M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. La transformation que vous évoquez, madame la rapporteure spéciale, est un recentrage : le FIPD est recentré sur ses priorités. Ne laissons pas penser, par ailleurs, que les moyens alloués à la prévention de la délinquance se résument à ce seul fonds. Tel n'est pas du tout le cas : un certain nombre de missions du budget général de l'État y concourent également.
Surtout, nous maintenons les priorités de cette politique publique, qui sont des priorités très fortes, comme le financement des intervenants sociaux dans les commissariats et les gendarmeries, préoccupation majeure des élus.
J'ai pleinement entendu les préoccupations du Sénat. Je le remercie notamment d'avoir ouvert, sur l'initiative du rapporteur général, 10 millions d'euros de crédits en faveur du FIPD en loi de finances de fin de gestion pour 2025. Je demanderai évidemment le report de ce surcroît budgétaire sur l'exercice 2026, ce qui, je le répète, permettra de répondre à une partie des préoccupations.
Quant à la structuration du secrétariat général en une délégation interministérielle, elle n'est toujours pas actée, je tiens à le dire : un nouveau ministre de l'intérieur ayant été nommé, la réflexion reste en cours.
Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1004 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-1006 rectifié ter, présenté par MM. Kerrouche, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, M. Kanner, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Administration territoriale de l'État dont titre 2 |
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3 800 000 3 800 000 |
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3 800 000 3 800 000 |
Vie politique dont titre 2 |
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Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur dont titre 2 |
3 800 000 3 800 000 |
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3 800 000 3 800 000 |
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TOTAL |
3 800 000 |
3 800 000 |
3 800 000 |
3 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à créer cinquante postes d'inspecteurs du permis de conduire, car, de toute évidence, les dix postes prévus dans ce projet de budget seront très insuffisants. Sachez que le délai entre deux examens est passé de soixante-cinq jours en 2023 à quatre-vingts jours désormais.
C'est que nous manquons d'examinateurs, par conjonction de deux phénomènes : d'une part, une vague de départs à la retraite ; d'autre part, l'abaissement de 18 à 17 ans de l'âge minimal requis pour l'obtention du permis de conduire, qui a mécaniquement entraîné un appel d'air.
Nous vous proposons donc, pour faire face à cette situation, de recruter cinquante inspecteurs, pour un coût total de 3,6 millions d'euros, somme tout à fait raisonnable.
M. le président. L'amendement n° II-1005 rectifié ter, présenté par MM. Kerrouche, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, M. Kanner, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Administration territoriale de l'État dont titre 2 |
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950 000 950 000 |
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950 000 950 000 |
Vie politique dont titre 2 |
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Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur dont titre 2 |
950 000 950 000 |
|
950 000 950 000 |
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TOTAL |
950 000 |
950 000 |
950 000 |
950 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Par cet amendement de repli, nous proposons de créer vingt postes d'inspecteurs du permis de conduire, au lieu des dix actuellement inscrits dans le projet de budget.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. Nous avons tous conscience de la nécessité d'accroître le nombre d'inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière. Le Gouvernement partage d'ailleurs ce constat : il propose d'augmenter leurs effectifs de dix postes cette année.
Néanmoins, comme notre collègue l'a très justement indiqué, les délais s'allongent et deviennent intenables dans certains départements : il faut parfois attendre plus de six mois entre le premier et le deuxième passage de l'examen.
Si j'émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l'amendement n° II-1006 rectifié ter, nous considérons néanmoins qu'un effort est nécessaire : la situation est vraiment critique et nos jeunes sont les premiers concernés. L'avis de la commission est donc favorable sur l'amendement de repli n° II-1005 rectifié ter, qui tend à créer dix postes d'inspecteurs supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Le Gouvernement déploie depuis cet été un plan ministériel relatif au permis de conduire, mis en place par François-Noël Buffet, dont je tiens à saluer le travail. Dans ce cadre, nous avons pris des mesures immédiates pour résorber la tension actuelle, en créant notamment 80 000 places d'examen supplémentaires entre le lancement du plan et la fin de l'année 2025.
