M. le président. L'amendement n° I-2698, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 108, seconde phrase

Après la référence :

IV

insérer les mots :

de l'article 235 ter C du code général des impôts

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements et sous-amendements en discussion commune.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L'amendement n° I-2698 est rédactionnel.

L'avis de la commission est défavorable sur les deux amendements identiques nos I-647 et I-1289. S'agissant d'élargir le dispositif aux biens professionnels, vous devinez que j'y suis complètement opposé.

J'en viens aux six sous-amendements à mon amendement n° I-1.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur deux d'entre eux, les sous-amendements nos I-1375 rectifié bis de Mme Lavarde et I-2694 de M. Canévet. Il s'agit, d'une part, d'éviter de taxer les logements mis à disposition au prix de marché et les œuvres d'art exposées au public ; et, d'autre part, de restreindre l'assujettissement à la taxe des détenteurs de holdings étrangères aux seuls cas manifestes d'optimisation, ce qui permet d'éviter la double imposition.

J'émets en revanche un avis défavorable sur le sous-amendement n° I-2062 rectifié quater de Mme Darcos, qui vise à exclure toutes les œuvres d'art de l'assiette.

Quant au sous-amendement n° I-2660 rectifié bis de M. Vogel, il serait satisfait par l'adoption du sous-amendement n° I-2751 de M. Rietmann ; je demande le retrait du premier au profit du second, sur lequel je m'en remets de nouveau à la sagesse du Sénat – je précise que j'émets ce dernier avis à titre personnel, ce sous-amendement ayant été déposé après la réunion de la commission.

Toujours à titre personnel, pour la même raison, j'émets un avis défavorable sur le sous-amendement n° I-2750 du groupe CRCE-K, qui tend à inclure dans l'assiette de la taxe les cryptoactifs lorsqu'ils sont comptabilisés comme des immobilisations incorporelles.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-1783 rectifié bis de M. Fouassin et demande le retrait de l'amendement n° I-762 rectifié de Mme Paoli-Gagin, qui vise à exclure les sociétés de capital-investissement de l'assiette de la taxe.

Avis défavorable également sur les amendements nos I-2012 rectifié et I-2013 rectifié, qui ont pour objet d'exclure de l'assiette de la taxe, respectivement, tous les fonds d'investissement alternatifs, d'une part, et les montants non encore libérés des souscriptions, d'autre part.

Enfin, l'avis de la commission est défavorable sur les amendements nos I-648 et I-2213, dont l'adoption porterait le taux de la taxe à 20 %, pour le premier, et à 4 %, pour le second, ce qui ne serait pas constitutionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Au fond, ce qui est proposé, c'est de transformer un mécanisme anti-optimisation, tel qu'il est souhaité par le Gouvernement, en un mécanisme anti-abus : voilà le sens de la proposition que vous soumettez à la représentation nationale, monsieur le rapporteur général.

Si tel est bien votre choix – cela me paraît probable compte tenu de la dynamique de cet hémicycle –, vous devriez à mon avis, mesdames, messieurs les sénateurs, adopter le sous-amendement n° I-1375 rectifié bis de Mme Lavarde.

Les sous-amendements nos I-2062 rectifié quater de Mme Darcos et I-2751 de M. Rietmann seraient satisfaits par ce vote, puisque tous les biens affectés à une activité économique seraient de facto exclus de l'assiette.

Je reste en revanche opposée au sous-amendement n° I-2660 rectifié bis de M. Vogel, parce qu'il ne concerne pas spécifiquement les chevaux de course affectés à l'activité professionnelle. En effet, certains chevaux de course ont pour seule vocation de prendre de la valeur, en tant qu'investissements. Ce sous-amendement est donc soit satisfait, lorsque les chevaux sont indissociables d'une activité économique, soit contraire à la disposition que vous défendez, mesdames, messieurs les sénateurs.

Eu égard aux termes du débat, l'avis du Gouvernement est également favorable sur le sous-amendement n° I-2694 de M. Canévet, qui vise à couvrir le cas des holdings détenues de manière non abusive à l'étranger.

