M. le président. Il faut conclure, chère collègue !

Mme Isabelle Florennes. Le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas rappelé à plusieurs reprises que remettre en cause le maintien de l'ordre public, c'est remettre en cause l'une des conditions nécessaires à l'exercice des libertés publiques ?

Le groupe Union Centriste votera bien sûr ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupe UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nombre de rapporteurs spéciaux et pour avis montre l'importance de cette mission « Sécurités », au pluriel.

Dix ans après les attentats du Bataclan, alors que notre pays s'est récemment recueilli en hommage aux victimes, chacun mesure à quel point la menace djihadiste reste présente, diffuse, mais réelle. Le terrorisme islamique n'a pas disparu ; il se transforme et renaît parfois là où on ne l'attend pas.

Dans ce contexte, les forces de sécurité intérieure sont notre première ligne de protection. Elles le sont face au terrorisme, mais aussi face à une autre menace qui s'étend silencieusement et ravage nos territoires : le narcotrafic. L'assassinat récent du frère d'Amine Kessaci nous l'a rappelé avec une brutalité glaçante. Ce fléau touche désormais non seulement des villes moyennes, mais aussi la ruralité.

C'est en ayant à l'esprit ces multiples défis que nous examinons les crédits de la mission « Sécurités » pour 2026. Notre groupe Les Indépendants salue l'engagement de ces femmes et de ces hommes qui risquent leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Comme l'ont rappelé les précédents orateurs, nos policiers, nos gendarmes – qui ont un statut de militaire – et nos sapeurs-pompiers méritent infiniment de respect et de reconnaissance.

En ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens, j'associe bien sûr les hommages nationaux rendus chaque année en respect pour les gendarmes, pour la police nationale et aussi pour les sapeurs-pompiers.

Je me félicite que le budget global de la mission progresse : il atteint près de 25 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui correspond à une hausse de 2,6 %. Le groupe Les Indépendants salue cet effort, qui confirme la priorité qui est donnée au régalien.

Les finances publiques sont dégradées. Nous devons collectivement en tenir compte, mais nous savons aussi qu'il existe des missions dont la République ne peut s'exonérer. La protection des Français en fait partie.

Pour autant, si ce budget est préservé, sa répartition laisse apparaître des fragilités.

Tout d'abord, les dépenses de personnel dépassent encore 80 % du budget tant de la police que de la gendarmerie. Il s'agit d'un effort considérable. Il est indispensable de donner aux forces des moyens humains, mais cet effort est consenti au prix d'une diminution des crédits disponibles pour l'investissement.

Nos forces de l'ordre ont certes besoin d'effectifs, mais elles ont aussi besoin de véhicules, de bâtiments et de matériel moderne. Or, dans certains domaines, les retards s'accumulent dangereusement.

Je pense en particulier à la situation préoccupante de la gendarmerie. La flotte d'hélicoptères vieillit : vingt-six appareils ont près de 40 ans. Certains ont déjà dû être retirés du service, et les près de 355 millions d'euros indispensables pour les remplacer ne sont pas financés dans ce budget.

Mes chers collègues, comment imaginer que nos gendarmes, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte, puissent remplir leur mission face au trafic de stupéfiants, aux violences et aux crises locales sans moyens aériens fiables ?

Nous sommes également préoccupés par le renouvellement des véhicules terrestres. Pour la police nationale, l'achat prévu de 2 900 véhicules en 2026 compensera à peine deux années d'acquisitions insuffisantes.

Concernant la gendarmerie, les enveloppes consacrées aux véhicules ont été revues à la baisse, ce qui ne permettra d'acheter que quelques centaines de véhicules, ce qui est très loin du seuil annuel nécessaire à la simple stabilisation du parc. Cette situation met en péril la capacité opérationnelle des unités sur le terrain.

S'agissant des effectifs, le respect de la trajectoire de la Lopmi constitue un point positif. Néanmoins, l'année blanche de 2025 a créé un retard qui ne sera pas comblé à ce rythme, en particulier pour la gendarmerie. J'en profite pour rendre hommage aux gendarmes des Ardennes, ainsi qu'à l'ensemble des réservistes, des cadets de la gendarmerie et des jeunes sapeurs-pompiers.

La filière investigation souffre d'un manque d'effectifs. Les 700 postes supplémentaires annoncés ne permettront qu'un rattrapage partiel, alors même que les stocks de procédures augmentent et que la criminalité organisée se structure plus vite que notre réponse judiciaire. Sans un investissement durable dans la police judiciaire, nous courons le risque de constater les infractions sans être en mesure d'en appréhender les auteurs.

