trois derniers exercices clos, de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières avec l'aide de leur employeur.

« Les conditions d'ouverture, de fonctionnement, de blocage des sommes et les plafonds d'abondement de ce plan sont ceux prévus aux articles L. 3332-1 à L. 3332-27 du code du travail, l'association étant réputée « entreprise ».

« II. – L'abondement versé par l'association au titre du Plan d'Épargne Association est exclu de l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale mentionnées à l'article L. 242-1 du présent code, sous réserve du respect des conditions et limites fixées par le code du travail.

« III. – Par dérogation au II, cet abondement demeure soumis :

« 1° À la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale, dans les conditions prévues au 3° du I de l'article L. 136-8, sans qu'il soit fait application de l'abattement mentionné au III de l'article L. 136-1-1.

« 2° Au forfait social mentionné à l'article L. 137-15, dans les conditions et aux taux prévus pour les sommes versées au titre du plan d'épargne entreprise.

« IV. – Les modalités d'application du présent article, notamment la définition précise de l'excédent net comptable de l'association mentionné au I ainsi que la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, sont fixées par décret en Conseil d'État, et au plus tard au 1er juillet 2026. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. On parle beaucoup dans cet hémicycle, depuis un certain temps, des systèmes de participation des salariés, de distribution d'actions, de retraites en entreprise, via les plans d'épargne ceci ou cela, mais il demeure un angle mort : la situation des 1,5 million de salariés d'association, qui sont pour la plupart investis dans des missions d'intérêt général mais ne bénéficient d'aucun outil d'épargne, car ces derniers sont tous réservés aux entreprises. Je sais de quoi je parle, j'en ai institué un dans l'association que je dirige et cela a été excessivement compliqué.

Je propose donc que l'on crée un plan d'épargne association, calqué sur le modèle du plan d'épargne entreprise (PEE) que nous connaissons tous ici, puisque l'Association pour la gestion des assistants de sénateurs (Agas) en propose un, dont profitent, j'imagine, la plupart de vos collaborateurs, mes chers collègues. Je propose donc que les salariés d'associations puissent aussi en bénéficier, si l'association et son comité social et économique (CSE) le souhaitent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. À première vue, la commission pense qu'un tel plan serait de nature à soutenir le milieu associatif et ses salariés. Toutefois, elle n'a pas eu le temps d'en étudier précisément les conséquences. C'est pourquoi elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous souhaitez créer, monsieur le sénateur, un nouveau type de plan d'épargne à destination non pas des entreprises mais des structures du secteur de l'économie sociale et solidaire.

D'une part, le propre des associations à but non lucratif est de réinvestir les excédents nets comptables au profit des publics qu'elles accompagnent, non de les orienter vers ses salariés.

D'autre part, rien n'empêche ces associations de verser des primes de partage de la valeur à leurs salariés, lesquels peuvent ensuite les placer dans un plan d'épargne en actions (PEA) ou un plan d'épargne retraite (PER) à titre individuel.

Pour ces raisons, il ne me paraît pas souhaitable d'instituer un dispositif supplémentaire. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement et, à défaut, émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Les bras m'en tombent !

Faisons alors plus simple, madame la ministre : ouvrons le bénéfice du PEE aux salariés des associations, car il arrive que des associations veuillent donner une gratification ou une prime à leurs salariés. Sinon, soyons cohérents, allons au bout de la logique et interdisons clairement aux associations de donner toute prime de quelque nature que ce soit à leurs salariés, parce que l'intégralité de leurs excédents doit être réinvestie dans leur activité.

Je suis très étonné. Il arrive que des associations aient un excédent. Comme la notion de bénéfice n'existe pas, le conseil d'administration décide effectivement dans la plupart des cas de le réinvestir, mais il peut arriver que des associations « gratifient », au travers d'une prime, leurs salariés, pour une raison simple : si l'association fonctionne bien et qu'elle fait quelques excédents, c'est aussi que les salariés y ont contribué.

Si ma proposition ne convient pas, alors je demande juste que l'on étende le bénéfice du PEE aux salariés d'association ; simplement le mot « entreprise » pose un problème.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement, qui semble motivé par une bonne intention, m'inspire une double réaction.

Ma première réaction consiste à dire que l'idée d'un partage de l'excédent – dans nos rêves les plus fous, les associations feraient des excédents, même si cela fait longtemps que cela n'existe plus –, qui n'est effectivement pas un profit, sous la forme d'une redistribution ou d'une prime, entre en contradiction avec la philosophie et les valeurs des associations loi 1901.

Seconde réaction : soyons cohérents. On nous annonce que le budget de l'État va réduire de 50 % le financement des têtes de réseau associatives – les associations s'en sont émues –, donc je ne vois pas bien ce qu'il y aura à redistribuer l'année prochaine…

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, vous affirmez que les associations peuvent verser des primes et que chacun peut alors, s'il n'a pas de problème de pouvoir d'achat, la placer dans un plan d'épargne complémentaire. Vous parlez de primes de partage de la valeur et non d'une augmentation de salaire ; or celles-ci sont exonérées, de même que les plans d'épargne collective.

Alors même que nous débattons du budget de la sécurité sociale, la proposition de M. Lévrier ou les dispositifs préconisés par Mme la ministre ne lui apportent pas la moindre ressource. La capitalisation – le plan d'épargne entreprise en est une forme –, elle, est aidée à hauteur de 2 milliards d'euros, comme je l'indiquais tout à l'heure en reprenant les chiffres de la Cour des comptes. Ainsi, non seulement elle ne rapporte rien à la sécurité sociale, mais elle lui coûte. C'est tout de même fort !

Mme la rapporteure générale a dit que les fonctionnaires ne se plaignaient pas de bénéficier d'un plan d'épargne retraite... Il est curieux de déplorer, ensuite, que l'État ait des « déficits cachés ». Ces derniers n'existent pas, mais ce qui est certain, c'est que les plans de capitalisation ne rapportent pas de ressources aux acteurs, y compris étatiques, du système de retraite.

Je ne vois pas ce qu'il y a de vertueux dans le fait que les fonctionnaires bénéficient de la capitalisation, quand celle-ci non seulement ne rapporte rien, mais coûte.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je soutiens cet amendement. Le plan d'épargne entreprise est, en effet, mal adapté à l'économie sociale et solidaire. Le PEA pourrait être une mesure concrète en faveur du pouvoir d'achat des salariés du secteur associatif et une mesure d'équité par rapport au secteur lucratif.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Je trouve l'idée générale soulevée par notre collègue intéressante, car, effectivement, il y a association et association, même si toutes sont régies par la loi de 1901. Alors que certaines sont actuellement des piliers de la protection sociale, leurs salariés ne bénéficient de presque aucun avantage : une fois leur salaire payé, on ne peut plus rien leur verser.

Je ne suis pas sûre qu'il faille ouvrir une discussion sur la rémunération des salariés des associations à l'occasion de l'examen du présent texte, mais – j'y insiste – la question est tout à fait intéressante. Autant il serait choquant de partager les excédents avec les administrateurs, autant les partager avec les salariés dans le secteur médico-social est une piste à étudier.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je viens également au soutien de l'amendement de notre collègue. Quel signal enverrions-nous aux associations en le rejetant ? Puisque nous reconnaissons tous que nous avons besoin d'elles, que le secteur est exsangue et que leur personnel est exemplaire par sa disponibilité, je voterai en faveur de cette mesure.

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.

M. Michel Masset. Mon groupe votera également cet amendement en ayant une pensée particulière pour le monde de l'économie sociale et solidaire (ESS).

M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. À titre personnel, je ne suivrai pas l'avis du Gouvernement.

La commission s'en remet à la sagesse de cette assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 850 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 septies.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 541 rectifié ter est présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Masset et Roux et Mme Girardin.

L'amendement n° 1143 est présenté par Mmes Brulin, Silvani, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

L'amendement n° 1 679 est présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 241-5 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il est instauré un malus, déterminé par voie réglementaire, sur les cotisations des employeurs dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises n'ayant pas pris les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré de maladie professionnelle.

« La détermination de l'effort de l'employeur en matière de prévention et de lutte contre les maladies professionnelles se fait sur la base de critères définis par voie réglementaire à partir du bilan social de l'entreprise défini aux articles L. 2312-28 à L. 2312-33 du code du travail. »

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n°° 541 rectifié ter.

M. Michel Masset. Par cet amendement, nous proposons d'instaurer un malus sur les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles lorsque des entreprises ne prennent pas les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré. Concrètement, il s'agit de responsabiliser les employeurs dont la sinistralité de l'entreprise reste anormalement élevée alors même que des outils de prévention existent.

Cette idée n'est pas nouvelle. En effet, elle figure dans les recommandations du rapport parlementaire sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination. La Cour des comptes l'avait également formulée, par la voix de M. Didier Migaud, en 2018.

L'objectif est double : d'abord, encourager réellement la prévention en valorisant les entreprises exemplaires et en incitant les autres à agir ; ensuite, dégager des moyens pour mieux réparer, mieux évaluer et, surtout, mieux prévenir les risques professionnels. C'est une mesure juste, efficace et cohérente avec la promotion de la santé au travail.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 1143.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à relever les cotisations à la branche AT-MP des entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée.

Face à la situation quelque peu dramatique que l'on connaît à cet égard, nous pensons qu'augmenter les sanctions pourrait inciter les entreprises à travailler davantage sur la question de la prévention. Je rappelle tout de même que, en France, l'assurance maladie a recensé plus d'un million d'accidents du travail : accidents de trajet, maladies professionnelles déclarées… Ce n'est pas rien. Nous sommes tout de même en 2025 ! Les entreprises pourraient être beaucoup plus vertueuses dans ce domaine. Aussi, il est de notre devoir de taper au portefeuille celles qui ne le sont pas.

Je suis choquée quand des entreprises font la fête quand elles enregistrent peu d'accidents de travail. (M. Jean-François Rapin et Mme Pascale Gruny s'exclament.) Tant mieux s'il y en a peu ; j'en suis la première ravie, car c'est une bonne chose. Néanmoins, en arriver, en 2025, à fêter cela, c'est grave ! Cela signifie qu'il existe par ailleurs un développement sans précédent de ces accidents.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l'amendement n° 1679.

Mme Monique Lubin. La réalité est préoccupante : certaines entreprises accumulent les accidents du travail. D'ailleurs, des chiffres publiés ces deux derniers jours prouvent qu'il y a une recrudescence des accidents graves.

Cet amendement tend donc à renforcer la tarification des risques professionnels pour les entreprises les plus accidentogènes. Je ne répéterai pas les propos de mes collègues, mais je veux dire qu'il conviendrait de prendre ce sujet à bras-le-corps. Il me paraît assez normal que le manque de prévention soit sanctionné par une augmentation de cotisation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission reconnaît que le sujet est éminemment important. Toutefois, les auteurs des amendements stigmatisent l'ensemble des acteurs : ils mettent l'accent sur des dérives que nous n'acceptons ni les uns ni les autres – nous sommes tous d'accord là-dessus –, mais donnent l'impression que toutes les entreprises sont concernées.

Si un malus n'est pas contrebalancé par un bonus, ce n'est pas une bonne mesure, car cela revient à agir sur un plan seulement punitif, alors que des entreprises vertueuses mettent en place des actions de prévention.

Par ailleurs, les employeurs sont exposés à des sanctions pénales. Je rappelle qu'il y a des inspecteurs du travail (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame.) et que des mesures de contrôle permettent de sanctionner les dirigeants fautifs.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je partage votre objectif de diminution du nombre d'accidents du travail. D'ailleurs, l'un des ateliers que lancera Jean-Pierre Farandou dans le cadre de la conférence sur le travail et les retraites du 5 décembre prochain sera consacré à la prévention. Il nous faut avancer sur le sujet.

Mais pour les raisons techniques que Mme la rapporteure générale a données, l'avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.

M. Jean-François Rapin. Je rebondis sur le propos de Mme Apourceau-Poly, car je sais quelle entreprise elle vise : cette dernière, qui a fêté récemment plus de mille jours sans accident du travail, se situe dans le département où nous sommes élus tous deux, dans la commune dont j'ai été le maire.

M. Jean-François Rapin. Cet événement était moins une fête que la reconnaissance d'une démarche anticipatrice, de prévention, associant les dirigeants et les salariés de l'entreprise. C'est un exemple à suivre !

J'ai d'ailleurs proposé aux différents rapporteurs de la commission des affaires sociales d'auditionner des acteurs ayant obtenu des résultats dans ce domaine afin qu'ils nous expliquent comment ils ont agi. Optons pour la démonstration, mais pas pour la sanction, s'il vous plaît !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 541 rectifié ter, 1143 et 1679.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 924 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1167 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Barros, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 242-7 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des cotisations supplémentaires sont en particulier imposées aux entreprises donneuses d'ordre lorsqu'une entreprise sous-traitante dépasse un taux de sinistralité fixé par décret. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 924.

Mme Raymonde Poncet Monge. Selon les chercheurs Nicolas Dufour, Caroline Diard et Abdel Bencheikh, « la France est le seul pays [en Europe] qui a vu le nombre de décès s'accroître entre 2009 et 2017 », s'agissant des accidents du travail. En outre, les auteurs du dernier rapport annuel de l'assurance maladie sur les risques professionnels indiquent qu'en 2023 il y a eu 759 décès au travail. En 2024, on a recensé 810 morts au travail, soit 51 de plus que l'année précédente. La mort au travail, voilà ce qu'est une véritable sanction !

Selon les dernières prévisions d'Eurostat, notre pays n'atteindra jamais l'objectif de zéro mort au travail d'ici à 2030, sauf peut-être dans l'entreprise qui a été citée et dont nous nous réjouissons des résultats dans ce domaine... Sans même évoquer les décès, le taux d'incidence des accidents du travail en France demeure très élevé : il est le plus haut d'Europe – Eurostat le confirme aussi –, numériquement et tendanciellement.

Les accidents du travail surviennent majoritairement dans les métiers du nettoyage, un secteur où le travail temporaire et la sous-traitance sont importants. De fait, selon une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) sur l'exposition aux accidents du travail, les salariés des entreprises sous-traitantes sont surexposés aux risques professionnels, physiques et organisationnels. Pour le dire autrement, ils meurent un peu plus...

Toutes ces données démontrent l'importance de responsabiliser les entreprises donneuses d'ordre – il m'a semblé comprendre que nous étions dans une culture de la responsabilisation –, tant celles qui ont recours à la sous-traitance se défaussent de leur responsabilité pour ce qui des AT-MP en externalisant les risques.

Cet amendement vise donc à augmenter les cotisations dues au titre des AT-MP par les donneurs d'ordre quand leurs sous-traitants présentent un taux de sinistralité important, fixé par décret. Nous souhaitons que l'on fasse preuve de sagesse en la matière !

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l'amendement n° 1167.

Mme Marianne Margaté. Au moment de rédiger cet amendement identique, nous sommes partis de ce constat accablant : la sous-traitance est devenue l'angle mort de la prévention des accidents du travail. De fait, les donneurs d'ordre externalisent les tâches, la main-d'œuvre et, surtout, le risque. Ce sont dès lors les salariés des sous-traitants qui paient le prix fort, quand les donneurs d'ordre n'assument jamais les conséquences financières.

Comme l'a indiqué ma collègue en citant l'étude de la Dares, les salariés des entreprises sous-traitantes sont plus exposés et plus souvent victimes d'accidents du travail que ceux des donneurs d'ordre.

La sous-traitance est, à l'heure actuelle, le principal vecteur d'externalisation du risque professionnel. J'y insiste : les entreprises qui pilotent la chaîne de production se déresponsabilisent largement des accidents et des maladies professionnelles qui frappent les salariés de leurs prestataires. Cette situation est injuste et cette manière de procéder inefficace. Elle alimente un modèle de sous-traitance low cost fondé sur la prise de risque.

Nous proposons donc une mesure de justice élémentaire : lorsqu'un sous-traitant présente un taux de sinistralité anormalement élevé, les cotisations AT-MP du donneur d'ordre doivent augmenter. Au travers de cet amendement, nous affirmons clairement ce message : si vous tirez les prix vers le bas, si vous imposez une organisation du travail dangereuse, si vous choisissez vos prestataires uniquement sur le fondement du coût, sans regarder leurs pratiques en matière de sécurité, alors vous en assumerez les conséquences financières.

Il s'agit d'une mesure de responsabilité, de justice, de cohérence et de courage politique. Le coût du risque doit être supporté non plus par les plus précaires ou par la collectivité, mais par ceux qui organisent, structurent et profitent réellement de la chaîne de production.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'idée qui sous-tend ces amendements identiques est intéressante. Vous mettez en avant un phénomène qui s'observe ces dernières années : on voit se développer un transfert des activités les plus sinistrogènes depuis les entreprises donneuses d'ordre vers des sous-traitants, afin que les premières puissent éviter une hausse de leur cotisation AT-MP.

Pour autant, la commission ne recommande pas d'instaurer un malus sur les cotisations, qui viendrait alourdir encore les prélèvements obligatoires. Surtout, comme je le disais précédemment, instaurer un malus sans bonus pour les entreprises vertueuses n'a pas de sens. Nous resterions dans une logique punitive alors qu'il faut aussi saluer les efforts que certaines entreprises accomplissent.

Un meilleur partage du coût des sinistres professionnels entre sous-traitants et donneurs d'ordre serait sans doute préférable. Cette logique a d'ailleurs prévalu dans la récente réforme de la tarification des AT-MP subie par les intérimaires.

J'invite donc les auteurs de ces amendements à retravailler leur rédaction en ce sens d'ici à l'an prochain ; en effet, je sais qu'ils sont tenaces...

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ah ça, tenaces, nous le sommes !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il faudra également associer les partenaires sociaux, qui semblent avoir été quelque peu oubliés dans ces amendements.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Mesdames les sénatrices, je partage votre idée de donner la priorité à la prévention des accidents du travail, notamment ceux qui sont graves et mortels, et ce que vous avez dit sur l'enjeu spécifique des chaînes de sous-traitance. Tel est d'ailleurs l'objet de l'axe 5 du prochain plan santé au travail (PST), qui est en cours d'élaboration.

Le taux des cotisations dues au titre des AT-MP est calculé, et majoré, en fonction de la sinistralité des entreprises.

J'y insiste, le sujet de la chaîne de sous-traitance a été bien identifié et les partenaires sociaux travaillent actuellement à améliorer les règles. J'espère donc que nous n'aurons pas à examiner le même amendement l'année prochaine !

Avis défavorable.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Parfait !

Mme Stéphanie Rist, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Mon groupe votera en faveur de ces propositions. Nous avions d'ailleurs déposé des amendements similaires l'an dernier et abordé le sujet du devoir de vigilance des sous-traitants lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Je tiens à ajouter un point qui échappe à nos débats d'aujourd'hui : le contexte européen n'est plus du tout le même que l'année dernière. En 2024, nous avions encore l'espoir que la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité soit maintenue. Ce texte avait été particulièrement soutenu par la France dès 2017, mais notre pays a fini par y renoncer.

Cette directive visait à imposer des règles aux grandes entreprises donneuses d'ordre. Celles-ci devaient vérifier que les consignes de production qu'elles donnent, y compris à leurs sous-traitants, respectent les droits humains – interdiction du travail des enfants et protection des salariés afin éviter les accidents mortels, notamment. Je rappelle qu'au Bangladesh, 1 100 ouvriers sont morts alors qu'ils travaillaient dans les industries de la fast fashion !

Ce devoir de vigilance visait aussi à protéger l'environnement : les entreprises devaient s'assurer que leurs sous-traitants, en plus de ne pas exploiter des gens, ne polluent pas.

Malheureusement, le 13 novembre dernier, en raison d'un accord entre des partis de droite et l'extrême droite, le devoir de vigilance a été rayé de la carte.

Madame la ministre, même si nous pouvons avancer sur le sujet à l'échelle nationale – nous en reparlerons sans doute –, nous avons tout de même fait un énorme pas en arrière. Le Gouvernement français a accepté par l'intermédiaire de son commissaire européen cette importante régression, extrêmement néfaste. Aujourd'hui, nous imposerons peut-être un devoir de vigilance un peu plus soutenu en France alors que, à l'échelle européenne, notre pays a totalement abdiqué. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Nous avons longuement abordé la question de la sous-traitance lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Le sujet mérite en soi d'être traité au fond.

En effet, la sous-traitance peut comporter jusqu'à trois rangs : le maître d'ouvrage passe un marché avec un donneur d'ordre, qui lui-même en passe un avec un premier sous-traitant, lequel, n'étant pas en mesure de faire le travail, signe un contrat avec un deuxième sous-traitant, qui lui-même sous-traitera. Il en résulte que les marges réalisées sur un chantier par une entreprise sont partagées. Le troisième sous-traitant se retrouve dans une situation où il doit, pour gagner un minimum d'argent, se livrer à des formes d'exploitation de son personnel – conditions de travail dégradées, non-déclarations.

La responsabilité du donneur d'ordre est importante, cela a été souligné. Sans doute pourrions-nous imposer des cotisations sociales supplémentaires, mais, sur le fond, la question même de la sous-traitance se pose : interrogeons-nous sur les conditions de travail des salariés de deuxième ou de troisième rang !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, le taux de cotisation des entreprises dépend de la sinistralité, puisque la branche AT-MP fonctionne comme un système assurantiel. Là est justement la difficulté, d'où nos amendements. En effet, que font en fin de compte les donneurs d'ordre ? Ils externalisent le risque AT-MP.

Mme Raymonde Poncet Monge. Non seulement ils exercent une pression sur les coûts, mais, de cette manière – il faut le voir ! –, ils multiplient les allégements généraux. Chacun en bénéficie selon un taux multiplicateur ; nous en avons parlé hier.

J'y insiste, il est évident que, au-delà de chercher à réduire les coûts – je l'ai constaté dans le secteur de la chimie –, les donneurs d'ordre externalisent les risques AT-MP.

Dès lors, il faut que nous tenions davantage compte de la sinistralité. Nous précisons bien dans l'amendement que cela se fera « par décret ». Madame la ministre, je connais la sagesse du Gouvernement...

De fait, nous proposons que, à partir d'un certain taux de sur-sinistralité chez les sous-traitants, le donneur d'ordre ne réponde pas uniquement des accidents du travail survenus dans sa propre entreprise, mais aussi de la surexposition qu'il impose aux entreprises sous-traitantes pour des raisons de coûts. Telle est notre logique.

Il est temps d'agir si nous voulons mettre un terme à cette situation. La France est le pays d'Europe avec le plus grand nombre d'accidents du travail.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Arrêtez, ce n'est pas vrai.

Mme Raymonde Poncet Monge. C'est une honte, d'autant que la tendance est mauvaise. On me dit que les modes de calcul divergent. Certes, nous pouvons débattre de la méthodologie, mais, à méthode équivalente, il n'en demeure pas moins que le nombre de morts au travail augmente chaque année...

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Il faut être prudent avec les comparaisons européennes (Mme Anne-Sophie Romagny acquiesce.), car les éléments pris en compte pour le calcul du nombre d'accidents du travail ne sont pas les mêmes. Par exemple, les malaises ne sont pas comptabilisés dans certains pays alors qu'ils le sont en France.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je comprends l'enjeu. Il me semble nécessaire d'avancer sur ce point grâce au travail en cours avec les partenaires sociaux.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 924 et 1167.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 1165, présenté par Mmes Silvani, Brulin, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 3 du chapitre 2 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-10-… ainsi rédigé :

« Art. L. 242-10-…. – Les entreprises d'au moins vingt salariés, dont le nombre de salariés à temps partiel de moins de vingt-quatre heures est égal ou supérieur à 20 % du nombre total de salariés de l'entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l'ensemble de leurs salariés à temps partiel de moins de vingt-quatre heures. »

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Depuis le 10 novembre à 11 heures 31, les femmes en France travaillent gratuitement ; nous le répétons chaque année, et nous prévoyons de le refaire en 2026… C'est le résultat d'inégalités salariales structurelles, aggravées par le recours massif à des temps partiels trop courts.

Cet amendement – nous en avons déjà présenté un similaire l'an dernier – vise à mettre fin à cette injustice. Nous proposons que les entreprises où plus de 20 % des salariés ont un contrat de travail à temps partiel très court paient 10 % de cotisations supplémentaires. Il s'agit d'une mesure juste, nécessaire et légitime destinée à inciter les employeurs à créer des emplois dignes, à temps plein, accompagnés de droits et de perspectives de carrière, ainsi qu'à les engager à assumer leur part de responsabilité dans le financement de la sécurité sociale.

Cet amendement est un outil concret. Il tend à punir les abus, non le temps partiel choisi, et à protéger les salariés, non les profits.

On nous rétorquera qu'il est périlleux de pénaliser les entreprises, au motif qu'elles risquent de ne plus créer d'emplois ou de fermer leurs portes. Je réponds donc par avance : il s'agit non pas de mettre toutes les entreprises sur le même plan, mais de cibler celles qui réalisent des profits sur le dos des femmes les plus précaires en abusant de contrats à temps partiel trop court. J'espère avoir été suffisamment précise...

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 1138 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

L'amendement n° 1318 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1 642 est présenté par Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 731-42 du code rural et de la pêche maritime est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« ... ° Une cotisation à la charge de chaque chef d'exploitation ou d'entreprise, calculée sur la part de l'assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et L. 731-22 qui excède deux fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

« Le taux de cette cotisation est égal à la somme des taux fixés en application des cinquième et sixième alinéas du même article L. 241-3. »

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa de l'article L. 241-3, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« La couverture des charges de l'assurance vieillesse et de l'assurance veuvage est également assurée par des cotisations à la charge des employeurs et des salariés et assises sur la part des revenus d'activité tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations définie au même article L. 242-1 perçus par les travailleurs salariés ou assimilés qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa du présent article. Le taux de ces cotisations est fixé :

« – à 2 % pour les salariés ;

« – à 3,8 % pour les employeurs. » ;

2° L'article L. 633-1 est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les travailleurs indépendants mentionnés au premier alinéa sont également redevables de cotisations d'assurance vieillesse assises sur la part du revenu d'activité qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa dudit article L. 241-3. Le taux de ces cotisations est égal à la somme des taux fixés en application des cinquième et sixième alinéas du même article L. 241-3. »

III. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, une conférence sociale et de financement des retraites associant les organisations syndicales représentatives, les organisations professionnelles d'employeurs représentatives, l'État et les organismes gestionnaires des régimes de retraite obligatoires de base et complémentaire est réunie. Cette conférence est chargée :

1° D'identifier des conditions de financement permettant d'assurer l'équilibre financier durable du système de retraites par répartition tout en garantissant un âge d'ouverture du droit à une pension de retraite à soixante-deux ans ;

2° De négocier les modalités de prise en compte de la situation des assurés justifiant d'une carrière longue et de ceux n'ayant pas accompli la durée d'assurance minimale requise pour le bénéfice d'une pension au taux plein ;

3° De proposer des évolutions des dispositifs de compensation dont bénéficient les assurés exposés à des facteurs de risques professionnels et de pénibilité au travail.

La composition de la conférence nationale est déterminée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit. 

Elle se réunit au moins une fois par an sur convocation des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 1138.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, les groupes parlementaires de gauche proposent d'augmenter le taux de cotisation des plus hauts revenus pour financer l'abrogation de la réforme scélérate des retraites de 2023.

Cette réforme s'est distinguée par sa brutalité inouïe, tant dans sa mise en œuvre que dans son projet. Jamais, en effet, une réforme des retraites n'était allée aussi loin dans les conditions imposées aux travailleurs : un relèvement de l'âge de départ de deux ans, de 62 à 64 ans, et, pour prétendre à une carrière complète, une durée de cotisation portée à quarante-trois annuités dès 2027, au lieu de 2035, obligeant chacun à travailler un trimestre de plus tous les ans.

De surcroît, la réforme s'est appliquée immédiatement, de sorte que la génération au seuil de la retraite, celle née en 1961, a vu, dès 2023, son âge de départ minimal reculer de trois mois.

Elle aura été également inouïe par la mobilisation historique qu'elle a provoquée. Pendant plus de six mois, les travailleurs, les retraités et la jeunesse, soutenus par les huit principaux syndicats de salariés constitués en intersyndicale, ont exprimé sans discontinuer leur stricte opposition à cette réforme de grande régression sociale.

Deux ans après sa promulgation, la réforme des retraites demeure le symbole d'une rupture profonde entre nos concitoyens et le pouvoir politique. Si les gouvernements qui se sont succédé depuis 2023 espéraient que le temps viendrait à bout de la contestation sociale et syndicale, force est de constater qu'ils se sont trompés. Cette réforme, passée en force, sans vote au Parlement, contre une majorité du peuple et un front syndical uni, est à l'origine de la crise sociale sans précédent que connaît notre pays.

Il est temps de revenir sur cette réforme brutale et injuste !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1318.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne reviens pas sur le contexte, celui d'une réforme impopulaire et passée sans vote.

Cette réforme, d'ailleurs, ne résout pas le problème. Comme on n'a pas du tout parlé de la qualité du travail, non plus que du travail, et même si vous avez annoncé l'ouverture d'une concertation, c'est le genre de réforme qui ne donnera pas de résultats. Et on finira par demander 65 ans, 66 ans, 67 ans ; on peut aller ainsi jusqu'à imiter le Japon…

J'ajoute qu'il y a, par-dessus le marché, des externalités négatives ! Les trois quarts des dépenses d'IJSS (indemnités journalières de sécurité sociale) sont dus à des arrêts longs qui concernent majoritairement les travailleurs seniors. Et on déplore, ensuite, l'augmentation des IJSS, pour appeler à contrôler davantage leur attribution…

Quant à l'équilibre, je n'y reviens pas. Ce qui grève cette branche, ce sont encore et toujours les exonérations de cotisations : celle dont bénéficient les heures supplémentaires coûte 2 milliards d'euros par an. Comme le rappelle la Cour des comptes, 42 % du déficit est dû à la sous-compensation des allégements généraux depuis 2019 : autrement dit, madame la ministre, on résoudrait 42 % du problème si l'État compensait correctement les cadeaux que vous faites aux employeurs. D'autres leviers sont possibles, dont la mobilisation peut se faire, cette fois, sans externalités négatives : de vraies solutions, des solutions récurrentes !

Les circonstances vous amènent désormais à concéder un décalage de la réforme – nous verrons s'il survivra au parcours législatif de ce texte. Mais ce n'est pas un décalage dont nous avons besoin : c'est de résoudre vraiment le problème du taux d'emploi des seniors, qui est dû à la sous-performance française en matière de conditions de travail.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l'amendement n° 1642.

Mme Monique Lubin. Mme la rapporteure générale parlait tout à l'heure de la capitalisation et de la Préfon, la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique.

La capitalisation, c'est un drapeau que vous brandissez comme la solution miracle. Mais il va falloir expliquer ce que serait exactement une capitalisation pour tous les salariés. Tout le monde n'aura pas les moyens de capitaliser. Par ailleurs, le cas échéant, à qui les fonds collectés seront-ils confiés ? C'est un vaste débat ; je ne demande pas mieux que de l'avoir… Mais arrêtez de brandir la capitalisation comme une solution miracle immédiatement adaptable à chacun !

La Préfon, c'est pareil : c'est un régime de retraite supplémentaire auquel les fonctionnaires sont libres de souscrire ou non. S'il vous plaît, ne faites pas comme si la Préfon, régime de retraite supplémentaire facultatif, avait quoi que ce soit de comparable avec un outil de capitalisation qui deviendrait, si l'on vous suit, le régime de retraite par défaut, quasiment exclusif !

Sur ce dossier des retraites, qui est extrêmement complexe, beaucoup s'expriment sans vraiment le connaître.

Mme Pascale Gruny. Bien sûr, il n'y a que vous qui le connaissez, et nous n'avons qu'à nous taire !

Mme Monique Lubin. Sans prétendre être une spécialiste du sujet, je peux dire que je le connais tout de même un petit peu, madame Gruny : cela fait des années que je siège au Conseil d'orientation des retraites (COR).

Mme Monique Lubin. C'est tout ce que je dis ; je n'en dis pas plus.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tant mieux…

Mme Monique Lubin. Il faut arrêter de brandir ce genre d'arguments : vos préconisations sont loin d'être des solutions évidentes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Nous aurons ce débat sur les retraites à l'article 45 bis.

La position du Gouvernement consiste à accompagner le Parlement dans la discussion qui va avoir lieu sur cette suspension de la réforme des retraites, notamment en chiffrant les propositions que vous pouvez faire, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je tiens donc à souligner que l'adoption de cet amendement augmenterait les prélèvements de 7 milliards d'euros : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1138, 1318 et 1642.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 41 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 119
Contre 224

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de onze amendements identiques.

L'amendement n° 156 est présenté par Mme Micouleau.

L'amendement n° 231 rectifié est présenté par Mmes Senée, Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L'amendement n° 379 rectifié est présenté par Mme Jacquemet, M. J.M. Arnaud, Mme Romagny, M. Fargeot, Mmes Saint-Pé et Guidez, MM. Maurey, Pillefer et Dhersin, Mme Billon et M. Cambier.

L'amendement n° 424 rectifié ter est présenté par M. Roux, Mme M. Carrère, MM. Grosvalet, Bilhac, Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset et Mmes Pantel et Girardin.

L'amendement n° 433 rectifié ter est présenté par MM. Levi et Reynaud, Mmes V. Boyer et Joseph, MM. Laugier, Kern, Menonville, Khalifé, Bonhomme et Chatillon, Mme Belrhiti, M. Lemoyne, Mme Bourguignon, MM. Klinger, Saury et Cadec et Mme Dumont.

L'amendement n° 446 rectifié quater est présenté par Mmes Antoine et Canayer, M. Courtial, Mme L. Darcos, M. Houpert, Mme Housseau, MM. H. Leroy et Mizzon, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. Panunzi et Mmes Perrot, Sollogoub et Vérien.

L'amendement n° 1018 rectifié ter est présenté par Mme Bourcier, M. Chasseing, Mme Lermytte et MM. Capus, Laménie, V. Louault, Chevalier, Grand, A. Marc et Wattebled.

L'amendement n° 1102 rectifié quinquies est présenté par Mmes Florennes, de La Provôté et Devésa, MM. Duffourg et Henno, Mme Gacquerre, MM. Parigi et Delcros, Mme Patru et M. Capo-Canellas.

L'amendement n° 1139 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Bacchi, Mme Cukierman, M. Lahellec, Mme Varaillas, MM. Barros, Basquin et Brossat, Mme Corbière Naminzo, MM. Corbisez et Gay, Mmes Gréaume et Margaté et MM. Ouzoulias, Savoldelli et Xowie.

L'amendement n° 1643 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 1778 rectifié ter est présenté par M. Bonneau.

Ces onze amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À compter du 1er janvier 2026, le taux de la contribution à laquelle sont assujettis les employeurs sur les traitements des agents des collectivités territoriales et des établissements sanitaires, versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales instituée à l'article 3 de l'ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et des communes et de leurs établissements publics, ne peut être supérieur à 34,65 %.

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

L'amendement n° 156 n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 231 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je présente cet amendement au nom de notre collègue Ghislaine Senée.

L'an dernier, le Sénat a été moteur dans la proposition d'augmenter de 12 points le taux de cotisation employeur à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Le débat se résumait en ces termes : faut-il procéder à cette hausse en trois ans ou en quatre ans ?

Le gouvernement Bayrou a tranché : le taux va passer de 34,65 % en 2025 à 43,65 % en 2028. Pour les collectivités, cela représente une dépense supplémentaire de plus de 1 milliard d'euros l'an prochain et de plus de 4 milliards d'euros en 2028, sans aucune compensation et à effectifs constants. Les associations d'élus sont vent debout contre cette augmentation, dans un contexte où, PLF après PLF, on les prive de ressources et de leviers fiscaux. Voilà qui est tout simplement intenable !

Certes, maintenir l'équilibre des régimes sociaux exige parfois une hausse des contributions, mais, en l'espèce, la hausse pose un problème majeur de justice. La CNRACL a contribué à hauteur de plus de 100 milliards d'euros à la solidarité intercaisses et, d'ailleurs, elle continue de le faire malgré un ratio démographique dégradé.

Elle se retrouve aujourd'hui privée de réserves et prise de plein fouet dans un double choc : cette ponction se cumule en effet avec la dégradation rapide du ratio démographique liée au départ à la retraite d'une génération nombreuse de fonctionnaires qui, pour une part significative, sont remplacés par des contractuels.

La concurrence est rude. Le taux de la cotisation vieillesse à laquelle sont assujettis les employeurs territoriaux est par conséquent bien plus bas pour un contractuel que pour un titulaire ; et l'augmentation à venir va encore accroître cet écart. Le rapport va du simple au triple ! Un tel écart est une incitation claire à contourner le statut et à assécher la caisse. Poursuivre dans cette voie, c'est fragiliser la fonction publique et précipiter la CNRACL dans une impasse. Peut-être est-ce l'objectif caché de cette réforme…

Nous proposons donc un gel – ce mode de gestion a le vent en poupe, profitons-en !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l'amendement n° 379 rectifié.

Mme Anne-Sophie Romagny. Au bout du compte, cette hausse revient à transférer une partie du déficit de la protection sociale vers les collectivités.

Je m'en tiens là : tout le monde a compris !

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour présenter l'amendement n° 424 rectifié ter.

M. Ahmed Laouedj. Cet amendement de notre collègue Jean-Yves Roux vise à protéger les collectivités territoriales et les hôpitaux d'une hausse trop brutale des cotisations versées à la CNRACL. L'augmentation envisagée représenterait une charge financière considérable, sans lien avec de nouveaux recrutements et difficilement soutenable dans le contexte actuel de tensions budgétaires. Surtout, elle ne permettrait pas de résoudre le déficit structurel de la caisse, comme l'ont souligné plusieurs rapports récents.

Les associations d'élus ont d'ailleurs clairement exprimé, dans le cadre du congrès des maires, le 19 novembre, leur rejet unanime de cette hausse jugée massive et inefficace.

Aussi proposons-nous, par cet amendement, de plafonner le taux de cotisation à son niveau actuel, soit 34,65 %, afin de préserver les marges d'action des employeurs territoriaux et hospitaliers.

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l'amendement n° 433 rectifié ter.

M. Khalifé Khalifé. Les motifs de cet amendement ont été bien exposés : je me joins aux commentaires de mes collègues, en ajoutant simplement qu'une mission de l'Igas doit rendre très prochainement un rapport sur ce sujet.

Ce rapport a essentiellement pour objet d'étudier la coexistence de multiples types de cotisations : CNRACL, Ircantec (institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques), régime général, retraite additionnelle de la fonction publique (Rafp). Tout cela n'est pas très clair…

Pour pouvoir statuer, il est important d'attendre que l'Igas, après la Cour des comptes, ait rendu ses conclusions ; d'où notre demande de geler à 34,65 % le taux de cotisation des employeurs publics territoriaux et hospitaliers.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l'amendement n° 446 rectifié quater.

Mme Nadia Sollogoub. L'amendement de notre collègue Jocelyne Antoine est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l'amendement n° 1018 rectifié ter.

Mme Corinne Bourcier. Il est défendu également ; j'ajoute simplement que cette mesure, par son ampleur, vient menacer très concrètement la capacité des collectivités à financer tant les services rendus aux habitants de nos territoires que les investissements nécessaires aux transitions.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l'amendement n° 1102 rectifié quinquies.

M. Olivier Henno. Il est défendu !

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 1139.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous demandons, nous aussi, le maintien du taux de cotisation à la CNRACL à son niveau de 2025.

Pour rappel, une hausse de cotisation de 3 points a déjà eu lieu pour les employeurs publics hospitaliers et territoriaux, engendrant – cela a été dit – de graves difficultés budgétaires. La poursuite de cette hausse de 3 points en 2026 pourrait s'avérer fatale pour les collectivités territoriales, notamment pour les municipalités, qui connaissent déjà des difficultés grandissantes en raison de toutes les augmentations que nous avons eu à subir ces dernières années.

Selon les estimations, cette hausse de 3 points par an jusqu'en 2028 du taux de la cotisation vieillesse due par les employeurs territoriaux représente une ponction de 4,2 milliards d'euros chaque année ; ce n'est pas rien.

Comme l'ont dit les collègues qui m'ont précédée, cette mesure, par son ampleur, vient menacer très concrètement la capacité des collectivités à financer aussi bien les services rendus aux habitants que les investissements nécessaires – je pense notamment à la transition écologique.

En outre, cette hausse du taux de cotisation est d'autant plus injuste que, depuis 1974, près de 100 milliards d'euros d'excédents de la CNRACL ont été mobilisés pour financer les déficits des autres régimes, dont celui de la Mutualité sociale agricole (MSA). La Caisse n'a donc pas pu constituer de réserves avec les cotisations de ses assurés ; et voilà qu'aujourd'hui, au moment où elle aurait besoin d'en bénéficier, cette solidarité interrégimes n'existe plus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l'amendement n° 1643 rectifié.

M. Jean-Luc Fichet. Je souhaite seulement rappeler que, depuis 1974, la CNRACL a contribué de manière très substantielle, à hauteur de 100 milliards d'euros, au mécanisme de compensation interrégimes.

En effet, au début des années 1980, la Caisse bénéficiait d'un ratio de 4,53 cotisants pour un pensionné, contre 1,46 cotisant pour un pensionné en 2022. De plus, la croissance de la contractualisation, avec 24 % d'agents publics, territoriaux et hospitaliers non titulaires, fragilise encore davantage l'équilibre du régime de la CNRACL en réduisant le nombre de cotisants actifs.

Après plusieurs hausses non compensées par l'État du point d'indice des agents publics – parfois intervenues en cours d'année, ce qui réduit la capacité de les anticiper –, le choix de mobiliser ce levier fragilise, d'une part, les collectivités, qui vont voir leur marge d'autofinancement se réduire au profit des charges de fonctionnement, et, d'autre part, le service public hospitalier, déjà asphyxié, qui va devoir créer un déficit public pour assumer ses dépenses de fonctionnement.

Les résultats s'en font déjà sentir : l'augmentation des cotisations gomme en partie les gains espérés d'une hausse de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Pour les collectivités territoriales, les mesures gouvernementales représentent, sur une durée de quatre ans, une charge supplémentaire de près de 4,2 milliards d'euros, soit 1,05 milliard d'euros de surcoût chaque année ; cette dépense augmenterait au total, jusqu'en 2028, de 40 %.

Il est donc inadapté d'imposer cette hausse importante de 12 points sans compensation pour les collectivités locales et les hôpitaux, et sans les consulter.

C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement commun aux groupes de gauche, de geler le taux des cotisations d'assurance vieillesse dues par les employeurs pour les agents relevant de la CNRACL.

M. le président. L'amendement n° 1778 rectifié ter n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous avons déjà débattu de ce sujet l'an dernier. L'effort demandé était difficile, pour les collectivités comme pour les hôpitaux : il s'agissait d'augmenter ce taux de 4 points chaque année pendant trois ans.

Nous avions entendu les inquiétudes qui étaient exprimées en décidant de lisser la hausse sur une année supplémentaire, à raison de 3 points chaque année pendant quatre ans.

Vous voulez maintenant plafonner cette augmentation, c'est-à-dire revenir sur la décision prise l'an dernier. Ma conviction est que nous ne devons pas passer notre temps à changer les règles, même si l'effort demandé, je le répète, est difficile. Alourdir la contribution due par les hôpitaux et par les collectivités locales, ce fut certes une décision difficile, mais c'est la retraite de leurs agents qui est en question.

Sachez que la CNRACL mettait toute la branche vieillesse en difficulté : elle représentait la majeure partie du déficit. C'est donc courageusement que nous avions pris cette décision. Elle était difficile – j'y insiste –, nous l'avons prise et nous ne saurions la remettre en cause au détour de ce nouveau PLFSS.

Je veux rappeler de surcroît qu'à partir de 2027 la CNRACL bénéficiera du mécanisme de compensation démographique. La situation a donc un peu changé : c'est pourquoi un tel effort lui est demandé.

Enfin, ce taux reste facialement moins élevé que celui qui s'applique aux traitements des fonctionnaires d'État – 78,28 % – et des militaires – 126 %.

Voilà les éléments que je voulais vous communiquer, mes chers collègues ; je vous remercie d'y être attentifs. Nous n'allons pas revenir sur une décision courageuse que nous avons prise l'année dernière : l'avis de la commission est défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. C'est un vrai sujet : la CNRACL est déficitaire, de plus de 2,5 milliards d'euros en 2023 ; son déficit annuel est estimé, dans l'hypothèse où rien ne serait fait, à plus de 10 milliards d'euros en 2030. Le ratio entre cotisants et pensionnés se dégrade fortement : il est passé de 4 dans les années 1980 à 1,46 en 2022. L'enjeu est donc d'importance.

Vous le savez, les mesures dont nous sommes en train de parler avaient été précédées par la remise d'un rapport dans lequel étaient préconisées une augmentation du taux de cotisation vieillesse à la CNRACL de 10 points en 2025 et une hausse cumulée de 50 points jusqu'en 2030. Le Gouvernement avait choisi une trajectoire plus progressive, un effort moins important : la hausse est étalée sur quatre ans.

Mme la rapporteure générale l'a dit, nous avons la responsabilité de faire en sorte que le système soit soutenable et que les pensions puissent ne serait-ce qu'être versées. Je rappelle que, cette année, l'Urssaf Caisse nationale (anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale, Acoss) a versé 13 milliards d'euros d'avances pour financer ces pensions.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. La CNRACL accuse un déficit très important, c'est vrai ; il ne faut pas laisser ce déficit se creuser davantage, c'est vrai aussi. Mais il faut rappeler aussi que cette caisse a été longtemps très excédentaire (Mme Pascale Gruny acquiesce.) et que l'on a largement puisé dans ces excédents pour équilibrer le budget général. Les employeurs publics relevant de la CNRACL ont payé leur tribut à la solidarité nationale et, aujourd'hui, ce sont eux qui sont dans la difficulté.

L'une des raisons du déficit de cette caisse de retraite – déficit peu important pour le moment, mais qui pourrait s'aggraver –, c'est justement l'évolution du nombre de fonctionnaires. Nous sommes empêtrés dans un paradoxe : moins les collectivités locales et l'État recrutent de fonctionnaires, moins il y a de cotisations perçues pour financer les pensions et plus le système général de retraites se trouve en difficulté.

Il est donc absolument nécessaire qu'un débat ait lieu et que des travaux soient menés sur le financement de notre système de retraite par répartition.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 231 rectifié, 379 rectifié, 424 rectifié ter, 433 rectifié ter, 446 rectifié quater, 1018 rectifié ter, 1102 rectifié quinquies, 1139 et 1643 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 955, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'impact sur les comptes de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales de la mise en place d'une taxe sur les salaires versés aux agents contractuels au sein des services et établissements publics dont le produit est affecté à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent PLFSS prévoit une augmentation du taux de cotisation à la CNRACL censée dégager 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires, lesquelles devraient compenser le déficit du régime.

Or ce déficit structurel a plusieurs causes – vous les connaissez.

Il est en partie dû au départ à la retraite, ces dernières années, de nombreux fonctionnaires, qui ont été pour beaucoup remplacés par des contractuels. Le recours aux contractuels continue de croître dans la fonction publique quand, dans le même temps, le nombre de fonctionnaires diminue.

Mais il est dû aussi au gel du point d'indice des fonctionnaires : gelons les traitements, nous aurons moins de cotisations !

L'Igas préconise de diversifier les sources de financement et recommande de songer – alors, songeons ! – à compenser le manque de cotisations, qui résulte du recours excessif à des agents contractuels, par l'instauration d'un prélèvement au bénéfice de la CNRACL sur les salaires versés à ces agents.

Plutôt que de persister dans une course à sens unique vers l'augmentation des cotisations dues à la caisse, course qui ne peut qu'aboutir – et peut-être est-ce l'objectif in fine – à décourager l'embauche de fonctionnaires plutôt que de contractuels, ce qui dégrade encore le ratio démographique – ce processus est itératif –, nous proposons, par cet amendement, de suivre les recommandations de l'Igas.

Aussi appelons-nous le Gouvernement à conduire une étude évaluant l'impact financier d'une taxe sur les salaires des contractuels de la fonction publique, afin d'en envisager la mise en œuvre au plus vite – dès l'année prochaine, peut-être.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 955.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 215 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Malhuret et Chasseing, Mmes Bourcier, Lermytte et Bessin-Guérin, MM. Brault, Grand et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Laménie, V. Louault et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. Pellevat, Rochette, L. Vogel et Wattebled, Mme Canayer, M. Dhersin, Mme Romagny et MM. Bleunven et Levi, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Aux premier et second alinéas du I, les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq années civiles d'assurance dont la prise en considération est la plus avantageuse » ;

2° Au premier alinéa du II, après les mots : « soumis à retenues » sont insérés les mots : « incluant les primes dans la limite d'un plafond défini par décret »

II. – Le I du présent article entre en vigueur pour tous les nouveaux fonctionnaires à compter du 1er janvier 2027.

III. – Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application transitoires du présent article.

La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Emmanuel Capus.

Aujourd'hui, la pension de retraite des fonctionnaires est calculée sur la base des six derniers mois de traitement, qui sont, compte tenu des règles d'avancement dans la fonction publique, les plus avantageux. Les primes, qui constituent une part non négligeable de la rémunération des fonctionnaires, servent de base de cotisation à la retraite complémentaire, mais dans la limite de 20 % du montant du traitement indiciaire. Dans le secteur privé, la pension de retraite est également calculée sur une période considérée comme étant la plus avantageuse, mais sur vingt-cinq années, et en tenant compte de l'ensemble de la rémunération du salarié.

Il y a là une inégalité de traitement totalement injustifiée qui ne correspond à aucune nécessité d'intérêt général. Cette injustice apparaît par ailleurs de moins en moins acceptée par nos concitoyens, qui plus est dans l'actuel contexte budgétaire.

Le présent amendement vise donc à aligner le secteur public sur le secteur privé pour ce qui est des périodes de rémunération prises en compte dans le calcul de la retraite, tout en améliorant la prise en compte des primes dans le régime de base des fonctionnaires. Cette mesure s'appliquerait progressivement afin de ne pas pénaliser les fonctionnaires dont la retraite est proche ; pour les nouveaux fonctionnaires, elle s'appliquerait immédiatement, à compter de 2027.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il convient d'attendre que ce débat de fond ait lieu, d'abord lors de la conférence proposée par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, ensuite dans le cadre de la prochaine campagne présidentielle : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je vous remercie pour cet amendement : il participe au débat que nous souhaitons avoir dans les semaines et les mois à venir.

C'est donc une demande de retrait que je vous adresse, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je souhaite apporter une petite précision sur ce sujet, qui avait été étudié en long, en large et en travers – c'était il n'y a pas si longtemps… – lors du travail sur l'institution d'un système universel de retraite.

Pour information, à l'attention de M. Capus, je précise donc que les calculs faisaient plutôt état, en définitive, d'une forme d'égalité de traitement entre les deux systèmes, la prise en compte des primes compensant la règle des vingt-cinq meilleures années. (Mme la ministre le confirme.) Grosso modo, pour une grande majorité d'entre eux, l'application aux fonctionnaires des règles de liquidation du privé donnait lieu à des pensions équivalentes à celles qu'ils perçoivent dans le régime actuel.

Toutefois, un problème demeurait : certaines catégories de fonctionnaires se trouvaient terriblement lésées, en particulier les enseignants et certaines professions hospitalières. Il faut donc être très prudent sur ce sujet, qui n'est pas aussi simple qu'il ne le paraît, et prendre tout le temps nécessaire pour bien l'étudier.

En tout état de cause, il ne faut pas laisser croire qu'il existerait en la matière une distorsion de traitement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 215 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1253 rectifié, présenté par MM. Chasseing et Rochette, Mme Lermytte, M. Grand, Mme Bourcier, M. V. Louault, Mme L. Darcos, MM. Médevielle, Chevalier, Capus, A. Marc et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Malhuret, Menonville et Khalifé, Mme Dumont, MM. H. Leroy, Bacci, Fargeot et Lévrier, Mme P. Martin, M. Bleunven et Mme Romagny, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 3121-27 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le mot : « trente-cinq » est remplacé par le mot : « trente-sept » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation, la trente-sixième et la trente-septième heure hebdomadaires de travail ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu mentionné à l'article 79 du code général des impôts mais elles sont soumises à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale prévues respectivement aux articles L. 136-1 et L. 136-2 du code de la sécurité sociale. Elles sont exonérées de toute autre cotisation ou contribution sociale à la charge de l'employeur et du salarié. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Les Français travaillent en moyenne moins que leurs voisins européens : 666 heures travaillées par habitant en France, contre 730 en Allemagne. Le taux d'emploi des 16-64 ans est bien sûr plus faible dans notre pays. Quant au volume total d'heures travaillées par travailleur à temps complet, il était en 2023 de 1 673 en France, contre 1 790 en Allemagne.

Cela n'empêche pas les Allemands de travailler à temps partiel : en tenant compte du temps partiel, les travailleurs allemands travaillent chacun 1 350 heures par an, contre 1 450 heures pour les travailleurs français. Ce qui est capital, c'est le nombre d'heures de travail par habitant : c'est cela qui détermine le volume total de travail, qui est plus important en Allemagne qu'en France.

J'y insiste : le fait qu'en Allemagne un temps plein corresponde en moyenne à 1 790 heures, soit 40 heures par semaine, au lieu de 35 heures en France, n'empêche pas, bien au contraire, le travail à temps partiel, dont la prévalence est plus importante qu'en France et s'accommode parfaitement d'un volume global d'heures travaillées supérieur.

C'est pourquoi nous souhaitons ouvrir, par cet amendement, un débat sur le passage du temps de travail de 35 à 37 heures par semaine dans notre pays. Depuis 1945, nous fonctionnons selon un système social-libéral : ce sont les entreprises et leurs salariés qui créent les richesses et, sur cette base, alimentent la sécurité sociale par diverses contributions – cotisations, TVA, CSG, CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale).

Nous devons créer les conditions de la compétitivité de nos entreprises, avec les salariés et avec les dirigeants. Les exonérations doivent bien sûr continuer, mais il faut aussi une coconstruction du maintien de nos acquis sociaux entre les élus, les partenaires sociaux et le Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 572 rectifié septies, présenté par MM. Henno et Marseille, Mmes Sollogoub, Romagny, Guidez, Bourguignon, Loisier et Vermeillet, MM. Fargeot et Longeot, Mme Tetuanui, MM. Levi, L. Hervé, Courtial, J.M. Arnaud, Dhersin, Delahaye et Cigolotti, Mme Jacquemet, MM. Pillefer et Maurey, Mmes Housseau et Gacquerre, M. Kern, Mmes Perrot, Antoine et Billon, MM. Bleunven, Bonneau, Cadic, Cambier, Canévet, Capo-Canellas et Cazabonne, Mme de La Provôté, M. Delcros, Mmes Devésa et Doineau, M. Duffourg, Mme Florennes, M. Folliot, Mme N. Goulet, M. Haye, Mme Herzog, MM. Hingray, Lafon, Laugier, P. Martin, Menonville et Mizzon et Mmes Morin-Desailly, Patru, O. Richard, Saint-Pé et Vérien, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au 3° de l'article L. 3123-1, au troisième alinéa de l'article L. 3121-41 et au sixième alinéa de l'article L. 3121-44 du code du travail, les mots : « 1 607 heures » sont remplacés par les mots : « 1 619 heures » ;

II. – Au second alinéa de l'article L. 611-1 du code général de la fonction publique, les mots : « 1 607 heures » sont remplacés par les mots : « 1 619 heures ».

III. – L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...°  La dernière heure de la durée de travail annuel visée au 3° de l'article L. 3123-1, au troisième alinéa de l'article L. 3121-41 et au sixième alinéa de l'article L. 3121-44 du code du travail. »

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Le groupe Union Centriste en a la conviction très forte : notre pays doit créer des richesses non seulement pour financer sa solidarité – aujourd'hui, c'est ce dont il est question –, mais aussi pour assurer son rayonnement. Naturellement, il faut investir plus et investir mieux ; mais il faut aussi plus de travail.

Nous avons retenu les leçons d'autres propositions ou du débat de l'année dernière sur la journée de solidarité, puis sur la suppression de deux jours fériés. Nous avons bien constaté qu'il y avait un problème. Pour nous, le travail doit payer. C'est pourquoi nous avançons cette proposition de douze heures de travail supplémentaires par an rémunérées, soit une heure par mois ou quinze minutes par semaine. Nous laissons parallèlement aux partenaires sociaux le soin d'en organiser les modalités, car nous sommes attachés au paritarisme.

Notre démarche consiste – dans la continuité des principes rappelés par M. Chasseing – à considérer que nous ne pourrons pas nous en sortir si nous ne créons pas plus de richesses. Pour produire plus de richesses, il faut investir plus et mieux, mais surtout réaugmenter le temps de travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Indéniablement, ce sujet doit être mis sur la table. Le Premier ministre l'a d'ailleurs promis dans le cadre du lancement de la conférence sur les retraites et le travail ; c'est une démarche absolument nécessaire.

L'an dernier, nous avions présenté un amendement sur une journée de solidarité. À l'époque, l'on m'avait répondu qu'il s'agissait d'une journée non rémunérée. La proposition dont nous débattons aujourd'hui porte, elle, sur des heures rémunérées et cotisées, lesquelles renforceraient les recettes de la sécurité sociale.

Mais si le débat est ouvert, il convient, très sincèrement, d'admettre qu'un report s'impose. L'avis de la commission est donc défavorable, même si je partage totalement l'intention des auteurs de ces amendements.

Nous avons travaillé sur les recettes, mais cette proposition fait partie des solutions. Comme l'a montré le rapport que nous avons rédigé dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), avec Mme Poncet Monge, plusieurs leviers s'offrent à nous : on peut travailler sur les recettes, on peut travailler sur les moindres dépenses, mais on peut aussi travailler sur la quantité de travail.

Il importe de favoriser une meilleure croissance. Le PIB doit être moins médian qu'il ne l'est aujourd'hui, il doit être renforcé. Avec un meilleur PIB, vous le savez, nous n'aurions pas de déficit.

L'augmentation du temps de travail constitue donc une voie possible. Face à une démographie sur les actifs défavorable, la question se pose, mais pas dans le cadre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; elle relève plutôt d'une loi sur le travail.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Le sujet est effectivement fondamental. Combien d'heures faut-il travailler dans notre pays ? Cette interrogation a suscité de nombreux débats ces dernières années, et il est légitime de la reposer.

Est-il opportun, comme l'a rappelé la rapporteure générale, de lancer un tel débat par voie d'amendement dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ? La question peut être évoquée, mais nous n'aurons ni le temps ni les conditions nécessaires pour l'approfondir.

La toile de fond de la réflexion est la production. Chacun sait que notre pays ne produit pas assez. Nous ne devons donc surtout renoncer ni à la croissance ni à l'augmentation du PIB, car nous en avons besoin. Même les questions de répartition des richesses se résolvent plus aisément lorsqu'il y a davantage de richesses à répartir. Je souscris donc pleinement au méta-objectif de renforcer la capacité de notre pays à produire plus et à créer des richesses, ce qui permettra à la fois de financer notre système social et d'améliorer le niveau de vie de nos concitoyens. Je peux donc souscrire à cette préoccupation essentielle.

Dans ce contexte, il faudra interroger sur la façon dont se répartit le travail : le nombre de travailleurs et la quantité de travail effectuée par chacun. L'équation est simple, mais elle doit être posée.

Concernant le nombre de travailleurs, il ne faut surtout renoncer ni à l'emploi des jeunes ni à celui des seniors. Les jeunes doivent entrer plus tôt dans le travail ; les seniors doivent accepter d'y rester un peu plus longtemps. Ces deux fondamentaux resteront valables.

Reste ensuite la question de l'équilibre entre le nombre de travailleurs et la quantité de travail par personne. C'est précisément l'enjeu que vous soulevez. La piste existe, le débat est pertinent et pourra être abordé dans le cadre de la conférence sur les retraites, le travail et l'emploi. Certains souhaiteront s'en saisir. Nous progresserons dans cette réflexion.