Alors que nous avions proposé un dispositif anti-optimisation large, une majorité semble se dessiner pour en faire un dispositif anti-abus. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° I-1 de M. Husson. Dans l'hypothèse où vous souhaiteriez l'adopter – je résume –, je vous suggère de voter au préalable pour les sous-amendements de Mme Lavarde et de M. Canévet.

Je crains que l'adoption de l'amendement n° I-1, éventuellement sous-amendé, ne fasse tomber les amendements suivants. Je vous propose donc, monsieur le président, de ne donner l'avis du Gouvernement sur ces derniers que si l'amendement du rapporteur général devait être rejeté – soyons efficaces !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. À titre personnel, je ne suis pas pour taxer les œuvres d'art ; je trouve donc intéressant le sous-amendement n° I-2062 rectifié quater de Mme Darcos. (Sourires sur les travées du groupe INDEP.)

En effet, à la différence de Mme Lavarde, notre collègue Darcos associe explicitement la réduction du périmètre de la taxe à une contrepartie, qui consiste à exposer les œuvres d'art concernées dans un lieu accessible au public ou aux salariés de l'entreprise.

Nous parlions ce matin des effets de bord des dispositions que nous votons. En l'espèce, le marché de l'art sera forcément affecté. Or cette fragilisation, au moment même où l'écosystème de la scène contemporaine française est également affaibli, serait malvenue.

L'adoption du sous-amendement de Mme Darcos permettrait de traiter la question des donations – je pense à celles qui alimentent nos collections publiques ainsi que, plus largement, les collections des musées dans l'ensemble de nos territoires. La taxe, telle qu'elle est envisagée pour l'instant, aurait pour effet de les réduire, ce qui serait, dans le contexte actuel, un mauvais signal.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Quant à moi, je suis pour les holdings, dispositif intelligent qui peut contribuer au développement de notre économie. Le débat, ici, n'est donc pas de savoir si nous sommes pour ou contre les holdings : il est de déterminer s'il existe des montages économiques qui permettent l'évitement de l'impôt.

M. Grégory Blanc. Le dispositif qui nous est proposé n'empêche pas les holdings de détenir des yachts, des bijoux ou des œuvres d'art, ni d'acheter des caisses de vin ! Il est simplement prévu d'appliquer un taux de fiscalité de 2 % à certains actifs qui sont dépourvus de lien avec l'activité opérationnelle, et ce à des fins de justice fiscale. Voilà tout l'objet de cet article 3.

Or j'ai l'impression, à entendre certains de mes collègues, que nous serions contre tout et, en l'espèce, contre les holdings. Non ! Nous ne sommes même pas contre l'achat de yachts par les holdings… Nous pourrions l'être pour des raisons fiscales ou philosophiques, mais ce serait un autre débat : ce n'est tout simplement pas le sujet de cet article 3.

Pourquoi vous dis-je cela, mes chers collègues ? Parce que ce que propose la commission des finances, via l'amendement du rapporteur général, revient à exclure de la taxe les situations où l'on observe un excès de trésorerie. Je ne vise pas par là les cas où la holding conserve légitimement des sommes en vue d'investir dans des sociétés de private equity, c'est-à-dire de capital-investissement : j'ai en vue les placements dans des FCPR (fonds communs de placement à risques) et autres véhicules financiers. Aux termes de l'amendement de M. Husson, ceux-ci ne seraient pas taxés : ce n'est pas moral !

Je le dis d'autant plus que j'ai déposé un amendement, qui sera examiné après l'article 8, tendant à rendre les FCPR éligibles aux PEA (plans d'épargne en actions) et aux PEA-PME (PEA destinés au financement des PME et ETI), qui a reçu un avis défavorable de la commission. Nous devons faire preuve de cohérence : il ne faut pas une fiscalité pour les hauts patrimoines, pour les plus grandes fortunes de ce pays, et une fiscalité pour les autres !

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Je souhaite recadrer un peu le débat en faisant quelques rappels.

Quand j'entends par exemple notre collègue Thierry Cozic parler des milliardaires, j'ai envie de lui répondre : tant mieux ! Tant mieux s'ils choisissent notre pays pour s'y installer, payer des impôts, investir et acquitter la TVA à proportion de leurs dépenses. (MM. Thierry Cozic et Pierre Ouzoulias s'exclament.)

