Mme Christine Lavarde. Je remercie les services de la commission des finances et de la séance du travail que nous les avons obligés de faire à la dernière minute, en nous coordonnant, avec le groupe Union Centriste, pour déposer deux amendements identiques.
Leur objet est bien connu au Sénat : nous proposons de revenir sur un impôt malheureux créé en 2017, l'impôt sur la fortune immobilière. En effet, celui-ci taxe des biens qui, selon nous, participent à l'économie. Alors que le secteur du logement connaît de grosses difficultés, cet impôt n'encourage absolument pas les particuliers à devenir propriétaires bailleurs.
Pour cette raison, nous demandons depuis plusieurs années la révision complète de l'assiette de cet impôt, afin de taxer uniquement les biens qui constituent un patrimoine sans contribuer à l'économie réelle.
Malheureusement pour nous, la proposition défendue depuis plusieurs années par la majorité sénatoriale a complètement été dévoyée par l'Assemblée nationale : en conservant le nom que nous proposions, les députés ont inclus dans cette assiette des actifs qui n'ont pas lieu d'y être – je pense notamment aux plans d'épargne retraite (PER), aux plans d'épargne en actions (PEA), aux contrats d'assurance vie et aux fonds euros.
En effet, ces actifs participent bien évidemment à l'économie. Si demain toutes les personnes qui détiennent des fonds euros les retiraient de leurs contrats d'assurance vie, le financement de notre dette pourrait lui-même connaître des difficultés, et les organismes bancaires et assurantiels éprouveraient de grandes difficultés à respecter leur ratio de solvabilité.
Nous le disons depuis le début de la journée : il faut agir avec prudence en matière de fiscalité. Tel est le sens de notre proposition de création d'une contribution des hauts patrimoines.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° I-381 rectifié.
M. Michel Canévet. Depuis déjà plusieurs années, le groupe Union Centriste propose un impôt sur la fortune improductive. Je le précise, il ne s'agit pas de créer un nouvel impôt ; il s'agit de substituer à l'impôt sur la fortune immobilière, créé à la suite de la suppression de l'impôt sur la fortune, cher au président de la commission des finances du Sénat. Il nous est apparu que le nom de « contribution des hauts patrimoines » était sans doute le plus approprié pour cet impôt.
Grégory Blanc, la taxation des hauts patrimoines que nous proposons n'est pas une taxation des stocks : en effet, elle ne vise pas les stocks destinés à favoriser le fonctionnement de l'économie. Soyons clairs, c'est bien l'aspect patrimonial que nous visons. On ne peut donc pas comparer la taxe sur les holdings que nous avons examinée tout à l'heure et la contribution que nous proposons.
Pourquoi la nommer ainsi ? Parce que l'impôt sur la fortune immobilière produit l'effet inverse de la politique de soutien du logement que nous souhaitons instaurer, ainsi que je l'ai indiqué lors de la discussion générale. Il semble en effet anormal de prétendre soutenir le logement tout en proposant une taxe sur celui-ci. Il convient donc de retenir une disposition légèrement différente, pour répondre aux enjeux dont nous avons déjà beaucoup débattu.
M. le président. Le sous-amendement n° I-2410 rectifié bis n'est pas soutenu.
Le sous-amendement n° I-2758, présenté par Mme Girardin, est ainsi libellé :
Amendement n° I-381
1° Après l'alinéa 12 du 3° du I du A, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Objets d'art au sens de l'article 98 A de l'annexe III » ;
2° – L'alinéa 4 du 10° du A du I est supprimé ;
3° – L'alinéa 3 du III est supprimé.
La parole est à Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Ce sous-amendement a pour objet d'intégrer les œuvres d'art dans l'assiette du nouvel impôt sur la fortune improductive.