Ce plan prévoit également le recrutement et la formation de 108 inspecteurs en 2025, via un concours exceptionnel, ainsi que la création de dix postes en 2026.
Par ailleurs, les préfets mènent des actions au plus près des territoires et des professionnels pour raccourcir les délais de passage de l'examen.
Je rappelle également que nous avons aligné la durée de l'épreuve pratique du permis moto sur celle du permis auto, en la réduisant de quarante à trente-deux minutes à compter du 1er novembre dernier.
Enfin, nous réfléchissons à une réforme de fond pour améliorer le taux de réussite, et une mission d'étude a été lancée à ce sujet. Tout cela se fait dans la plus grande concertation avec les professionnels du secteur.
J'émets donc un avis défavorable sur les deux amendements en discussion : le premier, qui tend à créer cinquante postes supplémentaires, mais aussi l'amendement de repli, qui vise à en créer dix.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1006 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-806 rectifié bis, présenté par Mme Briante Guillemont, M. Masset, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Cabanel, Fialaire et Grosvalet, Mme Jouve, MM. Laouedj, Roux, Bilhac et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Daubet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Administration territoriale de l'État dont titre 2 |
2 000 000 |
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2 000 000 |
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Vie politique dont titre 2 |
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Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur dont titre 2 |
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2 000 000 |
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2 000 000 |
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Il s'agit des rendez-vous en préfecture, qui font l'objet de ventes et de reventes illégales.
Cet amendement vise simplement à mieux financer la lutte contre ces pratiques et à renforcer la cybersécurisation de la prise de rendez-vous.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. J'ai bien conscience des difficultés que soulève notre collègue. Cependant, une nouvelle plateforme de réservation, RDV Préfecture, est déployée depuis 2023. Elle a précisément été conçue pour empêcher les prises abusives de rendez-vous multiples, via l'intégration de plusieurs protections techniques et de contrôles automatisés.
Il me semble qu'il faut prendre le temps d'évaluer l'efficacité de cette nouvelle plateforme avant de complexifier le dispositif : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Je partage l'avis et les arguments de la commission des finances. Des outils techniques ont été déployés pour éviter la saturation de la plateforme de prise de rendez-vous en préfecture.
Je vous livre un chiffre qui atteste l'amélioration des résultats : nous constatons une baisse de moitié du taux de rendez-vous non honorés – entre septembre 2024 et septembre 2025, ce taux est passé de 18 % à 9 %.
Nous continuons d'améliorer le système pour éviter toute saturation liée à des manœuvres frauduleuses ; nous restons très vigilants sur ce sujet.
Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-806 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », figurant à l'état B.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen de la mission « Administration générale et territoriale de l'État.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente-cinq,
est reprise à quinze heures cinq.)
M. le président. Sur proposition du président de la commission des finances, nous pourrions, en application de l'article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, procéder à l'examen séparé de certains amendements portant sur les crédits des missions « Écologie, développement et mobilité durables », « Sécurités », « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement » et « Recherche et enseignement supérieur ».
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Solidarité, insertion et égalité des chances
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et article 79).
La parole est à M. le rapporteur spécial. (M. le rapporteur pour avis applaudit.)
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2026 s'élèvent à 29,5 milliards d'euros, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.
Comme chaque année, plus des trois quarts de cette enveloppe sont destinés au financement de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Ces montants connaissent une diminution sensible, de 2,9 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. C'est la première fois depuis 2017 que les crédits de cette mission subissent un recul.
Cette contraction des dépenses s'explique par une forte baisse, de 8,8 %, des crédits alloués à la prime d'activité, résultant principalement de mesures paramétriques prises en 2025 et à venir en 2026. Ce repli d'environ 1 milliard d'euros par rapport au montant budgété l'année précédente compense largement le dynamisme de l'AAH, lequel reste plus maîtrisé que lors des exercices précédents, avec une augmentation de 1,7 %.