Mais ce n'est pas parce que l'on crée une holding que l'on est milliardaire. En France, nous avons 300 très grandes entreprises et 7 200 entreprises de taille intermédiaire, pour un total de 60 000 holdings. Ainsi, plus de 90 % des holdings ont été constituées par des chefs de petites et moyennes entreprises, non par des milliardaires !

Ce ne sont pas des milliardaires : ce sont des chefs d'entreprise !

M. Pierre Ouzoulias. Ce n'est pas eux le problème !

M. Thierry Cozic. Et les milliardaires ?

M. Grégory Blanc. Nous ne sommes pas contre les holdings !

M. Olivier Rietmann. Le mot a été lâché, chers Grégory Blanc et Pierre Ouzoulias : la trésorerie. Qui est à même de juger si une trésorerie est ou non excessive ?

La trésorerie, c'est le nerf de la guerre pour nos entreprises. Qu'est-ce qui a permis à certaines d'entre elles de passer la crise covid ?

M. Pierre Ouzoulias. Le Gouvernement !

M. Olivier Rietmann. La trésorerie !

Qu'est-ce qui permet à une entreprise de présenter suffisamment de garanties lorsqu'elle demande un prêt pour investissement ? Je vous donne un indice : c'est la première chose que regardent les banques – la trésorerie !

Qu'est-ce qui permet à une entreprise d'innover en lançant un nouveau process, et de tenir en attendant que cette innovation produise de la richesse ? C'est encore et toujours sa trésorerie !

Ne touchons surtout pas à la trésorerie des entreprises !

Enfin, un dernier mot : admettons que les entreprises soient peu nombreuses à quitter notre pays si s'appliquait cette taxe sur les holdings ; combien, en revanche, renonceraient à s'y installer et à y investir ? Une telle mesure est à mon sens très dangereuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.

Mme Florence Blatrix Contat. Milliardaires, compétitivité, holdings : la France a tout cela, et c'est tant mieux, disent nos collègues. Nous sommes d'accord ; mais cela n'empêche pas la justice fiscale.

Le sens de nos amendements est de remettre de la justice là où règne l'injustice. Depuis deux ans, on note une prise de conscience de la part du Gouvernement : contribution différentielle sur les hauts revenus l'an dernier, taxe sur les holdings cette année.

Le Gouvernement a donc pris conscience des pratiques d'optimisation auxquelles se livre une partie de nos concitoyens les plus aisés – soit 0,05 % de la population : ceux-ci ne contribuent pas aux charges publiques à raison de leurs moyens, tout simplement parce qu'ils ont la possibilité – les moyens ! – d'éviter l'impôt.

C'est contre ce phénomène que nous voulons lutter, et non contre les holdings, contre la compétitivité ou même contre les milliardaires.

L'article 3 est un premier pas dans cette lutte contre l'optimisation fiscale ; nous le saluons. Comme nous l'avons indiqué, il ne va pas assez loin. C'est pourquoi nous proposons de relever le taux de la taxe et d'intégrer à son assiette les titres de participation.

Nous regrettons vivement que cet article soit complètement vidé de son contenu par l'adoption de l'amendement n° I-1 du rapporteur général, qui, si elle se concrétise, tarira presque entièrement la base taxable du dispositif.

Certes, le taux serait de 20 %, mais 20 % de pas grand-chose, cela fait toujours pas grand-chose, et en tout cas un rendement très faible. Dans ces conditions, la mesure raterait complètement son objet, qui est de lutter contre l'optimisation fiscale.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je crains pour ma part que l'adoption de l'amendement du rapporteur général n'ait pour effet de faire tomber presque tous les autres amendements déposés à l'article 3. Ce vote est donc important.

Madame la ministre a parfaitement raison : nous passons insensiblement d'un dispositif anti-optimisation à un dispositif anti-abus. De toute évidence, si la proposition du rapporteur général est retenue, l'optimisation et l'évitement fiscaux continueront.

Notre rapporteur général propose par ailleurs de porter le taux de 2 % à 20 %, en ne faisant entrer dans l'assiette que les biens somptuaires. À ce sujet, je rejoins Florence Blatrix Contat : ce faisant, on n'atteindrait même pas le taux d'imposition moyen ; le dispositif serait clairement dévitalisé !