Notre groupe le redit ici, les nécessaires baisses des dépenses publiques doivent intervenir partout ailleurs que dans le régalien, car il s'agit du cœur de l'action de l'État, sous l'autorité de M. le ministre et des représentants de l'État en métropole et en outre-mer.

À présent, l'objectif de créations de poste à l'horizon 2027 prévu par la Lopmi apparaît compromis. Nos concitoyens voient leurs centres-villes changer. Depuis 2010, les atteintes aux personnes ont augmenté de plus de 45 % et les réseaux de stupéfiants se professionnalisent. Ils demandent légitimement la présence de policiers et de gendarmes.

Les violences du quotidien, les violences intrafamiliales, les tensions qui peuvent dégénérer, comme en Nouvelle-Calédonie l'an passé, montrent que la préservation de l'ordre public nécessite un travail constant.

Notre groupe considère qu'il n'y a pas de liberté sans sécurité et votera les crédits de cette mission indispensable à notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à apporter tout mon soutien aux forces de l'ordre et à condamner les slogans anti-police qui ont été scandés à Lyon. La police est là pour nous protéger, et non pas pour tuer !

M. Olivier Paccaud. Très bien !

Mme Nadine Bellurot. Nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Sécurités » et je veux saluer le travail de nos rapporteurs.

Malgré le contexte budgétaire considérablement dégradé, il demeurait crucial de préserver nos forces de sécurité intérieure des restrictions.

Le budget de la mission respecte pour l'essentiel la trajectoire de la Lopmi, même si nous pouvons tous regretter que l'augmentation soit moindre que par le passé.

De même, nous sommes en droit de nous interroger sur les différences de dynamique observées chaque année entre les crédits de la police et ceux de la gendarmerie.

La préservation de nos forces de l'ordre est une absolue nécessité dans le contexte actuel. Je rappelle tout de même que sur 100 euros de dépenses publiques, seuls 2,20 euros sont consacrés aux forces de l'ordre. Pourtant, les Français attendent des réponses fermes pour enrayer le narcotrafic, les incivilités du quotidien et l'augmentation de la violence en général, qui est le fait d'individus de plus en plus jeunes et de plus en plus violents.

Les atteintes aux personnes ont progressé de plus de 45 % depuis 2010, tandis que le total des crimes et délits enregistrés a augmenté de 5,2 %. La criminalité organisée se professionnalise et ses réseaux se complexifient. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Le terrorisme est toujours une menace.

Les propositions de loi récemment adoptées sur le narcotrafic et sur la lutte contre le blanchiment d'argent dotent les forces de sécurité d'outils juridiques nécessaires, mais il nous faut dégager des moyens importants pour garantir leur pleine efficacité.

L'exécution 2025 a été particulièrement tendue. Par exemple, la gendarmerie nationale s'est vu forcer d'interrompre le recours aux réservistes faute de financements disponibles. À cet égard, je soutiens l'amendement de Jean-François Husson, que j'ai cosigné, visant à apporter sans délai une réponse opérationnelle au déploiement de 239 brigades sur l'ensemble du territoire, dont deux dans l'Indre.

Nous devrons toutefois veiller à ce que les engagements qui ont été pris en matière d'investissement soient tenus.

La gendarmerie bénéficiera de 400 créations de poste, mais un rattrapage massif devra intervenir pour tenir l'objectif final fixé dans la Lopmi, à savoir 3 450 postes créés d'ici à 2027.

La police nationale pourra compter sur 1 000 ETP supplémentaires. Là aussi, nous avions pris du retard en 2025, compromettant ainsi la réalisation de nos objectifs en matière de lutte contre l'immigration irrégulière et contre la criminalité organisée. Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur ces sujets prioritaires et je souhaite saluer le rattrapage significatif qui est effectué en 2026.

Ces renforts seront les bienvenus, puisque la filière investigation est notoirement en souffrance, comme nous l'avons rappelé, mon ancien collègue Jérôme Durain et moi-même, dans les rapports que nous avons produits sur la police judiciaire dans le cadre de la réforme de la police nationale. Un chiffre suffit pour l'illustrer : 3,5 millions de procédures sont en cours.