M. le président. L'amendement n° I-1203, présenté par Mme Blatrix Contat, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre II bis du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° A l'intitulé, le mot : « immobilière » est remplacé par le mot : « improductive » ;
2° L'article 964 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « immobiliers » est remplacé par le mot : « improductifs » et le mot : « immobilière » est remplacé par le mot : « improductive » ;
b) Au deuxième alinéa, le montant : « 1 300 000 euros » est remplacé par le montant : « 1 500 000 euros » ;
3° L'article 965 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « immobilière » est remplacé par le mot : « improductive » ;
b) Le 1° est complété par les mots : « , à l'exclusion de la résidence principale, dans la limite d'une exonération d'un million d'euros » ;
c) Après le 1°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Les sommes, rentes ou valeurs d'assurance vie, exclusion faite de celles placées en unités de compte tels que mentionnées à l'article L. 131-1 du code des assurances, ainsi que les liquidités et placements financiers assimilés ;
« …° Les actifs numériques mentionnés à l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier ; »
4° L'article 977 est ainsi rédigé :
« Art. 977. – L'impôt sur la fortune improductive est calculé selon un barème progressif appliqué à la fraction de la valeur nette taxable du patrimoine excédant 1 500 000 euros :
« – 0,7 % pour la fraction comprise entre 1 500 000 euros et 2 500 000 euros ;
« – 1 % pour la fraction comprise entre 2 500 001 euros et 5 000 000 euros ;
« – 1,5 % pour la fraction comprise entre 5 000 001 euros et 10 000 000 euros ;
« – 2 % pour la fraction excédant 10 000 000 euros. »
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement, que j'avais déjà déposé l'année dernière, a le même objet que les amendements précédents, même si l'assiette que je propose est légèrement différente. Il vise à moderniser notre fiscalité patrimoniale – ne jouons pas sur les mots, c'est bien de patrimoine qu'il s'agit, même s'il ne s'agit pas de patrimoine d'entreprise.
L'objectif n'est pas de créer un nouvel impôt ; c'est plutôt de faire évoluer l'IFI en élargissant son assiette à un certain nombre d'actifs qui n'y figurent pas, notamment aux actifs numériques. Il s'agit de mieux aligner l'assiette et le taux de cet impôt sur la réalité des patrimoines détenus aujourd'hui.
L'Assemblée nationale avait proposé un taux de 1 %. J'ai souhaité conserver un barème progressif et plus juste, qui permet un rendement plus élevé. Je propose notamment l'abaissement du seuil d'entrée à 1,5 million d'euros et des taux progressifs de 0,7 %, de 1 %, de 1,5 % puis de 2 % pour les patrimoines les plus élevés.
M. le président. Les amendements nos I-207 rectifié ter, I-921 et I-1562 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° I-752, présenté par Mme de Marco, MM. Salmon, Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 976 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Les propriétés en nature de bois et forêts ainsi que les parts de groupements forestiers sont exonérés à concurrence de la moitié de leur valeur imposable si les conditions prévues au 2° du 2 de l'article 793 sont satisfaites, et lorsque les propriétaires prennent l'engagement pour eux et leurs ayants cause sur les terrains concernés de mettre en œuvre une gestion sylvicole contribuant significativement aux objectifs suivants :
« 1° Augmenter le puits de carbone, en particulier dans les sols forestiers ;
« 2° Améliorer l'état de conservation de l'habitat forestier.
« Cette exonération est conditionnée à l'existence de garanties de gestion durable visées aux articles L. 124-1 à L. 124-3 et L. 313-2 du code forestier ou d'une obligation réelle environnementale prévue à l'article L. 132-3 du code de l'environnement mentionnant l'engagement relatif à la libre évolution.
« Les conditions des engagements prévus aux deux derniers alinéas et de leur attestation sont définies par décret en Conseil d'État. »
2° Le II est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Le présent amendement de Mme de Marco vise à réformer le régime d'exonération de l'impôt sur la fortune immobilière applicable aux bois, forêts et parts de groupements forestiers, afin de renforcer l'efficacité fiscale et écologique de cet impôt.
Aujourd'hui, l'exonération atteint 75 % dès lors que les propriétaires disposent d'un simple document de gestion durable, ce qui ne garantit nullement que les enjeux de biodiversité et de conservation des puits de carbone soient réellement pris en compte.
Nous proposons de supprimer une telle exonération et de la remplacer par une exonération réduite à 50 %, conditionnée au respect d'écoconditions mesurables. Un tel renforcement des conditions d'attribution de cette exonération permettrait d'orienter la gestion forestière vers des pratiques plus proches des cycles naturels, afin de participer à la préservation de la biodiversité et au maintien des puits de carbone.