Pour des raisons tenant davantage au processus qu'au fond, l'avis du Gouvernement sur ces amendements est défavorable.

Mme Nathalie Goulet. Quel dommage !

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Le Canard enchaîné de ce mercredi rapportait le propos du président Marseille selon lequel « Les Panzerdivisions sont prêtes à démarrer ! » (Sourires sur les travées du groupe UC.) Nous y voilà donc, avec cet amendement n° 572 rectifié septies, qui vise à porter la durée annuelle de travail de 1 607 à 1 619 heures.

Cette version « remasterisée » des deux jours fériés vendue l'année dernière au Gouvernement, issue de la fameuse « boîte à outils » sénatoriale, reviendrait donc à faire travailler les salariés quinze minutes de plus par semaine.

Mme Anne-Sophie Romagny. Oh là là !...

M. Rémy Pointereau. Quel malheur !

Mme Silvana Silvani. L'augmentation de sept heures annuelles est présentée comme un moindre effort produisant des effets extraordinaires : une hausse 0,4 % du PIB, une amélioration du solde des administrations publiques de 0,2 point de PIB, un rendement supérieur à 10 milliards d'euros par an… Bref, la solution à tous les problèmes serait l'allongement du temps de travail. À se demander pourquoi personne n'y aurait songé plus tôt.

Mme Silvana Silvani. Je ferai trois remarques. D'abord, votre mesure épargne, comme par hasard, le patronat et les revenus financiers. Ensuite, elle vise les travailleurs dont vous prétendez régulièrement défendre le pouvoir d'achat et les conditions de travail. Enfin, elle s'attaque, parmi les travailleurs, aux plus précaires, les cadres majoritairement au forfait n'étant pas impactés.

Mme Anne-Sophie Romagny. Ils font bien plus que 35 heures ! (Mme Nathalie Goulet lève le poing en signe de lutte.)

Mme Silvana Silvani. En conclusion, il s'agit simplement d'une provocation qui a le mérite d'afficher la réalité de vos ambitions : défendre les puissants et les intérêts du Medef. (Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. C'est le troisième jour de débat sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et, chaque jour, nous avons droit à une surprise ! Aujourd'hui, une nouveauté surgit au détour de ces deux amendements.

Lors de chaque PLFSS, les années passées, en fin de débat, nous avions droit à un amendement visant à reculer l'âge de départ à la retraite. Cette année, pour la première fois, ni vu ni connu, avant midi et demi, un amendement « discret » propose tout simplement d'augmenter le temps de travail, la durée légale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas d'heure !

Mme Corinne Féret. Et, comme toujours, l'effort serait demandé aux salariés.

La rapporteure générale et le ministre répondent : « ce n'est pas le moment », et donnent un avis défavorable. J'aurais préféré les entendre dire qu'il s'agissait d'une proposition inattendue. Au lieu de cela, on nous suggère qu'il faudrait y revenir plus tard, car « cela pourrait être une bonne solution ».

Vous irez donc dire aux Français qu'un samedi, à midi et demi, vous avez voté une augmentation du temps de travail ! Vous leur expliquerez, ainsi qu'aux partenaires sociaux, qu'on leur laissera du temps pour s'organiser dans le cadre du dialogue social – c'est ce qu'a suggéré M. Henno.

Réalisez-vous de ce que vous proposez aujourd'hui dans ce PLFSS ? Il ne s'agit même plus d'un « musée des horreurs » : je ne trouve plus de qualificatif. (Mme Pascale Gruny s'exclame.) Heure après heure, surgissent des propositions totalement inacceptables en l'état. Que direz-vous, lorsque vous retournerez dans vos départements, pour expliquer de telles mesures ?

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. À l'inverse de certains d'entre vous, je dirai qu'il s'agit d'un beau débat – même s'il n'a pas sa place dans un PLFSS.

C'est un beau débat à condition de sortir d'une approche binaire : plus d'heures ou moins d'heures. Les femmes et les hommes qui travaillent ne sont pas des machines.

M. Martin Lévrier. La productivité d'une machine est linéaire ; celle d'un être humain ne l'est pas.

Je prends un exemple simple. L'an dernier, lors de l'examen du même texte, nous examinions entre vingt et vingt-deux amendements par heure, contre treize ou quatorze cette année. Pourtant, nous sommes les mêmes !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous avons vieilli !

M. Martin Lévrier. Ce débat devient passionnant dès lors que nous abandonnons les postures et les positions binaires.

J'ai auditionné des entreprises de plus de 2 000 salariés passées aux 32 heures avec l'accord unanime du personnel. Elles avaient prévu des recrutements, mais elles n'ont finalement embauché personne parce que la productivité a fortement augmenté et que les salariés se trouvaient mieux au travail. Tous les paramètres doivent être pris en compte. On ne peut réduire ce débat à une simple question horaire. Nous devons changer de logiciel, observer le monde tel qu'il est et cesser de traiter les travailleurs comme des machines.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. J'aurais rarement été aussi souvent d'accord avec mon collègue Lévrier et Mme la rapporteure générale : un tel débat ne peut avoir lieu dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Monique Lubin. Si cet amendement était adopté, il dégraderait encore l'image que nos concitoyens ont de la politique.

L'un des péchés originels de la dernière réforme des retraites fut d'ignorer la question du travail. Nous avons parlé des retraites sans débattre du travail ! Or il faut regarder le travail différemment de ce qu'il était il y a cinquante ou soixante-dix ans. Certains métiers permettent éventuellement un allongement du temps de travail ; d'autres, certainement pas.

Il faudra donc ouvrir deux débats à travers peut-être deux projets de loi distincts – les partenaires sociaux doivent évidemment y travailler, mais le Parlement aussi. Le premier débat doit porter sur ce qu'est le travail aujourd'hui, sur les modalités d'organisation et d'adaptation du travail, métier par métier. Et le deuxième débat doit porter sur ce qui en découlera en termes de retraite.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les deux amendements sont différents et ne peuvent recevoir la même analyse.

Daniel Chasseing concède que la durée du travail par emploi en France se situe dans la moyenne européenne, voire au-dessus de celle de l'Allemagne. La conclusion logique devrait-elle être d'augmenter cette durée ? C'est paradoxal…

Une autre solution existe : il faut davantage d'emplois. Avons-nous besoin de plus d'emplois ? Oui, la transition démographique et la transition numérique l'exigent.

On me répondra qu'il faut aussi tenir compte du rapport démographique – c'est d'ailleurs votre argument. Le faible taux d'emploi des seniors résulte largement – beaucoup le reconnaissent – de la sous-performance française dans les conditions de travail et le management, bien éloignés de ceux de nos voisins européens. Mais le rapport démographique se dégrade aussi en raison de votre souhait de diviser drastiquement le flux migratoire, contrairement à l'Italie ou à l'Allemagne, que vous voulez quasiment ramener à zéro. Cela dégrade le rapport démographique, problème qui vient se surajouter au choix de nos concitoyens d'avoir moins d'enfants.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Il demeure manifestement difficile pour certains de croire en la valeur travail, ce que je déplore.

Pour votre information, madame Silvani, les cadres effectuent plus de 35 heures par semaine.

Monsieur Lévrier, j'entends votre argument sur l'efficience, mais la question des cotisations demeure.

Madame Poncet Monge, si la solution consistait simplement à créer des emplois d'un coup de baguette magique, cela se saurait.

Je reviendrai sur la proposition de mon collègue Olivier Henno. L'effort demandé est minimal pour un impact macroéconomique majeur : une heure supplémentaire par mois, soit quinze minutes par semaine. J'entends que cela puisse être compliqué à mettre en œuvre pour certains métiers, mais il ne s'agit que de quinze minutes par semaine ! Cet effort sera quasiment imperceptible dans la vie quotidienne de la majorité des Français.

En contrepartie, cet ajustement rapportera plus de 10 milliards d'euros de ressources nouvelles par an. Parmi les mesures examinées depuis le début de ce PLFSS, c'est l'une des plus efficaces et des moins douloureuses pour redresser les comptes sociaux.

Ainsi, nous préservons la sécurité sociale sans augmenter les impôts ni toucher aux droits. Nous améliorons le PIB et réduisons le déficit public. Ce débat mérite d'être mené. Peut-être le PLFSS n'est-il pas le texte idéal pour le faire – je vous entends, monsieur le ministre, il faut ouvrir une vraie discussion –, mais si nous repoussons toujours le sujet, nous ne progresserons jamais. L'urgence impose d'agir. Il faut un point de départ. Si nous différons sans cesse, on ne s'en sortira pas !

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit. Le débat sur le temps de travail demeure un débat classique. Et, comme souvent, nous ne parviendrons probablement pas à tomber d'accord d'un bout à l'autre de l'hémicycle.

Autre habitude : les médias ne retiennent que ce débat-là,...

Mme Laurence Rossignol. C'est vous qui l'avez lancé !

Mme Frédérique Puissat. ... comme si toutes nos autres heures de travail parlementaire étaient passées par pertes et profits. J'espère qu'il en ira autrement cette année.

Ce qui est nouveau, monsieur le ministre – et j'aimerais vous entendre sur ce point –, c'est que le débat sur le paritarisme progresse chez les partenaires sociaux ; je crois modestement que nous y avons contribué par les positions que nous défendons. Il progresse non pas tant sur le temps de travail, mais sur la productivité. Il me semble que les partenaires sociaux sont prêts à travailler sur ce thème, lequel entraîne évidemment des conséquences sur le temps de travail.

Le débat n'est donc pas vain. Il clivera sans doute cet hémicycle. Pour ce qui concerne le groupe Les Républicains, nous vous suivrons afin de faire progresser ces réflexions chez les partenaires sociaux et de pouvoir y revenir de manière plus structurée, peut-être dans le cadre d'un projet de loi relatif au travail et à l'emploi.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Coluche disait : c'est toujours le bon moment pour discuter des choses importantes. Or, pour nous, le temps de travail fait partie des sujets essentiels.

Monsieur le ministre, il ne s'agit pas d'un amendement d'appel, mais d'une conviction profonde. J'entends la leçon : le Gouvernement propose, le Parlement discute et les parlementaires votent. C'est ce que nous ferons.

Je veux répondre à mes collègues. Pour nous, il s'agit d'une mesure de justice sociale. (Protestations indignées sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Lorsque le temps de travail diminue, le pays s'appauvrit ; et lorsque le pays s'appauvrit, ce sont les plus modestes et les plus fragiles qui trinquent !

À l'inverse, lorsque le pays travaille davantage – en 1958, par exemple –, il s'enrichit, et ce sont les plus modestes et les plus fragiles qui en bénéficient. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Voilà pourquoi nous sommes très attachés à cette mesure.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je crois aussi qu'il s'agit d'un débat sain – nous l'avons d'ailleurs régulièrement. Il constitue un enjeu majeur.

Je rejoins Mme Lubin, mais je ferai un petit rappel : la loi Robien permettait, avant les 35 heures, une réduction négociée du temps de travail. En effet, toutes les entreprises ne peuvent pas s'adapter à un même cadre obligatoire.

Vous avez ensuite imposé les 35 heures. Une entreprise près de chez moi, MBK, qui faisait des vélos, est passée à 32 heures dans le cadre de la loi Robien sans aucune difficulté. Mais dans le transport routier de marchandises, secteur où je travaillais, la situation fut tout autre : les chauffeurs venaient me dire leur désaccord, car l'on avait retiré des déplacements avec des conséquences directes sur leur bulletin de paie.

Ce qui paraît bon sur le papier ne l'est pas toujours dans la réalité ! Nous vivons cela tous les jours. Songez à ce que les 35 heures ont produit à l'hôpital : quel chantier ! Nous le regrettons d'ailleurs chaque jour et nous en parlons tout le temps.

Le temps de travail doit être repensé. Ce débat manqua lors de la loi de 2023, car il ne pouvait être mené dans un projet de loi de financement. Nous l'avions demandé, Mme Borne l'avait promis, mais nous ne l'avons jamais eu. Voilà pourquoi la discussion resurgit aujourd'hui. Il faudra bien l'ouvrir...

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur Henno, Coluche disait aussi : « Il paraît qu'il faut faire payer les pauvres, car ils sont plus nombreux que les riches » !

Mme Monique Lubin. Excellent !

Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est d'ailleurs ce que nous faisons depuis hier : faire payer les pauvres plutôt que les riches.

Je ne peux pas laisser dire que ceux qui sont contre l'augmentation du temps de travail ne défendraient pas la valeur travail !

La valeur travail, c'est la dignité ; nul ne dit le contraire. Ne prétendez donc pas que ceux qui refusent l'allongement du temps de travail rejettent la valeur travail. Les travailleurs travaillent, madame Romagny ! (Mme Anne-Sophie Romagny s'exclame.)

Vous irez dire à une aide à domicile abîmée par la vie qu'elle peut travailler un petit quart d'heure de plus par-ci ou par-là. Vous irez le dire aux égoutiers ou aux femmes de ménage dans les hôtels. Vous leur expliquerez que l'effort est minimal !

Les 35 heures et les 32 heures ont généré davantage de productivité, moins d'arrêts maladie…

Mme Cathy Apourceau-Poly. … et davantage de fidélité à l'entreprise. Des rapports le démontrent. Il est toujours facile de prolonger le temps de travail quand il s'agit des bras des autres : pas de souci dans ce cas, on peut tout faire !

Pour notre part, nous sommes totalement opposés à l'idée de faire travailler davantage pour le même salaire. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Les travailleurs ne veulent pas de ça, madame Romagny ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il ne s'agit pas du même salaire !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. J'ai une pensée pour les 15 000 travailleurs de l'agroalimentaire du Finistère, ceux qui travaillent à la chaîne. On peut aussi penser aux travailleurs hospitaliers, à ceux du bâtiment, etc.

Après vingt ans de travail à la chaîne, à accrocher des poulets, un salarié subit en général plusieurs opérations liées à des troubles musculo-squelettiques. Au bout de trente ans, il se retrouve en arrêt de longue durée et en situation de souffrance. Cette souffrance va durer jusqu'à la fin de sa vie.

Augmenter la durée de travail – même de quarante minutes – accélère le handicap de ces travailleurs, qui n'ont pas d'autre choix que d'aller travailler à la chaîne. La problématique est exactement la même pour les employés du bâtiment ou pour les aides à domicile, qui doivent soulever des charges.

Avant d'imaginer des gains liés à l'augmentation du temps de travail, il faut mesurer les conséquences sur les arrêts maladie, la sécurité sociale et l'ensemble de notre système de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Jusqu'à présent je n'étais pas intervenu pour éviter de rallonger le débat, mais je prends la parole, car celui-ci s'étire. Nous avons décidé de vous faire travailler dimanche – matin, midi et nuit : un peu plus de travail ne vous fatiguera pas beaucoup plus…

Mme Émilienne Poumirol. Ce n'est pas grave, c'est une fois par an…

M. Alain Milon, vice-président de la commission. Lors du PLFSS pour 2025, nous avions voté un allongement de sept heures de travail, ce qui avait suscité votre opposition. Nous l'avions fait uniquement pour financer une journée de solidarité supplémentaire pour la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et renforcer en particulier les recettes de la branche autonomie.

La proposition de cette année est légèrement différente : il s'agit d'un allongement du temps de travail. Cela ne peut être décidé, comme l'ont dit la rapporteure générale et le ministre, par un simple amendement au PLFSS. Je doute que ce soit la voie appropriée.

Cependant – et nous en parlions avec le ministre –, je reste favorable à un allongement du temps de travail. C'est une évidence : plus de temps de travail crée davantage de richesses, et davantage de richesses crée des emplois. De toute évidence, c'est la solution qui permettrait, en particulier, aux hôpitaux de retrouver les moyens de mieux soigner nos concitoyens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Je partage totalement la philosophie qui sous-tend ces amendements. Il est évident que la France rencontre un problème de compétitivité et de productivité, comme l'ensemble des chiffres le démontrent clairement. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Par ailleurs, notre protection sociale est financée et assise sur le travail. Travailler plus devrait donc nous permettre d'avoir plus de ressources pour assurer son financement.

J'éprouve toutefois une réelle difficulté. Je ne suis pas certaine, comme cela a été rappelé, que ce texte soit le bon véhicule pour traiter d'un sujet d'une telle importance. L'augmentation du temps de travail, même rémunérée, exige une réflexion approfondie ; un débat mené ainsi, un samedi midi, paraît peu satisfaisant.

Cela étant, je demeure, comme je l'ai indiqué, entièrement favorable à cet amendement. Une loi sur le travail aurait offert un cadre plus approprié que la loi de financement de la sécurité sociale. La mesure est justifiée, mais elle appelle une véritable discussion.

Dans l'exposé des motifs, la contrepartie consiste en un transfert d'une fraction de la TVA à la sécurité sociale afin de contribuer à la réduction de son déficit. Pouvons-nous obtenir un accord clair, un engagement du Gouvernement garantissant que cette part de TVA bénéficiera effectivement à la sécurité sociale ?

M. le ministre semblant plutôt défavorable à l'amendement, il serait utile de l'entendre sur ce point, d'autant que l'auteur prévoit explicitement que les ressources supplémentaires dégagées par l'augmentation du temps de travail seront affectées à la résorption du déficit de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Coluche, que l'on a déjà beaucoup cité dans cet hémicycle, a prononcé une phrase restée célèbre : « Dites-nous de quoi vous avez besoin, on vous expliquera comment vous en passer. » (Sourires.)

Chers collègues, c'est exactement le message que vous envoyez aux Français qui attendent de la justice fiscale : vous ne cessez de leur expliquer comment ils doivent s'en passer !

Vous parlez d'efforts imperceptibles. Mais sont-ils si imperceptibles quand il s'agit d'ajouter du temps de travail à des concitoyens qui exercent des métiers pénibles, alors que, pas plus tard qu'hier, vous avez refusé l'augmentation de la CSG sur le capital pour les plus aisés de nos concitoyens ? Comment voulez-vous que nos compatriotes puissent entendre ces messages, qui sont une provocation absolue ?

Vous êtes les tenants de la théorie du ruissellement. Nous avons bien vu où cela nous a menés : à des mégabassines de richesse pour quelques-uns et à des déserts de précarité pour tous les autres !

Ce qu'attendent nos concitoyens, c'est la revalorisation du travail, c'est-à-dire une augmentation de leur rémunération, quand vous ne cessez, depuis le début de nos débats, de vouloir faire les poches des plus modestes, jusqu'à taxer les apprentis et à annuler la suspension de la réforme des retraites, comme vous nous le montrerez dans quelques jours !

Finalement, vous inventez de nouveaux slogans : « Travailler plus pour gagner moins » ; « travailler plus pour vivre moins longtemps en bonne santé ». Tels sont les messages que vous envoyez aux plus modestes.

Je puis vous dire que les messages adressés au pays par la droite sénatoriale sont absolument dramatiques et vont à l'encontre des objectifs que nous devrions tous viser, en cette heure de gravité dont vous portez l'entière responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour explication de vote.

Mme Corinne Bourcier. Combien de temps faudra-t-il travailler ? L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est peut-être pas le meilleur moment pour cela, mais il est important que nous en débattions et indispensable que nous le fassions ensemble, avec aussi, bien sûr, les partenaires sociaux. Au reste, ce ne sera peut-être pas la solution à tous les problèmes…

Je veux revenir sur un point, madame Poncet Monge, car il me semble que vous avez commis une petite erreur : à ma connaissance, les Français travaillent 1 673 heures et les Allemands 1 690 heures par an. Oui, nous devons évidemment réfléchir ensemble à cette question, et assez rapidement.

Un plus grand nombre d'heures travaillées peut augmenter la production et la compétitivité. Cela pourrait aussi attirer davantage d'investissements et améliorer le pouvoir d'achat – ce sont des heures rémunérées, non des heures travaillées non rémunérées ! (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)

Une durée de travail plus longue aiderait à financer notre système de retraite et à réduire les déficits. Et la solution se situera peut-être dans des aménagements flexibles pour les Français.

Quoi qu'il en soit, nous devrons avoir cette discussion, qui sera intéressante.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je suis très heureux d'avoir provoqué ce débat. Je reviendrai dans mon département la tête haute, car je ne me suis pas attaqué aux travailleurs – je ne l'ai jamais fait de ma vie ! J'ai simplement essayé d'apporter de la solidarité.

La sécurité sociale, pilier de la République, doit être maintenue. Or qu'observe-t-on ? Le nombre de personnes en affection de longue durée (ALD) sera passé de 9 millions en 2011 à 14 millions en 2025 et 18 millions en 2035, avec une augmentation corrélative des dépenses de santé.

De nouveaux médicaments permettent à tous, riches comme pauvres, de se soigner – et c'est heureux.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il ne manquerait plus que l'on remette cela en cause !

M. Daniel Chasseing. La hausse du nombre des ALD, bien sûr, est due au vieillissement, puisque le nombre de personnes âgées de 85 ans aura doublé entre 2020 et 2040.

Se pose aussi la question de la dépendance : nous n'avons pas financé les 50 000 emplois nécessaires au grand âge.

Enfin, pour ce qui concerne les retraites par répartition, dont je rappelle qu'elles ont été créées par le Conseil national de la Résistance (CNR), leur nombre sera passé de 4 millions en 1980 à 18 millions en 2025 et 25 millions en 2050.

Pour toutes ces raisons, il me semble que nous avons bien fait d'ouvrir le débat.

Bien sûr, ce n'est pas moi, petit sénateur de la Corrèze,…

Mme Anne-Sophie Romagny. Il n'y a pas de petit sénateur !

M. Daniel Chasseing. … qui vais dire qu'il faut travailler deux heures de plus par semaine… Je suis cependant heureux d'avoir porté cet amendement.

Compte tenu de la situation, nous devons avoir un temps de travail plus élevé, ce qui n'empêche pas d'avoir plus de travailleurs à temps partiel, comme en Allemagne, même si le temps plein y est plus long.

Bien sûr, des mesures doivent être prises, en concertation avec les partenaires sociaux, pour les carrières pénibles et les carrières longues.

Mes chers collègues, comme je l'ai dit dans la discussion générale, il faudra plus de financements, parce que les ALD et les dépenses de l'assurance maladie vont augmenter. Et il faudra peut-être aussi recourir à la TVA sociale. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Chasseing. La TVA sociale n'est pas un gros mot !

De fait, il faudra peut-être, en plus du temps de travail, trouver d'autres sources de financements.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Que notre pays ait besoin d'un débat sur la création de richesses, l'organisation du travail et le financement de la protection sociale, c'est incontestable. C'est particulièrement vrai de l'organisation du travail.

Mais, pour cela, il faudrait un peu plus que des ministres saisonniers, car il faut du temps pour travailler sur ces sujets… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

M. Martin Lévrier. Soutenez donc les ministres en place !

Mme Laurence Rossignol. Nous avons besoin de stabilité dans le débat public. Or nous n'en avons pas !

Chers collègues, il ne s'agit pas de débattre ici de qui en est responsable de cette situation, dans laquelle nous avons tous notre part ; ce n'est pas le sujet.

M. Francis Szpiner. Un peu tout de même !

Mme Laurence Rossignol. Il faut admettre certains postulats. Le premier est que l'augmentation de la création de richesse passe par une augmentation du volume du travail. Soit. S'agit-il d'une augmentation du volume du travail individuel ? La somme des accroissements du volume de travail individuel crée-t-elle une hausse globale du volume de travail ? Je n'en suis pas convaincue.

Un autre postulat est que la réduction du temps de travail augmenterait les salaires– vous le dites assez souvent –, puisqu'elle ne s'accompagne pas d'une baisse de salaire.

À l'inverse, augmenter le temps de travail sans accroître les salaires ou en diminuant la rémunération des heures supplémentaires – le volume d'heures supplémentaires rémunérées – diminue la rémunération du travail ! On ne peut pas discuter de l'augmentation du temps de travail individuel sans avoir à l'esprit que celle-ci entraîne une diminution de la rémunération du travail.

Mon troisième point concerne le télétravail, dont j'aimerais bien que nous puissions discuter un jour. Je passe sur la disparition des frontières entre l'intimité du domicile et le travail, car c'est un autre sujet. Je vois bien ce qui se passera : les salariés en télétravail s'arrangeront avec le quart d'heure supplémentaire. Qui sera pénalisé ? Tous ceux qui ne peuvent pas télétravailler, c'est-à-dire tous ceux qui exercent dans le secteur de l'aide à domicile, dont nous parlions hier, ceux qui travaillent dans la production, à la chaîne.

Il faut donc que nous réfléchissions maintenant aux nouvelles inégalités…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Laurence Rossignol. … que produit le développement du télétravail, et nous ne pouvons pas le faire de cette manière. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame Rossignol, j'ai fait partie des ministres intérimaires du gouvernement Barnier censurés grâce au Parti socialiste…

Mme Laurence Rossignol. Il n'y avait rien de personnel dans mes propos !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Compte tenu de tout ce qui a été dit sur de nombreuses travées de cet hémicycle, j'estime que ces amendements ont effectivement pour mérite de montrer la nécessité d'un débat sur le temps de travail, ainsi que sur l'organisation et le contenu du travail, de la même manière que certains des amendements de nos collègues de gauche, dont des amendements d'appel, visaient à ouvrir le débat sur le financement de la sécurité sociale.

Cependant, j'ai une question à poser à M. Henno. Son amendement tend à modifier l'article L. 3121-41 du code du travail sur le seuil annuel de déclenchement et de comptabilisation des heures supplémentaires. Cependant, il ne vise pas l'article L. 3121-28 du même code, qui dispose que toute heure effectuée au-delà de 35 heures hebdomadaires est comptabilisée comme une heure supplémentaire.

Sauf erreur de ma part, il me semble donc que votre amendement, mon cher collègue, institue douze heures supplémentaires obligatoires dans l'année, rémunérées comme telles. Il y aurait probablement des ajustements à réaliser, y compris pour atteindre l'objectif que vous visez.

Cet amendement a toutefois le mérite d'ouvrir un débat qui, je l'espère, se traduira par un vrai projet de loi sur le travail, son organisation et son contenu.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Je souhaite réagir à ce qui a été dit tout à l'heure sur les implications de l'amendement de M. Henno, qui ne seraient que de quinze minutes de travail par semaine en plus.

En réalité, les salariés effectuent déjà des heures et des minutes supplémentaires qui ne sont pas rémunérées. C'est le cas des aides à domicile du secteur privé, dont nous avons parlé hier. Le temps d'intervacation n'est pas rémunéré, alors qu'il représente bien plus que quinze minutes par semaine – il se mesure en jours.

Les codes prévoient que l'employeur doit accorder aux aides à domicile de huit à onze heures par an pour permettre ces retours sur les situations à domicile. Il est heureux que ces derniers soient plus réguliers et plus fréquents, mais les aides à domicile les effectuent sur du temps de travail qui n'est pas rémunéré aujourd'hui.

Alors que l'on continue à ne pas prendre en compte ce temps dans la rémunération, et alors que les salariés ignorent jusque quand cette situation va durer, on en rajoute une couche aujourd'hui ! J'entends dire qu'il ne s'agit que de quinze minutes par semaine, mais, en réalité, ce temps de travail viendra se surajouter à des minutes et à des heures d'ores et déjà effectuées par des professions qui sont largement sous contrainte, sans qu'elles soient rémunérées pour cela.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je veux apporter un éclairage.

L'an dernier, nous avons débattu d'une journée de solidarité pour financer la branche autonomie. Aujourd'hui, la situation est différente, puisqu'il s'agit d'heures de travail supplémentaires, qui génèrent des contributions. C'est en cela que la mesure est intéressante pour la sécurité sociale !

La proposition de M. Olivier Henno, si on la chiffre, représente près de 10 milliards d'euros de cotisations et de taxes supplémentaires au total, somme à partager entre l'État et la sécurité sociale – on peut imaginer que ce sera à peu près moitié-moitié.

Je tenais à vous éclairer sur ce point. La situation n'est pas la même que l'an dernier. Il y a certes une augmentation des salaires et des rémunérations, mais il y a aussi des cotisations et des contributions en plus.

M. Daniel Chasseing. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 1253 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 572 rectifié septies.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 42 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 199
Contre 135

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 septies.

L'amendement n° 1307, présenté par Mmes M. Vogel, Ollivier, Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant les conséquences qu'une affiliation des journalistes travaillant à l'étranger pour des médias français aurait sur l'équilibre financier des branches de la sécurité sociale. Ce rapport détaille également les risques auxquels ils sont exposés actuellement à défaut d'affiliation à la sécurité sociale française et expose les avantages qu'une telle affiliation aurait pour ces journalistes.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Les journalistes pigistes français à l'étranger sont nos yeux et nos oreilles à travers le monde. Ils nous permettent d'accéder à une information rapide et fiable aux quatre coins du globe.

Par cet amendement, nous voulons rappeler la grande précarité dans laquelle ils exercent pourtant leur métier.

L'affiliation à la sécurité sociale étant soumise au principe de territorialité, seules les personnes travaillant ou résidant en France de façon stable ou bénéficiant d'un régime de détachement peuvent y être affiliées.

Or les spécificités du métier des correspondants à l'étranger font qu'ils ne remplissent pas ces conditions, ce qui les laisse de fait dépourvus de protection sociale, alors même qu'ils sont confrontés à des risques élevés dans le cadre de leurs missions : travail dans des zones de conflit, exposition à des catastrophes naturelles ou encore absence d'une offre de soins à la hauteur…

Quelles solutions ont-ils ? Les assurances privées sont trop coûteuses pour une profession de plus en plus précaire, et l'affiliation à un régime local n'est pas une solution de rechange, puisque ces journalistes couvrent souvent plusieurs pays à la fois.

De façon plus inique encore, certains cotisent à la sécurité sociale française sans que cela leur ouvre de droits. Cette situation les laisse dans une vulnérabilité réelle, comme ils en témoignent régulièrement.

Pour respecter les règles de recevabilité, nous avons demandé au Gouvernement de déposer un amendement visant à prévoir leur affiliation à la sécurité sociale, comme cela avait été fait, l'an dernier, pour les travailleurs des Terres australes et antarctiques, confrontés à la même précarité.

Nous déplorons qu'il n'ait pas été déposé et demandons, en repli, un rapport évaluant les conditions et bénéfices de cet élargissement. Celui-ci serait peu coûteux, même au regard du contexte budgétaire que la France affronte.

En effet, cette affiliation ne concernerait que quelques centaines de personnes, dont certaines, comme je l'ai mentionné, cotisent déjà. Au regard de l'enjeu, le faible coût semble un bénéfice considérable. J'indique que cet amendement a été déposé par Mélanie Vogel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable, comme sur toutes les demandes de rapports.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Pour des raisons différentes, nous estimons que ce rapport n'a pas vraiment sa raison d'être. En effet, les dispositions existantes permettent de répondre aux besoins de ces travailleurs ultramobiles. Je vais les rappeler rapidement.

Il existe plusieurs cas de figure.

Tout d'abord, les journalistes qui satisfont aux conditions prévues par le code du travail et qui travaillent pour un média français bénéficient d'une présomption de salariat. À ce titre, ils sont affiliés au régime général de la sécurité sociale française.

Ensuite, les engagements européens et internationaux de la France permettent, dans certains cas, de lever la condition de territorialité à l'affiliation à la sécurité sociale.

Enfin, lorsque la mission est effectuée dans un État avec lequel il n'existe pas de coordination en matière de sécurité sociale, les journalistes concernés ont toujours la faculté d'adhérer aux assurances volontaires de la Caisse des Français de l'étranger.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1307.

(L'amendement n'est pas adopté.)

2

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, pour une mise au point au sujet d'un vote.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, lors du scrutin n° 41 sur les amendements identiques nos 1138, 1318 et 1642, j'ai voté en lieu et place de M. Stéphane Ravier sans qu'il m'ait transmis de consigne de vote. Mon collègue ne souhaitait pas prendre part au vote.

Par ailleurs, mon collègue Christopher Szczurek et moi-même avons voté pour alors que nous souhaitions voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin concerné.

3

Organisation des travaux

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l'avancement de nos travaux et avec l'accord de la commission des affaires sociales et du Gouvernement, nous devrions siéger demain dimanche matin, après-midi et soir.

Il n'y a pas d'observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq,

est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour une mise au point au sujet d'un vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Madame la présidente, je souhaite apporter un ensemble de précisions concernant le scrutin n° 42.

Mme Amel Gacquerre et M. Paul Toussaint Parigi ont été notés comme votant pour, alors qu'ils souhaitaient voter contre.

M. Stéphane Demilly a été noté comme votant pour, alors qu'il ne souhaitait pas prendre part au vote.

M. Patrick Chauvet et Mme Brigitte Devésa ont été notés comme votant pour, alors qu'ils souhaitaient s'abstenir.

Enfin, M. Olivier Bitz a été noté comme ne prenant pas part au vote, alors qu'il souhaitait s'abstenir.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin concerné.

5

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 12.

Après l'article 11 septies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 12

Article 12

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 131-8 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi modifié :

– à la fin du deuxième alinéa, le taux : « 63,25 % » est remplacé par le taux : « 62,73 % » ;

– à la fin de l'avant-dernier alinéa, le taux : « 20,93 % » est remplacé par le taux : « 20,39 % » ;

– à la fin du dernier alinéa, le taux : « 5,08 % » est remplacé par le taux : « 6,14 % » ;

b) Au b du 2°, la référence : « 4° » est remplacée par la référence : « 3° » ;

c) Le 3° est ainsi modifié :

– au deuxième alinéa du a, les mots : « aux 1° du I, au » sont remplacés par les mots : « au 1° des I et » ;

– le même a est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« – 0,3 % pour les revenus mentionnés au 2° du II du même article L. 136-8 ; »

– au début du cinquième alinéa du b, le taux : « 1,88 % » est remplacé par le taux : « 2,53 % » ;

– au d, les mots : « sur les revenus d'activité » sont supprimés ;

d) Au 4°, la référence : « 4° » est remplacée par la référence : « 3° » ;

e) (Supprimé)

f) Le 5° est remplacé par des 5° et 5° bis ainsi rédigés :

« 5° Le produit des contributions mentionnées aux articles L. 137-14 et L. 137-18 est versé :

« a) À la branche mentionnée au 3° de l'article L. 200-2 pour 93,98 % ;

« b) À la branche mentionnée au 1° du même article L. 200-2 pour 6,02 % ;

« 5° bis Le surplus du produit des prélèvements mentionné au second alinéa de l'article L. 137-24 est versé :

« a) À la branche mentionnée au 4° de l'article L. 200-2 pour 66 % ;

« b) À la branche mentionnée au 1° du même article L. 200-2 pour 34 % ; »

2° Au premier alinéa de l'article L. 137-14, les mots : « des allocations familiales » sont remplacés par les mots : « d'assurance vieillesse et de la Caisse nationale de l'assurance maladie » ;

2° bis À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 137-18, les mots : « des allocations familiales » sont remplacés par les mots : « d'assurance vieillesse et à la Caisse nationale de l'assurance maladie » ;

3° Le second alinéa de l'article L. 137-24 est complété par les mots : « et à la Caisse nationale de l'assurance maladie dans les conditions prévues à l'article L. 131-8 » ;

4° L'article L. 222-2-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du 2°, les mots : « le régime général, » sont supprimés ;

b) Le 3° est abrogé.

II. – Au dernier alinéa de l'article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse institué par les articles L. 811-1 et L. 815-2 » sont remplacés par les mots : « de solidarité aux personnes âgées instituée à l'article L. 815-1 ».

III. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L'avant-dernier alinéa de l'article L. 723-11 est ainsi modifié :

a) Les mots : « dont les modalités sont déterminées » sont remplacés par les mots : « dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, pour le recouvrement des cotisations et contributions mentionnées aux 1° à 4° du III de l'article L. 725-3 ainsi que des majorations de retard y afférentes, et » ;

b) (nouveau) La deuxième occurrence du mot : « et » est remplacée par les mots : « . Cette convention est » ;

c) Après les mots : « recouvrement des », il est inséré le mot : « autres » ;

2° Le 3° du III de l'article L. 725-3 est abrogé.

IV. – (Supprimé)

V. – À la fin de la première phrase du B du VI de l'article 6 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, l'année : « 2025 » est remplacée par l'année : « 2027 ».

VI. – L'article 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du premier alinéa du VI est supprimée ;

2° Après le VI, il est inséré un VI bis ainsi rédigé :

« VI bis. – La Caisse nationale des industries électriques et gazières enregistre les opérations relatives à la contribution tarifaire dans une section comptable spécifique.

« Lorsque, à la clôture d'un exercice, cette section comptable présente un résultat excédentaire, une somme, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget dans la limite de ce résultat, est transférée à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, qui l'enregistre en fonds propres dans ses comptes. Les modalités de versement des sommes correspondantes sont déterminées par le même arrêté. » ;

3° (Supprimé)

VII. – Par dérogation au e du 3° et au a du 3° bis de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, les sommes mentionnées aux mêmes e et a sont affectées pour l'exercice 2025 au fonds mentionné à l'article L. 135-1 du même code.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 622 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 1057 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 4

Remplacer le taux :

62,73 %

par le taux :

69,97 %

II. – Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

– à la fin du troisième alinéa, le taux : « 10,74 % » est remplacé par le taux : « 12,41 % » ;

III. – Alinéa 5

Remplacer le taux :

20,39 %

par le taux :

11,48 %

IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 622.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je veux tout d'abord rappeler en quoi consiste l'article 12, que l'on appelle communément « l'article tuyau ».

Le système de sécurité sociale est construit sur un principe d'affectation de recettes fiscales, les cotisations associées à la couverture de certains risques. Comme vous le savez, mes chers collègues, ces affectations n'ont pas vocation à rester statiques chaque année, d'où les dispositions de cet « article tuyau ».

Il faut aussi savoir que l'affectation de TVA n'est possible que sur la branche maladie. L'article 40 du PLF permet donc à l'État, du moins pour cette année, de récupérer le gain de la mesure que nous avons votée l'année dernière, considérant qu'il fallait baisser le volume des allégements généraux.

L'affectation de ce gain à l'État retirer à enlever à la sécurité sociale les 3 milliards d'euros issus des baisses d'allégements généraux, soit les efforts qu'elle a faits sur le bandeau maladie pour les années 2025 et 2026.

Nous estimons que cette décision creuse le déficit de la sécurité sociale. Et je ne suis pas la seule à le dire : la Cour des comptes a aussi dénoncé cette situation.

La sécurité sociale aura 5,5 milliards d'euros de niches non compensées, donc de TVA non affectée. Par conséquent, si on lui enlève aujourd'hui ces 3 milliards d'euros, la situation sera catastrophique !

De surcroît, le décret relatif au 1,4 milliard d'euros pour l'année 2026 n'est pas paru. Il semble que l'on ait anticipé… En réalité, le problème portant sur 3 milliards d'euros, j'ai considéré que, pour maintenir cette somme, il fallait neutraliser les transferts.

Ainsi, mon amendement vise à modifier la rédaction actuelle de l'article de manière à prendre 1,6 milliard d'euros à la branche maladie et à donner 1,3 milliard d'euros à la branche vieillesse et 300 millions d'euros à la branche famille. Pour ce faire, il tend à jouer uniquement sur la répartition de la taxe sur les salaires.

Je le répète, l'article prévoit d'accorder 1,3 milliard d'euros à la branche vieillesse et 0,3 milliard d'euros à la branche famille, mais de prendre 1,6 milliard d'euros à la branche maladie.

Ces 3 milliards d'euros sont indispensables à la sécurité sociale. Je rappelle que les décisions prises par le Sénat l'année dernière sur la baisse des allégements généraux ont été courageuses et que cette TVA affectée est, en l'occurrence, indispensable pour donner à l'Acoss, donc à l'Urssaf, les moyens de verser l'ensemble des prestations et des pensions.

Mon amendement a ainsi pour objet d'opérer d'autres transferts, afin que ces 3 milliards d'euros soient conservés par la sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1057.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article tire la conséquence d'un revirement de l'État sur les dispositions votées l'année dernière.

En effet, l'État demande désormais la rétrocession des économies permises par la réforme, alors même qu'il était acté que le gain serait affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et à la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam).

Ce revirement de l'État à l'égard d'une mesure déjà prise et intégrée dans la trajectoire des comptes sociaux déstabilise les branches. L'effet immédiat de la rétrocession sur cette année est une ponction massive dans les recettes du présent PLFSS : alors même que le texte prévoit à peine 5 milliards d'euros de recettes, ce que nous trouvons déjà insuffisant, ces dernières sont littéralement amputées, à hauteur de 3 milliards d'euros. C'est manifestement la politique des caisses vides !

Par ailleurs, cette rétrocession se surajoute à la non-compensation de certaines exonérations – je ne reviens pas sur les heures supplémentaires, mais il faut tout de même savoir que, depuis 2019, ce sont 13 milliards d'euros qui ont manqué à la sécurité sociale du fait de cette mesure – et à la sous-compensation des allégements généraux, comme l'ont relevé la Cour des comptes et Mme la rapporteure générale.

La somme en jeu était de 5,5 milliards d'euros l'année dernière, soit une perte de 18 milliards d'euros au total. Depuis 2019, les sous-compensations se chiffrent à 31 milliards d'euros ! Tout cela manque aux caisses sociales.

Il faut le dire, la politique des caisses vides, celle qui consiste à vider sciemment les caisses, est une pratique manifeste des gouvernements macronistes. C'est une cause majeure du déficit que l'on observe aujourd'hui.

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, je vous invite, mes chers collègues, à voter le présent amendement. Supprimer les mouvements de recettes entre les branches destinées à répartir entre celles-ci cette moindre TVA affectée, c'est déjà une façon de protester contre cette rétrocession.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Je confirme que la réforme des allégements généraux s'est traduite, en 2025, par un gain de 1,6 milliard d'euros. En pratique, ce gain a bénéficié aux branches maladie et vieillesse de la sécurité sociale, à hauteur de 800 millions d'euros chacune.

Pour 2026, le Gouvernement souhaite que le rendement de la politique des allégements généraux, financée par l'État via notamment une fraction de la TVA affectée à la sécurité sociale, soit attribué à son financeur, c'est-à-dire à l'État.

Je rappelle que le transfert de ces économies à l'État ne constitue pas un manque à gagner pour la sécurité sociale : il s'agit d'un jeu à somme nulle, puisque la sécurité sociale reçoit ce qu'elle rétrocède à l'État via des cotisations sociales supplémentaires.

En outre, du point de vue du processus parlementaire, ces amendements tendent à préempter un débat qui n'a pas encore eu lieu, puisqu'il est lié à la discussion du projet de loi de finances, en particulier de son article 40, qui détermine le niveau de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. L'article 12 organise les transferts financiers entre branches de la sécurité sociale et modifie la répartition des recettes fiscales qui leur sont affectées.

Les allégements généraux représentent 1,6 milliard d'euros en 2025 et 1,4 milliard d'euros en 2026. Nous voterons ces amendements identiques, afin de maintenir cet argent dans les caisses de la sécurité sociale.

L'annexe 9 du PLFSS est claire : elle prévoit au total une baisse de 3,44 milliards d'euros de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale par rapport à 2025.

Ce n'est pas acceptable ! Nous avons besoin de cet argent pour financer les difficultés des branches assurance maladie et vieillesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, soyons de bonne foi. Vous savez très bien que, depuis 2019, la compensation ne se fait plus à l'euro près. Assumez donc votre politique des caisses vides !

Pour solde de tout compte, on a affecté en 2019 à la sécurité sociale une part de la TVA qui, comme par hasard, se révèle d'année en année sous-compensée – là encore, c'est la Cour des comptes qui le souligne.

Si vous aviez appliqué la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite loi Veil, vous auriez dû compenser à l'euro près les cadeaux – disons les exonérations, pour ne froisser personne – que vous accordez aux employeurs.

Mme Raymonde Poncet Monge. La solution imaginée en 2019 était bien commode : elle permettait une compensation partielle, avec des montants variables d'une année sur l'autre. Le problème est que, depuis 2019, le manque à gagner pour la sécurité sociale s'élève à plus de 18 milliards d'euros.

Tout à coup, quand il s'agit de reprendre 3 milliards d'euros, vous êtes à l'euro près. Mais la compensation doit fonctionner dans les deux sens !

Il est normal, après une sous-compensation de 6 milliards d'euros l'année dernière, que vous ne repreniez pas le 1,4 milliard d'euros de TVA affectée à la sécurité sociale en 2026. C'est tout simplement la réalité des mouvements de compensation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En l'occurrence, nous sommes non pas à l'euro près, mais au milliard d'euros près (Sourires.), plus précisément à trois milliards d'euros près !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, vous dites que nous anticipons le projet de loi de finances pour 2026. Mais le décret procédant au transfert du 1,4 milliard d'euros n'a pas été publié ! Permettez-moi de vous dire que nous ne faisons ni moins bien ni mieux que vous.

Nous en avons tous conscience : tout déficit en moins pour la sécurité sociale est un déficit en plus pour l'État. Toutefois, il est tout à fait légitime que nous défendions ici le rétablissement de la trajectoire de la sécurité sociale.

C'est pourquoi je m'arc-boute sur ma décision : je tiens à conserver ces trois milliards d'euros. Non au hold-up ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 622 et 1057.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 623, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 14 et 15

Rédiger ainsi ces alinéas :

d) Au 4° , la mention : « b » est remplacée par la mention : « b du II » et la mention : « 4° » est remplacée par la mention : « 3° » ;

e) Au 4° bis, la mention : « b » est remplacée par la mention : « b du II » ;

II. – Après l'alinéa 28

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... – L'article 1001 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Au début du vingt-quatrième alinéa, est ajoutée la mention : « II. – ».

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 623.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 624 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 1186 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et Margaté, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 38 à 43

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 624.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le VI du présent article prévoit de modifier l'article 18 de la loi du 9 août 2004 pour permettre le transfert à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) de l'excédent éventuel des opérations de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) relatives à la contribution tarifaire d'acheminement (CTA).

Cette disposition a un objectif de sécurisation juridique, le droit de l'Union européenne imposant une accise unique sur l'énergie.

Toutefois, il résulte des règles de la comptabilité nationale que, si cette opération entraînait la requalification par le comptable national de la Cnieg, qui est actuellement considérée comme une société non financière, en administration publique, le VI du présent article entraînerait, l'année de sa mise en œuvre, une augmentation du déficit des administrations publiques de plus de 20 milliards d'euros, soit 0,7 point de PIB.

Dans l'attente d'une analyse plus approfondie du sujet par l'Insee, il est proposé de supprimer le VI du présent article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l'amendement n° 1186.

Mme Marianne Margaté. Le prélèvement sur les excédents constatés de la CTA collectée par la Cnieg est un dispositif profondément injuste, techniquement dangereux et socialement trompeur.

Le Gouvernement entend modifier la loi de 2004 pour transférer ces excédents à la Cnav. Cela représenterait 2 milliards d'euros d'ici à la fin de 2025, puis 1 milliard d'euros par an. Ce n'est pas anodin. Au contraire, c'est une ponction massive, effectuée directement sur les factures d'électricité et de gaz des Français.

Rappelons que la CTA a été créée pour financer une partie des retraites des agents des industries électriques et gazières. Lors de sa mise en place, les tarifs de transport et de distribution avaient été abaissés d'autant. La CTA ne devait avoir aucun impact sur les factures.

Or, depuis cinq ans, la collecte dépasse largement les dépenses réelles, d'où un excédent croissant et injustifié, payé intégralement par les usagers. Les calculs de la Cnieg transmis au Gouvernement en juillet dernier montrent qu'une division de la CTA de moitié permettrait une baisse de 1 % à 2 % des factures d'électricité et de gaz.

Or le Gouvernement s'y refuse, pour une raison simple : il prévoit d'utiliser ces excédents comme une caisse de transfert vers la Cnav.

En d'autres termes, on transforme la CTA en surtaxe énergétique pour financer les exonérations de cotisations accordées aux entreprises sans aucune contrepartie. On demande aux ménages, aux collectivités et aux artisans de financer indirectement des allégements patronaux dont ils ne bénéficient jamais.

Pour toutes ces raisons, notre amendement vise à supprimer le mécanisme de transfert de la CTA vers la Cnav.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends la prudence qui motive les auteurs de ces amendements identiques et je vous accorde qu'il est souhaitable de retirer cette disposition, afin de prendre le temps de la sécuriser juridiquement.

Nous avons interrogé l'Insee sur la manière de l'intégrer dans la comptabilité nationale. Lorsque nous aurons obtenu une réponse, nous étudierons la manière de la réintroduire au cours de la navette.

Dans cette attente, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 624 et 1186.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 624 et 1186.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Après l'article 12

Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 1149 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L'amendement n° 1652 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la quatrième phrase du premier alinéa du 1 de l'article 231 du code général des impôts, après le mot : « communaux, » , sont insérés les mots : « des établissements publics de santé et des établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ».

II. – Le I s'applique à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2026.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 1149.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cette disposition, que nous déposons chaque année, vise à exonérer les hôpitaux et les Ehpad publics de la taxe sur les salaires. Jusqu'ici, cette proposition n'a jamais été adoptée, mais nous ne perdons pas confiance et nous espérons qu'elle le sera cette fois.

Je rappelle que les établissements publics de coopération culturelle et la plupart des établissements publics, à l'instar des collectivités territoriales, des universités ou encore des centres communaux d'action sociale (CCAS), sont déjà exonérés d'une telle taxe. Il nous semblerait logique, utile et sain que nos hôpitaux et nos Ehpad le soient également, d'autant que nous connaissons tous les difficultés qu'ils rencontrent.

Une telle exonération ôterait une lourde pression à ces établissements, qui ont vu le coût des dernières mesures de revalorisation salariale trop faiblement compensé et qui s'apprêtent à subir une augmentation du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Par ailleurs, j'entends souvent dire dans cet hémicycle que les efforts doivent être partagés. Or les cliniques privées ont obtenu la suppression intégrale du coefficient de minoration des tarifs qui avait été instauré pour compenser l'avantage fiscal, puis social, que leur avait conféré le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Il nous semble donc logique de répondre enfin à la demande de longue date et fort légitime des acteurs de l'hospitalisation publique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l'amendement n° 1652 rectifié.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à supprimer la taxe sur les salaires qui pèse aujourd'hui sur les hôpitaux et les Ehpad publics.

Je le rappelle, le code général des impôts prévoit d'ores et déjà des exonérations, qui profitent par exemple, comme cela a été dit, aux CCAS. Les hôpitaux publics et les Ehpad publics non communaux, dont les finances se trouvent dans une situation critique, doivent quant à eux s'acquitter de cette charge supplémentaire, au taux de 4,25 % appliqué au montant total des rémunérations.

La taxe sur les salaires représente chaque année pour les hôpitaux publics un coût de près de 4 milliards d'euros. Pour un Ehpad de 100 places, elle représente environ 300 000 euros par an. Alors que 27 % des Ehpad étaient déficitaires en 2020, ils sont aujourd'hui 85 % à l'être. Cette situation particulièrement alarmante révèle l'effondrement de l'investissement public en faveur du secteur médico-social.

Il en va de même des hôpitaux publics, dont plus des deux tiers ont désormais des recettes inférieures aux coûts indispensables à leur fonctionnement. Leur déficit est ainsi passé de 415 millions d'euros en 2019 à 2,8 milliards d'euros en 2024. Nous devons agir pour nos soignants et nos soignés.

C'est pourquoi notre amendement vise à mettre fin à cette taxe qui pèse sur les hôpitaux et les Ehpad. Nous devrions au contraire favoriser leur maintien face à la financiarisation croissante du secteur.

Les patients, tout comme les soignants, refusent, à raison, d'être réduits à une variable d'ajustement. Car la rigueur budgétaire n'est pas neutre : elle coûte cher. Chaque renoncement, chaque soin différé, c'est une pathologie qui s'aggrave, une hospitalisation qui aurait pu être évitée, une prise en charge plus lourde, pour les patients comme pour les finances publiques.

Mme la présidente. L'amendement n° 1641, présenté par Mme Harribey, M. Gillé, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la quatrième phrase du premier alinéa du 1 de l'article 231 du code général des impôts, après le mot : « groupements, » , sont insérés les mots : « des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes constitués sous la forme d'un établissement public autonome, ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement tend à en quelque sorte à compléter le précédent.

Nous le savons tous, la situation des Ehpad constitue l'une des crises les plus profondes de notre système de solidarité. Sur le terrain, les élus, les personnels, les familles et les résidents constatent une dégradation rapide des conditions de prise en charge. Nombre d'établissements sont au bord de la rupture, financièrement et humainement.

Dans ce contexte extrêmement tendu, une inégalité fiscale incompréhensible frappe les Ehpad publics autonomes : ils restent assujettis à la taxe sur les salaires. Pourtant, ils remplissent exactement les mêmes missions de service public et sont soumis aux mêmes règles comptables, à la même gouvernance, aux mêmes obligations sociales et aux mêmes contraintes de tarification que d'autres établissements.

Cette différence juridique coûte cher : pour un établissement de 100 places, elle représente 8 euros sur le prix d'une journée, soit environ 300 000 euros.

La jurisprudence récente du Conseil d'État a confirmé le non-assujettissement des établissements visés par cet amendement à la TVA, mais elle a entériné mécaniquement la taxe sur les salaires, créant ainsi une situation profondément injuste.

Nous proposons donc non pas de créer une niche, mais de corriger une incohérence qui fragilise encore davantage les établissements les plus vulnérables.

Nous le savons, les Ehpad publics font face à un effet de ciseaux dramatique : explosion des coûts de l'énergie, de l'alimentation et de la masse salariale d'un côté, impossibilité d'augmenter leurs tarifs sans pénaliser directement les familles de l'autre. Le résultat est clair : quelque 85 % des Ehpad publics sont aujourd'hui en déficit, contre seulement 27 % en 2020.

La situation est telle que certains établissements ne tiennent plus qu'avec des aides exceptionnelles, non reconduites, ou en réduisant drastiquement leurs dépenses.

Mes chers collègues, ne laissons pas perdurer une inégalité fiscale qui aggrave une crise déjà majeure et qui menace l'égalité d'accès au service public.

Mme la présidente. L'amendement n° 1781 rectifié, présenté par Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Chauvet, J.-P. Vogel, Naturel et Bonhomme, Mmes Lavarde, Aeschlimann, Florennes, Malet, L. Darcos, M. Mercier et Gosselin, MM. Gremillet, Piednoir, Sautarel, Genet, Chaize, Anglars, Margueritte, Chasseing et H. Leroy, Mme Sollogoub et MM. Panunzi et Levi, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la quatrième phrase du premier alinéa du 1 de l'article 231 du code général des impôts, après le mot : « communaux, » , sont insérés les mots : « des établissements et services sociaux et médicaux sociaux privés à but non lucratif mentionnés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ».

II. – Le I s'applique à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2026.

III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à étendre les possibilités d'exonération de la taxe sur les salaires aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) privés à but non lucratif.

Il faut tout d'abord saluer – chacun en conviendra – tous ceux qui accompagnent nos concitoyens en situation de handicap ou en perte d'autonomie. À cet égard, l'engagement des ESSMS qui les emploient est indispensable.

Or ces structures nous alertent depuis longtemps sur la lourdeur et les difficultés financières causées par la taxe sur les salaires, qui grève leur budget. Je pense par exemple à la Ligue havraise, qui a sollicité notamment l'auteur de cet amendement, notre collègue Agnès Canayer.

Alors que certains organismes d'intérêt général bénéficient d'exonérations ciblées, les établissements sociaux et médico-sociaux, qui remplissent pourtant une mission d'intérêt public comparable et répondent à des besoins fondamentaux, ne disposent pas de la même reconnaissance fiscale.

Nous nous trouvons face à un paradoxe : la taxe sur les salaires à laquelle sont assujettis les ESSMS est censée financer la protection sociale. Or elle alourdit les finances de structures qui, pour la plupart, se trouvent déjà dans une situation financière structurellement déficitaire.

Les métiers exercés dans les ESSMS – nous l'avons souligné dès le début de cette discussion – souffrent d'une perte d'attractivité très importante, qui pénalise la prise en charge des personnes âgées ou en situation de perte d'autonomie. Nous demandons donc que ce contexte soit pris en compte et que l'on allège le budget des ESSMS.

Mme la présidente. L'amendement n° 1150, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article 231 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 2 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils ne sont pas non plus applicables aux rémunérations versées par les centres de santé gérés par des organismes à but non lucratif, des collectivités territoriales ou leurs groupements, par les établissements publics de santé, par les établissements de santé privés à but non lucratif et par les établissements sociaux et médico-sociaux publics ou gérés par des personnes morales de droit privé à but non lucratif. » ;

2° Au 7, les mots : « au second alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deux derniers alinéas ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à supprimer les taux majorés de la taxe sur les salaires auxquels les ESSMS publics et privés non lucratifs sont soumis.

Concrètement, nous proposons de ne conserver qu'un taux unique de 4,25 %, afin de redonner des marges de manœuvre financières à ces établissements et de favoriser des revalorisations de salaires.

Les centres de santé apportent une solution d'accès aux soins de proximité, ainsi qu'une pratique salariée et collective de la médecine qui répond aux aspirations de nombreux jeunes médecins.

Néanmoins, ce modèle souffre de différentes attaques, dont la remise en cause de la subvention Teulade, une aide financière destinée à compenser une partie des cotisations sociales des professionnels de santé employés dans les centres de santé, qui représente 11,5 % de leur rémunération brute.

Il nous semble extrêmement important de protéger les centres de santé, d'autant que les établissements publics ou privés non lucratifs paient la taxe sur les salaires, mais également la TVA sur leurs achats, contrairement aux entreprises privées lucratives, qui, elles, peuvent récupérer une partie de la TVA.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 165 rectifié ter est présenté par MM. Masset, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mmes Jouve et Pantel, M. Roux et Mme Girardin.

L'amendement n° 922 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 933 rectifié est présenté par Mme Conconne et MM. Bourgi, Temal, Omar Oili, Cozic, Pla, Ros, Lurel et Stanzione.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 2 bis de l'article 231 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils ne sont pas non plus applicables aux rémunérations versées par les établissements publics de santé, les établissements de santé privés à but non lucratif et les établissements sociaux et médico-sociaux publics ou gérés par des personnes morales de droit privé à but non lucratif. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 165 rectifié ter.

M. Michel Masset. L'économie sociale et solidaire (ESS) occupe une place essentielle dans notre pays. Elle représente 15 % des salariés en France et 10 % du PIB. Dans mon département, la Haute-Garonne, elle offre 14 000 emplois non délocalisables, sans compter l'action bénévole qui occupe une part importante du secteur.

L'ESS promeut un engagement social unique : accompagner les plus fragiles et intervenir dans les territoires où les besoins sont les plus forts. Aucun autre secteur de l'économie conventionnelle ne pourrait remplir cet engagement avec la même intensité. L'ESS constitue donc un levier majeur de démocratisation de l'entreprise, qui doit être compris et appuyé.

Pourtant, malgré ce rôle essentiel, les structures de l'ESS subissent la profonde crise d'attractivité qui frappe les métiers du sanitaire, du social et du médico-social non lucratif. Alors que les organismes du secteur sont au cœur de notre pacte social, leurs marges de manœuvre financières se réduisent année après année.

L'amendement que nous défendons vise donc à supprimer les deux taux majorés de la taxe sur les salaires, pour ne conserver qu'un taux unique de 4,25 % sur les rémunérations versées par les établissements non lucratifs du secteur.

Il s'agit non pas d'un cadeau fiscal, mais d'un rééquilibrage nécessaire pour permettre aux 27 500 structures du médico-social et du sanitaire de maintenir leur activité, de recruter et de revaloriser les salaires, afin de faciliter l'accueil de nouveaux employés et de gagner en attractivité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 922 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous souhaitons également supprimer les taux majorés de la taxe sur les salaires pour les établissements publics de santé, les établissements de santé privés à but non lucratif et les établissements sociaux ou médico-sociaux publics ou gérés par des personnes morales de droit privé à but non lucratif.