Pour ce qui est de mettre en place des dispositifs anti-abus, nous avons vu quelle était l'attitude du Gouvernement lorsque nous avons examiné le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Nous avions alors proposé, par voie d'amendement, que les acteurs de l'industrie de l'optimisation fiscale soient tenus de notifier leurs montages auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ou de Bercy avant toute commercialisation ou diffusion en ligne à destination du grand public.

Cette mesure ne coûtait pas un centime et le Gouvernement s'y est opposé. L'optimisation fiscale et l'abus de droit ont de beaux jours devant eux !

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.

Mme Ghislaine Senée. Les Français nous écoutent, mes chers collègues. La réalité est qu'une ultrarichesse s'est fortement développée ces sept dernières années dans notre pays.

Mme Sophie Primas. Ce n'est pas grave !

Mme Ghislaine Senée. Si, c'est grave. S'il y avait de moins en moins de pauvres, cela ne poserait pas de problème.

Or les 500 plus grandes fortunes de France ont progressé de 115 % en sept ans, passant de 570 milliards à 1 228 milliards d'euros. Comment expliquer une telle rentabilité ?

Mme Sophie Primas. Le problème n'est pas là…

Mme Ghislaine Senée. Précisément, c'est là qu'est le problème ! Notre système fiscal autorise la suroptimisation.

M. Olivier Rietmann. Avec vous, dès l'instant que vous êtes riches, c'est que vous suroptimisez !

Mme Ghislaine Senée. Toutes les holdings ne le font pas, naturellement – elles sont 60 000, cela a été rappelé. Notre collègue Louault a évoqué les agriculteurs ; mais ils ne sont absolument pas concernés par cet article.

En revanche, amender le texte en prévoyant de nouvelles exemptions aurait pour seul effet de faciliter encore davantage l'optimisation : cela n'a aucun sens !

Comment voulez-vous que les Français comprennent qu'une grande holding spécialisée dans le BTP (bâtiment et travaux publics) possède des chevaux de course, des bijoux ou des caves remplies de vins de luxe ? C'est inconcevable ! De tels biens n'ont aucun lien avec son activité professionnelle. En la matière, il faut évidemment et absolument de la contrainte : nous ne pouvons pas accepter que des biens somptuaires soient logés dans les holdings.

La réalité est que certains redevables ne paient quasiment pas d'impôt sur le revenu, parce qu'ils vivent via leur holding. Toutes les holdings ne sont pas concernées pas ce genre de pratiques, mais, assurément, certaines le sont !

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Nous voterons pour les amendements identiques n° I-647 et I-1289.

Notre débat sur l'amendement n° I-1 de la commission est assez formidable : dans la version gouvernementale, nous avions une taxe « passoire » ; dans la version sénatoriale, celle-ci devient une taxe « trou noir ». (M. Vincent Louault rit.)

M. Bruno Retailleau. Ça rime !

M. Thierry Cozic. Monsieur le rapporteur général, à l'heure où nous cherchons de nouvelles ressources, avez-vous estimé, avant de l'éviscérer, le rendement espéré de ce semblant de taxe ?

Je vais vous le dire : il est strictement égal à zéro. (M. Grégory Blanc acquiesce.)

D'ailleurs, à quoi bon voter l'article 3 si c'est pour prévoir tant d'exceptions ?

MM. Emmanuel Capus et Vincent Louault. Ah !

M. Thierry Cozic. Le coût des heures de travail qui ont été nécessaires à Bercy pour monter votre usine à gaz sera supérieur au rendement de la taxe.

M. Vincent Louault. Comme d'hab !

M. Thierry Cozic. À ce prix-là, je pense que nous pouvons nous épargner le ridicule !

Je vous le dis comme je le pense : vous venez d'ajouter un trou dans la raquette, ou un cran de plus dans le racket des Français. (M. Roger Karoutchi s'exclame.)

M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour explication de vote.

M. Jean Pierre Vogel. Certains propos laissent penser que les chefs d'entreprise feraient n'importe quoi ; je suis un peu surpris.