Cette mesure contribue ainsi au respect des engagements internationaux et nationaux de la France en matière de biodiversité et de climat, alors que seuls 18 % des habitats forestiers présentent un état de conservation satisfaisant. Elle participe également à la réduction d'une niche fiscale qui ne bénéficie qu'aux 2 % des contribuables les plus aisés assujettis à l'IFI, sans présenter aucune conséquence pour les petits propriétaires forestiers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos I-1332, I-1013, I-1331 et I-752. De plus, elle demande le retrait de l'amendement n° I-1203.
Ces avis ne sont pas surprenants : ces amendements visent le retour de l'ISF ou d'un ISF climatique, ce qui n'est pas souhaitable. Les sujets de climat et d'écologie sont évidemment importants, mais ils doivent être pris en compte de manière générale dans la fiscalité. Un ISF climatique présenterait le risque d'aspirer davantage de ressources que ce qu'il vise, sans qu'il soit garanti que les politiques publiques prennent en compte le climat.
Notre ligne politique est défendue par nos collègues qui ont défendu la contribution des hauts patrimoines. Elle émet évidemment un avis favorable sur les amendements identiques nos I-159 rectifié ter et I-381 rectifié.
Enfin, la commission demande le retrait du sous-amendement n° I-2758.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ces amendements, au fond, portent sur trois sujets différents.
Les amendements nos I-1332, I-1013, I-1331 et I-1203 visent à inclure dans l'assiette de l'impôt sur la fortune soit des biens professionnels, soit des actions d'entreprises. Or la principale faiblesse de l'ISF était que, de ce fait, les entrepreneurs n'étaient pas encouragés à faire croître leur entreprise, et que beaucoup d'actionnaires étaient en quelque sorte bloqués avec les actions qu'ils détenaient, sans réelle ambition. Je ne souhaite pas le retour d'une telle fiscalité, dont nous avons connu les conséquences et les effets de bords assez négatifs pour notre économie.
M. Thierry Cozic. Il rapportait 4 milliards !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le Gouvernement porte depuis 2017 la réforme instaurant l'IFI ; pour des raisons que je pourrais détailler si vous le souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne souhaite pas revenir au modèle précédent de l'ISF. Il émet donc un avis défavorable sur les amendements nos I-1332, I-1013, I-1331 et I-1203.
Les auteurs des amendements identiques nos I-159 rectifié ter et I-381 rectifié, quant à eux, proposent de réduire la part des biens immobiliers dans l'IFI actuel, en étendant en même temps l'assiette de cet impôt aux valeurs mobilières placées sur les actifs liquides, à l'exclusion de tous les investissements considérés comme productifs.
Votre proposition d'orienter implicitement l'épargne vers des investissements productifs dirigés vers les PME et les entreprises européennes est intéressante. Toutefois, je m'étonne de la baisse du rendement qui l'accompagne. En effet, vous proposez de rehausser le plafond d'entrée dans l'imposition pour équilibrer l'élargissement de l'assiette – ce point pourra encore être discuté lors de la navette.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements identiques.
Enfin, dans une troisième discussion, l'amendement n° I-752 et le sous-amendement n° I-2785 visent à modifier des exemptions existantes pour les forêts ou à en créer de nouvelles pour les œuvres d'art. Le Gouvernement ne souhaite pas donner suite à la proposition de réviser l'exemption dont bénéficient les propriétaires de forêts.
Quant à l'intégration des œuvres d'art dans l'assiette de l'impôt, elle supposerait d'affiner le dispositif. En particulier, les œuvres d'art présentées au public et dépassant le seul usage personnel devraient en être exemptées. En effet, donner accès à des œuvres d'art constitue une forme de productivité, car notre pays tire un bénéfice de leur exposition aux yeux du plus grand nombre.
L'avis est donc défavorable sur l'amendement n° I-752 et le sous-amendement n° I-2785.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Monsieur le rapporteur général, si nous avons déposé un amendement visant à créer un ISF climatique, c'est tout d'abord parce que nous payons encore les conséquences de la suppression de l'ISF dans le déficit public.