La filière investigation peine à attirer les profils, du fait notamment de conditions de travail défavorables, qui lui sont propres. Pour être sûres de ne pas l'intégrer, de jeunes recrues vont jusqu'à rendre des copies blanches à l'examen, car cela impliquerait d'assumer plus d'heures et plus de responsabilités, et de se confronter à une procédure pénale de plus en plus complexe, sans obtenir une reconnaissance suffisante, qui se traduise sur les fiches de paie.

La filière investigation appelle donc à une revalorisation, et à la réouverture d'un concours spécifique à la filière police judiciaire. Nous le savons, il nous faut des enquêteurs de plus en plus spécialisés, notamment en matière économique et financière. Peut-être pourrions-nous créer une direction générale de la police judiciaire, sur le même modèle que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan investigation pour relancer la filière, à la suite de la remise à Bruno Retailleau du rapport de la direction générale de la police nationale (DGPN). Les besoins pour l'investigation sont chiffrés à 1 000 ETP supplémentaires, pour un coût estimé à 139 millions d'euros. Pouvez-vous nous en dire un peu plus aujourd'hui ?

Je conclurai mon intervention en saluant l'engagement sans faille de nos pompiers professionnels, mais aussi de nos pompiers volontaires – avec un clin d'œil pour ceux de l'Indre.

Je veux rappeler les besoins financiers croissants des Sdis face à la multiplication des risques. Dans mon département, plus de 13 000 interventions ont été recensées en 2025. Et ce chiffre est destiné à croître, le risque de crise étant désormais permanent.

Ce financement est soutenu en très grande partie par les conseils départementaux, mais aussi par les communes. À cet égard, je me félicite que nous ayons adopté il y a quelques jours un amendement tendant à augmenter la taxe spéciale sur les conventions d'assurances au profit des Sdis. Je suis d'autant plus heureuse qu'il ait été adopté que je l'avais moi-même défendu l'année dernière dans cet hémicycle.

Enfin, je veux alerter une nouvelle fois sur la mise en conformité de la France avec la directive européenne sur le temps de travail, qui menace l'activité des sapeurs-pompiers volontaires. Notre modèle de sécurité civile s'appuyant à plus de 80 % sur le volontariat., il convient de le protéger et de le promouvoir, ce qui implique de continuer de s'opposer à cette directive.

Par ailleurs, je répète qu'il revient à l'État de reprendre à sa charge les carences ambulancières. En effet, le coût de cette politique de santé publique est actuellement assumé par les collectivités.

Ces différents appels ayant été lancés, le groupe Les Républicains votera évidemment les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2026 consacre près de 26 milliards d'euros à la mission « Sécurités », soit une progression maîtrisée de 2,7 % par rapport à l'an dernier.

Cette évolution s'inscrit dans un contexte budgétaire contraint. Pourtant, la Nation fait ici le choix clair de maintenir la sécurité des Français au rang de ses priorités absolues. Nous abordons en effet la quatrième année de mise en œuvre de la Lopmi, qui a engagé un effort inédit de transformation de nos forces de sécurité intérieure.

Après une période où les investissements ont été particulièrement soutenus, nous entrons désormais dans une phase de consolidation. Il ne s'agit plus tant d'ouvrir de nouveaux chantiers que de faire en sorte que les réformes engagées produisent pleinement leurs effets.

Pour 2026, près de 8 milliards d'euros seront consacrés à la masse salariale. La police nationale bénéficiera de la création de 1 000 emplois supplémentaires, prioritairement destinés à l'investigation, à la lutte contre l'immigration clandestine et au contrôle aux frontières.

Ces renforts répondront à des besoins opérationnels bien identifiés, et ils s'accompagneront de la montée en puissance de la réserve opérationnelle, qui constitue un outil précieux pour renforcer la présence sur la voie publique et améliorer la réactivité des forces de l'ordre.

Je me réjouis également que la lutte contre les trafics et la criminalité organisée soit érigée comme une priorité. Cette orientation va dans le sens des avancées techniques et juridiques que nous avons votées dans le cadre de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic de nos ex-collègue Jérôme Durain et collègue Étienne Blanc.

Nos services spécialisés, déjà pleinement mobilisés, doivent pouvoir s'appuyer sur ces outils pour frapper au cœur les réseaux qui minent nos territoires et entraver durablement leurs capacités d'action.

Toutefois, mes chers collègues, l'examen des crédits de cette mission révèle aussi quelques fragilités, en particulier en ce qui concerne la gendarmerie nationale.