Je rappelle que, pour être déductibles du résultat fiscal, les dépenses doivent être engagées dans l'intérêt de l'entreprise.

MM. Vincent Louault et Olivier Rietmann. Eh oui…

M. Jean Pierre Vogel. Et il existe, à cet effet, des parapets de sécurité : la DGFiP, notamment, ainsi que les commissaires aux comptes, qui ont le devoir de signaler au procureur de la République tout abus de droit fiscal ou tout abus de biens sociaux.

Les chefs d'entreprise ne font donc pas n'importe quoi. Il est utile de le préciser : ce sont avant tout des gestionnaires. J'entends dire à propos des holdings ou des maisons mères que l'on peut y loger des yachts, des bateaux, des avions ou des bijoux : ce n'est pas vrai !

Si tel n'est pas l'objet de la holding, de telles pratiques sont absolument impossibles. L'objet social de la société doit être respecté et les actifs détenus doivent l'être dans le cadre d'une gestion correcte de l'entreprise. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur Rietmann, je reviens sur vos propos concernant la trésorerie.

Je vous conseille vivement de participer au débat que nous aurons sur le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous pourrez y exprimer le même point de vue, et nous dire combien il est important de préserver la trésorerie des universités, celle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou celle de l'Agence nationale de la recherche (ANR). (Sourires.)

Nous verrons bien ! (Mme Laure Darcos et MM. Marc Laménie et Grégory Blanc applaudissent.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! J'ai été mis en cause au sujet du CNRS ; j'avais raison.

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.

M. Alexandre Ouizille. Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, lorsque nous parlons de fraude sociale, nous pouvons régulièrement le constater, vous êtes sans indulgence. Vous l'êtes à raison : la fraude n'est jamais excusable.

Il est d'autant plus fascinant de voir à quel point, lorsque nous en venons à la présente taxe, soudain toutes les raisons sont bonnes pour la rejeter ; il s'agit pourtant d'éviter les optimisations et de lutter contre des comportements scandaleux dont la ministre évalue le coût à plus de 1 milliard d'euros.

Du vin, des bijoux, des yachts, des chevaux sont logés dans les holdings ? (Mme Sophie Primas s'exclame.) Qu'à cela ne tienne ! Il y a des commissaires aux comptes, cela suffit ; après tout, pourquoi légiférer ?

Ce grand écart est incompréhensible pour ceux qui vous écoutent. (M. Roger Karoutchi manifeste son agacement.)

Comment voulez-vous que les gens comprennent ce que vous dites ?

Le Gouvernement vous dit qu'il y a des fraudes…

M. Emmanuel Capus. Qu'ils apprennent ce qu'est une entreprise !

M. Alexandre Ouizille. Très bien, vous le direz aux Français ! Ils ne comprennent pas ce qu'est une entreprise, dites-vous ? En effet, ils ne comprennent pas qu'une entreprise ait besoin de bijoux, de grands vins…

M. Emmanuel Capus. Aucune entreprise n'a des bijoux ou du vin dans ses caves ! Arrêtez le délire !

M. le président. Mes chers collègues, laissez l'orateur s'exprimer.

M. Alexandre Ouizille. … ou de yachts !

Mme la ministre a donné un exemple très clair. Soyons maintenant conséquents : allons au bout des choses.

Comme l'a dit mon collègue Thierry Cozic, vous ne pouvez pas vider ce dispositif anti-optimisation de toute sa substance.

M. Olivier Rietmann. Et on l'assume !

M. Alexandre Ouizille. Eh bien, faites-le ! Faites-le devant les Français ! Bravo à vous !

M. Olivier Rietmann. Nous assumons !

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. Je ne souhaite pas voir nos propositions caricaturées.

Jamais nous n'avons dit que les entreprises avaient absolument besoin de détenir du vin ou d'autres biens du même type.

Ce que nous avons dit, en revanche, c'est qu'une telle détention est tout à fait légitime à partir du moment où ces biens sont des actifs économiques qui participent de la vie de l'entreprise. Si vous êtes une entreprise de spiritueux, vous avez le droit d'avoir des stocks !

M. Alexandre Ouizille. Oui, bien sûr.

Mme Ghislaine Senée. Ce n'est pas le sujet !