Le principe de l'année blanche, prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, induit une stabilisation des dépenses au titre de ces prestations par une neutralisation de l'effet prix.
Ainsi, alors que la mission avait été fortement sollicitée ces dernières années pour répondre aux urgences sociales, le PLF pour 2026 marque une rupture avec cette tendance. Les crédits inscrits s'établissent sensiblement en deçà du plafond de 32,8 milliards d'euros prévu pour l'année 2026 par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Le nombre d'amendements déposés cette année – 117 à la date limite et 98 au décompte final – est presque deux fois plus élevé que l'année dernière. Comme tous les ans, la majorité d'entre eux vise à augmenter les dépenses de la mission pour soutenir telle ou telle cause juste et digne de recevoir notre attention. Chacun de ces amendements mériterait d'être retenu.
Toutefois, compte tenu de la contrainte pesant sur nos finances publiques, la commission n'a émis aucun avis favorable sur les amendements tendant à augmenter les dépenses de la mission. Cette décision est d'autant plus justifiée que l'absence récente de programme support au sein de la mission implique à présent que tout transfert de crédits aurait nécessairement pour effet d'altérer les conditions de financement d'une autre politique publique, sauf à attendre une levée de gage qui détériorerait le solde budgétaire.
Cette règle ne souffre qu'une exception : la commission a émis un avis favorable aux amendements de suppression de l'article 79 du PLF pour 2026, rattaché à la mission. Celui-ci met fin à une modalité avantageuse de calcul de la prime d'activité pour les travailleurs handicapés. Cette mesure entraînerait la perte de la prime pour 87 % des travailleurs handicapés, et même pour 95 % des travailleurs en établissements et services d'accompagnement par le travail (Ésat), soit une perte moyenne de 170 euros par mois pour les personnes concernées.
Cette mesure n'a pas paru acceptable à la commission des finances.
Le rendement attendu – 90 millions d'euros en 2026 et, certes, 225 millions d'euros en année pleine – ne justifie pas d'appauvrir ainsi les travailleurs les plus vulnérables. De plus, ce dispositif s'inscrit à rebours de l'objectif d'émancipation par le travail pour les personnes handicapées. Nous vous en proposons donc la suppression.
Pour autant, nous ne souhaitons pas renoncer à une économie sur la prime d'activité ; c'est pourquoi nous ne proposons pas de rehausser le plafond des crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ». Il reviendra au Gouvernement de prendre, par la voie réglementaire, une mesure paramétrique afin d'atteindre l'objectif d'économie initialement prévu.
Mes chers collègues, la commission des finances vous invite, en responsabilité, à adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », malgré la morosité du climat social. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Pierre Barros, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, à la suite d'Arnaud Bazin, je souhaite développer quelques points de vigilance qui ont retenu notre attention durant ces travaux.
Le contexte d'année blanche dans lequel s'inscrit le présent budget implique une stabilité apparente des crédits de nombreux programmes financés par la mission, synonyme d'une légère diminution dans la réalité.
C'est le cas, par exemple, des crédits consacrés à l'aide alimentaire, lesquels n'augmentent que de 10 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026 par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.
Si ces nouveaux moyens confortent l'aide alimentaire déconcentrée, d'autres programmes subissent un gel à leur niveau de 2025. Je citerai notamment le crédit national des épiceries solidaires (Cnes) et le programme « Mieux manger pour tous ». Alors que les prix se sont stabilisés, sans toutefois amorcer de décrue, la situation des associations d'aide alimentaire demeure très précaire.