Si le schéma d'emploi est certes positif, il peine à compenser les carences matérielles qui sont encore trop souvent constatées sur le terrain. Le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Hubert Bonneau, l'a rappelé : ces quatre dernières années, seuls 5 000 véhicules ont pu être acquis, alors que 15 000 auraient été nécessaires.

En outre, la dynamique de création de brigades, pourtant essentielle pour nombre de territoires ruraux ou ultramarins, a été mise en pause en 2025.

À cela s'ajoute un problème structurel majeur : l'immobilier. Sur près de 3 700 brigades, seules 649 appartiennent au parc domanial. Concrètement, cela signifie que 77 % des crédits immobiliers du budget 2026 seront absorbés par le paiement des loyers, dans un contexte de crise du logement qui fait mécaniquement grimper ces dépenses. Cette inflation empêche parfois la création ou l'installation de nouvelles brigades.

Dans ce contexte, je veux néanmoins saluer l'effort significatif consenti pour soutenir plusieurs opérations structurantes.

La reconstruction ou la réhabilitation des casernes en Guadeloupe, en Martinique, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion constitue une avancée notable pour améliorer les conditions de vie et de travail de nos gendarmes dans les territoires d'outre-mer.

À cet égard, je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères Jérôme Darras d'avoir consacré le volet thématique de son rapport aux outre-mer. Il est important d'en parler ici devant la représentation nationale.

À moyens constants, les actions de sécurité routière pourront se poursuivre dans l'objectif de réduire durablement le nombre de tués et de blessés sur nos routes.

À ce sujet, mes chères collègues, j'appelle votre attention sur la situation inquiétante dans les territoires d'outre-mer, où les chiffres restent préoccupants : les accidents de la route ont causé 160 décès en 2024, contre 135 en 2023, soit une augmentation de 18,5 %.

Cette hausse, lourde de conséquences humaines, doit être considérée avec le plus grand sérieux. Usagers comme pouvoirs publics doivent se mobiliser pleinement pour inverser cette tendance et enrayer une mortalité qui détruit des familles et des territoires déjà durement éprouvés.

Enfin, je souhaite souligner l'augmentation de 6,3 % des crédits destinés à la sécurité civile.

Notre modèle est aujourd'hui confronté à l'accélération des aléas climatiques. Je pense avant tout au cyclone Chido, qui a ravagé Mayotte en 2024 et laissé derrière lui un territoire meurtri, mais aussi au mégafeu dans l'Aude, ou encore à la tempête Benjamin, qui a récemment causé un mort et plusieurs blessés.

Face à cette intensification des épisodes climatiques extrêmes, les moyens doivent suivre. Le budget 2026 renforcera la flotte aérienne, en permettant d'acquérir deux nouveaux canadairs et huit hélicoptères H145. Il prévoit également une montée en puissance du 4e régiment d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (Riisc) de Libourne, qui comptera 163 militaires à la fin de 2025 et 30 de plus en 2026.

Il s'agit d'un investissement indispensable pour protéger nos compatriotes et soutenir les forces de sécurité civile qui, chaque jour, interviennent au péril de leur vie.

Les crédits de la mission « Sécurités » pour 2026 traduisent la volonté de consolider les réformes engagées, d'accompagner nos forces au plus près de leurs besoins, et de continuer de faire de la protection des Français une exigence cardinale de l'action publique.

Notre groupe, convaincu de l'importance de cet effort maîtrisé, mais ambitieux, votera ces crédits. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la mission « Sécurités », dont chacun mesure évidemment l'importance, tant le besoin est fort, dans l'Hexagone comme dans les outre-mer, de protection, de confiance et de présence des forces intérieures, auxquelles je veux à mon tour rendre hommage ce matin.

Comme je l'ai indiqué lors de l'examen des crédits en commission des lois, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, s'opposer à ce budget n'aurait que peu de sens dans la mesure où nous partageons plusieurs des constats qui y sont dressés et où nous reconnaissons les efforts consentis. En effet, nous sommes globalement en phase avec le diagnostic posé par les rapporteurs pour avis, en particulier Henri Leroy et Jérôme Darras.

Dans le contexte budgétaire difficile, comment ne pas souligner la hausse, même modeste, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ? Surtout, comment ne pas saluer les 1 000 emplois supplémentaires octroyés à la police et les 400 octroyés à la gendarmerie ?