Mme Christine Lavarde. Je ne suis pas une experte, mais les bons vins, me semble-t-il, se bonifient avec le temps !

Tel est le sens de l'amendement du rapporteur général, précisé par mon sous-amendement.

Pour répondre à Mme Robert, mon sous-amendement va dans le sens de celui de Mme Darcos. J'y précise explicitement que les biens culturels exposés au public – dont des tiers bénéficient – sont exclus de la taxe.

J'ignore pour quelle raison – peut-être parce qu'il émane de la commission des finances – cet amendement est jugé en mauvaise part. En tout état de cause, mes chers collègues, arrêtez les caricatures ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-647 et I-1289.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-1375 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° I-2062 rectifié quater n'a plus d'objet.

M. Jean Pierre Vogel. Je retire mon sous-amendement, monsieur le président !

M. le président. Le sous-amendement n° I-2660 rectifié bis est retiré.

M. Olivier Rietmann. Je retire également mon sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° I-2751 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° I-2694.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-2750.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos I-1783 rectifié bis, I-762 rectifié, I-2012 rectifié, I-2013 rectifié, I-648, I-2213 et I-2698 n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-1784 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger, MM. Rambaud, Fouassin, Buis et Mohamed Soilihi, Mmes Havet et Cazebonne et MM. Patient et Iacovelli, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après la troisième occurrence du mot :

France,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

à l'exclusion de la personne physique qui n'a pas été fiscalement domiciliée en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elle a son domicile fiscal en France. Cette exclusion s'applique au titre de chaque année au cours de laquelle cette personne physique conserve son domicile fiscal en France, jusqu'au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France. Ces sociétés doivent, à la date de clôture de l'exercice au titre duquel la taxe est due, satisfaire aux conditions cumulatives suivantes :

La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Cet amendement déposé par notre collègue Patricia Schillinger vise à ne pas appliquer immédiatement la taxe prévue à l'article 3 aux personnes qui viennent de s'installer en France.

Concrètement, une personne qui arrive de l'étranger et devient résidente fiscale française pourrait se retrouver imposée sur des sociétés qu'elle détient hors de France, alors même qu'elle n'a jamais pu organiser son patrimoine pour optimiser sa fiscalité française.

Une telle situation serait injuste et contraire à l'esprit même du dispositif, qui vise des comportements volontaires de contournement.

Cette précision serait également cohérente avec la règle déjà prévue pour l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), en vertu de laquelle, pendant cinq ans à compter de leur installation, les nouveaux résidents ne sont soumis à cet impôt que sur leurs biens situés en France.

À défaut d'une telle cohérence, un bien étranger exonéré d'IFI deviendrait paradoxalement taxable au titre de la nouvelle contribution dès lors qu'il est détenu via une société.

M. le président. L'amendement n° I-2695, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

aux conditions cumulatives

par les mots :

toutes les conditions

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-1514 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Laménie, Mmes Bourcier et L. Darcos et MM. Grand et V. Louault, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 88

I. – Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, la taxe n'est pas due par les personnes physiques mentionnées au premier alinéa du présent 2 qui n'ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont leur domicile fiscal en France.

« Cette disposition s'applique au titre de chaque année au cours de laquelle le redevable conserve son domicile fiscal en France, jusqu'au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Le redevable de la taxe sur le patrimoine financier des holdings patrimoniales varie selon le lieu d'établissement de la holding.

Lorsqu'elle est établie en France, le redevable est la société elle-même ; lorsqu'elle ne l'est pas, le redevable est la personne physique domiciliée fiscalement en France qui contrôle cette holding.

Dans sa version actuelle, la taxe frapperait un résident fiscal français contrôlant une holding étrangère, sans tenir compte de l'ancienneté de sa résidence fiscale en France.

Les personnes qui transfèrent leur domicile fiscal en France peuvent détenir des participations dans des holdings dont le siège est à l'étranger ; or il ne leur est pas nécessairement loisible de le transférer en France, compte tenu de la présence d'autres actionnaires non-résidents.

Or, dans sa rédaction actuelle, l'article 3 aurait pour effet d'imposer à 2 % la participation ainsi détenue par ces personnes physiques, dès leur arrivée en France.