Les taux majorés ont en effet de forts effets pervers, qu'il faut garder à l'esprit.

Premièrement, toute politique salariale un tant soit peu dynamique entraîne immédiatement un surcoût : les revalorisations salariales nécessaires pour accroître l'attractivité du secteur entraînent mécaniquement une augmentation de la taxe.

Deuxièmement, les taux majorés sont un frein à la mutualisation des services d'autonomie à domicile que le Gouvernement appelle de ses vœux. En effet, dans la mesure où la taxe est assortie d'un abattement appliqué à l'ensemble de la taxe due par chaque employeur, les structures ont intérêt, pour éviter un surcoût, à conserver une taille modeste.

Troisièmement, et j'insiste sur ce point, les taux majorés sont une incitation au temps partiel subi. En effet, les tranches de taxation étant fixées uniquement selon le montant des salaires versés sans tenir compte de la durée du travail, les associations qui recourent au travail à temps partiel, et souvent subi, se trouvent avantagées.

Quatrièmement, et enfin, la taxe sur les salaires est un frein au développement de la qualité des prestations, puisque tout encadrant intermédiaire formé émarge immédiatement au taux majoré.

Plus que pour des raisons financières – il y aurait d'autres moyens de financer correctement de tels services –, les taux majorés doivent être supprimés avant tout en raison des effets pervers que je viens d'énoncer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour présenter l'amendement n° 933 rectifié.

Mme Catherine Conconne. Madame la ministre, je défendrai mon amendement sous la forme d'un plaidoyer.

Je viens vous parler d'un territoire exceptionnel de 1 100 kilomètres carrés et de 350 000 âmes, perdu dans l'Atlantique, qui détient plusieurs records. Il est en effet le plus vieux territoire de France, puisque près de 40 % de la population y est âgée de plus de 60 ans. Il fait aussi partie du club très restreint des territoires les plus pauvres de France.

Face au défi du vieillissement, ce sont les organismes publics qui prennent le relais. Les collectivités – je devrais dire plutôt la collectivité unique de Martinique – voient les charges liées au vieillissement de la population et à l'autonomie peser lourdement sur leurs finances.

Je pense aussi aux Ehpad, le plus souvent publics, qui accueillent les personnes devant être prises en charge et hébergées après une dure vie de labeur, souvent passée dans les champs.

Le faible niveau de vie ne permet pas au plus grand nombre d'aller dans des Ehpad privés, dont les tarifs forfaitaires culminent le plus souvent à 3 000 euros ou 4 000 euros par mois.

Aujourd'hui, nous ne sommes pas calibrés pour accueillir ce tsunami du vieillissement.

Dans ces conditions, on peut certes s'inquiéter du niveau d'une taxe, et c'est d'ailleurs l'objet de mon amendement. Mais j'aimerais aussi vous appeler, madame la ministre – nous devons nous voir mercredi prochain –, à lancer un véritable chantier sur le thème du grand âge dans nos régions d'outre-mer.

Ce chantier devra aboutir à la mise en place par l'État d'une boîte à outils qui permette d'affronter dans les meilleures conditions possible le tsunami du grand âge qui se profile et que nous ne sommes pas en mesure d'absorber.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, au cours de ce débat, nous avons eu de nombreuses occasions – nous en aurons d'autres dans les prochains jours – d'évoquer l'état de nos hôpitaux et de nos Ehpad.

Certains d'entre vous veulent supprimer la taxe sur les salaires appliquée à ces établissements, d'autres les taux majorés associés à cette taxe.

Je dois vous alerter sur le coût potentiellement très élevé de l'adoption de telles mesures. L'adoption des amendements identiques nos 1149 et 1652 rectifié par exemple, qui ne visent que les hôpitaux et les Ehpad, entraînerait un manque à gagner de près de 4 milliards d'euros pour la sécurité sociale.

Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, sur l'état de certains hôpitaux et de certains Ehpad. En outre, globalement, la situation ne s'améliore pas au fil du temps. Faut-il pour autant supprimer la taxe sur les salaires, qui date de 1948 ? Pourquoi d'autres ne l'ont-ils pas supprimée auparavant ? Je le disais, l'adoption des deux premiers amendements coûterait 4 milliards d'euros, celle des suivants plus encore.

Mme Raymonde Poncet Monge. Pas ceux sur les taux majorés !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Attention donc à ne pas creuser davantage le déficit !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous avions compris !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les enjeux financiers sont en effet considérables. Nous avons un peu plaisanté tout à l'heure sur le fait d'être à l'euro près ou au milliard d'euros près, mais nous parlons bien ici en milliards d'euros.

L'adoption des amendements nos 1149 et 1652 rectifié aurait en effet pour conséquence une perte considérable de 4 milliards d'euros pour la sécurité sociale, soit une bonne part du rendement total de la taxe sur les salaires elle-même. Dans le contexte actuel, cela serait difficilement acceptable.

On peut aussi y voir un paradoxe, puisque la taxe sur les salaires contribue au financement de notre système de protection sociale. Je rappelle qu'elle est affectée à l'assurance vieillesse pour 50 % et à l'assurance maladie pour 25 % environ.

Supprimer cette taxe, qui est la quatrième source la plus importante de financement de la sécurité sociale, reviendrait donc à se priver de financements, ce qui finirait par se répercuter sur les établissements concernés.

Pour autant, ma collègue Stéphanie Rist et moi-même sommes conscients que la taxe sur les salaires, dont l'ancienneté a été mentionnée, mériterait certainement d'être retravaillée et modernisée.

Ce travail de fond nécessite du temps. Le Gouvernement est prêt à l'engager au cours de l'année en 2026. Au fond, quand on tire la pelote, on sent bien que nous ne sommes pas loin d'avoir un débat général sur le financement de la sécurité sociale dans son ensemble.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ce débat est peut-être nécessaire, quand on voit la difficulté que nous avons à faire converger les équilibres des comptes de la sécurité sociale.

En ce qui concerne les amendements proprement dits, le Gouvernement juge déraisonnable de faire évoluer aussi radicalement le dispositif existant. Il est donc défavorable aux amendements identiques nos 1149 et 1652 rectifié.

L'amendement n° 1641 est un peu moins ambitieux, mais ses dispositions sont similaires. Quant à l'amendement n° 1781 rectifié, bien qu'il ne soit pas de même nature – il vise les établissements privés –, ses dispositions relèvent d'une logique d'exonération d'une taxe dont nous avons besoin. En conséquence, l'avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements également.

J'en viens aux amendements identiques nos 165 rectifié ter, 922 rectifié et 933 rectifié, pour lesquels les montants en jeu – 5 milliards d'euros – sont plus élevés encore. Il faut nous laisser le temps d'évaluer les conséquences précises des dispositifs qui sont proposés. J'émets donc un avis défavorable.

Enfin, l'amendement n° 1150 vise lui aussi à transformer la taxe sur les salaires, en instaurant un taux unique. Là encore, ce type de mesure nécessite de prendre le temps d'en mesurer les effets. Les pertes de recettes s'élevant à 5 milliards d'euros, les enjeux sont très élevés. J'apporterai donc la même réponse défavorable de principe que pour les amendements précédents.

Le Gouvernement est disposé, je le répète, à engager un travail de fond sur la taxe sur les salaires. Il émet néanmoins un avis défavorable sur l'ensemble des amendements en discussion commune.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, vous êtes chargé du travail : il est grand temps de vous pencher sur les avantages que procure aux employeurs le recours au temps partiel subi !

En effet, en raison de l'application de l'abattement forfaitaire sur la taxe sur les salaires et de l'existence de taux majorés, il devient intéressant, voire optimal, pour les employeurs, d'une part, d'exercer une forte pression sur les augmentations de salaires, et, d'autre part, de recourir au temps partiel – dans ce dernier cas, c'est même parfois profitable !

L'abattement forfaitaire constitue aussi un obstacle au regroupement des services d'autonomie à domicile, prévu dans le cadre de la réforme en cours. Mme la ministre de la santé devrait être sensible à ce point.

Il convient donc, en tout état de cause, de reprofiler la taxe.

Souvenez-vous de ce qu'il s'est passé avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Voilà encore un dispositif qui était vraiment extraordinaire, quand on y pense : une année, les employeurs ont même bénéficié à la fois d'une exonération de cotisations et du CICE – en somme, ils ont doublé la mise !

Lorsque le CICE existait, le Gouvernement a dû faire un petit geste et relever l'abattement forfaitaire, parce que les services visés par les amendements dont on discute ne bénéficiaient pas des formidables cadeaux du CICE. Il a donc fallu procéder à une petite augmentation de l'abattement forfaitaire.

J'entends que vous ne vouliez pas annuler la taxe sur les salaires. Soit. Mais, dans ce cas, il faut la reprofiler, car l'existence de taux majorés a des effets pervers, particulièrement pour les travailleurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je comprends tout à fait les arguments développés par Mme la rapporteure générale et par M. le ministre, qui ont trait au rendement financier de cette taxe : dans la situation actuelle, nous pouvons parfaitement les entendre, même si l'on peut formuler quelques réserves.

Certes, cette taxe constitue la quatrième source de financement de la protection sociale. Toutefois, les établissements dont nous parlons, les hôpitaux, les établissements médico-sociaux, etc., sont financés par l'assurance maladie. Ils versent donc une contribution à l'assurance maladie qui les finance. Ainsi, l'argument qui consiste à évoquer des milliards en valeur absolue n'est donc pas tout à fait exact. Je comprends néanmoins l'esprit de l'argumentation.

Toutefois, que des amendements soient déposés sur ce sujet par des sénateurs siégeant sur toutes les travées, chaque année, lors de l'examen du PLFSS, montre bien que la taxe sur les salaires présente de nombreuses tares : c'est une taxe contre l'emploi, notamment contre l'emploi de qualité, et contre les augmentations de salaires. Cela a été dit sur toutes les travées.

Le rapport dans lequel la Cour des comptes demande au Gouvernement de réformer la taxe sur les salaires date de 2018. Depuis lors, tous les gouvernements qui se sont succédé se sont engagés à la réformer.

Monsieur le ministre, nous attendons donc de votre part un engagement clair et un calendrier, pour qu'une véritable réforme de la taxe sur les salaires soit mise en œuvre. Nous attendons depuis 2018… Comprenez donc notre impatience !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Madame la rapporteure générale, je ne comprends plus ! Depuis plusieurs semaines, la scène politique dans notre pays s'organise autour d'un débat entre, d'un côté, les défenseurs proclamés de l'économie, qui trouvent qu'il y a trop de taxes, et, d'un autre côté, ceux qui en demanderaient toujours plus.

Je m'étonne donc que, au moment où notre groupe, comme d'autres, demande la suppression de la taxe sur les salaires pour les établissements publics de santé et les Ehpad, vous vous y opposiez fermement.

Il s'agit pourtant de leur redonner du souffle et des moyens financiers, pour développer le service public de la santé et apporter des réponses à tous les territoires, quels qu'ils soient, en permettant par exemple d'augmenter les salaires ou de maintenir un certain nombre d'agents, donc de répondre aux besoins de santé dans tous nos hôpitaux.

Vous invoquez le déficit structurel qui figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je rappellerai tout de même qu'il manque 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales offertes aux entreprises. Vous rejetez notre amendement à 4 milliards d'euros, mais c'est peu par rapport à ces 80 milliards d'euros qui, aujourd'hui, ne sont pas perçus et qui permettraient pourtant d'équilibrer les comptes.

Finalement, vous faites un choix politique : celui de ne jamais taxer le capital et de détruire le service public !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Au vu des informations fournies par la rapporteure générale et compte tenu du coût de l'amendement n° 1781 rectifié de Mme Agnès Canayer, il est évident que, en responsabilité, nous allons le retirer. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame.)

Cela dit, je veux souligner deux points.

Tout d'abord, comme Marie-Claire Carrère-Gée l'a souligné avec beaucoup de justesse, on nous promet chaque année, à l'occasion de l'examen du PLFSS, une révision du schéma, de l'assiette et du régime de cette taxe sur les salaires. Un jour, il faudra bien se pencher sur la question !

Ensuite, il faut bien reconnaître que l'on marche sur la tête : cette taxe est censée contribuer au financement de la protection sociale, mais sa propre existence se justifie par ce qu'elle sert à financer le fonctionnement des organismes sociaux…

Le jour où l'on se décidera à remettre tout cela à plat et à simplifier les circuits et les dispositifs de financement, on gagnera certainement du temps et de l'argent ! Dans le contexte que nous connaissons, cela aurait du sens.

Je retire donc mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1781 rectifié est retiré.

La parole est à M. Daniel Fargeot, pour explication de vote.

M. Daniel Fargeot. Mes collègues ont raison : année après année, nous avons toujours le même débat sur la taxe sur les salaires.

Disons-le clairement et simplement : la taxe sur les salaires s'applique surtout sur les employeurs non-assujettis à la TVA. Le sujet mériterait donc un examen plus approfondi, afin de réformer la taxe sur les salaires et, pourquoi pas, d'envisager une évolution vers une TVA sociale sur toutes les prestations, quelles qu'elles soient.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. C'est une piste !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1149 et 1652 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1641.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1150.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 165 rectifié ter, 922 rectifié et 933 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 164 rectifié bis est présenté par MM. Masset, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mmes Jouve et Pantel, M. Roux et Mme Girardin.

L'amendement n° 1690 est présenté par MM. Michau et Gillé, Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le second alinéa du 2 bis de l'article 231 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Les taux majorés ne sont pas applicables aux rémunérations versées par les personnes morales mentionnées à l'article 1679 A du même code, ainsi que par les personnes physiques ou morales et organismes domiciliés ou établis dans les départements d'outre-mer. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 164 rectifié bis.

M. Michel Masset. Dans le prolongement des discussions que nous venons d'avoir, nous proposons, par cet amendement, d'instaurer un taux unique pour la taxe sur les salaires, ce prélèvement complexe qui freine, aujourd'hui, le développement des structures liées à l'économie sociale et solidaire.

En effet, cette taxe frappe principalement les employeurs qui ne sont pas assujettis à la TVA. Elle est complètement inadaptée pour des structures dont la mission première est non pas de dégager un profit, mais de rendre un service à la société. Je pense ainsi aux associations, aux fondations, aux acteurs du médico-social, de l'insertion ou de la solidarité, etc., qui sont présents au cœur de nos territoires, auprès des plus fragiles.

Ce sont pourtant ces acteurs qui supportent le poids le plus lourd de cette taxe. Son barème progressif renchérit mécaniquement le coût du travail. La taxe sur les salaires devient dès lors un frein à l'embauche et à la fidélisation du personnel, ainsi qu'à sa juste rémunération. Elle peut même pousser, dans certains cas, à des stratégies d'évitement de l'emploi stable, ce qui est totalement en contradiction avec les priorités nationales concernant l'emploi. La Cour des comptes appelle elle-même à une réforme profonde de cet impôt.

Notre amendement vise à rendre la taxe plus lisible, plus juste et plus compatible avec les objectifs des structures de l'économie sociale et solidaire. Il s'agit de restructurer, de fidéliser et de renforcer leur capacité d'action.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1690.

Mme Annie Le Houerou. La taxe sur les salaires s'applique à toutes les structures sans distinction, qu'elles soient petites ou grandes, déficitaires ou excédentaires. Elle ne tient compte ni de la fragilité financière des établissements, ni de leur modèle économique, ni de leur dépendance à la main-d'œuvre, ni, par conséquent, de leur sensibilité au coût très élevé du travail.

Dans les associations à but non lucratif, qui sont souvent d'ailleurs en difficulté, cette taxe entraîne un effet dissuasif sur l'emploi : embaucher devient plus coûteux, recruter en CDI plus difficile, et les structures sont incitées à multiplier les temps partiels ou les contrats courts pour limiter le montant de la taxe.

En outre, cette taxe entraîne une distorsion de concurrence : tandis que les associations et les fondations la paient, les entreprises à but lucratif, soumises à la TVA, peuvent récupérer une partie du montant qu'elles acquittent sur leurs achats, alors qu'elles bénéficieront par ailleurs de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Pour corriger ces effets pervers, nous proposons d'instaurer un taux unique de 4,25 %, qui serait applicable aux structures visées, afin de simplifier le calcul de la taxe, de sécuriser la gestion des employeurs et d'alléger le coût du travail. La mise en œuvre de cette disposition figure parmi les recommandations de la Cour des comptes.

Nous voulons aider ces acteurs essentiels à continuer d'accompagner les publics fragiles. Je rappelle que 27 500 structures associatives et fondations interviennent dans le champ social, médico-social et sanitaire. Cette réforme constituerait un premier pas qui permettrait aux structures de revaloriser les salaires, aujourd'hui peu attractifs dans le secteur.

Il s'agit donc d'une mesure de justice fiscale, de solidarité, de soutien à l'emploi et de cohérence économique, afin de donner aux structures de l'économie sociale et solidaire les moyens d'exercer leur mission.

Je tiens à préciser que cet amendement a été élaboré en lien avec les nombreux acteurs du secteur de l'économie sociale et solidaire.

Mme la présidente. L'amendement n° 1777 rectifié, présenté par M. Bonneau, Mmes Antoine et Perrot, MM. Levi, Dhersin et Kern et Mmes Patru et Bourguignon, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Le second alinéa du 2 bis de l'article 231 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Les taux majorés ne sont pas applicables aux rémunérations versées par les associations, fondations et fonds de dotation, ainsi que par les personnes physiques ou morales et organismes domiciliés ou établis dans les départements d'outre-mer. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements, pour des raisons similaires à celles que nous avons évoquées lors de l'examen des précédents amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Si ces amendements étaient adoptés, l'impact sur le champ de la taxe et sur les salaires serait trop important, puisque l'ensemble constitué par les fondations et les associations constitue une part non négligeable des assujettis à la taxe.

Les dispositions de ces amendements, à mon sens, vont trop loin. Contrairement à l'amendement n° 934 rectifié que nous examinerons dans quelques instants, et à propos duquel nous pourrons discuter, j'émets un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Je souhaite défendre ces amendements, qui sont similaires à celui que j'ai présenté tout à l'heure – il n'était pas placé au bon endroit dans l'ordre de discussion, mais peu importe…

Monsieur le ministre, vous avez dit que nos propositions étaient une idée, qu'il faudrait y réfléchir et prendre le temps d'y travailler. Nous étudions le projet de budget, dans la copie que vous nous soumettez, mais j'imagine que le Gouvernement a réfléchi en amont et qu'un certain nombre de décisions ont déjà été prises.

Chaque année, nous renvoyons ce sujet aux calendes grecques. Manifestement, vous avez choisi de ne pas redonner de moyens aux centres et aux établissements de santé, en dépit d'une forte demande en ce sens. Je rejoins les propos de Mme Marie-Claire Carrère-Gée : il est assez rare, voire exceptionnel, qu'une demande identique émane de toutes les travées.

Si, dans un esprit de responsabilité ou par oubli, on peut finir par se ranger à l'avis de la commission, pour ne pas toucher à une taxe, il ne faut pas oublier la situation des établissements. On la perçoit bien lorsque l'on est à leur contact, en particulier au niveau local. J'évoquais ainsi les centres de santé. Ces derniers offrent des solutions de rechange en cas de difficulté d'accès aux soins. Si on ne les soutient pas, on dégradera encore davantage l'accès aux soins, alors que nous souhaitons tous qu'il soit le plus égalitaire possible.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 164 rectifié bis et 1690.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1777 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 934 rectifié, présenté par Mme Conconne et MM. Bourgi, Temal, Omar Oili, Cozic, Pla et Stanzione, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la première phrase du premier alinéa de l'article 1679 A du code général des impôts, après la première occurrence du mot : « publique, », sont insérés les mots : « les fonds de dotation, ».

II. – La perte de recettes résultant du présent article pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d'une contribution additionnelle à la contribution visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Monsieur le ministre, vous l'avez souhaité, je l'ai fait ! (Sourires.)

Mon amendement vise à répondre à la situation que j'ai décrite tout à l'heure. À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Par ailleurs, mes enseignants à l'université m'ont tous appris que la répétition avait une valeur pédagogique. J'applique ce principe ! (Sourires.)

Concrètement, il s'agit de l'application d'un taux unique de 4,25 % pour la taxe sur les salaires à la Martinique. J'ai décrit, tout à l'heure, la situation en matière de grand âge à la Martinique. J'ai indiqué qu'elle était source de préoccupations quant à la capacité pour les finances publiques de notre collectivité de prendre en charge cette politique publique.

Rassurez-vous, mon amendement ne coûtera pas 4 milliards d'euros, bien au contraire.

Je compte sur votre sagesse, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'article 1679 A du code général des impôts prévoit que, pour certaines entités, la taxe sur les salaires n'est due « que pour la partie de son montant dépassant une somme fixée à 24 041 euros ».

Ces entités, vous l'avez rappelé, sont des associations, des fondations d'utilité publique, des centres de lutte contre le cancer, des syndicats professionnels, voire certaines mutuelles.

Cet amendement vise donc à ajouter à cette liste les fonds de dotation, qui sont des structures non lucratives créées spécialement afin d'atteindre un objectif d'intérêt général.

L'amendement semble très peu coûteux, mais, en réalité, la commission n'est pas experte en ce qui concerne les fonds de dotation. Nous demandons donc l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je voudrais tout d'abord dire que je suis ravi d'entendre que, sur toutes les travées de cet hémicycle, chacun a envie que nous continuions à travailler en 2026. J'y suis prêt ! Voilà un encouragement extraordinaire, qui nous fait du bien. Je vous remercie de votre confiance. Cela fait chaud au cœur ! (Sourires.)

Madame Conconne, je salue votre persévérance – vous avez raison, cela fonctionne parfois. Nous avons examiné votre amendement avec attention. Son périmètre est bien plus circonscrit que celui de l'amendement que vous avez défendu précédemment. Les ordres de grandeur financiers ne sont pas du tout comparables.

Nous considérons qu'il s'agit plus de procéder à une correction technique qu'à un véritable changement de périmètre. C'est, finalement, une question d'interprétation des dérogations accordées. Les impacts financiers sont faibles ; il n'y a donc pas d'enjeu de ce point de vue.

Pour ces raisons, j'émettrai un avis de sagesse, car j'ai confiance dans le Sénat, et j'espère que cela permettra à votre démarche d'aboutir.

Mme la présidente. Quel est donc l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet également un avis de sagesse.

Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le gage est levé, madame la présidente !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 934 rectifié.

(L'amendement, modifié par la levée du gage, est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 163 rectifié ter, présenté par MM. Masset, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mmes Jouve et Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l'article 1679 A du code général des impôts, il est inséré un article 1679 ... ainsi rédigé :

« Art. 1679 .... – Conformément au premier alinéa de l'article L. 3315-1 du code du travail et sous réserve du troisième alinéa du même article, le montant des participations versées en espèce par les personnes morales mentionnées au premier alinéa de l'article 1679 A du présent code, en application d'un contrat d'intéressement est déductible des bases retenues pour l'assiette de la taxe sur les salaires. »

II. – Au premier alinéa de l'article L. 3315-1 du code du travail, les mots : « ou de l'impôt sur le revenu » sont remplacés par les mots : « , de l'impôt sur le revenu ou, pour les personnes mentionnées à l'article 1679 A du code général des impôts, de la taxe sur les salaires ».

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Les dispositions de cet amendement participent de la même volonté de répondre à la crise de l'attractivité des emplois dans l'économie sociale et solidaire. Il s'agit de mettre en place un régime fiscal des accords d'intéressement plus favorable pour les personnes morales à but non lucratif.

Le dispositif d'intéressement, qui a fait ses preuves dans d'autres secteurs, est très difficile à mettre en œuvre dans les structures non lucratives, car celles-ci ne bénéficient pas des mêmes incitations fiscales.

Dès lors, dans le prolongement de l'accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise, transposé dans notre droit par la loi du 29 novembre 2023, il importe que l'usage de ce mécanisme soit amélioré, pour qu'il puisse être utilisé par les structures de l'économie sociale et solidaire.

C'est pourquoi nous proposons que les sommes versées au titre de l'intéressement puissent être déduites de l'assiette de la taxe sur les salaires dans les structures non lucratives.

Cet amendement vise, en somme, à créer un outil opérationnel destiné à mieux reconnaître l'engagement des salariés de ce secteur.

Mme la présidente. L'amendement n° 752 rectifié, présenté par Mmes Bourguignon et Guidez, MM. Dhersin, Henno et Levi, Mmes Antoine et Billon, MM. Canévet et Cambier, Mmes de La Provôté et Saint-Pé, M. Haye et Mmes Patru, Sollogoub et Vermeillet, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au premier alinéa de l'article L. 3315-1 du code du travail, les mots : « ou de l'impôt sur le revenu » sont remplacés par les mots : « , de l'impôt sur le revenu ou la taxe sur les salaires pour les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 employant moins de 250 salariés ».

II. – Après l'article 1679 A du code général des impôts, il est inséré un article 1679... ainsi rédigé :

« Art. 1679...- Conformément au premier alinéa de l'article L. 3315-1 du code du travail et sous réserve des dispositions prévues au troisième alinéa du même article, le montant des sommes versées en espèces par les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 employant moins de 250 salariés en application d'un contrat d'intéressement est déductible des bases retenues pour l'assiette de la taxe sur les salaires. »

III. – La perte de recettes pour l'État est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Dans le même esprit que mon collègue, je veux souligner que, si nous parlons beaucoup du partage de la valeur dans les grands groupes, ceux qui portent la cohésion sociale, c'est-à-dire les acteurs de l'économie sociale et solidaire. Eux n'ont pas d'actionnaires à rémunérer. Chaque euro est réinvesti dans l'emploi et dans le service rendu.

Pourtant, quand ces structures veulent verser un peu d'intéressement à leurs salariés, elles se retrouvent pénalisées par la taxe sur les salaires, alors que les entreprises commerciales bénéficient d'un cadre fiscal incitatif.

Nous proposons une mesure très simple : les associations de moins de 250 salariés devraient pouvoir déduire les primes d'intéressement de l'assiette de la taxe sur les salaires. Il s'agit d'une disposition ciblée sur le cœur de l'économie sociale et solidaire, qui la réclame. Elle n'entraînerait pas d'effet d'aubaine pour les grands groupes et elle serait intégralement compensée.

En la votant, mes chers collègues, nous enverrions un signal clair à ce secteur : le partage de la valeur ne doit pas être réservé aux seules grandes entreprises cotées.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je ne conteste pas le caractère injuste de la situation actuelle. Cependant, l'adoption de vos amendements reviendrait à prendre de l'argent à la sécurité sociale, mes chers collègues. Compte tenu du contexte budgétaire, ce n'est pas le moment d'élargir le dispositif d'intéressement à ces entités.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. J'ajoute que les primes d'intéressement font déjà l'objet d'un traitement fiscal et social avantageux.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 163 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 752 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 384 rectifié ter est présenté par M. V. Louault, Mme Lermytte, M. Chasseing et Mme Paoli-Gagin.

L'amendement n° 418 rectifié ter est présenté par M. Roux, Mme M. Carrère, MM. Gold, Bilhac, Cabanel, Daubet, Fialaire, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset et Mmes Pantel et Girardin.

L'amendement n° 440 rectifié quater est présenté par Mme Antoine, MM. Pillefer et Anglars, Mmes Billon et Canayer, MM. Chaize et Courtial, Mmes L. Darcos, Demas et Gacquerre, MM. Houpert, H. Leroy, Levi, Menonville et Mizzon, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. Panunzi et Mmes Perrot, Romagny, Sollogoub et Vérien.

L'amendement n° 975 est présenté par M. G. Blanc.

L'amendement n° 1707 est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au b du 6° de l'article 1001 du code général des impôts, le taux : « 13,3 % » est remplacé par le taux : « 10,3 % ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

L'amendement n° 384 rectifié ter n'est pas soutenu.

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 418 rectifié ter.

M. Michel Masset. J'associe à mes propos mon collègue Jean-Yves Roux.

Les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) sont de plus en plus sollicités, notamment en raison du changement climatique. Leur financement est pourtant insuffisant et trop instable.

La fraction de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) versée aux départements ne couvre qu'une faible partie de leur contribution, tandis que la dotation nationale d'investissement manque de prévisibilité.

Par cet amendement, nous proposons une solution simple et efficace, qui consiste à réorienter vers les départements une part de la TSCA actuellement affectée au niveau national, sans augmenter les taux d'assurance. Cette mesure permettrait de dégager environ 250 millions d'euros supplémentaires pour soutenir durablement nos services départementaux d'incendie et de secours.

Concrètement, il s'agit de garantir l'octroi de moyens plus solides pour financer l'investissement, l'équipement et les missions de secours des Sdis. Cet ajustement fiscal est indispensable pour renforcer la sécurité civile et assurer la protection de nos concitoyens, dans un contexte de risque croissant.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Pillefer, pour présenter l'amendement n° 440 rectifié ter.

M. Bernard Pillefer. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 975 n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1707.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à relever durablement, c'est-à-dire sans bornage temporel, la fraction de la TSCA attribuée aux départements.

Sous l'effet du dérèglement climatique, les risques se sont intensifiés, et les Sdis sont sollicités de manière croissante.

Les départements financent les Sdis à hauteur de 60 %. Ils disposent d'une part de la TSCA pour cela, mais chacun sait ici que cette ressource est largement insuffisante. Comme l'a rappelé, en 2024, la mission flash sur le financement des Sdis de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale, la quasi-totalité des départements versent aux Sdis des montants très supérieurs – parfois plus de trois fois supérieurs – à ce qu'ils perçoivent au titre de la TSCA.

Des communes, comme dans les Côtes-d'Armor, sont parfois amenées à contribuer également à leur financement, parce que cela ne suffit pas. S'y ajoute l'insécurité budgétaire. La dotation d'investissement du programme budgétaire « Sécurité civile » n'est ni pérenne ni prévisible.

Pour financer les investissements nécessaires en matière de sécurité civile, il convient donc de trouver un financement stable, lisible, durable, d'autant plus que les départements font face à des tensions financières majeures, en raison de la baisse de leurs recettes et de la hausse des dépenses sociales.

Nous proposons donc d'instaurer un reversement supplémentaire de TSCA aux départements, à hauteur d'environ 200 millions d'euros. Il s'agirait d'un simple changement d'affectation, sans impact sur les taux de base, donc sans effet sur les contrats d'assurance. Une partie des recettes aujourd'hui fléchées vers la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) serait redirigée vers les collectivités.

Cet amendement vise à reprendre l'une des recommandations de la mission flash de 2024 que j'ai évoquée, ainsi que l'une des préconisations du rapport d'information sur l'application des mesures fiscales du 30 septembre 2025, rédigé par Charles de Courson.

La perte de recettes pour la branche famille pourrait être compensée, en ajustant, comme nous l'avions proposé, le point de sortie des allégements généraux de cotisations, qui est actuellement fixé à 3 Smic, alors que toutes les études démontrent l'inefficacité de ces allégements au-delà de 2 Smic.

Pour toutes ces raisons, le vote de cet amendement renforcerait durablement la capacité des départements à financer les Sdis et à protéger nos concitoyens face à l'intensification des risques.

Mes chers collègues, je vous invite donc à adopter cet amendement, car ses dispositions ne modifient pas le budget de la branche famille.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Qu'il me soit permis, puisque nous parlons des Sdis, de saluer les femmes et les hommes qui sont au service de nos collectivités, de nos concitoyens et qui, au prix parfois de leur vie, s'investissent pleinement pour nous porter secours.

Nous savons tous très bien que les Sdis sont actuellement en difficulté. Les services d'urgence reportent sur eux leurs interventions. En raison du réchauffement climatique, ils doivent intervenir de plus en plus pour répondre à des situations de catastrophe naturelle. Nous pourrions parler de ce sujet pendant des heures, mes chers collègues. En tout cas, nous savons tous que ces structures subissent une pression très forte, sur le plan tant moral que financier.

Nous savons aussi que le financement des Sdis dépend des départements, principalement, mais aussi des autres collectivités. Leurs besoins financiers sont très élevés, et les départements peinent à abonder leurs budgets, dont l'équilibre est précaire.

Cependant, mes chers collègues, vous souhaitez, par ces amendements, prélever des ressources de la Cnaf. Certes, me direz-vous, la branche famille n'est pas en difficulté. Toutefois, c'est oublier les transferts de solidarité entre branches : les autres branches, qui sont déficitaires, ont bien besoin des moyens de la branche famille.

Nous ne réglerons pas le problème du financement des Sdis, ni d'ailleurs celui des départements, car cette question sera évoquée ensuite, en prenant des moyens à la sécurité sociale, dont fait partie la branche famille. Ce serait en quelque sorte déshabiller Pierre, qui n'est pas en bonne santé, pour habiller Paul, qui n'est pas en meilleure forme !

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je veux tout d'abord faire part d'un certain étonnement. Dans la loi de finances de l'année dernière, la part de la TSCA affectée à la sécurité sociale avait été augmentée. Pourquoi se livrer à un tel stop and go ? Cela pourrait surprendre.

Sous réserve de calculs plus précis, nous estimons que l'adoption de ces amendements aurait pour effet de priver la sécurité sociale de 400 millions d'euros de recettes. Il s'agit tout de même de sommes significatives.

Je tiens bien évidemment à m'associer à l'hommage qui a été rendu par la rapporteure générale à l'engagement des Sdis au service de nos concitoyens, dans des situations difficiles.

Il est intéressant d'analyser leur activité, et les chiffres sont parfois étonnants. Si la nature de leurs interventions a changé, en raison notamment de la montée des risques climatiques, qui s'accompagne de situations d'urgence de nature différente, on constate que, d'un point statistique, le nombre de leurs interventions est revenu à peu près au même niveau qu'avant 2019. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)

Enfin, je conclurai sur les mécanismes de financement. Les départements bénéficient d'une fraction de la TSCA pour financer les Sdis, dont le montant s'est élevé à 1,5 milliard d'euros en 2024. Cette enveloppe a été augmentée de 7,4 % en 2023, et la hausse est de 25,2 % depuis 2019. Voilà qui illustre l'effort substantiel qui a été réalisé en faveur des Sdis, au travers des départements.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'émettrai un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la rapporteure générale, nous serons d'accord sur un point : ce n'est effectivement pas par un amendement au PLFSS que nous réglerons le problème des budgets des départements et des Sdis.

Néanmoins, je veux insister sur ce problème du financement des Sdis. Nous savons que les communes les financent à hauteur d'un tiers de leurs besoins. Les deux autres tiers viennent des départements, qui ont eux-mêmes reçu une part de TSCA.

Toutefois, les départements augmentent beaucoup leur participation. Ainsi le département de la Haute-Garonne dont je suis l'élue a dû ajouter, aux 25 millions d'euros issus de la TSCA, quelque 40 millions d'euros pour assurer le bon fonctionnement du Sdis.

Dans ce département, la population a augmenté de 18 000 habitants en moyenne par an, soit l'équivalent d'une ville comme Nice en dix ans. Il donc va sans dire que le nombre d'interventions du Sdis va croissant. Si nous essayons de les maîtriser, monsieur le ministre, au travers de conventions avec le service d'aide médicale urgente (Samu) et les ambulanciers privés, elles ne cessent tout de même d'augmenter et de se diversifier. Je ne reviens pas sur les problèmes liés au climat, aux urgences, etc.

Par conséquent, les Sdis sont en situation critique. Il est nécessaire d'engager, en raison de l'augmentation de la population, davantage de sapeurs-pompiers professionnels. Il importe également d'investir dans de nouvelles casernes, pour répondre au mieux aux besoins nouveaux des territoires.

Il est donc urgent de revoir entièrement, et je suis d'accord avec vous sur ce point, le financement des Sdis. Nous attendons d'ailleurs avec impatience les suites du Beauvau de la sécurité civile, lancé l'année dernière. Celui-ci devait réfléchir à une réforme profonde à cet égard, mais pour l'instant, nous n'avons rien.

En tout cas, je voulais moi aussi pousser un cri d'alarme pour les Sdis, dont je n'ai pas besoin de rappeler le rôle majeur : ils sont souvent les derniers services publics sur un territoire et ils répondent à la détresse de nos concitoyens. Il importe vraiment de tout revoir. Notre proposition n'est qu'un premier pas modeste.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Effectivement, les Sdis sont en difficulté, notamment parce que les départements le sont eux-mêmes. Or je rappelle que ces derniers interviennent beaucoup dans le financement des services départementaux d'incendie et de secours.

Bien sûr, nous aurions dû avoir une grande loi sur l'autonomie et le grand âge. Je suis assez d'accord avec Émilienne Poumirol : ce n'est pas au détour d'un amendement, malheureusement, que nous allons régler ce problème. Ce grand texte, on nous le fait miroiter depuis des années.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Depuis 2010 !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement, et c'est un collègue de la majorité qui le dit.

Or nous ne l'avons jamais eu, ce que je déplore. Finalement, il faut réfléchir à ce problème de manière globale, et un amendement au PLFSS ne peut y suffire.

De quoi nos départements sont-ils victimes aujourd'hui ? Des dépenses de l'APA, qui ne sont pas compensées par l'État comme il le faudrait. Mais il y a tant d'autres maux... Les budgets de solidarité sont en train d'exploser. Les départements sont donc obligés, au fur et à mesure, d'imposer des restrictions, car ils ne peuvent plus satisfaire les besoins des uns et des autres.

Il faut mener une réflexion globale autour de l'autonomie. J'espère vraiment, madame la ministre, que vous allez prendre cette question à bras-le-corps et que vous allez nous proposer un texte qui reprenne tout ce sur quoi on nous promet de travailler depuis des années.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour explication de vote.

Mme Brigitte Bourguignon. Si un texte de loi réglait tout dans la vie, il y a longtemps que les personnes en situation de handicap, par exemple, n'auraient plus de revendications, puisqu'il existe un beau texte en la matière, à savoir la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005. Cette belle loi est aussi la championne des dérogations, puisque, en 2025, la moitié de ses dispositions n'est toujours pas appliquée.

Si une loi réglait le problème du financement, ce serait formidable : la branche autonomie aurait déjà toutes les sources de financement possible, et tout le monde serait content. Si une loi réglait tous les problèmes, cela se saurait.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il ne fallait pas nous la promettre !

Mme Brigitte Bourguignon. C'est non pas d'une loi Grand Âge que nous avons besoin, mais d'une vraie réflexion sur la branche autonomie et son financement réel.

Or nous l'avons eu. La réforme sur la cinquième branche de la sécurité sociale est en cours de mise en œuvre et elle est toujours d'actualité. Il faut donc cesser d'asséner ces poncifs qui ne mènent nulle part. Pour ma part, je suis sortie des slogans pour entrer dans la machine.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Qu'est-ce que ça veut dire ?

Mme Cécile Cukierman. C'est quand on n'a plus d'arguments que l'on dit cela ! (Mme Brigitte Bourguignon s'exclame.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne souhaitais pas prendre la parole, mais je ne peux pas laisser passer ce qui vient d'être dit !

Tout ce qui était prévu dans la loi de 2005 n'a pas été réalisé, mais ce texte a montré un cap, une direction. C'est ce que l'on attendait de lui. Par la suite, toutes nos politiques publiques ont tenu compte de cette direction.

Un gouvernement se doit de montrer le cap. Il ne faut pas dire que la loi de 2005 n'a servi à rien et qu'elle aurait tout aussi bien pu ne jamais voir le jour. C'est la première fois que j'entends une chose pareille !

Mme Brigitte Bourguignon. Je n'ai jamais dit cela !

Mme Raymonde Poncet Monge. Quelque part, c'est bien ce que vous sous-entendez.

Il faut une loi Grand Âge, comme celle de 2005, pour montrer une direction. Puis, nous déclinerons un certain nombre de politiques publiques dans ce cadre.

De plus, dans la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie de 2024, nous avons voté le principe d'une projection pluriannuelle. C'était une simple loi, issue d'une proposition de loi, et non pas « la » grande loi Grand Âge, mais nous avons tout de même acté un engagement important. Pour l'autonomie, il est indispensable d'avoir une projection du vieillissement démographique et d'anticiper tous les obstacles.

La transition démographique est en cours. Nous sommes à mi-chemin et, pour parcourir cette première moitié du chemin, nous avons pris des mesures relatives aux recettes et des mesures tendant à assurer l'efficacité de la dépense.

Pour l'autre moitié, il faut encore prévoir des recettes. Si une grande loi était suffisante, effectivement, ça se saurait…

Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole, ma chère collègue.

La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Les besoins sont immenses en matière d'autonomie. Ils concernent tant les personnes âgées que les personnes en situation de handicap.

Comme l'a dit ma collègue, la fameuse loi Grand Âge nous a été promise. Nous y avons cru, puisque, dans son article 10, la loi sur le bien vieillir prévoyait tous les cinq ans une loi de programmation pour le financement de la perte d'autonomie.

À partir du moment où nous, parlementaires, avons voté cette loi, en particulier cet article 10, nous y avons cru, d'autant plus que la Première ministre de l'époque avait expressément pris l'engagement de présenter un tel texte. Je m'en souviens très bien : c'était au début de l'année 2024, et cette loi de programmation devait être construite et élaborée dans la concertation, avec tous les acteurs de l'autonomie, avant la fin de l'année 2024.

La démarche était très intéressante, mais nous sommes aujourd'hui le 22 novembre 2025, et plus aucune loi de ce type n'est envisagée.

Cette loi de programmation, dont le principe a été acté par les députés et les sénateurs, a disparu. Aussi, nous sommes contraints, au travers de quelques amendements, de proposer les financements nécessaires à cette branche autonomie, qui ne sont toujours pas là. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard dans ce PLFSS. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 418 rectifié ter, 440 rectifié quater et 1707.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ? …

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 43 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour l'adoption 106
Contre 210

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 12 bis (nouveau)

I. – L'article L. 3332-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, est complété par un 11° ainsi rédigé :

« 11° Le produit des contributions mentionnées à l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, dans les conditions précisées à l'article L. 131-8 du même code. »

II. – L'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le f du 3° est ainsi modifié :

a) À la fin, le taux : « 2,08 % » est remplacé par le taux : « 2,04 % » ;

b) À la fin, le taux : « 2,04 % » est remplacé par le taux : « 2,00 % » ;

2° Le même 3° est complété par un g ainsi rédigé :

« g) Aux départements, selon des modalités précisées par décret, pour les contributions mentionnées au 1° du I, aux 1° et 2° du II et aux III et III bis de l'article L. 136-8, pour la part correspondant à un taux de 0,04 % ; »

3° À la fin du g dudit 3°, tel qu'il résulte du 2° du présent II, le taux : « 0,04 % » est remplacé par le taux : « 0,08 % » ;

4° Le c du 3° bis est ainsi modifié :

a) À la fin, le taux : « 2,08 % » est remplacé par le taux : « 2,04 % » ;

b) À la fin, le taux : « 2,04 % » est remplacé par le taux : « 2,00 % » ;

5° Le même 3° bis est complété par un d ainsi rédigé :

« d) Aux départements, selon des modalités précisées par décret, pour la part correspondant à un taux de 0,04 % ; »

6° À la fin du d dudit 3° bis, tel qu'il résulte du 5° du présent II, le taux : « 0,04 % » est remplacé par le taux : « 0,08 % ».

III. – A. – Le a du 1°, le 2°, le a du 4° et le 5° du II entrent en vigueur le 1er janvier 2026.

B. – Le b du 1°, le 3°, le b du 4° et le 6° du II entrent en vigueur le 1er janvier 2027.

IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant des I et II est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, sur l'article.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je prends la parole non pas en mon nom propre, mais en celui de notre collègue Jean-François Longeot, qui ne pouvait pas être présent aujourd'hui et qui m'a demandé de vous livrer ces quelques réflexions.

L'article 12 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, introduit à l'Assemblée nationale, permet une juste compensation, à hauteur de 50 % par l'État et de 50 % par les départements des concours historiques de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Compte tenu de la situation des départements et du poids croissant des allocations individuelles de solidarité dans leurs budgets, cet article constituerait un premier pas bienvenu. S'il n'est pas parfait, il pallie en partie l'absence de remontée des taux de compensation des concours historiques. Il est nécessaire de donner à chaque échelon les moyens d'assurer les missions qui lui sont confiées. C'est un élément constitutif de toute entreprise de décentralisation.

M. Longeot juge dès lors indispensable de conserver cet article, afin de soutenir les départements, déjà contraints budgétairement pour assurer leurs missions.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, sur l'article.

M. Rémy Pointereau. Madame la rapporteure générale, vous proposez la suppression pure et simple de l'article 12 bis, en rappelant que la branche autonomie connaît elle-même une trajectoire déficitaire et qu'un simple transfert de recettes de contribution sociale généralisée (CSG) ne constitue pas une réponse structurelle au financement de la perte d'autonomie.

Toutefois, vous connaissez parfaitement la situation financière très difficile des départements. Les dépenses d'APA progressent en moyenne de près de 4 % par an, celles de la PCH de plus de 9 %. Le reste à charge atteint aujourd'hui 4 milliards d'euros pour l'APA et 2,35 milliards d'euros pour la PCH. Dans le même temps, les taux de compensation restent insuffisants : 43,5 % pour l'APA et 30 % pour la PCH.

Je vous rappelle que, en 2024, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a récupéré 0,15 point de CSG de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), soit 2,6 milliards d'euros. Sur cette somme, seuls 200 millions d'euros ont été reversés aux départements pour les compensations. Vous comprenez que nous ne pouvons pas continuer ainsi.

L'APA devait être compensée à l'euro près. Or, lorsque j'étais président de conseil départemental, nous étions à 50 %.

Nous savons bien que, aujourd'hui, les départements n'ont pas la maîtrise du déclenchement ou du calibrage des dépenses. Les critères, les volumes, les revalorisations relèvent de décisions nationales, ce qui crée une tension structurelle très forte, qui explique pour une large part les difficultés budgétaires des conseils départementaux.

L'article 12 bis n'était pas parfait, bien sûr, mais il avait une vertu : pousser l'État à reconnaître que la compensation doit évoluer, pour éviter que les départements ne portent seuls des dépenses qu'ils ne pilotent pas.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, sur l'article.

Mme Corinne Bourcier. Nous sommes nombreux à être alertés par nos exécutifs départementaux. C'est mon cas dans le Maine-et-Loire, où je suis conseillère départementale, et c'est vrai aussi pour Marie-Claude Lermytte, dans le Nord. En effet, nos départements ne peuvent assumer seuls le financement du mur du vieillissement et de la perte d'autonomie, qui ont été insuffisamment anticipés et financés.

L'article 12 bis, qui n'est effectivement pas parfait, permet une juste compensation, à hauteur de 50 % pour l'État et de 50 % pour le département, des concours historiques d'APA et de PCH. L'article 40 ne permettant pas d'augmenter directement les concours versés par la CNSA, l'article 12 bis transfère directement des fonds de la CSG vers les départements. Il s'agit bien d'un transfert et non d'une hausse de taux.

Cet article répond à une demande historique des conseils départementaux, qui font face à un accroissement de charges provenant de facteurs dont ils n'ont pas la maîtrise et qui relèvent de la solidarité nationale. Il apporterait une réponse budgétaire décisive à la crise qu'ils connaissent.

Il est logique que la sécurité sociale, via la branche autonomie et la CNSA, contribue au financement de ces allocations individuelles de solidarité, afin de réduire le reste à charge des départements. L'objectif est de sécuriser le financement des politiques d'autonomie.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 625 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 1058 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 625.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, tout ce que j'ai entendu dans vos interventions est juste. Il est certain que nos départements se trouvent dans une situation difficile : de 30 %, nous sommes passés à plus de 50 % des départements qui peinent aujourd'hui à mettre leur budget à l'équilibre et qui renoncent à des politiques importantes d'accompagnement pour payer des prestations.

En revanche, aller prendre à la branche autonomie ce qui manque en partie aux départements serait injuste.

Rappelez-vous, tous les départements ont réclamé cette branche autonomie. Elle a été financée, effectivement, par cette affectation que vous réclamez. Cependant, nous savons très bien, et vos nombreux amendements en sont la preuve, qu'il manque des financements pour rénover les Ehpad et, au-delà, pour toute la branche autonomie. C'est pourquoi certains réclament une loi Grand Âge.

Force est de le constater, cette branche a besoin de ces moyens et il ne serait pas raisonnable de lui prendre ce qui manque aux départements. C'est vrai, ces collectivités supportent des charges et des prestations qui leur ont été transférées dans le cadre de la décentralisation et qui n'ont pas été compensées à l'euro près. Nous parlons de l'APA et de la PCH, mais nous pourrions aussi parler de la protection de l'enfance.

Mme Silvana Silvani. Et du RSA !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que le fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNFPE) n'a jamais compensé intégralement les dépenses des départements à cet égard. Il n'a même pas réussi à financer la moitié de leurs besoins.

Nous le savons, le problème est celui du financement des départements. Il s'agit de leur trouver des recettes supplémentaires. Aujourd'hui, après des années d'errance marquées par des mesures prises sans vision globale, il faudrait remettre à plat toute l'architecture des impôts locaux.

Par ailleurs, mes chers collègues, la CNSA est en lien quotidien avec les départements. Aujourd'hui, elle finance des actions des conseils départementaux. Si vous lui retirez quelques moyens, cela aura des répercussions sur l'accompagnement financier de la CNSA sur des projets que nous sommes heureux d'inaugurer dans nos territoires.

Encore une fois, prenons garde, nous n'allons pas régler le grand problème du financement des départements avec cet article. Il ne s'agit que d'un pansement sur une jambe de bois.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1058 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent article prévoit effectivement le transfert aux départements d'une fraction de la CSG affectée à notre cinquième branche, la branche autonomie. Il s'agit non pas d'une augmentation de ressources fléchées vers ces collectivités, mais d'une diminution par transfert d'une partie des ressources affectées à la branche autonomie.

Il est inutile de rappeler que nous partageons votre constat sur les grandes difficultés des départements, madame la rapporteure générale. En effet, comme le souligne Départements de France, les départements ont perdu 46 milliards d'euros de dotations depuis quinze ans. Que de transferts en perspective…

Cette situation est plus certainement la conséquence d'une politique budgétaire inconséquente de l'État envers les départements. La solution doit donc venir du projet de loi de finances.

Par ailleurs, il s'agit d'une ponction dans le budget de la branche autonomie, qui est aussi confrontée à la même insuffisance structurelle de recettes et au même dynamisme de dépenses en lien avec ses missions, ainsi qu'au report inédit de ressources qui devaient venir de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), mais qui ont été finalement affectées à la dette.

Compte tenu de son déficit actuel et de sa trajectoire critique, le financement de cette branche n'est qu'un jeu de bonneteau dans lequel les deux parties sont perdantes, l'État se dégageant de ses responsabilités envers les collectivités territoriales et la branche autonomie.

Enfin, rappelons que l'APA et la PCH ne font pas partie du périmètre de l'objectif global de dépenses de la CNSA. Celle-ci participe au financement des départements via des concours alimentés par la CSG qu'elle collecte.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Raymonde Poncet Monge. Une telle ponction est contreproductive et incompréhensible.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Nous en sommes aux prémices de la transition démographique et des difficultés de financement qui en découlent, que ce soit pour les collectivités, pour l'État ou pour la sécurité sociale. Nous en parlons depuis le début de cet examen du budget de la sécurité sociale.

Vous le savez, une réforme des concours versés aux départements par la CNSA est en cours. Il s'agit d'une réforme de grande ampleur visant à soutenir le virage domiciliaire.

Les concours évoluent non plus en fonction des recettes de la branche, mais bien en fonction des dépenses. Pour 2026, il en résulte une augmentation de 300 millions d'euros des concours de la branche autonomie, ce qui représente un taux de compensation pour les départements de 43 % en moyenne, allant jusqu'à 49 % pour la prestation de compensation du handicap (PCH), auxquels s'ajoutent les 85 millions d'euros de contributions pour le financement du Ségur.

Ces discussions sur les transferts, de compétences comme de moyens financiers, doivent être réservées pour un futur débat sur un nouvel acte de décentralisation, comme l'ont souligné M. le Premier ministre devant Départements de France et Mme la rapporteure générale ici même.

Je suis donc favorable à ces amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la rapporteure générale, une fois de plus, je suis en partie d'accord avec vous.

Nous aurions pu supprimer cet article, qui propose le transfert d'une proportion de la CSG vers les départements. Oui, nous aurions pu le faire, car, effectivement, déshabiller Pierre pour habiller Paul n'a jamais été une bonne solution, et en tout cas pas une solution pérenne. Mais nous aurions pu le faire si vous aviez accepté hier de voter avec nous l'amendement qui tendait à augmenter de 1,4 point la CSG sur le capital, ce qui aurait rapporté tout de même 2,66 milliards d'euros.

Avec cette recette nouvelle, nous aurions pu éviter ce que vous qualifiez de détournement. Cet article nous permet simplement de nous rapprocher un peu de la promesse d'Élisabeth Borne, qui, je vous le rappelle, s'était engagée, voilà maintenant quelques mois ou quelques années, à ce que l'État compense, ou plutôt partage à 50-50 avec les conseils départementaux, le financement de l'APA et de la PCH.

Mes collègues ont déjà évoqué la situation dramatique de 60 % de nos conseils départementaux ; je n'y reviendrai donc pas. Simplement, en cohérence, puisque vous n'avez pas voulu hier d'une recette nouvelle qui était pourtant simple et qui portait, c'est vrai, sur le capital, nous ne voterons pas votre amendement de suppression.

Nous choisissons le pis-aller que constitue ce transfert. Ce n'est pas un financement pérenne de la branche autonomie, mais c'est mieux que rien. Il nous faudra de toute façon revenir sur l'architecture globale de la décentralisation et sur le financement de nos départements dans plusieurs domaines : nous l'avons vu pour les Sdis, nous le voyons pour l'autonomie, et il y en a d'autres.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous examinons l'article 12 bis, introduit de façon très largement transpartisane à l'Assemblée nationale par des amendements venant de tous les bancs.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les députés ne connaissent pas les collectivités !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet article prévoit l'affectation d'une fraction très minime de la CSG – 0,04 point – aux départements, afin d'améliorer la compensation au titre de l'APA et de la PCH.

Le rapport de nos collègues de la commission des affaires sociales est très clair : les dépenses liées à ces deux prestations sont très dynamiques ; elles ont crû, de 2009 à 2023, de 30 % pour ce qui concerne l'APA et de 260 % pour ce qui concerne la PCH. Vous avez bien entendu : 260 % ! Ces chiffres sont vertigineux.

Le taux de compensation, s'il a évolué de façon marginalement positive ces dernières années, pour atteindre 43 % pour l'APA et 30 % pour la PCH, est largement insuffisant.

Aujourd'hui, nos conseils départementaux sont à l'os. C'est tout ce que je retire de mes discussions régulières avec M. Grégory Dorte, président du conseil départemental de l'Yonne, ou avec ses vice-présidentes, Mmes Catherine Maudet et Élisabeth Frassetto.

Il faut conserver cet article, que ne renierait pas le Premier ministre. Ce dernier a en effet déclaré voilà quelques jours devant Départements de France qu'il était « logique » – je reprends ses propos – que les départements perçoivent une part de la CSG.

Si nous rejetons l'amendement de suppression et que, par conséquent, nous validons l'article 12 bis, le Gouvernement aura tout loisir, ensuite, de déposer un amendement de « tuyauterie », si je puis dire, pour éviter de pénaliser la CNSA. Il s'agit non pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais bien d'habiller Paul et de rhabiller Pierre en même temps.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Mes chers collègues, je voudrais tout de même vous alerter sur la légalité d'une telle mesure. En effet, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) a rappelé que la CSG, de par son historique et sa nature, est une recette affectée à la sécurité sociale, dont elle est un élément central du pilotage.

Par conséquent, prélever une partie de la CSG affectée à une branche, en l'occurrence la branche autonomie, pour la reverser aux départements pose problème. Mais nous verrons bien si cette mesure passe.

Vous nous dites, monsieur Lemoyne, que le Gouvernement redonnera ensuite des moyens à la CNSA. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas l'inscrire dans le texte ?

Rappelons tout de même que, dans les limites de cette enveloppe très nettement insuffisante – je suis la première à le dire –, la CNSA prend à sa charge, par exemple, la disposition adoptée l'année dernière en faveur de la mobilité dans l'aide à domicile.

C'est aussi elle qui a pris en charge, pour les départements, le prix plancher de l'heure d'intervention, qui était très loin du prix correct – ce fut d'ailleurs une véritable prime aux retardataires ! –, ou encore la réforme des concours. Tout cela s'inscrit dans une enveloppe qui reste stable.

Aussi, s'il faut augmenter une enveloppe, augmentons celle de la CNSA, d'autant qu'il paraît difficile d'affecter à des collectivités une recette qui, par essence, revient à la sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.

M. Rémy Pointereau. Supprimer purement et simplement l'article 12 bis serait difficilement audible pour nos départements. On peut bien leur dire que l'on procédera ensuite à une réforme de fond, mais cela ne règle rien, car la hausse des dépenses, elle, est immédiate.

Je souhaiterais simplement un peu plus d'équilibre. On a redonné 2,6 milliards d'euros à la CNSA, par le biais de la Cades, mais l'on n'accorde que 200 millions d'euros aux départements pour compenser leurs charges. Il aurait fallu équilibrer beaucoup mieux les choses, pour faire en sorte, fût-ce en deux ou trois ans, que les départements voient finalement leurs dépenses compensées au moins à hauteur de 50 %. Cela leur permettrait d'accorder ensuite des financements accrus à la résorption des problèmes rencontrés par les Ehpad, notamment les déficits de ces établissements.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous avez raison !

M. Rémy Pointereau. Il est question à cet article d'un transfert de charges, non d'une taxe supplémentaire. Il est nécessaire de le maintenir dans le texte, parce que cette disposition permettra de soulager bien des départements.

On estime que cinquante d'entre eux connaissent des difficultés en la matière ; pour certains, notamment dans le centre du pays – je pense à la Nièvre, au Cher, à l'Indre, ou encore aux départements de l'Auvergne –, qui perdent des habitants et qui voient leur population vieillir, la situation est proprement dramatique. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

C'est pourquoi je tenais à attirer l'attention de notre assemblée sur la nécessité de cet article 12 bis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Je me suis intéressée à la manière dont tous ces sujets ont été portés au débat parlementaire, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Je suis assez surprise qu'il ait fallu un amendement à l'Assemblée nationale pour que ce sujet soit abordé.

Ensuite, nous avons entendu le Premier ministre annoncer, après avoir rencontré les représentants des départements, que l'on allait renforcer le fonds de sauvegarde, voire le doubler, si j'ai bien compris les propos de Mme la ministre, pour le faire passer de 300 millions à 600 millions d'euros.

À l'Assemblée nationale, un député a également pointé du doigt que, si la CNSA a bénéficié d'un transfert de 0,15 point de CSG en provenance de la Cades, en revanche, seuls 200 millions d'euros ont été consacrés à l'amélioration des taux de compensation des charges des départements.

Je siège certes depuis peu de temps dans cet hémicycle, mais il ne me semble pas que ce sujet de préoccupation soit nouveau.

Pour autant, je conviens avec Mme la rapporteure générale qu'aucune des solutions proposées n'est parfaite. La proposition qui nous arrive de l'Assemblée peut en particulier être critiquée. Mme Poncet Monge a rappelé à juste titre la position du HCFiPS : la CSG étant une recette affectée à la sécurité sociale, en transférer une part aux départements semble quelque peu la dévoyer. Pour autant, aucune autre réponse n'est apportée au problème, alors que les constats sont posés depuis des années…

Ce qui nous est soumis n'est donc pas tout à fait satisfaisant ; je serais presque tentée de parler de bricolage.

Il n'en reste pas moins que 54 ou même 58 départements connaissent une situation dramatique, voire catastrophique. Nous allons au-devant de grandes difficultés, et on pourrait même bientôt voir 80 départements en danger si aucune réponse solide n'est apportée au problème.

Bon an, mal an, il n'y a donc pas de bon choix. Nous ne sommes pas tout à fait satisfaits du maintien de l'article 12 bis, mais nous n'avons pas non plus envie de voter ces amendements de suppression. Aujourd'hui, face à une difficulté aussi majeure et à un constat aussi difficile pour les départements, il faut constater qu'il n'y a pas de bonne solution.