Pour autant, si ces chiffres se rapprochent de la trajectoire financière de la Lopmi, l'objectif final a peu de chances d'être atteint au regard des retards accumulés, en particulier en fonctionnement et en investissement.

Nous restons en dessous du niveau des effectifs de 2007, avant la révision générale des politiques publiques. Or les défis en matière de sécurité se sont multipliés en vingt ans : les menaces terroristes, la cybercriminalité et le narcotrafic se sont ajoutés aux violences sexuelles et sexistes et, malheureusement, à toutes les violences du quotidien.

Des effectifs supplémentaires seraient encore nécessaires pour mettre fin à la sous-dotation des compagnies afin que nos forces de sécurité intérieure puissent répondre à l'intégralité des besoins qui remontent du terrain, qu'ils soient exprimés par les policiers et les gendarmes eux-mêmes, par les élus locaux, ou encore par nos concitoyens.

À cet égard, comme les rapporteurs spéciaux et pour avis, nous ne pouvons que regretter le contraste entre la dotation de la police et celle de la gendarmerie. Les crédits de la gendarmerie sont globalement en décalage avec les besoins, tant du point de vue des moyens opérationnels que du point de vue des effectifs, malgré le rattrapage tardif que constitue la création de 58 nouvelles brigades dans le cadre du plan 239 brigades.

Par ailleurs, il est dommage de constater que la dette grise continue de s'accumuler à cause du manque d'investissement dans les casernes et de la part croissante des loyers dans le budget immobilier depuis que les locations sont privilégiées par rapport à la détention patrimoniale. Sur cette question, un changement d'orientation serait souhaitable.

Comme je l'ai dit, la question des moyens de fonctionnement et d'investissement se pose. C'est un enjeu d'efficacité important pour nos gendarmes et nos policiers, mais aussi un élément d'attractivité et de fidélisation dans ces métiers essentiels.

Quand sont vieillissants ou inadaptés les voitures, les motos, les hélicoptères, les armes, les casernes, les bureaux, le matériel informatique ou les outils numériques, les conditions de travail en pâtissent forcément, de même que la manière dont on accueille les citoyens et les victimes.

Dans cette mission budgétaire, des progrès sont donc possibles et espérés, y compris pour la police judiciaire. Indéniablement, un geste est fait, et il était attendu depuis longtemps, y compris dans les récents rapports de nos ex-collègue Jérôme Durain et collègue Nadine Bellurot. Mais cet effort n'est pas suffisant pour résorber le stock énorme de procédures en souffrance, puisqu'il manquerait 2 500 enquêteurs en France, d'après les représentants des personnels que nous avons auditionnés. Nous présenterons donc des amendements pour aller plus loin sur la filière judiciaire, pour mieux mesurer, élucider et démanteler.

L'investigation est au cœur de la lutte contre la délinquance et la criminalité du haut du spectre dans les affaires sophistiquées de drogues, financières ou en lien avec d'autres trafics.

À l'autre bout du spectre, nous défendrons également un amendement pour rééquilibrer les emplois en faveur de la sécurité du quotidien.

Comment ne pas s'étonner que la police aux frontières, qui s'intéresse d'abord aux étrangers, voie ses effectifs augmenter, quand la police chargée de l'ordre public et de la sécurité publique voit dans le même temps ses effectifs diminuer ? C'est là un drôle de symbole : certains ici approuvent peut-être un tel choix politique, mais, de notre côté, nous voulons revenir dessus. Car la sécurité, ce sont des hommes et des femmes présents sur le terrain, visibles dans la rue, capables de prévenir les violences, de recueillir la parole et d'assurer le lien police-population. Sur ce dernier aspect, nous avons aussi des propositions à faire.

Enfin, parce que les métiers de la sécurité évoluent vite, et dans l'intérêt des agents qui les exercent comme des victimes qu'ils accompagnent, nous souhaitons pousser encore certains moyens pour les enquêtes et l'accueil, en particulier face aux violences sexistes et sexuelles, contre les adultes comme contre les enfants, dans le monde réel comme virtuel.

Contrairement aux apparences et à ce que pourraient laisser croire les gages dans nos amendements, nous ne voulons évidemment pas « déshabiller » la gendarmerie au profit de la police ou mieux doter la sécurité intérieure au détriment de la sécurité routière. D'ailleurs, dans le droit fil des vingt postes supplémentaires d'inspecteur du permis de conduire que notre groupe a fait voter samedi matin, nous vous suggérons davantage de formations associées.