Ensuite, les effets annoncés par le président Macron lors de la suppression de l'ISF ne se sont pas produits : il n'y a pas eu plus d'investissements ou de croissance, et le ruissellement attendu n'a pas eu lieu.
Pourquoi conditionner un tel impôt à des composantes incitatives ou punitives, pour ce qui concerne les actifs les plus polluants ? Tout simplement parce que les 10 % des personnes les plus riches émettent la moitié des émissions de CO2, tandis que les 50 % les plus pauvres n'en émettent que 10 %.
C'est bien parce que les actifs des plus fortunés polluent le plus qu'il faut aujourd'hui les fiscaliser en introduisant une composante verte, pour réorienter l'économie, les investissements et les actions des entreprises.
Pour cette raison, madame la ministre, il faut bien évidemment inclure les actions dans l'assiette de l'impôt : nous avons besoin de moyens supplémentaires pour investir dans la transition, mais il faut aussi réorienter les actifs des plus fortunés vers une économie plus vertueuse.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Mes chers collègues, je suis sidéré. Vous seriez-vous passé le mot ? Barros, Cozic, Savoldelli, de Montgolfier, Vermeillet, Girardin, Blatrix Contat, de Marco : vous proposez tous des impôts nouveaux. Qu'est-ce donc, mes chers collègues : une compétition, un concours ?
Mme Christine Lavarde. Non, non, non ! Nous ne proposons pas un impôt nouveau !
M. Thomas Dossus. Nous en sommes à la première partie du PLF !
M. Emmanuel Capus. Il fallait nous prévenir, nous n'étions pas au courant ! Quelles sont les règles du jeu ? Le but, c'est de créer l'impôt le plus stupide ? (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
On s'est déjà tapé la CDHR, puis la taxe sur les holdings, et maintenant quoi ? La gauche est dans son jeu : c'est normal, elle est perturbée depuis que l'ISF qu'elle a créé en 1981 a disparu. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST. – Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mais mes chers collègues, que proposez-vous ? Vous voulez recréer l'ISF ? Mais nous avons des électeurs ! Les amis, à quoi sert de voter pour des sénateurs de droite si c'est pour voir le retour de l'ISF ? (Rires sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.) Vous voulez, de retour dans vos circonscriptions, expliquer que vous avez recréé l'ISF parce que, comme vous ne pouvez pas saquer Macron, vous avez défait ce qu'il avait fait ? C'est cela, votre motivation ?
En plus, vous êtes si fiers de votre proposition que vous proposez de changer le nom de l'impôt juste avant la reprise de la séance ? Mais dites-le : vous proposez, comme chaque année, de créer un impôt sur la fortune improductive. D'habitude, cela se fait plutôt en loucedé. Mais pourquoi changer le nom de cet impôt ?
M. Thierry Cozic. Ça fait plus joli !
M. Emmanuel Capus. Quel est le problème ?
Mme Christine Lavarde. Il a été dévoyé !
M. Emmanuel Capus. Sérieusement, dévoyé ? Mes chers collègues, auriez-vous honte de recréer l'impôt sur la fortune improductive ?
Cela ne se sent pas trop, mais je suis en colère. Honnêtement, je ne comprends pas. Nous avions l'occasion de supprimer cette proposition du texte, en nous assurant que, grâce à la règle de l'entonnoir, le sujet ne pouvait pas revenir pour la deuxième lecture. Et vous remettez ça !
Je ne comprends pas à quoi sert la majorité sénatoriale. Je voterai contre les amendements.
M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Notre collègue Capus a magnifiquement vendu la mèche : que penseront les électeurs ? (Mme Annick Girardin et M. Michel Canévet rient.) Lorsque vous rentrerez chez vous, en effet, vous devrez rendre des comptes à ceux qui pourraient être concernés par ce nouvel ISF, à des personnes qui possèdent plus de 1,8 million d'euros de patrimoine ! Monsieur Capus, vous êtes inquiet de rentrer chez vous pour annoncer cela à vos électeurs.
M. Emmanuel Capus. Tout à fait ! Nous représentons des gens ! Je suis inquiet pour les entreprises françaises et pour la société ! (M. Roger Karoutchi tape sur son pupitre.)