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Il y a des choses qui m'échappent un peu. J'entends sans mal qu'il ne s'agit que d'un transfert ; j'entends volontiers que les départements sont en difficulté ; enfin, j'entends également que, depuis très longtemps – peut-être pas depuis la nuit des temps… –, l'État ne compense pas comme il le faut les charges qu'il lui impose.

Seulement, il me semble que cet article déshabille quelque peu la branche autonomie. Je vois bien le tuyau qui vide cette caisse, mais je ne vois pas celui qui la remplirait d'autant. Est-ce bien notre rôle que d'agir ainsi ?

Nous nous plaignons sans cesse, me semble-t-il, des systèmes de vases communicants qui empêchent de voir clairement où l'on en est. En l'occurrence, j'ai l'impression d'être face à un tonneau percé que l'on persiste à essayer de remplir. Il est grand temps de sortir de ce genre de système et de poser les vraies questions.

La CSG n'est absolument pas faite pour ce à quoi vous voulez l'employer ! Si l'on veut, je n'ose pas dire améliorer la situation des départements, mais à tout le moins limiter leurs problèmes, ce n'est pas le bon support. (M. Rémy Pointereau s'exclame.) Cessons donc d'aller chercher des solutions là où l'on ne saurait en trouver de bonnes !

Le drame de la France, c'est cette tuyauterie infernale, cette manie d'aller toujours chercher ce dont on a besoin là où il ne faut pas.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Dans les tonneaux, il faut mettre du chablis, pas de l'eau ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je ne sais pas si nous sommes face à de la plomberie ou à du bricolage… Je voudrais simplement rappeler un élément, sous le contrôle de ma collègue rapporteure pour la branche autonomie.

De fait, pour 2026, le débat porte sur le financement de la sécurité sociale. Bien sûr, la question des charges des départements se pose, mais ce qui doit nous importer en premier lieu est le financement de la branche autonomie, dont le déficit prévu dépasse 1,7 milliard d'euros. Or, si ces amendements étaient rejetés, il serait porté au-delà de 3 milliards d'euros.

Je vous mets donc en garde, mes chers collègues : en conservant cet article dans le texte, ce n'est pas un transfert de moyens que vous garantissez : c'est un transfert de déficit, un alourdissement du déficit de la sécurité sociale.

M. Martin Lévrier. La droite est très cohérente…

Mme Émilienne Poumirol. Il fallait accepter nos propositions de recettes !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 625 et 1058 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 274
Pour l'adoption 196
Contre 78

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 12 bis est supprimé.

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je ne prends pas la parole pour ajouter quoi que ce soit à la discussion en cours, dont je rappellerai seulement que nous l'avons non pas depuis 2012, mais depuis 2008…

Simplement, madame la présidente, je vous demande de bien vouloir nous octroyer une suspension de séance d'une vingtaine de minutes, afin que la rapporteure générale, la rapporteure pour la branche vieillesse et moi-même puissions nous réunir et travailler sur quelques sujets importants.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l'article 12 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de dix-sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 799 rectifié ter est présenté par Mme M. Carrère, MM. Grosvalet, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin.

L'amendement n° 972 rectifié ter est présenté par MM. G. Blanc, Dossus et Jadot.

L'amendement n° 1710 rectifié est présenté par Mmes Conconne et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 131-8 est ainsi modifié :

a) Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° Le produit des contributions mentionnées aux I, II, III et III bis de l'article L. 136-8 du présent code est versé :

« a) A la Caisse nationale des allocations familiales, pour la part correspondant à un taux de :

« -0,91 % pour la contribution mentionnée au 1° du I de l'article L. 136-8 ;

« -0,64 pour la contribution mentionnée au 3° du même I ;

« -0,89 pour les revenus mentionnés au 1° du II du même article L. 136-8 ;

« -0,90 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -0,90 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ;

« b) Aux régimes obligatoires d'assurance maladie, en proportion des contributions sur les revenus d'activité acquittées par les personnes affiliées à chaque régime pour la contribution sur les revenus d'activité ou, pour la contribution assise sur les autres revenus, à la Caisse nationale de l'assurance maladie ou, lorsqu'un régime n'est pas intégré financièrement au sens de l'article L. 134-4, à ce même régime, dans des conditions fixées par décret et pour la part correspondant à un taux de :

« -4,06 % pour la contribution mentionnée au 1° du I de l'article L. 136-8 ;

« -4,96 % pour la contribution mentionnée au 3° du même I ;

« -2,54 % pour les revenus mentionnés au 1° du II du même article L. 136-8 ;

« -1,79 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -1,14 % pour les revenus mentionnés au III du même article L. 136-8 ;

« -0,17 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ;

« c) À la Caisse d'amortissement de la dette sociale instituée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, pour la part correspondant au taux de :

« -0,43 % pour la contribution mentionnée au 1° du I de l'article L. 136-8 ;

« -0,43 % pour la contribution mentionnée au 2° du même I ;

« -0,20 % pour la contribution mentionnée au 3° du même I ;

« -0,42 % pour les revenus mentionnés au 1° du II du même article L. 136-8 ;

« -0,43 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -0,40 % pour les revenus mentionnés au III du même article L. 136-8 ;

« -0,42 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ;

« d) À l'organisme mentionné au premier alinéa de l'article L. 5427-1 du code du travail pour la contribution sur les revenus d'activité mentionnée au 1° du I de l'article L. 136-8 du présent code, pour la part correspondant à un taux de 1,41 % ;

« e) À la branche mentionnée au 3° de l'article L. 200-2, pour la part correspondant au taux de :

« -6,38 % pour la contribution mentionnée au 2° du même I ;

« -2,80 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -2,77 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ;

« f) À la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour la part correspondant au taux de :

« -1,99 % pour la contribution mentionnée au 1° du I de l'article L. 136-8 ;

« -1,99 % pour la contribution mentionnée au 2° du même I ;

« -1,95 % pour les revenus mentionnés au 1° du II du même article L. 136-8 ;

« -1,98 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -1,86 % pour les revenus mentionnés au III du même article L. 136-8 ;

« -1,94 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ;

« g) Aux départements et la Métropole de Lyon, pour la part correspondant au taux de 0,40 %. »

b) le 3° bis est abrogé ;

2° À la seconde phrase du second alinéa du I de l'article L. 241-13, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, les deux occurrences du taux : « 200 % » sont remplacées par le taux : « 100 % ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 799 rectifié ter.

M. Michel Masset. Par cet amendement, Maryse Carrère, présidente du groupe du RDSE, propose un dispositif équilibré et durable de soutien aux finances des départements, dont chacun mesure aujourd'hui la fragilité.

Ce dispositif repose sur deux leviers complémentaires.

Le premier consiste à transférer aux départements 0,4 point de CSG, soit environ 7 milliards d'euros, sans modifier l'assiette ni le taux de cette contribution. Cette réaffectation permettra de renforcer immédiatement leurs ressources, afin qu'ils assument des dépenses sociales dynamiques et difficilement compressibles.

Le second consiste à compenser intégralement cette évolution pour les organismes de sécurité sociale concernés par la suppression des exonérations de cotisations sociales au-delà de 2 Smic. Les économies attendues, de l'ordre de 7 milliards d'euros également, garantiront la neutralité financière du dispositif pour l'ensemble de la sécurité sociale.

Cela constitue une solution cohérente permettant de renforcer de manière immédiate et durable les moyens des départements, tout en préservant l'équilibre général de notre système de financement social.

Mme la présidente. L'amendement n° 972 rectifié ter n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Catherine Conconne, pour présenter l'amendement n° 1710 rectifié.

Mme Catherine Conconne. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.

L'amendement n° 800 rectifié ter est présenté par Mme M. Carrère, MM. Grosvalet, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin.

L'amendement n° 973 rectifié ter est présenté par MM. G. Blanc, Dossus et Jadot.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 3°, les références : « aux 1° et 3° du » sont remplacées par le mot : « au » :

2° Au douzième alinéa, le taux : « 0,95 % » est remplacé par le taux : « 0,93 % » et les références : « , au II et au III bis » sont supprimées ;

3° Au treizième alinéa, le taux : « 0,68 % » est remplacé par le taux : « 0,66 % » ;

4° Après le treizième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« -0,92 % pour les revenus mentionnés au 1° du II du même article L. 136-8 ;

« -0,93 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -0,92 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ; »

5° Au quinzième alinéa, le taux : « 4,25 % » est remplacé par le taux : « 4,16 % » ;

6° Au seizième alinéa, le taux : « 5,30 % » est remplacé par le taux : « 5,13 % » ;

7° Au dix-septième alinéa, le taux : « 2,72 % » est remplacé par le taux : « 2,63 % » ;

8° Au dix-huitième alinéa, le taux : « 1,88 % » est remplacé par le taux : « 1,83 % » ;

9° Au dix-neuvième alinéa, le taux : « 1,27 % » est remplacé par le taux : « 1,20 % » ;

10° Au vingtième alinéa, le taux : « 0,18 % » est remplacé par le taux : « 0,17 % » ;

11° Le vingt et unième alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :

« c) À la Caisse d'amortissement de la dette sociale instituée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, pour la part correspondant au taux de :

« -0,44 % pour la contribution mentionnée au 1° du I de l'article L. 136-8 ;

« -0,44 % pour la contribution mentionnée au 2° du même I ;

« -0,21 % pour la contribution mentionnée au 3° du même I ;

« -0,44 % pour les revenus mentionnés au 1° du II du même article L. 136-8 ;

« -0,44 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -0,43 % pour les revenus mentionnés au III du même article L. 136-8 ;

« -0,44 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ; »

12° Au vingt-deuxième alinéa, le taux : « 1,47 % » est remplacé par le taux : « 1,44 % » ;

13° Le vingt-troisième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« e) À la branche mentionnée au 3° de l'article L. 200-2, pour la part correspondant au taux de :

« -6,53 % pour la contribution mentionnée au 2° du même I ;

« -2,87 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -2,85 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ; »

14° Le vingt-quatrième alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :

« f) À la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour la part correspondant au taux de :

« -2,03 % pour la contribution mentionnée au 1° du I de l'article L. 136-8 ;

« -2,03 % pour la contribution mentionnée au 2° du même I ;

« -2,01 % pour les revenus mentionnés au 1° du II du même article L. 136-8 ;

« -2,03 % pour les revenus mentionnés au 2° du même II ;

« -1,97 % pour les revenus mentionnés au III du même article L. 136-8 ;

« -2,02 % pour les revenus mentionnés au III bis du même article L. 136-8 ; »

15° Après le vingt-quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« g) Aux départements et la Métropole de Lyon, pour la part correspondant au taux de 0,20 % ; »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 800 rectifié ter.

M. Michel Masset. Cet amendement tend à attribuer aux départements 0,2 point de CSG, soit environ 3,5 milliards d'euros, sans modifier l'assiette ni le taux de cette contribution.

L'objectif est simple : donner aux départements des ressources qui soient, enfin, à la hauteur des charges sociales qu'ils assument depuis de longues années sans transfert financier correspondant, alors que toutes les compétences leur ont été progressivement attribuées par l'État : autonomie, handicap, protection de l'enfance, insertion… Ces politiques pèsent de plus en plus lourd, et chacun constate que leur financement repose sur un modèle devenu fragile.

Cette affectation d'une part de CSG est une mesure de justice territoriale, qui reconnaît le rôle indispensable des départements dans les solidarités du quotidien et leur donne les moyens de continuer à assumer toutes leurs compétences dans de bonnes conditions.

Mme la présidente. L'amendement n° 973 rectifié ter n'est pas soutenu.

L'amendement n° 1128 rectifié bis, présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier et MM. Capus, Chasseing, Chevalier, Grand, V. Louault et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 3° est ainsi modifié :

a) Au f, le taux : « 2,08 % » est remplacé par le taux : « 2,04 % » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« g) Aux départements, selon des modalités précisées par décret, pour les contributions mentionnées au 1° du I, aux 1° et 2° du II, aux III et III bis de l'article L. 136-8, pour la part correspondant à un taux de 0,04 % ; »

2° Le 3° bis est ainsi modifié :

a) Au c, le taux : « 2,08 % » est remplacé par le taux : « 2,04 % » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« d) Aux départements, selon des modalités précisées par décret, pour la part correspondant à un taux de 0,04 % ; »

II. – L'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant du I est ainsi modifié :

1° Le 3° est ainsi modifié :

a) Au f, le taux : « 2,04 % » est remplacé par le taux : « 2,00 % » ;

b) Au g, le taux : « 0,04 % » est remplacé par le taux : « 0,08 % » ;

2° Le 3° bis est ainsi modifié :

a) Au c, le taux : « 2,04 % » est remplacé par le taux : « 2,00 % » ;

b) Au d, le taux : « 0,04 % » est remplacé par le taux : « 0,08 % ».

III. – L'article L. 3332-1 du code général des collectivités territoriales, tel qu'il résulte du 1° du III de l'article 18 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« … ° Le produit des contributions mentionnées à l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, dans les conditions précisées à l'article L. 131-8 du même code. »

IV. – Le I entre en vigueur au 1er janvier 2026.

V. – Le II entre en vigueur au 1er janvier 2027.

VI. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à III est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Mes chers collègues, je présente un amendement de ma collègue Vanina Paoli-Gagin, qui vous prie d'excuser son absence.

Mme Paoli-Gagin propose que l'État assume, à parité avec les départements, la charge croissante de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). On garantirait ainsi la cohérence et la pérennité du financement de la perte d'autonomie et du handicap.

Les sommes versées par les départements au titre de l'APA et de la PCH ont fortement augmenté, notamment en raison de la hausse du nombre de bénéficiaires.

En dépit de cette évolution, en 2024, la compensation offerte par l'État aux départements pour ces deux allocations ne couvrait respectivement que 43,5 %, pour l'APA, et 30 %, pour la PCH, des dépenses engagées. Face à la situation budgétaire fortement dégradée des départements, un partage de ces dépenses est pourtant indispensable.

Le présent amendement vise à corriger cette anomalie, car la solidarité nationale exige que l'État partage à égalité avec les départements la charge de l'APA et de la PCH. À défaut de pouvoir augmenter directement le concours de l'État, il tend à rediriger vers les départements une partie du supplément de CSG dévolu à la CNSA depuis la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

Ce transfert de CSG vers les départements se ferait en deux temps : 0,04 point en 2026 et 0,04 point en 2027, soit environ 650 millions d'euros à chaque fois, donc 1,3 milliard d'euros au total.

Il s'agit bien d'un transfert et non d'une hausse de taux. Cette proposition est donc sans effet sur les recettes globales de CSG perçues par les administrations publiques.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 419 rectifié quinquies est présenté par MM. Roux et Gold, Mme M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset et Mmes Pantel et Girardin.

L'amendement n° 441 rectifié quinquies est présenté par Mme Antoine, MM. Menonville, Pillefer et Anglars, Mmes Billon et Canayer, MM. Chaize et Courtial, Mmes L. Darcos et Demas, M. Houpert, Mme Housseau, MM. H. Leroy, Levi et Mizzon, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. Panunzi et Mmes Perrot, Romagny, Sollogoub et Vérien.

L'amendement n° 869 rectifié ter est présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Wattebled, V. Louault, Pellevat, Grand, Laménie, Capus, Chevalier et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. Iacovelli et Folliot et Mme Aeschlimann.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa du a du 3°, le taux : « 0,95 % » est remplacé par le taux : « 0,91 % » ;

2° Après le même a, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …) Aux départements, selon des modalités précisées par décret, pour les contributions mentionnées au 1° des I et II et au III bis du même article L. 136-8, pour la part correspondant à un taux de 0,04 % ; »

II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour présenter l'amendement n° 419 rectifié quinquies.

Mme Sophie Briante Guillemont. La protection de l'enfance n'est pas une variable d'ajustement budgétaire : c'est une mission régalienne et un devoir de la République.

Il est à cet égard intéressant de constater que la Suède et l'Allemagne financent ces missions via un fonds dédié, ce qui n'est pas le cas en France, où ce sont les départements qui financent aujourd'hui une large part de la protection de l'enfance, et ce sans hausse correspondante de leurs ressources.

Ce déséquilibre, devenu structurel, fragilise la continuité même de la prise en charge de ces enfants. Face à ce problème, il faut conforter la capacité des départements à agir pour sécuriser l'avenir de 400 000 jeunes, dont certains connaissent une souffrance et une errance réelles. C'est une demande récurrente des départements, et nous ne pouvons pas tourner le dos à ces appels, à moins d'assumer collectivement les drames humains qui s'annoncent.

Par cet amendement, que nous considérons comme équilibré, responsable et urgent, et dont le dépôt s'inscrit d'ailleurs dans la continuité des travaux parlementaires qui se sont succédé sur le sujet, nous proposons de réorienter une fraction marginale de la CSG vers un besoin prioritaire, la protection de l'enfance, sans pour autant remettre en cause les autres prestations sociales. En effet, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) conserverait, bien évidemment, l'essentiel de ses ressources.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Pillefer, pour présenter l'amendement n° 441 rectifié quinquies.

M. Bernard Pillefer. Cet amendement de ma collègue Jocelyne Antoine vise à renforcer les moyens alloués à la protection de l'enfance, en affectant une part de la CSG aux départements, pour qu'ils puissent financer correctement leurs dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE).

Cette réserve d'une part de la CSG, sans hausse de taux, permettrait de compenser les carences de l'État en matière d'offre médico-sociale, qui causent le transfert vers l'ASE de nombreux mineurs et jeunes majeurs, faute d'une réponse adaptée à leur situation de handicap, et ce malgré les notifications de décision d'orientation envoyées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Concrètement, le dispositif proposé consiste à transférer aux départements une part des recettes de CSG depuis la Cnaf, à hauteur d'environ 700 millions d'euros.

Il est logique que la branche famille contribue à la politique de protection de l'enfance ; la Cnaf a d'ailleurs affiché un excédent de plus de 1 milliard d'euros en 2024, et la branche devrait rester excédentaire, à hauteur de 700 millions d'euros, en 2026.

Aujourd'hui, l'absence d'une offre médico-sociale suffisante constitue un motif d'entrée dans le dispositif de protection de l'enfance, ce qui ne fournit pas une réponse adaptée à l'enfant et constitue un phénomène de déport vers les départements. De plus, ceux-ci se retrouvent à devoir assurer seuls la prise en charge d'enfants exclus des établissements médico-sociaux par une décision unilatérale des directions de ces derniers.

Cette carence de l'offre constitue un transfert de charges de l'État vers les départements, qui se retrouvent contraints de créer des dispositifs spécifiques particulièrement coûteux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l'amendement n° 869 rectifié ter.

Mme Corinne Bourcier. Par cet amendement, ma collègue Marie-Claude Lermytte, qui s'excuse de son absence aujourd'hui, nous appelle à renforcer les moyens alloués à la protection de l'enfance. Notre collègue Bernard Pillefer l'a très bien défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 1086 rectifié bis, présenté par MM. Mandelli, Pointereau, Lefèvre, Chaize, D. Laurent et H. Leroy, Mmes Garnier et Canayer, MM. Piednoir et Anglars, Mme Belrhiti, MM. Brisson, Saury et P. Martin, Mme Lassarade, M. Panunzi, Mmes Evren et Di Folco, M. Delia et Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa du I et le II de l'article L. 241-13 sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

« II. – Cette réduction s'applique aux cotisations et contributions mentionnées au I dues sur les revenus d'activité pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations définie à l'article L. 242-1 du présent code, majorés le cas échéant du montant de la prime de partage de la valeur prévue à l'article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, versés :

« 1° Aux salariés pour lesquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 5422-13 du code du travail, à l'exception des revenus versés par les particuliers employeurs ;

« 2° Aux salariés des entreprises mentionnées aux 3°, 6° et 7° de l'article L. 5424-1 du code du travail, qui ne sont pas affiliés à un régime spécial mentionné à la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de la sécurité sociale, y compris les employeurs qui ne sont pas soumis à l'obligation mentionnée au 1° du présent II ;

« 3° Aux salariés affiliés aux régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires ;

« 4° Aux apprentis pour lesquels l'employeur n'est pas éligible à l'exonération prévue à l'article L. 6227-8-1 du code du travail.

« La réduction s'applique aux revenus d'activités mentionnés au premier alinéa du II inférieurs à un montant fixé par décret. Ce montant est compris entre le salaire minimum de croissance applicable au 1er janvier 2024 majoré de 200 % et le salaire minimum de croissance en vigueur majoré de 200 %. » ;

2° Au second alinéa du IV de l'article L. 241-19, les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 » sont remplacés par les mots : « des déductions forfaitaires prévues aux articles L. 241-18 et L. 241-18-1 et des réductions de taux prévues aux V et VI de l'article XX de la loi n° XX-XX, du XX XXX, de financement de la sécurité sociale pour 2026 » ;

3° A l'article L. 711-13, les mots : « et L. 241-18 » sont remplacés par les mots : « , L. 241-18 et L. 241-18-1 » ;

4° Au IV bis de l'article L. 752-3-1, les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 » sont remplacés par les mots : « des déductions forfaitaires prévues aux articles L. 241-18 et L. 241-18-1 » ;

5° Au second alinéa du VI de l'article L. 752-3-2 et au second alinéa du VI de l'article L. 752-3-3, les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 » sont remplacés par les mots : « des déductions forfaitaires prévues aux articles L. 241-18 et L. 241-18-1 et des réductions de taux prévues aux V et VI de l'article XX de la loi n° XX-XX, du XX XXX, de financement de la sécurité sociale pour 2026 » ;

II. – À la seconde phrase du VII de l'article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 » sont remplacés par les mots : « des déductions forfaitaires prévues aux articles L. 241-18 et L. 241-18-1 et des réductions de taux prévues aux V et VI de l'article XX de la loi n° XX-XX, du XX XXX, de financement de la sécurité sociale pour 2026 ».

III. – Au onzième alinéa du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 » sont remplacés par les mots : « des déductions forfaitaires prévues aux articles L. 241-18 et L. 241-18-1 ».

IV. – Au 5 de l'article 34 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificatives pour 2008, les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 » sont remplacés par les mots : « des déductions forfaitaires prévues aux articles L. 241-18 et L. 241-18-1 et des réductions de taux prévues aux V et VI de l'article XX de la loi n° XX-XX, du XX XXX, de financement de la sécurité sociale pour 2026 ».

V. – Le taux de la cotisation d'assurance maladie, fixé en application de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, est réduit de 6 points au titre des rémunérations suivantes :

1° Rémunérations sur lesquelles l'employeur bénéficie d'une réduction dégressive de cotisations patronales spécifique dont le bénéfice n'est pas cumulable avec la réduction générale dégressive unique prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale et qui n'excèdent pas, sur l'année, un montant fixé par décret sur une valeur comprise entre 2,5 fois le montant du salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023 et 2,5 fois le salaire minimum de croissance en vigueur ;

2° Rémunérations des salariés mentionnés aux 3° et 6° de l'article L. 5424-1 du code du travail affiliés à un régime mentionné à la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de la sécurité sociale, sur lesquelles l'employeur ne bénéficie pas de la réduction générale dégressive unique prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, et qui n'excèdent pas un montant fixé par décret entre 2,25 fois le montant du salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023 et 2,25 fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur.

VI. – Le taux de la cotisation d'allocations familiales, fixé en application de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, est réduit de 1,8 point au titre des rémunérations suivantes :

1° Rémunérations sur lesquelles l'employeur bénéficie d'une réduction dégressive de cotisations patronales spécifique dont le bénéfice n'est pas cumulable avec la réduction générale dégressive unique prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale et qui n'excèdent pas, sur l'année, un montant fixé par décret sur une valeur comprise entre 3,5 fois le montant du salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023 et 3,5 fois le salaire minimum de croissance en vigueur ;

2° Rémunérations des salariés mentionnés au 3° de l'article L. 5424-1 du code du travail affiliés à un régime mentionné à la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de la sécurité sociale, sur lesquelles l'employeur ne bénéficie pas de la réduction générale dégressive unique prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, et qui n'excèdent pas un montant fixé par décret entre 3,3 fois le montant du salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023 et 3,3 fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur.

VII. – Le IX de l'article 18 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 est abrogé.

VIII. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2026 et s'appliquent aux cotisations et contributions dues aux titres des périodes d'activité courant à compter de cette même date.

IX. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Florence Lassarade.

Mme Florence Lassarade. Le présent amendement a pour objet de clarifier certaines dispositions, afin de tenir compte de la réforme des allégements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale – réduction générale et réductions proportionnelles des taux des cotisations maladie et famille –, qui s'appliquera à partir de 2026.

Par cette mesure de cohérence, nous entendons avant tout clarifier le périmètre des entreprises et des rémunérations éligibles à cette réduction, à droit constant.

Dans le même mouvement, l'amendement tend à préciser quels employeurs demeureront éligibles aux réductions proportionnelles supprimées par l'article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. En particulier, on remédierait au fait que, aux termes de cette suppression, tous les employeurs ne bénéficieront pas de la réduction générale unique nouvellement créée.

Ainsi, à droit inchangé, certains employeurs relevant des régimes spéciaux n'auraient plus bénéficié d'aucun allégement, dès lors que ces employeurs ne bénéficiaient, pour les rémunérations versées à leurs personnels statutaires, que des réductions maladie et famille – c'est le cas de la SNCF et de la RATP –, ou de la seule réduction famille – c'est le cas des industries électriques et gazières.

La hausse du coût du travail que cela entraînerait pour ces entreprises pourrait avoir des effets négatifs sur leur compétitivité, dans un contexte d'ouverture croissante à la concurrence, leurs compétiteurs bénéficiant quant à eux de la réduction générale dégressive unique.

Le présent amendement vise donc à maintenir les réductions proportionnelles maladie et ou famille pour ces seuls employeurs qui ne bénéficient pas de la réduction générale élargie. Cela permettrait en outre de rassembler l'ensemble des dérogations à la suppression des réductions proportionnelles famille et maladie dans un même article.

Enfin, le dispositif proposé comporte quelques mesures de cohérence rédactionnelle concernant le cumul de certaines exonérations avec les déductions forfaitaires sur les heures supplémentaires.

Mme la présidente. L'amendement n° 951 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La première phrase du deuxième alinéa du I est ainsi rédigée :

« Cette réduction s'applique aux rémunérations ou gains qui, après prise en compte du montant de la prime de partage de la valeur prévue à l'article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat ainsi que les gains mentionnés au 1°, 2°, 3° et 6° du II de l'article L. 242-1, sont inférieurs à un montant fixé par décret. » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase du deuxième alinéa, après la référence : « I », sont insérés les mots : « ainsi que des montants relatifs aux dispositifs mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 6° du II de l'article L. 242-1, » ;

b) L'avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, sont ajoutés les mots : « , majorée le cas échéant du montant de la prime de partage de la valeur et des montants relatifs aux dispositifs mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 6° du II de l'article L. 242-1 mentionnée au I du présent article » ;

– la seconde phrase est supprimée ;

II. – Le I est applicable aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d'activité courant à compter du 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les dispositifs de partage de la valeur grèvent les recettes. En effet, il a été démontré et documenté que la plupart d'entre eux se substituent à des augmentations de salaire.

En particulier, les dispositifs d'épargne salariale contribuent massivement à ce phénomène, tout en profitant plutôt aux salariés des grandes entreprises. Ce n'est pas moi qui le dis : l'annexe 4 du présent projet de loi souligne elle-même que ces compléments se concentrent dans les grandes entreprises et les hauts salaires. On y comprend aussi que leur multiplication permet une baisse globale des prélèvements, puisque le taux effectif de cotisations et contributions de sécurité sociale chute d'année en année de façon importante du fait de ces substitutions.

Au total, le coût net des exemptions d'assiette relatives à l'actionnariat salarié est estimé à 3,7 milliards d'euros, toujours selon les annexes de ce PLFSS.

Afin d'atténuer – atténuer seulement ! – les pertes dues à ces exemptions, la dernière loi de financement de la sécurité sociale avait intégré la prime de partage de la valeur dans le calcul de la base pour la réduction générale dégressive.

Une telle mesure pourrait être étendue aux autres compléments de salaire relevant de la participation financière et de l'actionnariat d'État. Là encore, ce n'est pas nous qui le disons : cette fois, c'est la Cour des comptes.

Ainsi, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, qui ont permis d'atténuer quelque peu les pertes relatives à l'exemption d'assiettes de la PPV, la prime de partage de la valeur, cet amendement a pour objet d'intégrer des revenus liés à l'actionnariat salarié dans le calcul de la réduction générale dégressive, à compter du 1er janvier 2026. Le gain pour les comptes sociaux est estimé à 3 milliards d'euros.

Il s'agit d'empêcher un nouveau cadeau, après celui des exonérations.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 1170 rectifié est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly et Silvani, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L'amendement n° 1671 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du second alinéa du I de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, les deux occurrences du taux : « 200 % » sont remplacées par le taux : « 100 % ».

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 1170 rectifié.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous avons un problème majeur de clarté et d'honnêteté vis-à-vis de nos concitoyens. On ne peut pas, d'un côté, affirmer que le déficit de notre modèle de protection sociale est structurel, et, de l'autre, continuer à en creuser le trou.

On peut s'accorder sur un point : ce n'est pas aux plus pauvres de compenser le manque de cotisation des plus riches. À gauche, en tout cas, c'est ce que nous pensons tous. Dans ces conditions, les réductions de cotisations des travailleurs les moins bien payés doivent être compensées en faisant cotiser davantage ceux qui gagnent davantage.

Ce n'est pas le choix retenu par la majorité sénatoriale ou par le Gouvernement. Pour autant, ce n'est pas le moment de réparer l'injustice fiscale par une aberration mathématique qui consiste à réduire les recettes de la sécurité sociale, alors que les besoins sont de plus en plus importants.

À la fin, ce sont les plus précaires qui subissent les conséquences de ce manque de recettes, en devant travailler plus longtemps avant d'accéder à la retraite, en devant payer plus cher leurs médicaments, en voyant les indemnités de l'assurance chômage réduites, etc.

Les groupes CRCE-K et SER proposent un entre-deux, à savoir la limitation des baisses de cotisations aux salaires équivalents à 2 SMIC. C'est déjà beaucoup, car le salaire socialisé participe à la protection sociale : c'est aussi du salaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1671 rectifié.

Mme Annie Le Houerou. Il s'agit d'un amendement dont l'objet est commun aux groupes de gauche.

Nous avons eu ce débat l'année dernière, mais le gouvernement Bayrou a refusé le compromis dégagé au Sénat. Il a décidé de réduire les allégements avec un point de sortie à 3 Smic, soit 5 400 euros, c'est-à-dire plus de deux fois le salaire médian.

Pourtant, le coût des allégements généraux explose, et la réduction de ces dispositifs est d'autant plus nécessaire que ceux-ci ne sont pas efficaces après 1,6 Smic. La Cour des comptes indique que le manque à gagner des allégements généraux a atteint plus de 77 milliards d'euros en 2024 et appelle par conséquent à des mesures de régulation.

Par ailleurs, l'État déroge à la loi Veil et ne compense pas ces exonérations. La compensation des allégements généraux était considérée comme à peu près équilibrée jusqu'à la réforme de 2019. Aussi, dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2025, la Cour des comptes chiffre-t-elle la sous-compensation du bandeau maladie à 5,5 milliards d'euros en 2024.

La sécurité sociale n'a pas à supporter le coût d'aides à l'emploi inefficaces, d'autant plus que leur suppression n'aurait pas d'impact sur le marché de l'emploi. En effet, les expériences internationales nous apprennent que la suppression des exonérations ne détruit pas les emplois existants. Ce mécanisme a donc été utilisé pour lutter contre l'âgisme en Suède, ce qui a pendant un temps favorisé l'emploi des jeunes de moins de 26 ans.

Aussi, en ce qui concerne l'éventuelle smicardisation des emplois, le rapport Bozio-Wasmer insiste : « L'existence de trappes à bas salaire est difficile à démontrer. De plus, les études concluent qu'aplanir la courbe des exonérations ne fonctionne pas. Il vaut mieux concentrer les efforts sur les bas salaires. »

C'est pourquoi les groupes de gauche proposent de fixer la sortie des allégements généraux à 2 Smic, soit 3 600 euros mensuels.

Mme la présidente. L'amendement n° 1681 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du second alinéa du I de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l'article 18 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, le taux : « 200 % » est remplacé par le taux : « 140 % ».

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Je regrette d'avoir à défendre cet amendement avant que l'amendement n° 1671 rectifié ne soit mis aux voix, car je pense que celui-ci pourrait être adopté.

Il s'agit d'un amendement de repli qui vise à ramener à 2,4 Smic le point de sortie des exonérations de cotisations sociales.

Mme la présidente. L'amendement n° 1160 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité́ sociale est complété́ par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette réduction ne s'applique pas lorsque les revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts sont supérieurs à 10 % du bénéfice imposable du dernier exercice clos. »

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Je reviens sur la notion de cohérence, dont il a déjà été question. Comment prétendre financer durablement la sécurité sociale lorsque l'on réduit progressivement la part du capital dans son assiette, et ce alors même que la structure de répartition de la valeur créée se transforme profondément ?

Depuis 2024, ce sont environ 70 milliards d'euros de dividendes qui sont distribués chaque année par les entreprises du CAC 40. Ce chiffre n'est pas conjoncturel. Il s'inscrit dans une tendance longue, dans laquelle la dynamique du versement aux actionnaires est décorrélée de l'investissement productif et de la progression salariale.

Cette dissociation est abondamment documentée. Les données de concentration sont elles aussi établies : 1 % des ménages capte près de 96 % des dividendes distribués en France. Dans le même temps, les hôpitaux se voient rappeler l'exigence de rationalisation et les assurés sociaux se trouvent placés devant des arbitrages impossibles entre délai de prise en charge, renoncement aux soins et reste à charge.

Il faut regarder les choses en face : le problème réside dans l'assèchement progressif de ces ressources relativement aux capacités contributives du capital, pas dans la dépense sociale.

C'est pourquoi nous proposons de retirer le bénéfice de la réduction dégressive des cotisations patronales aux entreprises distribuant des dividendes supérieurs à 10 % du bénéfice imposable. Appelons cela une « mesure incitative », pour reprendre un vocabulaire plus familier à nos collègues libéraux. (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Si l'entreprise privilégie l'investissement, la montée en compétences, la recherche, la transition écologique, elle conserve l'allégement. Si elle privilégie le vol de la valeur au détriment de l'économie et du travail, elle doit contribuer à hauteur de la protection sociale qu'elle laisse aux autres la charge de financer.

Mme la présidente. L'amendement n° 1161 rectifié, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié:

1° Le premier alinéa de l'article L. 241-2-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « un montant, fixé par décret, qui ne peut être inférieur à 2,25 fois le salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023 » sont remplacés par le montant : « 3 886 euros » ;

b) Les mots : « 2 fois le salaire minimum de croissance calculé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du III du même article L. 241-13, » sont remplacés par le montant : « 3 454 euros » ;

c) Les mots : « dans la limite de 2,25 fois le salaire minimum de croissance calculé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du même article L. 241-13 » sont remplacés par les mots : « dans la limite de 3 886 euros ».

2° Le premier alinéa de l''article L. 241-6-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « fixé par décret, qui ne peut être inférieur à 3,3 fois le salaire minimum de croissance applicable au 31 décembre 2023 » sont remplacés par les mots: « qui ne peut être inférieur à 5 699 euros » ;

b) Les mots : « 2 fois le salaire minimum de croissance calculé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du III de l'article L. 241-13, » sont remplacés par le montant : « et 3 454 euros » ;

c) Les mots : « dans la limite de 3,3 fois le salaire minimum de croissance calculé selon les modalités prévues au deuxième alinéa du III de l'article L. 241-13 » sont remplacés par les mots : « dans la limite de 5 699 euros ».

3° Le deuxième alinéa de l'article L. 241-13, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, est ainsi modifié :

a) Les mots : « le salaire minimum de croissance applicable au 1er janvier 2024 majoré de 200 % » sont remplacés par le montant : « 3 533 euros » ;

b) Les mots : « et le salaire minimum de croissance en vigueur majoré de 200 % » sont remplacés par le montant : « 3 603 euros ».

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à remplacer les exonérations en montant net plutôt qu'en proportion du Smic.

Cette mesure est inspirée de l'article intitulé « Dégonflement des engagements de cotisation » de Clément Carbonnier, dans lequel ce professeur de l'université Paris I formule une proposition originale sur la réduction des allégements de cotisations sociales. Il invite à dégonfler progressivement les allégements en modifiant le barème et en fixant ce dernier sur un montant en euros plutôt qu'en proportion du Smic.

Plutôt que de tenter de réduire les allégements en fixant un barème sur les années les plus favorables pour l'inflation, M. Carbonnier suggère de laisser les salaires se décaler vers le haut du barème au fur et à mesure de l'inflation. Ainsi, les exonérations s'éteindront petit à petit vers le bas.

Pour ne pas entraîner de choc pour les entreprises, nous avons veillé à rester le plus fidèle possible au barème quand nous les avons remplacés par des montants numéraires.

Ainsi, les allégements de cotisation de l'assurance maladie s'appliqueraient en dessous de 3 886 euros et en dessous de 5 699 euros pour l'application du bandeau famille. Ces montants permettraient aussi de gagner en lisibilité pour les entreprises.

Mme la présidente. L'amendement n° 940 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 241-2-1, les deux occurrences du nombre : « 2,25 » sont remplacées par le nombre : « 2 » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 241-6-1, les deux occurrences du nombre : « 3,3 » sont remplacées par le nombre : « 2 ».

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il s'agit de limiter le champ d'application de l'allégement des cotisations familiales et maladies aux salaires inférieurs ou égaux à 2 Smic.

J'aime bien citer les études, car cela permet de connaître l'état du consensus ! Or selon une étude de 2019 du Conseil d'analyse économique, « les baisses de cotisations sociales sur les salaires plus élevés […] n'ont pas encore fait la preuve de leur efficacité ». Et les auteurs de conclure : « Nous recommandons une remise en cause des réductions du coût du travail au-delà du seuil de 1,6 Smic. »

En d'autres termes, les exonérations de cotisations sociales n'ont aucun effet probant sur l'emploi ou sur la compétitivité au-delà de 2 Smic.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, la réforme des exonérations de cotisations, qui faisait suite au rapport Bozio-Wasmer, n'a qu'imparfaitement corrigé la dynamique des exonérations de cotisations sociales.

Selon le dernier rapport du Groupe d'experts Smic, si le scénario de lissage des exonérations retenues entraîne des économies, il est néfaste pour l'emploi. Ce consensus a été démontré par Antoine Bozio et Étienne Wasmer dans leur rapport établissant un état de l'art de la recherche sur les politiques d'exonération de cotisations sociales en France et en Europe : ils ne parviennent pas à démontrer en France un effet des exonérations de cotisations sur l'emploi au-delà d'un certain seuil.

Enfin, l'évaluation interdisciplinaire des impacts du CICE en matière de compétitivité internationale, d'investissement, d'emploi et de salaires n'a pas permis de conclure à de réels effets sur l'emploi.

En conséquence, il est grand temps de limiter ces exonérations aux salaires inférieurs ou égaux à 2 Smic.

Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Même si ces amendements sont en discussion commune, ils n'ont pas tous le même objet.

Aux auteurs des amendements ayant pour objet un transfert d'un pourcentage de CSG aux départements, je précise – sans relancer le débat, car nous l'avons déjà eu – que le fonds national de financement de la protection de l'enfance n'a jamais été abondé.

Nous souhaitons plus de décentralisation, mais il faut changer la façon dont les collectivités peuvent lever l'impôt, car elles ne peuvent pas totalement dépendre des dotations de l'État. On a vu comment la situation s'était dégradée au fil du temps, ce qui empêchait les collectivités de lever un impôt correspondant aux besoins des départements. On ne peut pas résoudre ce problème en aggravant le déficit de la sécurité sociale.

Les auteurs des amendements identiques nos 799 rectifié ter et 1710 rectifié ont compris qu'il fallait procéder autrement et ont proposé une sortie des allégements généraux à 2 Smic.

Nous avons évoqué une telle mesure l'an dernier et nous avons alors dû travailler et nous mettre d'accord avec le gouvernement de l'époque. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas revenir cette année sur la suppression des allégements généraux, que ce soit à partir de 2 Smic ou d'une autre proportion.

Aujourd'hui, il nous paraît important de savoir ce que l'État fait de la courbe des allégements généraux. Sur ce point, nous sommes rassurés, puisque l'État protège les salaires qui sont au Smic. Nous avons été unanimes à le souhaiter l'an dernier ; cette année, la courbe est convexe jusqu'à un peu plus de 2 Smic.

L'amendement n° 800 rectifié ter vise à transférer aux départements 0,2 point de cotisation sociale généralisée. J'ai déjà développé les arguments s'opposant à cette mesure, en évoquant d'autres sources de financement pour les départements.

L'amendement n° 1128 rectifié bis ayant un objet analogue, mon argumentation sera la même.

Les amendements identiques nos 419 rectifié quinquies, 441 rectifié quinquies et 869 rectifié ter tendent à transférer aux départements 0,04 point de cotisation sociale généralisée. Certes, c'est une ponction moindre ; pour autant, cela ne me semble pas cohérent.

L'amendement n° 1086 rectifié bis a pour objet le cas spécifique de la SNCF, de la RATP et des industries électriques et gazières (IEG).

Actuellement, la SNCF et la RATP ne bénéficient que des bandeaux famille et maladie, les IEG ne bénéficiant que du bandeau famille. En l'absence de disposition spécifique, ces entreprises cesseraient de bénéficier des allégements généraux au 1er janvier 2026, c'est-à-dire demain !

Cet amendement vise donc à maintenir les bandeaux famille et maladie pour la SNCF et la RATP, ainsi que le bandeau famille pour les IEG. Je sollicite l'avis du Gouvernement et souhaite connaître le montant qu'induirait cette demande.

L'amendement n° 951 rectifié a pour objet une intégration des revenus liés à l'actionnariat salarié dans le calcul de la base pour la réduction générale dégressive de cotisations patronales.

Il s'agit d'une proposition avancée par la Cour des comptes : « Un élargissement de l'assiette des allégements généraux pour y intégrer les compléments de salaire relevant de la participation financière ou de l'actionnariat salarié […] pourrait rapporter jusqu'à 3 milliards d'euros. »

Cet amendement a un objet intéressant, mais, comme amendement recette, je lui préfère l'amendement n° 1678, que nous avons d'ailleurs adopté.

Les amendements identiques nos 1170 rectifié et 1671 rectifié, ainsi que l'amendement n° 1681 rectifié, ont pour objet une sortie des allégements généraux à 2 Smic. Nous avons déjà eu ce débat l'an dernier, je n'y reviens pas, d'autant que, je le répète, la proposition du Gouvernement nous rassure.

Les amendements nos 1160 rectifié et 1161 rectifié ont un objet proche, puisqu'ils visent, pour l'un, la suppression de la réduction dégressive des cotisations patronales pour les entreprises qui distribuent des dividendes jugés excessifs – nous avons déjà abordé cette question l'an dernier –, pour l'autre, un gel pérenne du barème des allégements généraux.

L'amendement n° 940 rectifié a pour objet une limitation du champ d'application de l'allégement des cotisations familiales et maladies aux salaires inférieurs ou égaux à 2 Smic. Il s'agit donc de limiter les bandeaux famille et maladie aux salaires inférieurs à 2 Smic.

Le Gouvernement ayant proposé la réduction générale dégressive unique, la RGDU, qui sera appliquée à partir du 1er janvier 2026, cet amendement vise des dispositions qui seront abrogées à cette date.

Au total, la commission émet un avis défavorable sur l'ensemble des amendements en discussion commune, à l'exception de l'amendement n° 1086 rectifié bis, sur lequel elle sollicite l'avis du Gouvernement, afin de connaître les sommes en jeu et de savoir si cette mesure ne dégrade pas le déficit de la sécurité sociale.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Ces amendements en discussion commune tendent à aborder deux sujets.

Le premier est l'affectation de la CSG. Le débat a déjà eu lieu, comme l'a rappelé Mme la rapporteure générale. S'il doit être ouvert, comme l'a indiqué le Premier ministre, ce sera uniquement dans le cadre d'une réorganisation des compétences.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous les amendements ayant pour objet l'affectation de la CSG.

Le second débat a trait aux allégements généraux, qui sont un outil essentiel au soutien de notre économie, de la compétitivité de nos entreprises et de l'emploi.

Cela a été rappelé, l'année dernière, cette réforme a protégé notre économie, notamment au niveau du Smic. Elle permet de lutter contre les trappes à bas salaire et préserve la compétitivité des industries. Les mesures contenues dans ces amendements vont beaucoup plus loin : il est par exemple question de supprimer les allégements généraux au-delà de 2 Smic, ce qui entraînerait une augmentation du coût du travail de plus de 10 milliards d'euros.

J'en viens à l'amendement n° 1086 rectifié bis, ce qui me permet de répondre précisément à la question de Mme la rapporteure générale. Le phénomène qu'il est proposé de rectifier constitue un effet de bord d'une mesure corrective qui garantit aux entreprises EDF, SNCF et RATP de bénéficier du même niveau d'allégement qu'en 2025.

Le Gouvernement veut préserver la compétitivité de ces entreprises au moment où a lieu l'ouverture à la concurrence. C'est pourquoi il émet un avis favorable sur cet amendement.

À l'heure actuelle, pour l'ensemble des entreprises concernées, cette mesure représente un coût global de 300 millions d'euros, mais ce n'est pas ce que coûtera le dispositif l'année prochaine : il s'agit seulement de permettre à ces entreprises de conserver le bénéfice des allégements généraux.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements en discussion, à l'exception de l'amendement n° 1086 rectifié bis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, vous affirmez que, à partir de 2 Smic, le coût du travail augmenterait de 10 milliards d'euros. Pourtant, le consensus économique s'accorde à dire que cela rapporterait 7 milliards d'euros. De notre côté, on ne gonfle pas les chiffres ; il serait bon que, du vôtre, on ne gonfle pas le coût du travail à la suite de la suppression des exonérations !

Combien d'études vous faudra-t-il pour changer d'avis ? Les économistes qui ont soutenu le CICE disent eux-mêmes aujourd'hui que ce dispositif a été une erreur, parce qu'il n'a eu aucun effet, que ce soit sur l'emploi ou sur la compétitivité internationale – je rappelle que la compétitivité est une donnée relative, qui s'apprécie toujours au regard de celle des autres. Les études menées par les plus éminents experts le confirment.

Cessez de répéter que cette mesure vise la compétitivité et l'emploi. Dites que vous voulez maintenir ce cadeau aux entreprises. Car c'est bien d'un cadeau qu'il s'agit, puisque cela n'a aucun effet !

La raison que vous avez invoquée pour instaurer cette mesure ne se trouve pas confirmée a posteriori par les évaluations. Vous voulez maintenir ces exonérations, qui coûtent 7 milliards d'euros, alors que, avec une telle somme, on pourrait faire beaucoup, notamment renoncer à quelques mesures antisociales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Je souhaite revenir sur l'amendement n° 1710 rectifié, élaboré avec Départements solidaires, qui vise à apporter une réponse structurelle et durable à la crise financière que traversent les départements.

Je ne reviens pas sur l'explosion des dépenses sociales – RSA, ASE... – qui fragilisent ces collectivités, elles qui assument pourtant la solidarité nationale. Leur modèle financier n'est plus soutenable, et il est donc de notre responsabilité de leur apporter une solution pérenne.

Le dispositif que nous proposons repose sur deux mécanismes équilibrés.

D'une part, il s'agit de transférer aux départements 0,4 point de CSG, soit environ 7 milliards d'euros. Les règles d'assiette et le taux de la CSG demeurent strictement inchangés. Rien ne bouge pour les contribuables.

Ce transfert se fait par une simple réaffectation interne, ce qui permet de donner aux départements une ressource dynamique corrélée à l'évolution économique, donc à même d'accompagner l'évolution de leurs charges. Concrètement, les organismes bénéficiaires de la CSG voient leur part légèrement ajustée de manière strictement proportionnée, sans impact sur les assurés.

D'autre part, pour compenser intégralement cette évolution, il convient de supprimer les exonérations de cotisations sociales au-delà de 2 Smic. Cela représente 7 milliards d'euros d'économies, finançant ainsi à l'euro près le transfert de la CSG, sans peser davantage sur les finances sociales et sans alourdir les prélèvements des ménages.

Mes chers collègues, ces deux mesures sont cohérentes. Elles sont neutres financièrement pour la sécurité sociale et elles sont indispensables pour redonner de l'oxygène aux départements. Elles garantissent à ces collectivités un financement stable, lisible, dynamique, à la hauteur des missions essentielles qu'elles exercent au nom de la Nation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous le voyons bien : nous sommes à la limite de cet exercice budgétaire. Depuis le début de ce débat, nous vous proposons des recettes qui représentent plusieurs milliards d'euros. Vous les avez toutes refusées.

Finalement, les dispositions de tous ces amendements mettent en lumière les difficultés des départements. Ces dernières sont telles que nous en sommes arrivés aujourd'hui à utiliser l'argent de la CSG pour financer les départements. C'est tout de même pitoyable !

Madame la rapporteure générale, je n'ai pas bien compris votre position. Depuis 2021, les départements ne perçoivent plus qu'un impôt direct. Depuis la suppression de la taxe d'habitation, seuls demeurent les DMTO (droits de mutation à titre onéreux). Le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est à la baisse dans les départements.

Vous affirmez donc qu'il faut trouver un impôt nouveau.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il faut tout revoir ! Tout est à inventer !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous pose la question : quel impôt ? Que proposez-vous pour les départements ? Je ne comprends pas bien votre position.

Cela a été rappelé, les départements font face à des charges de plus en plus importantes. Je ne reviens pas sur ce que je répète à l'envi.

Je suis élue du Pas-de-Calais, un département qui a connu les inondations : la région et le département ont dû mettre la main à la poche pour aider les collectivités et les habitants qui se sont retrouvés dans des situations dramatiques. Or le président du conseil départemental l'affirme lui-même aujourd'hui : c'est l'asphyxie généralisée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Cette explication de vote porte spécifiquement sur les amendements qui visent à réserver une part de CSG à différentes politiques publiques.

Tout à l'heure, l'article 12 bis, qui prévoyait le transfert d'une fraction de la CSG affectée à la branche autonomie vers les départements, a été supprimé par scrutin public. Les groupes ont alors exprimé leur position.

Pour notre part, nous soutiendrons les amendements identiques nos 419 rectifié quinquies, 441 rectifié quinquies et 869 rectifié ter, puisque nous étions opposés à la suppression de l'article 12 bis. Nous avons d'ailleurs nous-mêmes continué à déposer des amendements pour réaffecter des fractions de CSG.

Pour autant, je m'interroge. Mme Antoine, comme d'autres ici, s'investit beaucoup en faveur de la protection de l'enfance ; elle souhaite qu'une part de CSG y soit affectée. Dans le même temps, les membres du groupe Union Centriste ont soutenu l'amendement de suppression de l'article 12 bis défendu par Mme la rapporteure générale.

Par conséquent, nous ne voterons pas l'amendement n° 441 rectifié quinquies de Mme Antoine, même si nous en partageons l'objectif – je rappelle que nous sommes favorables à ce qu'une fraction de CSG soit réservée à d'autres politiques sociales dans les départements.

En effet, comment vouloir en même temps réserver une part de la CSG à la protection de l'enfance et voter la suppression d'un article qui prévoit justement qu'une part de CSG soit affectée à l'APA et à la PCH ? Ce n'est pas très cohérent !

Je tenais à exposer officiellement notre position, pour que Mme Antoine n'en prenne pas ombrage eu égard à son engagement en faveur de la protection de l'enfance.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 799 rectifié ter et 1710 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 45 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l'adoption 80
Contre 223

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 800 rectifié ter.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 46 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l'adoption 80
Contre 223

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 1128 rectifié bis.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 47 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 295
Pour l'adoption 92
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 419 rectifié quinquies, 441 rectifié quinquies et 869 rectifié ter.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 48 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 297
Pour l'adoption 96
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 1086 rectifié bis.

(L'amendement, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12 bis, et l'amendement n951 rectifié, les amendements identiques nos 1170 rectifié et 1671 rectifié, ainsi que les amendements nos 1681 rectifié, 1160 rectifié et 1161 rectifié n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 940 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Demande de réserve

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. En application de l'article 44, alinéa 6, du règlement, je demande, au nom de la commission des affaires sociales, la réserve de l'examen de l'article 14, afin que dernier soit examiné juste avant l'article 17.

Ainsi, le Gouvernement pourra présenter à notre assemblée un tableau d'équilibre qui reflétera les conséquences de l'ensemble de nos votes, notamment le transfert de la dette à la Cades, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, proposé à l'article 15.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d'une demande de la commission tendant à réserver l'examen de l'article 14 juste après celui de l'article 16 bis.

Selon l'article 44, alinéa 6, du règlement, la réserve est de droit lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La réserve est ordonnée.

Après l'article 12 bis (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1147, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 14 du chapitre VII du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-41-... ainsi rédigé :

« Art. L. 137-41-.... – Est instituée une contribution de solidarité des actionnaires pour l'autonomie au taux de 2 % assise sur les revenus distribués au sens des articles 108 à 117 bis du code général des impôts, sans faire application du 6° de l'article 112, et des articles 120 à 123 bis du même code. Le produit de cette contribution est reversé à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée à l'article L. 223-5 du présent code. »

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. En 2024, les actionnaires du CAC 40 se sont partagé près de 100 milliards d'euros de dividendes.

Chaque année, au mois de janvier, un nouveau record de dividendes versés aux actionnaires par les grandes entreprises françaises tombe.

Chaque année, ce nouveau record donne lieu à des salves d'indignation, d'un côté, et à des tirs de justification, de l'autre. Cette pluie de milliards viendrait rémunérer une prise de risque des actionnaires qui contribue à financer l'économie…

Par cet amendement, nous proposons d'instaurer une contribution de 2 % sur les dividendes. C'est une obole demandée aux actionnaires pour assurer le financement de la perte d'autonomie. Cette mesure de justice fiscale permettrait de rapporter 2,4 milliards d'euros.

Mme la présidente. L'amendement n° 1655, présenté par Mmes Féret et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 14 du chapitre VII du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-41-... ainsi rédigé :

« Art. L. 137-41-.... – Est instituée une contribution de solidarité des actionnaires pour l'autonomie au taux de 2 % assise sur les revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts.

« Son produit est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. »

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à créer une contribution de solidarité des actionnaires assise sur les dividendes distribués, afin de renforcer durablement le financement de la branche autonomie.

Depuis la création de cette branche, chacun le sait, les moyens n'ont jamais été à la hauteur des besoins. Le rapport Libault de 2019 est sans appel : il faudra 6 milliards d'euros supplémentaires par an dès 2024, puis 9 milliards d'euros à partir de 2030, pour répondre au vieillissement de la population, adapter les établissements, renforcer l'aide à domicile et revaloriser les métiers du grand âge. Aujourd'hui, nous ne disposons pas de ces financements.

Notre système repose sur un pilier essentiel, mais sous-doté : l'accompagnement de la perte d'autonomie. Face à ce constat, il est légitime de solliciter de nouvelles ressources et, en particulier, de faire contribuer le capital au financement de la solidarité nationale.

C'est le sens de cette contribution assise sur les dividendes. Elle ne pénaliserait ni l'investissement productif ni les entreprises en difficulté ; elle s'appliquerait uniquement aux revenus distribués et permettrait de dégager 2 milliards d'euros pour la branche autonomie.

Il s'agit d'une mesure de justice sociale et de responsabilité financière. Pour répondre aux défis du grand âge, nous devons élargir notre base de financement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Je regrette de ne pas avoir d'explication sur ce double avis défavorable…

Voilà très peu de temps – il y a quelques heures à peine –, nous trouvions pratiquement anodin d'allonger le temps de travail, certes rémunéré, des salariés et de les mettre à contribution pour augmenter quelque peu le produit des cotisations.

Quand il s'agit de mettre à contribution les actionnaires et leurs dividendes mirobolants, là, il n'y a plus personne ! Je parle d'une contribution de 2 %. Oui, 2 % : c'est dérisoire !

Qui, aujourd'hui, croit encore que les dividendes viennent alimenter et nourrir l'économie ?

Je ne prendrai qu'un seul exemple, très récent et assez brutal. Dans mon département et le département voisin, un investisseur sans projet industriel, malheureusement, reprend ce qui s'appelait Ascometal jusqu'en juillet 2024, le renomme NovAsco et passe un contrat avec l'État prévoyant que chaque partie apporte 80 millions d'euros.

Si, de son côté, l'État a effectivement injecté cet argent, Greybull, l'investisseur, n'en a mis qu'un million d'euros, avant d'annoncer que le projet ne l'intéressait plus et qu'il allait voir ailleurs. Résultat des courses, cette semaine, nous fermons la dernière aciérie de Moselle ; on perd un site en Meurthe-et-Moselle, un autre dans les Pays de la Loire ; il reste un site à Dunkerque, dans le Nord ; et il y a 550 chômeurs de plus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Avec l'amendement que ma collègue Corinne Féret a présenté, nous avons au moins le mérite de proposer une solution pour alimenter la branche autonomie, dont nous avons largement parlé tout à l'heure.

Mme la rapporteure générale indiquait que les difficultés des départements ne justifiaient pas que l'on baisse les recettes de la branche autonomie ou, en tout cas, que l'on vienne grever le déficit, déjà important.

Nous essayons donc de contribuer à ce débat en proposant des solutions qui nous semblent justes socialement et économiquement, car, à un moment donné, il faudra bien aboutir.

Oui, les départements ont des problèmes. Mais, nous avons eu le débat précédemment, prendre une partie du produit de la CSG pour les aider à financer l'APA et la PCH n'est pas extrêmement satisfaisant.

Avec cet amendement, nous proposons une piste de solution. À tout le moins le Gouvernement aurait-il pu rendre un avis argumenté ou fournir une explication approfondie. Qu'il ne soit pas d'accord avec nous, soit ; mais que faire alors, puisque rien ne semble opérant ? Vers quoi devons-nous nous tourner si cette contribution des actionnaires sur les dividendes n'est pas une piste envisagée ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Madame la sénatrice, si je n'ai pas fourni plus d'explications, c'est parce que je m'efforçais de faire avancer les débats, d'autant qu'il s'agit d'une discussion que vous aurez longuement dans le cadre du projet de loi de finances.

Votre amendement vise à instaurer une contribution de solidarité des actionnaires assise sur les revenus distribués. Or ces revenus sont déjà assujettis à une fiscalité importante en l'état du droit. Ils sont soumis, au titre des revenus du capital, au même niveau de CSG que les revenus d'activité, soit 9,2 %, taux auquel s'ajoute la CRDS de 0,5 %.

Par ailleurs, avant d'être distribués comme dividendes, les bénéfices sont taxés comme tels au titre de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, les dividendes et autres revenus distribués sont pris en compte dans le calcul de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont le mécanisme peut entraîner un taux effectif d'imposition au moins égal à 20 %.

Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je tiens à signaler un petit oubli dans votre présentation, madame la ministre : l'introduction de la flat tax, qui, loin d'être un détail, fait partie des nombreux dispositifs par lesquels vous avez effectivement réduit les prélèvements sur le capital.

Même en augmentant la CSG, le prélèvement est de toute façon plafonné. À moins de renoncer à la flat tax, nous sommes dans l'impossibilité d'augmenter le taux de prélèvement, du fait de ce dispositif instauré, lui aussi, sous la présidence de M. Macron.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1655.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1053, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 137-40 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : « et que les revenus professionnels des travailleurs indépendants mentionnés au I de l'article L. 136-4 quand ces derniers sont supérieurs à 2,5 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail ».