De même, la budgétisation du pacte des solidarités, qui succède depuis 2024 à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté lancée en 2018, marque le pas. Le volet contractualisé avec les collectivités territoriales est maintenu à son niveau de 2025, tandis que le volet national a été recentré en cours d'année afin d'éviter d'excéder les objectifs de dépenses votés.
Par ailleurs, les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes n'augmentent que de 1,7 % par rapport à 2025, alors que la hausse s'élevait à 10 % l'année précédente.
Comme l'an passé, cette augmentation est entièrement absorbée par la mise en œuvre de l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Ce dispositif, versé en une fois dans un délai de trois à cinq jours aux femmes quittant leur foyer pour fuir un conjoint violent, voit ses crédits portés à 26,4 millions d'euros pour 2026, contre 20,4 millions en 2025 et 13 millions en 2024, soit une augmentation de près de 30 %.
Les autres dispositifs de la mission demeurent globalement financés à leur niveau de 2025. Si nous déplorons la faible augmentation des crédits consacrés au soutien et à la prise en charge des victimes de violences conjugales, nous notons que le Gouvernement a choisi de préserver au maximum ces dispositifs des coupes budgétaires.
À titre personnel, mes chers collègues, je souligne que ce quasi-statu quo me semble toutefois foncièrement insuffisant. C'est pourquoi, en cohérence avec la position du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, je vous invite à ne pas adopter les crédits de cette mission, dans ce contexte de régression sociale généralisée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. – MM. Guy Benarroche et Christian Bilhac applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » enregistrent une baisse inédite de près de 2,75 % par rapport à leur niveau de 2025.
Cette évolution résulte principalement de la logique d'année blanche qui a présidé à la construction de ce budget, en particulier de la mesure de gel des pensions et des prestations sociales inscrite dans le PLFSS. À elle seule, sa traduction budgétaire emporte plus de la moitié des économies proposées pour 2026 sur cette mission.
Pour autant, avec plus de 5,8 % des crédits du budget général de l'État, celle-ci représente toujours un effort important, mais nécessaire, au service des plus vulnérables.
Sans suspense, je vous proposerai d'adopter les crédits de cette mission.
Je souhaite néanmoins relayer une insatisfaction unanime de la commission des affaires sociales, ainsi qu'une inquiétude majeure.
Tout d'abord, s'agissant des mesures en faveur des personnes en situation de handicap, le Sénat a choisi, lors de l'examen du PLFSS, de sanctuariser la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés, compte tenu de son objet et de la vulnérabilité du public concerné. Pour la même raison, nous vous proposons de supprimer l'article 79 relatif au bénéfice de la prime d'activité pour ces mêmes allocataires.
J'en viens à présent au sujet d'inquiétude : la protection juridique des majeurs. Le Gouvernement prévoit d'augmenter de 15 millions d'euros les crédits destinés aux mandataires, alors que le financement de la prime issue du Ségur est budgétisé à hauteur de 35 millions d'euros.
Vos services, madame la ministre, m'ont indiqué que les 20 millions d'euros manquants correspondaient à des gains d'efficience attendus dans le cadre d'une prochaine mission de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF), qui sera lancée en 2026. Permettez-moi de douter de la réalité d'économies promises dès 2026 par une mission qui n'est pas encore achevée ! Je précise que celles-ci ne sauraient être réalisées par un accroissement indéfini du nombre de mesures confiées à chaque mandataire.
Enfin, en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, nous nous félicitons de la montée en charge de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Nous rejoignons cependant les inquiétudes des associations du secteur quant au financement de ce dispositif par des coupes opérées sur les actions de sensibilisation.
Sous réserve de ces observations et de l'adoption de nos deux amendements, la commission a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Organisation des travaux
M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs des groupes et pour la bonne information de tous, je vous indique que 98 amendements restent à examiner sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à trois heures trente. Compte tenu de l'organisation de la journée, nous pourrions prévoir une heure de discussion supplémentaire pour terminer cet examen aux alentours de dix-neuf heures trente, afin de passer à l'examen de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » à la reprise du soir.
Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission serait reportée à demain, dimanche 7 décembre.
En outre, la conférence des présidents, réunie le mercredi 3 décembre, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir leur examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute. (Mme Pascale Gruny approuve.)
S'agissant de la présente mission, le nombre d'amendements à examiner rapporté à la durée dont nous disposons nous conduit à devoir observer un rythme de vingt-neuf amendements par heure, ce qui est élevé.
Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer aujourd'hui l'examen de cette mission, et en application de la décision de la conférence des présidents, les durées d'intervention sur les amendements seront fixées à une minute.
Solidarité, insertion et égalité des chances (suite)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2026 s'inscrit en miroir de celui du budget de la sécurité sociale, intervenu voilà quelques jours. En effet, ces crédits diminuent de 400 millions d'euros en raison du gel des prestations sociales décidé à l'article 44 du PLFSS.
Alors que la pauvreté atteint son plus haut niveau depuis trente ans, le Gouvernement fait le choix de geler le revenu des personnes en situation de handicap et de faire payer la crise aux plus fragiles.
En France, en mars 2025, 1,35 million de personnes étaient allocataires de l'AAH. Parmi celles-ci, 33 % vivaient sous le seuil de pauvreté, selon les données du ministère des solidarités et de la santé.
Le Gouvernement prévoit également de réduire de 45 % le budget de la prime de Noël, qui passerait de 466,5 millions d'euros en 2025 à 261,5 millions d'euros en 2026. La suppression de cette prime exceptionnelle de fin d'année pour les foyers sans enfant à charge entraînera une perte directe de 152 euros pour les plus précaires, voire de 228 euros pour un couple allocataire du revenu de solidarité active (RSA).
Les jeunes majeurs de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ne seront pas mieux protégés en 2026 face aux réseaux de prostitution ni mieux accompagnés pour trouver un emploi, puisque la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants n'est toujours pas appliquée dans de nombreux départements. La principale raison invoquée pour expliquer ces défaillances est le manque de financement : depuis trois ans, l'État n'a octroyé aux départements que 50 millions d'euros supplémentaires pour mettre en œuvre l'obligation d'accompagnement des jeunes de l'ASE jusqu'à leur vingt et unième anniversaire.
En outre, ce budget constitue une nouvelle occasion manquée de donner de véritables moyens à la lutte contre les violences faites aux femmes. La Fondation des femmes estime que, pour combattre efficacement ce fléau, l'État devrait investir entre 2,6 milliards et 5,4 milliards d'euros par an. Or nous sommes encore loin, cette année, d'atteindre de tels montants.
Par ailleurs, selon le rapport d'information sénatorial sur le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes, déposé en juillet 2025, la valorisation de certaines dépenses comme concourant à la politique de l'égalité repose sur des conventions discutables, comme c'est le cas pour la rémunération des professeurs chargés de l'enseignement moral et civique.
En réalité, le budget moyen par femme victime de violences conjugales chute, alors même que les demandes d'aide augmentent. Un fossé abyssal et persistant se creuse ainsi entre les moyens alloués et les besoins. L'action de l'État restant insuffisante, les collectivités sont obligées de prendre des initiatives ; heureusement qu'elles le font !
À titre d'exemple, nous avons inauguré à Nancy, le 3 novembre dernier, une Maison des femmes, accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Fruit d'un partenariat entre la ville et le département de Meurthe-et-Moselle, cette structure a été labellisée « Lieu audacieux » par la Fondation des femmes.
Espace d'accueil et d'accompagnement pour les victimes et leurs enfants, elle incarne pour nous la solidarité et l'engagement partagé contre ce fléau. Les collectivités devraient être en mesure de mettre en œuvre de manière beaucoup plus générale de tels dispositifs, avec un soutien renforcé de l'État qui ne saurait se limiter aux seuls investissements.