M. le président. Monsieur Capus, vous vous êtes déjà exprimé. Seul M. Alexandre Ouizille a la parole.
M. Alexandre Ouizille. Je partage la position de M. Dossus : à la suite de la suppression de l'ISF, aucun ruissellement n'a eu lieu. Au contraire, les revenus du patrimoine ont explosé, créant l'inégalité que nous avons, les uns et les autres, décrite.
Pour ma part, mes chers collègues, j'aimerais vous poser une question : personne n'a précisé quel serait le rendement de cet impôt par rapport à celui de l'IFI. Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, madame Lavarde, se faire une idée du rendement attendu de cet impôt serait pourtant utile pour nous permettre de prendre position.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Mes chers collègues, permettez-moi d'apporter trois précisions à notre débat.
Premièrement, afin d'ôter toute confusion, le dispositif proposé par les amendements de nos collègues Vermeillet et de Montgolfier est très différent de celui que l'Assemblée nationale a adopté. Il s'agit d'un tout autre dispositif.
Mme Christine Lavarde. Absolument !
M. Vincent Capo-Canellas. Deuxièmement, je tiens à souligner – pour une fois, il s'agira peut-être de mon seul point d'accord avec notre collègue Capus ce soir – que le dispositif proposé est celui que ma collègue Sylvie Vermeillet a déjà présenté à cinq reprises. Je la remercie d'ailleurs de son investissement, de sa constance et de sa méthode.
Après un long travail du groupe Union Centriste, nous proposons une telle évolution. Nous proposons un nouveau nom pour bien la différencier des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale. Le changement d'appellation peut vous troubler, mon cher collègue, mais les choses sont très claires.
Enfin, nous ne créons pas un nouvel impôt. Nous avons trouvé un point d'entente avec Albéric de Montgolfier et nos collègues du groupe Les Républicains il y a deux ans – nous en sommes très heureux – et le Sénat a déjà adopté une mesure similaire les deux dernières années. De manière constante, sans aucun changement, nous proposons non pas de créer un nouvel impôt, mais de retirer l'immobilier productif du calcul de l'IFI.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Je suis Angevin ; s'il est bien une caractéristique qui nous définit, en Anjou, c'est notre aptitude à toujours rechercher le consensus.
En tout état de cause, les arguments de notre collègue Emmanuel Capus ne me semblent pas correspondre aux propos que nous entendons dans nos territoires – nous aurons l'occasion d'en reparler. L'important est d'être capable de rechercher le consensus et de trouver les éléments qui nous rassemblent.
Les années précédentes, de la gauche jusqu'au centre, nous avons adopté des amendements déposés par Mme Vermeillet visant à créer un impôt similaire. La majorité proposant d'élargir l'assiette de l'IFI s'agrandit ; la mesure me semble tout à fait pertinente et utile.
M. Emmanuel Capus. L'assiette est déjà énorme !
M. Grégory Blanc. Pour notre part, comme nos collègues Blatrix Contat, Savoldelli, nous souhaiterions aller plus loin. Reconnaître, à tout le moins, que nous devons élargir l'assiette de l'IFI pour corriger les erreurs commises au moment de sa création me paraît être le strict minimum. Si nous ne sommes pas capables d'adopter une telle mesure, quel signal adresserions-nous à nos électeurs ?
De plus, nous avons besoin d'une telle proposition pour que la commission mixte paritaire puisse travailler. En effet, je ne désespère pas qu'un budget puisse en sortir.
M. Vincent Capo-Canellas. Excellent !
M. Grégory Blanc. Enfin, M. Canévet, il est bien question de stock – une société civile de placement immobilier (SCPI), une société foncière, une société civile immobilière (SCI), ce sont bien des stocks. Vous proposez d'élargir l'assiette de l'impôt, mais, on le voit bien, il est également nécessaire de taxer les avoirs qui reposent sur ces stocks.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, il nous est déjà arrivé et il nous arrivera encore d'examiner des amendements en discussion commune alors qu'ils n'ont pas d'objets de la même teneur : c'est le pluralisme !