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L'assiette de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) était initialement réduite aux revenus d'activité des salariés, en contrepartie de la journée de solidarité, c'est-à-dire de la journée de travail gratuit. La CSA, collectée par les employeurs sur la base d'un travail non rémunéré, a ensuite été étendue peu à peu aux revenus de remplacement.

En conséquence, le rapport Vachey recommandait l'extension aux revenus des indépendants, pour des raisons non seulement d'équilibre de la branche, mais également d'équité.

Cette proposition a été reprise depuis lors par les trois Hauts Conseils dans leur rapport publié en juillet dernier, que tout le monde a sans doute lu. Hier, j'ai dit que l'on ne lisait pas les rapports et je sais maintenant que ce n'est pas le cas !

Conscients cependant de la disparité des revenus des indépendants, nous ne visons, avec cet amendement, que les revenus supérieurs à 2,5 Smic, ce qui correspond peu ou prou, en 2025, aux recommandations du rapport Vachey, lequel proposait de n'assujettir à la CSA que les travailleurs indépendants aux revenus supérieurs à 110 % du premier plafond annuel de la sécurité sociale.

Cette disposition permettrait ainsi de répondre aux besoins de financement de la branche autonomie, à l'heure où celle-ci entre dans une trajectoire déficitaire, tout en évitant une surtaxation des revenus des indépendants, lesquels font l'objet d'écarts importants. Elle pourrait rapporter jusqu'à 160 millions d'euros à la branche.

Mme la présidente. L'amendement n° 1674, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 137-40 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : « et que les revenus professionnels des travailleurs indépendants mentionnés au I de l'article L. 136-4 quand ces derniers sont supérieurs à 3 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail ».

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement, qui avait également été déposé par les députés socialistes et apparentés, vise à assujettir à la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) des revenus qui en sont aujourd'hui exonérés, notamment les sommes allouées aux salariés au titre de l'intéressement, de la participation de l'employeur au plan d'épargne, ainsi que les revenus des travailleurs indépendants, uniquement pour celles et ceux qui perçoivent plus de 3 Smic.

En effet, l'assiette de la CSA est aujourd'hui celle des cotisations patronales d'assurance maladie. Or cette assiette est « percée » : elle n'englobe pas un certain nombre de revenus.

Nous reprenons donc ici la proposition du rapport Vachey d'assujettir à la CSA l'ensemble des revenus redevables de la CSG. Cette modification permettrait d'assujettir les sommes allouées au salarié au titre de l'intéressement, de la participation, de la participation de l'employeur au plan d'épargne et au financement des prestations de protection sociale complémentaire.

Nous proposons ensuite d'assujettir les revenus des travailleurs indépendants, qui en sont exonérés aujourd'hui.

Ces deux mesures rapporteraient respectivement 240 millions d'euros et 360 millions d'euros, soit un total de 600 millions d'euros. Ce n'est pas suffisant, bien sûr, mais nous souhaitons, en proposant ces mesures parmi plusieurs autres, faire contribuer justement et de manière égalitaire au financement du secteur, qui, comme nous venons de le voir à plusieurs reprises, est sous-doté.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pour avoir lu le rapport Vachey publié voilà quelques années maintenant, nous savons que l'extension de la CSA aux travailleurs indépendants est une idée intéressante. J'y vois toutefois deux points d'attention.

D'une part, les travailleurs indépendants nous alertent souvent, eux aussi, sur leur situation économique et leurs difficiles fins de mois.

Mme Annie Le Houerou. Nous ne visons que les revenus supérieurs à 3 Smic !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J'entends bien votre volonté de freiner, en quelque sorte, cette extension, pour ne pas associer tout le monde à l'effort contributif. Mais, justement, ne faudrait-il pas que tous soient concernés plutôt que quelques-uns ?

D'autre part, n'oublions pas que les travailleurs indépendants n'effectuent pas de journée de solidarité. Or les employeurs qui s'acquittent de la contribution de solidarité pour l'autonomie le font en échange de cette journée de solidarité.

Si la solution proposée est intéressante, je considère qu'elle n'est pas aboutie. Il faudrait surtout voir avec les intéressés s'ils ont pleinement la possibilité de s'inscrire dans une telle démarche.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Comme l'a dit Mme la rapporteure générale, la CSA est le pendant de la journée de solidarité. Or nous n'avons pas prévu d'augmenter le nombre de journées de solidarité.

En outre, nous venons de réformer l'assiette sociale des indépendants, pour la rendre plus juste et plus unifiée. En adoptant une telle disposition, nous viendrions tout remettre en question.

Pour ces deux raisons, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1053.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1674.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 538 rectifié bis, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Grosvalet, Guiol, Masset et Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 137-41 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« .... – Est instituée une contribution dont la mission est de financer une partie des besoins de dépense en autonomie. Cette contribution est dénommée contribution pour l'autonomie sur la transmission de patrimoine.

« Son taux est fixé à 1 % sur l'actif net taxable, pour toute transmission de patrimoine supérieure à 200 000 €.

« Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l'article 750 ter du code général des impôts.

« Le produit de la contribution pour l'autonomie sur la transmission de patrimoine créée par le présent article est affectée à la branche mentionnée au 5° de l'article L. 200-2 du présent code. »

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cette proposition émane de ma collègue Guylène Pantel.

La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a été créée pour répondre aux défis du vieillissement de la population et aux besoins croissants d'accompagnement des personnes en situation de dépendance.

La cinquième branche de la sécurité sociale nécessite toutefois des financements pérennes et ambitieux pour garantir des prestations adaptées à nos concitoyens, dans un contexte d'inégalité patrimoniale croissante. Il est juste que les efforts financiers pour soutenir l'autonomie soient partagés, en mobilisant une partie des transmissions de patrimoine les plus importantes.

Aussi proposons-nous, par cet amendement, de créer une contribution sur les transmissions de patrimoine allouée directement à la CNSA. Cette contribution ne s'appliquerait qu'aux successions et donations dont l'actif net taxable dépasse 200 000 euros par bénéficiaire. Le taux de cette contribution serait fixé à 1 % sur l'excédent au-delà de ce seuil.

Ce faible pourcentage représente un effort mesuré, qui n'affecterait pas lourdement les transmissions de patrimoine, tout en répondant à un enjeu collectif crucial.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. C'est un débat qui aura lieu également dans le cadre du projet de loi de finances. D'ailleurs, des amendements ont été adoptés à l'Assemblée nationale pour prendre en compte l'effet des nouveaux modèles de famille sur les successions.

Par ailleurs, l'adoption de cet amendement reviendrait à instaurer un impôt rapportant 2 milliards d'euros supplémentaires, ce qui n'est pas négligeable. Je rappelle que la Cour des comptes a d'ailleurs que notre pays est celui qui prélève le plus dans le cadre des successions.

Par conséquent, l'avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Un prélèvement de 1 % dans les conditions qui ont été définies représente un impôt supplémentaire à hauteur de 2 milliards d'euros. Ce n'est guère supportable, dites-vous. Or 2 milliards, c'est ce que rapporte la journée de travail gratuite des salariés ; 2 milliards d'euros, c'est ce que rapporte le gel des pensions. Autrement dit, pour les personnes concernées, c'est un impôt.

Pourquoi un tel montant deviendrait-il alors insupportable dans les conditions qui viennent d'être exposées ? D'autant que la transmission d'héritage comporte de nombreuses niches fiscales, que les hauts patrimoines savent déjà très bien utiliser, par le biais notamment des donations aux enfants et aux petits-enfants.

Par ailleurs, cette mesure ne toucherait que très peu de personnes, alors même qu'elle rapporterait dans les faits 2 milliards d'euros. Un tel rendement montre bien l'importance des patrimoines ainsi visés.

Mieux vaudrait éviter ces éléments de langage, surtout lorsque l'on oublie de préciser que les transferts de dépenses que vous opérez notamment par le gel de la CSG rapportent la même somme à la caisse, alors qu'ils constituent une sorte d'impôt sur les plus modestes ; je pense notamment aux bénéficiaires du RSA.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 538 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1654 rectifié, présenté par Mmes Féret et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 14 du chapitre VII du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-41-... ainsi rédigé :

« Art. L. 137-41-.... – Est instituée une contribution à la prise en charge des dépenses liées à la perte d'autonomie des personnes âgées.

« Son produit est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

« Cette contribution est due par les gestionnaires des établissements et des services mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'exclusion des établissements et services gérés par des personnes morales de statut public ou privé non lucratif, qui ne prévoient pas de recevoir pour au moins la moitié de leurs places des bénéficiaires de l'aide sociale au sens de l'article L. 113-1 du même code.

« La contribution est assise par établissement ou par service sur le nombre de places non habilitées à l'aide sociale.

« Le montant de la contribution est fixé par décret pris après consultation du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge.

« Elle est due pour chaque année civile. »

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à instaurer une redevance sur les lits non habilités à l'aide sociale dans des Ehpad non majoritairement habilités à cette même aide sociale.

Il s'agit d'un dispositif ciblé, car seuls sont concernés les Ehpad privés commerciaux. Les 9 % d'Ehpad privés non lucratifs et les 1 % d'Ehpad publics minoritairement habilités sont exclus, puisqu'ils le sont souvent pour des raisons administratives et pour financer des rénovations.

Certains groupes commerciaux tirent aujourd'hui des profits importants de leur activité, tout en bénéficiant massivement de financements publics : les forfaits soins des agences régionales de santé (ARS), représentant en moyenne 28 000 euros par lit financé par l'assurance maladie, et les forfaits dépendance des départements. Autrement dit, l'argent public rend possible une partie de ces profits.

Alors que les besoins du secteur sont évalués à 9 milliards d'euros par an d'ici à 2030, nous proposons de créer un nouveau levier de financement pour la branche autonomie : une redevance assise sur les lits non habilités, concentrée sur les structures où la recherche de rentabilité peut conduire à des dérives, parfois dramatiques, pour la bientraitance des résidents.

Par cet amendement, que je vous invite à soutenir, mes chers collègues, nous proposons donc une mesure à la fois de justice, d'équité et de responsabilité.

Mme la présidente. L'amendement n° 1031, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 313-1-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 313-1-3-… ainsi rédigé :

« Art. L. 313-1-3-…. – Une redevance solidaire est appliquée à l'ensemble des établissements relevant du I de l'article L. 313-12 du présent code dont l'autorisation d'activité prévoit un pourcentage de places habilitées à l'aide sociale inférieur à 50 % afin de financer le soutien à l'investissement des établissements médico-sociaux par la branche autonomie. Cette redevance est assise sur une part des bénéfices réalisés par l'opérateur sur la section hébergement, dont le niveau est fixé par décret. Le produit de cette redevance est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Notre amendement a pour objet de créer une redevance applicable aux Ehpad dont l'autorisation d'activité par les pouvoirs publics prévoit un pourcentage de places habilitées à l'aide sociale inférieur à 50 %, afin de financer le soutien à l'investissement des établissements médico-sociaux de la branche.

L'existence d'Ehpad comptant si peu de places habilitées est un frein pour les personnes aux ressources réduites. En effet, les personnes éligibles à l'aide sociale à l'hébergement (ASH) doivent choisir un établissement qui dispose de places habilitées à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale.

Or, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), les Ehpad des grands groupes offrent très peu de places – seulement 19 % – habilitées à l'aide sociale à l'hébergement. Si l'on élargit aux autres groupes privés, ce taux est de 25 %. La moyenne nationale est de 81 %. Ce sont donc les Ehpad publics et associatifs qui font la différence.

L'autorisation d'activité en question permet la perception de dotations publiques issues de la branche autonomie, lui permettant de financer le salaire des soignants au travers de la section soins. Opérateurs publics comme privés peuvent donc en bénéficier à égalité.

Parallèlement, pour les Ehpad qui ne sont pas majoritairement agréés à l'aide sociale, il est possible de fixer librement les tarifs sur la section hébergement. Ce sont ces tarifs, dont les résidents doivent s'acquitter, à partir desquels est dégagée la grande partie des profits.

Par cet amendement, nous proposons de traduire dans la loi l'une des recommandations d'un rapport du Sénat portant sur le versement d'une redevance pour les Ehpad commerciaux, qui manquent donc de places habilitées à l'aide sociale. Les recettes de cette redevance seraient directement affectées au budget d'investissement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Votre amendement a pour objet la création d'une contribution à la charge des Ehpad privés à but lucratif. Nous avons eu, plus tôt dans la journée, des débats sur ce même sujet, mais sous un autre angle ; nous n'allons pas y revenir.

Il convient toutefois de préciser que 33 % des établissements privés à but lucratif sont aujourd'hui en difficulté – ce n'est donc pas l'apanage des seuls Ehpad publics. Ainsi, bien souvent, ils se trouvent exactement dans la même situation. D'ailleurs, il est avéré que les projets d'implantation sont beaucoup moins nombreux sur notre territoire.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Même avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Certes, tout le monde peut être en difficulté. Mais les établissements privés à but lucratif ne disposent que de 19 % de places habilitées à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, alors que, dans les Ehpad publics, ce taux est de 93 %. En outre, ces derniers ne peuvent augmenter les tarifs de l'hébergement, puisque cette habilitation limite, à juste titre, les tarifs proposés. Par conséquent, pour les difficultés des établissements, c'est comme pour la pauvreté : il faut en considérer l'intensité !

J'ajoute que, si les Ehpad publics souffrent, c'est aussi en raison de la ligne d'équilibre des comptes des collectivités territoriales. Nous avons, précédemment, évoqué les départements.

Par conséquent, les difficultés ne sont pas les mêmes entre un Ehpad qui ne dispose que de 19 % ou 25 % de places habilitées à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, avec toute liberté de déterminer les tarifs pour le reste, par rapport à un établissement public ou associatif dont 93 % des places sont habilitées.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1654 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1031.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1030 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1663 est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° De cotisations intégralement à la charge de l'employeur assises sur les revenus d'activité tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations définies à l'article L. 242-1 du présent code dont le taux est fixé par décret. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1030 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. Alors que la loi sur l'autonomie et le grand âge promise par le Gouvernement depuis plusieurs années ne voit toujours pas le jour, la branche afférente reste dotée de moyens largement insuffisants pour faire face aux immenses défis de la prévention de la perte d'autonomie fonctionnelle, tant des personnes âgées que des personnes en situation de handicap : besoin de dizaines de milliers d'embauches et d'une hausse sensible du taux d'encadrement dans les services et établissements, réforme des services autonomie, revalorisations salariales…

Le rapport Libault préconisait de mettre à profit la fin programmée des besoins de remboursement de la dette sociale pour flécher le produit de la CRDS vers le financement de l'autonomie. Or l'état actuel des soldes de la sécurité sociale et la reprise de la dette covid par la Cades en 2020 laissent craindre que la CRDS ne puisse finalement pas servir à cette fin.

La nécessité d'augmenter sérieusement les recettes de la branche autonomie pour baisser le reste à charge des ménages et financer de réelles politiques de prévention, ainsi que l'impossibilité de réorienter à moyen terme la CRDS vers la branche autonomie sont établies.

En conséquence, cet amendement tend à créer une cotisation affectée à la branche autonomie, reprenant ainsi une proposition du Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son avis du 26 mars 2024 Soutenir l'autonomie : les besoins et leurs financements, qui recommandait la création d'une cotisation affectée à la perte d'autonomie, estimant le gain à 16 milliards d'euros.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l'amendement n° 1663.

Mme Monique Lubin. Avec cet amendement, nous proposons, pour financer la branche autonomie, de relever la contribution de solidarité pour l'autonomie acquittée par les entreprises, de 0,3 % à 0,6 %.

Ma collègue vient d'expliciter les besoins de la branche autonomie. Il n'est pas besoin de s'étendre sur le sujet, dont chacun connaît les tenants et aboutissants.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je comprends votre recherche de financements pour l'autonomie, mesdames les sénatrices. Comme nous l'avons dit au tout début de nos débats, face à la transition démographique, l'enjeu est de savoir comment nous finançons cette branche dans le cadre de notre modèle social. Cependant, votre proposition renchérirait de 7,5 milliards d'euros le coût du travail, ce qui me paraît trop important.

J'émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1030 rectifié et 1663.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1151, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3133-7 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3133-7. – Une journée de solidarité des actionnaires est instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap, sous la forme d'une contribution assise sur les revenus mentionnés aux articles 108 à 117 bis et 120 à 123 bis du code général des impôts.

« Le produit annuel de cette contribution équivaut au moins à une journée moyenne des salaires brut versés en France la même année. Il est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée à l'article L. 223-5 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Mes chers collègues, l'amendement que je vous présente n'est pas de notre propre inspiration.

Au contraire, nous avons suivi l'exemple de ceux qui ont eu l'idée…

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. La bonne idée !

M. Gérard Lahellec. … d'instaurer le travail gratuit pour des salariés. Ainsi, puisque nous sommes capables d'imaginer une telle gratuité au nom de la solidarité, rien ne s'oppose à ce que l'on envisage une journée de solidarité pour les actionnaires. (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Tel est l'objet de cet amendement.

Il est vrai que nous avons pris du retard sur ce que je ne qualifie jamais, pour ma part, de vieillissement de la population ; je préfère évoquer l'allongement de l'espérance de vie, qu'il faut financer, c'est indéniable.

Comme cela a été rappelé à l'instant, dès 2019, le rapport Libault sur la concertation sur le grand âge et l'autonomie évaluait les besoins en cause à 10 milliards d'euros. S'il fallait les actualiser aujourd'hui, il faudrait sans doute doubler ce montant.

Par conséquent, étant donné que, en 2024 les actionnaires du CAC 40 se sont partagé près de 100 milliards d'euros de dividendes, nous pourrions, avec cette journée de solidarité, dégager des financements pour adapter notre société à l'allongement de l'espérance de vie.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol. Allez, surprenez-nous un peu ! (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Stéphanie Rist, ministre. Même avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Je souhaitais revenir sur cette proposition, ainsi que sur la précédente, qui portait sur les 2 % de contribution sur les dividendes.

Ces mesures peuvent sembler relever de la provocation, voire de la plaisanterie, mais il n'en est rien. Je relève d'ailleurs que, sur ces deux points, nous n'avons pas pu entendre vos propres arguments, madame la rapporteure générale, madame la ministre.

Il ne s'agit pas du tout de blagues ! Au contraire, ces propositions sont parfaitement le miroir, comme vient de l'expliquer mon collègue Gérard Lahellec, de mesures prises dans d'autres domaines ou pour d'autres catégories de la population. En effet, l'idée est bien de mettre tout le monde à contribution, selon le leitmotiv de nos débats.

Madame la ministre, vous disiez tout à l'heure que, puisque les capitaux étaient déjà imposés, nous n'allions pas en rajouter. Or les travailleurs que l'on veut faire travailler encore un peu plus sont, eux aussi, déjà imposés. Il s'agit bien de contributions supplémentaires.

En résumé, personne ici n'est dupe de la nature du débat et de notre confrontation. Je préfère cependant que les choses soient dites clairement. Nous sommes opposés sur notre vision du monde et de la place que chacun peut et doit y occuper.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je ne vois pas pourquoi une journée de solidarité de la part des actionnaires serait une blague.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Personne n'a dit cela !

Mme Anne Souyris. Cela semble certainement beaucoup plus raisonnable que d'imposer, tout à coup, au débotté, des journées supplémentaires de travail, sans dialogue avec personne.

La question de la solidarité des actionnaires, qui n'a pas encore été posée, est bien plus sérieuse, et j'aimerais que nous nous en saisissions de manière réfléchie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. La CSA est fort modeste, puisqu'elle représente 0,4 % de la taxe sur les employeurs ; elle est donc supportable. Je précise également qu'elle est collectée et versée.

Je voudrais revenir sur l'augmentation d'une heure de la durée hebdomadaire de travail. Il convient de reconnaître, quand on annonce une grande avancée, un grand compromis, que nous allons le payer.

En France, heureusement, une grande partie des travailleurs – pas tous, cependant – sont mensualisés. Si vous offrez aujourd'hui un emploi d'infirmière payé 2 000 euros par mois pour 35 heures de travail hebdomadaire, rien ne vous empêchera, demain, de proposer le même poste pour 36 heures de travail.

De surcroît, la durée du travail n'est pas une obligation ; il s'agit simplement du seuil à partir duquel sont déclenchées les heures supplémentaires. Par conséquent, celui qui, demain, pour le même poste, travaillera 36 heures mensualisées au lieu de 35, se verra privé, en plus, de la rémunération de l'heure supplémentaire.

Ainsi, à l'exception du SMIC, qui est horaire, il n'existe aucune obligation. Par conséquent, bien des heures deviendront gratuites, ce qui n'équivaudra pas à une journée, puisqu'une heure par semaine, sur 45 semaines travaillées, représente bien plus…

Il me semble donc que les actionnaires doivent, eux aussi, apporter une contribution gratuite.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Qu'est-ce qu'un actionnaire ? C'est une personne qui investit dans une entreprise. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Laurence Rossignol. Un salarié aussi !

M. Patrick Kanner. 100 milliards d'euros de dividendes !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est la définition d'un actionnaire, mes chers collègues.

Vous ne pensez qu'aux actionnaires du CAC 40, ceux qui perçoivent une grande partie des bénéfices, les milliardaires. Pour ma part, je vous parle de la majorité d'entre eux, c'est-à-dire des petits actionnaires. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Ainsi, un actionnaire apporte des moyens pour qu'une entreprise puisse se créer, se développer, mettre en œuvre des projets d'avenir. Toutes les sociétés ne versent pas des dividendes très importants, mais je sais très bien que ce sont celles qui le font que vous ciblez.

Pour ma part, je connais beaucoup de petits actionnaires. Comment les mettriez-vous à contribution ?

S'agissant du fond de votre proposition, vous faites reposer votre raisonnement sur les revenus que celle-ci pourrait rapporter. Or le cadre n'en est pas très bien défini, et c'est là le problème. Vous avez demandé si nous étions au concours Lépine. Non, tel n'est pas le cas : il faut être précis et proposer un dispositif qui puisse fonctionner et être compris par l'ensemble de nos concitoyens, ce qui n'est pas le cas de votre mesure.

Vous exposez une idée, que je respecte. D'ailleurs, il n'est pas certain que les actionnaires refuseraient de participer à une journée de solidarité. Toutefois, en l'occurrence, cet amendement est inapplicable ; d'où notre avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1662 rectifié, présenté par Mmes Conconne et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section XVIII du chapitre III du titre premier de la première partie du code général des impôts est ainsi rétablie :

« Section XVIII

« Contribution additionnelle à la charge de certains établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif

« Art. 235 ter ZB. – I. – Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes mentionnés au I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles gérés par un organisme de droit privé à but lucratif sont assujettis à une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés dont le taux varie en fonction du niveau de leur rentabilité financière.

« La contribution additionnelle correspond à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219 du présent code, au titre du dernier exercice clos.

« Elle est égale à 20 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature, lorsque le résultat net de l'établissement est supérieur à 10 % du montant des capitaux propres de l'entreprise. Le taux est porté à 30 % lorsque le résultat net est supérieur à 15 % des capitaux propres.

« Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, la contribution est due par la société mère. Elle est assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.

« II. – La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés avec les mêmes garanties et les mêmes sanctions.

« III. – Le produit de la contribution est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie définie à l'article L. 223-6 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1662 rectifié est retiré.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1158, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une contribution spécifique est prélevée sur les revenus générés par les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif, dont le taux et l'assiette sont définis par décret. Les recettes sont directement affectées à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Cet amendement tend à mettre à contribution les Ehpad privés à but lucratif. Depuis la publication du livre Les Fossoyeurs par le journaliste Victor Castanet, les dysfonctionnements de la gestion de ces établissements ont été mis en lumière.

Personnels précarisés, résidents délaissés, subventions publiques détournées : autant de comportements répréhensibles, indignes de la prise en charge de nos aînés et qui posent la question de l'existence d'un secteur lucratif dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Cet amendement vise à mettre à contribution les dividendes des Ehpad privés à but lucratif, au bénéfice des Ehpad publics et privés non lucratifs.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 1319 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1664 est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est institué une contribution assise sur le résultat fiscal des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif, déterminé conformément aux dispositions du code général des impôts. Le taux, les modalités de liquidation et les règles de recouvrement de cette contribution sont fixés par décret. Son produit est intégralement versé à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1319.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le scandale Orpea a montré que de grands groupes privés ont joué sur les forfaits soins et hébergement pour détourner des fonds publics. L'État a ainsi réclamé 55 millions d'euros à Orpea – c'était un minimum –, des sommes qui ont manqué à la sécurité sociale et à la branche autonomie, dont la trajectoire est déficitaire.

Prévenir les dérives du secteur privé lucratif dépend du contrôle mis en œuvre contre les détournements, une condition indispensable si l'on veut recouvrer les sommes sur le résultat fiscal des Ehpad.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour présenter l'amendement n° 1664.

M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à créer une contribution assise sur le résultat fiscal des Ehpad privés à but lucratif, au profit des Ehpad publics.

Comme nos collègues l'ont rappelé, Victor Castanet, dans son livre, a fait la lumière sur les pratiques scandaleuses du groupe Orpea, lesquelles, malheureusement, sont observées encore aujourd'hui dans bien des structures privées. Je pense, notamment, au rationnement des couches et de la nourriture ou au fait de laisser des personnes âgées plusieurs heures sans soins d'hygiène, sans oublier l'absence de douche pendant des jours, voire des semaines, en pleine période estivale.

Pendant ce temps-là, les profits ont explosé : entre 2008 et 2018, les dividendes versés par Orpea ont été multipliés par vingt, passant de 4 millions d'euros à 80 millions d'euros.

Malheureusement, Orpea n'est pas le seul groupe concerné. Ainsi, sur le temps long, entre 1985 et 2015, le nombre global de places en Ehpad a augmenté de 85 %, bondissant de 560 % dans le seul secteur privé lucratif.

En outre, lorsque nous comparons ce dernier secteur au public, les ratios sont édifiants, puisqu'il comporte 23 % de personnel soignant en moins tout en imposant des coûts en hausse de 44 % pour les familles, ce qui est absolument insupportable pour nombre d'entre elles, à plus de 2 600 euros par mois en moyenne.

Nous proposons donc de surtaxer les Ehpad privés à but lucratif pour aider les Ehpad publics et lutter contre la financiarisation de services essentiels, dont nos aînés et leurs familles sont les premières victimes.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Nous avons déjà eu ce débat. J'émets un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Madame la rapporteure générale, madame la ministre, sur un sujet aussi important que celui de l'équité de l'offre de soins et d'accueil dans notre pays, vos réponses me semblent quelque peu rapides. Peut-être le véhicule législatif vous paraît-il inadéquat ?

Au problème des Ehpad publics, j'ajouterai celui des Ehpad gérés par le secteur associatif non lucratif, qui rencontrent aujourd'hui les mêmes difficultés, partout en France. Il faudrait donc imaginer un dispositif de solidarité entre ces structures, toutes financées, entre autres, par des deniers publics, y compris les Ehpad privés à but lucratif.

Il s'agit aussi d'alléger la charge financière qui pèse sur les départements, lesquels, au travers de l'aide sociale, sont contributeurs des Ehpad publics et associatifs.

Ce véhicule législatif ne vous plaît peut-être pas, mais la problématique est réelle ; je trouve donc quelque peu anormales les réponses trop rapides apportées à la proposition que nous défendons au nom du groupe socialiste.

Mme Pascale Gruny. On a déjà eu le débat !

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Peut-être avons-nous déjà débattu de ces questions, mais aujourd'hui, lorsque nos personnes âgées – nous en avons, toutes et tous, dans nos familles – connaissent une situation de dépendance, ce qui peut aussi arriver quand on est très jeune, il s'agit d'un drame, pour elles comme pour leur famille.

C'est le cas en particulier quand vous n'avez d'autre choix que d'accepter une place dans une structure privée à des prix prohibitifs, quand l'ensemble des enfants et des proches se saignent pour permettre l'accueil de cette personne devenue dépendante, sans autre solution pendant des mois, si ce n'est des années…

Le simple fait d'entendre les réponses laconiques de Mme la rapporteure générale et de Mme la ministre est choquant, non pas tant pour nous que pour ces personnes âgées et leurs familles.

Encore une fois, comme vous l'avez tous reconnu, mes chers collègues, il faut des ressources nouvelles. Nous proposons des pistes, dont les présents amendements font incontestablement partie.

Les acteurs privés ont leur place, mais à condition d'être respectueux des personnes âgées et de leur famille. En réalité, ils emmagasinent des profits sur la détresse de familles qui n'ont pas d'autre choix, faute de solutions publiques à des prix avantageux, ou sur la détresse de millions de concitoyens qui, aujourd'hui, redoutent de finir leur vie seuls, loin de chez eux, dans un lieu inadapté à leur situation de dépendance, faute de moyens.

Nous savons donc bien qu'il s'agit de sujets lourds, qui réclament des financements, et qu'il faudrait une loi Grand Âge, laquelle n'arrive toujours pas. Chaque fois que nous évoquons ce sujet, la décence commanderait au moins de prendre en compte des vécus absolument dramatiques.

Face aux très nombreux témoignages que nous recevons toutes les semaines, nous ne pouvons, bien évidemment, rester insensibles. Au contraire, il faut tout faire pour proposer des solutions. Cet amendement, travaillé avec notre collègue Jean-Luc Fichet, en fait partie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je vais présenter un argument complémentaire en faveur de cet amendement. Nous proposons d'instaurer une contribution sur les bénéfices réalisés par des établissements privés à but lucratif, mon collègue ayant bien rappelé les besoins considérables auxquels nous devons satisfaire, ce que nous ne faisons pas encore, pour prendre correctement nos aînés en charge.

En effet, des établissements privés à but lucratif tirent une part importante de leurs revenus de financements publics, puisque des forfaits soins leur sont versés par les ARS, tandis que les départements apportent leur concours au titre de la dépendance. En somme, c'est l'argent de la solidarité nationale qui leur permet de fonctionner. Or nombre d'entre eux réalisent des bénéfices significatifs.

La question de la juste répartition de ces profits se pose donc tout à fait légitimement. Quand la puissance publique contribue aussi massivement à un modèle économique, il est tout à fait normal qu'une part des bénéfices revienne au financement du bien commun, en l'occurrence de la branche autonomie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je suis frappée par une chose : quand il s'agit de taxer les malades au travers de franchises ou de ponctionner la retraite des personnes âgées, cet hémicycle est pour.

En revanche, quand il s'agit de faire payer, en fonction de leurs bénéfices, des grands groupes qui, non seulement ont maltraité les personnes âgées, mais encore, au travers de la financiarisation de la santé, pillent la sécurité sociale, soudainement, ce n'est pas possible ! Il n'y a même pas d'explication ; nous recevons juste un avis défavorable.

Il y a tout de même un problème de responsabilité politique. Je le demande de nouveau : où est la droite sociale ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Comme l'indiquait à l'instant notre collègue Kanner, le problème se pose partout en France. Toutefois, étant issu des Côtes-d'Armor, un département à dominante rurale, j'observe que l'essentiel de nos Ehpad, sur place, sont publics ou associatifs.

Pourquoi ? Parce que ce qui détermine la solvabilité de ces établissements, c'est le niveau des retraites. Or dans notre ruralité, la majorité des retraités sont issus de l'agriculture. Je puis vous assurer que les efforts du département, en limitant à 10 % l'augmentation du coût journalier , ont eu un effet terrible sur le reste à charge pour les familles.

Par conséquent, l'on ne peut ignorer les plus nécessiteux, qui sont aussi les plus nombreux. Je ne sais si la ressource que nous proposons suffira – ce n'est sûrement pas le cas – à résoudre l'ensemble du problème, mais nous faisons œuvre de solidarité, raison pour laquelle nous la voterons sans réserve.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je n'ai pas la réponse à la question de ma collègue Anne Souyris, qui voulait savoir où était passée la droite sociale. Je crains que nous ne la cherchions encore un certain temps…

Notre débat doit reposer sur un constat : depuis les années 1960 et 1970, le partage de la valeur entre le capital et le salariat a évolué constamment, par différents mécanismes, en faveur du capital. Nous le savons parfaitement. Or une grande partie des problèmes que nous évoquons en matière de déficit de la sécurité sociale tient au fait que celle-ci, avant tout, est adossée à la valeur créée par le salariat et par l'ensemble des travailleurs.

Premièrement, lorsque nous parlons des Ehpad et de l'investissement financier de groupes privés dans ces établissements, nous sommes au cœur de ce sujet. En effet, l'une des raisons de l'évolution du partage de la valeur réside aussi dans les très petits salaires qui se sont généralisés dans la prestation de services, bien plus que dans l'industrie. En d'autres termes, ces groupes réalisent d'autant plus de bénéfices qu'ils s'appuient un système de salaires particulièrement bas.

Deuxièmement, je ne dis pas que ces groupes font toujours un mauvais travail. En effet, s'ils accomplissent un bon travail, ils obtiennent des résultats et réalisent des bénéfices. Je ne confonds absolument pas cette situation avec les scandales précédemment mentionnés.

En revanche, si ces groupes réalisent des bénéfices, c'est aussi parce qu'il existe un système de sécurité sociale dont ils bénéficient pleinement, étant donné qu'ils s'adressent à des personnes en perte d'autonomie. En réalité, ils bénéficient donc deux fois d'un système qui a évolué en faveur du capital.

Par conséquent, taxer leur résultat est parfaitement approprié, surtout au moment où l'on demande un effort important à l'ensemble de la société, compte tenu de l'état des finances publiques. Cette proposition est donc particulièrement légitime.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Bien sûr que ce débat est légitime : personne n'oserait dire le contraire.

Je veux tout d'abord vous répondre, monsieur le président Kanner. C'est la troisième fois que nous abordons ce sujet. Néanmoins, vous n'étiez pas présent lorsque nous l'avons évoqué précédemment.

M. Patrick Kanner. C'est pour cela que je suis venu vous entendre maintenant !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chaque fois que nous examinons une contribution ou une taxe, il est proposé d'en réduire le produit ou de la supprimer.

Nous avons donc déjà eu ce débat, et nous l'aurons de nouveau à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances. Pour autant, je veux vous apporter quelques réponses.

La question que vous soulevez nous touche tous. Nous vivons dans le même monde : nous connaissons tous des personnes âgées, y compris dans nos propres familles – ce sont parfois nos propres parents ! –, auxquelles il faut trouver un établissement susceptible de les accueillir.

Le sujet n'est donc pas prégnant uniquement pour la gauche. Il se pose à tous, sans nuance, et suscite une grande émotion.

Les projets d'Ehpad à but lucratif sont moins nombreux, à cause des scandales qui ont éclaté. Et c'est tout à fait logique : ce qui a été décrit est tout simplement insupportable. Il est donc vrai que le secteur en a pris un coup…

Ces révélations, d'ailleurs, ont été plus ou moins bien vécues par le personnel. Pensons aussi à ces salariés, qui ne sont pas tous auteurs de maltraitance, et qui ne bénéficient pas tous des superprofits dégagés par ces groupes.

Mme Laurence Rossignol. Ils n'en voient pas la couleur !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes bien d'accord.

Ce débat n'a donc rien de nouveau.

Environ 33 % de ces établissements sont en difficulté. La proportion est peut-être moins élevée dans le secteur public, mais la baisse du nombre de projets d'établissements est bien une réalité, liée à cette actualité.

Je souhaiterais que notre débat soit plus nuancé. Le musée du Luxembourg accueille actuellement une exposition d'œuvres de Pierre Soulages. Tout semble tellement noir, ici, que l'on se demande s'il est bon de rester dans ce pays ! J'en suis quelque peu heurtée. Finalement, pendant l'examen du PLFSS, l'exposition Soulages, c'est aussi dans cet hémicycle !

M. Dantec se demandait où est passée la droite sociale depuis les années 1970. Pour ma part, j'ai parfois l'impression d'entendre des discours tirés du XIXe siècle – les patrons contre les ouvriers ! (M. Ronan Dantec lève les bras au ciel.) Nous avons tout de même un peu évolué depuis Émile Zola et Victor Hugo ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n'est pas ce que nous disons !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous invite à réécouter nos débats, car c'est bien l'impression que l'on en retire. Faisons preuve d'un peu de nuance. (M. Vincent Capo-Canellas et Mme Nadia Sollogoub applaudissent.)

Nous aimons notre pays. Dans l'ensemble, nos concitoyens se comportent très bien. Mais il faut aussi que l'économie fonctionne pour que notre pays dégage des revenus et que chacun puisse s'épanouir.

Nous n'avons pas les mêmes orientations économiques ni politiques. Je comprends que vous soyez un peu frustrés que nous n'acceptions pas vos amendements, mais c'est le choix de la majorité.

Mme Laurence Rossignol. Ce n'est pas nous qui sommes frustrés !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce choix, vous avez aussi dû le faire à l'époque où vous étiez majoritaires, au Sénat comme à l'Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Mon intention était de faciliter l'avancée du débat : puisque nous avions déjà eu cette discussion, je n'ai pas cru nécessaire de développer l'avis du Gouvernement. Veuillez m'en excuser.

Les auteurs de ces amendements souhaitent instituer une contribution, en partant du postulat qu'un Ehpad lucratif risquerait de mal utiliser ses ressources.

J'ai rappelé les risques inhérents à la financiarisation. Nous nous sentons tous concernés par ce sujet. Des lois ont d'ailleurs été récemment votées pour la combattre.

Désormais, les Ehpad devront mettre en œuvre une comptabilité analytique, qui fera l'objet d'une attestation d'un commissaire aux comptes et qui retracera notamment l'utilisation des fonds publics.

En outre, l'intégralité du budget des Ehpad sera soumis au contrôle de l'inspection générale des affaires sociales, de l'inspection générale des finances et de la Cour des comptes. Si les excédents ne sont pas justifiés, il sera possible de réduire les dotations.

Enfin, nous avons augmenté le montant des sanctions applicables aux Ehpad, qui sont passées de 1 % à 5 % du chiffre d'affaires.

Ainsi, des mesures ont été prévues pour répondre au risque que soulèvent ces amendements, auxquels je suis donc défavorable.

Par ailleurs, il est ici question d'un secteur dont la rentabilité moyenne est de 4 % à 5,5 %. Les articles suivants du PLFSS nous donneront l'occasion de parler de secteurs dont la rentabilité atteint 25 % à 30 %. Il faudra là encore se montrer vigilants.

Mme Émilienne Poumirol. Nous le serons !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1158.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je ne peux m'empêcher de répondre aux arguments de Mme la rapporteure générale : sa réponse me semble située à des années-lumière de notre débat !

Revenons, si vous le souhaitez, au temps d'Émile Zola : la sécurité sociale n'existait pas, non plus que cet accord, rassemblant la droite jusqu'aux communistes, pour une mutualisation adossée à un salariat, auquel des droits avaient été garantis, de même que des revenus en augmentation. Revenons à Zola : mais alors, le débat n'est plus le même.

Madame la ministre, la réponse que vous nous avez apportée est très éloignée de nos propos. Permettez-moi de m'expliquer.

Dans un monde où le partage de la valeur entre salariat et capital n'est plus le même, quand on observe un résultat financier capitalistique, lié à un environnement où l'argent public joue un rôle clé au travers de la mutualisation de la sécurité sociale, et dans un contexte de tension financière, nous proposons d'établir une contribution sur ce revenu. Il ne s'agit en rien de rendre plus difficile l'exploitation des établissements !

Selon nous, une telle mesure correspond à la vision que partageait, autrefois, la droite sociale : il était normal qu'une partie des profits générés bénéficie à l'environnement dont ceux-ci provenaient. De cette manière, tout le monde était gagnant.

Or, à cette époque du gagnant-gagnant, vous proposez aujourd'hui d'opposer un système qui fait, d'un côté, des gagnants, et de l'autre des perdants : les gagnants sont les détenteurs du capital, et les perdants les salariés, notamment les plus modestes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous ne sommes plus au XIXe siècle, certes, mais il est un domaine dans lequel nous revenons en arrière. Pour une fois, je n'ai pas de chiffres à vous donner, mais dans son excellent livre Le capital au XXIe siècle, Thomas Piketty explique que nous revenons peu à peu aux inégalités patrimoniales du siècle précédent !

Je vous ai donné des chiffres plus tôt : Thomas Piketty montre bien la place que prend l'héritage patrimonial dans les revenus et les transmissions. Or cela n'est ni plus ni moins que le modèle d'une société de rente !

En refusant nos propositions, vous contribuez finalement à nous faire sortir de la société du XXe siècle, dans laquelle, dès lors que l'autofinancement était possible, on ne prélevait pas de dividendes pour investir. Aujourd'hui, il y a directement un arbitrage entre les dividendes et les investissements : si les résultats ne sont pas au rendez-vous, on puise dans les réserves des grands groupes !

Ainsi, si l'on s'en tient aux inégalités patrimoniales, nous revenons bien au siècle précédent.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. En défendant cet amendement, je veux aussi défendre Pierre Soulages. (Sourires.) Tout d'abord, je veux rappeler qu'il y a de la lumière dans l'œuvre de Soulages : il y en a même beaucoup !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Gérard Lahellec. Ensuite, il y a chez Soulages une volonté de dépassement, qu'il désignait sous l'expression d'« Outrenoir », ce qui n'éteint d'ailleurs pas la lumière… (Mme Cathy Apourceau-Poly sourit.)

Mes chers collègues, la différence entre Soulages et nous, c'est que lui est parvenu à opérer ce dépassement, et que nous n'y sommes pas encore tout à fait. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Monsieur Dantec, vous avez fait preuve de sagesse dans votre première intervention, mais un peu moins dans la seconde, en attaquant le gaullisme social. (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Ronan Dantec. Je ne l'attaquais pas !

M. Laurent Somon. Vous disiez que certains d'entre nous semblaient avoir perdu leurs valeurs : je vous rassure, il n'en est rien.

Tout d'abord, personne ne reviendra sur les conclusions de l'affaire Orpea, qui a été une révélation pour certains établissements. Mais de là à mettre tous les Ehpad dans le même sac, n'exagérons rien. Ce n'est pas l'arbre qui cache la forêt.

Pour autant, en tant que président de département, j'ai eu l'occasion de contrôler des établissements publics. Certains n'offrent pas non plus des conditions d'accueil mirobolantes, pas nécessairement à cause du personnel, mais en raison, par exemple, de l'état du bâti.

Je ne veux donc pas opposer le public au privé, comme vous le faites régulièrement. Il me semble au contraire que, de même que pour l'école, les établissements publics et privés sont complémentaires.

Mme Laurence Rossignol. Non, non, non !

M. Laurent Somon. Ce que vous n'avez pas dit, en revanche, c'est que le contrôle de ces établissements, y compris publics, est insuffisant. Nous avons été les premiers à en subir les conséquences.

En effet, la double tutelle des départements et de l'ARS limite l'efficacité de l'action en matière de contrôle et d'amélioration des conditions de ces établissements.

Or ce qui est essentiel – et vous l'avez tous dit –, c'est bien la qualité de la prise en charge et l'accessibilité financière. Nous devons avant tout nous demander comment répondre aux besoins de la personne accueillie. C'est en tout cas la question qui prévalait lorsque je menais mes politiques au niveau départemental. Il ne s'agit pas de savoir qui fait quoi, mais comment rendre le meilleur service possible, tout en contrôlant, parfois, l'utilisation des aides publiques au regard de la qualité de service.

Évitons d'opposer systématiquement une droite purement libérale à une gauche strictement tournée vers le secteur public. Une complémentarité est nécessaire.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout à fait.

M. Laurent Somon. C'est vrai pour les services de santé. Mme la ministre l'a dit : le risque contre lequel nous devons tous nous battre, c'est la financiarisation.

En outre, je vous rappelle qu'il y a aussi une inégalité en matière d'impôts. Comme l'a souligné M. Dantec,…

Mme la présidente. Cher collègue, il faut conclure.

M. Laurent Somon. … les bénéfices sont imposés au titre de l'impôt sur les sociétés.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. M. Somon a déjà dit le fond de ma pensée. Il y a tout de même un raccourci à faire du privé le diable tout droit sorti des ténèbres, et du public la perfection auréolée de lumière ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Ronan Dantec. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Olivier Henno. Cela me paraît un peu simpliste et rapide.

Sur le terrain, il nous arrive à tous de visiter des maisons de retraite remarquablement gérées.

La situation est plus complexe que vous ne la décrivez, car il faut distinguer le privé lucratif du privé non lucratif. De même, parfois, dans le public, des établissements peinent à recruter du personnel, et l'accueil n'est pas toujours exemplaire. C'est la réalité ! Ne jugeons donc pas les établissements en fonction de leur statut – public ou privé –, mais selon la valeur qu'ils apportent aux personnes accueillies.

Vous vous demandez où est passée la droite sociale. Depuis le début de ces débats, pour ma part, il me semble qu'il y a un grand disparu : c'est la gauche de gouvernement ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Jean-Baptiste Lemoyne sourit. – Mme Pascale Gruny et M. Bernard Pillefer applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Je veux réagir aux propos sur la complémentarité entre le public et le privé, car j'avais pris soin de rappeler que nous n'avions pas d'hostilité radicale à l'égard du secteur privé.

Le premier postulat, lorsque l'on parle de complémentarité, notamment pour l'école, c'est la liberté de choix du citoyen. Or, aujourd'hui, quelle liberté ont nos concitoyens dans le choix d'une solution d'hébergement pour leurs proches âgés, qu'elle soit publique ou privée, à but ou non lucratif ? Strictement aucune !

Ces citoyens et leurs familles sont captifs. Et ils subissent, de surcroît, des prix devenus inaccessibles : dans le privé, le coût moyen mensuel atteint 2 600 euros par mois, contre moins de 2 000 euros dans le public. Aujourd'hui, quelle famille peut se permettre de telles dépenses ?

Dans le même temps, le taux d'encadrement dans les établissements privés est inférieur de près de 23 % à celui des Ehpad publics. Les difficultés de recrutement y sont aussi plus importantes, parce que les conditions de travail y sont plus dégradées.

Je le dis donc à nos collègues de la droite sénatoriale : il ne s'agit pas d'opposer le public au privé. Cependant, dans le public, les difficultés sont principalement liées à un problème de recettes, tandis que dans le privé à but lucratif, le problème provient de la ventilation des dépenses.

En l'espèce, considérons-nous que la priorité est de donner aux Ehpad des moyens pour nourrir et prendre soin de nos aînés, ou d'augmenter les dividendes des actionnaires ? Ce sont bien là les arbitrages. J'espère donc que, sur ce point, nous saurons tomber d'accord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. La question que j'ai posée sur la droite a eu un certain succès. Mais ce n'était pas un gros mot : en réalité, j'attendais précisément la réaction inverse, à savoir un sursaut de la fibre de la droite sociale, dont je sais qu'elle existe encore dans cet hémicycle. Seulement, je ne l'entends pas s'exprimer.

Vous nous demandez où est la gauche de gouvernement. J'ignore ce que vous entendez par là. L'expression « de gouvernement » m'évoque celle de « responsabilité ». Pourtant, dans un contexte où la sécurité sociale se porte très mal, quand nous proposons de prélever les bénéfices de grands groupes, au travers d'une taxe exceptionnelle, qui plus est, vous criez haro sur une telle taxe – au prétexte que celle-ci mettrait à mal les grands groupes, les traînerait dans la boue et nous renverrait à l'époque de Zola… Qui, parmi nous, est caricatural ?

Parmi ceux qui défendent ces taxes, de ce côté-ci de l'hémicycle, personne n'a exprimé de tels arguments. En revanche, vous ne vous en privez pas !

M. Laurent Somon. Nous n'avons pas dit cela !

Mme Anne Souyris. Nous voulons faire preuve de responsabilité. Il n'est pas question de diaboliser qui que ce soit. Prenons nos responsabilités, ensemble. C'est le sens de cette taxe.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1319 et 1664.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article 12 ter (nouveau)

Au premier alinéa de l'article L. 114-17-1-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « peut procéder » sont remplacés par le mot : « procède ».

Mme la présidente. L'amendement n° 626, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'article 12 ter, introduit par l'Assemblée nationale, tend à automatiser l'annulation des cotisations prises en charge par l'assurance maladie au bénéfice des professionnels de santé coupables de fraude.

La commission partage bien entendu l'objectif de renforcer la lutte contre la fraude des professionnels de santé. Dans le PLFSS pour 2024, nous avions d'ailleurs soutenu la mise en place du dispositif d'annulation des cotisations sociales.

Néanmoins, sur le fond, nous considérons que l'automaticité de cette procédure priverait les caisses d'assurance maladie de marges de manœuvre pour appliquer les sanctions de façon proportionnée.

Sur la forme, nous avons examiné la semaine dernière le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Nous débattrons sous peu de plusieurs autres articles introduits par l'Assemblée nationale, lesquels auraient davantage leur place dans ce projet de loi qui doit y être examiné prochainement. Leurs auteurs pourront ainsi déposer une nouvelle fois ces amendements au sein de ce projet de loi.

Je vous invite donc à adopter cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. J'ai émis un avis de sagesse sur l'amendement à l'origine de cet article lors de l'examen du PLFSS à l'Assemblée nationale, en précisant que nous souhaitions plutôt l'inscrire dans le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes, qui n'avait pas encore été transmis.

Par cohérence, je maintiens cet avis de sagesse sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Il est vrai que, lorsque cet article a été introduit par l'Assemblée nationale, le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes n'avait pas encore été transmis aux députés, le Sénat l'ayant examiné en premier. C'est la raison pour laquelle cet article a été créé.

Dans le projet de loi contre les fraudes, nous avons voté la suppression de l'exonération partielle des cotisations Urssaf versées par les professionnels de santé qui auraient fraudé : en effet, dans de telles situations, il est bien normal qu'ils n'y aient pas droit !

L'inscription de cette mesure dans le PLFSS n'ajoute pas grand-chose, étant donné que le projet de loi sur les fraudes sera prochainement examiné à l'Assemblée nationale. Pour autant, cette proposition n'est pas inintéressante.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 626.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 ter est supprimé.

Article 12 quater (nouveau)

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du second alinéa de l'article L. 114-19- 1, les mots : « le 31 décembre de l'année en cours » sont remplacés par les mots : « un mois après qu'il a été adressé à l'administration fiscale » ;

2° À la première phrase de l'article L. 613-6, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « qui entrent dans le champ d'application de l'article L. 7342-1 du code du travail ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 627 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 1059 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme le précédent, cet amendement vise à supprimer une disposition introduite par l'Assemblée nationale.

L'article prévoit que, lorsqu'un commerçant vendra des biens et services sur une plateforme, celle-ci précomptera les cotisations dont il doit s'acquitter avant de lui restituer le produit de la vente, puis elle les versera elle-même à l'Urssaf.

La proposition de l'Assemblée nationale tend à exclure de ce dispositif les micro-entrepreneurs qui opèrent sur des plateformes ne fixant pas elles-mêmes les prix des biens et services. Or cela affaiblit le dispositif et va à l'encontre de l'objectif de lutte contre la fraude.

Nous avons déjà débattu sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi de lutte contre les fraudes. Il sera donc étudié une nouvelle fois par les députés, qui pourront déposer un amendement identique dans le texte idoine.

Je vous invite donc à adopter cet amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1059.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le PLFSS pour 2024 a renforcé la lutte contre la fraude sociale en créant un dispositif de précompte des cotisations des micro-entrepreneurs dont l'activité s'effectue via des plateformes.

La disposition était bienvenue, puisque, en 2021, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) 814 millions d'euros de chiffres d'affaires n'ont pas été déclarés par les micro-entrepreneurs, qui alimentent, ce faisant, la dynamique de la fraude, entraînant une perte de cotisations sociales dommageable pour les comptes sociaux, tout autant que pour les droits contributifs de ces travailleurs.

Outre la lutte contre la fraude, la mesure vise donc aussi à protéger les micro-entrepreneurs commerçant sur ces plateformes, en garantissant leurs droits sociaux.

Pourtant, cet article, introduit par amendement à l'Assemblée nationale, recentre la réforme sur les entrepreneurs recourant aux plateformes d'emploi et exclut de son champ les micro-entrepreneurs commerçant sur les plateformes de vente en ligne.

Or ces plateformes sont plus nombreuses et plus communément utilisées. Selon l'Insee, près de 16 % des micro-entrepreneurs immatriculés le sont dans le secteur du commerce, tandis qu'ils sont 9,6 % – une part importante, mais moindre – à effectuer des livraisons.

Ainsi, écarter les micro-entrepreneurs du e-commerce revient à exclure un nombre considérable de personnes de la réforme, sans évaluer, par ailleurs, le manque à gagner pour les comptes sociaux.

Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à supprimer cet article.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 627 et 1059.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 quater est supprimé.

Article 12 quinquies (nouveau)

I. – Au 1° du II de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du a du 2° du III de l'article 18 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, les mots : « aux articles L. 241-13 et L. 241-17 » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 241-13 ».

II. – Le 1° de l'article L. 5134-31 du code du travail est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase, les mots : « , sans qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale » sont supprimés ;

2° La seconde phrase est supprimée.

III. – Les II et III de l'article 31 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 sont abrogés.

IV. – La perte de recettes pour l'État résultant des I à III du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)

Article 12 sexies (nouveau)

Après le premier alinéa de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cependant, les personnes étrangères ressortissantes d'un État non-membre de l'Union européenne ou non-partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui sont titulaires d'un visa de long séjour valant titre de séjour mention “visiteur” sont tenues d'acquitter une cotisation spécifique, dans des conditions fixées par décret, qui subordonne l'ouverture et le maintien de leurs droits à la prise en charge de leurs frais de santé. Ce décret précise les conditions dans lesquelles certaines populations peuvent être exemptées de cette contribution pour assurer le respect des conventions internationales. »

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l'article.

M. Daniel Chasseing. Au nom de Corinne Bourcier, je veux remercier le député François Gernigon, du Maine-et-Loire, qui a soulevé une question plus qu'essentielle : celle de l'équité de notre système de protection sociale.

Actuellement, chacun le sait, les ressortissants extracommunautaires titulaires d'un visa de long séjour peuvent être affiliés à la protection universelle maladie (PUMa), après trois mois de résidence stable et régulière.

C'est le cœur du problème : cette affiliation est possible sans aucune contribution financière. Dans bien des cas, ces ressortissants perçoivent d'ailleurs leur pension à l'étranger et ne sont pas assujettis à l'impôt sur le sol français.

L'article 12 sexies, créé par l'adoption de l'amendement de M. Gernigon, instaure une cotisation obligatoire minimale pour les ressortissants extracommunautaires titulaires d'un visa de long séjour et conditionne l'accès à la PUMa pour ces publics.

Mme la présidente. L'amendement n° 1821, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 380-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 380-2-.... – Sous réserve des dispositions prévues par les règlements européens et des stipulations prévues par les conventions internationales, les personnes résidant en France de manière stable et régulière, n'exerçant pas d'activité professionnelle en France, qui ne sont pas imposables en France en application d'une convention internationale, bénéficient de la prise en charge des frais de santé mentionnée au premier alinéa de l'article L. 160-1 sous réserve de s'acquitter d'une participation financière, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie notre collègue Daniel Chasseing d'avoir rappelé l'objet de l'article 12 sexies, introduit par l'Assemblée nationale.

Nous avons tous été émus par les témoignages d'Américains résidant sur le sol français qui se réjouissaient de profiter, comme tous les assurés sociaux en France, d'un accès aux soins qui leur est assez favorable financièrement, sans payer ni impôts, ni contributions, ni taxes. Cet amendement vise à remédier à cette situation.

Nous avons accueilli favorablement l'introduction de cet article par l'Assemblée nationale, tout en y apportant quelques modifications. Nous avons quelque peu récrit le dispositif pour corriger certaines lacunes rédactionnelles.

Ainsi, les personnes qui devront s'acquitter d'une participation financière pour bénéficier de la PUMa ne seraient plus, en ce sens, les détenteurs de visas de long séjour valant titre de séjour, portant la mention « visiteur », mais les personnes non imposables en France en vertu de conventions internationales.

Cette rédaction peut encore évoluer, car le ministère de la santé a, me semble-t-il, étudié la question.

Il serait en tout cas normal que les ressortissants extracommunautaires ne bénéficient pas d'avantages auxquels ils n'ont pas contribué, d'autant plus lorsque les Français résidant dans leurs propres pays n'y auraient pas droit en retour !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Cet article répond à une problématique réelle, dès lors que la PUMa devient un objet d'optimisation pour certaines personnes qui ne contribueraient pas à la solidarité nationale. L'exemple des retraités américains a été rappelé.

Votre amendement apporte une réponse utile.

Il me semble en revanche qu'il faudrait cibler plus précisément les personnes qui ne sont pas redevables de la CSG, de la CRDS et de la cotisation d'assurance maladie en France.

C'est pourquoi je suis favorable à ces amendements, sous réserve des ajustements que je viens d'évoquer et qui pourront être intégrés au texte au cours de la navette. Ils me paraissent nécessaires pour bien cibler les personnes concernées.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1821.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 sexies est ainsi rédigé.

Article 12 septies (nouveau)

I. – À la première phrase du 7° bis de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « , dans la limite d'un montant fixé par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, » sont supprimés.

II. – Le I du présent article s'applique aux compensations mentionnées au 7° bis de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale qui sont dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2026.

III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I du présent article est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 628 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 1088 rectifié est présenté par Mme Nadille, MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L'amendement n° 1509 rectifié bis est présenté par M. Le Rudulier, Mme Dumont et MM. Khalifé, Rochette, Sido, Naturel, Séné, H. Leroy et Panunzi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 628.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'article 12 septies, également introduit par l'Assemblée nationale, tend à supprimer la possibilité pour le Gouvernement de minorer la compensation des allégements généraux de cotisations patronales versée à l'Unédic, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Nous avons déjà parlé de cette question, Mme Puissat ayant déposé un amendement ayant le même objet lors de l'examen du PLFSS pour 2025, que le Sénat avait adopté.

Par cet amendement, nous proposons de supprimer cet article, qui revient à verser 4,1 milliards d'euros à l'Unédic, au détriment de la sécurité sociale. Mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement, car une telle aggravation du déficit ne nous permettrait pas de rester « dans les clous ».

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l'amendement n° 1088 rectifié.

M. Dominique Théophile. Il est défendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l'amendement n° 1509 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Il est également défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. En effet, nous ne pouvons pas nous permettre d'infliger un manque à gagner de 4,1 milliards d'euros à la sécurité sociale en 2026. Le Gouvernement émet un avis favorable à ces trois amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Je l'ai souvent rappelé, nous avons deux objectifs : défendre certains principes, certes, mais aussi sauver notre sécurité sociale. Les travaux de la commission des affaires sociales permettent d'à peu près maîtriser le déficit, même si beaucoup reste à faire.

Je soutiens ces amendements, mais, monsieur le ministre, nous devons absolument avoir une discussion sur ce sujet. J'envisage de déposer durant le PLF un amendement qui vise à faire cesser les ponctions de l'Unédic, car celle qui avait été proposée a tout de même été assez dramatique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Pour notre part, nous soutenons l'article 12 septies, qui prévoit de supprimer la possibilité pour l'État de dégrader les comptes de l'Unédic en ne compensant pas le coût des allégements généraux.

Ce dispositif, adopté lors de l'examen du PLFSS pour 2024, est une mesure contraire au principe de gestion paritaire de l'Unédic. Il suscite une forte opposition des partenaires sociaux.

En ne compensant pas les exonérations de cotisations patronales d'assurance chômage, l'État est à l'origine d'un manque à gagner de 2,6 milliards d'euros pour l'Unédic en 2024. Si l'article était supprimé, ce manque à gagner atteindrait 4,1 milliards d'euros en 2026.

La démocratie sociale a besoin de la mise en place d'une véritable autogestion par les travailleurs, ou au moins d'une gestion paritaire. Alors que les caisses de la sécurité sociale étaient initialement gérées à 75 % par les travailleurs, la place du patronat dans leur gestion a pris de plus en plus de place ; nous sommes désormais face à la quasi-étatisation de la sécurité sociale.