Mes chers collègues, ainsi que nous l'avons montré au moment du vote de la Lopmi, puis, récemment, avec la proposition de loi sur le narcotrafic, nous ne sommes ni dans le déni des réalités en matière de sécurité ni dans le déni des efforts faits. Nous sommes dans l'exigence, parce que la sécurité est un droit fondamental, mais complexe à appréhender, qui implique des moyens, des indicateurs, de la transparence, de l'efficacité.

Le vote du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur les crédits de cette mission budgétaire ne sera pas défavorable. Mais nous tiendrons compte des évolutions encore possibles dans la discussion, notamment via nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Michel Masset et Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Sécurités », un budget essentiel pour protéger nos concitoyennes et nos concitoyens. Et pourtant, ce qui nous est présenté est bien loin d'être à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté.

Je souhaite d'abord évoquer la sécurité civile. Les chiffres pourraient, au premier regard, sembler encourageants : une hausse de 15 % en autorisations d'engagement et de 6 % en crédits de paiement. Mais cette augmentation ne fait que traduire tardivement et très partiellement les annonces du Président de la République en 2022. Ne vous y trompez pas, nous sommes loin de l'investissement nécessaire. Le Président de la République avait promis seize canadairs d'ici à 2027 ; dans ce budget, seuls deux avions bombardiers d'eau apparaissent. C'est très insuffisant au regard de l'urgence.

Pourtant, nous ne pouvons plus nous permettre d'ignorer la réalité. Les mégafeux se multiplient, deviennent plus intenses chaque année et mettent nos capacités de réponse au bord de la rupture. Chaque été, les incendies gagnent en intensité. Chaque année, les épisodes climatiques extrêmes se multiplient. Et chaque fois, nos moyens peinent à suivre.

Nous savons d'ailleurs désormais que la promesse du Président de la République ne sera pas tenue : l'échéance est repoussée de six ans, et le renouvellement intégral de la flotte n'est plus d'actualité. Si le Président de la République aime se voir en sauveur, ses renoncements budgétaires, eux, exposent nos concitoyens à un risque réel.

À ce titre, le rapport du Beauvau de la sécurité civile, publié au mois de septembre dernier, est clair. L'écrasante majorité des acteurs demandent un engagement beaucoup plus fort de l'État. Ils réclament de la cohérence, de la prévisibilité, des moyens pérennes. Ils attendent une stratégie nationale.

Pendant ce temps, les services départementaux d'incendie et de secours sont à bout de souffle. Les associations de sécurité civile survivent avec des moyens bien souvent dérisoires. Et pourtant, aucune proposition sérieuse ne figure dans ce programme : pas d'augmentation significative des financements pour les Sdis, pas de fonds national de péréquation pour les départements les plus exposés. Ce renoncement est lourd de conséquences.

Quant aux crédits de la police et de la gendarmerie, ils poursuivent leur expansion, mais pas toujours dans la bonne direction. La part dédiée à la police judiciaire est largement insuffisante. Il manque encore 2 500 enquêteurs. Et la police de proximité, celle du quotidien, est la grande oubliée. Ses effectifs sont diminués de vingt-trois ETP pour 2026, ses missions délaissées. Je ne peux que regretter ce choix politique.

Pourtant, la police de proximité a un double avantage. Elle rétablit la confiance entre la population et l'État, et elle contribue à restaurer un climat de sécurité pour nos concitoyennes et nos concitoyens. C'est cette confiance, qui, je le rappelle, est parfois aujourd'hui endommagée.

Le tout-répressif ne mène nulle part ; il alimente les tensions sans résoudre les problèmes de fond. C'est une impasse, et les chiffres de l'inflation répressive le démontrent.

J'aimerais enfin dire un mot de l'orientation préoccupante de votre politique migratoire. Vous affichez dans les documents budgétaires que la priorité en matière d'emploi reste mise sur le contrôle de nos frontières et la lutte contre l'immigration irrégulière. En ce sens, la police aux frontières voit ses effectifs augmenter de 288 ETP. Il est établi un lien implicite et persistant entre immigration et insécurité. Or ce lien est erroné et dangereux.

La sécurité civile devrait être notre première ligne de protection ; au lieu de cela, elle reste sous-financée. Ce n'est pas seulement une faute budgétaire : c'est une faute politique. Nous devons par ailleurs reconstruire de toute urgence – je l'ai dit – le lien social et la confiance entre la police et la population. Sortons de l'impasse du tout-répressif.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)