Les amendements identiques nos I-159 rectifié ter et I-381 rectifié, par exemple, ne sont clairement pas de gauche. J'en conviens, l'intention est d'élargir l'assiette de l'impôt, mais en regardant attentivement les choses, on s'aperçoit que le seuil d'entrée dans l'imposition est relevé à un patrimoine de 2,57 millions d'euros. Le doublement du seuil conduira à un effondrement du nombre de redevables ; cela ne correspond absolument pas aux propositions de nos collègues des groupes de gauche.
Cela signifie que l'on sortirait l'immobilier locatif, par exemple, du champ de la fortune imposable. On l'a déjà dit, 11 % des ménages détiennent 46 % du parc immobilier, la moitié du parc se trouve donc entre les mains d'une petite minorité ; 0,6 % des ménages possèdent dix logements ou plus et 8 % du parc, soit quatorze fois plus que leur poids démographique ; enfin, 30 000 ménages possèdent vingt logements ou plus et 2,4 % du parc total.
Élargir l'assiette, pourquoi pas ? mais pas en doublant le seuil pour le porter à 2,57 millions. Ce n'est pas sérieux, ce n'est pas de la justice sociale, ce n'est pas du « redressement » !
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.
M. Thierry Cozic. Depuis le début de ce débat, je m'interroge : quel est l'enjeu de cette discussion ? C'est le consentement à l'impôt.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela fait longtemps qu'il n'y en a plus !
M. Thierry Cozic. L'impôt n'est accepté que quand il est perçu comme juste. Or la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en 2018 a représenté une rupture brutale avec le principe de justice fiscale. Selon l'OCDE, il faudrait désormais six générations pour qu'un enfant issu d'une famille pauvre atteigne le niveau du revenu moyen dans notre pays.
La suppression de l'ISF a représenté l'un des plus importants transferts de richesse fiscale en faveur des plus aisés. Depuis le remplacement de l'ISF par l'IFI, l'État a perdu – vous parliez d'effet de bord cet après-midi, madame la ministre, on peut appeler cela ainsi, oui… – près de 4 milliards d'euros par an :…
M. Thierry Cozic. … l'ISF rapportait 5,1 milliards d'euros en 2017 ; l'IFI plafonne à 1,5 milliard d'euros.
M. Thierry Cozic. Bref, une réduction massive des recettes fiscales, sans aucun résultat économique démontré.
En effet, l'argument de la supposée efficacité économique ne tient pas non plus. Aucune évaluation sérieuse n'a démontré que la suppression de l'ISF avait créé un choc d'investissement. Pour l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la seule disparition de l'ISF a entraîné un gain de près de 2 300 euros par an pour chacun des 5 % des ménages les plus aisés. Pour les 1 % les plus riches, le capital mobilier représente plus de 70 % du patrimoine. Ce sont eux qui ont bénéficié massivement de la suppression de l'ISF en 2018…
Cette abolition de l'ISF a privé l'État de recettes nécessaires au financement de nos services publics. Si cet impôt n'avait pas été supprimé, la contribution des plus aisés à la solidarité nationale serait restée à la hauteur de leurs capacités, dans l'esprit de la Déclaration de 1789. Nous en sommes réduits à rappeler des principes évidents depuis 1789 :…
M. le président. Veuillez conclure.
M. Thierry Cozic. … l'impôt doit être proportionnel aux facultés de chacun.
M. le président. Merci, cher collègue !
M. Thierry Cozic. C'est dire ce que huit ans de macronisme ont détruit…
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J'aurai pour ma part une question de béotien.
Dans l'assiette de l'impôt proposé par nos collègues Albéric de Montgolfier et Sylvie Vermeillet sont incluses les liquidités, non pas les placements à long terme, mais les comptes courants et les livrets A. Il ne s'agit donc pas du patrimoine issu de l'héritage, c'est le patrimoine issu du travail. On perçoit son revenu, on paie l'IR et on constitue une épargne, sous la forme par exemple d'une assurance vie, qui, semble-t-il, n'entre pas dans le champ de l'amendement. Mais on parle là des comptes courants !
J'aimerais donc comprendre pourquoi les comptes courants sont inclus dans cette assiette. Vous estimez que c'est improductif, c'est cela ? Je peux comprendre que l'on y intègre les placements financiers ou les plans d'épargne en actions (PEA), mais pourquoi les comptes courants, issus du revenu du travail ? Je suis perplexe…