Bien que cet article ne permette pas de réinstaurer une réelle représentation des travailleurs dans la gestion des organismes de sécurité sociale, il présente toutefois le mérite de s'opposer à l'extension de son étatisation. Pour cette raison, nous sommes favorables à son maintien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. En tout état de cause, les allégements généraux sont insuffisamment compensés non seulement auprès des cinq branches de la sécurité sociale – nous l'avons suffisamment dit –, mais aussi auprès de l'Unédic et de l'Agirc-Arrco, qui ne font certes pas partie du périmètre de la sécurité sociale. C'est alors à la sécurité sociale de payer la sous-compensation des allégements généraux envers l'Unédic et l'Agirc-Arrco.

Souvent, on entend que cette dernière gère très bien son budget, et tout le monde l'érige en modèle. Mais je ne comprends pas pourquoi la sécurité sociale, et la branche vieillesse en particulier – qui, elle, n'est pas un modèle selon les mêmes personnes –, devrait combler la sous-compensation de l'État envers l'Unédic et l'Agirc-Arrco, en plus de celle qu'elle subit déjà.

À la limite, il serait logique que chacun dans son périmètre proteste auprès de l'État contre la sous-compensation des allégements généraux – nous le faisons beaucoup. Pourquoi est-ce aux caisses de la sécurité sociale de compenser ces sous-compensations ? Je vous remercie de m'éclairer.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 628, 1088 rectifié et 1509 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 septies est supprimé.

Article 12 octies (nouveau)

I. – La seconde phrase du 7° de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est supprimée.

II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I du présent article est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L'amendement n° 629, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Depuis la fermeture des régimes spéciaux de la SNCF en 2020 et de la RATP en 2023, leurs nouveaux salariés sont affiliés au régime général. La Cnav et l'Agirc-Arrco, qui perçoivent leurs cotisations, sont tenus de verser annuellement à l'État une subvention d'équilibre pour compenser la prise en charge des pensions de ces régimes.

Le droit prévoit que le montant de cette subvention est défini par une convention, mais que, à défaut d'accord entre la Cnav et l'Agirc-Arrco avant le 30 juin de chaque année, le Gouvernement puisse fixer cette subvention par décret afin d'en assurer le versement, et donc de payer les pensions de retraite.

L'article 12 octies supprime la possibilité, pour le Gouvernement, de fixer cette subvention par décret, ce qui menace le versement des pensions et n'a pas lieu d'être, les régimes de la Cnav et de l'Agirc-Arrco s'étant jusqu'à présent toujours mis d'accord sur le montant de la subvention d'équilibre.

La commission propose donc de supprimer cet article.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. En 2025, un accord a été trouvé sur la compensation que versent l'État et l'Agirc-Arrco à la Cnav, pour assurer la fermeture des régimes spéciaux et ouvrir les droits à la retraite.

Il s'agit de mesures d'équilibre et de sécurité, mais elles sont nécessaires au cas où les partenaires ne parviennent pas à un accord.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 629.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 octies est supprimé.

Article 12 nonies (nouveau)

L'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 35 % » ;

b) Au second alinéa, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 50 % » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) À la fin du 1°, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 35 % » ;

b) À la fin du 2°, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 50 % ».

Mme la présidente. L'amendement n° 630, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer également l'article 12 nonies, car durant l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de Mme Poncet Monge qui a exactement le même objet.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 630.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 nonies est supprimé.

Article 12 decies (nouveau)

Le II de l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale est abrogé.

Mme la présidente. L'amendement n° 631, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'article supprime la réduction de la majoration appliquée aux cotisations redressées en cas de travail dissimulé, à l'encontre de l'équilibre du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales que le Sénat a adopté la semaine dernière.

En conséquence, la commission propose de supprimer cet article.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 631.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 decies est supprimé.

Article 12 undecies (nouveau)

Le II de l'article L. 613-6-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin du 1°, le montant : « 7 500 euros » est remplacé par le montant : « 3 250 euros ».

2° Au 2°, le montant : « 7 500 euros » est remplacé par le montant : « 15 000 euros ».

Mme la présidente. L'amendement n° 632, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Là encore, nous proposons la suppression de l'article, qui va également à l'encontre du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 632.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 undecies est supprimé.

Après l'article 11 septies (amendements précédemment réservés)

Mme la présidente. Les amendements identiques nos 1396 rectifié et 1774 rectifié bis ont été retirés.

L'amendement n° 1103 rectifié bis, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 137-32 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,16 % » est remplacé par le taux : « 0,21 % ».

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement de mon collègue Philippe Grosvalet vise à consolider durablement le financement de notre sécurité sociale, en ajustant légèrement le taux de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), le faisant passer de 0,16 % à 0,21 %.

L'augmentation proposée de 0,05 point est modeste, mais son rendement est important, puisqu'elle permettrait d'encaisser entre 400 et 500 millions d'euros de recettes supplémentaires dès 2025 pour soutenir la branche vieillesse.

Pour les grandes entreprises qui bénéficient déjà largement des baisses de fiscalité et de charges intervenues ces dernières années, un tel ajustement reste proportionné et sans impact sur leur compétitivité ou leurs investissements. Il s'agit d'un effort juste, ciblé et soutenable, qui concourt à rétablir l'équité entre entreprises et à assurer la soutenabilité de notre protection sociale.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission n'approuve pas une telle augmentation de la C3S, qui est tout de même significative. Toutes les entreprises ne sont pas soumises à cet impôt, qui ne s'applique qu'à partir d'un certain niveau de chiffre d'affaires, mais celles qui doivent s'en acquitter verraient une sérieuse augmentation de leurs charges.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Monsieur le sénateur, nous ne disposons pas des mêmes estimations, et les conséquences d'une telle hausse seraient bien trop lourdes : d'un montant total de 1,65 milliard d'euros, cette augmentation de 31 % de la C3S, nous paraît ne pas pouvoir être supportée par les entreprises concernées.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1103 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous reprenons le cours normal de la discussion des articles.

TITRE II

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Article 13

Est approuvé le montant de 5,7 milliards d'euros correspondant à la compensation des exonérations, réductions ou abattements d'assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale, mentionné à l'annexe 4 jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Mme la présidente. L'amendement n° 1187, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à dénoncer deux mouvements : d'une part, la part croissante des exonérations de cotisations sociales ; d'autre part, la part importante d'exonérations qui demeurent non compensées par l'État.

Selon le rapport d'information Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat, le montant total des niches sociales s'élève à plus de 100 milliards d'euros, dont 35 milliards ne sont pas compensés. La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite loi Veil, prévoit un principe de compensation, mais les niches antérieures n'y sont pas soumises.

Par ailleurs, comme le souligne le rapport de mai 2024 de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la non-compensation depuis 2019 de l'exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat puis de la prime de partage de la valeur n'est pas conforme à la loi.

Pour ce qui concerne les allégements généraux de cotisations patronales, la sous-compensation du bandeau maladie est estimée à 5,5 milliards d'euros, en raison de la part de TVA affectée, qui a été mal calculée.

En résumé, nous sommes évidemment favorables à la compensation des exonérations, mais nous voulons souligner que les allégements sont très généreux pour l'État, qui ne compense pas à la sécurité sociale 35 milliards d'euros de cotisations, soit un montant supérieur au niveau du déficit.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Supprimer l'article reviendrait à manquer à une obligation des lois de financement de la sécurité sociale, et donc à entraîner la censure de la totalité du texte. Il serait pour le moins dommage de perdre ainsi tout le travail que nous avons accompli.

L'article ne présente qu'un caractère estimatif et informatif. Nous pouvons de nouveau parler des exonérations sociales, mais cet article n'a pour but que de donner une estimation.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Cet article revêt effectivement un caractère obligatoire au sein de tout projet de loi de financement de la sécurité sociale, conformément aux dispositions de l'article LO. 111-3-4 du code de la sécurité sociale.

L'existence d'un tel article ne sert pas à se prononcer sur l'opportunité de la non-compensation de certaines exonérations, mais plutôt à constater, pour la transparence des débats et la bonne information du Parlement, le montant de la compensation.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : l'essentiel des 85 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales est compensé, et seuls 2,8 milliards d'euros ne le sont pas.

Enfin, toujours dans un souci de transparence, l'évaluation de l'efficacité des exonérations de cotisation fait chaque année l'objet de travaux dédiés, présentés dans des rapports ou dans le deuxième point de l'annexe de chaque projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. L'amendement de nos collègues communistes valait en quelque sorte comme une prise de parole sur l'article. Monsieur le ministre, en citant le chiffre de 2,8 milliards d'euros non compensés, vous parlez des exemptions d'assiette.

Parmi ces 2,8 milliards d'euros, 2,4 milliards d'euros correspondent à des exonérations d'heures supplémentaires, dont le principe a été adopté postérieurement à la loi Veil.

Mme Raymonde Poncet Monge. En 2019, il a donc fallu expressément dire, contrairement aux dispositions de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi Tepa, non seulement qu'on réintroduisait un dispositif inefficace visant à susciter de purs effets d'aubaine, mais aussi qu'on ne le compensait pas.

Vous citez ce chiffre, monsieur le ministre, mais vous omettez de dire que, dans les fameux 85 milliards d'euros que vous mentionnez, figurent les exonérations des allégements généraux, qui s'élèvent à eux seuls à 5,5 milliards. En les additionnant aux chiffres que vous donnez, monsieur le ministre, on perçoit l'étendue du montant que l'État, normalement, est obligé de compenser. Dans cet article, on nous demande d'approuver que l'État ne compense qu'une partie de ce qu'il doit.

Jeudi dernier, le Sénat a voté en faveur d'une extension du dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires, qui ne sera pas compensée – je croyais pourtant qu'il s'était prononcé pour ne pas étendre les niches sociales.

L'année prochaine, le montant correspondant aux exonérations non compensées en raison des heures supplémentaires sera donc supérieur à 2,4 milliards d'euros : nous aurons creusé le déficit de la sécurité sociale.

La seule justification de cet article, c'est que sa présence est obligatoire ; mais ce qu'il prévoit est inacceptable et illégitime.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 14 (réservé)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que l'examen de l'article 14 est réservé après celui de l'article 16 bis.

Article 15

I. – Pour l'année 2026, l'objectif d'amortissement de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale est fixé à 16,4 milliards d'euros.

II. – Pour l'année 2026, les prévisions de recettes par catégorie affectées au Fonds de réserve pour les retraites sont fixées à :

 

(En milliards d'euros)

Prévisions de recettes

Recettes affectées

0

 

Mme la présidente. L'amendement n° 1189, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à supprimer l'article 15, qui fixe les objectifs fixés à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et les prévisions de recettes du Fonds de réserve pour les retraites.

Le Gouvernement a décidé, par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, le transfert de la dette covid à la Cades. Ainsi, le montant que la caisse est censée rembourser a été artificiellement gonflé de 136 milliards d'euros, prolongeant l'existence de la CRDS jusqu'en 2033, pour poursuivre l'amortissement stérile de cette dette.

Le remboursement de la dette sociale prive de ressources la sécurité sociale et immobilise 16,4 milliards d'euros, soit quasiment le niveau du déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base.

La dette qu'il s'agit de rembourser est illégitime, imposée par la droite et gonflée par la Macronie dans le but de servir des intérêts sur les marchés financiers. En 2024, la Cades s'est acquittée de 3,2 milliards d'euros de charges financières. Durant le premier semestre de 2025, les marchés financiers ont déjà coûté 1,4 milliard d'euros à la sécurité sociale.

Les ressources issues des cotisations des assurés sociaux n'ont pas à alimenter les rentes des investisseurs ; elles doivent financer la réponse aux besoins de santé, assurer la prise en charge de la perte d'autonomie, aider les familles et servir les pensions de retraite.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable. L'examen de l'amendement de la commission sur cet article nous fournira l'occasion de développer ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1189.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1870 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 1871 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Après l'alinéa 1

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

II. – Après le II septies de l'article 4 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« II.... – A.- La couverture des déficits de l'exercice 2024 des branches mentionnées aux 1° et 3° de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale est assurée par des transferts de la Caisse d'amortissement de la dette sociale à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale dans la limite de 15 000 000 000 euros.

« Ce montant est affecté à la couverture des déficits de ces branches, au prorata de leur situation nette patrimoniale au 31 décembre 2024.

« B. – Les transferts mentionnés au A interviennent au plus tard le 31 décembre 2026. Leurs dates et montants sont fixés par décret. »

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 1870.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales a examiné cet amendement tardif hier soir. Il est important que je sois très précise, car cet amendement, identique à l'amendement n° 1871 du Gouvernement, est particulièrement important : il vise en effet à transférer 15 milliards d'euros de dettes de l'Urssaf Caisse nationale (anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale, Acoss) à la Cades.

L'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de fixer pour l'Acoss un plafond d'emprunt de 83 milliards d'euros en 2026.

Pour mémoire, lors de la crise sanitaire en 2020, l'Acoss, ne parvenant pas à financer totalement sur les marchés un pic de besoin de 90 milliards d'euros, s'était alors tournée vers la Caisse des dépôts et consignations et un pool bancaire. Il importe donc de sécuriser le financement de l'Acoss.

Selon les indications fournies par la Cades, la fin de l'amortissement de la dette qui lui a été transférée aura lieu vers le milieu de l'année 2032, soit un semestre plus tôt que l'exigence de la loi organique, qui fixe l'échéance du remboursement au 31 décembre 2033.

Il est donc possible, tout en respectant l'échéance organique de 2033, de transférer de l'Acoss à la Cades un certain montant de dette, qui correspond schématiquement à la capacité d'amortissement annuel de la Cades, soit une quinzaine de milliards d'euros. Tel est l'objet de cet amendement.

Le tome I du rapport général de la commission des affaires sociales sur le PLFSS envisage explicitement un tel « petit » transfert. Toutefois, lors de sa rédaction, la commission n'avait pas clairement pris parti, en raison d'une incertitude juridique : nous ne savions pas si les dispositions organiques permettaient de transférer de la dette à la Cades sans augmenter parallèlement ses recettes – mes chers collègues, je vous en ai plusieurs fois parlé.

Cette incertitude juridique a été levée par un avis du Conseil d'État daté d'avant-hier, dont la commission a eu communication hier. Cet avis confirme la possibilité juridique d'un tel transfert, qui ne nécessite pas un apport de recettes.

Cet amendement a pour objet d'accorder à l'Acoss une année de répit, même si sa situation dépend aussi du déficit de la sécurité sociale à la fin de l'année 2026, avant le véritable transfert de dette impliquant de reporter l'échéance de 2033 et donc de réviser l'article 4 bis à valeur organique de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

Ce transfert serait vraisemblablement postérieur à la prochaine élection présidentielle. Son montant pourrait dépasser la centaine de milliards d'euros. Mes chers collègues, je vous rappelle que s'il n'a pas lieu, la dette sociale serait plus importante à l'Acoss qu'à la Cades à partir de 2027.

Pourquoi la commission a-t-elle déposé un amendement en apparence irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution ? Certains d'entre vous pourraient s'étonner que nous disposions tout à coup de la capacité de déposer des amendements occasionnant des dépenses, une augmentation de dette constituant une augmentation de charges, puisque, techniquement, lors d'un transfert de dette de l'Acoss vers la Cades, celle-ci emprunte sur les marchés une somme qu'elle verse à l'Acoss, ce qui occasionne une charge.

Dans le cas présent, l'amendement de la commission est recevable, car le Gouvernement a également déposé un amendement identique. Ce dépôt conjoint permet également à la commission de « couvrir » le Gouvernement, qui ne peut normalement pas déposer au Sénat d'amendements instaurant des mesures entièrement nouvelles.

Mes chers collègues, quelle est la position de la rapporteure générale ? J'ai conduit plusieurs auditions avec les représentants de la Cades et de l'Acoss ces derniers mois ; l'Acoss tient ses comptes non sans une certaine fébrilité, car elle doit rechercher sur les marchés financiers les meilleurs emprunts possible pour que leurs intérêts ne coûtent pas trop cher à la France ni à la sécurité sociale.

Si, l'an dernier, nous avons accepté que l'Acoss emprunte jusqu'à 65 milliards d'euros, cette année, le besoin de financement est de 80 milliards d'euros. Si l'on continue sur cette trajectoire, il n'est pas difficile d'imaginer que la situation s'inverse, et que la dette sociale soit bientôt plus élevée à l'Acoss qu'à la Cades.

En revanche, si nous voulons augmenter le montant de la dette amortie à la Cades et reporter l'échéance de 2033, nous aurons besoin d'une loi organique – en effet, cette date est inscrite dans le marbre de la loi.

Nous avons un peu d'avance sur l'échéance de la Cades, ainsi que la Cour des comptes l'a récemment indiqué dans le rapport sur la situation financière de la sécurité sociale qu'elle a remis à l'Assemblée nationale. Nous voulions simplement lever l'inquiétude relative à la possibilité juridique d'un tel transfert de dette de l'Acoss à la Cades. Nous aurions pu choisir de transférer 20 milliards d'euros, mais il nous semble plus prudent d'en rester à une somme de 15 milliards d'euros.

Madame la présidente, veuillez m'excuser d'avoir été si longue, mais on ne transfère pas 15 milliards d'euros d'un coup de baguette magique. Surtout, mes chers collègues, souvenez-vous qu'il s'agit d'un emprunt, et que le déficit n'en disparaît pas pour autant.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 1871.

Mme Stéphanie Rist, ministre. La commission des affaires sociales du Sénat propose de transférer 15 milliards d'euros de déficits cumulés de l'Acoss vers la Cades, afin de soulager la trésorerie de la sécurité sociale.

Dans notre système social, l'Acoss a pour mission de couvrir les besoins de trésorerie des organismes de sécurité sociale ; elle en est le financeur à court terme. Elle n'est donc pas censée constituer une dette importante et n'est d'ailleurs pas équipée pour la faire rouler à long terme, comme le fait l'État. Ce n'est pas un oubli, c'est la conséquence d'un principe simple : la sécurité sociale doit être à l'équilibre et, quand elle ne l'est pas, elle doit prendre des mesures pour y revenir.

Par le passé, une dette importante s'est ponctuellement constituée. Pour éviter que son poids ne soit transféré aux générations futures, la Cades a alors été instituée, afin de reprendre cette dette et de l'apurer en quelques années, au moyen de ressources spécifiques, qui comprennent notamment une part de CSG et la CRDS.

Le dernier transfert en date a été autorisé en 2020, pour un montant de 136 milliards d'euros, ce qui a permis d'apurer la plus grande part des dettes constituées à l'occasion de la crise sanitaire. La Cades a déjà remboursé 275 milliards d'euros depuis sa création et aura achevé de rembourser les dettes déjà transférées au milieu de l'année 2032, avec un an et demi d'avance sur la date butoir initialement fixée.

Depuis 2024, le déficit s'accumule à l'Acoss. Cela nous oblige collectivement à prendre les mesures responsables requises pour revenir au plus vite à l'équilibre ; c'est l'objectif fixé par le Gouvernement. Néanmoins, au-delà de l'horizon de retour à l'équilibre, cette accumulation met à court terme la trésorerie de l'Acoss sous tension, malgré les mesures prises par le Gouvernement et le Parlement pour sécuriser son financement, à savoir l'allongement de ses durées d'emprunt et l'assouplissement de ses contraintes.

La Cour des comptes a souligné les risques croissants que faisait peser une telle situation sur la trésorerie de l'Acoss et elle recommande de tirer parti de l'existence des ressources non utilisées déjà affectées à la Cades. Elle a évalué ces ressources disponibles à environ 20 milliards d'euros et considère que cela pourrait ouvrir la voie à une reprise partielle de la dette.

C'est ce que la commission des affaires sociales propose de faire et le Gouvernement juge qu'une telle solution peut être opportune ; il soutient donc l'initiative du Sénat.

Cette solution de transfert nécessite toutefois d'être sécurisée juridiquement. Le Gouvernement a donc vérifié la faisabilité de cette piste en saisissant le Conseil d'État, lequel a validé les modalités proposées et a confirmé qu'il était possible de réaliser un tel transfert en respectant l'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

Afin de garantir que la date de 2033 soit respectée, la commission propose de conserver une importante marge de sécurité en ne transférant que 15 milliards d'euros. Le Gouvernement est favorable à ce transfert, qui apporte une solution ponctuelle et partielle, mais bienvenue, pour sécuriser la trésorerie de notre protection sociale.

Les conséquences de ce transfert sur le profil de trésorerie de l'Acoss devront encore être travaillées. C'est la raison pour laquelle, si vous adoptez cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, le plafond d'emprunt de l'Acoss, prévu à l'article 16, ne sera pas amendé immédiatement. L'article sera rappelé par le Gouvernement à l'issue de l'examen de la troisième partie du texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. La commission et le Gouvernement proposent le transfert de 15 milliards d'euros de déficits récents des branches maladie et vieillesse vers la Cades.

C'est une mesure nécessaire, je le reconnais volontiers ; l'Acoss, qui gère la trésorerie des branches, ne peut plus assumer seule ces déficits. Les données sont claires : selon la Cades, l'amortissement de la dette actuellement à sa charge interviendrait en 2032, soit un an avant la date limite de 2033, fixée par l'ordonnance de 1996.

La Cour des comptes le confirme : au rythme actuel, la dette sociale serait éteinte au second semestre de 2032, dégageant potentiellement près de 20 milliards d'euros de capacité. Autrement dit, oui, il existe une marge pour procéder à ce transfert sans mettre en cause l'équilibre de la Cades.

Toutefois, si ce transfert est voté, s'il est techniquement soutenable et juridiquement sécurisé, il ne constitue nullement une solution de long terme ; il est même le symptôme d'un problème profond dans la trajectoire, ou plutôt l'absence de trajectoire, de nos comptes sociaux. Derrière cette opération comptable, la réalité demeure : les déficits de la sécurité sociale dérivent, la branche maladie reste structurellement déficitaire, de même que la branche vieillesse.

Surtout, disons-le sans détour, vous refusez d'aller chercher les recettes là où elles se trouvent, sauf chez les pauvres. On laisse ainsi de côté des pistes pourtant identifiées – nous avons fait de nombreuses propositions en ce sens – alors que la sécurité sociale manque cruellement de financement pérenne. Ce refus politique délibéré fragilise durablement notre modèle social.

Soyons lucides, ce transfert n'est pas un choix de confort ni une méthode pérenne, c'est une solution transitoire, un moyen de soulager l'Acoss aujourd'hui, mais sans traiter les causes profondes du déséquilibre. On déplace la dette vers la Cades comme on met la poussière sous le tapis ; cela donne de l'air, mais cela ne règle rien.

La Cades a déjà amorti 290 milliards d'euros depuis sa création, c'est vrai, mais on lui a ajouté des dépenses en période de crise. Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans une situation de crise.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

Mme Annie Le Houerou. Nous soutenons cet amendement.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je demande instamment à chacun de respecter son temps de parole.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. C'est une nécessité technique, mais c'est un problème politique.

Vous dites, madame la rapporteure générale, qu'il faut soulager la trésorerie ; en effet, il faut délester l'Acoss, qui n'a qu'une fonction de gestion de trésorerie, de la gestion des déficits que vous accumulez depuis plusieurs années, madame la ministre. L'Acoss n'est pas une Cades bis, elle ne gère pas la dette sociale. Bref, c'est une nécessité, il fallait le faire ; dont acte.

Toutefois, vous pourriez prévoir ce transfert bien plus tôt, bien avant la prochaine élection présidentielle ; vous avez le temps de le faire. Mais, grâce au caractère strict des conditions de transfert de déficits cumulés à la Cades, vous masquez que vous avez accumulé 100 milliards d'euros de déficit.

Ainsi, en refusant toute recette nouvelle et même en réduisant les recettes actuelles, puisque vous avez élargi le dispositif d'exonération des heures supplémentaires, et en ne diminuant pas les dépenses de façon efficiente, puisque vous vous contentez d'en transférer la charge sur d'autres acteurs – les ménages – en augmentant chaque année les franchises médicales, eh bien, la sécurité sociale ne reviendra jamais à l'équilibre en 2029 ! Et vous continuez de creuser un déficit qui n'est pas conjoncturel, qui est devenu structurel ; vous avez recréé un déficit structurel, et cela ne date pas d'aujourd'hui, cela date de 2019 !

Du reste, si la Cades ne devait pas rembourser la dette sociale que la Sécu n'arrivait à pas à affronter seule, les comptes seraient à l'équilibre ; la Cades pèse sur les comptes de la sécurité sociale et, maintenant, vous souhaitez reporter au-delà de l'élection présidentielle le débat…

Mme la présidente. Veuillez conclure !

Mme Raymonde Poncet Monge. … sur le fait que vous êtes responsable de 100 milliards de déficits.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Madame la ministre, ai-je une tête de lapereau de trois semaines ?

L'alternative me paraît très simple. Pourquoi ne présentez-vous pas un projet de loi organique en 2026 pour solder cette affaire ? Pourquoi vous empressez-vous de transférer, par voie d'amendement au PLFSS, 15 milliards d'euros, apportant ainsi une toute petite réponse partielle au problème et renvoyant le règlement définitif du problème, tiens, au second semestre de 2027, par exemple ?

Parce que, une fois la dette covid transférée à la Cades – même si les compteurs n'ont pas été remis à zéro, la situation avait été assainie –, on voit, après quelques années de gouvernements de votre majorité, madame la ministre, comment vous avez géré la sécurité sociale ! Il y a un énorme paquet – plus de 100 milliards d'euros – de déficits qu'il va falloir transférer à la Cades. Voilà pourquoi vous ne voulez pas de la discussion d'une loi organique en 2026 !

Vous avez une solution technique, le Conseil d'État l'a validée. Très bien, nous ne nous y opposerons pas, nous sommes responsables, nous savons ce que c'est que le compromis, nous ne nous braquons pas dans des postures. Mais ne nous prenez pas pour des lapereaux de trois semaines ! Un débat sur une loi organique au cours de l'année précédant la présidentielle mettrait au jour votre gestion catastrophique de la sécurité sociale, avec le montant symbolique de plus de 100 milliards d'euros ! Et vous n'en voulez pas !

D'où ce transfert de 15 milliards d'euros, qui passera inaperçu dans le PLFSS pour 2026, et puis rendez-vous au second semestre de 2027. Voilà la réalité, tout cela est politique. Je ne sais pas si c'est la commission des affaires sociales qui vous facilite la tâche, madame la ministre, mais dans ce cas, dites-lui un grand merci…

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. D'abord, monsieur Jomier, c'est la commission qui a déposé cet amendement, après avoir constaté qu'il y avait un problème important à régler pour l'Acoss. Nous avons donc proposé au Gouvernement de transférer 15 milliards d'euros à la Cades, afin que ce ne soit plus l'Acoss qui emprunte directement. Nous avons en effet estimé qu'il fallait apporter des soins palliatifs à la sécurité sociale, pour éviter de devoir lui fournir plus tard une aide active à mourir… (Murmures sur les travées du groupe SER.) Et si ce que je dis vous gêne, je m'en fiche ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Ensuite, madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de dix minutes après la mise aux voix de ces amendements, afin que la commission et le Gouvernement puissent harmoniser le reste des amendements.

Mme la présidente. La suspension est de droit quand la demande émane du président de la commission, mon cher collègue.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 1870 et 1871.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15, modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l'article 15

Mme la présidente. L'amendement n° 1455 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub, MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville et Kern, Mmes Romagny et Saint-Pé et MM. Dhersin, Duffourg, Longeot et Delahaye, est ainsi libellé :

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le quatrième alinéa du I de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale est supprimé

II. – Le 4° de l'article 6 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est abrogé.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement de notre collègue Michel Canévet vise à mettre fin à une dérive qui affaiblit notre système de retraite, à savoir le détournement progressif de la mission du fonds de réserve pour les retraites (FRR), comme l'a souligné Sylvie Vermeillet dans son rapport spécial sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ». Il s'agit donc de mettre fin aux versements du FRR à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, afin de restaurer la mission originelle de celui-ci.

Ce fonds, créé par la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, avait pour mission initiale de constituer des réserves financières destinées à contribuer à l'équilibre du régime général de retraite et des régimes alignés, et à assurer la stabilisation du système de retraites face aux générations surnuméraires. Ce mécanisme devait permettre de lisser les effets démographiques à long terme et de garantir la soutenabilité du système par répartition.

Or, depuis la réforme des retraites de 2010, la mission du FRR a profondément évolué. Le fonds s'est vu confier la tâche de verser chaque année 2,1 milliards d'euros à la Cades pour participer à l'amortissement de la dette sociale, montant ramené à 1,45 milliard d'euros le 1er janvier 2025. Ces transferts, qui financent principalement des dépenses de la branche maladie, ont progressivement détourné le FRR de son objectif initial et ont conduit à une érosion significative de ses ressources : en dix ans, l'actif géré par le fonds a été presque divisé par deux.

Au travers de cet amendement, nous proposons de mettre fin à ces transferts et de restaurer la mission originelle du FRR : préparer l'avenir des retraites et non combler les déficits passés de l'assurance maladie. C'est une mesure de cohérence et de responsabilité.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions prévoyant que le fonds de réserve pour les retraites alloue un peu plus de 1,4 milliard d'euros par an à la Caisse d'amortissement de la dette sociale ; ce montant était d'ailleurs beaucoup plus important voilà quelques années.

Toutefois, cette somme garantit la solvabilité de la Cades ; d'où l'avis défavorable de la commission sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous l'avez souligné, madame la sénatrice, depuis la réforme de 2010, la vocation du FRR n'est plus d'accumuler des réserves pour absorber un choc démographique, puisque ce fonds est chargé de gérer de manière performante les actifs qui lui ont été confiés ; et, de fait, c'est un fonds performant.

Toutefois, vous le savez, notre cadre organique relatif à la dette sociale limite notre capacité à réduire les recettes affectées à la Cades. Aussi, en cohérence avec l'amendement n° 1870 de la commission, qui vient d'être adopté, il me semble logique de vous demander de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je devrai émettre un avis défavorable à son sujet.

Mme la présidente. Madame Sollogoub, l'amendement n° 1455 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Nadia Sollogoub. C'est un amendement d'appel, il va être retiré, madame la présidente.

Néanmoins, notre collègue Michel Canévet a raison d'appeler l'attention de tous sur une dérive préjudiciable, car l'avenir de notre système de retraite est compromis. Il est malheureux que ce système ait été détourné de sa vocation initiale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes bien d'accord !

Mme Nadia Sollogoub. Cela étant dit, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1455 rectifié bis est retiré.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je le reprends !

Mmes Émilienne Poumirol et Laurence Rossignol. Très bien !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 1455 rectifié ter, présenté par Mme Raymonde Poncet Monge et dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° 1455 rectifié bis.

Vous avez la parole pour le défendre, ma chère collègue.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il faut en effet revenir à l'objet initial du FRR : passer la bosse démographique, prévenir la dégradation du rapport démographique.

Remarquez d'ailleurs que le FRR – institué sous M. Jospin – fonctionnait, dans un système par répartition, comme le système par capitalisation que vous voulez établir : on faisait des réserves sous la forme d'actifs financiers que l'on plaçait et qui rapportaient des revenus. Simplement, il avait vocation à « passer la bosse » et devait à terme diminuer son activité à mesure que l'on passerait cette bosse.

Avec un tel système, on aurait largement évité de devoir instaurer une couche de capitalisation, parce que cela fonctionnait de la même manière. Du reste, il avait un rendement très important.

On a d'ailleurs calculé que, si l'on avait continué de l'alimenter au lieu de le piller pour faire autre chose, il aurait constitué un apport très important qui aurait permis de réduire massivement le déficit de la branche.

Ainsi, il fonctionnait selon le même principe qu'un système par capitalisation et je crois que c'est pour cela qu'on l'a pillé, parce que cela évitait de recourir à un étage de capitalisation. Et c'est cela que ceux qui étaient au pouvoir en 2010 ont voulu en quelque sorte supprimer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Nous voulions aussi reprendre cet amendement.

Le FRR a été créé par Lionel Jospin, qui, lui, avait anticipé la trajectoire des retraites et avait bien vu qu'arrivait le mur de vieillissement que nous connaissons. Aussi, il avait conçu en 2001 un fonds de réserve pour passer cette « bosse démographique » ; il s'agissait en effet d'argent placé, assurant un rendement, qui permettait à l'évidence de passer, au cours des années 2020-2025, le départ en retrait du baby-boom des années 1945-1950.

Je regrette vraiment que, en 2010, on ait choisi, voyant cet argent – « On ne sait pas ce qu'il fait, il dort » –, de le prendre pour alimenter le budget de la sécurité sociale. C'est un véritable détournement ! Je trouve donc normal que l'on veuille redonner au FRR son rôle premier.

La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) avait entendu ses dirigeants en audition, au cours des travaux de la mission d'information sur le financement de la sécurité sociale dont Mmes Doineau et Poncet Monge étaient rapporteures. Ils nous avaient alors indiqué qu'ils n'avaient plus la capacité à passer cette bosse démographique, parce que le FRR a été pillé pendant quinze ans.

Il convient donc de lui redonner son rôle premier : c'est un fonds de réserve pour les retraites.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1455 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 16

Sont habilités en 2026 à recourir à des ressources non permanentes afin de couvrir les besoins de financement des régimes dont ils gèrent la trésorerie les organismes mentionnés dans le tableau ci-dessous, dans les limites indiquées :

 

(En millions d'euros)

Encours limites

Agence centrale des organismes de sécurité sociale

83 000

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire

360

Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines

450

Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales

13 400

 – (Adopté.)

Après l'article 15
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 16 bis (nouveau) (début)

Article 16 bis (nouveau)

Le premier alinéa de l'article L. 139-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « an », il est inséré le mot : « , prioritairement » ;

2° Après le mot : « consignations », il est inséré le mot : « subsidiairement ».

Mme la présidente. L'amendement n° 633, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet article a été ajouté par l'Assemblée nationale et nous proposons de le supprimer, car son dispositif ne correspond pas à l'intention de ses auteurs.

Ces derniers souhaitent que l'Acoss se finance prioritairement auprès de la Caisse des dépôts et consignations et subsidiairement sur les marchés. C'est ce qui est arrivé au moment de la crise sanitaire : quand la dette a été trop importante, l'Acoss s'est tournée vers la Caisse des dépôts et consignations et vers un pool, un groupement, de banques.

Toutefois, cela ne correspond pas à la rédaction de cet article, qu'il convient donc de supprimer. Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La Caisse des dépôts et consignations est une entité publique assimilable à un établissement bancaire. Les conditions de taux actuellement proposées par les établissements bancaires, même la CDC, seraient plus coûteuses pour la sécurité sociale que l'émission de titres de court terme sur les marchés financiers. La charge des intérêts payés par l'Acoss étant répartie entre les branches de la sécurité sociale en fonction de leur solde prévisionnel, celle-ci a donc tout intérêt à recourir aux financements les moins coûteux.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur votre amendement, madame la rapporteure générale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 633.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 16 bis est supprimé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Article 14 (précédemment réservé)

Pour l'année 2026 est approuvé le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

255,0

267,5

-12,5

Accidents du travail et maladies professionnelles

17,1

18,0

-1,0

Vieillesse

304,5

307,5

-3,0

Famille

60,1

59,4

0,7

Autonomie

41,8

43,5

-1,7

Toutes branches (hors transferts entre branches)

659,5

676,9

-17,5

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1188 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

L'amendement n° 1569 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l'amendement n° 1188.

Mme Marianne Margaté. Par cet amendement de suppression, nous exprimons notre très vive inquiétude quant au tableau d'équilibre prévu pour les différentes branches de la sécurité sociale en 2026. Avec de telles perspectives de dépenses et de recettes, nous sommes très loin de répondre aux besoins de financement de la sécurité sociale, comme aux besoins sociaux et de santé de la population.

Nous sommes très loin également d'un rétablissement pérenne des comptes sociaux, d'une remise à flot de nos hôpitaux et de nos Ehpad et d'une répartition équitable des efforts. De fait, le PLFSS pour 2026 repose sur une compression des dépenses de santé à hauteur de 6 milliards d'euros, sur un gel des prestations sociales et sur une sous-indexation des pensions de retraite. Nous refusons l'ensemble de ces choix, dépourvus de justice sociale, qui s'attaquent aux plus fragiles pour préserver les plus forts.

Pour toutes ces raisons et parce que nous savons pertinemment que ce budget exige d'être soutenu par une politique de santé publique et non d'être sous-tendu par la seule obsession de réduire un déficit public global, nous n'adhérons pas aux objectifs de dépenses et de recettes prévus pour 2026. Tel est le sens de notre amendement de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l'amendement n° 1569.

Mme Anne Souyris. Par cet amendement de suppression, nous souhaitons nous opposer au tableau d'équilibre de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement. Les dépenses affichées ne permettent absolument pas de répondre aux défis auxquels la sécurité sociale est confrontée : vieillissement de la population, inflation ou encore hausse du nombre de maladies chroniques.

En réalité, c'est toute la trajectoire budgétaire pour 2026 que nous contestons. Le déficit annoncé pour l'année prochaine, de 17,5 milliards d'euros, n'est pas un hasard ; il est largement lié aux exonérations massives de cotisations sociales, souvent non compensées par l'État, qui affaiblissent les comptes sociaux.

Nous partageons l'objectif d'un équilibre des finances de la sécurité sociale, mais pas au prix d'une réduction continue des moyens indispensables au fonctionnement de notre modèle social. Il n'est pas possible d'invoquer l'amélioration du solde pour justifier des mesures de casse sociale comme le gel des prestations, la hausse des franchises ou encore le sous-financement des soins.

Au contraire, le groupe écologiste défend des mesures plus justes socialement. Pour n'en citer que deux, il propose de faire davantage contribuer les plus hauts revenus et de réduire le plus possible les niches sociales et les dispositifs d'exonération de cotisations sociales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Par ces amendements, vous proposez de supprimer l'article 14. Celui-ci, pourtant, doit figurer obligatoirement dans les lois de financement de la sécurité sociale. Si vous n'êtes pas d'accord avec le tableau d'équilibre qui vous est soumis, je respecte ce choix, mais une suppression vouerait l'ensemble du texte à une censure.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Il est défavorable. J'aurai l'occasion de revenir sur l'actualisation des tableaux.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1188 et 1569.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1873, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(en milliards d'euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

254,7

268,6

-13,9

Accidents du travail et maladies professionnelles

17,2

18,1

-0,9

Vieillesse

308,7

310,5

-1,8

Famille

60,4

59,7

0,7

Autonomie

42,0

43,5

-1,5

Toutes branches (hors transferts entre branches)

663,9

681,4

-17,5

La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Cet amendement vise à assurer une première coordination des votes intervenus depuis le début de l'examen de ce PLFSS par la Haute Assemblée.

Le déficit résultant du texte transmis au Sénat, tenant compte des débats à l'Assemblée nationale, était de 23,5 milliards d'euros. Le solde tel qu'il résulte des amendements que vous avez adoptés serait proche de 17,5 milliards d'euros, soit un niveau qui ne serait pas éloigné du chiffre initial. Je tiens notamment compte du rétablissement de l'article 6, pour 300 millions d'euros, de l'article 7, avec un taux revu, pour un rendement de 1 milliard d'euros, et d'une partie des mesures de rationalisation sur les exonérations spécifiques, ainsi que de la suppression de l'article visant à rehausser le taux de la CSG sur les revenus du capital, chiffré à 2,8 milliards d'euros, et de plusieurs niches nouvelles, introduites par l'Assemblée nationale.

En toute transparence, j'indique que ce solde intègre également de manière forfaitaire la hausse du temps de travail que vous avez adoptée ce matin, soit environ 2 milliards d'euros d'« effet Robss ». Les répercussions, notamment macroéconomiques, d'une telle évolution n'ont pu faire l'objet d'une estimation fine en quelques heures ; nous essaierons d'améliorer l'évaluation d'ici à la fin des débats.

Toujours dans un souci de transparence, je précise que ce solde ne tient pas compte des votes qui interviendront ultérieurement, dans la troisième partie : le Gouvernement ne peut, par définition, anticiper. Il nous reviendra donc d'ajuster encore ces articles dédiés au chiffrage d'ici à la fin de l'examen du texte, mais je souhaitais vous donner l'état des soldes à ce stade.

M. le président. L'amendement n° 1760, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau

I. – Deuxième colonne

1° Cinquième ligne

Remplacer le nombre :

60,1

par le nombre :

60,5

2° Dernière ligne

Remplacer le nombre :

659,5

par le nombre :

659,9

II. – Dernière colonne

1° Cinquième ligne

Remplacer le nombre :

0,7

par le nombre :

1,1

2° Dernière ligne

Remplacer le nombre :

– 17,5

par le nombre :

 – 17,1

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Sans revenir sur le tableau d'équilibre ni sur le rejet de nos propositions induisant des recettes, je souhaite attirer l'attention, au travers de cet amendement, sur le niveau du fonds national d'action sociale (Fnas) de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), en supprimant le ralentissement de 0,4 milliard d'euros prévu pour 2026.

Ce ralentissement, qui découle de la contraction des crédits d'action sociale de la branche famille, fragilise directement les politiques menées par les communes et les intercommunalités. Je pense tout particulièrement à la petite enfance, à l'accompagnement des familles, à l'inclusion sociale ou encore au soutien à l'autonomie. Ce sont des politiques de proximité essentielles, des services concrets que les caisses d'allocations familiales (CAF) financent via le Fnas et dont les territoires dépendent fortement.

Les constats sont clairs. Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) Revue des dépenses du Fnas montre que ce fonds est un levier majeur de l'action sociale locale. Une grande partie de ces crédits est consacrée à la petite enfance, mais aussi aux centres sociaux, à la parentalité, à l'aide à domicile et à l'animation de la vie sociale, domaines d'intervention où l'on rencontre des difficultés à trouver des financements. Le Fnas soutient toute une architecture de solidarité sur laquelle reposent les communes et les intercommunalités.

Ce rôle essentiel est d'ailleurs pleinement reconnu à l'échelle nationale. Selon les rapports du Sénat et de l'Assemblée nationale, le Fnas doit être fortement renforcé dans les années à venir. À l'horizon de 2027, plusieurs milliards d'euros supplémentaires devront être mobilisés afin de garantir un service public de qualité pour les jeunes enfants et d'accroître le soutien aux structures locales.

Le ralentissement prévu irait donc, dès 2026, à contre-courant de cette trajectoire. Il affaiblirait des politiques publiques déjà en tension et mettrait en difficulté des services essentiels alors même que les besoins augmentent. Les communes ont besoin d'ouvrir de nouvelles places en crèche et des centres sociaux, pour accueillir toujours plus de familles en situation de précarité. Accompagner la parentalité est devenu un enjeu central de cohésion sociale.

Par conséquent, l'objet de notre amendement est simple : ajuster le tableau d'équilibre de la branche famille en rétablissant les ressources nécessaires au Fnas, sans modifier l'équilibre global des régimes pour respecter l'article 40 de la Constitution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'amendement n° 1873 du Gouvernement est un amendement classique d'actualisation du tableau d'équilibre. Il tend à montrer où nous en sommes au terme de l'examen de la deuxième partie du PLFSS en ce qui concerne le solde pour 2026.

Comme je vous l'ai indiqué, les propositions de la commission correspondent à un déficit de 15 milliards d'euros en 2026. Toutefois, ce chiffre implique la modification de l'article 40 du projet de loi de finances (PLF) pour annuler le transfert de la sécurité sociale vers l'État de 3 milliards d'euros, qui est une conséquence de la réforme des allégements généraux.

Compte tenu de leur nature très aléatoire, ces 3 milliards d'euros ne peuvent pas être pris en compte dans le tableau d'équilibre du PLFSS. Les propositions de la commission correspondent donc, en réalité, à un déficit d'environ 18 milliards d'euros. Les trois quarts d'entre elles portent sur la partie recettes.

Aussi, au terme de l'examen de ces dernières, les seules propositions de la commission devraient ramener le déficit à environ 20 milliards d'euros. Cet amendement indique pourtant un chiffre inférieur : 17,5 milliards. Ce résultat s'explique par deux amendements importants que nous avons adoptés.

En premier lieu, l'amendement n° 1678 d'Annie Le Houerou vise à abaisser à 6 000 euros le plafond d'exemption des compléments de salaire ; selon les informations dont nous disposons à ce stade, son rendement pourrait être de 400 millions d'euros pour la sécurité sociale et de 700 millions d'euros pour l'ensemble des administrations publiques.

En second lieu, l'amendement n° 572 rectifié septies d'Olivier Henno tend à hausser le temps de travail annuel de douze heures et donc à augmenter les recettes de la sécurité sociale d'environ 2 milliards d'euros, 5 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques.

Au compteur, le chiffre est donc un peu moins dégradé que ce que nous anticipions. Il s'agit maintenant de ne pas relâcher l'effort. Si nous faisons ce que nous avons prévu de faire dans la partie dépenses, nous pourrions parvenir à un déficit d'environ 16 milliards d'euros. Ce serait toujours beaucoup trop élevé, bien sûr, mais un peu inférieur aux 17,5 milliards d'euros du texte dans sa rédaction initiale et beaucoup mieux que ce qu'a proposé l'Assemblée nationale.

La commission émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 1873.

L'amendement n° 1760 a pour objet de modifier l'article du tableau d'équilibre pour majorer les recettes de la branche famille de 400 millions d'euros. Il n'a pas d'effet juridique et fausse la prévision.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1760 ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Mme la rapporteure générale a déjà mentionné l'argument juridique. Le Gouvernement connaît évidemment le rôle central du Fnas, sur lequel vous voulez mettre l'accent, madame Le Houerou. C'est la raison pour laquelle ce fonds a été abondé de façon importante en 2025 et le sera en 2026.

Le financement des crèches est en deçà des attentes : on observe une atonie en matière de création de places. De fait, nous n'en sommes qu'au début du déploiement du service public de la petite enfance. Je précise que les collectivités, depuis le 1er juin dernier, doivent s'investir de plus en plus dans l'exercice de cette compétence. Il est donc normal que la montée en charge n'en soit qu'à ses prémices. La haute-commissaire à l'enfance et moi-même sommes bien décidées à accroître, en lien avec les collectivités, le nombre de places.

Le Fnas reflète l'activité constatée : si celle-ci était plus importante, son niveau le serait aussi. Consciente des difficultés que rencontrent les collectivités à augmenter le nombre de places, j'ai annoncé la semaine dernière l'augmentation de 2 % du plafond de la prestation de service unique (PSU) pour 2025. Cette bonne nouvelle était attendue des collectivités.

Pour ces raisons, je vous demande, madame la sénatrice, de retirer cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1873.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1760 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

M. le président. Nous reprenons le cours normal de la discussion des articles.

Article 17

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements et de neuf sous-amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 634, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Est approuvé le rapport figurant en annexe à la présente loi décrivant, pour les quatre années à venir (2026 à 2029), les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

ANNEXE

RAPPORT DÉCRIVANT LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET LES OBJECTIFS DE DÉPENSES PAR BRANCHE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE DE SÉCURITÉ SOCIALE, AINSI QUE L'OBJECTIF NATIONAL DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE POUR LES ANNÉES 2026 A 2029

Le solde des régimes obligatoires de base de sécurité sociale a connu une dégradation sans précédent en 2020 et a atteint le niveau de - 39,7 milliards d'euros sous l'effet des dépenses occasionnées par la crise sanitaire et de la récession qui l'a suivie. Il s'est redressé en 2021 à - 24,3 milliards d'euros en raison de la reprise progressive de l'activité. L'amélioration s'est poursuivie en 2022, le solde atteignant alors - 19,7 milliards d'euros, à la faveur d'un recul important des dépenses liées à la Covid19 mais dans un contexte marqué par le début d'une forte reprise de l'inflation, puis de nouveau en 2023, année au titre de laquelle le déficit s'est réduit à 10,8 milliards d'euros, avec notamment l'extinction des dépenses liées à la crise sanitaire. Le déficit s'est ensuite de nouveau accru en 2024 (15,3 milliards d'euros) en raison des effets asymétriques de l'inflation : les prestations légales ont ainsi été revalorisées en lien avec l'inflation encore élevée de l'année précédente (4,8 % en 2023 au sens de l'indice des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle), les dépenses nettes relevant du champ de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ayant pour leur part progressé de 3,5 %, tandis que les recettes répondaient de manière contemporaine à l'inflation, qui a reflué à 1,8 % en 2024.

Le déficit s'accroîtra de nouveau en 2025 (-23,0 milliards d'euros selon les prévisions actualisées figurant dans la présente loi), en raison de la poursuite de la diminution de l'inflation, qui pourrait s'établir à 1,0 % en 2025, contribuant au ralentissement de la masse salariale du secteur privé (+ 1,8 %), déterminant macroéconomique majeur de l'évolution des recettes, tandis que les dépenses devraient être encore tirées vers le haut par les effets de l'inflation passée de 2024 via les revalorisations légales des prestations sociales, principalement en ce qui concerne les pensions de retraite (+ 2,2 %), et des dépenses relevant du champ de l'ONDAM dynamiques.

D'ici 2029, en tenant compte de l'ensemble des mesures d'économie de la présente loi, le déficit atteindrait 17,9 milliards d'euros : la progression des dépenses resterait tendanciellement forte malgré la montée en charge des mesures d'économies passées tandis que celle des recettes suffirait à peine à stabiliser le déficit. La branche maladie concentrerait l'essentiel du déficit à moyen terme, notamment du fait de la progression structurelle de ses dépenses.

I. – La loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 s'inscrit dans un contexte macro-économique de faible croissance et de faible inflation

L'hypothèse de croissance du produit intérieur brut (PIB) retenue pour 2026 est de 1,0 %, après une évolution de 0,7 % en 2025. À moyen terme, la croissance réelle du PIB atteindrait 1,3 % par an en 2028 et 2029. L'inflation serait faible en 2025 (1,0 % au sens de l'indice des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle) et augmenterait légèrement en 2026 (1,3 %) pour se stabiliser à 1,75 % à compter de 2027. La masse salariale du secteur privé progresserait de 1,8 % en 2025 et de 2,3 % en 2026, puis continuerait d'accélérer pour atteindre 3,2 % en 2029.

Le tableau ci-dessous détaille les principales hypothèses d'évolutions retenues pour l'élaboration des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses décrits dans la présente annexe :

 

 

2024

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

2029 (p)

PIB en volume

1,1 %

0,7 %

1,0 %

1,2 %

1,3 %

1,3 %

Masse salariale du secteur privé *

3,3 %

1,8 %

2,3 %

3,0 %

3,1 %

3,2 %

Inflation hors tabac

1,8 %

1,0 %

1,3 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Revalorisations au 1er janvier en moyenne annuelle**

5,3 %

2,2 %

0,0 %

0,9 %

1,3 %

1,4 %

Revalorisations au 1er avril en moyenne annuelle **

3,9 %

2,4 %

0,4 %

1,1 %

1,7 %

1,8 %

ONDAM ***

3,3 %

3,6 %

1,6 %

2,9 %

2,9 %

2,9 %

* Masse salariale du secteur privé hors prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et prime de partage de la valeur ajoutée. En incluant ces éléments de rémunération, la progression de la masse salariale s'est élevée à 2,8 % en 2024. En 2025, la prime de partage de la valeur ajoutée se stabiliserait à un niveau proche de son niveau de 2024, malgré son assujettissement à certains prélèvements sociaux, si bien qu'il n'y a pas de déformation attendue à ce titre.

** Évolutions incluant, pour l'année 2026, les effets en moyenne annuelle du gel de l'ensemble des prestations sociales. À partir de 2027, les évolutions incluent la sous-indexation des pensions de retraite de base de 0,4 %.

*** Évolution de l'ONDAM, y compris dépenses de crise sanitaire. Sans prise en compte de ces dépenses, l'évolution de l'ONDAM est de 3,5 % en 2024.

Par rapport au niveau prévu pour 2025, qui est maintenu au même niveau que celui fixé par la loi de financement initiale (265,9 milliards d'euros), notamment par la décision de mobiliser l'ensemble des crédits mis en réserve, suite à l'alerte pour risque sérieux de dépassement déclenchée par le comité d'alerte en juin dernier, l'ONDAM fixé pour 2026 évolue de +1,6 %. Il tient compte de mesures d'économie portant à la fois sur les dépenses au titre des soins de ville, des produits de santé et des établissements sanitaires et médico-sociaux, ainsi que des mesures nouvelles.

La trajectoire financière de la branche vieillesse des régimes de retraite de base intègre, pour l'année 2026, les effets de la mesure de gel de l'ensemble des prestations de retraite de base puis, à partir de 2027, l'effet d'une sous-indexation chaque année de 0,4 point de la revalorisation légale de ces mêmes prestations, en accord avec la piste évoquée entre les partenaires sociaux dans le cadre de la délégation paritaire permanente pour redresser le solde du système de retraites. La trajectoire retient également plusieurs mesures discutées au printemps dernier dans le cadre de cette délégation. Outre la réforme du dispositif de cumul emploi-retraite (représentant une économie de 0,2 milliard d'euros en 2027 et qui sera croissante au-delà) et la prise en compte jusqu'à deux trimestres de majorations de durée d'assurance pour enfant pour faciliter le départ anticipé des parents (pour un coût de 0,2 milliard d'euros en 2027), une mesure sera prise par voie réglementaire conformément à l'intention dont il a été fait part aux partenaires sociaux : la réduction du nombre d'années retenues dans le calcul du salaire annuel moyen qui sert de base aux calculs des pensions pour les parents bénéficiant de majorations de durée d'assurance pour enfant (pour un coût annuel de 0,1 milliard d'euros à compter de 2028). La trajectoire intègre, par ailleurs, les effets des mesures de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoyant le relèvement progressif de l'âge d'ouverture des droits de 62 ans à 64 ans, au rythme d'un trimestre par génération à compter du 1er septembre 2023, et une accélération du rythme de montée en charge de la durée d'assurance requise pour le bénéfice d'une pension à taux plein, au rythme d'un trimestre par génération. Les économies réalisées du fait de la réforme des retraites sur le régime des fonctionnaires de l'État sont par ailleurs attribuées chaque année au régime général de l'assurance vieillesse via la modification de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale. La trajectoire de la branche vieillesse intègre également les effets des mesures d'accompagnement de la réforme et des hausses des taux des cotisations d'assurance vieillesse dues par les employeurs privés et par les employeurs territoriaux et hospitaliers (à hauteur, pour ces derniers, de 3 points par an de 2025 à 2028, soit l'équivalent 1,8 milliard d'euros sur chacune de ces années).

La trajectoire financière de la branche famille tient notamment compte, pour 2026, de l'effet du gel des prestations familiales. Cette trajectoire est également améliorée dès 2026 par l'effet du décalage de 14 à 18 ans de la majoration pour âge des allocations familiales (pour une économie de 0,2 milliard d'euros en 2026 et croissante jusqu'en 2029). Elle intègre aussi, sur un horizon pluriannuel, la mise en place en 2027 d'un congé supplémentaire de naissance ainsi que les effets de la réforme du service public de la petite enfance et de celle du complément de libre choix du mode de garde adoptée dans la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. En outre, cette trajectoire prévoit, dès 2026, la réaffectation d'une partie de la CSG prélevée sur les revenus de remplacement et affectée jusqu'ici à la branche famille vers la branche maladie et, à compter de 2027 et de façon conventionnelle, vers la branche autonomie. Ces réaffectations, qui n'empêcheront pas que l'excédent de la branche famille continue de progresser sur la période, visent, notamment, à tenir compte de la déformation du solde de ces branches en raison du dynamisme de leurs dépenses et de la structure de l'assiette de leurs financements respectifs.

La trajectoire financière de la branche autonomie repose, outre ce qui est indiqué ci-dessus pour ses recettes, à compter de 2027, s'agissant de la CSG sur les revenus de remplacement, sur une progression de ses dépenses de 3,5 % en 2026, dont 2,4 % à champ constant pour la part relevant, au titre des frais de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux, de l'objectif global des dépenses (OGD) (dont 2,4 % dans le champ des personnes âgées et 2,5 % dans le champ du handicap), permettant notamment de financer l'accroissement de l'offre médico-sociale face aux besoins démographiques.

S'agissant des dépenses hors du champ de l'OGD (d'un montant de 9,3 milliards d'euros, en progression de 3 % par rapport à l'année précédente) la trajectoire tire les conséquences financières des réformes de fusion des concours de la branche aux départements d'une part et de fusion des sections « soins » et « dépendance » des établissements médico-sociaux conduite à titre d'expérimentation dans 23 départements d'autre part. Les concours versés par la branche aux départements atteindraient ainsi 6,2 milliards d'euros en 2026 après 6,0 milliards d'euros en 2025. La réforme des concours aux départements en modifie en effet le mode de calcul et contribue à en augmenter les montants à hauteur de 0,3 milliard d'euros en 2026, l'effet en année pleine de la fusion des sections jouant en sens inverse, à hauteur de 100 millions d'euros nets en 2026 (125 millions d'euros pour les départements expérimentateurs et - 25 millions pour les autres départements au titre des dépenses liées aux résidents originaires d'un département non-expérimentateur et accueillis dans un établissement situé dans un département expérimentateur). Au total, les concours aux départements atteindraient 6,2 milliards d'euros en 2026, marquant plus qu'un doublement par rapport à 2019 à périmètre courant.

II. – Les mesures adoptées conduiraient à contenir la progression des déficits des régimes de base

A. En ce qui concerne la situation globale des régimes de base

Le solde global pour l'année 2026 atteindrait - 17,4 milliards d'euros, en amélioration de 5,6 milliards d'euros par rapport à 2025 sous l'effet de la légère augmentation attendue de l'inflation (+ 1,3 % après + 1,0 % en 2025), dont l'impact serait positif sur la dynamique de la masse salariale (+ 2,3 % après + 1,8 % en 2025) et des recettes. Celles-ci croîtraient de 2,5 %, soutenues par la hausse de la masse salariale du secteur privé et par les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances : une rationalisation des niches sociales applicables aux compléments de salaires pour un rendement de 1 milliard d'euros nets, une participation des organismes complémentaires de 1,0 milliard d'euros et le transfert par l'État à la sécurité sociale du rendement de la fiscalisation des indemnités journalières versées en cas de maladie au titre des affections de longue durée, auxquelles s'ajoute la nouvelle hausse de 3 points du taux des cotisations dues par les employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL). En regard, les dépenses globales progresseraient à un rythme modéré (évolution de + 1,6 %) sous l'effet notamment de la mesure de gel de l'ensemble des prestations et des pensions de retraite prévue par la présente de loi et de la modération de la progression des dépenses d'assurance maladie puisque l'ONDAM progresserait de 1,6 %, après 3,6 % en 2025. La hausse des dépenses des régimes obligatoires en 2026 représenterait toutefois 10,8 milliards d'euros, dont 5,2 milliards au titre des dépenses maladie.

À l'horizon 2029, la progression du déficit serait contenue sous l'effet d'une progression de l'ONDAM inférieure à 3 %, selon la même hypothèse que celle sous-jacente, pour les années 2026 et 2027, à la dernière loi de programmation des finances publiques, et de la montée en charge des mesures prévues par la présente loi, notamment la sous-indexation de 0,4 point chaque année des pensions de retraite de base, la montée en charge progressive du décalage de 14 à 18 ans de la majoration pour âge des allocations familiales et la réforme du dispositif du cumul emploi-retraite (CER). Cette trajectoire intègre également la poursuite de la montée en charge des effets de mesures décidées précédemment, notamment celles de la réforme des retraites, deux nouvelles hausses de trois points du taux de cotisation à la CNRACL pour les années 2027 et 2028 et enfin l'impact favorable de l'extinction progressive de la déduction forfaitaire spécifique de l'assiette des cotisations dues au titre de l'emploi des salariés dans certains secteurs. Elle intègre aussi l'impact défavorable pour les régimes de base (de la réforme de l'assiette de prélèvements des travailleurs indépendants (contrepartie d'un effet en sens contraire et donc favorable pour les régimes complémentaires, conformément à l'objectif d'accroître les droits contributifs des travailleurs indépendants, étant précisé que ces effets sont doublés en 2026 en raison de la comptabilisation de la régularisation des cotisations au titre de 2025 et de la prise en compte de la mesure dans les cotisations provisionnelles de l'année en cours) et la progression du coût du congé supplémentaire de naissance. Elle prend enfin en compte une hausse du rendement des efforts de lutte contre la fraude, qui dépasserait 1 milliard d'euros à l'horizon 2029. Dans ces conditions, le déficit des régimes de base de sécurité sociale atteindrait 18,3 milliards d'euros à l'horizon 2029.