Jugeant les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » notoirement insuffisants pour répondre aux injustices et aux inégalités sociales, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous nous prononçons sur une mission essentielle à notre pacte social, dont les crédits diminuent par rapport à l'année dernière. Il s'agit d'une première, qui marque un coup d'arrêt à la dynamique du pacte des solidarités 2024-2027, dont la continuité s'avère pourtant primordiale pour la lutte contre la pauvreté et les inégalités.
L'effet de ciseaux entre des besoins croissants – le taux de pauvreté atteint un niveau inédit depuis trente ans – et des moyens en baisse, du côté tant de l'État que des collectivités territoriales, sans oublier l'affaiblissement des associations qui pallient l'insuffisance de l'action publique, aggravera inévitablement la fragilité et la vulnérabilité de nos concitoyens.
Dans la droite ligne du budget de la sécurité sociale, qui gelait le niveau des prestations et programmait ainsi la baisse du pouvoir d'achat de ceux dont le budget se compte à l'euro près, le projet de loi de finances propose le gel de la prime d'activité, ainsi que celui du RSA recentralisé. Ces mesures pénaliseront directement les personnes et les territoires les plus défavorisés.
Le Gouvernement recentre la prime d'activité, car le travail protège de moins en moins de la pauvreté. Sous votre gouvernement, le recul du chômage n'est plus corrélé à la baisse de la pauvreté et le nombre de travailleurs pauvres ne cesse de croître, d'où la nécessité, à vos yeux, de prendre une telle mesure.
De nouvelles personnes basculeront dans la pauvreté ; la part des charges contraintes continuant d'augmenter pour ces populations, nous assisterons à une plus grande intensité de la pauvreté, qui se lit déjà dans l'indicateur de privation matérielle et sociale. Une personne sur huit est d'ores et déjà en situation de privation, et c'est sur ces populations que pèse l'effort de rétablissement de nos comptes publics !
L'Insee vient de publier les chiffres de 2023 sur la pauvreté : plus de 15 % des personnes vivant dans un logement ordinaire sont concernées ; le chiffre est bien supérieur pour ceux qui ne vivent pas dans un logement ordinaire, d'autant que sont exclues du décompte les personnes vivant en communauté, comme en Ehpad, ou en outre-mer. L'intensité de la pauvreté, quant à elle, approche les 20 %.
Dans cette attaque à trois cent soixante degrés contre les prestations redistributives, qui, avec les services publics, eux aussi affaiblis, permettent pourtant de lutter contre la pauvreté et sa reproduction sociale, relevons la prise en compte intégrale de l'AAH dans les revenus considérés dans le calcul de la prime d'activité, ce qui met fin à l'incitation publique à l'emploi.
Dans la même logique de traque aux aides sociales, ajoutons la suppression de l'attribution de l'AAH aux détenus handicapés ou encore la réduction des crédits de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés en Ésat.
S'agissant des violences faites aux femmes, ce PLF diminue tout de même de 50 % les moyens alloués à l'information institutionnelle et à la sensibilisation des publics sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
De nombreuses actions ne suivent pas l'évolution des besoins, comme l'aide alimentaire. Selon le dernier baromètre Ipsos-Secours populaire, près d'un tiers des personnes interrogées a eu du mal à se procurer une alimentation saine lui permettant de faire trois repas par jour.
Le cynisme est à son comble lorsque l'on réserve la prime de Noël aux foyers avec enfants, comme si l'enjeu n'était pas d'éviter que quiconque soit exclu des fêtes de fin d'année et de lutter contre l'isolement social, dénoncé partout. Ce non-versement, couplé au gel des allocations, témoigne d'une société qui fait la guerre aux pauvres et non à la pauvreté.
Enfin, nous regrettons l'absence d'abondement du programme Respirations. L'accès aux droits culturels reste, comme souvent, une variable d'ajustement, alors qu'il s'agit d'un droit à part entière.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)