B. En ce qui concerne la situation par branches

En 2026, le déficit de la branche maladie, maternité, invalidité et décès serait en amélioration, s'établissant à 12,5 milliards d'euros (après 13,8 milliards d'euros en 2024 et 17,2 milliards d'euros en 2025) sous l'effet des mesures d'économies portant sur l'ONDAM et de la réaffectation de la CSG assise sur les revenus de remplacement en provenance de la branche famille. À l'horizon 2029, le déficit se recreuserait progressivement pour atteindre 16,1 milliards d'euros. Les charges financières liées à l'accumulation des déficits augmenteraient de 0,5 milliard en 2025 à 2,3 milliards d'euros en 2029.

Le solde de la branche autonomie, qui avait connu un excédent ponctuel de 1,3 milliard d'euros en 2024 puis une dégradation devant la conduire à un déficit de 0,3 milliard d'euros en 2025, se creuserait fortement pour atteindre - 1,7 milliard d'euros en 2026 en raison du dynamisme des dépenses – et notamment des transferts vers les départements – et des effets de la réforme de l'assiette des travailleurs indépendants sur les prélèvements non contributifs qu'ils acquittent, dont la CSG affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Son déficit se stabiliserait les années suivantes en raison de l'affectation, à titre conventionnel, d'une fraction supplémentaire de CSG prélevée sur les revenus de remplacement en provenance de la branche famille. Cette trajectoire tient par ailleurs compte de la création de 50 000 postes en EHPAD à l'horizon 2030, de la mise en place, à ce même horizon, de 50 000 solutions nouvelles pour les personnes en situation de handicap et leurs proches ainsi que de la mise en œuvre des réformes de fusion des concours aux départements et, dans 23 départements, de fusion des sections « soins » et « dépendance » des Ehpad.

Le déficit de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui devrait devenir déficitaire en 2025 du fait du dynamisme des prestations, notamment d'indemnités journalières, relevant du champ de l'ONDAM, atteindrait 1 milliard d'euros en 2026 du fait notamment de la baisse du taux de cotisations prévu par la réforme des retraites en contrepartie de la hausse de celles de la branche vieillesse, pour 0,7 milliard d'euros, et d'une progression toujours dynamique du coût des indemnités journalières. La branche AT-MP ayant vocation plus directe à l'équilibre, cette tendance dégradée pourrait cependant être corrigée en partie par un effort de retour à l'équilibre, avec des leviers à identifier. Par ailleurs, en 2027, la branche devra financer la réévaluation à la hausse du coût de la sous déclaration en application du rapport remis au Parlement à l'été 2024, portant le transfert de 1,2 milliard d'euros en 2024 à 2,0 milliards d'euros d'ici 2027. Le déficit de la branche atteindrait ainsi 1,4 milliard d'euros sur cette dernière année.

En 2026, la branche vieillesse, dont le solde est d'une part directement affecté par l'augmentation de la taille des générations qui partent à la retraite mais bénéficiera de la hausse progressive de l'âge effectif de départ prévue par la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et s'avère d'autre part particulièrement sensible aux évolutions de l'inflation, connaitrait une première étape dans sa trajectoire de retour à l'équilibre avec une amélioration de son solde (- 3,0 milliards d'euros en 2026 après - 4,5 milliards d'euros en 2024 et -5,8 milliards d'euros en 2025), sous l'effet du gel, poursuivi les années suivantes par une sous-indexation, de l'ensemble des pensions de retraites de base et de l'apport de recettes lié à la hausse, renouvelée ensuite encore pour deux années supplémentaires, du taux de cotisations dues par les employeurs à la CNRACL en 2027 et 2028. À l'horizon 2029, le déficit de la branche se creuserait à nouveau légèrement, pour atteindre -1,6 milliard d'euros.

Le solde de la branche famille serait en excédent de 0,7 milliard d'euros en 2026, à un niveau comparable à celui de l'année précédente (0,8 milliard d'euros), puis augmenterait pour atteindre 2,4 milliards d'euros en 2029, sous l'effet du faible dynamisme des dépenses de la branche dans un contexte de faible natalité réduisant durablement les dépenses de prestations. La trajectoire présentée ici limite la croissance de cet excédent en réaffectant une part des recettes de CSG assise sur les revenus de remplacement de la branche famille à la branche maladie, conformément aux dispositions de la présente loi, puis de façon conventionnelle en faveur de la branche autonomie à compter de 2027. La trajectoire inclut aussi la montée en charge progressive du décalage de 14 à 18 ans de la majoration pour âge des allocations familiales, ainsi que l'effet de la création, à partir de 2027, d'un congé supplémentaire de naissance et la montée en charge des objectifs poursuivis en matière de petite enfance.

Prévisions des recettes, dépenses et soldes des régimes de base et du FSV

 

Recettes, dépenses et soldes de l'ensemble des régimes obligatoires de base

(En milliards d'euros)

 

2024

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

2029 (p)

Maladie

Recettes

239,2

245,1

255,0

261,5

268,2

275,3

Dépenses

253,0

262,3

267,5

275,3

283,2

291,3

Solde

- 13,8

-17,2

-12,5

-13,8

-15,0

-16,1

Accidents du travail et maladies professionnelles

Recettes

16,9

16,9

17,1

17,6

18,1

18,6

Dépenses

16,3

17,5

18,0

19,0

19,3

19,6

Solde

0,7

-0,5

-1,0

-1,4

-1,3

-0,9

Famille

Recettes

58,9

60,2

60,1

61,8

62,9

64,1

Dépenses

57,8

59,3

59,4

59,9

60,7

61,6

Solde

1,1

0,8

0,7

1,9

2,2

2,4

Vieillesse

Recettes

288,2

297,0

304,4

311,7

320,3

327,3

Dépenses

293,8

303,4

307,4

313,8

321,5

329,3

Solde

- 5,6

-6,3

-3,1

-2,1

-1,2

-2,0

Autonomie

Recettes

41,2

41,7

41,8

43,5

45,3

47,2

Dépenses

39,9

42,0

43,5

45,2

47,0

48,8

Solde

1,3

-0,3

-1,7

-1,7

-1,7

-1,7

Régimes obligatoires de base de sécurité sociale consolidés

Recettes

626,4

642,3

659,4

676,4

694,7

711,8

Dépenses

642,8

665,8

676,9

693,5

711,6

730,1

Solde

- 16,4

-23,5

-17,5

-17,1

-16,9

-18,3

 

 

Recettes, dépenses et soldes du Fonds de solidarité vieillesse

(En milliards d'euros)

 

2024

2025

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

2029 (p)

Recettes

21,6

22,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Dépenses

20,5

21,5

0,0

0,0

0,0

0,0

Solde

1,1

0,5

0,0

0,0

0,0

0,0

 

 

Recettes, dépenses et soldes des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse

(En milliards d'euros)

 

2024

2025

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

2029 (p)

Recettes

627,8

643,1

659,4

676,4

694,7

711,8

Dépenses

643,1

666,1

676,9

693,5

711,6

730,1

Solde

- 15,3

-23,0

-17,5

-17,1

-16,9

-18,3

 

III. – D'ici 2029, des efforts supplémentaires conséquents seront à mettre en œuvre pour revenir à l'équilibre.

Les comptes de la Sécurité sociale devront être ramenés à l'équilibre d'ici 2029 afin de garantir sa pérennité. Il conviendra également de prévoir le remboursement de la dette supplémentaire constituée dans l'intervalle, à un horizon suffisamment rapproché pour ne pas peser sur les générations suivantes.

Le retour à l'équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale à cet horizon requiert un effort supplémentaire de 17,9 milliards d'euros sur quatre ans, soit environ 4,5 milliards d'euros par an, par rapport à la trajectoire résultant de la présente loi et décrite ci-dessus.

En tenant compte des économies nécessaires pour respecter la trajectoire de l'Ondam prévue par le présent rapport, les économies annuelles nécessaires sont de près de 10 milliards d'euros.

IV. – Écarts à la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Les écarts entre les prévisions de dépenses des régimes de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement pour les années 2023 à 2027 figurant dans la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 et celles décrites dans la présente annexe sont retracés dans le tableau suivant :

 

(en milliards d'euros)

Révisions des dépenses, régimes de base de sécurité sociale + FSV

2023

2024

2025

2026

2027

Dépenses prévues dans la LPFP 2023-2027* (1)

610,9

641,8

665,2

685,8

705,4

Dépenses prévues dans le présent rapport (2)

610,8

643,1

666,1

676,9

693,5

Écarts (2)-(1)

-0,1

1,3

0,9

-8,9

-12,0

* Au sens du I de l'article 18 de la LPFP. Le IV du même article prévoyait par ailleurs que des économies issues du dispositif de revue de dépenses, réparties entre les dépenses des administrations de sécurité sociale, représentent 6 milliards d'euros par an pour les années 2025 à 2027 venant, pour la part relevant des régimes de base de sécurité sociale, en minoration de la trajectoire de dépenses. Ces 6 milliards d'euros n'ont toutefois pas fait l'objet d'une ventilation précise entre régimes de base de sécurité sociale et autres sous-secteurs du champ des administrations de sécurité sociale au sens de la comptabilité nationale.

En 2025, l'essentiel de l'écart reflète le relèvement projeté des dépenses relevant de l'ONDAM (qui évoluerait de 3,6 % contre 2,9 % prévu par la LPFP avant ventilation des 6 milliards d'euros d'économies attendues du fait des revues de dépenses), qui s'élèvent à 3,4 milliards d'euros au-dessus du niveau prévu par la LPFP (hors recettes atténuatives, non prises en compte dans ces chiffrages).

Pour 2026, l'effet en base de cette hausse des dépenses serait atténué par un taux d'évolution de l'ONDAM pour 2026 fixé à + 1,6 %, auquel s'ajouterait un effet de périmètre de + 0,3 milliard d'euros (au titre principalement de l'expérimentation de la réforme du financement des EHPAD qui est entrée en vigueur au 1er juillet 2025). Au total, les dépenses sous ONDAM seraient supérieures de l'ordre de 1 milliard d'euros à celles sous-jacentes à la LPFP, hors-économies supplémentaires attendues des revues de dépenses. En revanche, le ralentissement de l'inflation observé en 2024 (+ 1,8 % observé en 2024 contre + 2,5 % prévu en LPFP) se poursuivrait les années suivantes (+ 1,0 % et + 1,3 % en 2025 et 2026 contre + 2,0 % et + 1,8 % respectivement dans la LPFP), soit en cumul une révision de -2,1 % de l'inflation sur la période 2024-2026, réduisant, via une revalorisation légale moindre des prestations, le niveau des dépenses de près de 8 milliards d'euros en 2027 par rapport à la LPFP. À cet effet s'ajouterait l'impact de la mesure de gel de l'ensemble des prestations en 2026, puis de la sous-indexation de 0,4 point des pensions de retraite pendant quatre ans à partir de 2027, réduisant les dépenses de 4,6 milliards d'euros supplémentaires en 2027. Les révisions des prestations « en volume » expliquent le reste des écarts.

En cumul, les écarts entre les prévisions de dépenses des régimes de base de sécurité sociale de la LPFP, avant ventilation des 6 milliards d'euros d'économies devant être réalisées du fait du dispositif de revues de dépenses, et celles décrites dans la présente annexe, s'élèvent à 2,0 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en 2025. Toutefois, cette tendance s'inverserait dès 2026, avec un écart cumulé de - 6,8 milliards d'euros sur cette année et de près de 20 milliards d'euros en 2027. En ventilant les 6 milliards d'euros d'économies attendues dans le champ des régimes de base de sécurité sociale au prorata de la part de chaque sous-secteur, l'écart serait de l'ordre de 7 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en 2015 par rapport à la LPFP, puis, en sens inverse, 1 milliard d'euros en 2026 et 15 milliards d'euros en 2027.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission souhaite rétablir l'article qui approuve le rapport annexé.

Nous tenions à inscrire la pluriannualité des données dans le rapport. En outre, nous indiquons bien les efforts que nous voulons faire sur la trajectoire du déficit de la sécurité sociale, pour le ramener à un montant plus raisonnable, même si nous désespérons de voir un jour des comptes positifs…

Le solde des régimes obligatoires de base de sécurité sociale a connu une dégradation sans précédent en 2020 – je ne vous apprendrai pas les chiffres – : la France en était à près de 40 milliards d'euros de déficit sous l'effet des dépenses occasionnées par la crise sanitaire et de la récession qui l'a suivie. Le solde s'est redressé ensuite. En 2021, le déficit était presque au niveau que nous connaissons actuellement, à plus de 24 milliards d'euros. En 2022, le solde atteignait –19 milliards d'euros à la faveur d'un recul important des dépenses liées à la covid-19, mais dans un contexte marqué par le début d'une forte reprise de l'inflation. Le recul s'est poursuivi en 2023, année au titre de laquelle le déficit s'est réduit à 10,8 milliards d'euros, notamment du fait de l'extinction des dépenses liées à la crise sanitaire.

En 2024, le déficit s'est à nouveau accru, à 15,3 milliards d'euros, en raison des effets asymétriques de l'inflation. Il augmentera encore en 2025 puisqu'il est prévu à 23 milliards d'euros, en raison de la poursuite de la diminution de l'inflation. En effet, celle-ci pourrait s'établir à 1 % cette année. Cette baisse contribuera au ralentissement de la masse salariale du secteur privé, déterminant macroéconomique majeur de l'évolution des recettes ; en parallèle, les dépenses devraient être encore tirées vers le haut par les effets de l'inflation de 2024, via les revalorisations légales des prestations sociales – les pensions de retraite sont principalement concernées, à +2,2 % – et les dépenses relevant du champ de l'Ondam, dynamiques. D'ici à 2029, en tenant compte de l'ensemble des mesures d'économies de la présente loi, le déficit atteindrait 17,9 milliards d'euros.

La commission souhaite que les efforts demandés soient indiqués explicitement. Je propose donc de tenir compte des mesures adoptées, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, au cours de la discussion parlementaire relative aux recettes et à l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'exercice 2026, sans anticiper les débats sur la troisième partie. Ceux-ci donneront lieu à une nouvelle actualisation.

En somme, le présent amendement vise à documenter les mesures qui sous-tendent la trajectoire de retour à l'équilibre en 2029 et à actualiser le montant du déficit prévisionnel pour cette même année.

M. le président. Le sous-amendement n° 1800 rectifié, présenté par M. Delcros, Mmes Antoine et Saint-Pé, M. Duffourg, Mmes Sollogoub et Billon, MM. P. Martin et Levi et Mme Gacquerre, est ainsi libellé :

Amendement 634

1° Alinéa 13, dernière phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

La trajectoire de la branche vieillesse intègre également les effets des mesures d'accompagnement de la réforme et des hausses des taux des cotisations d'assurance vieillesse dues par les employeurs privés et par les employeurs territoriaux et hospitaliers (à hauteur, pour ces derniers, de 3 points par an en 2025, 2027 et 2028, soit l'équivalent 1,8 milliard d'euros sur chacune de ces années) ainsi que de l'affiliation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) de l'ensemble des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à temps non complet à compter de 2026. De même, la trajectoire de la branche intègre les effets de la prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), à compter de 2026, des dépenses correspondant à la majoration de pension pour enfants versée par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), ainsi que la compensation par la CNAV à la CNRACL, à compter de 2026, du coût lié à la mise en œuvre de la garantie de pension minimale d'invalidité, et la prise en charge par la CNAV, à compter de 2026, des trimestres partiellement cotisés au titre du congé maladie, congé de longue maladie ou de longue durée des affiliés à la CNRACL.

2° Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le solde global pour l'année 2026 atteindrait - 17,4 milliards d'euros, en amélioration de 5,6 milliards d'euros par rapport à 2025 sous l'effet de la légère augmentation attendue de l'inflation (+ 1,3 % après + 1,0 % en 2025), dont l'impact serait positif sur la dynamique de la masse salariale (+ 2,3 % après + 1,8 % en 2025) et des recettes. Celles-ci croîtraient de 2,5 %, soutenues par la hausse de la masse salariale du secteur privé et par les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances : une rationalisation des niches sociales applicables aux compléments de salaires pour un rendement de 1 milliard d'euros nets, une participation des organismes complémentaires de 1,0 milliard d'euros et le transfert par l'État à la sécurité sociale du rendement de la fiscalisation des indemnités journalières versées en cas de maladie au titre des affections de longue durée. De même, dès 2026, devraient être pris en compte l'affiliation à la CNRACL de l'ensemble des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à temps non complet, la prise en charge par la CNAF des dépenses correspondant à la majoration de pension pour enfants versée par la CNRACL ainsi que la compensation par la CNAV à la CNRACL du coût lié à la mise en œuvre de la garantie de pension minimale d'invalidité et de la prise en charge des trimestres partiellement cotisés au titre du congé maladie, congé de longue maladie ou de longue durée des affiliés à la CNRACL). En regard, les dépenses globales progresseraient à un rythme modéré (évolution de + 1,6 %) sous l'effet notamment de la mesure de gel de l'ensemble des prestations et des pensions de retraite prévue par la présente de loi et de la modération de la progression des dépenses d'assurance maladie puisque l'ONDAM progresserait de 1,6 %, après 3,6 % en 2025. La hausse des dépenses des régimes obligatoires en 2026 représenterait toutefois 10,8 milliards d'euros, dont 5,2 milliards au titre des dépenses maladie.

3° Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

En 2026, le solde de la branche vieillesse est directement affecté par l'augmentation de la taille des générations qui partent à la retraite. De même, elle est affectée par l'affiliation à la CNRACL, à compter de 2026, de l'ensemble des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à temps non complet, par la prise en charge par la CNAF en 2026 des dépenses correspondant à la majoration de pension pour enfants versée par la CNRACL, par la compensation par la CNAV à la CNRACL, à compter de 2026, du coût lié à la mise en œuvre de la garantie de pension minimale d'invalidité, et par la prise en charge par la CNAV, à compter de 2026, des trimestres partiellement cotisés au titre du congé maladie, congé de longue maladie ou de longue durée des affiliés à la CNRACL. Le solde de la branche vieillesse bénéficiera en revanche de la hausse progressive de l'âge effectif de départ prévue dans la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et s'avère d'autre part particulièrement sensible aux évolutions de l'inflation, connaitrait une première étape dans sa trajectoire de retour à l'équilibre avec une amélioration de son solde (- 3,0 milliards d'euros en 2026 après – 4,5 milliards d'euros en 2024 et 5,8 milliards d'euros en 2025), sous l'effet du gel, poursuivi les années suivantes par une sous indexation, de l'ensemble des pensions de retraites de base.

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Ce sous-amendement d'appel de notre collègue Bernard Delcros vise à inciter le Gouvernement à mettre en œuvre quatre recommandations du rapport d'information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale sur le financement de la CNRACL.

Premièrement, il s'agirait de transférer à la Cnaf la charge financière que représente pour la CNRACL le financement d'un avantage non contributif : la majoration pour enfants.

Deuxièmement, le sous-amendement a pour objet l'affiliation à la CNRACL de l'ensemble des agents territoriaux, y compris ceux dont le contrat comporte moins de vingt-huit heures de travail hebdomadaires et qui sont affiliés actuellement au régime général d'assurance vieillesse et à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec).

Troisièmement, la Cnav prendrait en charge le financement de l'avantage non contributif qu'est le financement direct des prestations légales d'invalidité.

Quatrièmement, l'augmentation de trois points de cotisation à la charge des employeurs territoriaux et hospitaliers, prévue pour 2026, serait reportée en 2027. En effet, elle mettrait en péril leur équilibre financier.

De portée non contraignante, le présent sous-amendement ne crée ni n'aggrave aucune charge publique.

M. le président. Le sous-amendement n° 1124 rectifié bis, présenté par MM. Montaugé et Jomier, Mme Féret, M. Ros, Mme Espagnac, MM. Redon-Sarrazy, Pla et Bourgi, Mmes Poumirol et Artigalas, M. Omar Oili, Mme Conway-Mouret, MM. Michau, Bouad, Tissot et Mérillou et Mmes Bélim et Monier, est ainsi libellé :

Amendement n° 634, alinéa 15

Après le mot : 

financer

insérer les mots : 

la mise en œuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant dans le cadre de séjours dits de répit aidant-aidé et

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Ce sous-amendement déposé par notre collègue Franck Montaugé a pour objet les séjours de répit aidants-aidés.

Nous savons l'importance des aidants dans les familles qui comprennent des personnes soit en situation de handicap, soit en perte d'autonomie, et le rôle majeur qu'ils jouent au quotidien, souvent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous avons tout à fait conscience de la nécessité de mettre en place des solutions de répit leur permettant de « souffler », car c'est une condition extrêmement exténuante tout au long de l'année.

Ces solutions restent insuffisantes, en particulier dans les territoires ruraux où les familles ont peu de relais. La loi du 15 novembre 2024 a permis de poser un cadre, mais sa mise en œuvre dépend de la visibilité financière donnée aux dispositifs de suppléance à domicile. En effet, ceux-ci permettent les séjours aidants-aidés, car ils assurent un accueil des deux personnes en même temps.

Il est précisé dans l'objet de ce sous-amendement que ces prestations doivent être intégrées explicitement à la programmation de la branche autonomie. Cela permettra aux opérateurs et aux départements de mettre en place des solutions de répit de façon pérenne. Franck Montaugé tenait à citer l'établissement de répit partagé de Saint-Blancard dans le Gers, qu'il salue. J'ajoute qu'un projet verra bientôt le jour dans les Landes et un autre dans le Calvados.

L'objet de ce sous-amendement est donc de rendre effectif un droit qui répond à un besoin très concret et d'éviter que ces dispositifs ne soient fragilisés, faute d'inscription explicite dans la trajectoire financière.

M. le président. Les deux sous-amendements suivants sont identiques.

Le sous-amendement n° 1551 rectifié est présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault, Capus, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos et MM. Grand, V. Louault et Wattebled.

Le sous-amendement n° 1803 rectifié bis est présenté par Mmes Perrot, Antoine, Jacquemet, Sollogoub et Saint-Pé et M. Pillefer.

Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :

Amendement n° 634, alinéa 16, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Bien qu'ils aient augmenté, les concours aux départements ne couvrent pas la moitié des dépenses engagées par ces collectivités au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, qui sont très dynamiques ; le reste à charge des départements est d'environ 3,76 milliards pour l'allocation personnalisée d'autonomie et d'environ 2 milliards pour la prestation de compensation du handicap.

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter le sous-amendement n° 1551 rectifié.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement de Mme Paoli-Gagin a pour objet les concours de la CNSA en direction des départements. Ils sont en hausse, mais les dépenses consacrées à l'APA et à la PCH ont augmenté plus encore, de telle sorte que le reste à charge de ces collectivités reste très élevé.

Dans le détail, le taux de compensation de la PCH est passé de 39 % à 30 % entre 2012 et 2023 ; pour l'APA, il est passé de 31 % à 40 %, mais pour des dépenses beaucoup plus importantes du fait du vieillissement de la population.

C'est pourquoi le présent amendement vise à rappeler que la politique d'autonomie doit reposer sur un partage entre la branche concernée et les départements. L'objectif est d'arriver à des concours homogénéisés de la CNSA à 50 %, soit une répartition par moitié des dépenses entre, d'une part, l'État et la sécurité sociale, d'autre part, les départements, sur les concours historiques APA-PCH. L'avenir de ces dépenses de solidarité suscite l'inquiétude en l'absence d'une trajectoire de financement partagé.

M. le président. La parole est à M. Bernard Pillefer, pour présenter le sous-amendement n° 1803 rectifié bis.

M. Bernard Pillefer. Ce sous-amendement de Mme Perrot vient d'être remarquablement défendu par M. Chasseing, les termes étant les mêmes.

M. le président. Les deux sous-amendements suivants sont identiques.

Le sous-amendement n° 1552 rectifié est présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault, Capus, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos et MM. Grand, V. Louault et Wattebled.

Le sous-amendement n° 1804 rectifié ter est présenté par Mmes Perrot, Antoine et Jacquemet, M. Pillefer et Mmes Sollogoub, Saint-Pé et Bourguignon.

Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :

Amendement n° 634, alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La trajectoire de la branche intègre également, à hauteur de 100 millions d'euros, le soutien financier annuel à la mobilité des aides à domicile prévu par la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie.

La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour présenter le sous-amendement n° 1552 rectifié.

M. Jean-Luc Brault. Conformément à l'article 20 de la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie, dite loi Bien Vieillir, cet amendement vise à mentionner explicitement, dans le rapport annexé, l'aide financière de la CNSA à destination des départements pour soutenir la mobilité des professionnels de l'aide à domicile.

L'enveloppe de 100 millions d'euros prévue en 2025 doit être reconduite, s'agissant d'une aide financière qu'il convient de renouveler annuellement, selon la volonté du législateur.

M. le président. La parole est à M. Bernard Pillefer, pour présenter le sous-amendement n° 1804 rectifié ter.

M. le président. Les trois sous-amendements suivants sont identiques.

Le sous-amendement n° 801 rectifié bis est présenté par Mmes M. Carrère et Pantel, MM. Roux, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset et Mme Girardin.

Le sous-amendement n° 1123 rectifié bis est présenté par M. Montaugé, Mme Espagnac, MM. Redon-Sarrazy, Pla et Bourgi, Mmes Poumirol et Artigalas, M. Omar Oili, Mme Conway-Mouret, MM. Michau, Bouad, Tissot et Mérillou et Mmes Bélim et Monier.

Le sous-amendement n° 1810 rectifié bis est présenté par M. J.M. Boyer, Mmes Ventalon et Imbert, MM. Malhuret et Anglars, Mmes Puissat et Borchio Fontimp, MM. Rietmann et C. Vial, Mmes Chain-Larché et N. Goulet, MM. Sautarel, Chaize et Sol, Mme Schalck, M. Médevielle, Mme P. Martin, MM. A. Marc, Michallet et Sido, Mme M. Mercier, M. Kern, Mme Sollogoub, MM. Rojouan, Genet, Séné et Grosperrin, Mmes Gosselin, Bellamy et Dumont, MM. Bitz et Houpert, Mmes Berthet et Belrhiti, M. Belin, Mme Valente Le Hir, M. Brisson, Mme Joseph et MM. D. Laurent, Hingray et Levi.

Ces trois sous-amendements sont ainsi libellés :

Amendement n° 634, après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Ainsi, face au vieillissement de la population et à la progression des maladies chroniques, le recours à des approches non pharmacologiques, telles que les cures thermales, apparaît comme un levier complémentaire d'action en santé publique. Encadré par le code de la santé publique, le thermalisme propose une prise en charge pluridisciplinaire s'inscrivant dans une logique de prévention et d'autonomisation du patient. Documentée par de nombreuses études cliniques, son efficacité se traduit par une meilleure gestion des maladies chroniques, une réduction du recours aux soins de ville et hospitaliers et une contribution à la maîtrise des dépenses de santé.

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter le sous-amendement n° 801 rectifié bis.

M. Michel Masset. Ce sous-amendement est très cher à la présidente de mon groupe, Maryse Carrère.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Pas seulement !

M. Michel Masset. Face au vieillissement de notre population et à la progression des maladies chroniques, la médecine thermale constitue un levier complémentaire efficace de prévention et de soins.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !

M. Michel Masset. En 2023, la consommation de soins et de biens médicaux liée aux cures s'est élevée à 350 millions d'euros. La sécurité sociale n'a consacré que 233 millions d'euros à leur remboursement, soit seulement 0,1 % de ses dépenses.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. En plus, ça rapporte !

M. Michel Masset. Pour un coût très limité, ce dispositif pluridisciplinaire améliore la gestion des maladies chroniques, réduit le recours aux soins et responsabilise les patients, dont le reste à charge est significatif. En effet, le remboursement couvre 70 % de la surveillance médicale et 65 % des soins thermaux.

Reconnu dans de nombreux pays européens, le thermalisme bénéficie chaque année à près de 500 000 patients et soutient les territoires ruraux, où se trouvent 70 % des stations. Ce sous-amendement vise donc à garantir le maintien du taux de prise en charge de la médecine thermale.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter le sous-amendement n° 1123 rectifié bis.

Mme Frédérique Espagnac. Le thermalisme apporte des bénéfices documentés aux patients atteints de pathologies chroniques et contribue, dans plusieurs départements ruraux, à l'attractivité de l'offre de soins. La baisse du remboursement des cures enverrait un signal de retrait alors que ces soins représentent dans les faits un levier reconnu de prévention.

Ce sous-amendement vise à inscrire ce secteur dans la programmation pluriannuelle. Nous ne créons aucune charge, mais clarifions l'orientation et donnons de la visibilité aux acteurs du thermalisme et aux collectivités qui les soutiennent. En somme, c'est une mise en cohérence entre les besoins de santé publique et la trajectoire affichée dans le PLFSS.

M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour présenter le sous-amendement n° 1810 rectifié bis.

M. Jean Sol. Je m'associe à ce que viennent d'exprimer mes collègues et compléterai leurs propos sur le déremboursement prévu pour le thermalisme.

Si des pistes d'amélioration du modèle économique des cures peuvent être trouvées et mises en discussion, réduire ou supprimer le remboursement serait une décision lourde de conséquences, économiquement inefficace, socialement injuste et politiquement risquée. Le déremboursement, comme vous le savez, fragiliserait de nombreux équilibres territoriaux dans bon nombre de nos départements.

Faut-il rappeler que l'établissement thermal constitue l'un des premiers employeurs locaux et assure la vitalité du tissu économique, en particulier dans nos territoires ruraux ? Bon nombre de ces structures se trouvent dans des communes de moins de 10 000 habitants.

M. le président. L'amendement n° 1874, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Est approuvé le rapport figurant en annexe à la présente loi décrivant, pour les quatre années à venir (2026 à 2029), les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

 

ANNEXE

 

RAPPORT DÉCRIVANT LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET LES OBJECTIFS DE DÉPENSES PAR BRANCHE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE DE SÉCURITÉ SOCIALE, AINSI QUE L'OBJECTIF NATIONAL DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE POUR LES ANNÉES 2026 A 2029

Le solde des régimes obligatoires de base de sécurité sociale a connu une dégradation sans précédent en 2020 et a atteint le niveau de – 39,7 milliards d'euros sous l'effet des dépenses occasionnées par la crise sanitaire et de la récession qui l'a suivie. Il s'est redressé en 2021 à – 24,3 milliards d'euros en raison de la reprise progressive de l'activité. L'amélioration s'est poursuivie en 2022, le solde atteignant alors – 19,7 milliards d'euros, à la faveur d'un recul important des dépenses liées à la Covid19 mais dans un contexte marqué par le début d'une forte reprise de l'inflation, puis de nouveau en 2023, année au titre de laquelle le déficit s'est réduit à 10,8 milliards d'euros, avec notamment l'extinction des dépenses liées à la crise sanitaire. Le déficit s'est ensuite de nouveau accru en 2024 (15,3 milliards d'euros) en raison des effets asymétriques de l'inflation : les prestations légales ont ainsi été revalorisées en lien avec l'inflation encore élevée de l'année précédente (4,8 % en 2023 au sens de l'indice des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle), les dépenses nettes relevant du champ de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ayant pour leur part progressé de 3,5 %, tandis que les recettes répondaient de manière contemporaine à l'inflation, qui a reflué à 1,8 % en 2024.

Le déficit s'accroitra de nouveau en 2025 (23,0 milliards d'euros selon les prévisions actualisées figurant dans la présente loi), en raison de la poursuite de la diminution de l'inflation, qui pourrait s'établir à 1,0 % en 2025, contribuant au ralentissement de la masse salariale du secteur privé (+ 1,8 %), déterminant macroéconomique majeur de l'évolution des recettes, tandis que les dépenses devraient être encore tirées vers le haut par les effets de l'inflation passée de 2024 via les revalorisations légales des prestations sociales, principalement en ce qui concerne les pensions de retraite (+ 2,2 %), et des dépenses relevant du champ de l'ONDAM dynamiques.

L'Ondam pour 2026 est augmenté d'un milliard d'euros par rapport à l'objectif du PLFSS initial, se traduisant par une évolution de 2,0 % par rapport à 2025.

Le déficit s'établirait à 17,5 milliards d'euros en 2026, en tenant compte de l'effet du transfert à l'État de la charge de la compensation de 2,5 Md € d'exonérations dont le coût reposait jusqu'en 2025 sur la sécurité sociale.

D'ici 2029, le déficit atteindrait 21,7 milliards d'euros : la progression des dépenses resterait tendanciellement forte malgré la montée en charge des mesures d'économies passées tandis que celle des recettes ne suffirait pas à stabiliser le déficit. La branche maladie concentrerait l'essentiel du déficit à moyen terme, notamment du fait de la progression structurelle de ses dépenses.

I.– La loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 s'inscrit dans un contexte macroéconomique de faible croissance et de faible inflation

L'hypothèse de croissance du produit intérieur brut (PIB) retenue pour 2026 est de 1,0 %, après une évolution de 0,7 % en 2025. À moyen terme, la croissance réelle du PIB atteindrait 1,3 % par an en 2028 et 2029. L'inflation serait faible en 2025 (1,0 % au sens de l'indice des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle) et augmenterait légèrement en 2026 (1,3 %) pour se stabiliser à 1,75 % à compter de 2027. La masse salariale du secteur privé progresserait de 1,8 % en 2025 et de 2,3 % en 2026, puis continuerait d'accélérer pour atteindre 3,2 % en 2029.

Le tableau ci-dessous détaille les principales hypothèses d'évolutions retenues pour l'élaboration des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses décrits dans la présente annexe :

 

 

2024

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

2029 (p)

PIB en volume

1,1 %

0,7 %

1,0 %

1,2 %

1,3 %

1,3 %

Masse salariale du secteur privé *

3,3 %

1,8 %

2,3 %

3,0 %

3,1 %

3,2 %

Inflation hors tabac

1,8 %

1,0 %

1,3 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

ONDAM**

3,3 %

3,6 %

2,0 %

2,9 %

2,9 %

2,9 %

* Masse salariale du secteur privé hors prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et prime de partage de la valeur ajoutée. En incluant ces éléments de rémunération, la progression de la masse salariale s'est élevée à 2,8 % en 2024. En 2025, la prime de partage de la valeur ajoutée se stabiliserait à un niveau proche de son niveau de 2024, malgré son assujettissement à certains prélèvements sociaux, si bien qu'il n'y a pas de déformation attendue à ce titre.

** Evolution de l'ONDAM, y compris dépenses de crise sanitaire. Sans prise en compte de ces dépenses, l'évolution de l'ONDAM est de 3,5 % en 2024.

 

II.– Prévisions des recettes, dépenses et soldes des régimes de base et du FSV

Recettes, dépenses et soldes de l'ensemble des régimes obligatoires de base (en milliards d'euros)

(en milliards d'euros)

 

2024

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

2029 (p)

Maladie

Recettes

239,2

245,1

254,7

261,2

268,0

275,0

Dépenses

253,0

262,3

268,6

276,4

284,5

292,7

Solde

- 13,8

-17,2

-13,9

-15,2

-16,5

-17,7

Accidents du travail et maladies professionnelles

Recettes

16,9

16,9

17,2

17,7

18,1

18,7

Dépenses

16,3

17,5

18,1

19,0

19,4

19,6

Solde

0,7

-0,5

-0,9

-1,4

-1,2

-0,9

Famille

Recettes

58,9

60,2

60,4

62,1

63,2

64,3

Dépenses

57,8

59,3

59,7

60,3

61,1

62,0

Solde

1,1

0,8

0,7

1,8

2,1

2,3

Vieillesse

Recettes

288,2

297,0

308,7

316,3

325,1

332,5

Dépenses

293,8

303,4

310,5

318,8

327,6

336,5

Solde

- 5,6

-6,3

-1,8

-2,5

-2,5

-4,0

Autonomie

Recettes

41,2

41,7

42,0

43,7

45,6

47,5

Dépenses

39,9

42,0

43,5

45,2

47,0

48,8

Solde

1,3

-0,3

-1,5

-1,5

-1,5

-1,4

Régimes obligatoires de base de sécurité sociale consolidés

Recettes

626,4

642,3

663,9

681,2

699,9

717,4

Dépenses

642,8

665,8

681,4

700,1

719,5

739,1

Solde

- 16,4

-23,5

-17,5

-18,9

-19,6

-21,7

 

Recettes, dépenses et soldes du Fonds de solidarité vieillesse

(en milliards d'euros)

 

2024

2025

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

2029 (p)

Recettes

21,6

22,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Dépenses

20,5

21,5

0,0

0,0

0,0

0,0

Solde

1,1

0,5

0,0

0,0

0,0

0,0

 

Recettes, dépenses et soldes des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse

(en milliards d'euros)

 

2024

2025

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

2029 (p)

Recettes

627,8

643,1

663,9

681,2

699,9

717,4

Dépenses

643,1

666,1

681,4

700,1

719,5

739,1

Solde

- 15,3

-23,0

-17,5

-18,9

-19,6

-21,7

 

III.– D'ici 2029, des efforts supplémentaires conséquents seront à mettre en œuvre pour revenir à l'équilibre.

Les comptes de la Sécurité sociale devront être ramenés à l'équilibre d'ici 2029 afin de garantir sa pérennité. Il conviendra également de prévoir le remboursement de la dette supplémentaire constituée dans l'intervalle, à un horizon suffisamment rapproché pour ne pas peser sur les générations suivantes.

Le retour à l'équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale à cet horizon requiert un effort supplémentaire de 24,2 milliards d'euros sur trois ans, soit environ 8 milliards d'euros par an, par rapport à la trajectoire résultant de la présente loi et décrite ci-dessus.

En tenant compte des économies nécessaires pour respecter la trajectoire de l'Ondam prévue par le présent rapport, les économies nécessaires sont de 37 milliards d'euros à horizon 2029.

IV.– Écarts à la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Les écarts entre les prévisions de dépenses des régimes de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement pour les années 2023 à 2027 figurant dans la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 et celles décrites dans la présente annexe sont retracés dans le tableau suivant :

 

(En euros)

 Révisions des dépenses, régimes de base de sécurité sociale + FSV

2023

2024

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

Dépenses prévues dans la LPFP 2023-2027* (1)

610,9

641,8

665,2

685,8

705,4

Dépenses prévues dans le présent rapport (2)

610,8

643,1

666,1

681,4

700,1

Écarts (2)-(1)

-0,1

1,3

0,9

-4,4

-5,3

 

* Au sens du I de l'article 18 de la LPFP. Le IV du même article prévoyait par ailleurs que des économies issues du dispositif de revue de dépenses, réparties entre les dépenses des administrations de sécurité sociale, représentent 6 milliards d'euros par an pour les années 2025 à 2027 venant, pour la part relevant des régimes de base de sécurité sociale, en minoration de la trajectoire de dépenses. Ces 6 milliards d'euros n'ont toutefois pas fait l'objet d'une ventilation précise entre régimes de base de sécurité sociale et autres sous-secteurs du champ des administrations de sécurité sociale au sens de la comptabilité nationale.

 

En 2025, l'essentiel de l'écart reflète le relèvement projeté des dépenses relevant de l'ONDAM (qui évoluerait de 3,6 % contre 2,9 % prévu par la LPFP avant ventilation des 6 milliards d'euros d'économies attendues du fait des revues de dépenses), qui s'élèvent à 3,4 milliards d'euros au-dessus du niveau prévu par la LPFP (hors recettes atténuatives, non prises en compte dans ces chiffrages).

Pour 2026, l'effet en base de cette hausse des dépenses serait atténué par un taux d'évolution de l'ONDAM pour 2026 fixé à + 2,0 %, auquel s'ajouterait un effet de périmètre de + 0,3 milliard d'euros (au titre principalement de l'expérimentation de la réforme du financement des EHPAD qui est entrée en vigueur au 1er juillet 2025). En revanche, le ralentissement de l'inflation observé en 2024 (+ 1,8 % observé en 2024 contre + 2,5 % prévu en LPFP) se poursuivrait les années suivantes (+ 1,0 % et + 1,3 % en 2025 et 2026 contre + 2,0 % et + 1,8 % respectivement dans la LPFP), soit en cumul une révision de 2,1 % de l'inflation sur la période 2024-2026, réduisant, via une revalorisation légale moindre des prestations, le niveau des dépenses de près de 8 milliards d'euros en 2027 par rapport à la LPFP. La suspension de la réforme des retraites de 2023 et les révisions des prestations « en volume » expliquent le reste des écarts.

En cumul, les écarts entre les prévisions de dépenses des régimes de base de sécurité sociale de la LPFP, avant ventilation des 6 milliards d'euros d'économies devant être réalisées du fait du dispositif de revues de dépenses, et celles décrites dans la présente annexe, s'élèvent à 2,0 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en 2025. Toutefois, cette tendance s'inverserait dès 2026, avec un écart cumulé de -2,3 milliards d'euros sur cette année et de -7,6 milliards d'euros en 2027. En ventilant les 6 milliards d'euros d'économies attendues dans le champ des régimes de base de sécurité sociale au prorata de la part de chaque sous-secteur, l'écart serait de l'ordre de 8 milliards d'euros en 2026 et 14 milliards d'euros en 2027.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Cet amendement vise, comme celui du Gouvernement à l'article 14, à assurer une première coordination des votes intervenus depuis le début de l'examen du PLFSS par la Haute Assemblée.

Je ne reviens pas sur le déficit pour 2026 puisque la modification des chiffres a été présentée à l'occasion de l'examen de l'article 14. La méthode et les mesures intégrées sont ici les mêmes.

En revanche, je me permets de vous signaler que, pour 2029, le solde initialement prévu était de 18,3 milliards d'euros. Le solde issu des travaux à l'Assemblée nationale était dégradé d'environ 10 milliards d'euros, pour s'établir à 28 milliards d'euros. Celui qui est issu des travaux du Sénat, à ce stade, est de 21,7 milliards d'euros, soit une dégradation de 3,4 milliards d'euros par rapport à la trajectoire initiale.

Comme pour l'amendement adopté à l'article 14, il s'agit d'un ajustement provisoire. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette trajectoire pluriannuelle du financement de la sécurité sociale, qui pourra être détaillée de nouveau à la fin de l'examen du projet de loi.

Sur un plan technique, comptable, et compte tenu de cette actualisation, je demande à Mme la rapporteure générale de bien vouloir retirer l'amendement de la commission n° 634 : les chiffres qui y sont présentés ne prennent pas en compte les derniers amendements adoptés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme je le disais tout à l'heure, le rapport annexé est un texte important : il s'agit, en l'espèce, du tableau retraçant les prévisions d'évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale.

Nous souhaitions avant tout y inscrire notre intention de ramener les prévisions de déficit sur une meilleure trajectoire de réduction. Ce que vous proposez, mes chers collègues, dans différents domaines, par vos sous-amendements, ce sont des insertions particulières de dispositions et de références.

Le sous-amendement n° 1800 rectifié vise à inclure dans le rapport annexé diverses recommandations du rapport d'information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale sur le financement de la CNRACL. Il s'agit, de l'aveu même de ses auteurs, d'un « sous-amendement d'appel » dont l'objet est d'« inciter le Gouvernement » à mettre en œuvre ces recommandations. Nous attendons donc les commentaires de Mme la ministre à cet égard.

Toutefois, il résulte de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale que le rapport annexé ne doit pas être une liste de souhaits ; nous le redisons tous les ans, car tous les ans la tentation de chacun est d'inscrire toutes ses préoccupations dans ce rapport. Bien que nous adhérions à ces préoccupations – là n'est pas le sujet –, l'avis de la commission est défavorable sur ce sous-amendement.

Le sous-amendement n° 1124 rectifié bis vise à inclure dans le rapport annexé une référence à la mise en œuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant dans le cadre de séjours dits de « répit aidant-aidé ». Selon les auteurs de l'amendement, il s'agit d'une simple précision sans effet sur la trajectoire de solde. Toutefois, derechef, il résulte de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale que le rapport annexé doit être non pas une liste de souhaits, mais une prévision à moyen terme, c'est-à-dire un ensemble de tableaux assortis de leurs commentaires explicatifs. Si un amendement ne modifie pas la trajectoire ou ne précise pas les hypothèses retenues pour la déterminer, il n'a pas sa place dans le rapport annexé : avis défavorable.

Sur les sous-amendements identiques nos 1551 rectifié et 1803 rectifié bis, là encore, l'avis de la commission est défavorable. Il est proposé d'inclure dans le rapport annexé, cette fois, l'indication factuelle selon laquelle les concours aux départements ne couvrent pas la moitié des dépenses engagées par ces collectivités au titre de l'APA et de la PCH. L'argument est toujours le même : une telle indication n'a pas vocation à figurer dans le rapport annexé, car elle est sans effet sur la trajectoire financière pluriannuelle.

Sur les sous-amendements identiques nos 1552 rectifié et 1804 rectifié ter, nous sollicitons l'avis du Gouvernement. Leurs auteurs proposent de préciser que la trajectoire de la branche autonomie – on voit qu'il s'agit bien, cette fois, d'une précision sur la trajectoire – intègre, à hauteur de 100 millions d'euros, le soutien financier annuel à la mobilité des aides à domicile. Il ne me semble pas évident que le Gouvernement ait construit sa projection en incluant cette hypothèse ; nous allons par conséquent écouter sa réponse.

Les sous-amendements identiques nos 801 rectifié bis, 1123 rectifié bis et 1810 rectifié bis traitent du thermalisme – nous aurons sans doute l'occasion de débattre de ce sujet dans les prochains jours. Je comprends bien la préoccupation de nos collègues ; toutefois, là encore, l'alinéa qu'il est proposé d'insérer dans le rapport annexé n'a pas d'effet direct sur les trajectoires financières de la sécurité sociale : avis défavorable.

Sur l'amendement n° 1874 du Gouvernement, enfin, l'avis de la commission est favorable. Monsieur le ministre, vous me demandez de bien vouloir retirer mon amendement : j'y consens, car nous avons eu la confirmation que vous vous inscriviez dans une démarche de retour progressif à l'équilibre budgétaire, et en tout cas dans une trajectoire faite de déficits un peu moins élevés que ceux que nous avons enregistrés ces dernières années.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je demande le retrait de ces différents sous-amendements ; à défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable : ces propositions n'ont pas leur place, me semble-t-il, dans le rapport annexé.

Les débats soulevés méritent toutefois quelques mots de réponse.

M. Delcros propose, par son sous-amendement n° 1800 rectifié, d'inclure dans la trajectoire financière pluriannuelle de la sécurité sociale la mise en œuvre des recommandations de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le financement de la CNRACL.

Or le Gouvernement n'avait pas jugé opportun de mettre en œuvre ces recommandations, pour diverses raisons.

Le déficit de la CNRACL s'établira en 2026, vous le savez, à 1,8 milliard d'euros ; en montant cumulé, il s'élèvera à 13,9 milliards d'euros. Les recettes supplémentaires espérées de la prise en charge par d'autres caisses du financement des avantages non contributifs que sont la majoration pour enfants et les prestations légales d'invalidité sont insuffisantes pour avoir un réel effet sur la réduction de ce déficit. Ces transferts auraient par ailleurs pour conséquence de dégrader les soldes de la Cnaf et de la Cnav, donc le déficit du régime général, qui est porté par l'Acoss. Or la CNRACL finance également son déficit via l'emprunt auprès de l'Acoss. Ainsi, ce que l'Acoss n'aurait pas à prêter à la CNRACL, elle devrait l'emprunter pour financer les déficits de la Cnaf et de la Cnav.

En ce qui concerne l'affiliation à la CNRACL de l'ensemble des agents territoriaux, autre mesure inscrite dans ce sous-amendement, elle aurait pour effet de renchérir les cotisations dues par les employeurs sur les traitements de cette population et d'affilier au régime des agents non titulaires qui n'ont pas vocation à cotiser toute leur carrière au régime spécial.

Enfin, le sous-amendement de M. Delcros a pour objet d'intégrer dans la trajectoire financière de la branche vieillesse un report d'une année de la hausse du taux de cotisation employeur vieillesse. Or cette augmentation du taux des cotisations patronales est nécessaire pour maintenir la soutenabilité du régime de retraite et garantir le versement des pensions.

Le sous-amendement n° 1124 rectifié bis traite du baluchonnage, c'est-à-dire des prestations de suppléance à domicile des proches aidants. Comme vous, madame Poumirol, je suis convaincue de l'intérêt de ce dispositif. Un financement est prévu, à hauteur de 75 millions d'euros. Je rappelle que le baluchonnage relève principalement de prestations individuelles à domicile qui sont d'ores et déjà financées par les départements via la prestation de compensation du handicap ou l'APA. Pour cette raison, l'inscription de ce financement dans la trajectoire de la branche n'apparaît pas opportune.

Les sous-amendements nos 1551 rectifié et 1803 rectifié bis concernent les dépenses des départements couvertes par les concours de la CNSA. Ces dépenses sont dynamiques, ce qui induit un reste à charge : les auteurs de ces amendements souhaitent le préciser dans l'annexe ; cela ne me semble pas opportun. Nous avons déjà eu ce débat sur le taux de compensation, qui, pour 2026, sera en moyenne de 43 % pour les dépenses de PCH et d'APA et atteindra même 49 % pour la seule PCH.

Les sous-amendements identiques nos 1552 rectifié et 1804 rectifié ter traitent du soutien financier annuel de 100 millions d'euros à la mobilité des aides à domicile. Le fonds dédié est doté de 75 millions d'euros en 2025 et nous accompagnons les départements de manière pérenne pour qu'ils puissent l'utiliser davantage : il reste une marge non consommée. Par conséquent, il ne nous semble pas logique de porter ce fonds à 100 millions d'euros, alors que 75 millions suffisent à ce stade. Nous verrons si les collectivités s'en saisissent davantage en 2026, donc s'il y a lieu d'accroître ce soutien financier dans le PLFSS pour 2027.

J'en viens enfin aux sous-amendements relatifs au thermalisme.

Vous le savez, dans ce projet de budget de la sécurité sociale figure la possibilité pour le Gouvernement, qui en a la volonté, de procéder à une baisse réglementaire du taux de remboursement des cures thermales. Il ne s'agit pas là de dérembourser ces prestations, mais de diminuer la part prise en charge par l'assurance maladie dans leur remboursement. Cette mesure est notamment issue de rapports du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et de la Cour des comptes qui évaluent ces dépenses à 270 millions d'euros pour l'assurance maladie en 2023.

Nous sommes l'un des derniers pays à rembourser les cures thermales ; et je ne doute pas que nous aurons ce débat. Comme j'ai pu l'indiquer à plusieurs reprises, cette mesure, qui induirait une amélioration du solde de l'ordre de 200 millions d'euros, sera examinée à l'issue de chaque lecture du PLFSS. Alors nous verrons, en fonction de la baisse du déficit de la sécurité sociale qui aura été obtenue, ce que nous pouvons faire.

En attendant, et en raison notamment de ces rapports, le Gouvernement est très attaché à la possibilité de diminuer le taux de remboursement des cures thermales.

M. le président. Madame la rapporteure générale, confirmez-vous le retrait de votre amendement n° 634 ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 634 est retiré.

En conséquence, les sous-amendements nos 1800 rectifié et 1124 rectifié bis, les sous-amendements identiques nos 1551 rectifié et 1803 rectifié bis, les sous-amendements identiques nos 1552 rectifié et 1804 rectifié ter et les sous-amendements identiques nos 801 rectifié bis, 1123 rectifié bis et 1810 rectifié bis n'ont plus d'objet.

La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote sur l'amendement n° 1874.

Mme Marion Canalès. Je veux d'ores et déjà dire un mot du thermalisme, même si notre groupe a également déposé un amendement à l'article 49 et que nous aurons l'occasion, comme l'a dit Mme Doineau, d'en rediscuter.

L'hypothèse de la baisse du remboursement, madame la ministre, a ému bien au-delà des parlementaires : elle a ému non seulement une profession entière, non seulement des maires, mais aussi des patients. J'entends bien quelles sont les conclusions du rapport de la Cour des comptes : nous l'avons tous lu. Cela étant, nous avons également lu les publications de l'Association française pour la recherche thermale, qui a financé depuis 2004 plus de soixante études cliniques, dont trente-cinq publiées dans des revues internationales. À la lecture de ces études, on peut tout de même considérer que la médecine thermale est rigoureusement évaluée et encadrée et que le service médical rendu est avéré.

Vous dites, madame la ministre, que nous verrons en fonction des débats comment nous pourrons ou non adoucir cette proposition de moindre remboursement. Or, je veux le rappeler, le coût des cures thermales – Frédérique Espagnac l'a dit avant moi – représente moins de 0,13 % des dépenses de l'assurance maladie. Le diable serait vraiment dans les détails si nous nous attardions sur ces prestations… Nous allons étudier l'article 19, nous allons parler de prévention ; les cures permettent de prévenir les hospitalisations et de limiter les prescriptions médicamenteuses.

Je conclurai en citant Jean-Louis Murat, qui est de mon département et qui chantait :

« Aux Thermes de Choussy,

Allez soigner à l'arsenic,

Vos souffles affaiblis. »

L'accès aux soins de près de 500 000 patients accueillis en 2024 serait menacé, et nous aurons l'occasion de défendre de nouveau le thermalisme lors de l'examen de l'article 49.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je n'en doute pas !…

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Les sous-amendements ayant disparu, je me permets d'intervenir : je suis moi aussi l'élue d'un département éminemment thermal, les Landes.

Je ne répéterai pas tout ce que vient de dire ma collègue sur les vertus du thermalisme, mais il faut parler très clairement : le thermalisme est une filière économique extrêmement importante dans nos départements.

Je sais bien que nous sommes en PLFSS et que la sécurité sociale n'a peut-être pas à supporter certaines dépenses… En tout état de cause, décréter du jour au lendemain que le taux de remboursement des cures thermales passerait de 65 % à 15 % – si l'on fait 200 millions d'euros d'économies, c'est ce qui va se passer –, c'est brutal. Dans mon département, une telle décision équivaut à la perte de milliers d'emplois : soyons tout à fait clairs.

Nous avions décidé d'évoquer ce sujet et de faire des propositions à l'article 49. Je vous ai entendue, madame la ministre : pour l'instant, nous en restons à ce qui est prévu…

Mme Stéphanie Rist, ministre. Oui.

Mme Monique Lubin. … et nous verrons à la fin de l'examen du texte.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Absolument.

Mme Monique Lubin. Cela veut-il dire que nous pouvons avoir un peu d'espoir ? Au bout du compte, la majorité sénatoriale sabrant allègrement les dépenses, on devrait pouvoir s'en sortir…

Madame la ministre, vous ne nous répondrez pas aujourd'hui : vous nous répondrez lorsque nous aborderons l'article 49, c'est-à-dire la toute fin du texte. Vous le savez – je sais que vous avez été saisie du sujet et interpellée par de nombreux acteurs de la filière thermale –, nous comptons vraiment sur vous pour nous aider dans notre soutien à cette filière.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Il n'existe pas de cures thermales dans le Calvados, mais on y trouve un projet de résidence de répit partagé.

Madame la ministre, bien que cette discussion soit un peu bouleversée par le fait que les sous-amendements déposés à l'article 17 soient tombés, je tiens à souligner que les résidences de répit partagé n'ont rien à voir avec le baluchonnage : je le dis très clairement.

Je profite de cette occasion pour vous interroger au sujet des cinq projets qui avaient été retenus et validés, en quelque sorte, par la ministre de l'époque, lorsque avait été discuté ici même, en 2023, un amendement déposé par ma collègue Monique Lubin sur le projet de loi de finances pour 2024, et validés, d'une certaine façon, par la ministre des solidarités et des familles de l'époque.

Deux de ces projets de résidence sont déjà très bien avancés, dont un dans le département de ma collègue. Pour ce qui concerne les trois autres, et notamment celle qui devait ouvrir dans le Calvados, nous sommes toujours dans l'attente d'une confirmation écrite ferme. Si une circulaire a bien été publiée sur ce sujet au mois de mai 2024, il y est question globalement des résidences de répit partagé, et non de ces trois projets en attente.

Lorsque j'ai interpellé la ministre – c'était au début de l'année 2025, à la reprise des discussions budgétaires –, elle m'a répondu que ce sujet relevait non pas d'un PLF, mais d'un PLFSS ; soit. Nous voici en train de discuter du PLFSS pour 2026 ; je dépose un amendement, qui est déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution – soit. L'article 17 semble m'offrir la possibilité d'en parler, et l'on me dit, derechef, que ce sujet ne relève pas du rapport annexé. Dites-moi simplement où placer cette question dans le PLFSS : j'aimerais enfin obtenir un engagement de la part du Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous avons débattu de plusieurs sous-amendements à l'amendement de la commission, de portée plus ou moins normative et touchant plus ou moins à la trajectoire budgétaire. L'un d'eux, déposé par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, avait pour objet la compensation aux départements des charges dues au versement de l'APA et de la PCH.

Ce sous-amendement important a naturellement un impact sur la trajectoire. Nous avons précédemment débattu, à l'article 12 bis, d'une mesure forte : l'attribution aux départements d'une fraction de la CSG. Il nous a été répondu, alors, qu'il n'était pas possible de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Nous en venons maintenant à des sous-amendements dont l'objet est qu'il soit fait mention, dans le rapport annexé, de ce flux financier qui concerne particulièrement les départements et qui peut avoir un impact sur la trajectoire de la branche autonomie. Émettre un avis défavorable sur un tel sous-amendement, c'est aller un peu vite en besogne, me semble-t-il, car, je le répète, l'impact sur la trajectoire est réel.

L'amendement de la commission ayant été retiré, mon groupe serait fondé à demander une suspension de séance afin de déposer de nouveau ce sous-amendement en l'attachant, cette fois, à l'amendement du Gouvernement. Nous ne le ferons pas : nous souhaitons que les débats avancent.

Néanmoins, j'aimerais que le Gouvernement nous éclaire, madame la ministre, sur la méthode qu'il compte mettre en œuvre pour parvenir enfin à une meilleure compensation de ces charges d'APA et de PCH. Le Premier ministre s'est exprimé devant Départements de France et des mots forts ont été prononcés sur l'attribution d'une fraction de CSG. Quel est donc le calendrier ? Des réunions vont-elles se tenir prochainement, dans les jours et les semaines à venir, en vue de trouver enfin les bonnes mesures de compensation et le vecteur adéquat ?

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Je ne suis pas rhumatologue – il y en a au moins une dans la salle, n'est-ce pas, madame la ministre ? (Sourires.) –, et je ne connais pas bien le sujet du thermalisme. Je vais néanmoins m'exprimer au nom de notre collègue Jean-Marc Boyer, qui s'est énormément investi sur cette question, accueillant notamment au Sénat les journées parlementaires du thermalisme – nombre d'entre vous y ont participé, mes chers collègues.

Je tiens simplement à préciser, pour la clarté du débat, que nous ne sommes pas sous le joug des lobbys du thermalisme. En revanche, nous recevons des alertes de nos territoires et nous avons bel et bien travaillé sur l'impact des cures thermales en matière de santé.

En l'espèce, pour ce qui est de ces sous-amendements, la technique légistique a son importance. Sauf votre respect, madame la ministre, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est impératif de ne pas attendre une réglementation en provenance du Gouvernement pour savoir de combien va baisser le remboursement des soins thermaux. Nous souhaiterions donc que la disposition dont il est question soit inscrite « en dur » dans la loi.

Je vois deux solutions : soit nous pouvons sous-amender l'amendement du Gouvernement en lieu et place de celui du rapporteur général, auquel cas nous « raccrocherons » nos sous-amendements à l'amendement n° 1874 de M. le ministre – c'est exactement ce que vient de suggérer notre collègue Lemoyne –, ce qui suppose peut-être une petite suspension de séance ; soit nous traitons ce sujet à l'article 49.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous pouvons aussi faire les deux ! (Sourires.)

Mme Frédérique Puissat. Je vous donne mon sentiment : si nous pouvons l'inscrire ici, alors faisons-le et n'en parlons plus ; la disposition figurera dans le texte et nous aviserons dans la suite de la navette.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je me permets de revenir à l'objet de cet article 17, qui est la trajectoire.

Du calcul qui nous est présenté, je comprends que l'adoption de l'amendement de notre collègue Le Houerou sur la niche relative à la participation aux bénéfices des entreprises rapporterait 400 millions d'euros de recettes à la sécurité sociale. Quant à l'allongement du temps de travail annuel de douze heures, c'est-à-dire l'effort demandé aux travailleurs, il rapporterait 2 milliards d'euros. Autrement dit, entre ces deux contributions, le rapport va de 1 à 5.

Monsieur le ministre, comment ces chiffres – 400 millions d'euros d'un côté, 2 milliards de l'autre – ont-ils été calculés ? Estimez-vous que ces douze heures supplémentaires travaillées donneront lieu à une augmentation des salaires à due proportion ? Cela m'étonnerait : les salaires étant mensualisés, il n'y a en la matière aucune automaticité – je l'ai déjà dit. En revanche, le volume d'heures supplémentaires payées va baisser, c'est certain. Le Smic, lui, est un salaire horaire ; cette mesure d'allongement du temps de travail va donc bien modifier son montant hebdomadaire, ce qui va induire une augmentation des exonérations générales.

Monsieur le ministre, j'aimerais donc qu'avant que nous votions – c'est le minimum – vous nous disiez ce que sont ces 2 milliards : comment les avez-vous calculés ?

Entre 2 milliards et 400 millions, il y a 1,6 milliard d'euros de différence. Vous avez dit que le déficit de la sécurité sociale atteindrait 21,7 milliards d'euros à l'horizon 2029. Si l'effort de recettes s'appuyait autant sur le patrimoine et le capital que sur le travail, on gagnerait 1,6 milliard d'euros – c'est l'écart entre les deux contributions demandées –, et l'on pourrait revenir en deçà de la barre « fétiche » des 20 milliards d'euros dont vous avez fait une ligne rouge.

Je vous remercie de nous éclairer avant le vote !

M. le président. Mes chers collègues, je précise qu'il n'est plus possible de déposer des sous-amendements dès lors que les explications de vote ont débuté.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. La rapporteure générale ayant retiré son amendement, faisant tomber l'ensemble des sous-amendements, j'allais faire la même proposition que notre collègue Puissat.

Le sous-amendement de notre collègue Boyer a été cosigné par de nombreux collègues, notamment par Olivier Bitz, Nadia Sollogoub et moi-même. Nous portons tous le plus grand intérêt à ce sujet des cures thermales, qui sont une activité très importante de nos territoires, y compris ruraux. Il est tout de même très frustrant de ne pas pouvoir sous-amender l'amendement restant en discussion, celui du Gouvernement.

Nous remettrons l'ouvrage sur le métier à l'article 49…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Alinéa 3 ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, nous comptons sur vous ! Je vois que vous êtes enthousiaste… (Nouveaux sourires.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le sujet va revenir dans le débat !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Cette discussion me paraît pour le moins surprenante, à l'heure où, nous dit-on, il faut redonner le pouvoir au Parlement.

Au jeu de bonneteau, à la foire, on suit la bille sans jamais la retrouver ; de même, ici, un amendement est déposé, les groupes présentent des sous-amendements, mais voici qu'en un tour de passe-passe le retrait du premier fait disparaître les seconds. Nous nous proposons de sous-amender plutôt l'amendement suivant ? Hélas ! les explications de vote étant déjà ouvertes, cela n'est plus possible… Je le dis avec un peu d'ironie, parce que nous sommes samedi soir, mais c'est tout de même un vrai sujet : au sein même du Parlement, on fausse les règles du débat.

Le débat, en l'occurrence, n'est pas anecdotique : ni la question du thermalisme ni le rétablissement de l'article 17, qui décrit les trajectoires pluriannuelles de recettes et de dépenses, ne sont anecdotiques. Quelle vision de la médecine et des soins souhaitons-nous faire prévaloir pour les années à venir ? (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas l'objet du rapport annexé !

Mme Cécile Cukierman. Qu'est-ce qui coûte et qu'est-ce qui rapporte ? Considérons-nous seulement les coûts immédiats ou donnons-nous toute sa place à la prévention, donc à des soins qui peuvent n'être pas purement curatifs et dont certains, dans leur diversité, ne répondent pas toujours exactement aux critères de l'Académie de médecine tels qu'on pouvait les imaginer il y a plusieurs siècles ? Cela mérite à tout le moins que nous y réfléchissions.

Comme l'ont dit mes collègues, il n'y a aucun problème : nous y reviendrons de toute façon à l'article 49…

Mme Frédérique Puissat. Il sera supprimé !

Mme Cécile Cukierman. Dans ce cas, monsieur le président, je vous demande de nous accorder une interruption de séance de cinq minutes pour que nous puissions trouver une solution.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Je suis sénateur du Nord, département où l'on trouve une station de cure thermale, et pas n'importe laquelle, madame la ministre : celle de Saint-Amand-les-Eaux. Savez-vous qui est le maire de cette commune ? Fabien Roussel. Vous n'allez quand même pas nous fâcher avec Fabien Roussel, surtout en cette période ! (Sourires.)

Je connais bien ce lieu de cure historique, actif depuis la période romaine. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, ce sont des personnes très modestes qui vont s'y soigner, y compris à titre préventif, dans un département très touché par les maladies respiratoires. Les thermes de Saint-Amand-les-Eaux sont un élément majeur du bien-être de très nombreux Nordistes.

Comme le savent tous mes collègues élus de départements disposant de tels équipements, il s'agit également, dans des zones souvent sinistrées, d'un outil d'aménagement du territoire et de création d'emplois. Et je puis vous dire qu'un déremboursement de la prise en charge, même partiel, aurait assurément des conséquences économiques.

Même si nous ne tranchons pas aujourd'hui cette question sur le fond – j'ai bien noté que nous pourrions y revenir à l'article 49 –, je souhaitais vous sensibiliser, madame la ministre, à la situation d'un département qui a besoin de conserver cet outil social de prévention sanitaire, dont l'importance se mesure aussi sur le plan économique.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je suis un peu embêtée, monsieur le président : une suspension de séance a été demandée pour régler cette question du thermalisme ; est-il possible d'y procéder avant d'en revenir aux explications de vote sur l'article 17 ? Ou devons-nous tout faire en même temps ?

M. le président. Mes chers collègues, il appartient au président de fixer les règles de déroulement du débat : nous en sommes aux explications de vote sur l'amendement déposé par le Gouvernement pour rétablir l'article 17. Mme la rapporteure générale et Mme la ministre vont intervenir ; ensuite, éventuellement, j'accorderai une suspension de séance.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous remercie, monsieur le président.

Au moment de voter le volet recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, le bilan du « coup de Kärcher » de la majorité sénatoriale vient de nous être communiqué.

Vous avez supprimé la mise en place d'élections professionnelles pour les artistes auteurs. Vous avez supprimé le léger relèvement du taux de la CSG sur le capital. Vous avez supprimé la transparence du prix des médicaments.

En revanche, vous avez rétabli la contribution sur les contrats de complémentaires santé. Vous avez rétabli la suppression de l'exonération de cotisations sociales pour les apprentis. Vous avez modifié la réforme de la clause de sauvegarde pour satisfaire les industriels du médicament.

En résumé, vous avez supprimé les maigres mesures de justice sociale et vous avez rétabli les mesures injustes supprimées par l'Assemblée nationale.

Vous avez pourtant affirmé durant nos débats que notre objectif commun était de réduire le déficit de la sécurité sociale, que c'était notre moteur. Permettez-moi d'introduire deux nuances à cette déclaration. Pour notre part, nous siégeons ici pour améliorer la prise en charge des aléas de la vie et, pour y parvenir, nous avançons des mesures de recettes nouvelles que vous avez toutes balayées !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.

Mme Cécile Cukierman. Mon rappel au règlement est de droit et se fonde sur l'article 36, alinéa 3, de notre règlement.

Je vous demande de nouveau, monsieur le président, une interruption de séance de cinq minutes afin que nous puissions examiner, avec l'ensemble des groupes, si une solution peut être trouvée, éventuellement par le dépôt en urgence d'un nouvel amendement de la commission, qui pourrait être sous-amendé.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Je découvre qu'un amendement ne peut être sous-amendé une fois les explications de vote engagées.

Je souhaitais simplement rassurer mes collègues : à l'article 49, l'amendement n° 1758 vous permettra de vous prononcer sur le thermalisme.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

Les groupes pourront se retrouver et nous verrons ensuite si un consensus se dégage autour d'un amendement ou d'un sous-amendement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. À la suite d'échanges consensuels avec l'ensemble des groupes politiques – lesquels, pour une fois, sont d'accord –, je demande une suspension de séance de vingt minutes pour réunir la commission.

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-trois heures vingt.)

La séance est reprise.

M. le président. La séance est reprise.

Article 17 (supprimé)(suite)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. La commission est parvenue à un texte particulièrement intéressant et très construit. (Sourires.)

M. le président. Le sous-amendement n° 1875, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Amendement n° 1874, après l'alinéa 22

Le thermalisme propose une prise en charge pluridisciplinaire s'inscrivant dans une logique de prévention et de bien-être.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce sous-amendement à l'amendement n° 1874 du Gouvernement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Permettez-moi de répondre également, monsieur le président, aux questions posées avant la suspension.

S'agissant du relayage à domicile, madame Féret, les textes ont été publiés. Vous soulignez à juste titre que certains points restent encore à régler. Je reste disponible pour en discuter avec vous, mais nous travaillons déjà à leur résolution.

Les maisons de répit sont en cours de déploiement, dont une dans le Calvados. Nous souhaitons les diffuser le plus possible. Nous pourrons également revoir ce point ensemble, si vous le souhaitez.

La question de la compensation aux départements constitue un sujet majeur, notamment après les déclarations du Premier ministre la semaine dernière.

Mon ministère a engagé une mission Igas-IGF rapide afin d'étudier l'ensemble des impacts de cette transformation du financement. Cette réflexion s'inscrit dans le projet de loi sur la décentralisation que le Premier ministre souhaite présenter ; elle sera donc abordée lors de la discussion de ce texte. En parallèle, nous avons anticipé les travaux pour être prêts, puisque le Premier ministre annonce un calendrier législatif rapide.

Votre sous-amendement rappelle que les cures thermales participent à la prévention et au bien-être. Il ne modifie pas la trajectoire financière. Je rappelle qu'un déremboursement serait du domaine réglementaire. Le Gouvernement ne souhaite pas s'engager dans cette voie. Nous verrons à la fin des débats parlementaires si nous devons prendre un décret. Je ne vois donc aucun obstacle à ce sous-amendement et m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1875.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1874, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 17 est rétabli dans cette rédaction.

Vote sur l'ensemble de la deuxième partie

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, je rappelle que, en application de l'article 47 bis-1 A, alinéa 2, du règlement, lorsque le Sénat n'adopte pas les dispositions de cette partie, la troisième partie de ce projet de loi est considérée comme rejetée.

Y a-t-il des demandes d'explication de vote ?…

Je mets aux voix, modifié, l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 49 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 224
Contre 113

Le Sénat a adopté.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Au terme de l'examen de cette deuxième partie, désormais adoptée, et alors que nous entamons la troisième partie, je savourerai le bien-être d'aller « me mettre en cure » dans le haut de cet hémicycle ! (Sourires.)

Je tiens tous à vous remercier pour le travail accompli. Nous avons traité des sujets essentiels. Même si l'issue n'a pas correspondu aux attentes de chacun, il demeure toujours agréable d'analyser, de débattre et de soupeser les arguments.

Je remercie les ministres présents au banc, leurs collaborateurs, ainsi que nos administrateurs, qui ont œuvré dans des délais très courts et dont l'appui m'a été précieux tout au long de cette préparation et de cet examen. (Applaudissements.)

TROISIÈME PARTIE

Dispositions relatives aux dépenses pour l'exercice 2026

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Article 18

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1862, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – L'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du II, après le mot : « médecin, », sont insérés les mots : « ou un chirurgien-dentiste, » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, à l'exception de ceux délivrés au cours d'une hospitalisation et d'une liste de dispositifs fixée par arrêté. Un décret prévoit les modalités d'application de la franchise pour les produits et prestations facturés dans le cadre d'une location par un distributeur au détail à l'assuré. » ;

b) Le sixième alinéa est ainsi modifié :

- À la deuxième phrase, les références : « 1°, 2°, 3° et 4° » sont remplacées par les références : « 1° à 5° » ;

- La dernière phrase est complétée par les mots : « à l'exception des prestations mentionnées au 3°, qui font l'objet d'un plafond annuel distinct. »

II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2027.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Cet amendement vise à rétablir l'article 18 relatif à la participation forfaitaire sur les actes et consultations effectués par les chirurgiens-dentistes, à la franchise sur les dispositifs médicaux et au plafond ad hoc pour les transports de patients.

M. le président. L'amendement n° 1327 rectifié quater, présenté par Mme Bourcier, M. Chasseing, Mme Lermytte, MM. Capus, Laménie, V. Louault, Chevalier et Grand, Mme L. Darcos, MM. A. Marc et Rochette, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Brault, Mme Sollogoub et M. Levi, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le sixième alinéa du III de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce plafond annuel ne s'applique pas aux prestations mentionnées au 3° du III ».

La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement concerne le déplafonnement des franchises médicales sur le transport sanitaire.

D'après la Drees, la consommation de transports sanitaires en ambulatoire s'élevait à 6 milliards d'euros en 2022. Après une baisse de 6,3 % en 2020 du fait de la crise sanitaire, elle a augmenté de 17,7 % en 2021 et de 7 % en 2022. En moyenne, depuis 2016, la hausse est de 4,4 % par an.

Les dépenses de transport sanitaire sont prises en charge par l'assurance maladie à plus de 90 %, bien au-dessus des médicaments, à 72 %, ou des soins de ville, à 65 %. Qu'est-ce qui justifie cet écart ?

Pour la Cour des comptes, il y a une forte corrélation entre le recours au transport de malades et le niveau de prise en charge de la dépense correspondante par l'assurance maladie.

Cet amendement vise donc à déplafonner les franchises médicales sur le transport sanitaire afin de lutter contre la forte hausse des dépenses en la matière et de sensibiliser à un usage raisonné.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie. Le Gouvernement souhaite rétablir l'article 18, supprimé à l'Assemblée nationale, en deux parties distinctes : d'une part, avec cet amendement, qui concerne le champ des franchises ; d'autre part, avec un autre que nous examinerons plus tard et qui concernera le paiement de ces franchises. La commission n'ayant pas examiné ces amendements, je m'exprimerai à titre personnel.

Tout d'abord, cette mesure est particulièrement malvenue. Je ne suis pas, sur le principe, fermée à toute évolution des modalités de participation financière du patient à notre système de santé. Vous savez que les franchises avaient été instaurées comme un « outil » de responsabilisation du patient. Or, en l'occurrence, cela devient un outil de rendement, disons-le clairement.

Toutefois, procéder la même année au doublement du montant des participations, au doublement de celui des franchises, au doublement de leurs plafonds respectifs, à l'extension de leurs champs et à la création d'un nouveau plafond, cela fait beaucoup. Les conséquences seront sensibles pour les assurés. L'ensemble de ces mesures coûterait près de 100 euros par an aux assurés en ALD, sans prise en charge possible par une complémentaire santé.

Dans ce contexte, il est particulièrement maladroit de vouloir mettre en place un plafond de franchise spécifique au transport sanitaire qui pèsera, dans les faits, presque exclusivement sur les assurés en ALD exonérante. Rappelons que ces derniers représentent plus de 90 % de la dépense de transport sanitaire remboursable. J'émets donc un avis défavorable.

Pour la même raison, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 1327 rectifié quater, qui vise à supprimer tout plafonnement sur le transport.

Parler comme vous le faites de « forfait de responsabilité », madame la ministre, ne saurait suffire à masquer la réalité. La participation forfaitaire sur les soins dentaires en dit long. Je ne connais pas beaucoup de patients qui se rendent de gaieté de cœur chez le chirurgien-dentiste. Certains y vont peut-être en prévention, pour s'assurer qu'ils ne souffrent pas de caries, mais – pour le coup – ils sont déjà parfaitement responsabilisés !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1327 rectifié quater ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Gouvernement considère qu'il faut maintenir un plafond, car il y aurait un risque de renoncement aux soins sans celui-ci pour les patients très malades qui ont besoin d'effectuer de nombreux transports. L'objectif n'est pas d'empêcher les soins des patients. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Le secteur dentaire est parmi les secteurs médicaux les plus touchés par le non-recours aux soins. Environ une personne sur dix a dû renoncer à des soins dentaires pour des raisons financières. Étendre le domaine des forfaits et franchises au secteur dentaire ne pourra donc qu'accentuer les inégalités.

Mme Imbert en parlait : les gens sont déjà responsabilisés en arrivant chez le dentiste. Aller chez le dentiste ne fait plaisir à personne – pardon aux dentistes, mais c'est une réalité.

Les disparités territoriales jouent également un rôle dans ces inégalités d'accès aux soins. Les 10 % des territoires les mieux dotés ont une accessibilité 7,8 fois plus importante que les 10 % les moins bien dotés.

De manière plus globale, le reste à charge est socialement injuste : les ménages modestes consacrent une part plus élevée de leurs revenus à la santé que les ménages aisés.

En prévoyant d'étendre les franchises à l'ensemble des dispositifs médicaux, l'amendement n° 1862 ne fera qu'accentuer les inégalités d'accès aux soins. Nous voterons donc contre, et appelons le Gouvernement à abandonner le doublement des franchises et forfaits par voie réglementaire.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Nous examinons une proposition du Gouvernement visant à rétablir un article supprimé par l'Assemblée nationale. Elle confirme, comme nous le répétons depuis trois jours, que nos visions de l'avenir de notre système de santé et de protection sociale divergent.

Comme je l'indiquais lors de votre audition, madame la ministre, l'année 2025 marque les 80 ans de la sécurité sociale. Avec une telle mesure, vous remettez en cause les fondements de l'organisation instaurée en 1945, qui repose sur la solidarité.

Le doublement des franchises médicales pèsera sur la vie quotidienne de nombreux patients et des Français ayant le plus besoin d'accompagnement en matière de santé. Faire porter l'effort de redressement des comptes publics sur les ménages modestes et les classes moyennes demeure, pour nous, inaudible et inacceptable. Cela accentuera le non-recours aux soins, car le reste à charge peut devenir lourd : vous avez cité des montants pouvant atteindre 350 euros lorsque l'on additionne le doublement des franchises et divers forfaits.

L'extension de ces franchises aux soins dentaires pénalisera également de nombreuses personnes en situation de handicap, pour lesquelles ces prises en charge particulières demeurent essentielles.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Cet article n'obère pas la capacité du Gouvernement à agir par voie réglementaire. Nous échangeons, mais chacun sait que leur portée reste limitée, puisque le Gouvernement agira par décret.

Derrière cette novlangue, madame la ministre, se cache un déremboursement. Il faut nommer clairement les choses : votre « forfait de responsabilité » est une réduction du périmètre de remboursement afin de diminuer les dépenses de la sécurité sociale. Cette réduction est-elle légitime ? Il ne s'agit plus ici de dépenses de bien-être : nous parlons de dépenses de santé et nous entrons dans le dur du sujet.

Je prendrai l'exemple des médicaments. L'amoxicilline, antibiotique essentiel que les patients ne prennent pas par irresponsabilité, mais parce que le médecin le leur a prescrit, coûte 3,01 euros la boîte. Les conditionnements abaissés à six comprimés, soit six grammes, imposent l'achat d'au moins deux boîtes pour un traitement, parfois trois ou quatre. L'assurance maladie rembourse 65 %, soit 1,96 euro. Et vous demanderez 2 euros par boîte : cherchez l'erreur…

Ce n'est pas un cas isolé. De nombreux médicaments matures seront complètement déremboursés : antihypertenseurs, antidépresseurs, antibiotiques. Ce sont pourtant des traitements fondamentaux pour la santé. C'est cela que vous proposez et c'est cela qui demeure inacceptable.

En sachant que la portée de mon propos restera limitée, puisque le Gouvernement nous a prévenus qu'il fera ce qu'il voudra par voie réglementaire, nous voterons contre le rétablissement de cet article, qui porte cette philosophie.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. J'ai redéposé ces amendements précisément pour que le débat sur les franchises puisse avoir lieu. Leur rendement atteindra 600 millions d'euros en 2027 – avec un plafond fixé à 250 euros et non à 350 euros. Les mesures chiffrées pour 2026 sont évaluées à 2,3 milliards d'euros.

Pourquoi parler de « forfait de responsabilité » ? La responsabilité n'est pas forcément individuelle, elle peut être collective. Je l'emploie dans cette acception : responsabilité collective pour ramener la sécurité sociale vers sa trajectoire. Il ne s'agit ni de culpabilité ni de culpabilisation. Lorsque, en tant que parents, nous apprenons à nos enfants à être responsables, nous ne leur apprenons pas à être coupables !

J'accepte sans difficulté de conserver le terme de « franchise », mais souhaitais expliquer l'intérêt du mot « responsabilité », qui renvoie à une démarche collective de réduction du déficit de notre sécurité sociale.

Certes, il s'agit d'un effort demandé aux assurés. Mais je rappelle que les efforts contenus dans ce PLFSS concernent l'ensemble des secteurs, y compris les assurés. (Mme Laurence Rossignol lève les bras au ciel.) Par ailleurs, cet effort ne sera pas supporté par tous les assurés, vous le savez aussi bien que moi : un Français sur trois ne paie pas ces franchises ; 18 millions de personnes en sont exonérées. Peut-être faut-il envisager d'élargir ce nombre. Mais pourquoi balayer d'un revers de main une mesure de responsabilité collective de réduction du trou de la sécurité sociale ?

Enfin, je le rappelle, la France demeure le pays au reste à charge le plus faible au monde. Ce débat ne doit pas non plus devenir un tabou.

En Belgique, pays voisin où les conditions de vie sont similaires aux nôtres, le reste à charge se situe entre 400 et 4 000 euros par an. Lorsqu'un patient est dialysé, il doit, par exemple, fournir et financer ses tubulures de perfusion à chaque séance. Je ne dis pas qu'il faudrait tendre vers un tel système. Je demeure très fière que nous vivions dans un pays où le reste à charge figure parmi les plus faibles.

Toutefois, au moment où le déficit atteint le niveau que nous connaissons, nous pouvons débattre de forfaits de responsabilité collective et nous interroger sur ceux qui pourraient les assumer.

Il faudra ensuite engager une réflexion sur le financement du modèle de la sécurité sociale, car des franchises augmentées chaque année ne permettront jamais de résoudre durablement la situation. Voilà pourquoi je tiens à cette mesure de forfait de responsabilité.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, je veux d'abord évoquer la question de la responsabilité. Au sens moral et philosophique, celle-ci suppose la responsabilité des actes. Elle repose sur le libre arbitre et sur un choix moral fait par l'individu.

Je ne vois pas où se situe le libre arbitre de l'individu dans ce que vous nous proposez en matière de remboursement des médicaments qui lui ont été prescrits et dont il a besoin pour se soigner. Où situez-vous la responsabilité ?

Que veut dire être responsable pour un malade qui s'est vu délivrer une ordonnance ? Être responsable, est-ce ne pas acheter les médicaments prescrits ? Est-ce ne pas les consommer ? Ou est-ce décider de les payer soi-même, alors que l'on cotise par ailleurs à la sécurité sociale ?

Par ailleurs, il ne faut pas nous dire continuellement que la France est le pays qui a le plus fort taux de prélèvements obligatoires et, en même temps, celui qui rembourse le mieux. Il y a un lien entre les deux !

Aujourd'hui, nous assumons ce lien ; nous en sommes plutôt fiers, en général. Quand la France participe à des colloques internationaux sur la santé, elle est assez fière de raconter ce qu'elle est. Il faut avoir la même fierté à l'intérieur du pays, madame la ministre !

Mon collègue Bernard Jomier vous a posé une question. Dès lors que les industries pharmaceutiques ont changé le conditionnement et que votre système de déremboursement s'applique par boîte, si l'on prescrit à l'assuré quatre boîtes d'amoxicilline avec trois comprimés par boîte et qu'une franchise de 2 euros s'applique sur chacune des boîtes, cela signifie qu'aucune de ces boîtes ne lui sera remboursée et qu'il paiera l'intégralité de son traitement antibiotique.

Que répondez-vous à cette remarque ?

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, vous rétablissez une nouvelle hausse des franchises médicales et des participations forfaitaires, soit un quadruplement depuis 2024.

Vous faites peser l'effort principalement sur les personnes malades, comme le fait d'ailleurs le décret permettant, sans passer par la loi de financement de la sécurité sociale, de doubler les plafonds annuels et les montants des franchises. Nous trouvons cela tout à fait injuste.

En 2024, la Drees constatait déjà une hausse du reste à charge moyen, passé de 276 euros à 292 euros par patient en 2023. Cette hausse notable résulte directement du doublement des franchises et des participations forfaitaires intervenu en 2024, ainsi que de la hausse du ticket modérateur. Cette augmentation du reste à charge se traduira, pour les assurés sociaux, par une facture qui grimpera de plus de 42 euros par an en moyenne et jusqu'à 75 euros pour les personnes en affection de longue durée.

Selon France Assos Santé, les personnes atteintes de maladies chroniques ou en situation de handicap supportent déjà de l'ordre de 2 000 euros de reste à charge annuel.

Cet argument de responsabilisation avancé par le Gouvernement n'est donc pas audible, et le mot de « forfait de responsabilité » ne correspond pas du tout à la réalité : il s'agit non pas d'éduquer des patients, mais de réduire la part de prise en charge par la sécurité sociale. Nous ne pouvons accepter l'augmentation de la part supportée directement par les malades.

Je pense que l'efficacité de la mesure est aussi contestable sur le plan budgétaire, puisque le renoncement aux soins entraînera ensuite des pathologies plus lourdes et plus coûteuses pour la collectivité. L'économie immédiate est donc illusoire.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Nous parlons beaucoup de responsabilité, madame la ministre, mais vous l'avez vous-même reconnu : le fait générateur de cette mesure est bien la situation des comptes du pays et, en l'occurrence, de la sécurité sociale. Si les comptes étaient parfaitement à l'équilibre, il ne serait pas question de forfait de responsabilité et de franchise.

Qui porte donc la responsabilité de cette dégradation des comptes, madame la ministre ? Depuis maintenant de nombreuses années, nous savons tout comme vous qui est l'auteur des différentes mesures qui l'ont permise…

Ce qui m'interpelle, c'est que vous parlez de comptes, de budget. Or nous parlons bien ici du projet de loi de financement de la sécurité sociale ! L'enjeu est la santé des Français, le fait que chacun puisse vivre en bonne santé, quels que soient ses revenus.

Je voudrais abonder dans le sens de mes collègues sur le risque de non-recours, qui est déjà avéré. Vous parlez de forfait de responsabilité, mais pensons à ces patients, notamment dans les territoires ruraux, dont l'espérance de vie est réduite, qui subissent des pertes de chance supplémentaires parce qu'ils ont eu du mal à trouver un médecin et qui, après avoir finalement réussi à obtenir un rendez-vous et une ordonnance, recevront le message qu'ils devront encore davantage participer à l'effort, alors que le retard de prise en charge a conduit à une dégradation de leur état de santé, donc à un alourdissement des traitements nécessaires. Comment justifier cette situation ? Comment l'assumez-vous en tant que membre du Gouvernement ?

C'est tout l'enjeu de la politique de prévention. On ne peut pas être doublement, triplement pénalisé : tel est le message que nous voulons adresser à nos concitoyens qui sont en difficulté. Nous voulons les protéger de la logique du chacun pour soi que vous dessinez avec ce modèle, qui est une remise en cause fondamentale de la sécurité sociale et qui met dans la plus grande des difficultés encore et toujours les mêmes victimes : les classes moyennes et les malades – je ne parle pas du tiers de nos concitoyens qui seraient épargnés.

Merci, en tout cas, pour la clarté avec laquelle vous avez exposé vos intentions !

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, vous employez, depuis quelques jours, des éléments de langage qui sont maintenant bien rodés : vous parlez de « forfait de responsabilité », de « partage de l'effort »…

En réalité, comme Bernard Jomier l'a parfaitement démontré, il s'agit pour vous de masquer un déremboursement, avec le risque d'aboutir aux non-recours que vient d'évoquer mon collègue Simon Uzenat.

Je ne comprends pas très bien ce qu'est la responsabilité collective. C'est un terme qu'il va falloir éclaircir, car on voit bien que la mise en place du ticket modérateur, qui date tout de même de quelques années et dont le taux est passé de 20 % à 30 %, puis 35 %, voire plus, au fil des années de l'histoire de la sécurité sociale, n'a jusqu'à présent pas fait baisser, pour autant que je sache, les dépenses de santé. De fait, nous ne cessons de nous plaindre qu'elles n'ont fait qu'augmenter.

Il faut donc nous expliquer ce que vous entendez par « responsabilité collective ».

Quant au partage de l'effort, madame la ministre, nous ne pouvons pas être d'accord avec vous ! Non, tout le monde ne participe pas à l'effort. Nous avons discuté pendant trois jours de mesures de recettes que nous avions proposées et que vous avez balayées d'un revers de main, alors qu'elles portaient sur des personnes, des familles, des entreprises qui ont largement la possibilité de contribuer à la solidarité nationale.

Pour ce qui vous concerne, vous n'avez de cesse de nous proposer des mesures qui pèsent sur les patients.

Les patients ne tombent pas malades exprès ! Ils ne vont pas chez le médecin par plaisir. Vous avez dit, en commission, que quelque 16 000 de nos concitoyens consultaient plus de 25 médecins. Madame la ministre, vous vous doutez bien que ces personnes souffrent probablement d'un problème que l'on pourrait qualifier de psychiatrique !

Ne pénalisons pas 70 millions de Français parce que 16 000 d'entre eux abusent.

Mme Émilienne Poumirol. Votre raisonnement me semble extraordinaire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je veux rappeler l'existence de plafonds journaliers – certes, pas sur les boîtes de médicaments, mais sur les actes et sur les transports – qui diminuent le coût pour le patient.

Je veux également redire que certains de nos concitoyens considèrent qu'ils pourraient payer un peu plus sur leurs boîtes de médicaments.

Il ne me semble pas que nous puissions éluder ce sujet, notamment la question de savoir qui doit payer ou non. Un sous-amendement pourrait peut-être être déposé pour exempter les patients rencontrant des difficultés d'accès aux soins.

Quoi qu'il en soit, il serait intéressant que nous puissions avoir ce débat plutôt que le balayer du revers de la main.

Vous dites que les efforts ne pèsent que sur les patients.

Il est vrai que cela représenterait un effort de 42 euros par an en moyenne, pour ceux qui doivent payer et qui ne sont pas en ALD, et de 75 euros par an pour ceux qui sont en ALD.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je crois que tout a été dit sur l'hypocrisie, sur la « novlangue », comme on dit, qui consiste à appeler une mesure de déremboursement une mesure de responsabilité.

Pour ma part, je veux souligner que nous sommes d'accord pour agir sur les dépenses : nous ne chercherons pas seulement à amender les recettes ! Nous interviendrons aussi sur les dépenses.

Mais la bonne mesure, en matière de dépenses, c'est celle qui travaille sur l'efficience. L'idée, c'est de dépenser 80 là où l'on en dépensait 100 précédemment. Par exemple, si l'on prend des mesures contre la financiarisation de la santé, on fait baisser les dépenses.

En l'occurrence, vous ne faites pas baisser les dépenses : vous transférez la dépense sur les malades.

Le problème est que, l'année suivante, l'Ondam aura mécaniquement augmenté de 3,8 %. Il faudra donc recommencer ! Cela ne suffit pas.

La preuve est que vous doublez l'effort que vous avez demandé il y a quelques années. Vous doublez les franchises, le plafond…

Et l'année prochaine ? Puisque vous ne savez que transférer, et non pas agir sur de bonnes mesures d'efficience de la dépense, vous demanderez encore un effort, et ainsi de suite.

Ce n'est pas du tout notre voie : pour les écologistes, il faut vraiment baisser les dépenses de façon efficiente. Voilà de bonnes mesures de dépenses !

Pour votre part, tout ce que vous savez faire, c'est soit transférer aux complémentaires santé – mais une mesure à 1 milliard d'euros est un fusil à un seul coup, que vous ne pourrez réutiliser l'année prochaine –, soit augmenter les franchises. Ce n'est pas de la bonne politique de santé.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. De nombreux points ont été abordés.

Nous savons très bien que le taux de couverture, que cela passe par l'instauration de franchises ou par la modification du pourcentage de remboursement, influe sur les comportements. J'en veux pour preuve la suspension de séance que nous venons d'avoir sur le taux de couverture des cures thermales.

Je m'attends désormais à ce que le Sénat, dans une même unanimité, refuse de limiter davantage la couverture de produits aussi essentiels que les médicaments…

Effectivement, comme ma collègue Raymonde Poncet vient de le dire, vous faites porter la charge sur les malades, quels que soient leurs revenus. C'est profondément injuste. Il n'y a plus d'idée de sécurité sociale et de répartition si l'effort est ramené à la boîte.

Surtout, je voudrais vous poser une question. Je voudrais comprendre, car certains points m'échappent.

N'étant pas membre de la commission des affaires sociales, je suis avec intérêt tous vos débats techniques. Mais, sur le plan politique, j'avais cru comprendre que vous cherchiez un accord avec le Parlement ! Un débat assez important a eu lieu à l'Assemblée nationale. Que le Sénat lui-même, en tant qu'assemblée responsable, dépose des amendements pour marquer son désaccord relève du jeu parlementaire normal. Or c'est vous-même qui revenez sur les arbitrages de l'Assemblée nationale ! Au moment où il nous semblait que l'on souhaitait parvenir à un accord au terme du processus, vous envoyez des signaux qui nous amènent à nous demander où vous voulez en venir.

Pourriez-vous donc nous éclairer sur votre stratégie pour parvenir à un accord au bout du bout, au-delà du jeu parlementaire normal qui se déroule dans les deux chambres ? J'avoue que je suis un peu perdu.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Les personnes qui bénéficient de la complémentaire santé solidaire (C2S) ne paient pas les franchises. Donc, non, l'effort ne sera pas supporté « quels que soient les revenus » !

Je répète ce que nous avons dit, mes collègues Amélie de Montchalin et Jean-Pierre Farandou et moi-même, au début de nos débats.

C'est vraiment par souci de transparence que j'ai déposé cet amendement, afin que nous puissions avoir ce débat, dont je considère qu'il doit être mené non pas uniquement avec l'Assemblée nationale, mais aussi avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Les mesures relatives aux franchises sont prises par décret. Le décret est prêt, mais je ne l'ai pas signé. Je dis depuis le début, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, qu'il ne sera pas signé pendant nos débats.

Nous verrons ce qui sortira de ces derniers et, en fonction du déficit notamment, si ce décret doit être signé.

Toutefois, il me semble qu'il est de mon devoir, en tant que membre d'un gouvernement qui a dit vouloir accompagner les débats parlementaires, de faire en sorte que le Sénat puisse aussi s'exprimer sur ces sujets. Cela me paraît logique.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Ce forfait de responsabilité, qui n'est autre – ma collègue l'a dit – qu'un déremboursement, est une mesure de rationalisation financière. Nous sommes d'accord sur ce point, et mon collègue Simon Uzenat l'a bien exprimé. On est sur du chiffre !

Vous l'avez dit, madame la ministre, cet article a fait débat à l'Assemblée nationale.

Le Conseil économique, social et environnemental, qui conseille le Gouvernement, formule des avis, représente les organisations de la société civile, a lui-même émis un avis dans lequel il dit s'inquiéter de cette disposition, qui risque d'accentuer le non-recours aux soins.

La consécration des droits ne suffit pas ; c'est leur application effective qu'il faut assurer.

Or, même si certains assurés sont exonérés et que vous indiquez que l'on peut éventuellement encore y travailler, la présente mesure comporte, comme l'indique l'étude d'impact, un risque d'accentuation de ce phénomène de non-recours.

C'est donc un report de charge que nous allons constater à terme.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous ne serez évidemment pas étonnée, madame la ministre, que j'aille dans le sens de mes collègues qui siègent sur les travées de gauche de cet hémicycle.

Cette mesure est profondément injuste.

Vous avez dit qu'il y avait eu des débats à l'Assemblée nationale ; vous voyez bien qu'il y en a ici aussi !

Je vous demande de ne pas prendre ce décret.

Je répète ce que plusieurs de mes collègues ont déjà dit : personne ne fait semblant d'être malade ! On ne choisit pas de l'être. Vous le savez, et personne ici ne dit le contraire.

Tout cela casse le système de solidarité et va conduire à des non-recours aux soins, notamment pour les personnes les plus pauvres et les plus précarisées de ce pays, y compris pour les travailleurs et travailleuses qui touchent de petits salaires et sont au Smic, qui vont voir les franchises médicales doubler.

En outre, le non-recours aux soins coûtera beaucoup plus cher à la sécurité sociale : il y a des gens, dans ce pays, qui n'ont même pas les moyens de donner 4 ou 5 euros par semaine pour des médicaments, parce qu'ils n'ont déjà pas assez d'argent pour se nourrir. Vous voyez ce que cela va donner !

Je vous demande donc d'y réfléchir et de ne pas prendre ce décret.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je veux faire trois brèves observations.

Premièrement, je veux remercier Mme la ministre pour ce débat, qui n'est qu'un débat d'orientation. Vous ferez ce que vous voudrez, mais, au moins, vous nous demandez notre avis, vous venez nous écouter, ce qui est très bien. Le fait de permettre au Parlement de débattre du sujet me paraît très positif. Je vous en remercie.

Deuxièmement, j'ai bien entendu qu'un certain nombre de personnes n'étaient pas concernées. Il était très important de l'entendre.

Troisièmement, j'ai entendu qu'il y avait plus de 16 000 personnes qui, visiblement, « surabusaient » des remboursements.

Je veux attirer votre attention sur le cas des chirurgiens-dentistes. Je ne connais personne qui aime aller chez le dentiste ! J'aime beaucoup mon chirurgien-dentiste, mais aller chez lui n'est jamais un plaisir… (Sourires.) J'ai un peu peur de ce que cette mesure pourrait donner, car, dans les campagnes, on voit déjà de plus en plus de gens qui souffrent de problèmes dentaires justement parce qu'ils ont cette « terreur ».

Dans ces conditions, l'ajout de franchises me paraît un danger supplémentaire pour la prévention dentaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1862.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1327 rectifié quater.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 18 demeure supprimé.

Après l'article 18

M. le président. L'amendement n° 1863, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les deux premières phrases du dernier alinéa du II sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles la participation forfaitaire peut être acquittée par l'assuré auprès du professionnel de santé, qui la reverse à l'assurance maladie, ou récupérée par l'organisme d'assurance maladie sur les prestations de toute nature à venir ou directement auprès de l'assuré. » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) La première phrase du huitième alinéa est ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de mise en œuvre du présent III, notamment les conditions dans lesquelles la franchise peut être acquittée par l'assuré auprès du professionnel de santé, qui la reverse à l'assurance maladie, ou récupérée par l'organisme d'assurance maladie sur les prestations de toute nature à venir ou directement auprès de l'assuré. » ;

b) Le dernier alinéa est supprimé.

II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2027.

La parole est à Mme Stéphanie Rist, ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Il s'agit de permettre aux assurés de payer les participations forfaitaires et les franchises directement auprès des professionnels de santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je m'exprimerai à titre personnel, puisque l'amendement n'a pas été examiné en commission.

C'est le mode d'encaissement des franchises par les professionnels de santé, tel qu'il est proposé, qui a fait polémique. Tous les professionnels de santé y sont opposés.

Cela poserait aussi, techniquement – dans la « vraie vie », comme on dit –, quelques soucis pour ces professionnels.

À titre personnel, mon avis sera donc très défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je le répète, nous sommes contre le principe des forfaits et des franchises et contre toute extension de ceux-ci.

En l'occurrence, cet amendement va plus loin, puisqu'il prévoit que le patient peut s'acquitter de ce forfait ou de cette franchise auprès du professionnel de santé, qui reverse les sommes à l'assurance maladie.

Non seulement cette mesure créerait des complexités administratives monstres, alors que, cette semaine encore, le Premier ministre appelait à simplifier – c'est à se demander si la simplification ne concerne que le droit de l'environnement… –, mais elle changerait aussi profondément la relation entre le patient et le soignant. La mission des soignants est de soigner, non de responsabiliser les assurés aux dépenses de l'assurance maladie.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je rejoins Mme la rapporteure. Madame la ministre, franchement, on marche sur la tête ! Je ne peux pas vous le dire autrement.

Depuis des années, l'assurance maladie a fait évoluer les logiciels Vitale. La connexion avec les mutuelles est réalisée. Le flux unique existe désormais, même si cela a pris beaucoup de temps.

Aujourd'hui, en pratique – j'imagine que vous le faites vous aussi –, le professionnel de santé insère la carte Vitale, et le patient qui a une mutuelle, une complémentaire, ne paie rien.

Vous proposez d'introduire le paiement d'une somme de quelques euros, soit par carte bancaire – ce qui réjouira les banques, dont je rappelle qu'elles prélèvent un pourcentage sur les paiements par carte bancaire –, soit en espèces.

Il faut comprendre la levée de boucliers qu'une telle mesure suscite chez l'ensemble des professions de santé ! À raison de 4 euros par patient, ils vont se retrouver avec un sac de pièces à la fin de la journée, qu'ils devront apporter à la caisse d'assurance maladie. (Sourires sur les travées SER et CRCE.) À moins qu'ils ne puissent faire des virements journaliers ou hebdomadaires, ce qui les obligera à faire des comptes…

Franchement, même quand on a une idée aussi géniale que celle-là, tant que la tuyauterie n'est pas prête, on ne saurait en faire une mesure…

Je vois la question que vous essayez de soulever au travers de cet amendement. Si je suis ce que je crois être votre raisonnement, il faudrait que les gens comprennent ce que coûte la santé. C'est une vraie question, alors qu'il n'y a plus de prix sur les boîtes de médicaments, par exemple. Mais on ne peut pas résoudre le problème de cette façon !

Je ne comprends donc pas que vous vous entêtiez à vouloir faire encaisser des sommes de quelques euros par les professionnels de santé.

Mme Pascale Gruny. Bien sûr !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1863.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1251, présenté par Mmes M. Vogel, Ollivier, Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 160-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil économique, social et environnemental et de l'Assemblée des Français de l'étranger ou, dans l'intervalle de ses sessions, de son bureau, précise les conditions dans lesquelles les anciens assurés qui ont cessé de bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé au titre de l'article L. 160-1 puisqu'ils ont cessé de remplir les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 111-1 recouvrent le bénéfice de la prise en charge de leurs frais de santé à leur retour sur le territoire. »

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Si vous me le permettez, monsieur le président, pour gagner un peu de temps, je présenterai en même temps l'amendement n° 1284, qui concerne le même sujet.

M. le président. J'appelle en discussion l'amendement n° 1284, présenté par Mmes M. Vogel, Ollivier, Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Salmon et Mme Senée, et ainsi libellé :

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 160-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil économique, social et environnemental et de l'Assemblée des Français de l'étranger ou, dans l'intervalle de ses sessions, de son bureau, précise les conditions dans lesquelles les anciens assurés qui ont cessé de bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé au titre de l'article L. 160-1 puisqu'ils ont cessé de remplir les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 111-1 recouvrent le bénéfice de la prise en charge de leurs frais de santé dans les meilleurs délais après leur retour sur le territoire. »

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Mélanie Vogel. Ces deux amendements ont pour objet d'assurer la continuité des droits sociaux pour les Français établis à l'étranger qui rentrent en France et qui, avant leur départ, étaient assurés à la sécurité sociale française.

Il existe aujourd'hui un délai de carence de trois mois après le retour en France pour recouvrer ses droits. Trois mois, c'est très long ! C'est bien au-delà du délai raisonnable que l'on peut considérer comme utile pour éviter les frais médicaux engagés lors de vacances ou de tourisme.

Cela crée des situations très compliquées pour certaines personnes, qui, ayant déjà trouvé un emploi mais ne l'exerçant pas immédiatement à leur retour, n'ont aucune couverture maladie en France du fait d'un vide juridique total.

Comme il n'est pas possible de supprimer ce délai par la loi, nous proposons qu'un décret puisse être pris en Conseil d'État pour préciser les modalités selon lesquelles les Français de l'étranger qui rentrent en France et qui étaient assurés en France avant de partir puissent recouvrer leurs droits.

Le premier amendement vise à ce qu'ils puissent les recouvrer dès leur retour en France. Je veux vous rassurer, mes chers collègues : comme il s'agit d'un décret pris en Conseil d'État, cela laisse la possibilité de clarifier de quelles personnes nous parlons – il s'agit bien des personnes qui rentrent pour s'établir en France de manière stable, non de celles qui rentrent pour Noël.

Le second amendement vise à une plus grande souplesse, puisqu'il tend à donner une plus grande marge de manœuvre au décret, en indiquant que les droits sont recouvrés dans les meilleurs délais après le retour en France.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je vous livre ici l'avis de la commission.

Ce sujet a déjà été abordé lors de l'examen de précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il semble souhaitable d'adapter certaines dispositions au cas particulier des Français qui reviennent de l'étranger et ne peuvent justifier d'une condition de résidence stable et régulière ni d'un emploi sur le territoire national. Il s'agit d'éviter qu'ils ne soient lésés individuellement.

En conséquence, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 1284, dont le dispositif a déjà été adopté par le Sénat lors de l'examen de deux précédents PLFSS.

Elle demande, en revanche, le retrait de l'amendement n° 1251, qui serait globalement satisfait par l'adoption du premier, mais dont la rédaction est moins satisfaisante.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Ces amendements me paraissent satisfaits, raison pour laquelle je sollicite leur retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.

Toutefois, je comprends, d'après vos propos, qu'il puisse rester des trous dans la raquette pour certaines personnes, et je suis tout à fait disposée à ce que nous avancions sur ce point. Comme il s'agit d'une mesure réglementaire, nous pourrons la corriger.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il s'agit d'un sujet essentiel pour nos compatriotes établis hors de France, pour lesquels ce délai de carence de trois mois peut être pénalisant.

Il est important d'avoir une accroche législative.

Nous avons été amenés à mettre en place ce que propose Mme Mélanie Vogel – et que j'appelle de mes vœux – dans des circonstances exceptionnelles, en l'occurrence pendant la pandémie de covid-19.

J'étais moi-même ministre à ce moment, et le gouvernement auquel j'appartenais avait proposé, au mois de mars 2020, dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, un amendement suspendant le délai de carence de trois mois. Cette mesure a par la suite été reportée jusqu'à la fin de 2021. Le Sénat avait d'ailleurs voté, le 26 mai 2020, la prolongation de la suspension de ce délai de carence de trois mois.

Forts de ce précédent, il serait utile que nous le pérennisions de nouveau.

Les Français de l'étranger forment un public qui peut être amené à revenir, alors que des crises éclatent partout dans le monde et que l'instabilité est de plus en plus forte. Lorsqu'il faut parfois recommencer sa vie à zéro, attendre trois mois pour pouvoir accéder à des soins, c'est très long !

C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements.

Je pense, madame la rapporteure, qu'il vaut mieux voter l'amendement n° 1251, qui tend à ce que la mesure s'applique « au retour sur le territoire », que le n° 1284, qui vise « les meilleurs délais ». Cette expression est vague. Il est préférable de partir du fait générateur qu'est le retour sur le territoire national.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je souhaite préciser les raisons pour lesquelles j'estime ces amendements satisfaits.

Plusieurs exceptions permettent déjà une affiliation immédiate au retour de l'étranger : la reprise d'une activité professionnelle, le rattachement familial ou le retour après un volontariat international.

D'autres dispositifs, comme les allocations chômage d'un État de l'Union européenne ou l'affiliation préalable à la Caisse des Français de l'étranger (CFE), assurent en outre une couverture transitoire.

Je le répète, je suis disposée à étudier les éventuels cas particuliers de non-couverture.

M. le président. Madame Vogel, l'amendement n° 1251 est-il maintenu ?

Mme Mélanie Vogel. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

Comme le remarquait Jean-Baptiste Lemoyne, cet amendement est plus clair et plus efficace : sa rédaction lève toute ambiguïté en précisant que la couverture serait assurée dès le retour en France.

Vous avez raison, madame la ministre, il existe plusieurs exceptions, parmi lesquelles l'affiliation à la CFE – être dispensé du délai de carence fait d'ailleurs partie des avantages d'y être affilié – ou encore le fait de disposer d'un emploi dès le retour.

Nous sommes donc dans une situation où, dans certains cas, la couverture est possible et où dans d'autres elle n'est pas possible.

Bien souvent, les assurances contractées dans le pays de résidence ne sont pas valables en France. Vous pouvez donc avoir cotisé à la sécurité sociale pendant des années, parfois même des décennies, et vous retrouver sans aucune couverture lors de votre retour si, par exemple, vous n'occupez votre nouvel emploi qu'au bout d'un mois et demi.

Le nombre de personnes concernées et les délais à couvrir me paraissent tout à fait raisonnables compte tenu du besoin de santé publique très simple à satisfaire. De plus, le coût de la prise en charge serait tout à fait acceptable. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)

J'appuie par ailleurs les propos de mon collègue : en raison du contexte géopolitique, de nombreux Français vivant par exemple aux États-Unis – je le constate souvent lors de mes déplacements – se posent désormais la question du retour, qu'ils ne se posaient pas du tout il y a trois ans encore. Ils se demandent avec une certaine angoisse s'ils pourront se faire soigner en France.

Trois mois, c'est très long. En trois mois, bien des choses peuvent se passer. La mesure de solidarité nationale que nous proposons présente un intérêt majeur pour un coût modique. Il est donc raisonnable de voter l'amendement n° 1251.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, comme vous le reconnaissez d'ailleurs vous-même, la demande n'est qu'en partie satisfaite. La preuve en est qu'au moment du covid-19, il a fallu prendre des mesures d'urgence.

La question de la couverture sociale des Français installés à l'étranger qui rentrent en France est récurrente dans cet hémicycle. Elle est ici posée par Mélanie Vogel, mais d'autres collègues, comme Yan Chantrel ou Hélène Conway-Mouret, s'en font souvent l'écho.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Samantha Cazebonne également !

Mme Laurence Rossignol. Samantha Cazebonne, et d'autres collègues encore, siégeant de l'autre côté de cet hémicycle et qui seront peut-être cités.

Il est important d'agir aujourd'hui sur le plan législatif et le Gouvernement s'honorerait à émettre un avis favorable sur l'amendement de Mme Vogel.

Son adoption permettrait de rassurer les Français qui s'apprêtent à rentrer au pays et qui, dans les conditions actuelles, ne bénéficieraient d'aucune couverture sociale.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je souhaite expliciter la raison pour laquelle j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 1284 tout en demandant le retrait de l'amendement n° 1251.

L'amendement n° 1251 dispose que les intéressés « recouvrent le bénéfice de la prise en charge de leurs frais de santé à leur retour sur le territoire ». Or cette disposition n'est pas opérationnelle : nous savons bien que le recouvrement de la prise en charge ne peut être immédiat.

L'amendement n° 1284 mentionne quant à lui un rétablissement des droits « dans les meilleurs délais », ce qui me semble plus réaliste.

Je confirme ce qui a été dit. La procédure est beaucoup plus simple pour nos compatriotes qui reviennent en France avec un travail que pour une famille avec deux enfants dont les parents sont sans emploi. J'ai notamment en tête la situation d'un couple et de leur enfant en bas âge en situation de handicap : ces personnes ont quelque peu peiné pour retrouver leurs droits.

Je maintiens donc mes avis : avis favorable sur l'amendement n° 1284 ; demande de retrait, sinon avis défavorable sur l'amendement n° 1251.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L'amendement n° 1251 de Mme Vogel me semble tout à fait pertinent : je suis également favorable au remboursement des soins dès l'arrivée sur le territoire français.

Je m'interroge néanmoins sur la situation des étudiants qui quittent leur domicile pour une année d'études à l'étranger, ce qui est un cas de figure de plus en plus fréquent. Comment cela se passe-t-il pour eux ? Sont-ils concernés par le délai de carence de trois mois ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1284.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.

L'amendement n° 778 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet, Romagny et Sollogoub et MM. Canévet et Bitz, est ainsi libellé :

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 160-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie ne comporte pas la couverture des conséquences d'actes de chirurgie esthétique non réparatrice réalisés dans un pays non membre de l'Union européenne. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement, récurrent, s'appuie sur une proposition de la mission commune d'information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique menée en 2012, qui abordait déjà à l'époque la question du tourisme en la matière.

Madame la ministre, vous proposez un « forfait de responsabilité ». Je vous propose pour ma part d'exclure de la solidarité nationale les conséquences d'un tourisme à vocation esthétique.

Vous appelez sans cesse à la responsabilité. Je ne vois pas à quel titre la solidarité nationale devrait s'exercer pour réparer les conséquences d'implants capillaires mal réalisés ou de rhinoplasties ratées à l'étranger.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission comprend bien sûr l'intention de l'auteure de cet amendement.

Compte tenu de la situation financière de la branche maladie, le Gouvernement réclame, il est vrai, des efforts accrus aux assurés pour participer à leurs frais de santé.

Dans ce contexte, il est légitime de se demander pourquoi les suites d'opérations de chirurgie esthétique ratées et parfaitement évitables, réalisées par des professionnels peu qualifiés dans certains pays situés en dehors de l'Union européenne, continuent à être prises en charge par la sécurité sociale.

Pour autant, le principe même de l'assurance maladie repose sur une prise en charge de tous les problèmes de santé, y compris ceux dont les assurés sont directement responsables.

Ainsi, il n'est pas question de refuser la prise en charge des soins des assurés qui se blessent en pratiquant un sport dangereux ou qui tombent malades du fait de certaines habitudes alimentaires.

De plus, les opérations de chirurgie esthétique ratées peuvent avoir des conséquences vitales et engendrer des frais que beaucoup ne seront pas en mesure d'assumer.

Ayons donc bien en tête les conséquences qu'aurait l'adoption d'un tel amendement. Pour lutter contre le phénomène, il nous semble préférable de renforcer la prévention, notamment en communiquant largement sur les risques liés à ces pratiques sur les réseaux sociaux.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je partage l'avis de Mme la rapporteure : je suis défavorable à cet amendement, à moins que son auteure ne le retire, ce qui serait préférable.

Dès lors qu'elle en a le droit, toute personne de nationalité française doit être soignée et, le cas échéant, remboursée. Fixer des limites en la matière soulèverait de nombreuses questions, que Mme la rapporteure a d'ailleurs partiellement abordées. Où placerait-on, par exemple, la responsabilité d'un malade par rapport à sa maladie ?

J'ai la conviction qu'il faut privilégier l'éducation à la santé et mieux informer les personnes qui envisagent de se faire opérer à l'étranger.

Par conséquent, je souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je comprends la préoccupation de notre collègue Nathalie Goulet, dont je reconnais bien là le sens de la rigueur en matière de dépenses publiques et sociales.

En réalité, cet amendement vise à sanctionner la bêtise, celle de ces personnes assez bêtes pour subir des soins esthétiques à l'étranger dans des conditions sanitaires non sécurisées, et qui reviennent en France avec les conséquences de ces opérations.

Puisqu'elles ont été assez bêtes pour agir ainsi, nous n'aurions pas à payer pour elles. L'idée est tentante, mais elle n'est pas juste. Elle est tentante, mais non conforme au principe selon lequel nous soignons tout le monde dans ce pays.

Commencer à ne pas soigner les conséquences de la bêtise pourrait nous mener très loin, bien plus loin que vous ne le souhaitez vous-même, ma chère collègue, et pas seulement pour les soins réalisés à l'étranger. N'entrebâillons pas cette porte ! (Mme Nadia Sollogoub acquiesce.)

Comme l'a dit Mme la ministre, il faut éduquer les gens, les informer, leur expliquer les risques. Les soins esthétiques ne sont d'ailleurs pas les seuls concernés : nombre de soins dentaires se pratiquent désormais dans des pays étrangers, en Europe ou ailleurs. Ils ne se déroulent pas toujours bien, si bien que des dentistes français sont ensuite sollicités pour rattraper ce qui peut l'être. Il n'est pas question non plus de dérembourser ces soins-là.

Je comprends donc l'idée, ma chère collègue, mais l'amendement que vous proposez ne me semble pas la bonne solution.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je partage tout à fait l'avis de Mme Imbert : il n'est pas possible d'envisager de juger les personnes sur leurs comportements en matière de santé.

Une personne qui fume pourrait être considérée en partie responsable de son cancer. Allons-nous pour autant ne pas la soigner ?

Nous nous posons de telles questions depuis très longtemps et certains pays ont fait ce choix…

Mme Stéphanie Rist, ministre. Ils en sont revenus !

Mme Anne Souyris. Ce n'est pas le nôtre. J'espère que nous continuerons à soigner les gens sans jamais juger leur comportement.

En revanche, s'il y a des mesures à prendre, madame Goulet – vous en conviendrez sans doute –, ce sont des sanctions. Il faut sanctionner les personnes qui promeuvent ce type d'opérations sur les réseaux sociaux ou qui pratiquent illégalement la médecine esthétique. Il faut conclure des accords avec les pays concernés.

Parfois même, des actes illégaux de pseudo-médecine esthétique sont pratiqués en France ou en Europe. Ils occasionnent de véritables catastrophes sanitaires.

Comme cela a été dit, il faut renforcer la prévention et l'information, mais aussi sanctionner, ainsi que le demande l'ordre des médecins.

Cette option est bien plus efficace que de ne pas soigner les gens. Que ferions-nous en cas de complications ? Nous laisserions les gens mourir ? C'est tout de même un problème.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. De prime abord, l'idée de Mme Goulet pourrait paraître tentante. Je rappelle néanmoins qu'en tant que médecins, nous prêtons le serment d'Hippocrate.

Mme Pascale Gruny. Très bien !

Mme Émilienne Poumirol. Nous nous engageons donc à soigner tout le monde, quel que soit le statut du patient ou la cause de sa maladie.

Ma chère collègue, si nous approuvions votre raisonnement, nous créerions une jurisprudence pouvant conduire, comme le soulignait à l'instant notre collègue, à juger de la responsabilité de chaque patient.

Pourquoi rembourser les soins liés au cancer du poumon, puisqu'il est lié au tabagisme ? N'est-ce pas la faute du patient s'il a développé un cancer ? Nous pourrions multiplier les exemples à foison. N'entrons pas dans cette logique.

C'est toute la noblesse du métier de médecin que d'être lié par le serment d'Hippocrate et de soigner tout le monde. Gardons ce principe, même si, en effet, nous pourrions être tentés de ne pas subir les conséquences de certains actes qui, comme l'indiquait Laurence Rossignol, relèvent de la bêtise propre.

Il est préférable d'aller sur le terrain de l'explication et de la prévention en matière de tabagisme, d'alcoolisme ou de sédentarité.

Nous aborderons le volet de la prévention à l'article 19. En attendant, nous ne pouvons pas refuser de rembourser un patient, quel qu'il soit.

Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 778 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 150 amendements au cours de la journée ; il en reste précisément 619 à examiner sur ce texte.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, dimanche 23 novembre 2025 :

À neuf heures trente, quatorze heures trente, le soir et la nuit :

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026).

La prochaine séance aura lieu demain, dimanche 23 novembre, à 9 heures 30, pour la suite de l'examen de ce projet de loi.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le dimanche 23 novembre 2025, à zéro heure trente.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

JEAN-CYRIL MASSERON